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Document 52024AE2010
Opinion of the European Economic and Social Committee – Fostering sustainable and resilient food systems at times of growing crises (exploratory opinion requested by the Hungarian Presidency of the Council of the EU)
Avis du Comité économique et social européen — Promouvoir des systèmes alimentaires durables et résilients à l’heure où les crises se multiplient (avis exploratoire à la demande de la présidence hongroise du Conseil de l’Union européenne)
Avis du Comité économique et social européen — Promouvoir des systèmes alimentaires durables et résilients à l’heure où les crises se multiplient (avis exploratoire à la demande de la présidence hongroise du Conseil de l’Union européenne)
EESC 2024/02010
JO C, C/2025/117, 10.1.2025, ELI: http://data.europa.eu/eli/C/2025/117/oj (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, GA, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)
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Journal officiel |
FR Série C |
C/2025/117 |
10.1.2025 |
Avis du Comité économique et social européen
Promouvoir des systèmes alimentaires durables et résilients à l’heure où les crises se multiplient
(avis exploratoire à la demande de la présidence hongroise du Conseil de l’Union européenne)
(C/2025/117)
Rapporteurs: Joe HEALY (IE-III)
Piroska KÁLLAY (HU-II)
Arnold PUECH d’ALISSAC (FR-I)
Conseillers |
Kevin KINSELLA (pour le rapporteur du groupe III) Gábor KIRALY (pour la rapporteure du groupe II) |
Consultation |
Lettre de la future présidence hongroise du Conseil de l’UE, 14.3.2024 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
Adoption en section |
2.10.2024 |
Adoption en session plénière |
23.10.2024 |
Session plénière no |
591 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
207/9/10 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le présent avis recense les principales caractéristiques des systèmes alimentaires durables et résilients et présente les propositions d’action qui s’imposent pour les promouvoir et renforcer les instruments de gestion des crises de l’Union européenne. L’augmentation des risques que la pandémie de COVID-19, la crise climatique et la crise énergétique résultant de la guerre en Ukraine ont fait peser sur les agriculteurs comme sur la sécurité et la souveraineté alimentaires de l’Union a également eu des répercussions sur les systèmes alimentaires. |
1.2. |
Le Comité économique et social européen (CESE) considère que les politiques agricole, de la pêche et alimentaire de l’UE doivent être mieux armées pour s’adapter aux défis auxquels ces secteurs sont continuellement confrontés. Elles doivent aussi être compétitives, à l’épreuve des crises, durables sur les plans économique, environnemental et social, favorables aux producteurs, fondées sur la connaissance et capables de fournir des denrées alimentaires de grande qualité à des prix compétitifs, tout en offrant aux producteurs un revenu solide et durable. Cela nécessite des mécanismes de régulation des prix des denrées alimentaires, qui tiennent compte des coûts de production et des normes environnementales, afin de garantir des prix de marché justes. La structure actuelle du marché des produits de base ne sert pas les objectifs fixés en matière de développement durable, d’ambition climatique et de transition juste. |
1.3. |
Le CESE formule dès lors les propositions suivantes: |
Instruments économiques
— |
revoir à la hausse le budget de la PAC, du Feampa et du volet «chaîne alimentaire» du programme pour le marché unique afin de fournir des ressources financières suffisantes pour répondre aux besoins et ambitions de la politique de l’UE dans les secteurs de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation. Il convient en outre d’augmenter sensiblement la réserve agricole et de la rendre pluriannuelle; |
— |
prendre des mesures concrètes pour veiller à ce que les producteurs primaires obtiennent un prix de marché équitable, par exemple en introduisant des garanties de prix et en équilibrant les pouvoirs au sein de la chaîne alimentaire; fixer des critères objectifs ex ante permettant d’établir à quel moment survient une crise du marché; |
— |
relever les seuils et critères en matière d’aide de minimis; |
— |
envisager et concevoir, moyennant un niveau élevé d’investissements publics, un système d’assurance publique à l’échelle de l’Union contre les catastrophes naturelles; |
— |
renforcer le soutien apporté aux coopératives et modèles d’association similaires; |
— |
promouvoir l’agriculture soutenue par la communauté, par exemple les pôles alimentaires et les circuits alimentaires locaux et courts, notamment par l’intermédiaire des systèmes de qualité européens et le recours à des incitations financières en faveur de ces produits (telles que, entre autres, la réduction de la TVA); |
— |
mettre en place des instruments et des mécanismes similaires à ceux en vigueur en France pour modifier les modalités de fixation des prix à la production, en tenant compte de tous les coûts, afin de rééquilibrer le pouvoir au sein de la chaîne alimentaire; |
— |
créer un centre numérique de collecte de données sur les prix et les coûts afin d’assurer la transparence de la chaîne d’approvisionnement alimentaire; |
— |
insister pour que tous les accords commerciaux de l’UE actuels et à venir prennent pleinement en compte le pacte vert et les normes définies par la stratégie «De la ferme à la table», la réglementation européenne concernant la sécurité alimentaire, la santé animale et végétale ainsi que d’autres normes en matière de production alimentaire et de durabilité; |
— |
alléger et supprimer les lourdeurs administratives tout au long de la chaîne alimentaire; |
— |
rémunérer les agriculteurs pour la séquestration du carbone et les systèmes de production économes en carbone; |
Durabilité environnementale
— |
régénérer et restaurer la santé des sols. Il convient de viser à une utilisation plus efficace de l’eau grâce à des technologies permettant de réduire la consommation d’eau, telles que l’irrigation de précision. Ce point est particulièrement important dans les régions touchées par la sécheresse; |
— |
éviter le transfert d’émissions de carbone en favorisant la production alimentaire dans les zones consacrées les plus économes en carbone; |
— |
garantir une application plus efficace des règles en matière de pratiques commerciales déloyales, en interdisant notamment la fixation de prix inférieurs aux coûts, et insister sur l’uniformisation de sa mise en œuvre au niveau européen; |
Soutien social et sociétal
— |
