EXPOSÉ DES MOTIFS
1.CONTEXTE DE L'ACTE DÉLÉGUÉ
Le présent règlement s’inscrit dans le cadre d’une initiative plus vaste de la Commission en matière de développement durable. Il jette les bases d’un cadre de l’UE qui place les considérations de durabilité au cœur du système financier, pour contribuer à rendre l’économie européenne plus verte, plus résiliente et circulaire, conformément aux objectifs du pacte vert pour l’Europe.
À la suite de l’adoption de l’accord de Paris de 2016 sur le changement climatique et du programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies, la Commission a exprimé, dans sa communication intitulée «Plan d’action: financer la croissance durable», l’intention de clarifier, dans la législation sectorielle, les «devoirs ou obligations fiduciaires» en vue d’y intégrer la durabilité. La communication sur le pacte vert pour l’Europe confirme la nécessité de signaux de long terme pour orienter les flux financiers et de capitaux vers des investissements verts et éviter les actifs irrécupérables. Le présent règlement contribuera à la réalisation de cet objectif spécifique.
Le règlement délégué (UE) 2015/35 de la Commission met en œuvre la directive 2009/138/CE en précisant, entre autres, les exigences applicables aux entreprises d’assurance et de réassurance en matière de gouvernance, de conflits d’intérêts et de gestion des risques.
Le présent règlement se fonde sur l’avis technique de l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP). Cet avis technique conclut que des éclaircissements supplémentaires sont nécessaires en ce qui concerne l’intégration des risques en matière de durabilité et des facteurs de durabilité dans le règlement délégué (UE) 2015/35 de la Commission et définit des dispositions spécifiques à cet égard.
Le présent règlement et d’autres actes délégués sectoriels qui adaptent des règles sur les devoirs ou obligations fiduciaires et l’évaluation de l’adéquation des produits financiers renforcent encore le règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers, le règlement sur les indices de référence «transition climatique» de l’Union, les indices de référence «accord de Paris» de l’Union et la publication d’informations en matière de durabilité pour les indices de référence et le règlement relatif à la taxinomie des activités durables de l’UE. Ces règles intègrent les considérations de durabilité dans les processus d’investissement, de conseil et de publication d’informations, de manière cohérente d’un secteur à l’autre. Elles ancrent les considérations environnementales, sociales et de gouvernance (durabilité) au cœur du système financier, afin de contribuer à transformer l’économie européenne en un système plus écologique, à faible intensité de carbone, plus résilient, économe en ressources et circulaire.
2.CONSULTATION AVANT L’ADOPTION DE L’ACTE
Le 24 juillet 2018, la Commission a demandé à l’AEAPP d’émettre un avis technique sur d’éventuelles modifications des actes délégués adoptés en vertu de la directive 2009/138/UE, en ce qui concerne l’intégration des risques en matière de durabilité et des facteurs de durabilité. L’AEAPP a publié le 3 mai 2019 son rapport final sur l’avis technique adressé à la Commission. Cet avis prend en compte les opinions exprimées par les parties intéressées, dont le groupe des parties intéressées à l’assurance et à la réassurance de l’AEAPP, lors de la consultation publique qui s’est déroulée entre le 28 novembre 2018 et le 28 février 2019. Il inclut une analyse coûts/avantages.
Le 22 novembre 2019, les services de la Commission ont lancé une consultation écrite du groupe d’experts sur la banque, les paiements et l’assurance (E02885). Les commentaires de ce groupe d’experts ont été dûment pris en compte.
Conformément aux principes d'amélioration de la réglementation, la Commission a publié le présent règlement à l’état de projet sur son site web, entre le 8 juin et le 6 juillet 2020, afin de recueillir les réactions du public. Ces réactions ont été dûment examinées et de nouvelles modifications ont été apportées au texte.
3.ÉLÉMENTS JURIDIQUES DE L’ACTE DÉLÉGUÉ
La base juridique du présent règlement est constituée de l'article 50, paragraphe 1, points a) et b), et de l'article 135, paragraphe 1, point a), de la directive 2009/138/CE.
