AVIS
|
Comité économique et social européen
|
Révision de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires
|
_____________
|
Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil
relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (refonte)
[COM(2022) 541 final — 2022/0345 (COD)]
|
|
NAT/877
|
|
Rapporteur: Stoyan TCHOUKANOV
|
|
Consultation
|
Parlement européen, 19/01/2023
Conseil, 24/01/2023
|
Base juridique
|
Article 192, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
|
|
|
Compétence
|
Section «Agriculture, développement rural et environnement»
|
Adoption en section
|
03/02/2023
|
Adoption en session plénière
|
22/02/2023
|
Session plénière nº
|
576
|
Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)
|
198/1/4
|
1.Conclusions et recommandations
1.1Le CESE soutient l’approche de la Commission visant à mettre à jour les règles de l’Union relatives aux eaux urbaines résiduaires, à les préparer pour les vingt prochaines années en abordant non seulement le traitement des eaux usées, mais aussi les aspects liés à l’énergie et à l’économie circulaire, ainsi qu’à en améliorer la gouvernance.
1.2Le CESE reconnaît que l’eau propre est une ressource stratégique pour garantir le fonctionnement de notre société et la résilience de l’économie européenne, ainsi que pour l’environnement et la santé humaine, et estime dès lors qu’elle doit être traitée avec tout le soin nécessaire. Quelque 60 % des districts hydrographiques de l’UE sont transfrontaliers et nécessitent une coopération transfrontière. La récente catastrophe écologique du fleuve Oder devrait servir d’exemple à ne pas suivre en matière de coopération ratée et de manque de transparence.
1.3Le CESE réaffirme que la pollution doit toujours être traitée avant tout à la source, mais relève que le traitement des eaux urbaines résiduaires constitue un dernier filtre important pour protéger les eaux réceptrices, ce qui présente des avantages pour l’environnement, la santé humaine et la société.
1.4Les micropolluants, tels que les résidus pharmaceutiques, sont de plus en plus préoccupants pour la qualité de l’eau. Par conséquent, le CESE accueille favorablement la proposition visant à ce que certaines stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires mettent en place des traitements supplémentaires en vue de les éliminer et souligne la nécessité de déployer des efforts considérables pour «s’affranchir» des anciennes normes en adoptant de nouvelles méthodes de traitement innovantes.
1.5Afin de garantir la mise en œuvre du principe du «pollueur-payeur» et le caractère abordable des services liés à l’utilisation de l’eau, le CESE soutient fermement la proposition de responsabilité élargie des producteurs qui imposerait à ceux-ci de couvrir le coût de l’élimination, dans les eaux usées, des micropolluants provenant de leurs produits. Les dérogations doivent cependant être strictement limitées pour que ce dispositif soit efficace.
1.6Si la directive est étendue aux agglomérations présentant un équivalent habitant (EH) de 1 000, il convient de prévoir des solutions décentralisées au moyen d’installations de petite taille, en accordant une attention particulière à la fonctionnalité.
1.7Les débordements d’égouts constituent des foyers de pollution, comprenant notamment des gènes de résistance aux antimicrobiens, des microplastiques et des substances toxiques dangereux pour la vie aquatique, la santé humaine et l’état des eaux de plaisance. La directive devrait instaurer un plafond quant à leur présence et les informations communiquées au public devraient fournir un aperçu complet de la charge polluante induite par les débordements. Le ruissellement urbain, sous la forme d’eaux de pluie polluées (y compris la neige) provenant du milieu urbain, par exemple les routes, devrait être collecté et correctement traité avant d’être rejeté dans les eaux réceptrices.
1.8Le changement climatique a une incidence sur le cycle de l’eau, et, selon les prévisions, les précipitations abondantes et les sécheresses devraient augmenter. Des mesures préventives, telles que des solutions bleues et vertes qui captent et retiennent les eaux de pluie, par exemple au moyen de toitures végétales ou de jardins de pluie, réduisent la charge qui pèse sur les égouts (limitant ainsi le risque de débordement) et présentent de nombreux avantages connexes pour le milieu urbain.
