INT/989
Préparation aux situations d’urgence
AVIS
Section «Marché unique, production et consommation»
Préparation aux situations d’urgence
(Avis d’initiative)
Contact
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int@eesc.europa.eu
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Administratrice
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Marie-Laurence DRILLON
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Date du document
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12/10/2022
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Rapporteur: Paul RÜBIG
Décision de l’assemblée plénière
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23/02/2022
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Base juridique
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Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur
Avis d’initiative
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Compétence
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Section «Marché unique, production et consommation»
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Adoption en section
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07/10/2022
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Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)
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41/0/0
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Adoption en session plénière
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JJ/MM/AAAA
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Session plénière nº
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…
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Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)
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…/…/…
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1.Conclusions et recommandations
1.1Le Comité économique et social européen (CESE) demande à la Commission européenne et aux États membres d’élaborer d’urgence un plan visant à accroître sensiblement l’autonomie/la souveraineté du marché unique de l’UE en ce qui concerne les installations de production d’énergie, la production de denrées alimentaires et d’eau et l’extraction des matières premières indispensables, et à garantir également l’autonomie/la souveraineté européenne pour les technologies respectives nécessaires. Cette autonomie/souveraineté européenne porte sur la R & D, le traitement des matériaux, la conception, la fabrication, l’installation, le lancement et l’entretien des installations dans les domaines concernés au sein du marché unique de l’UE, de manière à éviter que la précarité énergétique et le chômage frappent les citoyens et les consommateurs européens. La préparation la plus efficace aux situations d’urgence repose sur la résilience, qu’elle soit de nature technique ou sociale. L’amélioration continue de la résilience des systèmes énergétiques face aux menaces naturelles, politiques ou autres devrait être intégrée dans toutes les politiques énergétiques.
1.2Le CESE recommande à l’UE de définir d’urgence des mesures à court terme pour la construction d’installations de production d’énergie au sein du marché unique européen, de manière à atteindre l’objectif d’autonomie/de souveraineté de l’Union.
1.3Le CESE estime qu’il est possible de prévenir des pénuries d’énergie généralisées et durables en Europe en prenant les mesures suivantes:
-renforcer et développer le marché unique européen de l’énergie;
-renforcer la coopération et la coordination avec les partenaires partageant la même optique;
-poursuivre une politique commerciale ambitieuse et diversifier l’approvisionnement;
-lutter contre les inadéquations sur le marché du travail;
-améliorer la communication et la sensibilisation;
-accélérer l’innovation et la numérisation;
-faciliter l’accès au financement;
-garantir des investissements suffisants (pour faciliter la transition écologique, etc.);
-veiller à ce que les politiques soient réalistes. Par exemple, dans le domaine de l’énergie et du climat, il y a lieu de réévaluer le paquet «Ajustement à l’objectif 55» afin de trouver un équilibre entre la réalisation des objectifs pour 2030 et 2050 et la recherche d’une voie à suivre pour cette transition qui soit économiquement et socialement supportable.
1.4Afin d’éviter d’avoir à revoir les calendriers prévus pour le pacte vert et pour mettre en œuvre des politiques énergétiques réalistes, les options ainsi que les procédures d’évaluation des incidences et des risques du pacte vert pour l’Europe et de la politique énergétique de l’UE devraient non seulement tenir compte de l’incidence des mesures sur le climat, mais aussi de leur impact sur le pouvoir d’achat des consommateurs de l’UE et de leurs retombées sur la compétitivité de l’économie européenne, préservant ainsi l’emploi dans l’Union.
1.5Compte tenu de la gravité de la crise, le CESE est d’avis qu’aucune mesure ne devrait être exclue pour y faire face.
