AVIS
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Comité économique et social européen
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Les atouts des régions ultrapériphériques (RUP) pour l’UE
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Les atouts des régions ultrapériphériques (RUP) pour l’UE
(avis exploratoire)
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ECO/567
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Rapporteur: Joël DESTOM
Corapporteur: Gonçalo LOBO XAVIER
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Consultation
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Conseil – Présidence française, 21/09/2021
Lettre de Clément BEAUNE, secrétaire d’État chargé des affaires européennes
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Base juridique
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Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
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Compétence
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Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»
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Adoption en section
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14/12/2021
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Adoption en session plénière
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20/01/2022
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Session plénière nº
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566
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Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)
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216/3/6
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1.Conclusions et recommandations
1.1Le CESE reconnaît que les régions ultrapériphériques (RUP), malgré les milliers de kilomètres qui les séparent du continent européen, sont des régions faisant partie intégrante de l’UE. Les régions ultrapériphériques (RUP) sont des îles, des archipels et un territoire terrestre (Guyane française). Ces régions au nombre de neuf sont situées dans l’océan Atlantique occidental, le bassin des Caraïbes, la forêt amazonienne et l’océan Indien: la Guyane française, la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin, la Réunion et Mayotte (France), les Açores et Madère (Portugal) et les îles Canaries (Espagne). Les RUP comptent près de 5 millions d’habitants. Le CESE souligne que les RUP représentent lʼEurope dans le monde, offrent à l’Europe un espace maritime inégalé par aucune autre puissance et de multiples atouts géostratégiques.
1.2Le CESE demande à la Commission de considérer les atouts considérables que les RUP ont à apporter pour le futur de lʼEurope afin de les définir comme des laboratoires pour favoriser des avancées à lʼéchelle mondiale (autonomie alimentaire et énergétique de lʼEurope, transition écologique, tourisme durable, inclusion sociale, implication des organisations de la société civile, …). Les RUP peuvent devenir des modèles à dupliquer dans les différents bassins géographiques où elles sont situées.
1.3La pandémie de COVID-19 a souligné lʼimportance d’un système alimentaire solide et résilient, qui fonctionne en toutes circonstances et soit capable de fournir aux citoyens des denrées alimentaires en suffisance à des prix abordables. La stratégie «De la ferme à la table» est une nouvelle approche globale qui met en lumière à quel point les Européens estiment la durabilité alimentaire. Il s’agit d’un moyen d’améliorer les modes de vie, la santé et l’environnement. La politique européenne dans les RUP doit conduire à l’indépendance alimentaire de ces territoires afin d’en faire des démonstrateurs pour l’Europe. Les RUP sont des territoires d’opportunités dans lesquels certains secteurs économiques traditionnels bénéficient d’un soutien européen continu. Les secteurs émergeants doivent être mieux accompagnés.
1.3.1Le CESE demande à la Commission de prendre en compte la spécificité des RUP dans le calendrier de travail de la Commission relatif à la stratégie «De la ferme à la table» et de sʼassurer que les programmes nationaux du POSEI (Programme dʼoptions spécifiques à lʼéloignement et à lʼinsularité) respectent lʼobjectif central de promotion dʼune agriculture durable.
1.4Le CESE demande à la Commission d’accélérer la livraison dans les RUP de projets européens financés par l’UE visant à identifier des sources d’énergie produites localement, durables et abordables,si nécessaire en déclenchant lʼarticle 349 du TFUE. Lʼobjectif est de montrer qu’ils sont capables de développer des systèmes basés sur les énergies renouvelables. Les coûts de l’énergie sont généralement plus élevés dans ces régions que sur le continent, et les RUP peuvent donc devenir des bancs d’essai alors que l’Europe s’efforce d’atteindre l’autonomie énergétique.
1.5Le CESE demande à la Commission de sʼassurer de la mise en œuvre de la directive énergie renouvelable, directive (UE) 2018/2001 et la suppression de son article 29, paragraphe 13 parce que lʼUnion européenne ne peut subventionner la transition énergétique des RUP en contribuant à la déforestation de pays tiers.