1.9Le CESE est préoccupé par le fait que l’eau et l’assainissement, bien qu’ils soient des services publics, sont parfois fournis par des entreprises privées. Des règles et des réglementations doivent être mises en place pour garantir que les services publics ne soient pas gérés à des fins lucratives et que les recettes soient investies dans l’entretien et l’amélioration des services.
1.10Le CESE souligne que l’eau est une ressource vitale, mais de plus en plus rare. Deux tiers des citoyens européens considèrent la qualité de l’eau et/ou les quantités d’eau disponibles dans leur pays comme un problème grave. Pour réussir la mise en œuvre de l’ODD 6 «Garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement» et pour éviter de futures crises, ces préoccupations doivent être traitées de toute urgence. Garantir le caractère abordable de l’eau devrait être une priorité pour tous les États membres.
1.11Le CESE invite également les institutions européennes à commencer à faire de l’eau une priorité et à élaborer un «pacte bleu pour l’Europe», soit une démarche radicale visant à anticiper les besoins, à préserver les ressources hydriques et à gérer correctement les défis connexes au moyen d’une feuille de route exhaustive et coordonnée, fixant des objectifs ambitieux et des actions à entreprendre pour atteindre des jalons préalablement convenus. Le CESE formulera des propositions concrètes en vue d’un pacte bleu pour l’Europe dans le courant de l’année 2023.
2.Proposition de la Commission
2.1Il est proposé d’étendre le champ d’application de la directive aux agglomérations ayant un équivalent habitant (EH) de 1 000, ce qui signifie que les petites villes seront également tenues de collecter et de traiter les eaux urbaines résiduaires et pourront solliciter un financement de l’UE à cet effet. La Commission élaborera de nouvelles normes en ce qui concerne les installations décentralisées et les États membres devront en assurer une meilleure surveillance et une meilleure inspection.
2.2Les débordements d’égouts et le ruissellement urbain se révèlent être d’importantes sources d’eaux urbaines résiduaires non traitées et les États membres seront tenus de mettre en place des plans de gestion intégrée des eaux urbaines résiduaires afin de réduire la pollution qu’elles entraînent. Il convient de donner la priorité aux mesures préventives, telles que les solutions bleues et vertes, ainsi qu’à l’optimisation des systèmes existants grâce aux techniques numériques.
2.3Afin de réduire les émissions d’éléments nutritifs, de nouvelles limites seront instaurées concernant l’élimination de l’azote et du phosphore, dans un premier temps pour les grandes installations dont l’EH est supérieur à 100 000, puis pour les installations de taille moyenne ayant un EH de plus de 10 000 dans les zones où l’eutrophisation reste problématique. Toutes les grandes installations et les installations de taille moyenne seront en outre obligées d’éliminer les micropolluants là où ils présentent un risque pour l’environnement ou la santé humaine. En vue de limiter la charge de substances non traitables et d’ainsi renforcer les possibilités de circularité, les États membres seront désormais tenus de traiter à la source les rejets non domestiques dans les égouts.
2.4Une responsabilité élargie des producteurs sera instaurée et imposera aux fabricants de produits pharmaceutiques et de produits soumis aux règles européennes en matière de produits cosmétiques d’apporter une contribution financière afin de couvrir le coût de la mise à niveau et de la surveillance nécessaires pour éliminer les micropolluants et d’encourager la mise au point de produits plus respectueux de l’environnement.
2.5Un nouvel objectif de neutralité énergétique a été défini pour le secteur des eaux usées d’ici à 2040, ce qui signifie que l’énergie consommée par ce secteur au niveau national devra être équivalente à la quantité d’énergie renouvelable qu’il produit.
2.6La proposition fixe à 2040 la date limite de mise en conformité totale, avec des délais intermédiaires pour garantir des progrès.