1.6Dans le cadre de l’ensemble des mesures à prendre, une partie de la réponse devrait, selon le CESE, consister à mettre en œuvre le plan SET de l’UE (plan stratégique européen pour les technologies énergétiques) et le plan REPowerEU, en particulier en:
˗améliorant l’efficacité énergétique et en favorisant la circularité;
˗mettant en œuvre le plan REPowerEU visant à mettre fin à la dépendance de l’UE à l’égard des combustibles fossiles russes;
˗augmentant les capacités de stockage du gaz et les opérations coordonnées de recharge, en surveillant et optimisant les marchés de l’électricité, en canalisant les investissements vers les systèmes énergétiques et en améliorant la connectivité dans le voisinage immédiat en s’appuyant sur l’ACER, l’ORECE,
REGRT-G
,
REGRT-E
et les communautés de la connaissance et de l’innovation (CCI) InnoEnergy, Raw Materials et Manufacturing de l’Institut européen d’innovation et de technologie.
1.7Le CESE recommande d’encourager les consommateurs à investir dans leurs propres production d’énergie et efficacité énergétique, et de les soutenir dans cette démarche. Cela nécessitera des campagnes d’information et des incitations fiscales.
1.8En outre, le CESE estime que l’UE devrait construire de nouvelles infrastructures pour le transport d’énergie et de ressources énergétiques (gazoduc reliant l’Afrique du Nord à l’Espagne) et pour les sources d’énergie renouvelables telles que l’hydrogène, le biométhane et l’ammoniac (Campfire).
1.9En réponse à la crise, le CESE préconise une série de mesures à court terme:
˗garantir d’autres sources, en particulier pour le pétrole, le charbon, le gaz, l’uranium, l’eau, les denrées alimentaires et les aliments pour animaux;
˗élaborer des plans et des concepts en vue d’économiser et de rationner l’énergie dans l’ensemble des 27 États membres de l’UE:
·le rationnement devrait se dérouler selon des priorités clairement établies, par exemple négocier des plans de rationnement pour les industries à forte intensité énergétique, et de nouveaux accords commerciaux dans le cadre de l’OMC avec de nouvelles priorités pour les denrées alimentaires, les aliments pour animaux, l’eau et l’assainissement;
·la priorité devrait être donnée à l’approvisionnement en électricité et en gaz et aux capacités de stockage de ces énergies des hôpitaux, des acteurs des soins médicaux, des services d’urgence et des acteurs des soins aux personnes âgées et vulnérables;
˗édicter des règles visant à garantir des niveaux suffisants pour les réserves de pétrole et de gaz;
˗promouvoir les économies d’énergie et les nouvelles sources d’énergie;
˗intensifier la R & D européenne dans le domaine de la recherche énergétique, en ce qui concerne plus particulièrement les énergies de substitution, l’énergie de fusion, le stockage de l’énergie, les technologies de l’hydrogène et de l’ammoniac, l’efficacité énergétique des processus industriels à forte intensité énergétique et des appareils à l’usage des consommateurs;
˗accélérer les procédures d’approbation publique pour les nouveaux projets susceptibles de fournir de l’énergie supplémentaire à court et à moyen terme, tels que les stations de déchargement de l’hydrogène dans les ports de l’UE, les gazoducs et les installations portuaires pour la regazéification du gaz liquéfié (GNL);
˗demander à toutes les entreprises de l’UE qui produisent ou fournissent les produits et services nécessaires dans les situations d’urgence d’assurer la sécurité de leur alimentation électrique de secours, de mettre à jour leurs plans d’urgence, d’organiser régulièrement des formations permettant de faire face aux situations d’urgence, etc. (par exemple, les entreprises qui participent aux télécommunications et à la radiodiffusion, les services d’urgence, les serveurs informatiques publics et les fournisseurs d’électricité).