1.6Le CESE demande à la Commission de ne pas réduire le soutien spécifique aux RUP, dans le contexte économique d’une reprise post-COVID-19, car elles ont besoin de moyens financiers adéquats pour être en mesure d’atteindre les objectifs définis dans la stratégie de l’UE définie par le paquet de mesures «Ajustement à lʼobjectif 55». Les RUP sont des régions dont les caractéristiques géographiques les exposent fortement aux risques liés aux événements climatiques extrêmes (tels que les ouragans, vagues destructrices, séismes et sécheresses) qui affectent régulièrement leurs populations. Elles seront donc les premières à subir les conséquences du changement climatique.
1.7Le CESE demande à la Commission de sʼassurer que lʼapplication de lʼArticle 349 TFUE ne fera pas obstacle à la révision de la législation en matière de climat, dʼénergie et de transport afin dʼaligner les textes actuels sur les ambitions fixées pour 2030 et 2050.
1.7.1Cette transition à l’horizon 2030 (et au-delà pour atteindre la neutralité climatique) doit être un effort collectif et inclusif, élaboré conjointement avec les écosystèmes industriels.
1.7.2La stratégie industrielle actualisée a annoncé la création des trajectoires de transition en concertation avec les partenaires sociaux et d’autres parties prenantes afin de dresser un tableau des meilleurs moyens d’accélérer la double transition et d’en tirer parti, compte tenu de l’échelle, de la vitesse et des conditions correspondant à chaque écosystème.
1.8Le CESE demande à la Commission d’élaborer une trajectoire spécifique à l’écosystème des RUP qui précisera l’échelle des besoins, notamment de reconversion professionnelle, ainsi que les besoins en investissements ou en technologie et déterminera les actions à réaliser pour les satisfaire, compte tenu de contributions telles que des feuilles de route. Le modèle du programme INSULAE d’autonomie énergétique mis en place par le programme H2020 de l’UE peut être un point de départ de la mise en place de ces feuilles de route.
1.9Le CESE demande à la Commission d’élaborer des orientations politiques solides pour le tourisme: l’objectif est de rassembler et de réfléchir à un changement d’échelle, intégrant les principes de durabilité dans toutes les activités, pour tous les métiers, car le tourisme joue un rôle majeur dans le développement des RUP en raison de ses multiples retombées et de son important potentiel de création dʼemplois, en particulier pour les jeunes. Le tourisme durable doit devenir lʼidentité des RUP. Tous les acteurs concernés par le tourisme ont leur rôle à jouer dans le développement durable du secteur. La mise en œuvre des plans de relance dans ces régions doit valoriser la diversité des services et professions impliqués dans le développement ainsi que la forte participation des micro-entreprises et des PME au secteur du tourisme. Si le contexte demande de rappeler les caractéristiques particulières du secteur, il impose de penser également les mesures nécessaires pour assurer la qualité de lʼemploi ainsi que la qualité des équilibres commerciaux. En ce sens, des orientations politiques fortes sont nécessaires: il sʼagit de fédérer et de penser un changement dʼéchelle, en intégrant les principes de durabilité à toutes les activités, pour tous les métiers.
1.10Le CESE appelle à soutenir les communautés les plus vulnérables et à réfléchir aux moyens d’impliquer le plus de personnes possible dans les transitions climatique, numérique et sociale. Aucune transition ne sera possible si les communautés locales ne sont pas pleinement engagées dans ces changements, car le développement des RUP repose sur des écosystèmes exceptionnels, mais fragiles. Cela nécessite dʼanticiper les impacts des politiques publiques à venir car les RUP nʼéchapperont pas aux évolutions induites par les grandes transitions climatiques, numériques et sociales. Elles doivent anticiper la transformation globale de leurs économies pour répondre aux exigences futures et le faire en portant la plus grande attention à lʼimpact social de ces transitions. Aussi, il convient de veiller à l’accompagnement des populations les plus fragiles et de réfléchir à lʼimplication, si possible à lʼadhésion, du plus grand nombre. Aucune transition ne sera possible si les populations locales ne sont pas pleinement actrices de ces transformations.