3.Observations générales
3.1Essentielle au fonctionnement des écosystèmes et de notre société ainsi qu’à l’activité socio-économique, l’eau propre est l’une de nos ressources les plus précieuses. L’agriculture, la production d’énergie et le secteur du tourisme sont tous fortement tributaires de l’accès à une eau salubre. Les Nations unies considèrent l’accès à l’eau propre et à l’assainissement comme un besoin humain élémentaire en matière de santé et de bien-être dans le cadre des objectifs de développement durable. Cependant, l’eau douce est soumise à la pression de toute une série d’activités, et cette pression devrait s’accentuer en conséquence du changement climatique.
3.2La directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires est l’élément central de la législation européenne qui vise à protéger l’environnement contre les incidences négatives des eaux usées non traitées. Cette directive est en vigueur depuis plus de 30 ans et, depuis son adoption, la qualité des cours d’eau, des lacs et des mers en Europe s’est considérablement améliorée, bien que deux tiers des masses d’eau de surface ne soient toujours pas dans un état satisfaisant. Les pays de l’UE ont mis en place des systèmes de collecte et des stations d’épuration des eaux usées avec l’aide financière de l’UE. La directive est très largement respectée dans l’ensemble de l’UE: 98 % des eaux usées sont collectées et 92 % sont traitées de manière satisfaisante, en accord avec l’actuel champ d’application de la directive.
3.3La révision en cours pourrait permettre de mettre à jour cette directive en s’attaquant aux sources restantes d’eaux usées non traitées et aux nouveaux polluants, ainsi qu’en améliorant les aspects du traitement des eaux usées liés à l’énergie et à l’économie circulaire dans la logique du pacte vert et de la numérisation de l’Europe. Toutefois, le CESE invite les institutions européennes à inclure les eaux résiduaires dans une vision plus large, à commencer à faire de l’eau une priorité et à élaborer un «pacte bleu pour l’Europe», soit une démarche radicale visant à anticiper les besoins, à préserver les ressources hydriques et à gérer correctement les défis connexes au moyen d’une feuille de route exhaustive et coordonnée, fixant des objectifs ambitieux et des actions à entreprendre pour atteindre des jalons préalablement convenus. Le CESE formulera des propositions concrètes en vue d’un pacte bleu pour l’Europe dans le courant de l’année 2023.
3.4D’importants investissements sont nécessaires dans le secteur de l’eau. L’OCDE a estimé que tous les États membres, à l’exception de l’Allemagne, devaient augmenter leurs dépenses d’au moins 25 % pour se conformer aux exigences de la directive existante. Cette estimation ne tient toutefois pas compte du coût de l’entretien des égouts. Les nouvelles règles nécessiteront des investissements supplémentaires et il est essentiel que le financement, en plus de provenir des tarifs de l’eau et du budget public, soit étendu aux secteurs qui contribuent à la pollution des eaux urbaines résiduaires afin de maintenir l’accès à l’eau et à l’assainissement à un prix abordable pour les ménages.
3.5Le traitement des eaux usées a un coût et nécessite des moyens sous la forme de ressources et d’énergie. La pollution doit toujours être avant tout traitée à la source et cette approche doit être privilégiée par rapport aux solutions de fin de chaîne. Les actions engagées devraient donc, dans la mesure du possible, limiter les émissions de substances nocives dans l’environnement et la société en premier lieu. Le traitement des eaux urbaines résiduaires fait office de dernier filtre pour protéger les eaux réceptrices et remplir les objectifs de la législation européenne dans le domaine de l’eau. Le CESE plaide donc en faveur d’une plus grande synergie avec les stratégies de développement urbain (programme urbain pour l’UE, accord de Ljubljana, différents partenariats thématiques, etc.).
3.6Des efforts supplémentaires devraient être consentis pour favoriser la participation des citoyens aux questions liées à la collecte, au traitement et à la gestion des eaux urbaines résiduaires. Le grand public devrait être associé à la mise en œuvre du traitement des eaux usées au sens où il doit non seulement en être informé, mais aussi être invité à y prendre part. Des mécanismes devraient être instaurés dans tous les États membres pour permettre aux citoyens de signaler les défaillances observées dans la collecte ou le traitement des eaux urbaines résiduaires, en accordant une attention particulière aux rejets industriels illégaux.
