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Document 62024CC0134
Opinion of Advocate General Norkus delivered on 27 February 2025.###
Conclusions de l'avocat général M. R. Norkus, présentées le 27 février 2025.
Conclusions de l'avocat général M. R. Norkus, présentées le 27 février 2025.
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2025:134
Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. RIMVYDAS NORKUS
présentées le 27 février 2025 (1)
Affaire C‑134/24 [Tomann] (i)
UR, en qualité de mandataire liquidateur de V GmbH
contre
DF
[demande de décision préjudicielle formée par Bundesarbeitsgericht (Allemagne)]
« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Licenciements collectifs – Absence de notification préalable à l’autorité compétente – Conséquences pour la validité du licenciement – Détermination de la date d’expiration de l’interdiction de licenciement par l’autorité compétente »
I. Introduction
1. Le présent renvoi préjudiciel, qui a pour cadre juridique la directive 98/59/CE (2), s’inscrit dans le sillage tracé par l’arrêt Junk (3), par lequel la Cour a constaté que les articles 3 et 4 de cette directive ne s’opposent pas à ce qu’il soit procédé à la résiliation des contrats de travail au cours de la procédure qu’ils instituent, à condition que cette résiliation intervienne après la notification du projet de licenciement collectif à l’autorité publique compétente.
2. Ce renvoi trouve son origine dans le cadre d’un litige opposant l’administrateur judiciaire d’une société de droit allemand à un employé de cette société au sujet de la validité de la résiliation du contrat de travail de ce dernier, intervenue dans le cadre d’un licenciement collectif.
3. Dans la présente affaire, les questions posées par la deuxième chambre du Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne) conduiront la Cour à se pencher à nouveau sur la procédure de notification préalable des licenciements collectifs prévue par la directive 98/59, dans le contexte particulier de la résiliation de contrats de travail effectuée par l’employeur en l’absence d’une telle notification. Plus précisément, ces questions portent, notamment, d’une part, sur la portée de l’obligation de notification au titre de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive ainsi que sur celle des effets du délai prévu à l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive et, d’autre part, sur la possibilité et les conditions de régularisation ultérieure de la situation résultant de la violation d’une telle obligation de notification par l’employeur.
4. Étant donné que la juridiction de renvoi a saisi la Cour dans le cadre d’une procédure interne de consultation visant à mettre fin à des divergences d’interprétation entre différentes chambres du Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail), la présente affaire soulève, au préalable, la question de la recevabilité de la demande de décision préjudicielle.
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
5. L’article 2 de la directive 98/59, qui fait partie de la section II de celle-ci, intitulée « Information et consultation », dispose, à ses paragraphes 1 et 3 :
« 1. Lorsqu’un employeur envisage d’effectuer des licenciements collectifs, il est tenu de procéder, en temps utile, à des consultations avec les représentants des travailleurs en vue d’aboutir à un accord.
[...]
3. Afin de permettre aux représentants des travailleurs de formuler des propositions constructives, l’employeur est tenu, en temps utile au cours des consultations :
a) de leur fournir tous renseignements utiles et
b) de leur communiquer, en tout cas, par écrit :
i) les motifs du projet de licenciement ;
ii) le nombre et les catégories des travailleurs à licencier ;
iii) le nombre et les catégories des travailleurs habituellement employés ;
iv) la période au cours de laquelle il est envisagé d’effectuer les licenciements ;
v) les critères envisagés pour le choix des travailleurs à licencier dans la mesure où les législations et/ou pratiques nationales en attribuent la compétence à l’employeur ;
[...]
L’employeur est tenu de transmettre à l’autorité publique compétente au moins une copie des éléments de la communication écrite prévus au premier alinéa, points b), i) à v). »
6. L’article 3 de cette directive, qui figure dans la section III de celle-ci, intitulée « Procédure de licenciement collectif », énonce, à son paragraphe 1, premier et quatrième alinéas :
« 1. L’employeur est tenu de notifier par écrit tout projet de licenciement collectif à l’autorité publique compétente.
[...]