1.10Au-delà des mesures à court terme, le Comité recommande également une série de mesures à moyen et long terme:
1.10.1Le CESE demande à la Commission européenne d’élaborer des plans et de mettre en place les mesures et actions coordonnées suivantes à l’échelle de l’UE:
˗accélérer massivement les marchés publics relatifs aux infrastructures énergétiques critiques, en simplifiant et rationalisant les réglementations de l’UE qui les ralentissent:
·la nouvelle directive-cadre de l’UE sur l’eau. La priorité doit être donnée à la garantie d’un approvisionnement énergétique rapide;
·la nouvelle réglementation européenne relative aux chaînes d’approvisionnement doit être simplifiée. L’accent devrait être mis sur la garantie d’un approvisionnement durable de l’UE en matières premières et biens critiques, négociée dans le cadre d’accord commerciaux bilatéraux;
˗renforcer les chaînes de production et les systèmes de transport afin d’être en mesure de neutraliser d’éventuelles perturbations futures dans la disponibilité de matières premières critiques pour les entreprises européennes (industrie et commerce);
˗réduire la dépendance à l’égard des importations de matériaux critiques et de produits préfabriqués;
˗mettre l’accent sur la souveraineté et l’autonomie technologiques de l’UE;
˗développer une infrastructure de réseau électrique transfrontière (380 kV ou plus);
˗garantir la production de transformateurs pour le changement de tension électrique (haute/basse, CA/CC);
˗relancer les milliers de projets de production d’énergie (hydroélectricité, géothermie, stockage hydroélectrique, etc.) systématiquement écartés depuis des années parce qu’ils avaient un mauvais rapport de rentabilité (en raison du gaz bon marché en provenance de Russie) ou à cause d’obstacles bureaucratiques;
˗explorer de nouvelles technologies d’exploitation. Plusieurs régions de l’UE disposent d’importants réservoirs de gaz naturel qui peuvent être exploités grâce aux nouvelles technologies récemment développées par des universités européennes. À la lumière de son objectif de souveraineté et d’autonomie énergétiques, l’UE devrait se pencher sérieusement sur ces nouvelles technologies et encourager les régions à les expérimenter.
1.10.2 Il est essentiel de renforcer la formation professionnelle et les compétences des électriciens et des agriculteurs et de créer des emplois dans le domaine de la gestion de l’eau.
1.10.3Le CESE recommande d’augmenter le nombre d’étudiants européens dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM), qui stagne actuellement alors que les pays d’Asie ont notablement accru leur nombre d’étudiants en physique, en TIC et en ingénierie. Le CESE préconise de mettre en place des initiatives et des incitations afin d’augmenter le nombre d’ingénieurs, de techniciens et d’emplois de haute technologie supplémentaires en Europe de manière à atteindre ses objectifs en matière de souveraineté/d’autonomie technologiques.
1.10.4Dernier point, mais non le moindre, le CESE estime qu’il est essentiel de maintenir le pouvoir d’achat des citoyens et des consommateurs européens à un niveau élevé en mettant l’accent sur la souveraineté/l’autonomie technologique de l’UE et donc en réduisant sa dépendance à l’égard des importations (de technologies et d’énergie) et en augmentant le nombre d’emplois de haute technologie en Europe.
1.11Pour résumer les conclusions et les recommandations, la question se pose de savoir si l’ordre des priorités ne s’est pas inversé dans l’esprit des consommateurs pour passer de l’environnement suivi des prix et de la sécurité d’approvisionnement, à la sécurité d’approvisionnement suivie des prix et de l’environnement.
2.Observations générales
2.1Définition du concept de «gestion des situations d’urgence»: ce concept couvre l’organisation et la gestion des ressources et des responsabilités dans le cadre du traitement de tous les aspects humanitaires des situations d’urgence, que sont:
-la prévention,
-la préparation,
-la réaction,
-l’atténuation,
-le relèvement.
2.2Personne ne sait combien de temps durera cette guerre brutale en Ukraine, ni quelle sera l’ampleur des destructions d’infrastructures ou encore combien de millions de réfugiés ukrainiens fuiront vers les États membres de l’UE, un exode qui se traduira par l’arrivée de plusieurs millions de nouveaux consommateurs dans le marché unique.
2.3La guerre en Ukraine aura certainement de lourdes conséquences pour l’UE, compte tenu de la forte dépendance de celle-ci aux combustibles fossiles et aux matières premières importés de Russie et d’Ukraine. Il est recommandé d’urgence d’investir dans nos propres installations minières et de production d’électricité afin de parvenir à l’autonomie/la souveraineté, l’un des principaux objectifs de l’UE.