Le présent règlement apporte les modifications suivantes au règlement délégué (UE) 2015/35:
L’article 1er, paragraphe 1, introduit trois définitions. Premièrement, les «facteurs de durabilité» sont définis par référence à l’article 2 du règlement (UE) 2019/2088. Deuxièmement, les «risques en matière de durabilité» sont définis en adéquation avec la définition de ces risques dans le règlement (UE) 2019/2088. Troisièmement, les «préférences en matière de durabilité» sont alignées sur la définition introduite simultanément dans le règlement délégué (UE) 2017/2359 et en adéquation avec la définition introduite simultanément dans le règlement délégué (UE) 2017/565.
L’article 1er, paragraphe 2, impose aux entreprises d’assurance et de réassurance de tenir compte des risques en matière de durabilité dans leur gestion des risques.
L’article 1er, paragraphe 3, inclut l’identification et l’évaluation des risques en matière de durabilité parmi les missions de la fonction de gestion des risques des entreprises d’assurance et de réassurance.
L’article 1er, paragraphe 4, dispose que la fonction actuarielle des entreprises d’assurance et de réassurance doit tenir compte des risques en matière de durabilité lors de son évaluation de l’incertitude liée aux estimations effectuées dans le cadre du calcul des provisions techniques.
L’article 1er, paragraphe 5, prévoit que la politique de rémunération doit inclure des informations sur sa cohérence avec l’intégration des risques en matière de durabilité.
L’article 1er, paragraphe 6, dispose que les risques en matière de durabilité doivent être pris en compte dans le cadre de la mise en œuvre du principe de la «personne prudente».
L’article 2 du présent règlement prévoit qu’il entre en application 12 mois après sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.
RÈGLEMENT DÉLÉGUÉ (UE) …/... DE LA COMMISSION
du 21.4.2021
modifiant le règlement délégué (UE) 2015/35 en ce qui concerne l’intégration des risques en matière de durabilité dans la gouvernance des entreprises d’assurance et de réassurance
(Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)
LA COMMISSION EUROPÉENNE,
vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
vu la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II), et notamment son article 50, paragraphe 1, et son article 135, paragraphe 1, point a),
considérant ce qui suit:
(1)Le passage à une économie à faible intensité de carbone, plus durable, économe en ressources et circulaire, conformément aux objectifs de développement durable (ODD), est essentiel pour garantir la compétitivité à long terme de l’économie de l’Union. En 2016, l’Union a conclu l’accord de Paris sur le climat. L’article 2, paragraphe 1, point c), de cet accord fixe l’objectif de renforcer la riposte à la menace des changements climatiques, notamment en rendant les flux financiers compatibles avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques.
(2)C’est pour relever ce défi que la Commission a présenté, en décembre 2019, le pacte vert pour l’Europe. Ce pacte vert est une nouvelle stratégie de croissance qui vise à transformer l’Union en une société juste et prospère, dotée d’une économie moderne, économe en ressources et compétitive, dont les émissions nettes de gaz à effet de serre seront nulles en 2050 et dans laquelle la croissance économique est découplée de l’utilisation des ressources. Cet objectif impose également d’adresser des signaux de long terme clairs pour guider les investisseurs, afin d’éviter les actifs irrécupérables et de promouvoir la finance durable.