1.11Le CESE demande à la Commission de repenser son mode de consultations publiques de la Commission, afin que tout citoyen ou toute entreprise puisse y répondre sans lʼobligation préalable dʼinscription au registre de la transparence. Le CESE considère le dialogue social comme le moyen le plus important de trouver des solutions spécifiques avec les partenaires sociaux dans les RUP. Il appelle à renforcer et étendre leur utilisation. Lʼassociation de la société civile à lʼélaboration des programmes européens doit être une réalité, et sʼorganiser en lien direct avec les véritables acteurs des territoires. Le degré réel de participation des partenaires sociaux et des organisations de la société civile dans les phases de mise en œuvre et d’évaluation des plans pour la reprise et la résilience dans les RUP doit être renforcé. Il sʼavère indispensable de mettre en place un point de contact de la Commission européenne accessible directement par la société civile.
1.12Le CESE demande à la Commission de mettre en place un pacte sur la compétence dans les RUP, comme elle l’a fait pour plusieurs ecosystème industriels.
1.12.1La transition écologique des RUP ne peut réussir que si ces régions disposent de la main-d’œuvre qualifiée dont elles ont besoin pour rester compétitifs. L’éducation et la formation sont essentielles pour sensibiliser à l’économie verte et renforcer les compétences dans ce domaine dans le cadre d’instruments tels que le volet vert d’Erasmus+ et la coalition «Éducation pour le climat». Avec la stratégie européenne en matière de compétences en faveur de la compétitivité durable, de l’équité sociale et de la résilience, la Commission met en œuvre des actions phares visant à doter les citoyens des compétences adéquates que requiert la transition écologique et numérique. Dans le cadre de cette stratégie, la Commission facilite également l’élaboration d’engagements en faveur de la reconversion professionnelle et du renforcement des compétences dans tous les écosystèmes industriels. Les RUP doivent être pleinement intégrées à ces actions phares de la Commission grâce à la mise en place d’un programme spécifique de travail.
1.12.2Le CESE demande à la Commission d’intensifier les efforts visant à réduire les inégalités dans les RUP, car la pandémie de COVID-19 a affecté les efforts visant à réduire ces inégalités. Les RUP sont considérées comme des régions déchirées par des inégalités persistantes. Les interprétations des notions de «centre» et de «périphérie» fournissent un certain nombre d’explications à la répartition des richesses dans une économie où les relations sont souvent déséquilibrées. Le renforcement de la cohésion économique, sociale et territoriale est l’un des principaux objectifs de l’UE.
1.13Le CESE invite la Commission à faire en sorte que le processus de relance respecte les besoins sociaux, tout en restant homogène et équilibré au niveau régional. Il insiste sur la nécessité d’apprécier un territoire dans son ensemble pour trouver des solutions sur mesure.
1.13.1Le CESE invite la Commission à prendre des mesures pour garantir l’accès au numérique dans les RUP. Plus qu’ailleurs, l’incapacité à assurer un accès généralisé et fiable au numérique et l’utilisation efficace des ressources associées aggrave les inégalités. Cependant, les fractures numériques préexistantes se sont creusées et la pandémie a exacerbé certaines disparités, laissant certaines personnes de côté alors que la numérisation accélère. L’emploi, l’éducation, la santé et les services publics deviendront certainement de plus en plus dépendants des technologies numériques.
1.13.2Le CESE appelle la Commission à déployer des efforts soutenus dans le domaine de la recherche et de l’innovation, qui sont indispensables pour capitaliser sur toutes les opportunités découlant des spécificités des RUP, liées aux océans, aux mers et aux ressources marines, et doivent être privilégiées, car elles ont un grand potentiel pour stimuler les économies, créer des emplois de haute qualité et assurer le bien-être des personnes. Cela concerne une grande variété d’entreprises de toutes tailles. Ceci est primordial à la fois pour développer les activités traditionnelles et pour créer de nouvelles opportunités de marché, qui contribueraient également à attirer les jeunes.
1.14Le CESE demande à la Commission de mettre en place un grand projet d’accès à l’eau et à l’assainissement dans les prochains programmes opérationnels des RUP. Ces grands projets devraient être gérés directement par la Commission européenne. Les grands projets mobilisent des investissements à grande échelle d’une valeur unitaire supérieure à 50 millions d’euros et sont soutenus par des fonds de la politique de cohésion de l’UE. Ils profitent directement aux États membres et à leurs citoyens en créant de meilleures infrastructures et de nouveaux emplois, en instaurant un environnement plus sain et en ouvrant de nouvelles perspectives commerciales.