2.4En 2021, certains pays européens ont importé 100 % de leur gaz naturel et d’autres environ 70 % de leur pétrole de Russie. Depuis septembre 2022, certains États membres de l’UE (par exemple, la Pologne, la Bulgarie et les trois États baltes) ont cessé d’importer du gaz en provenance de Russie et de nombreux autres pays européens sont parvenus à réduire considérablement leurs importations de gaz naturel russe en augmentant celles en provenance d’autres pays, principalement du gaz naturel liquéfié via des terminaux prévus à cet effet. En conséquence, les prix du gaz se sont envolés et poursuivent leur hausse dans l’Union. Depuis juillet 2022, les prix moyens du gaz y ont été environ huit fois plus élevés qu’aux États-Unis, ce qui nuit à la compétitivité de l’UE.
2.5Il en découle une augmentation du risque de pertes d’emplois massives dans l’UE. Selon EUROFER, l’industrie sidérurgique européenne emploie directement 330 000 travailleurs hautement qualifiés et soutient indirectement jusqu’à 2,2 millions de personnes supplémentaires. Les industries de l’aluminium, du ciment, du papier, du verre et le secteur chimique emploient aussi directement et indirectement des centaines de milliers de salariés. Au sein du marché unique, les installations de production d’énergie pourraient créer des centaines de milliers de nouveaux emplois bien rémunérés et, partant, accroître le pouvoir d’achat des consommateurs de l’UE.
2.6En ce qui concerne la sécurité alimentaire, les pays européens chercheront systématiquement à devenir moins dépendants de l’approvisionnement en blé en provenance d’Ukraine et de Russie. Il convient de se pencher sur l’opportunité de mettre en place des subventions aux engrais, de réserver des terres pour la production de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux et d’utiliser les déchets agroalimentaires pour produire du biogaz.
3.Préparation aux catastrophes
3.1L’UE n’a pas ménagé ses efforts pour se préparer aux situations d’urgence, mais la guerre en Ukraine lui a montré que ces efforts doivent être poursuivis, voire intensifiés, dans les domaines suivants:
-les coupures de courant (pannes généralisées d’électricité) causées par des défaillances techniques, des cyberattaques, etc., susceptibles d’affecter:
·les systèmes de communication,
·les systèmes d’assainissement, de distribution d’eau et de traitement des eaux usées,
·la continuité des activités de l’industrie;
-les plans de rationnement de l’électricité et du gaz pour les consommateurs et l’industrie de l’UE. Ce risque s’est considérablement accru depuis le début de la guerre en Ukraine.
-les perturbations affectant la disponibilité des matières premières en raison d’une rupture de la chaîne de production ou du système de transport (par exemple, le blocage de 400 grands navires de charge dans le port de Shanghai en avril 2022, en raison du confinement de Shanghai lié à la COVID-19).
-les cybermenaces et des incidents informatiques: comment l’UE peut-elle renforcer la résilience des entreprises et assurer la continuité de leurs activités de manière à garantir l’approvisionnement des consommateurs européens?
-d’autres types d’attaques: les entreprises doivent être suffisamment équipées pour y résister et s’en relever rapidement.
3.2Les situations d’urgence et les catastrophes mettent en exergue l’importance des 17 objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies. Il peut s’agir de catastrophes naturelles, de catastrophes provoquées par des accidents industriels ou technologiques (machines construites par l’homme, catastrophes liées à des événements de type ABC), d’une guerre ou de catastrophes politiques et civiles, d’épidémies ou de famines, ou encore de l’impact en matière de production de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux.
4.Organisations clés au sein de la Commission européenne
4.1L’UE ne manque pas d’organes compétents et spécialisés, en mesure de contribuer à orienter le débat et les préparatifs dans le domaine de la préparation aux situations d’urgence. Il s’agit plus particulièrement des organes suivants:
˗DG ECHO (Protection civile et opérations d’aide humanitaire européennes);
˗ERCC (Centre de coordination de la réaction d’urgence);
˗Réseau européen de connaissances en matière de protection civile;
˗Mécanisme de protection civile de l’Union (MPCU).