(3)En mars 2018, la Commission a publié son plan d’action intitulé «Financer la croissance durable», qui propose une stratégie globale ambitieuse en matière de finance durable. L’un des objectifs annoncés dans ce plan d’action est de réorienter les flux de capitaux vers des investissements durables, en vue de parvenir à une croissance durable et inclusive. L’analyse d’impact qui sous-tend les initiatives législatives publiées en mai 2018 a démontré la nécessité de clarifier le fait que les facteurs de durabilité devraient être pris en compte par les entreprises d’assurance et de réassurance dans le cadre de leurs obligations envers les preneurs. Les entreprises d'assurance et de réassurance devraient donc évaluer en permanence non seulement tous les risques financiers pertinents, mais aussi tous les risques pertinents en matière de durabilité visés dans le règlement (UE) 2019/2088 du Parlement européen et du Conseil qui, lorsqu’ils surviennent, sont susceptibles d’avoir une incidence négative importante, réelle ou potentielle, sur la valeur d’un investissement ou d'un engagement. Le règlement délégué (UE) 2015/35 de la Commission ne mentionne pas explicitement les risques en matière de durabilité. Pour cette raison, et pour garantir que le système de gouvernance est correctement mis en œuvre et respecté, il est nécessaire de préciser que ces risques doivent être pris en compte dans le système de gouvernance des entreprises d’assurance et de réassurance et dans l’évaluation de leur besoin global de solvabilité.
(4)Les entreprises d’assurance qui publient les principales incidences négatives sur les facteurs de durabilité conformément au règlement (UE) 2019/2088 devraient aussi adapter leurs processus, systèmes et contrôles internes en ce qui concerne ces publications.
(5)Compte tenu de l’ambition de la Commission de veiller à ce que les risques climatiques et environnementaux soient gérés et intégrés dans le système financier, et étant donné que les politiques de rémunération des entreprises d'assurance et de réassurance jouent un rôle important pour garantir que leur personnel gère efficacement les risques identifiés par le système de gestion des risques, ces politiques de rémunération devraient contenir des informations sur la manière dont elles tiennent compte de l’intégration des risques en matière de durabilité dans le système de gestion des risques.
(6)Le principe de la «personne prudente» énoncé à l’article 132 de la directive 2009/138/CE veut que les entreprises d’assurance et de réassurance n’investissent que dans des actifs dont elles peuvent correctement identifier, mesurer, suivre, gérer, contrôler et déclarer les risques. Pour que les risques climatiques et environnementaux soient efficacement gérés par les entreprises d’assurance et de réassurance, la mise en œuvre du principe de la «personne prudente» devrait tenir compte des risques en matière de durabilité, et les entreprises d’assurance et de réassurance devraient prendre en considération, dans leur processus d’investissement, les préférences de leurs clients en matière de durabilité, telles qu’elles sont prises en compte dans le processus d’approbation de produit.
(7)Il convient de modifier en conséquence le règlement délégué (UE) 2015/35.
(8)Il convient de laisser aux autorités de surveillance et aux entreprises d’assurance et de réassurance suffisamment de temps pour s’adapter aux nouvelles exigences contenues dans le présent règlement. Son application devrait donc être différée,
A ADOPTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT:
Article premier
Modifications du règlement délégué (UE) 2015/35
Le règlement délégué (UE) 2015/35 est modifié comme suit:
(1)À l'article 1er, les points 55 quater à 55 sexies suivants sont insérés:
«55 quater.
"risque en matière de durabilité": un événement ou un état de fait dans le domaine environnemental, social ou de la gouvernance qui, s’il survenait, pourrait avoir une incidence négative réelle ou potentielle sur la valeur de l’investissement ou de l’engagement;
55 quinquies.
"facteurs de durabilité": des facteurs de durabilité au sens de l’article 2, point 24), du règlement (UE) 2019/2088 du Parlement européen et du Conseil*;
55 sexies. "préférences en matière de durabilité": le choix d’un client, ou d’un client potentiel, d’intégrer ou non un ou plusieurs des instruments financiers suivants dans son investissement, et dans quelle mesure:
a)
un instrument financier qui est investi dans des investissements durables sur le plan environnemental au sens de l’article 2, point 1), du règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil** dans une proportion minimale déterminée par le client ou le client potentiel;
b)
un instrument financier qui est investi dans des investissements durables au sens de l’article 2, point 17), du règlement (UE) 2019/2088 dans une proportion minimale déterminée par le client ou le client potentiel;
c)
un instrument financier qui prend en compte les principales incidences négatives sur les facteurs de durabilité, les éléments qualitatifs ou quantitatifs qui démontrent cette prise en compte étant déterminés par le client ou le client potentiel;
___________
*
Règlement (UE) 2019/2088 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (JO L 317 du 9.12.2019, p. 1).