1.14.1Dans les RUP françaises, les populations n’ont pas accès à l’eau potable et le système d’assainissement est souvent défaillant. L’accès à lʼeau potable ainsi quʼà l’assainissement est indissociable du droit à la vie et à la dignité humaine et de la nécessité de bénéficier d’un niveau de vie correct.
1.15Le CESE demande l’élaboration d’une mise à jour de sa communication des analyses réalisées sur la situation des RUP face au phénomène d’immigration. Elle appelle à une collaboration interterritoriale face aux migrations et sollicite pour ces régions l’application du nouveau pacte européen sur les migrations qui autorise la mise en œuvre d’un «mécanisme de solidarité obligatoire» en raison de la «pression migratoire».
2.Observations générales
2.1Les RUP, situées dans plusieurs bassins géographiques, confèrent à lʼEurope un positionnement géostratégique, économique, culturel aux confins de plusieurs continents ainsi que des atouts uniques. Ces atouts comportent une valeur ajoutée intrinsèque et sont les supports naturels de la coopération de lʼUE avec les pays tiers, y compris en dehors de leurs zones géographiques. Ils contribuent au rayonnement international de lʼEurope et se caractérisent par de singuliers potentiels de solutions à mettre en œuvre pour relever les défis auxquels est confrontée lʼUE. La Commission européenne a annoncé l’adoption d’une nouvelle communication, sous présidence française du Conseil, relative à l’actualisation du partenariat stratégique de la Commission avec ces régions.
2.2La valorisation des atouts identifiés est, dans une large mesure, tributaire de la capacité de l’UE à dialoguer avec tous ses citoyens. La société civile doit contribuer à sensibiliser les différents acteurs (États, régions, collectivités locales, communautés locales, écoles, entreprises et particuliers) à l’intérêt de reconnaître que les R.U.P peuvent favoriser l’essaimage d’actions opérationnelles tangibles afin d’accélérer la mise en œuvre des objectifs de développement durable. La mesure des impacts serait applicable à plusieurs natures de besoin (pêche, agriculture et évolution des modèles; culture et valorisation du secteur; emploi et formation; éducation et mobilité des jeunes; développement des entreprises; environnement, énergies et défis climatiques; immigration).
2.3Les propositions du CESE pour la reconstruction et la relance après la pandémie de COVID-19 fixent le cadre dans lequel les atouts des RUP doivent sʼépanouir. Elles peuvent traduire la contribution de ces régions dans différents domaines: poursuivre les changements structurels et les activités d’investissement connexes nécessaires, principalement dans les domaines du numérique, des innovations intelligentes et sociales et de la transition écologique; améliorer constamment la compétitivité; créer l’environnement voulu pour renforcer la place du travail parmi les grands moteurs de la relance du système économique; réunir les conditions d’un renforcement de l’autosuffisance et de la résilience; améliorer sensiblement les chaînes de distribution.
2.4La directive-cadre de l’UE sur l’eau reconnaît que «l’eau n’est pas un bien marchand comme les autres mais un patrimoine qu’il faut protéger, défendre et traiter comme tel».
2.4.1Trois éléments sont essentiels pour garantir et améliorer lʼaccès à lʼeau et à lʼassainissement, à savoir la qualité, lʼaccessibilité et le caractère abordable. L’UE a contribué à garantir à la population de ses États membres un accès à l’eau potable et à l’assainissement au moyen de deux grandes catégories d’actions. Tout d’abord, elle a arrêté des normes ambitieuses en matière de qualité de l’eau, garantissant un niveau élevé de protection à la fois au bénéfice de la santé publique et de l’environnement. Ensuite, elle a financé le développement et lʼamélioration des infrastructures hydrauliques dans les États membres, contribuant ainsi à accroître la qualité et l’accès physique aux services relatifs à l’eau. Pour l’heure, dans les RUP françaises, l’intervention de l’UE nʼest pas encore ressentie et la population n’a pas accès à l’eau.