3.7L’Europe est fortement susceptible de jouer un rôle de premier plan dans la fourniture de solutions pour le secteur du traitement des eaux usées, depuis les technologies de traitement avancées jusqu’aux solutions énergétiques. Le développement du secteur des eaux usées offre des perspectives d’innovation et de technologie et constitue une occasion d’exporter des connaissances et d’attirer de jeunes entrepreneurs.
4.Observations particulières
4.1Les eaux urbaines résiduaires sont une empreinte de la société et de nos modes de consommation et de production. Elles comprennent un mélange complexe de rejets domestiques, d’eaux de ruissellement provenant des rues et des bâtiments ainsi que d’effluents industriels et d’autres effluents non domestiques et elles doivent être traitées de manière adéquate pour ne pas constituer une menace pour la santé humaine et l’environnement ou altérer les eaux de plaisance. Les conditions de travail ainsi que la santé et la sécurité des personnes qui travaillent dans le système de traitement des eaux urbaines résiduaires devraient constituer une priorité essentielle.
4.2L’objectif global pour 2040, assorti d’objectifs intermédiaires, définit une trajectoire claire en ce qui concerne le traitement des eaux usées pour les vingt prochaines années. Toutefois, nous ne saisissons pas totalement les risques que présentent les mélanges de produits chimiques dans les eaux de surface pour les organismes aquatiques, et bon nombre de ces substances chimiques proviennent de produits que nous utilisons dans nos propres foyers. En outre, la collecte et le traitement des eaux usées entraînent de lourdes charges financières pour la construction, l’entretien et l’exploitation, ainsi que d’importantes émissions de gaz à effet de serre. Les examens et évaluations de parties clés des directives relatives au traitement des eaux urbaines résiduaires et aux boues d’épuration offrent l’occasion de moderniser et d’améliorer la cohérence dans l’ensemble du secteur et contribuent à concrétiser les ambitions du pacte vert pour l’Europe.
4.3La résistance aux antimicrobiens est de plus en plus préoccupante pour la société, et les eaux urbaines résiduaires, qu’elles soient traitées ou non, en sont des foyers de propagation. Cette résistance est induite non seulement par une utilisation excessive d’antibiotiques, mais aussi par d’autres agents antimicrobiens, tels que les fongicides, les agents antiviraux, les parasiticides, ainsi que certains désinfectants et antiseptiques, tous utilisés en milieu urbain, en particulier dans les hôpitaux. Selon un rapport des Nations unies, si aucune mesure n’est prise, comme la réduction de l’utilisation excessive d’agents antimicrobiens, dix millions de personnes pourraient mourir chaque année d’une infection résistante aux antibiotiques d’ici à 2050.
4.4Le ruissellement urbain permet largement aux contaminants, qu’ils soient toxiques, non biodégradables ou nouveaux, de pénétrer dans les écosystèmes aquatiques, notamment les débris plastiques, les hydrocarbures, les détergents, les hormones, les solvants, les agents pathogènes, les pesticides, les métaux lourds et les nanomatériaux manufacturés. Bien qu’elles soient polluées, les eaux de ruissellement urbain sont souvent gérées comme des eaux de pluie propres par manque de surveillance et ne sont pas traitées avant d’être rejetées dans les eaux réceptrices. Elles présentent ainsi un risque majeur pour les écosystèmes. À titre d’exemple, il a été observé qu’une substance toxique (6PPD-quinone) présente dans les pneus des voitures entraînait une mortalité élevée chez le saumon.