**
Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 (JO L 198 du 22.6.2020, p. 13).»;
(2)L’article 260 est modifié comme suit:
(a)au paragraphe 1, point a), le point i) est remplacé par le texte suivant:
«i)
mesures à prendre par l'entreprise d'assurance ou de réassurance pour évaluer et gérer le risque de perte, ou de variation défavorable de la valeur des engagements d'assurance ou de réassurance, résultant d'hypothèses de tarification et de provisionnement inadéquates du fait de facteurs internes ou externes, y compris les risques en matière de durabilité;»;
(b)au paragraphe 1, point c), le point vi) suivant est ajouté:
«vi)
mesures à prendre par l’entreprise d’assurance ou de réassurance pour que les risques en matière de durabilité liés au portefeuille d’investissement soient correctement identifiés, évalués et gérés.»;
(c)le paragraphe 1 bis suivant est ajouté:
«1 bis.
Les entreprises d’assurance et de réassurance intègrent les risques en matière de durabilité dans leurs politiques visées au paragraphe 1, points a) et c), et, le cas échéant, dans les politiques concernant les autres domaines visés au paragraphe 1.».
(3)L’article 269 est modifié comme suit:
(a)au paragraphe 1, le point e) est remplacé par le texte suivant:
«e)
identifier et évaluer les risques émergents et les risques en matière de durabilité.»;
(b)le paragraphe 1 bis suivant est ajouté:
«1 bis.
Les risques émergents et les risques en matière de durabilité visés au paragraphe 1, point e), et identifiés par la fonction de gestion des risques font partie des risques visés à l’article 262, paragraphe 1, point a).».
(4)À l'article 272, paragraphe 6, le point b) est remplacé par le texte suivant:
«b)
l'effet de l'inflation, du risque juridique, des risques en matière de durabilité, de l'évolution de la composition du portefeuille de l'entreprise et des systèmes ajustant à la hausse ou à la baisse les primes dues par les preneurs en fonction de leur historique de sinistres (systèmes de bonus-malus) ou de systèmes similaires, mis en œuvre au sein des différents groupes de risques homogènes;».
(5)À l’article 275, le paragraphe 4 suivant est ajouté:
«4.
La politique de rémunération inclut des informations sur la manière dont elle tient compte de l’intégration des risques en matière de durabilité dans le système de gestion des risques.».
(6)Au titre I, chapitre IX, la section 6 suivante est ajoutée:
«SECTION 6
Investissements
Article 275 bis
Intégration des risques en matière de durabilité dans le principe de la «personne prudente»
1.
Lorsqu’elles identifient, mesurent, suivent, gèrent, contrôlent, déclarent et évaluent les risques découlant des investissements, conformément à l’article 132, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2009/138/CE, les entreprises d’assurance et de réassurance tiennent compte des risques en matière de durabilité.
2.
Aux fins du paragraphe 1, les entreprises d’assurance et de réassurance tiennent compte de l’incidence potentielle à long terme de leur stratégie et de leurs décisions d’investissement sur les facteurs de durabilité et, le cas échéant, cette stratégie et ces décisions des entreprises d'assurance reflètent les préférences de leurs clients en matière de durabilité prises en compte dans le processus d’approbation de produit visé à l’article 4 du règlement délégué (UE) 2017/2358 de la Commission***.
___________
***
Règlement délégué (UE) 2017/2358 de la Commission du 21 septembre 2017 complétant la directive (UE) 2016/97 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences de surveillance et de gouvernance des produits applicables aux entreprises d'assurance et aux distributeurs de produits d'assurance (JO L 341 du 20.12.2017, p. 1).».
Article 2
Entrée en vigueur et application
Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.
Il est applicable à partir du [OP — Veuillez insérer la date correspondant à 12 mois après la publication].
Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.
Fait à Bruxelles, le 21.4.2021
Par la Commission
La présidente
Ursula VON DER LEYEN