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Document 52014DC0604
COMMUNICATION FROM THE COMMISSION TO THE EUROPEAN PARLIAMENT AND THE COUNCIL Helping national authorities fight abuses of the right to free movement: Handbook on addressing the issue of alleged marriages of convenience between EU citizens and non-EU nationals in the context of EU law on free movement of EU citizens
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL Aider les autorités nationales à réprimer les abus du droit à la libre circulation: Manuel relatif aux mariages de complaisance entre des citoyens de l'Union et des ressortissants de pays tiers, dans le cadre de la législation de l'UE concernant la libre circulation des citoyens de l'Union
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL Aider les autorités nationales à réprimer les abus du droit à la libre circulation: Manuel relatif aux mariages de complaisance entre des citoyens de l'Union et des ressortissants de pays tiers, dans le cadre de la législation de l'UE concernant la libre circulation des citoyens de l'Union
/* COM/2014/0604 final */
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL Aider les autorités nationales à réprimer les abus du droit à la libre circulation: Manuel relatif aux mariages de complaisance entre des citoyens de l'Union et des ressortissants de pays tiers, dans le cadre de la législation de l'UE concernant la libre circulation des citoyens de l'Union /* COM/2014/0604 final */
I.
Introduction Le droit de circuler et de séjourner librement sur le
territoire de l'Union européenne est l’une des quatre libertés fondamentales
consacrées dans le droit de l'Union et il représente une pierre angulaire de
l'intégration européenne. La promotion et le renforcement de ce
droit constituent un objectif central de l'Union européenne. L'Union
européenne et ses États membres reconnaissent l'importance de protéger la
vie familiale afin de supprimer les obstacles à l'exercice de la liberté fondamentale
que constitue la liberté de circulation. En effet, si les citoyens de
l'Union ne pouvaient pas mener une vie familiale normale dans leur État membre
d'accueil, cette liberté fondamentale serait bafouée. Les
citoyens de l'Union qui jouissent de cette mobilité en exerçant en toute bonne
foi les droits conférés par la législation de l'Union sont intégralement
protégés par cette dernière. Néanmoins, comme dans tous les domaines du droit,
il peut arriver que des personnes tentent de profiter indûment de la liberté de
circulation, pour contourner les législations nationales relatives à
l'immigration. Les abus du droit à la libre circulation compromettent ce droit
fondamental des citoyens de l'Union. Il est dès lors essentiel, pour le
préserver, de lutter efficacement contre ces abus. Lors
de sa réunion des 26-27 avril 2012, le Conseil Justice et affaires
intérieures a approuvé la feuille de route intitulée «L'action de l'UE face à
la pression migratoire: une réponse stratégique», qui aborde la question des
mariages de complaisance destinés à faciliter l'entrée et le séjour illégaux de
ressortissants de pays tiers dans l'Union. Cette feuille de route énumère
plusieurs actions à entreprendre par la Commission et/ou par les États membres
pour mieux comprendre l'exercice abusif du droit de libre circulation par des
ressortissants de pays tiers et par la criminalité organisée en vue de
faciliter l'immigration clandestine. L'une de ces actions est l'élaboration
d'un «manuel sur les mariages de complaisance, comprenant des critères
indicatifs permettant d'aider à détecter ces mariages». Dans
sa communication du 25 novembre 2013 intitulée «Libre circulation des
citoyens de l'Union et des membres de leur famille: cinq actions pour faire la
différence»[1],
la Commission a précisé les droits et obligations des citoyens de l'Union
prévus par la législation européenne sur la libre circulation et défini cinq
actions devant aider les autorités nationales à l'appliquer effectivement sur
le terrain. Elle a rappelé que la législation de l'Union contient un
ensemble de garanties solides permettant aux États membres de lutter contre
les pratiques abusives. L'une des actions concrètes pour aider les autorités
à mettre ces garanties en œuvre en leur faisant produire tous leurs effets consistait
à élaborer, conjointement avec les États membres, un manuel sur les mariages
de complaisance. En
réponse à la demande des États membres évoquée plus haut, et en étroite
coopération avec eux, les services de la Commission ont donc rédigé un Manuel
relatif aux mariages de complaisance entre des citoyens de l'Union et des
ressortissants de pays tiers dans le cadre de la législation de l'UE concernant
la libre circulation des citoyens de l'Union, qui accompagne la présente
communication sous la forme d'un document de travail des services de la
Commission. Ce manuel est destiné à aider les autorités nationales à mieux
lutter contre les pratiques abusives prenant la forme de mariages de