3.Observations particulières
3.1Un contexte révélateur des priorités alimentaires et énergétiques
3.1.1Les RUP sont considérées comme des régions vulnérables sur le plan économique. Certaines vulnérabilités résultent de leur exposition aux risques en raison de variables structurelles (isolement, taille des marchés, concentration des exportations, part de l’agriculture et de la pêche dans la création de richesse, ...) et d’autres relèvent de leur exposition aux chocs traduisant des situations exceptionnelles (crises économique, environnementale, sociale, sanitaire, ...). La pandémie de COVID-19 a renforcé les niveaux de prise de conscience concernant les éventuelles conséquences d’une préparation insuffisante. Même si les chaînes de distribution et dʼapprovisionnement ont résisté à cette crise, il nʼexistera jamais aucun vaccin permettant de prémunir les populations des effets d’une forme de fragilité alimentaire et énergétique.
3.1.2Les RUP doivent illustrer la capacité dʼun échelon défini à répondre aux besoins essentiels sur les plans alimentaires et énergétiques, afin de rendre les populations résilientes face aux chocs venant de l’extérieur. Il sʼagit d’une approche qui, tout en étant créatrice dʼemplois de proximité et de lien social, vise à associer des citoyens engagés au suivi sur le terrain de projets innovants, accompagnés par des organisations publiques performantes et à lʼécoute. Les RUP disposent des atouts indispensables pour incarner une transition porteuse d’activité économique et de cohésion sociale. En effet, il existe un ancrage culturel fort au service dʼune relation à la nature qui serait favorable à lʼémergence d’écosystèmes privilégiant une production alimentaire saine et durable. De même, l’accès aisé aux énergies renouvelables les plus courantes (hydraulique, biomasse, éolienne, thermique, géothermique, photovoltaïque) ouvre le champ des possibles.
3.1.3LʼUE va adopter un nouveau cycle de politiques en faveur du climat, le paquet «Ajustement à l’objectif 55». Les RUP peuvent devenir des laboratoires pour rendre l’Union européenne plus résiliente. La stratégie «De la ferme à la table» constitue un élément central du pacte vert pour l’Europe. Les RUP ont les moyens de démontrer quʼil est urgent de préserver une riche biodiversité, dʼasseoir la position des agriculteurs et des pêcheurs dans la chaîne de valeur, dʼencourager une consommation alimentaire durable et de promouvoir une alimentation saine à des prix abordables pour tous, sans faire de compromis sur la sécurité, la qualité ou le prix des denrées alimentaires. Les RUP peuvent être les incubateurs de cette stratégie de lʼUnion européenne qui entend englober lʼintégralité de la chaîne alimentaire. Elles peuvent éclairer efficacement le besoin de disposer des études d’impacts opportunes. La crise énergétique est déjà plus sévère dans les RUP. C’est pourquoi de toutes parts il est nécessaire de rechercher des solutions spécifiques pour ces régions car en cas d’aggravation de cette crise énergétique actuelle, elles pourraient être parmi les plus sinistrées.
3.1.4Dans les RUP, comme dans toutes les régions dʼEurope, la transition énergétique nʼest pas seulement une question de technologie. Elle représente un enjeu social majeur auquel il est indispensable dʼassocier la société civile. A cet égard, la relance organisée suite à la pandémie COVID-19 donne lʼoccasion dʼutiliser des fonds de manière à atteindre lʼobjectif consistant à placer les citoyens au cœur de la transition énergétique et, ce faisant, à stimuler lʼéconomie régionale. Les énergies renouvelables, largement disponibles dans les RUP, sont décentralisées. Elles nécessitent des investissements plutôt faibles au regard des coûts générés par les structures dʼenvergure centralisées. Avec le pacte vert, la Commission a placé la neutralité climatique en tête de ses priorités et avec le plan de relance, elle prévoit dʼinvestir des milliards dʼeuros dans la reconstruction de lʼéconomie ainsi que dans la création et la sauvegarde dʼemplois de grande qualité en Europe. Les RUP peuvent montrer la voie dʼune démarche centrée sur le citoyen et tenant compte des consommateurs les plus vulnérables.