accroître la sécurité alimentaire et l’autonomie stratégique et renforcer la résilience des secteurs de l’agriculture et de la pêche en réduisant la dépendance à l’égard des importations; |
— |
encourager les jeunes et les femmes en favorisant le renouvellement des générations, l’éducation et la formation; |
— |
réglementer les flux commerciaux afin d’éviter toute perturbation inutile du marché; |
— |
créer un Conseil européen de la politique alimentaire (CEPA) en tant que plateforme visant à renforcer le dialogue sur les questions liées à l’alimentation, ce qui rejoint la proposition formulée à l’issue du dialogue stratégique; |
— |
mettre en place l’étiquetage de l’origine pour les matières premières et les produits transformés, comme une manière de promouvoir des relations stables entre les producteurs et l’industrie et d’informer les consommateurs (1). |
2. Introduction
2.1. |
Avec la multiplication des crises et tous les risques qui en découlent pour le secteur agroalimentaire, des mesures visant à renforcer la coordination et à améliorer la planification d’urgence s’imposent si l’Union européenne veut être prête à parer toute menace pour son approvisionnement et sa sécurité alimentaires. |
2.2. |
La présidence hongroise du Conseil de l’UE a invité le CESE à élaborer un avis exploratoire sur le thème «Des systèmes alimentaires durables et résilients à l’heure où les crises se multiplient», lequel devrait attirer l’attention sur le fait que l’agriculture et la pêche européennes n’ont jamais été confrontées à autant de défis et de turbulences économiques qu’à l’heure actuelle. |
2.3. |
La présidence hongroise entend faciliter des discussions en temps utile tant sur la manière de donner aux secteurs européens de l’agriculture et de la pêche un avenir compétitif, à l’épreuve des crises, durable, favorable aux agriculteurs et fondé sur la connaissance, que sur l’orientation à donner à la politique agricole commune (PAC), au Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (Feampa) et au volet «chaîne alimentaire» du programme pour le marché unique après 2027. Pour élaborer une politique alimentaire globale de l’UE qui soit réellement pertinente pour les consommateurs européens, le CESE juge essentiel que les denrées alimentaires produites de manière durable dans l’Union européenne soient abordables et compétitives sous l’angle du prix et de la qualité. Cela signifie que le secteur agroalimentaire européen doit être en mesure de fournir des denrées alimentaires aux consommateurs à des prix incluant les coûts supplémentaires induits par des critères tels que la durabilité, le bien-être animal, la sécurité alimentaire et la valeur nutritive, mais également une juste rémunération pour les agriculteurs et les pêcheurs, tout en maintenant son statut de premier choix pour la grande majorité des consommateurs (2). |
2.4. |
Le CESE voit dans le présent avis l’occasion de présenter des recommandations de la société civile visant à promouvoir des systèmes alimentaires durables et résilients dans l’UE au travers d’une approche globale. Cet avis vise par ailleurs à alimenter les discussions entamées le 27 mai 2024, lors de la réunion du Conseil «Agriculture et pêche» de l’UE, au cours de laquelle les ministres de l’agriculture et de la pêche des États membres se sont déclarés disposés à renforcer les instruments de gestion des crises et ont reconnu la nécessité de gérer ces crises de manière souple, résiliente et davantage tournée vers l’avenir, étant entendu que la recherche et l’innovation doivent jouer un rôle majeur à cet égard. |
2.5. |
En attirant l’attention sur la valeur des denrées alimentaires, le CESE a été la première institution de l’Union à réclamer une approche globale de la politique alimentaire dans l’UE (3). Une telle politique est essentielle pour garantir une alimentation saine à partir de systèmes alimentaires durables, établir un lien entre l’agriculture et la pêche d’une part et la nutrition et les services écosystémiques d’autre part, et veiller à ce que les chaînes d’approvisionnement accordent la priorité à la santé publique, qui est un élément essentiel pour l’Union (4). |
2.6. |
Le CESE soutient pleinement la nécessité de rendre la chaîne d’approvisionnement agricole, alimentaire et de la pêche plus équitable et transparente, notamment en renforçant la situation économique des agriculteurs, des pêcheurs et des petits producteurs de denrées alimentaires. |
2.7. |
En 2022, la chaîne alimentaire de l’Union comptait 12 millions d’exploitations agricoles et entreprises du secteur alimentaire, employait 29 millions de personnes et produisait 800 milliards d’euros de valeur ajoutée (5). En 2020, l’Union comptait toutefois 3 millions d’exploitations de moins qu’en 2010, soit une baisse de 24,8 % (6). S’agissant de la pêche, selon la FAO (7), la flotte de l’Union européenne comptait environ 74 000 navires en 2020, soit une baisse de 28 % par rapport à 2000, et sa taille continue de diminuer. |
2.8. |
Le CESE se félicite que la Commission ait proposé, comme il l’avait demandé dans de précédents avis, plusieurs mesures visant à accroître la flexibilité pour les agriculteurs de l’Union et à alléger les charges administratives qui pèsent sur eux afin de renforcer la souveraineté alimentaire et d’améliorer les revenus agricoles, même si cet objectif n’est toujours pas réalisé en ce qui concerne les pêcheurs. Il souligne toutefois que la flexibilité ne devrait pas impliquer une diminution du soutien ni un affaiblissement de la PAC (8). |
3. Politiques visant à soutenir les producteurs d’aliments et une chaîne d’approvisionnement alimentaire plus résiliente et durable
3.1. |
La production agricole et halieutique est intrinsèquement aléatoire. Les rendements, la qualité des produits et les prix sont soumis à l’influence de nombreux paramètres externes ayant des effets importants, comme les conditions météorologiques et d’autres considérations environnementales ou sanitaires (telles que les maladies animales et la présence d’organismes nuisibles aux végétaux). La production agricole est également soumise à des risques liés à l’évolution des marchés agricoles, à des perturbations commerciales ou à des événements géopolitiques. Enfin, le discours de crise est souvent perçu comme une occasion pour les gros intermédiaires alimentaires d’accroître leurs bénéfices. À l’heure où les crises se multiplient et où les chocs deviennent plus fréquents, la volatilité des marchés augmente, ce qui rend l’activité agricole plus risquée et les denrées alimentaires plus chères. |
3.2. |