La notification doit contenir tous renseignements utiles concernant le projet de licenciement collectif et les consultations des représentants des travailleurs prévus à l’article 2, notamment les motifs de licenciement, le nombre des travailleurs à licencier, le nombre des travailleurs habituellement employés et la période au cours de laquelle il est envisagé d’effectuer les licenciements. »
7. L’article 4 de ladite directive, qui figure également dans la section III de celle-ci, prévoit, à ses paragraphes 1 à 3 :
« 1. Les licenciements collectifs dont le projet a été notifié à l’autorité publique compétente prennent effet au plus tôt trente jours après la notification prévue à l’article 3, paragraphe 1, sans préjudice des dispositions régissant les droits individuels en matière de délai de préavis.
Les États membres peuvent accorder à l’autorité publique compétente la faculté de réduire le délai visé au premier alinéa.
2. L’autorité publique compétente met à profit le délai visé au paragraphe 1 pour chercher des solutions aux problèmes posés par les licenciements collectifs envisagés.
3. Dans la mesure où le délai initial prévu au paragraphe 1 est inférieur à soixante jours, les États membres peuvent accorder à l’autorité publique compétente la faculté de prolonger le délai initial jusqu’à soixante jours après la notification lorsque les problèmes posés par les licenciements collectifs envisagés risquent de ne pas trouver de solution dans le délai initial.
Les États membres peuvent accorder à l’autorité publique compétente des facultés de prolongation plus larges.
L’employeur doit être informé de la prolongation et de ses motifs avant l’expiration du délai initial prévu au paragraphe 1. »
B. Le droit allemand
8. L’article 134 du Bürgerliches Gesetzbuch (code civil), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « BGB »), prévoit :
« Tout acte juridique contraire à une interdiction légale est nul à moins que la loi n’en dispose autrement. »
9. L’article 615 du BGB est ainsi libellé :
« Si le créancier d’une prestation de services accepte les services avec retard, le prestataire peut exiger la rémunération convenue pour les services non exécutés à cause du retard sans être tenu de les exécuter plus tard [...] »
10. L’article 17 du Kündigungsschutzgesetz (loi sur la protection contre le licenciement abusif), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « KSchG »), dispose :
« (1) L’employeur est tenu d’effectuer une notification à l’agence pour l’emploi avant de licencier :
1. dans les établissements employant habituellement plus de 20 et moins de 60 travailleurs : plus de 5 travailleurs,
[...]
au cours d’une période de 30 jours calendaires. [...]
[...]
(3) [...] La notification prévue au paragraphe 1 doit être effectuée par écrit et accompagnée de l’avis du comité d’entreprise sur les licenciements. À défaut d’avis du comité d’entreprise, la notification prend effet si l’employeur apporte des éléments permettant de présumer qu’il a informé le comité d’entreprise au moins deux semaines avant de procéder à la notification au titre du paragraphe 2, première phrase, et s’il rend compte de l’état des consultations. La notification doit contenir des renseignements sur le nom de l’employeur, le siège social et le type d’entreprise, ainsi que sur les motifs du projet de licenciement, le nombre et les catégories des travailleurs à licencier ainsi que des travailleurs habituellement employés, la période au cours de laquelle il est envisagé d’effectuer les licenciements, et les critères prévus pour le choix des travailleurs à licencier. En accord avec le comité d’entreprise, la notification doit également comporter, pour le placement, des renseignements sur le sexe, l’âge, la profession et la nationalité des travailleurs à licencier [...] »
11. L’article 18, paragraphes 1 et 2, du KSchG est libellé comme suit :
« (1) Les licenciements qui doivent être notifiés en application de l’article 17 ne prennent effet avant l’expiration d’un mois suivant la réception de la notification par l’office pour l’emploi qu’avec l’accord de ce dernier, ledit accord pouvant aussi être donné rétroactivement jusqu’à la date de dépôt de la demande.
(2) Dans certains cas, l’office pour l’emploi a la faculté de décider que les licenciements ne prendront pas effet avant l’expiration d’un délai maximal de deux mois suivant la réception de la notification. »
12. L’article 45 de l’Arbeitsgerichtsgesetz (loi sur les juridictions de travail), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« ArbGG »), dispose :
« (1) Une grande chambre est créée au sein du [Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail)].