5.Exemples actuels de potentielles urgences de premier plan pour les États membres de l’UE, qui concernent plus particulièrement le domaine des installations de production d’énergie
5.1Rupture de la chaîne d’approvisionnement de la production d’énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel, uranium). En 2021, les combustibles fossiles représentaient environ 80 % de l’ensemble de l’énergie primaire utilisée dans l’Union et étaient majoritairement importés.
5.2Pannes électriques généralisées entraînant des problèmes de communication, causées par des défaillances techniques, la cyberguerre ou des attentats terroristes. La production d’électricité à partir de sources renouvelables est erratique. En effet, le vent ne souffle pas toujours et le soleil ne brille pas invariablement lorsque l’UE a besoin de grandes quantités d’énergie. Par conséquent, toute augmentation des capacités de production d’énergie éolienne et photovoltaïque dans l’Union doit aller de pair avec la construction d’énormes installations de stockage d’énergie.
5.3La capacité de garantir l’approvisionnement en matières premières critiques (cuivre, lithium, cobalt, terres rares, etc.) au moyen de nouvelles stratégies du marché unique de l’UE en matière d’extraction minière, de recyclage, etc.
5.4La capacité d’assurer un marché unique concurrentiel pour l’approvisionnement en produits semi-finis (par exemple, depuis le début de la guerre, l’industrie automobile européenne a connu une grave pénurie de faisceaux de câbles produits en Ukraine).
5.5Les besoins en matériaux requis pour la construction du nombre astronomique d’éoliennes nécessaires pour atteindre les objectifs de décarbonation de la production d’électricité dépassent la production mondiale annuelle de cuivre d’un facteur de 14 (25 millions de tonnes produites contre 350 millions de tonnes nécessaires), celle d’aluminium d’un facteur de 7,2 et celle d’acier spécial indispensable pour les éoliennes d’un facteur de 3,9. Les panneaux solaires sont principalement produits en Chine.
5.6Il est urgent d’assurer un approvisionnement massif en combustibles fossiles tant qu’un nombre suffisant d’installations de production d’énergie renouvelable n’est pas construit dans l’UE.
6.Réaction
6.1Compte tenu de l’ampleur de la consommation énergétique européenne, la transition écologique de l’UE prendra environ deux décennies. Le Conseil réuni à Versailles a recommandé d’accélérer la transition, une tâche qui devrait s’avérer très difficile.
6.2Le principal goulet d’étranglement entravant une transition plus rapide n’est pas seulement de nature financière mais est aussi et essentiellement lié aux matériaux nécessaires pour les quelque 700 000 grandes éoliennes d’une puissance de 5 MW et les millions d’installations photovoltaïques, d’énergie de fusion, d’énergie hydraulique et de stockage d’énergie qui devront être construites dans l’ensemble de l’UE. Il sera en outre nécessaire de bâtir des installations géothermiques et de stockage d’hydrogène, d’ammoniac et de CO2. Afin de distribuer la quantité considérable d’énergie électrique décentralisée générée, les lignes électriques à haute et moyenne tension devront être massivement étendues.
6.3Chacune des 700 000 grandes éoliennes d’une puissance de 5 MW (qui produisent généralement 12,5 GWh d’énergie électrique par an) atteint environ 200 mètres de hauteur, repose sur une fondation d’approximativement 2 000 tonnes de béton armé, et nécessite environ 600 tonnes d’acier spécial, 20 tonnes de cuivre et un approvisionnement en terres rares importées principalement de Chine ou de Russie. La multiplication de ces tonnes de matériaux par approximativement 700 000 donne une idée claire des énormes quantités de béton, d’acier, de cuivre et d’autres matériaux que requiert la construction des éoliennes nécessaires à l’UE et dont la production générerait d’énormes quantités supplémentaires de CO2. Si l’on ajoute notamment les terres rares (pour les générateurs et les batteries électriques), le néodyme, le dysprosium, le problème de pénurie apparaît encore plus aigu et très difficile à résoudre d’ici à 2050.
7.Atténuation
7.1Si l’Allemagne continue à construire des éoliennes au rythme de 2021, la construction des 70 000 installations nécessaires pour atteindre les objectifs du pacte vert prendrait 160 ans.