La faiblesse intrinsèque des revenus agricoles, la volatilité accrue des prix, les crises climatiques et météorologiques extrêmes et une organisation commune des marchés (OCM) diluée et affaiblie sont autant de tendances observées à plus long terme qui ont mis en lumière les problèmes structurels que connaît la politique alimentaire et agricole de l’UE et ont fragilisé les agriculteurs européens ainsi que la sécurité et la souveraineté alimentaires de l’Union. |
3.3. |
Au cours des premières décennies de la PAC, des mesures fortes relevant de l’organisation commune des marchés avaient été mises en place en vue de stabiliser les marchés (interventions, aide au stockage privé, subventions à l’exportation), d’encourager la production et de garantir des revenus stables aux agriculteurs et aux pêcheurs ainsi qu’un approvisionnement alimentaire approprié pour les consommateurs. Les diverses réformes de la PAC ont dilué le soutien du marché et supprimé le soutien effectif des prix. Ce soutien a été remplacé par la mise en place de filets de sécurité au travers de régimes d’aide en faveur de certains secteurs, d’instruments visant à soutenir le marché, de normes de commercialisation, d’organisations de producteurs et de règles de concurrence. |
3.4. |
La réforme de la PAC de 2021-2022, la dernière en date, et la politique commune de la pêche (PCP) de 2013 ont été très fortement axées sur l’environnement et ont pratiquement ignoré l’OCM. En conséquence, le soutien des prix s’est révélé inadéquat et les instruments de gestion de crise ont été incapables de soutenir correctement les revenus agricoles lorsque la crise de la COVID-19 est survenue, suivie par la guerre en Ukraine et la crise des coûts de l’énergie et des intrants qui en a résulté. |
3.5. |
Financés par la réserve agricole, les principaux instruments de soutien de l’OCM qui traitent de la gestion des crises sont les articles 219 à 222. Entre le 1er janvier 2014 et fin 2023, 63 mesures exceptionnelles ont été adoptées au titre de ces articles (9). Bien que ces mesures se soient à plusieurs reprises révélées essentielles pour un large éventail de secteurs, elles ne se sont pas montrées efficaces pour lutter contre l’érosion et la perte de durabilité à long terme des systèmes alimentaires et les dommages causés aux agriculteurs par les nombreuses crises en cours. |
3.6. |
S’agissant de la pêche, le Feampa, qui a été adopté en 2021, comporte un dispositif de soutien en cas d’événements exceptionnels entraînant des perturbations du marché. Ce dispositif couvre par exemple l’indemnisation des opérateurs du secteur de la pêche et de l’aquaculture en cas de pertes de revenus ou de surcoûts, ainsi que l’aide au stockage accordée aux organisations de producteurs. Là où le bât blesse, c’est que les dernières versions de l’accord de l’OMC sur les subventions à la pêche interdisent l’octroi de subventions dans toute une série de cas, comme les pertes d’exploitation et le soutien des prix pour le poisson capturé ou les subventions pour le carburant. Ces subventions ne peuvent être octroyées que si les stocks halieutiques sont satisfaisants; toutefois, comme le reconnaît l’accord de l’OMC, l’état des stocks halieutiques est susceptible d’être influencé par des facteurs indépendants de la volonté du membre qui accorde la subvention. La Commission doit donc plaider en faveur de l’introduction de dispositions de force majeure, en vertu desquelles des subventions peuvent être accordées dans des circonstances exceptionnelles. |
3.7. |
Pour illustrer à quel point les mesures du type «filet de sécurité» de l’OCM seraient inefficaces en temps de crise, il suffit de mentionner que l’intervention dans le secteur de la viande bovine ne serait déclenchée que si le prix du marché dans un État membre tombait en dessous de 85 % du prix de référence, qui est de 1,93 EUR/kg, alors que le prix moyen de la viande bovine dans l’Union est actuellement de 5,06 EUR/kg. La mesure d’intervention ne s’appliquerait donc que si le prix moyen dans l’UE baissait de 62 %. |
3.8. |
Le CESE souligne que le futur cadre de la PAC doit garantir l’activité agricole dans l’ensemble de l’UE, y compris les territoires vulnérables, et pas seulement dans les régions les plus productives et bénéficiant de conditions favorables. |
3.9. |
Le CESE propose que l’UE renforce sa sécurité alimentaire, son autonomie stratégique et la résilience de son secteur agricole et halieutique et de l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement (10) en investissant dans la recherche et l’innovation, en réduisant sa dépendance à l’égard des importations en provenance de pays tiers, en introduisant des critères de durabilité dans les règlements relatifs aux préférences commerciales, telles que le système de contingents tarifaires autonomes, en liant l’accès au marché de l’Union à l’accès aux eaux des pays tiers et en diversifiant l’approvisionnement en produits critiques importés tels que les engrais, les aliments pour animaux et les matières premières (11). À cet égard, le CESE souligne que la stratégie «De la ferme à la table» comporte une initiative législative qui exige que l’origine de certains produits soit mentionnée. La mention de l’origine des matières premières et produits transformés issus de l’agriculture et de la pêche rendra la chaîne d’approvisionnement alimentaire plus transparente et renforcera la production européenne, dans le respect de normes élevées (12). |
3.10. |
Afin de soutenir efficacement les revenus agricoles, l’UE doit augmenter le budget de la PAC pour que celle-ci dispose de ressources financières suffisantes et soit à la hauteur de son ambition de soutenir une transition juste (13). Le CESE regrette que l’UE ait décidé de réduire l’actuel budget du Feampa de 105 millions d’euros pour la période 2025-2027, et demande que l’enveloppe qui lui est attribuée soit augmentée lors de la prochaine période financière. En outre, afin de garantir l’efficacité des instruments de soutien des prix et de gestion des crises, le financement de la réserve agricole, fixée à 450 millions d’euros par an, doit s’établir à un niveau nettement plus élevé et devenir pluriannuel. |
3.11. |
Le CESE propose que l’Union examine la recommandation de la Cour des comptes européenne consistant à définir ex ante des paramètres et des critères objectifs qui serviraient de seuils pour déterminer qu’une perturbation du marché se produit et qu’une mesure exceptionnelle doit être déclenchée. Cette approche devrait contribuer à la prévention et fournir une protection plus solide en temps de crise. |
3.12. |