(2) La grande chambre statue lorsqu’une chambre souhaite s’écarter de la décision d’une autre chambre ou de la grande chambre sur une question juridique.
(3) Un renvoi devant la grande chambre n’est recevable que si la chambre dont il est envisagé de s’écarter de la décision a déclaré, à la demande de la chambre saisie, qu’elle maintenait sa position juridique [...] La chambre concernée statue sur la demande et la réponse par voie d’ordonnance adoptée dans la composition requise pour les arrêts.
[...] »
III. Les faits du litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour
13. DF était employé par V Handelsgesellschaft mbH (ci-après « V ») depuis 1994. Le 1er décembre 2020, une procédure d’insolvabilité a été ouverte à l’encontre de cette société et UR en a été nommé administrateur judiciaire.
14. Le 2 décembre 2020, UR a résilié le contrat de travail de DF avec effet au 31 mars 2021 et, jusqu’au 29 décembre 2020, il a mis fin à l’ensemble des 22 contrats de travail de la société débitrice encore en vigueur en octobre 2020. Il a ainsi licencié plus de 5 employés au cours d’une période de 30 jours calendaires.
15. Par la suite, DF a introduit un recours en protection contre son licenciement devant l’Arbeitsgericht Hamburg (tribunal du travail de Hambourg, Allemagne) tendant, d’une part, à ce qu’il soit constaté que la relation de travail se poursuivait et, d’autre part, à ce que UR soit condamné à maintenir l’emploi de DF jusqu’à la clôture définitive de la procédure contre le licenciement. Au soutien de son recours, DF fait valoir que la résiliation de son contrat de travail est nulle, UR n’ayant pas procédé au préalable à la notification du licenciement collectif au sens de l’article 17, paragraphe 1, du KSchG.
16. UR a conclu au rejet du recours de DF, en soutenant que la réglementation relative aux licenciements collectifs n’était pas applicable, V n’employant que 19 salariés au moment de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité. Ainsi, le seuil exigeant de procéder à ladite notification, prévu à l’article 17, paragraphe 1, du KSchG, n’aurait pas été atteint. Il n’a procédé à une telle notification qu’après le 31 mars 2021.
17. Par un jugement du 20 avril 2021, l’Arbeitsgericht Hamburg (tribunal du travail de Hambourg) a fait droit au recours de DF.
18. Par un arrêt du 3 février 2022, le Landesarbeitsgericht Hamburg (tribunal supérieur du travail de Hambourg, Allemagne) a rejeté l’appel interjeté par UR contre ce jugement.
19. UR a ensuite introduit un recours en Revision contre cet arrêt devant le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail), la juridiction de renvoi, ce recours ayant été attribué à la sixième chambre (Sechster Senat) de cette juridiction (ci-après la « sixième chambre »).
20. Par une ordonnance du 11 mai 2023, cette chambre a constaté que V employait « habituellement » plus de 20 travailleurs lors du licenciement en cause, de sorte que UR aurait dû effectuer, avant de résilier le contrat de travail de DF, une notification du licenciement collectif au titre de l’article 17, paragraphe 1, point 1, du KSchG.
21. Par une autre ordonnance du 14 décembre 2023, ladite chambre a indiqué qu’elle émettait des doutes quant à la sanction à imposer en cas d’absence d’une telle notification ainsi qu’en présence d’autres éventuels manquements dans le cadre de la procédure de notification au titre du KSchG. Contrairement à sa jurisprudence antérieure, la même chambre a estimé que cette sanction ne saurait être une cause de nullité de la résiliation du contrat en vertu de l’article 134 du BGB. D’une part, l’article 17, paragraphes 1 et 3, du KSchG, qui prévoit l’obligation de notification préalable d’un licenciement collectif, ne saurait être considéré comme une loi d’interdiction, au sens de l’article 134 du BGB. D’autre part, une sanction de nullité ne serait pas non plus prévue par l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/59.
22. La sixième chambre considère ainsi que la sanction des erreurs entachant la procédure de notification ou l’absence de notification du licenciement collectif ne saurait être une cause de nullité de la résiliation du contrat de travail. Il appartiendrait au seul législateur national de prévoir une telle sanction.