complaisance, sans pour autant compromettre l'objectif fondamental consistant à
garantir et à faciliter la libre circulation des citoyens de l'Union et des
membres de leur famille qui utilisent de bonne foi la législation de l'Union. Il
ressort des données communiquées par les États membres sur les mariages de
complaisance détectés ces dernières années entre des ressortissants de pays
tiers et des citoyens de l’Union exerçant leur droit à la libre circulation au
sein de l'UE que ce phénomène est une réalité dont l'ampleur varie toutefois
considérablement d’un État membre à l’autre[2]. Si le nombre
de cas est peu élevé, l’implication de réseaux de criminalité organisée, dont
font état de récents rapports d'Europol, est, elle, préoccupante. Le
cadre légal en vigueur au niveau international et de l'Union, que les autorités
nationales doivent respecter dans leur lutte contre les pratiques abusives,
comprend la législation de l'UE sur la libre circulation des citoyens de
l'Union et des membres de leur famille, les droits et garanties consacrés dans
la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et d'autres
instruments pertinents du droit international tels que la convention européenne
des droits de l'homme. En
complément des orientations données aux États membres pour lutter contre les
abus prenant la forme de mariages de complaisance, dans la communication de la
Commission du 2 juillet 2009 concernant les lignes directrices
destinées à améliorer la transposition et l'application de la
directive 2004/38/CE[3]
(«lignes directrices de la Commission de 2009»), le manuel détaille ce
cadre juridique. Il explique clairement les conséquences pratiques de
l'application de ces règles, en donnant aux autorités nationales des
recommandations concrètes pour les aider à détecter efficacement les mariages
de complaisance présumés, et à enquêter sur ceux-ci. Les indications et
informations fournies dans le manuel devraient permettre de faire en sorte que,
dans toute l'Union, les pratiques des autorités nationales compétentes reposent
toutes sur les mêmes critères factuels et juridiques, et que le droit de l'UE
soit mieux respecté. Le
manuel n'est ni exhaustif ni juridiquement contraignant. Il ne remet pas en
cause le droit de l'Union en vigueur ni son évolution ultérieure. Il est
également sans préjudice de l'interprétation du droit de l'Union que la Cour de
justice pourrait donner et qui ferait autorité. La
présente communication résume l'essentiel du manuel, qui est structuré en
quatre parties: une «Introduction, des «Définitions», le «Cadre juridique
applicable» et les «Mesures opérationnelles relevant de la compétence
nationale». II. Principaux éléments du manuel 1.
Introduction Cette
partie mentionne expressément que le manuel ne concerne que les mariages de
complaisance entre un citoyen de l'Union et un ressortissant de pays tiers,
lorsque le premier a exercé son droit de libre circulation en résidant dans un
autre État membre. Les mariages entre deux citoyens de l'Union ne relèvent donc
pas de son champ d'application. Le manuel précise en outre que toute mesure
prise par des autorités nationales pour prévenir les pratiques abusives doit
respecter pleinement les règles et principes fondamentaux du droit de l'Union
et que le droit à la libre circulation est la règle cardinale, à laquelle il ne
peut être dérogé que dans des cas individuels exceptionnels, lorsqu'un abus
avéré le justifie. 2.
Définitions Les
recommandations données dans le manuel sont axées sur les mariages de
complaisance au sens de la directive 2004/38/CE[4]
(ci-après dénommée la «directive»), à savoir des unions contractées uniquement
en vue de faire bénéficier de la liberté de circulation et de séjour conférée
par la directive une personne qui autrement n'en jouirait pas.
L'article 35 de cette directive autorise les États membres à adopter les
mesures nécessaires pour refuser, annuler ou retirer tout droit conféré par la
directive en cas d'abus de droit ou de fraude, tels que les mariages de
complaisance. Les lignes directrices de la Commission de 2009 ont clarifié les
notions d'abus et de mariage de complaisance dans le contexte des dispositions
de l'Union relatives à la libre circulation. Le
manuel expose en détail les éléments constitutifs de ces notions et donne
d'autres indications permettant de distinguer entre les authentiques mariages
et les mariages de complaisance: il décrit les principales caractéristiques de
différentes formes de i) mariages authentiques qui sont parfois considérés, à
tort, comme des mariages de complaisance (par exemple, les mariages
arrangés, mariages par procuration ou mariages consulaires) et ii) mariages
fictifs (par exemple, les mariages de complaisance, mariages par tromperie,
mariages forcés ou les faux mariages) et il renvoie aux règles de l'Union
qui s'appliquent lorsque le mariage de complaisance comporte un aspect de
traite des êtres humains[5]. 3.