Le CESE propose que les aides de minimis en faveur du secteur agricole passent de 20 000 EUR à 50 000 EUR par exploitation sur une période de trois ans afin d’offrir davantage de souplesse aux États membres pour répondre à des situations de crise concrètes sur leurs territoires respectifs. Dans le même ordre d’idées, il estime que l’augmentation récente du plafond des aides de minimis par société de pêche sur une période de trois ans, qui est passé de 30 000 EUR à 40 000 EUR, est en deçà des besoins réels du secteur. |
3.13. |
Il y a lieu de considérer les catastrophes naturelles d’aujourd’hui et de demain comme un risque pour la société et non comme une charge individuelle. Dans ce contexte, le CESE propose que l’Union envisage et conçoive, moyennant un niveau élevé d’investissements publics, un système d’assurance publique à l’échelle européenne contre les catastrophes naturelles, qui devra être financé en dehors du budget de la PAC et être compatible avec les réglementations relatives au commerce international. Plusieurs États membres, comme la France, l’Espagne et l’Autriche, recourent déjà à des régimes d’assurance en la matière. |
3.14. |
Les fonds de mutualisation partagent les risques entre les groupements de producteurs ou les coopératives, ce qui permet aux agriculteurs d’être indemnisés en cas de pertes. L’UE pourrait mettre en place et, dans un premier temps, financer des fonds de mutualisation dans le secteur agricole, ainsi que les coûts de fonctionnement de ceux-ci. Ces types de fonds de mutualisation doivent conserver l’argent à des fins mutuelles. |
3.15. |
Le CESE propose que les coopératives agricoles et modèles d’association similaires, tout comme les organisations de producteurs de poisson, bénéficient d’un soutien important en ce qu’ils jouent un rôle crucial pour améliorer la sécurité alimentaire, générer des revenus et renforcer les communautés locales, ce qui consolide la position des agriculteurs et des pêcheurs sur les marchés, augmente leurs revenus et améliore leur capacité à produire davantage, d’une manière plus durable et résiliente. La transformation et les achats à grande échelle et en vrac permettent aux coopératives et modèles d’association similaires de renforcer la position des agriculteurs sur le marché, en particulier lorsqu’il s’agit de rééquilibrer le pouvoir en faveur du marché de détail. De nombreuses coopératives et modèles d’association similaires fixent des prix contractuels pour les produits de leurs membres, ce qui permet de soutenir ou de garantir les prix et, partant, élimine ou réduit la volatilité de ces derniers et les risques. Le secteur laitier irlandais illustre parfaitement le rôle positif des coopératives. Il est particulièrement nécessaire de revitaliser les structures coopératives et modèles d’association similaires en Europe orientale, où ils ont malheureusement été abandonnés car ils revêtent des connotations historiques négatives. |
3.16. |
Les initiatives alternatives en matière d’alimentation, telles que l’agriculture soutenue par les communautés locales, les pôles alimentaires et les chaînes alimentaires régionales ou locales, sont souvent considérées comme étant à l’avant-garde de la transition vers un système alimentaire plus durable et plus résilient. Ces modes de production et de consommation alimentaires offrent aux producteurs la possibilité de rétablir le lien avec les consommateurs et de rééquilibrer leur pouvoir dans la chaîne d’approvisionnement. Ils privilégient en outre des valeurs telles que la solidarité, la confiance, la justice et la durabilité environnementale et favorisent l’apprentissage mutuel en matière de denrées alimentaires et leur valorisation tout au long de la chaîne d’approvisionnement (14). Aussi des initiatives de ce type peuvent-elles, aux côtés de solides systèmes de promotion (en interne comme en externe) et de qualité, clairement contribuer à l’adoption de comportements plus durables en matière d’alimentation et devraient-elles être considérées comme un objectif clé de l’élaboration des futures politiques dans le secteur agroalimentaire et être encouragées à ce titre. |
3.17. |
Les producteurs régionaux opèrent souvent à proximité immédiate de la population locale et sont ainsi soumis à un certain «contrôle social», ce qui tend également à favoriser des modes de production durables (15). Le CESE recommande à l’UE de proposer, tant dans le cadre de la future PAC que dans d’autres contextes, des régimes et des mesures encourageant le déploiement de divers types de circuits courts. |
3.18. |
Étant donné que l’accès au financement constitue une condition préalable pour mener à bien certaines transitions, et un élément crucial pour renforcer la résilience et la capacité d’adaptation du secteur agricole, le CESE préconise de soutenir la capacité d’investissement des agriculteurs au moyen d’instruments financiers simples et exempts de toute bureaucratie, tels que des instruments de garantie ou des prêts avec partage des risques. À cet égard, le protocole d’accord conclu entre la DG AGRI et la Banque européenne d’investissement (BEI) a fait ses preuves. De manière plus générale, il conviendrait d’engager une réflexion avec les banques et d’autres acteurs privés sur l’avenir des investissements agricoles durables. |
3.19. |
Le CESE souligne qu’il importe de soutenir et de renforcer la position des jeunes et des femmes qui veulent créer une entreprise dans le secteur de la production alimentaire. Il convient de veiller à ce qu’ils aient accès à la terre et au crédit, en favorisant le renouvellement générationnel qui est fondamental pour assurer l’avenir des systèmes alimentaires grâce à l’éducation, à la formation et à une reconnaissance accrue (16). Le CESE suggère en outre d’établir des règles relatives à l’utilisation des terres, de trouver un équilibre entre l’affectation des sols à la production alimentaire et d’autres usages qui entreraient en concurrence avec cette affectation, comme certains projets de production d’énergie ou d’activités de loisirs, et de faire reculer l’intensification de la concentration des terres (17) en protégeant l’accès des producteurs de denrées alimentaires aux terres contre leur rachat par des entreprises privées à des fins spéculatives. |
3.20. |