7.2En résumé, de nombreux ingénieurs affirment qu’il sera très difficile de réaliser les objectifs du pacte vert d’ici à 2050, en raison d’une pénurie de matériaux (terres rares, cuivre, acier, etc.) et d’un manque d’ingénieurs et de travailleurs qualifiés (par exemple les électriciens), deux groupes de professionnels indispensables à la réalisation du pacte vert pour l’Europe.
8.Prévention
8.1Nombre d’industries à forte intensité énergétique doivent être converties à l’hydrogène vert ou à l’ammoniac renouvelables produits par l’électricité renouvelable d’ici à 2050, notamment les secteurs sidérurgique et chimique et l’industrie du ciment. De nombreuses personnes ignorent que la transition de toutes ces industries à forte intensité énergétique nécessite environ dix fois plus d’énergie électrique renouvelable que la transition vers l’électromobilité et la décarbonation de l’industrie sidérurgique.
8.2La production de fer et d’acier représente un quart de l’ensemble des émissions industrielles mondiales de CO2. Environ 1 870 millions de tonnes d’acier ont été produites dans le monde en 2020; approximativement 57 % de cette production est localisée en Chine et 7 % dans l’UE. Sur ces 1 870 millions de tonnes d’acier produites à l’échelle mondiale, environ 1 300 millions de tonnes (65 %) sont produites par la filière «hauts-fourneaux» intégrée, dans le cadre de laquelle le minerai de fer est réduit avec du coke, ce qui génère des émissions de CO2 très élevées (approximativement 1,4 tonne de CO2 par tonne d’acier).
8.3Dans les 27 États membres de l’UE, environ 150 millions de tonnes d’acier sont produites chaque année, dont approximativement 90 millions de tonnes par la filière «hauts-fourneaux». Pour que la production de ces 90 millions de tonnes de fonte brute (réduite dans le haut-fourneau avec du coke) soit convertie en fonte verte produite grâce à l’hydrogène renouvelable, environ 360 TWh par an d’électricité renouvelable seraient nécessaires (d’ici à 2050). Cela représente une quantité considérable d’énergie renouvelable, supérieure à la quantité d’électricité produite à partir de sources renouvelables qui serait nécessaire pour électrifier l’ensemble des voitures particulières de l’UE. Pas moins de 30 000 grandes éoliennes seront nécessaires pour produire cette électricité renouvelable pour l’industrie sidérurgique européenne.
8.4En ce qui concerne l’Union européenne, la production d’électricité en 2019 était d’environ 2 904 TWh, dont seulement environ 35 % provenaient de sources renouvelables. Toutefois, approximativement 38 % (1 112 TWh) ont été produits à partir de combustibles fossiles et environ 26 % grâce à l’énergie nucléaire (765 TWh). Seuls 13 % proviennent de l’énergie éolienne, 12 % de centrales hydroélectriques, 4 % de centrales solaires, 4 % de la bioénergie et 2 % de sources géothermiques. La majeure partie de la production d’électricité renouvelable dans l’Union européenne en 2019 (1 005 TWh) provenait de l’énergie éolienne (367 TWh, soit 42 % de l’ensemble des énergies renouvelables). 39 % supplémentaires ont été produits par des centrales hydroélectriques (345 TWh), 12 % par des centrales solaires (125 TWh) et les 6 % restants grâce à la bioénergie (55 TWh).
8.5L’expansion des centrales hydroélectriques à accumulation par pompage est nécessaire pour stabiliser le réseau en cas de panne généralisée imminente.
8.6L’énergie hydraulique doit devenir prioritaire dans l’agenda en matière de politiques énergétique et climatique. Les centrales hydroélectriques développées de manière durable doivent être reconnues comme des sources d’énergie renouvelables. Les gouvernements devraient inclure les grandes et les petites centrales hydroélectriques dans leurs objectifs de déploiement à long terme, leurs plans énergétiques et leurs mécanismes d’incitation en faveur des énergies renouvelables, au même titre que les énergies renouvelables variables.
Bruxelles, le 7 octobre 2022
Alain COHEUR
Président de la Section «Marché unique, production et consommation»
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