4.5Les débordements d’égouts sont des foyers de micropolluants, d’agents résistants aux antimicrobiens, de microplastiques et de déchets qui pénètrent dans les eaux réceptrices. Ils représentent une menace pour l’environnement et la santé humaine, mais aussi pour le secteur du tourisme, qui dépend de la propreté des eaux de plaisance. La charge d’eau de pluie dans les égouts peut être réduite en mettant en place des solutions bleues et vertes qui permettent de retenir l’eau et de la laisser s’infiltrer dans le sol, y compris l’installation de toitures vertes, l’élimination de surfaces impénétrables et la création de jardins de pluie. Ces solutions constituent non seulement un moyen efficace au regard de leur coût de retenir l’eau de pluie, mais elles offrent également de nombreux avantages connexes pour le milieu urbain, notamment en réduisant le risque d’inondation, en limitant les îlots de chaleur et en augmentant la biodiversité et le bien-être en ville. Pour réaliser la transition vers un traitement plus efficace des eaux résiduaires et une économie circulaire, il est nécessaire de modifier non seulement les approches réglementaires et institutionnelles, mais aussi la manière dont, en tant que citoyens, nous appréhendons nos responsabilités individuelles et collectives en matière de gestion des eaux usées.
4.6Le CESE est favorable à l’obligation de lancer des plans intégrés de traitement des eaux urbaines résiduaires dans le but de réduire les débordements d’égouts et la pollution due au ruissellement urbain. Cependant, bien que l’intention qui les sous-tend soit louable, ces plans de gestion risquent de devenir des coquilles vides, étant donné que leur contenu et leur objectif (réduire les débordements des égouts unitaires à 1 % du débit de temps sec) sont purement indicatifs. Une bonne gestion des eaux de pluie est essentielle non seulement pour prévenir la pollution des eaux réceptrices, mais aussi pour adapter les villes à un climat en mutation où les précipitations intenses et les vagues de chaleur prolongées s’inscriront dans une nouvelle normalité, étant donné que les phénomènes météorologiques extrêmes et d’autres risques climatiques gagnent en fréquence et en gravité dans toute l’Europe.
4.7Il a été démontré que le traitement avancé («quaternaire») réduit la charge d’un large éventail de substances nocives dans les eaux réceptrices. Les nouvelles exigences applicables aux grandes installations et à certaines installations de taille moyenne en matière de surveillance et d’élimination des micropolluants sont donc les bienvenues. Toutefois, il convient de prêter attention aux effets en matière de coût et d’élimination que produisent différentes techniques, telles que l’ozonation ou le charbon actif. Un financement adéquat de la recherche et du développement en ce qui concerne les nouvelles technologies ainsi que des programmes d’éducation destinés au personnel opérationnel harmonisés au niveau européen contribueront à prévenir et à traiter les nouveaux polluants.
4.8L’introduction de la responsabilité élargie des producteurs constitue un grand pas en avant pour le principe du «pollueur-payeur» et une réponse opportune au constat de la Cour des comptes européenne selon lequel les coûts de la pollution restent largement supportés par les contribuables. Elle est également conforme à l’intégration du principe du pollueur-payeur dans la législation environnementale, en renforçant le système de responsabilité environnementale au niveau européen et en protégeant mieux les fonds de l’UE contre leur utilisation pour financer des projets qui devraient être payés par le pollueur.
4.9L’eutrophisation reste un problème dans l’UE: plus de 30 % des cours d’eau, des lacs et des eaux côtières et 81 % des eaux marines de l’Union sont touchés et peu de progrès ont été accomplis ces dix dernières années. Il est donc positif que des dispositions aient été mises à jour et harmonisées afin de garantir que toutes les grandes installations soient tenues de réduire les éléments nutritifs d’ici à 2035, et d’ici à 2040 pour les installations moyennes qui déversent leurs rejets dans des zones sensibles à l’eutrophisation. Bien que les délais soient très ambitieux en ce qui concerne les enjeux et leur mise en œuvre, la capacité d’investissement du secteur et la durée de vie des actifs existants, de nombreux États membres ont déjà instauré de telles exigences en matière d’élimination des éléments nutritifs et le CESE se félicite de l’harmonisation opérée dans l’ensemble de l’UE.