Le CESE estime que le soutien octroyé par les politiques devrait avoir pour objectif d’améliorer et de récompenser les pratiques qui contribuent à régénérer et à restaurer la santé des sols (18). À l’avenir, il conviendra d’accorder encore davantage d’importance et de soutien aux pratiques agricoles régénératives, biologiques et agroécologiques afin de maintenir la santé des sols et de préserver l’une des ressources les plus importantes pour les agriculteurs. En outre, tout au long de la chaîne alimentaire, producteurs et transformateurs devraient être encouragés à réduire leur consommation d’eau et à promouvoir la réutilisation et le recyclage de celle-ci. Il est essentiel de préserver les ressources hydriques des territoires et de soutenir des projets et des mesures qui réduisent la consommation d’eau, comme les investissements dans l’agriculture de précision (19). Le CESE recommande également de mieux gérer les conditions d’utilisation des boues d’épuration dans l’agriculture, dans le cadre de pratiques circulaires, de même que leur qualité, afin de garantir l’absence de polluants. Dans un contexte où les normes en matière de durabilité sont fixées par des acteurs, organisations et institutions différents, aussi bien publics que privés, le CESE reconnaît la nécessité d’harmoniser les méthodes et de clarifier les définitions lors des évaluations de la durabilité effectuées dans les exploitations afin qu’elles correspondent à la réalité quotidienne des agriculteurs, n’entrent pas en contradiction les unes avec les autres et évitent les chevauchements préjudiciables. |
4. Une chaîne d’approvisionnement alimentaire plus équitable, dans l’Union et sur la scène internationale
4.1. |
Le CESE considère que le caractère équitable et durable de la chaîne d’approvisionnement alimentaire est essentiellement lié à ce que les agriculteurs et les pêcheurs estiment être, sur le marché, un prix équitable qui couvre les coûts de production tout en leur laissant une marge économique viable. La stabilité des revenus des agriculteurs et des pêcheurs est la clé d’une chaîne d’approvisionnement alimentaire résiliente et durable. |
4.2. |
S’agissant du commerce international, le CESE est favorable à ce que des réponses soient apportées rapidement aux perturbations des flux commerciaux (accroissement des importations de produits spécifiques issus dans la mesure du possible de sources renouvelables). Le CESE estime qu’une connaissance fine des échanges permet de réguler facilement les flux commerciaux. Une mise en œuvre concertée entre les exportateurs et les importateurs pourrait être réalisée automatiquement, dès qu’une augmentation de 10 % en volume des échanges est constatée sur une période définie, par exemple un an. Si l’augmentation est justifiée en raison d’un aléa ayant entraîné une moindre production domestique, la clause ne serait pas activée. En revanche, si l’augmentation n’est pas justifiée, un droit de douane additionnel serait appliqué pour limiter cette hausse (20). |
4.3. |
S’agissant des négociations relatives aux prix, une possible solution d’avenir consisterait à fixer le prix par voie de négociation entre le producteur et le premier transformateur ou l’acheteur. Ce prix devrait permettre d’assurer chaque année au producteur un revenu correspondant au double du salaire minimum. Jusqu’à présent, le prix payé au producteur était largement déterminé par voie de négociations entre l’industrie et les détaillants. En France, ce nouveau type de négociation est déjà en vigueur pour 80 % des produits laitiers et un quart des produits du secteur de la viande bovine, sur la base des estimations de coûts des interprofessions. Appelée «loi Egalim» en France (21), cette méthode de négociation, utilisée uniquement par les secteurs du lait, de la viande bovine et de la viande porcine, accroît la protection des agriculteurs et rééquilibre leurs relations avec le secteur de la distribution. Ce système de négociation sectorielle des prix s’applique actuellement aux marchés nationaux, étant donné que le prix des produits destinés à l’exportation est lié aux prix du marché international. |
4.4. |
Le CESE invite la Commission européenne à étudier un nouveau modèle politique visant à renforcer le pouvoir de négociation du secteur agricole au sein de la chaîne alimentaire lorsqu’il est question de négocier les prix. Celui-ci pourrait s’inspirer du modèle français et être pourvu d’un cadre politique européen grâce auquel les agriculteurs seraient en mesure de négocier légalement les prix par l’intermédiaire de leurs organismes interprofessionnels, dans les différents secteurs. Le CESE suggère en outre d’envisager la création d’un processus ou d’un mécanisme de règlement des différends, qui s’inspirerait de celui en vigueur en France et contribuerait à renforcer la position des agriculteurs sans alourdir la bureaucratie. |
4.5. |
L’absence d’une véritable comptabilité analytique dans les systèmes alimentaires constitue une lacune majeure et a souvent pour conséquence que les agriculteurs et les pêcheurs reçoivent un prix inférieur au coût de production. Le CESE accueille favorablement l’initiative de la Commission visant à créer un observatoire des coûts de production, des marges et des pratiques commerciales dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire. |
4.6. |
Le CESE propose que la Commission mette en place un centre numérisé pour collecter des données détaillées en temps réel sur les prix du marché qui couvrent l’ensemble de la chaîne alimentaire (production, transformation, distribution et détaillant) pour tous les secteurs de l’agriculture et de la pêche des États membres de l’UE. Cette démarche est essentielle si l’on veut assurer un fonctionnement équitable et transparent des marchés alimentaires, rééquilibrer le pouvoir dans la chaîne alimentaire et permettre d’appliquer rapidement et de manière efficace les instruments destinés à gérer les crises du marché. Le CESE invite la Commission européenne à se pencher sur le système de rapports obligatoires sur l’élevage (Livestock Mandatory Reporting system) en vigueur aux États-Unis, dans le cadre duquel conditionneurs et importateurs sont tenus de soumettre l’achat et la vente d’animaux et de produits animaux au service de commercialisation agricole (Agricultural Marketing Service, AMS) (22). |
4.7. |
Par le passé, le CESE a fait observer que la structure du marché des produits de base n’était pas à la hauteur de l’«économie durable dont nous avons besoin» et ne permettrait pas d’atteindre les objectifs liés au développement durable, à l’ambition climatique et à la transition juste inscrits dans le programme des Nations unies à l’horizon 2030 et le pacte vert pour l’Europe. En réalité, elle s’emploie activement à les saper (23). |
4.8. |