Cadre juridique applicable Le
manuel fait une présentation générale des règles dont les autorités nationales
doivent tenir compte lorsqu'elles prennent des mesures destinées à prévenir ou
à lutter contre les abus, notamment les dispositions de l'Union relatives à la
libre circulation et aux droits fondamentaux, et il illustre leurs conséquences
pratiques. 3.1
Règles et principes de l'UE en matière
de libre circulation des citoyens de l'Union En
ce qui concerne l'article 35 de la directive, qui prévoit que toute mesure
adoptée pour refuser, annuler ou retirer des droits conférés par la directive
en cas de mariage de complaisance doit être «proportionnée et soumise aux
garanties procédurales prévues aux articles 30 et 31 [de la directive]», le
manuel indique comment appliquer le principe général de proportionnalité dans
le contexte des décisions en question. Il souligne également que la nécessité
de veiller à ce que de telles mesures respectent la garantie matérielle de
proportionnalité, telle qu'elle est énoncée à l'article 35 de la
directive, transparaît aussi dans les garanties procédurales applicables à ces
mesures, prévues aux articles 30 et 31 de la directive. 3.2
Contexte plus large du droit européen et
du droit international Le
manuel rappelle les droits fondamentaux consacrés dans des instruments de droit
européen et de droit international dont il doit être tenu compte lorsque des
mariages de complaisance sont détectés, font l'objet d'une enquête et sont
sanctionnés. Il s'agit plus particulièrement du droit au mariage, du droit au
respect de la vie privée et familiale, des droits de l'enfant, ainsi que de
l'interdiction des discriminations, du droit à un recours effectif et des
droits de la défense, tels qu'ils sont inscrits dans la charte des droits
fondamentaux de l'Union européenne (ci-après dénommée la «charte»). Comme
la signification et la portée des droits consacrés dans la charte, qui
correspondent aux droits garantis par la convention européenne des droits de
l'homme (ci-après dénommée la «convention»), devraient être identiques à
celles prévues par cette dernière[6],
le manuel résume les principaux éléments des dispositions correspondantes de la
convention ainsi que la jurisprudence en la matière de la Cour européenne des
droits de l'homme (ci-après dénommée la «CEDH»), de sorte à donner des
orientations sur leur interprétation. En
ce qui concerne le droit de se marier et de fonder une famille, inscrit
à l'article 9 de la charte et à l'article 12 de la convention, le
manuel relève que ce dernier confère aux autorités nationales un certain
pouvoir d'appréciation pour décider comment régir l'exercice, au niveau
national, du droit de se marier, mais que cette latitude est limitée, et il
présente la jurisprudence pertinente de la CEDH[7]. En
ce qui concerne le droit au respect de la vie familiale, inscrit à
l'article 7 de la charte et à l'article 8 de la convention, le manuel
cite la jurisprudence de la CEDH[8]
qui définit les facteurs à prendre en compte pour les mariages de complaisance,
en vue d'apprécier si une décision interdisant l'entrée et le séjour sur le
territoire peut être considérée comme nécessaire dans une société démocratique
et comme proportionnée au but légitime poursuivi, de sorte qu'elle ne porte pas
atteinte au droit au respect de la vie familiale. Lorsqu'un
mariage de complaisance a des conséquences sur des enfants (issus, la plupart
du temps, des relations antérieures des époux), le manuel souligne la nécessité
de bien tenir compte des droits des enfants, conformément à l'article 24
de la charte et à l'article 8 de la convention, qui sont également
applicables. L'article 24 de la charte étant fondé sur la convention des
Nations unies sur les droits de l'enfant, et notamment sur ses articles 3,
9, 12 et 13, le manuel renvoie aux conseils plus pratiques concernant leur
application mentionnés dans les Principes directeurs du HCR relatifs à la
détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant, publiés en mai 2008[9].