3.1.5La directive-cadre de l’UE sur l’eau reconnaît que «l’eau n’est pas un bien marchand comme les autres mais un patrimoine qu’il faut protéger, défendre et traiter comme tel». Trois éléments sont essentiels pour garantir et améliorer l’accès à l’eau et à l’assainissement, à savoir la qualité, l’accessibilité et le caractère abordable. L’UE a contribué à garantir à la population de ses États membres un accès à l’eau potable et à l’assainissement au moyen de deux grandes catégories d’actions. Tout d’abord, elle a arrêté des normes ambitieuses en matière de qualité de l’eau, garantissant un niveau élevé de protection à la fois pour la santé publique et pour l’environnement. Ensuite, elle a financé le développement et l’amélioration des infrastructures hydrauliques dans les États membres, contribuant ainsi à accroître la qualité et l’accès physique aux services relatifs à l’eau. Pour l’heure, dans certaines RUP françaises, l’intervention de l’UE ne se fait pas encore ressentir car les difficultés d’accès à l’eau rencontrées par la population demeurent uniques en Europe.
3.2Des lignes de fractures et d’inégalités amplifiées
3.2.1Les RUP sont considérées comme des régions traversées par des inégalités persistantes. Les interprétations de la notion de centre et de périphérie proposent plusieurs explications de la répartition de la richesse dans une économie où les rapports sont souvent asymétriques. Le renforcement de la cohésion économique, sociale et territoriale est lʼun des principaux objectifs de lʼUE. Un budget significatif est consacré à la réduction des écarts, et les RUP en sont largement bénéficiaires. Malgré lʼimperfection des outils d’évaluation, il convient de reconnaître que la pandémie COVID-19 a impacté les efforts engagés pour réduire ces inégalités. La conférence des Présidents des RUP du 19 novembre 2021 s’est d’ailleurs prononcée sur ces conséquences. Aussi, le contexte impose aux partenaires sociaux et à toutes les organisations de la société civile de formuler une alerte sur la nécessité d’accélérer tous les processus pour mettre fin aux logiques de rattrapage, pour placer le citoyen au cœur des dispositifs et pour développer un véritable regard prospectif.
3.2.2Des bases économiques solides sont essentielles pour susciter un développement durable et maintenir un modèle social ambitieux dans les RUP. Les politiques sociales doivent aller de pair avec celles qui stimulent le développement économique, en partant du constat que les unes et les autres servent toutes le bien commun. Créer des emplois, développer les compétences et rendre inclusifs les marchés de l’emploi, sont les uniques vaccins permettant la prévention des inégalités et de lʼexclusion, ainsi que le renforcement de la stabilité sociétale. Le processus de relance doit donc respecter les besoins sociaux, en étant uniforme et équilibré à lʼéchelle régionale. Il sʼagit de considérer lʼespace régional dans sa globalité pour définir des solutions adaptées à chaque contexte.
3.2.3Depuis mars 2020, toutes les régions se sont massivement tournées vers le cyberespace. Dans les RUP, et comme ailleurs, des écoliers ont inauguré lʼécole à distance, les salariés ont mis en œuvre le télétravail et les entreprises ont tenté de faire évoluer leurs modèles économiques pour poursuivre leurs activités. Toutefois, les fractures numériques préexistantes se sont amplifiées et la pandémie a accentué certaines disparités, laissant certains citoyens en marge de lʼaccélération numérique. Le retour en arrière semble improbable et les emplois, lʼéducation, la santé, les services publics deviendront certainement de plus en plus tributaires des technologies numériques. Dans les RUP, et plus quʼailleurs, lʼincapacité de garantir un accès généralisé et fiable au numérique ainsi quʼune utilisation efficace des ressources associées amplifie les inégalités. Il y a urgence à mettre en place un accès Internet à haut débit par satellite dans les RUP, afin de donner accès au numérique à la population
3.2.4Dans les RUP, les activités liées aux océans, aux mers et aux ressources marines devraient être prépondérantes car elles recèlent un potentiel qui sʼaffirme pour renforcer les économies, créer des emplois de qualité et assurer le bien-être des citoyens. Une grande diversité d’entreprises, de toutes les tailles, sont concernées. Des efforts soutenus dans le domaine de la recherche et de lʼinnovation sont indispensables pour saisir toutes les opportunités associées aux caractéristiques des RUP. Une démarche en ce sens est primordiale, tant pour le développement des activités traditionnelles que pour la création de nouveaux débouchés, ce qui contribuerait aussi à attirer les jeunes.