L’Union européenne doit par ailleurs s’efforcer de garantir les droits fondamentaux de tous les travailleurs de la chaîne alimentaire (de la production à la distribution en passant par la transformation). Dans cette optique, elle devrait s’engager à protéger les droits sociaux fondamentaux des travailleurs, et notamment à soutenir les dispositions y afférentes du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que les conventions et recommandations de l’Organisation internationale du travail en la matière (24). Si l’on veut que les systèmes alimentaires soient durables et résilients, il faut que les travailleurs bénéficient de conditions de travail équitables et de relations professionnelles harmonieuses. Dans le secteur agroalimentaire, les conditions de travail, les systèmes de protection sociale ainsi que la protection de la santé et la sécurité des travailleurs laissent souvent à désirer par rapport à d’autres secteurs, en particulier en ce qui concerne les travailleurs saisonniers (25). |
4.9. |
Les importations de denrées alimentaires en provenance de pays tiers qui ne satisfont pas aux normes et obligations de l’UE s’appliquant aux mêmes denrées produites dans l’Union posent un défi permanent pour les systèmes alimentaires durables de l’UE. Le CESE propose que tous les accords commerciaux de l’UE, actuels et futurs, respectent le principe de réciprocité (26) et prennent dès lors impérativement en compte les normes internationales reconnues ainsi que la sécurité alimentaire de l’Union, les règlements relatifs à la santé animale et végétale, et toute autre norme applicable en matière de production alimentaire et de durabilité, comme le pacte vert pour l’Europe et les stratégies «De la ferme à la table», «Biodiversité» et «Ajustement à l’objectif 55», tout en reconnaissant qu’il est extrêmement difficile d’intégrer et de mettre en œuvre les ODD ainsi que des normes plus élevées dans les accords commerciaux multilatéraux. Tous les accords commerciaux conclus par l’Union européenne doivent respecter ses dispositions sanitaires et phytosanitaires et se conformer au principe de précaution (27). |
4.10. |
La mise en œuvre de la directive sur les pratiques commerciales déloyales a apporté des améliorations à la chaîne d’approvisionnement pour les producteurs primaires, en particulier en ce qui concerne les paiements. Il convient néanmoins de renforcer la mise en œuvre de cette directive, d’élargir de manière ciblée son champ d’application et de prévoir, le cas échéant, des sanctions tangibles. Il est en outre primordial qu’elle soit appliquée de manière uniforme dans tous les États membres. |
4.11. |
Le CESE propose de renforcer la directive sur les pratiques commerciales déloyales en dotant les autorités compétentes de pouvoirs d’exécution solides. Qui plus est, il convient d’interdire la vente à perte. Les pratiques figurant sur la liste grise devraient être placées sur la liste noire. |
4.12. |
Le CESE propose que l’UE examine la transposition de la directive sur les pratiques commerciales déloyales en Espagne. Celle-ci illustre en effet parfaitement ce qu’il convient de faire, étant donné qu’elle oblige chaque maillon de la chaîne alimentaire à couvrir ses coûts de production. |
5. Vers un cadre pour des systèmes alimentaires durables
5.1. |
Le secteur agroalimentaire gagnerait à disposer d’un cadre réglementaire clair qui lui conférerait davantage de stabilité et de certitude. Le CESE a par exemple mis l’accent sur les limites que présentent des approches volontaires comme le code de conduite de l’UE pour des pratiques entrepreneuriales et commerciales responsables, et a plaidé en faveur de l’adoption d’une réglementation ou d’une législation visant à assurer une transition rapide vers la durabilité (28). |
5.2. |
Le CESE considère que la simplification et l’élimination des lourdeurs administratives excessives au moyen de politiques de soutien à la production et de cadres réglementaires rationalisés sont essentielles. Les approches réglementaires doivent éviter de lourds coûts de mise en conformité susceptibles d’entraver l’innovation, tout en maintenant les objectifs de durabilité. |
5.3. |
À cet égard, la plupart des programmes agroenvironnementaux étant volontaires, il convient d’adopter une approche systémique et novatrice qui complète l’élaboration de politiques fondées sur une analyse économique traditionnelle en tenant compte de l’influence des facteurs comportementaux sur les décisions prises par les agriculteurs en matière d’agriculture durable (29). Il est crucial de mieux comprendre les facteurs, tant économiques que comportementaux, qui influencent la participation des agriculteurs aux programmes agroenvironnementaux. Les incitants économiques et les conditions de marché devraient aller de pair avec la compréhension comportementale afin d’élaborer des politiques intégrées sur le plan culturel et pratiques pour les agriculteurs des diverses régions, ce qui est essentiel pour parvenir à une transition durable dans les systèmes alimentaires (30). |
5.4. |
Le CESE est d’avis que si l’on veut accélérer la transition vers un système alimentaire européen durable, il est impératif d’adopter une réglementation européenne forte, sur laquelle s’appuyer pour opérer des changements systémiques. À cet égard, les marchés publics durables constitueront un levier important pour renforcer la demande de produits alimentaires durables, y compris de produits certifiés conformément aux systèmes de qualité européens. |
5.5. |
Le CESE s’est félicité de l’annonce d’un cadre de l’UE pour des systèmes alimentaires durables, qui jetterait les bases des changements systémiques devant être apportés par toutes les parties prenantes, à tous les niveaux de la chaîne de valeur. Il souligne que la nouvelle Commission devrait proposer un tel cadre sans délai afin qu’il soit possible de relever en temps utile les défis qui se posent aux systèmes alimentaires (31). |
5.6. |
Il est essentiel que les citoyens et la société civile participent au processus décisionnel. Afin de contribuer de manière stratégique aux travaux de la Commission et de faciliter cette transition, le CESE a appelé de ses vœux la création d’un Conseil européen de la politique alimentaire (CEPA) (32). |
5.7. |
Alors que la population mondiale devrait croître pour atteindre près de 10 milliards d’individus à l’horizon 2050 et que la demande de denrées alimentaires devrait augmenter de 70 % au cours de la même période, il est essentiel d’élaborer une PAC et une PCP qui soient en mesure de promouvoir des systèmes alimentaires européens durables et résilients. Pour y parvenir, il est nécessaire non seulement d’élaborer des solutions novatrices fondées sur des données scientifiques afin de produire davantage de denrées alimentaires ayant une moindre incidence sur le climat et l’environnement, de réduire le gaspillage de ces denrées et d’assurer leur répartition de manière plus équitable, mais aussi de soutenir, dans chaque région, les pratiques respectueuses des écosystèmes locaux. |