Il précise notamment qu'en cas de mariage de complaisance, lorsque l'un des
époux ou les deux époux ont la responsabilité parentale d'un enfant, il
convient d'accorder suffisamment d'importance au bien-être de l'enfant quand il
s'agit de décider si la ou les personne(s) investie(s) de cette responsabilité
doi(ven)t faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Le
manuel rappelle également que, si les enfants concernés sont ressortissants de
l'État membre d'accueil, ils bénéficient d'une protection supplémentaire en
vertu des législations interne et internationale qui interdisent l'expulsion de
ses propres ressortissants ou, dans des cas exceptionnels, en vertu de la
jurisprudence de la Cour de justice sur la citoyenneté de l'Union, dans le cas
où l'éloignement d'un parent ressortissant d'un pays tiers qui a contracté un
mariage de complaisance obligerait l'enfant à quitter l'État membre d'accueil[10]
ou le territoire de l'Union dans son ensemble[11]. Enfin,
le manuel souligne que, lorsqu'elles prennent des mesures pour lutter contre
les abus potentiels, les autorités nationales ne doivent pas soumettre les
personnes concernées à des traitements dégradants ni commettre de
discrimination fondée sur un quelconque motif tel que le sexe, la race, la
couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques,
la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute
autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la
naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle, car ces mesures
violeraient, respectivement, l'article 4 de la charte (et
l'article 3 de la convention) et l'article 21 de la charte (et
éventuellement l'article 14 de la convention également). 3.3
Règles de preuve et charge de la preuve Le
manuel souligne que toutes les mesures prises par des autorités nationales pour
enquêter sur des mariages de complaisance présumés et pour rassembler des
preuves doivent respecter les garanties procédurales essentielles imposées par
le droit national et le droit de l'Union. Un mariage ne peut donner lieu à
enquête que s'il existe des doutes raisonnables quant à son authenticité. Bien
que, cependant, ces doutes raisonnables constituent un motif suffisant pour
ouvrir une enquête, lorsque celle-ci a eu lieu et a conduit à la conclusion
qu'il s'agit d'un mariage de complaisance, les droits conférés par la
législation sur la libre circulation ne peuvent être refusés que si l'abus est
prouvé par les autorités nationales, dans le respect des règles de preuve en
vigueur[12]. Quant
à la charge de la preuve, le manuel explique, en complément des indications
données dans les lignes directrices de la Commission de 2009, comment elle
fonctionne en pratique. Il précise notamment que, la charge de la preuve
incombant aux autorités nationales, les couples mariés ne sauraient être tenus,
par principe, de prouver que leur mariage n'est pas fictif. Néanmoins, si les
autorités nationales ont des soupçons fondés quant à l'authenticité d'un
mariage donné, qui sont étayés par des preuves (telles que des informations
contradictoires fournies par les époux), elles peuvent inviter le couple à
produire d'autres documents ou éléments de preuve pertinents. Les
époux ont l'obligation de coopérer avec les autorités, ce dont ils doivent être
informés. S'ils ne produisent pas les preuves, propres à dissiper les soupçons,
que l'on peut raisonnablement attendre d'un couple authentique ou, même, s'ils
décident de ne fournir aucune preuve, cela ne saurait constituer le motif
unique ou déterminant pour conclure qu'il s'agit d'un mariage de complaisance.
Il peut toutefois en être tenu compte par les autorités, en plus d'autres
circonstances pertinentes, dans leur appréciation de la nature du mariage. 3.4
Garanties procédurales Le
manuel expose en détail les garanties procédurales que les autorités nationales
doivent respecter, conformément à l'article 35 de la directive,
lorsqu'elles adoptent une décision susceptible de restreindre le droit à la
libre circulation en raison de l'existence d'un mariage de complaisance, à
savoir les garanties prévues aux articles 30 et 31 de la directive, qui
réglementent en particulier les questions liées à la notification de ces
décisions et leur contrôle juridictionnel. Il
rappelle, en outre, que les garanties prévues par la directive doivent aussi
être replacées dans le contexte d'autres droits fondamentaux applicables, tels
que le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, et les
droits de la défense (respectivement, articles 47 et 48 de la charte). 4.