4.10Selon l’évaluation de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, les petites agglomérations représentent une part importante des sources restantes d’eaux usées non traitées et exercent une pression sur les masses d’eau. Bien qu’il serait positif de traiter davantage d’eaux usées, la proposition comporte plusieurs difficultés, étant donné que la construction de nouvelles canalisations d’égouts représente un coût important dans les zones faiblement peuplées et qu’elle doit bénéficier d’un soutien financier intensif. Il y a lieu de promouvoir des solutions décentralisées et des systèmes individuels efficaces. Les toilettes sèches (à compost) réduisent la consommation d’eau potable des chasses d’eau et peuvent favoriser l’économie circulaire en réintégrant les fèces humaines au sol sans systèmes de collecte, de pompage et de traitement complexes, coûteux et énergivores. L’OMS a élaboré un guide pour la réutilisation sans risque des eaux usées, des excréments et des eaux résiduaires.
4.11Les fuites des canalisations d’égouts sont une source d’eaux résiduaires non traitées souvent négligée, généralement non signalée et dangereuse pour les eaux souterraines. Ces fuites peuvent constituer une part importante de la charge polluante des systèmes urbains sur l’environnement. Le problème risque de s’aggraver à mesure que le réseau d’assainissement vieillit. Une surveillance et une quantification adéquates des fuites d’égouts sont nécessaires et devraient figurer parmi les exigences de la directive.
4.12Le traitement des eaux usées nécessite des quantités considérables d’énergie et peut souvent représenter une part significative des factures d’électricité des municipalités. Dans le même temps, les eaux usées contiennent de l’énergie sous diverses formes, notamment chimique, cinétique et thermique, qui devrait être récoltée pour réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles, conformément aux objectifs de l’UE. Il est positif que l’efficacité énergétique soit abordée dans le but de parvenir à la neutralité énergétique du secteur d’ici à 2040.
4.13Le secteur des eaux usées est fortement susceptible de voir ses installations devenir des usines de production de ressources. Au sein de l’Union, certaines stations d’épuration des eaux usées sont déjà productrices nettes d’énergie en utilisant des technologies économes en énergie et en produisant de l’énergie renouvelable, par exemple au moyen de la digestion anaérobie des boues d’épuration et de l’utilisation ultérieure du biogaz produit. Une autre possibilité, qu’il convient d’encourager, réside dans le double usage de certaines zones des structures de traitement, en y plaçant des installations photovoltaïques.
4.14Dix millions de personnes n’ont toujours pas accès à l’assainissement dans l’UE. Il est donc opportun que la proposition exige des États membres qu’ils améliorent cet accès, en particulier pour les groupes vulnérables et marginalisés, y compris en fournissant des toilettes publiques gratuites d’ici à 2027. Toutefois, il convient de renforcer cette exigence en obligeant les États membres à garantir l’accès de tous à l’assainissement à un stade précoce de la planification urbaine et à tenir compte du caractère abordable et de l’aspect social des services liés à l’utilisation de l’eau. Ils devraient notamment examiner le long cycle de vie des équipements de collecte et de traitement des eaux usées et la rigidité qui les caractérise face à l’adaptation ou à la modernisation.
4.15En vue de garantir des services liés à l’utilisation de l’eau abordables, les dérogations aux régimes de responsabilité élargie des producteurs doivent être strictement limitées. Il faudrait, de préférence, supprimer la dérogation pour les produits mis sur le marché à moins de deux tonnes par an, car certaines substances sont puissantes, même en faibles quantités, et il conviendrait, à tout le moins, de préciser que ces deux tonnes se rapportent au marché de l’UE et non au niveau national. Il importe également de veiller à ce que la responsabilité élargie des producteurs s’applique aux détaillants en ligne.
4.16Le coût du traitement des eaux usées représente une part importante des factures d’eau, mais de nombreux utilisateurs d’eau ne connaissent ni le service fourni dans le cadre de l’épuration des eaux résiduaires, ni la qualité de ce traitement dans leur région. La nouvelle disposition relative à la communication d’informations au public est donc la bienvenue, car elle garantirait la diffusion d’informations actualisées sur le pourcentage d’eaux usées traitées (et non traitées) dans la région, ainsi que sur la charge de polluants rejetés par les stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires, les systèmes individuels, les débordements d’égouts et le ruissellement urbain.
Bruxelles, le 22 février 2023
Christa SCHWENG
Présidente du Comité économique et social européen