5.8. |
Le CESE préconise de renforcer l’éducation et le transfert de connaissances entre les agriculteurs et la communauté locale, ainsi que de promouvoir la valeur de l’alimentation en favorisant l’éducation nutritionnelle des consommateurs, ce qui contribuerait à rapprocher le secteur agricole et de la pêche du reste de la société. Le CESE rappelle l’importance d’investir dans l’éducation autour des régimes alimentaires durables dès le plus jeune âge, afin d’aider les jeunes à apprécier la valeur de l’alimentation. Il convient d’accorder une attention particulière aux groupes vulnérables, en particulier les personnes à bas revenus (33). |
5.9. |
Le CESE recommande que l’Union explore des modèles qui récompensent les agriculteurs et les gestionnaires de terres qui contribuent à la séquestration du carbone, en tenant compte des difficultés liées à la mesure précise du carbone et de la diversité des conditions d’un État membre à l’autre. De tels modèles devraient accorder la priorité à l’inclusivité, en veillant à ce que les petites et moyennes exploitations puissent également davantage en bénéficier sans devoir supporter des coûts prohibitifs; ils doivent en parallèle respecter pleinement les principes écologiques et promouvoir la création d’un marché unique européen dans le domaine du captage, de l’utilisation, du stockage et du transport du CO2 au moyen de technologies innovantes (34), en tenant compte des caractéristiques propres à l’agriculture (émissions circulaires), de la mesurabilité des émissions et de la séquestration de carbone, ainsi que de la répartition des risques et des coûts encourus tout au long de la chaîne de valeur. Il convient de promouvoir et d’encourager des systèmes de production économes en carbone. Le CESE est convaincu que la bioéconomie peut jouer un rôle crucial dans la promotion de systèmes alimentaires durables et résilients, notamment en créant de la valeur ajoutée pour les flux secondaires et les sous-produits ou en améliorant la rotation des cultures (35). |
5.10. |
Chaque année, plus de 58 millions de tonnes de déchets alimentaires, soit 131 kg par personne, sont produites dans l’Union européenne (36), pour une valeur de marché estimée à 132 milliards d’euros (37), ce qui correspond à environ 20 % de la totalité des denrées alimentaires produites. Ces déchets sont à l’origine d’un potentiel de réchauffement planétaire d’environ 186 millions de tonnes équivalent dioxyde de carbone (CO2e) (38). Parmi les principales mesures prises pour réduire le gaspillage alimentaire figurent des initiatives visant à informer et éduquer, en particulier les jeunes dans les écoles, des mesures économiques et financières comme des incitations et des signaux du marché, y compris des subventions, des indemnités et des crédits d’impôt, des mesures réglementaires permettant aux supermarchés de faire don plus facilement des produits alimentaires invendus, ainsi que des accords volontaires. À cet égard, il convient d’établir une distinction entre, d’une part, le gaspillage de denrées alimentaires dû à de mauvaises habitudes de la population, lequel est susceptible d’être atténué par des campagnes d’information associant la société civile organisée et les organisations de jeunesse et par des programmes spécifiques dans les écoles, et, d’autre part, le gaspillage de la chaîne alimentaire, essentiellement dû aux prix très bas payés aux agriculteurs, qui les contraignent à cesser leur activité de récolte parce qu’elle n’est pas rentable sur le plan économique. On pourrait remédier au gaspillage de la chaîne alimentaire en utilisant une méthode de tarification établie par le producteur, dans laquelle l’industrie de première transformation joue un rôle essentiel. Les pôles alimentaires constituent une autre solution possible pour limiter le gaspillage alimentaire et le gaspillage de la chaîne d’approvisionnement, améliorer la qualité des denrées alimentaires et mettre en œuvre des pratiques agricoles durables. En outre, dans le respect des règles de sécurité sanitaire des aliments, il convient de faciliter les dons alimentaires en allégeant les formalités administratives et en imposant des règles simples et claires, ainsi qu’en favorisant la création de plateformes locales de don alimentaire qui aident à mettre en relation bénéficiaires et donateurs. Ces règles devraient par exemple permettre aux cantines et aux restaurants de faire don des denrées alimentaires excédentaires de manière relativement simple et, par là, d’éviter le gaspillage alimentaire et d’aider les personnes dans le besoin. |
Bruxelles, le 23 octobre 2024.
Le président
du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers un cadre pour l’étiquetage des denrées alimentaires durables afin de donner aux consommateurs les moyens de faire des choix alimentaires durables» (avis d’initiative) ( JO C 75 du 28.2.2023, p. 97).
(2) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Sécurité alimentaire et systèmes alimentaires durables» (avis exploratoire à la demande de la présidence française) ( JO C 194 du 12.5.2022, p. 72).
(3) Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une stratégie “De la ferme à la table” pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement» [COM(2020) 381] ( JO C 429 du 11.12.2020, p. 268); Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Sécurité alimentaire et systèmes alimentaires durables» (avis exploratoire à la demande de la présidence française) ( JO C 194 du 12.5.2022, p. 72).
(4) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Sécurité alimentaire et systèmes alimentaires durables» (avis exploratoire à la demande de la présidence française) ( JO C 194 du 12.5.2022, p. 72).
(5) Eurostat — Chiffres clés sur la chaîne alimentaire européenne.
(6) Eurostat — Chiffres clés sur la chaîne alimentaire européenne.
(7) Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) — La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture.
(8) Avis du Comité économique et social européen — Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2021/2115 et (UE) 2021/2116 en ce qui concerne les normes relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales, les programmes pour le climat, l’environnement et le bien-être animal, la modification des plans stratégiques relevant de la PAC, le réexamen des plans stratégiques relevant de la PAC et les exemptions des contrôles et des sanctions [COM(2024) 139 final — 2024/0073] (JO C, C/2024/4063, 12.7.2024, ELI: http://data.europa.eu/eli/C/2024/4063/oj).