Mesures opérationnelles relevant
de la compétence nationale Dans
cette partie, le manuel décrit des pratiques opérationnelles inspirées des
pratiques observées dans les États membres, pour aider les autorités nationales
à détecter efficacement les mariages de complaisance présumés, et à enquêter
sur ceux-ci. Il offre une panoplie de solutions qui permettront aux États
membres de mettre en place des dispositifs opérationnels spécialement adaptés à
leurs besoins et aux ressources disponibles, sans toutefois constituer un
modèle universel pour toutes les formes et procédures d'enquête. 4.1
Les indices d'abus potentiel pouvant
déclencher une enquête S'agissant
des éléments qui peuvent déclencher une enquête, le manuel explique plus en
détail les lignes directrices de la Commission de 2009 - ainsi que la
résolution du Conseil du 4 décembre 1997 sur les mesures à adopter en
matière de lutte contre les mariages de complaisance[13]
- traitant de l'application de critères indicatifs, les «indices d'abus»,
afférents à des caractéristiques censées être constatées beaucoup plus
fréquemment dans les couples fictifs que dans les couples authentiques. La
notion d'«indices d'abus» employée dans le manuel doit s'entendre comme
signifiant que ces indices observés par les autorités nationales ne confirment
jamais automatiquement ni obligatoirement la nature fictive du mariage
considéré. Il doit toujours y avoir une appréciation neutre et plus large de
tous les éléments, tant à charge qu'à décharge du soupçon initial d'abus. En
effet, lorsque les autorités nationales interviennent contre les abus sur le
terrain, elles peuvent se trouver face à des couples atypiques mais
authentiques qui, à première vue, semblent présenter plusieurs caractéristiques
d'un mariage de complaisance. C'est pourquoi le manuel propose un «dispositif
à double tour» qui doit être appliqué pour réduire au minimum le risque de
fausses identifications positives (par exemple, lorsque les époux ne font
pas ménage commun ou que l'un des époux a un dossier d'immigration défavorable). Ce
dispositif implique, d'une part, une application rigoureuse du principe qui
veut que la libre circulation soit la règle cardinale et qu'elle ne puisse être
limitée que dans des cas déterminés, lorsqu'un abus le justifie. Il
implique, d'autre part, que les autorités nationales qui enquêtent sur l'abus
ne devraient pas, en principe, s'appuyer principalement sur des indices d'abus
pour étayer leurs soupçons initiaux concernant le mariage en cause. Au
contraire, elles devraient d'abord prendre en considération des «indices
d'absence d'abus» (par exemple, une relation de longue durée, un
engagement juridique ou financier sérieux de long terme ou le partage de la
responsabilité parentale) qui conduiraient à conclure qu'il s'agit d'un
authentique couple et qu'il jouit du droit de circuler et de séjourner
librement. Ce n'est que si l'examen des «indices d'absence d'abus» ne
confirmait pas la nature authentique du mariage en cause que les autorités
décideraient de vérifier l'existence d'«indices d'abus». Les
indices d'abus potentiel, qui désignent certaines caractéristiques que les
couples fictifs sont beaucoup plus susceptibles de présenter que les couples
authentiques, sont répartis en plusieurs groupes, correspondant aux différentes
phases du «cycle de vie» des mariages de complaisance. Des exemples de ces
indices sont présentés ci-après, à titre d'illustration. Avant
la rencontre des futurs époux: par rapport aux ressortissants de
pays tiers de bonne foi, les candidats au mariage fictif sont davantage
susceptibles: d'être entrés illégalement ou de se trouver en séjour irrégulier
dans un État membre de l'UE; d'avoir déjà contracté des mariages de
complaisance ou commis d'autres formes d'abus ou de fraude antérieurement; par
rapport aux citoyens de l'Union de bonne foi, ils sont davantage
susceptibles d'être dans une mauvaise situation financière (par exemple,
fortement endettés). Dans
la phase précédant le mariage: par rapport aux couples authentiques,
les candidats au mariage fictif sont davantage susceptibles: de ne jamais
s'être rencontrés en personne avant le mariage; de ne pas parler une langue
commune comprise par les deux époux (et il n'existe aucune preuve qu'ils
s'efforcent d'établir un mode de communication commun). Lorsque
les futurs époux se préparent à célébrer le mariage: par rapport aux
couples authentiques, les candidats au mariage fictif sont davantage
susceptibles: de choisir un lieu de mariage qui est connu pour être propice aux
abus ou qui a des liens potentiels avec la criminalité organisée; de remettre
une somme d'argent ou des cadeaux pour que le mariage soit contracté (sauf
si c'est sous la forme d'une dot dans les cultures dans lesquelles c'est une
pratique courante); de présenter des documents contradictoires, qui font
soupçonner une falsification ou mentionnent une fausse adresse. Lorsque,
après le mariage, l'époux ressortissant d'un pays tiers demande un visa
d'entrée ou un titre de séjour: par rapport aux couples authentiques,
les couples fictifs sont davantage susceptibles: de fournir des informations
contradictoires ou fausses au sujet de l'autre époux sur des questions