3.3L’impérieuse nécessité de renforcer l’implication de la société civile
3.3.1Plusieurs projets pilotes menés dans les RUP sont soutenus par des programmes européens (Erasmus plus, H2020, …). Lʼactualisation du partenariat stratégique de la Commission avec ces régions doit donner l’opportunité de renforcer ce soutien et de dupliquer ces projets. Il sʼagira de promouvoir des projets dʼautonomie énergétique, d’autonomie alimentaire, de tourisme durable, dʼéducation des enfants, de formation des adultes et dʼinclusion sociale. Le développement du numérique doit être un prérequis pour que les économies des RUP se développent.
3.3.2Compte tenu de lʼimpact majeur de la pandémie de COVID-19 sur les sociétés dans les RUP, le CESE plaide en faveur de la mise en œuvre de projets économiques et sociaux axés sur la prospérité, qui donnent la priorité au bien-être des citoyens et ne laissent personne pour compte. Un défi majeur de ces régions est de savoir comment seront corrigées les inégalités et les déséquilibres. La crise a mis en évidence et creusé les fractures existant de longue date dans ces sociétés, sʼagissant notamment de lʼaccès aux soins de santé et à l’éducation. Lʼincidence des infections à la COVID-19 semble avoir été plus élevée chez les personnes les plus démunies. Les personnes les plus pauvres sont également moins susceptibles de pouvoir effectuer du télétravail. Les RUP peuvent être des laboratoires permettant, à lʼoccasion de la relance, de corriger les lacunes des politiques sociales, économiques et environnementales. Dans ces régions, les fonds européens ne doivent pas représenter uniquement des chiffres, des objectifs et des délais: ils doivent aussi symboliser une vision commune de lʼavenir et un intérêt réel pour le projet européen.
3.3.3Le déploiement des plans de relance dans les RUP doit permettre dʼexpérimenter de nouvelles pratiques de suivi des affectations des fonds et des ressources. Les partenariats noués peuvent être assortis de lʼobligation de créer des comités de suivi représentant un large éventail de parties prenantes issus des organisations de la société civile. Considérer les atouts des RUP pour lʼUE donne lʼoccasion dʼappeler à un large consensus entre les partis politiques, les acteurs sociaux, les entrepreneurs, les syndicats et la société civile, en vue de garantir la plus grande réussite possible de ces régions dans lʼUE.
3.4Dans les RUP, l’ampleur des défis engendrés par la pandémie de COVID-19 et par les transitions attendues implique une coopération active de tous les acteurs représentatifs de la société civile, dans le respect des responsabilités et des compétences de chacun. Le dialogue social est un outil déterminant pour la mise en œuvre des plans de relance dans les RUP. Sa valorisation devrait permettre d’expérimenter de nouvelles pratiques de suivi de l’allocation des fonds et des ressources. Les partenariats peuvent inclure l’obligation de mettre en place des comités de suivi représentant un large éventail de parties prenantes, y compris le rôle critique des partenaires sociaux, ainsi que d’autres organisations de la société civile. Considérer les bénéfices des RUP pour l’UE est l’occasion d’appeler à un large consensus en vue d’assurer le plus grand succès possible de ces régions de l’UE.
3.5Les RUP sont pleinement soumises aux impératifs de la mondialisation, principalement caractérisée par la connexion croissante des territoires, des cultures et des économies. Elles représentent des frontières de l’UE très éloignées du continent. De fait, la gestion des flux migratoires et de la protection des frontières demeure un défi majeur pour ces régions. Cette réalité engendre des situations de vulnérabilité, aggravée par la crise pandémique. À travers une communication européenne du 12 septembre 2007 intitulée «Stratégie pour les régions ultrapériphériques: bilan et perspectives», la Commission européenne avait décidé de prêter attention à la situation des régions ultrapériphériques (RUP) face au phénomène de l’immigration. L’analyse avait mis en avant un enchevêtrement de niveaux d’action publique assez complexe auquel sont confrontées ces régions. La diversité des configurations complique l’élaboration d’approches communes à toutes ces régions sur la question migratoire.
Bruxelles, le 20 janvier 2022
Christa SCHWENG
Présidente du Comité économique et social européen
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