(10) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Autonomie stratégique, sécurité alimentaire et durabilité» (avis d’initiative) ( JO C 105 du 4.3.2022, p. 56).
(12) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers un cadre pour l’étiquetage des denrées alimentaires durables afin de donner aux consommateurs les moyens de faire des choix alimentaires durables» (avis d’initiative) ( JO C 75 du 28.2.2023, p. 97).
(13) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Faire progresser le cadre politique de l’Union européenne en faveur d’une transition juste: quelles sont les mesures nécessaires?» (avis exploratoire à la demande de la présidence belge) (JO C, C/2024/1576, 5.3.2024, ELI: http://data.europa.eu/eli/C/2024/1576/oj).
(14) Christina Plank, Rike Stotten et Robert Hafner. 2024. Values-Based Modes of Production and Consumption: Analyzing How Food Alternatives Transform the Current Food Regime. Frontiers in Sustainable Food Systems 8 (juin):1266145. https://doi.org/10.3389/fsufs.2024.12661; Paola De Bernardi, Alberto Bertello, Francesco Venuti et Alessandro Zardini. 2021. Knowledge Transfer Driving Community-Based Business Models towards Sustainable Food-Related Behaviours: A Commons Perspective. Knowledge Management Research & Practice 19 (3): 319–26. https://doi.org/10.1080/14778238.2019.1664271.
(15) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers un cadre pour l’étiquetage des denrées alimentaires durables afin de donner aux consommateurs les moyens de faire des choix alimentaires durables» (avis d’initiative) ( JO C 75 du 28.2.2023, p. 97).
(16) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Le rôle de la jeunesse dans le développement rural» (avis d’initiative) (JO C, C/2024/1570, 5.3.2024, ELI: http://data.europa.eu/eli/C/2024/1570/oj).
(17) Avis du Comité économique et social européen — Une transition juste pour assurer un avenir durable aux systèmes agroalimentaires de l’UE (avis d’initiative) (JO C, C/2024/6878, 28.11.2024, ELI: http://data.europa.eu/eli/C/2024/6878/oj).
(18) Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions «Stratégie de l’UE pour la protection des sols à l’horizon 2030 — Récolter les fruits de sols en bonne santé pour les êtres humains, l’alimentation, la nature et le climat» [COM(2021) 699 final] ( JO C 290 du 29.7.2022, p. 131).
(19) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Gestion durable de l’eau et urgence climatique: solutions circulaires et autres pistes pour le système agroalimentaire de l’Union européenne dans le cadre d’un futur “pacte bleu” » (avis d’initiative) ( JO C 349 du 29.9.2023, p. 80).
(20) Avis du Comité économique et social européen sur «L’instauration des mesures de sauvegarde pour les produits agricoles dans les accords de commerce» (avis d’initiative) ( JO C 364 du 28.10.2020, p. 49).
(21) Loi Egalim 3: vers un équilibre dans les relations commerciales entre l’agroalimentaire et la grande distribution.
(22) USDA — Rapports obligatoires sur l’élevage.
(23) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La crise des prix des denrées alimentaires: rôle de la spéculation et propositions concrètes d’action à la suite de la guerre en Ukraine» (avis d’initiative) ( JO C 100 du 16.3.2023, p. 51).
(24) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Sécurité alimentaire et systèmes alimentaires durables» (avis exploratoire à la demande de la présidence française) ( JO C 194 du 12.5.2022, p. 72).
(25) Étude du CESE: Collecte de données sur la situation de la protection sociale des travailleurs saisonniers dans les secteurs de l’agriculture et de l’alimentation au sein des États membres de l’UE après la COVID-19.
(26) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers une chaîne d’approvisionnement alimentaire équitable» (avis exploratoire) ( JO C 517 du 22.12.2021, p. 38).
(27) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Sécurité alimentaire et systèmes alimentaires durables» (avis exploratoire à la demande de la présidence française) ( JO C 194 du 12.5.2022, p. 72).
(28) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Aligner les stratégies et les activités des entreprises du secteur alimentaire sur les ODD pour une relance durable après la COVID-19» (avis d’initiative) ( JO C 152 du 6.4.2022, p. 63).
(29) Sergei Schaub, Jaboury Ghazoul, Robert Huber, Wei Zhang, Adelaide Sander, Charles Rees, Simanti Banerjee et Robert Finger. 2023. The Role of Behavioural Factors and Opportunity Costs in Farmers’ Participation in Voluntary Agri-environmental Schemes: A Systematic Review. Journal of Agricultural Economics 74 (3): 617–60. https://doi.org/10.1111/1477-9552.12538.
(30) Rob J. F. Burton et Upananda Herath Paragahawewa. 2011. Creating Culturally Sustainable Agri-Environmental Schemes. Journal of Rural Studies 27 (1): 95–104. https://doi.org/10.1016/j.jrurstud.2010.11.001.
(31) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers un Conseil européen de la politique alimentaire en tant que nouveau modèle de gouvernance dans le futur cadre de l’Union pour des systèmes alimentaires durables» (avis d’initiative) ( JO C 293 du 18.8.2023, p. 1).
(32) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers un Conseil européen de la politique alimentaire en tant que nouveau modèle de gouvernance dans le futur cadre de l’Union pour des systèmes alimentaires durables» (avis d’initiative) ( JO C 293 du 18.8.2023, p. 1).
(33) Avis du Comité économique et social européen sur la «Promotion de régimes alimentaires sains et durables dans l’Union européenne» (avis d’initiative) ( JO C 190 du 5.6.2019, p. 9).
(34) COM(2022) 672 final; Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — «Des cycles du carbone durables» [COM(2021) 800 final] ( JO C 323 du 26.8.2022, p. 95).
(35) Avis du Comité économique et social européen sur «La bioéconomie — Contribution à la réalisation des objectifs de l’Union européenne en matière de climat et d’énergie, ainsi que des objectifs de développement durable des Nations unies» (avis exploratoire) ( JO C 440 du 6.12.2018, p. 45).
(38) Agence européenne pour l’environnement (AEE) — Les biodéchets en Europe.
ELI: http://data.europa.eu/eli/C/2025/117/oj
ISSN 1977-0936 (electronic edition)