personnelles essentielles (nom, date de naissance et âge, nationalité,
membres de la famille les plus proches, éventuels mariages antérieurs,
éducation, profession); d'indiquer une fausse adresse; d'être dans une
situation où l'époux ressortissant d'un pays tiers vit avec quelqu'un d'autre. Lorsque
le couple a obtenu des documents autorisant
l'entrée ou le séjour et qu'il réside dans l'État membre d'accueil: par
rapport aux couples authentiques, les couples fictifs sont davantage susceptibles:
de ne pas maintenir leur communauté de vie ou de continuer de vivre séparément
après leur mariage, sans aucun motif plausible (par exemple leur profession,
des enfants issus d'une relation antérieure qui vivent à l'étranger);
d'être dans une situation où l'un des époux vit avec quelqu'un d'autre. Lorsque
les époux effectuent des démarches pour mettre officiellement fin à leur
mariage:
par rapport aux couples authentiques, les couples fictifs sont davantage
susceptibles de divorcer peu après que l'époux ressortissant d'un pays tiers a
acquis un droit de séjour indépendant ou la nationalité de l'État membre
d'accueil. 4.2
L'enquête sur les mariages de
complaisance Le
manuel présente les principaux moyens utilisés par les autorités nationales
pour enquêter sur les mariages de complaisance, à savoir les entretiens ou
questionnaires simultanés, les vérifications de documents ou d'antécédents, les
inspections par les services de police, de l'immigration ou d'autres autorités
compétentes, et les enquêtes de voisinage pour vérifier si le couple vit
ensemble et administre conjointement le ménage. Dans ce contexte, il rappelle
l'importance de respecter les garanties applicables et le droit des personnes
au respect de leur vie privée, et il établit des pratiques communes développées
par des autorités nationales pour optimiser l'efficacité de ces moyens. 4.3.
La coopération transfrontière pour
lutter contre les mariages de complaisance Le
manuel souligne à quel point la coopération transfrontière peut faciliter la
détection efficace des mariages de complaisance ainsi que les enquêtes et les
poursuites en la matière. Il détaille, en particulier, l'appui qu'Europol peut
apporter aux autorités nationales, lorsque la criminalité organisée participe à
la traite des êtres humains, et Eurojust, notamment pour les enquêtes ou les
poursuites relatives à certains actes et pour la coordination entre les
autorités nationales. Il explique également comment Europol et Eurojust peuvent
aider les États membres à mettre en place des équipes communes d'enquête et
dans quelles situations ces équipes peuvent être utiles et adaptées. 4.4
Le rôle des différentes autorités
nationales Dans
cette partie finale, le manuel répertorie les diverses autorités au niveau
national susceptibles de participer à la lutte contre les mariages de
complaisance et il souligne plus particulièrement la nécessité d'adopter des
mesures holistiques contre ces mariages et de préciser le rôle des différents
acteurs nationaux. En fonction de leurs besoins spécifiques, les États membres
devraient également réfléchir au moyen de coordonner au mieux l'action de tous
les intervenants majeurs, par exemple en créant un organisme central de
coordination ou des points de contact dans chacun des services concernés. [1] COM(2013)
837 final - http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52013DC0837&rid=1. [2] Communication
intitulée «Libre circulation des citoyens de l'Union et des membres de leur
famille: cinq actions pour faire la différence», précitée, section 3.1. [3] COM(2009) 313 final. [4] Considérant 28
de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil
du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et
des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le
territoire des États membres (JO L 158, p. 77). [5] Directive
2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant
la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène
ainsi que la protection des victimes - http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2011:101:0001:0011:FR:PDF. [6] Article 52,
paragraphe 3, de la charte; voir également les explications relatives à la
charte (JO C 303 du 14.12.2007, p. 2) concernant la
signification et la portée de certaines dispositions de la charte par rapport
aux dispositions correspondantes de la convention. [7] Par
exemple, les décisions rendues par la Commission européenne des droits de
l'homme dans les affaires Sanders c. France (requête 31401/96) et Klip
et Krüger c. Pays-Bas (requête 33257/96). [8] Arrêt Űner
c. Pays-Bas (affaire 46410/99). [9] http://www.unhcr.fr/4b151b9f2d.html?_ga=1.187311784.1467165960.1404917373. [10] Article 3
du protocole nº 4 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et
des libertés fondamentales. [11] Voir,
notamment, les affaires C-34/09, Ruiz Zambrano, C-256/11, Dereci,
et les affaires jointes C‑356/11 et C‑357/11,
O. et S. [12] Des
règles de preuve différentes peuvent s'appliquer selon que la pratique abusive
est poursuivie dans le cadre du droit pénal, de la législation sur
l'immigration, du droit administratif ou de la législation sur l'état civil. [13] http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31997Y1216(01):FR:HTML.