23. Pourtant, cette chambre s’estime empêchée, dans la présente affaire, de statuer en ce sens, la pratique jurisprudentielle de la deuxième chambre (Zweiter Senat) du Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail) (ci-après la « deuxième chambre ») relative aux sanctions à imposer en cas de manquements commis dans le cadre de la procédure de notification ne lui permettant pas de s’écarter elle-même de sa propre jurisprudence antérieure, dès lors que l’article 45, paragraphe 3, de l’ArbGG prévoirait une procédure interne de consultation visant à mettre fin à des divergences d’interprétation entre les différentes chambres de cette juridiction.
24. Sur le fondement de cette disposition, la sixième chambre a ainsi, par son ordonnance du 14 décembre 2023, posé à la deuxième chambre la question de savoir si « [elle maintenait] l’analyse [...] selon laquelle la résiliation du contrat de travail, en tant qu’acte juridique, [a] viol[é] une interdiction légale, au sens de l’article 134 du [BGB], en emportant la nullité de la [résiliation], si, lorsqu’[est] interv[enue] cette [résiliation], il n’a[vait] été procédé à aucune notification valable au titre de l’article 17, paragraphes 1 et 3, [du KSchG] ». En effet, la deuxième chambre a jugé jusqu’à présent qu’une résiliation du contrat de travail effectuée en l’absence d’une telle notification préalable était nulle et ne saurait mettre fin audit contrat de travail.
25. Or, au regard de la question qui lui a été posée, la deuxième chambre estime en effet également possible qu’il soit disproportionné d’aboutir, notamment en vertu des obligations imposées par le droit de l’Union, à la nullité d’une telle résiliation du contrat de travail, effectuée en l’absence de notification préalable du licenciement collectif.
26. C’est dans ces conditions que la deuxième chambre du Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail) a, par décision du 1er février 2024, parvenue à la Cour le 20 février 2024, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 4, paragraphe 1, de la [directive 98/59], doit-il être interprété en ce sens qu’une [résiliation] de contrat de travail intervenant dans le cadre d’un licenciement collectif soumis à notification ne peut mettre fin à la relation de travail d’un travailleur concerné qu’après l’expiration de la période de carence ?
En cas de réponse affirmative à la première question :
2) Y a-t-il lieu de considérer que l’expiration de la période de carence n’est pas seulement subordonnée à la notification d’un licenciement collectif, mais qu’il faut encore que cette notification satisfasse aux exigences de l’article 3, paragraphe 1, quatrième alinéa, de la directive 98/59 ?
3) L’employeur qui, sans effectuer (en bonne et due forme) une notification d’un licenciement collectif, a procédé à des [résiliations] de contrats de travail qui étaient soumises à une obligation de notification peut-il régulariser cette notification, avec pour conséquence que les relations de travail des travailleurs concernés prennent fin à l’expiration de la période de carence, sous l’effet des [résiliations] de contrats de travail qui avaient déjà été prononcées antérieurement ?
En cas de réponses affirmatives aux [deux] première[s] questions :
4) Est-il compatible avec l’article 6 de la directive 98/59 que le droit national laisse à l’autorité compétente le soin de déterminer, par la voie d’un acte que le travailleur ne peut attaquer et qui est contraignant pour les tribunaux du travail, la date précise d’expiration de la période de carence, ou le travailleur doit-il impérativement bénéficier d’un droit de recours juridictionnel tendant au contrôle du bien-fondé de la détermination effectuée par l’autorité ? »
27. Des observations écrites ont été déposées devant la Cour par UR et par la Commission européenne. La Cour a décidé de ne pas tenir d’audience de plaidoiries dans la présente affaire.
IV. Analyse
28. Comme je l’ai indiqué dans l’introduction aux présentes conclusions, avant d’analyser au fond la demande de décision préjudicielle (section B), et bien que la recevabilité de cette demande n’ait été remise en cause par aucun des intéressés ayant déposé des observations écrites, il me semble opportun, compte tenu des particularités de la procédure dans le cadre de laquelle la deuxième chambre a saisi la Cour, d’aborder cet aspect pour dissiper d’éventuels doutes quant à la recevabilité de ladite demande (section A).
A. Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle
29. Il ressort de la décision de renvoi que l’article 45 de l’ArbGG prévoit une procédure spéciale en cas de divergences d’interprétation entre les chambres du Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail). La juridiction de renvoi explique que, en vertu de l’article 45, paragraphes 2 et 3, de l’ArbGG, une chambre du Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail) ne peut s’écarter de la jurisprudence d’une autre chambre de cette juridiction qu’à la condition que celle-ci renonce à son analyse en réponse à une demande en ce sens, ou, à défaut, que la grande chambre du Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail) ait rendu une décision sur la réponse exacte à donner à la question juridique qui est au cœur de la divergence. Il s’agit donc d’une procédure interne de consultation visant à mettre fin à des divergences d’interprétation entre différentes chambres de cette juridiction, dont la mise en œuvre est une condition de recevabilité de la saisine de la grande chambre (4). C’est dans le cadre de cette procédure que, par décision du 14 décembre 2023, la sixième chambre a adressé une question à la deuxième chambre, en vertu de l’article 45, paragraphe 3, première phrase, de l’ArbGG.
30. Compte tenu des particularités de ladite procédure, la question pourrait se poser de savoir si la deuxième chambre constitue une juridiction, au sens de l’article 267 TFUE. Toutefois, je suis d’avis que l’approche à adopter dans ce contexte pourrait être guidée par les considérations suivantes.
31. En premier lieu, il est bien établi que le mécanisme du renvoi préjudiciel constitue un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales. Aux termes de l’article 267 TFUE, toutes les juridictions des États membres sont habilitées à soumettre un renvoi préjudiciel. Selon une jurisprudence constante de la Cour, pour apprécier si l’organisme de renvoi en cause possède le caractère d’une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, question qui relève uniquement du droit de l’Union, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels que l’origine légale de cet organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de sa procédure, l’application, par ledit organisme, des règles de droit ainsi que son indépendance (5).
32. À cet égard, il est clair que, sur le plan institutionnel, la deuxième chambre remplit l’ensemble de ces critères. En effet, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, le dossier dont dispose la Cour ne contient aucun élément susceptible de remettre en cause le caractère de juridiction, au sens de l’article 267 TFUE (6).
33. En deuxième lieu, il est important de rappeler que les conditions dans lesquelles la Cour accomplit sa fonction en matière préjudicielle sont indépendantes de la nature et de l’objectif des procédures contentieuses engagées devant les juridictions nationales. L’article 267 TFUE se réfère au jugement à rendre par le juge national sans prévoir un régime particulier en fonction de la nature de celui-ci (7). Dans ce contexte, la jurisprudence de la Cour accorde une importance particulière à la question de savoir si un litige est pendant devant les juridictions nationales et si ces dernières sont appelées à statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision à caractère juridictionnel. C’est seulement si ces deux conditions sont remplies que ces juridictions sont habilitées à saisir la Cour (8).
34. En outre, la Cour souligne dans sa jurisprudence que la justification du renvoi préjudiciel tient non pas dans la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais dans le besoin inhérent à la solution effective d’un tel litige. Ainsi qu’il ressort des termes mêmes de l’article 267 TFUE, la décision préjudicielle sollicitée doit être « nécessaire » pour permettre à la juridiction de renvoi de « rendre son jugement » dans l’affaire dont elle se trouve saisie (9). La Cour a ainsi rappelé à maintes reprises que cette juridiction doit être appelée à rendre une décision susceptible de prendre en considération l’arrêt préjudiciel (10).
35. Certes, aucun litige n’est pendant devant la deuxième chambre, le litige concret qui oppose les parties au principal étant pendant devant la sixième chambre. La présente demande de décision préjudicielle vise ainsi à répondre à des questions juridiques qui se trouvent au cœur de la divergence d’interprétation entre ces deux chambres. Cependant, ainsi que cela ressort de la décision de renvoi, la Cour a été saisie par la deuxième chambre dans le cadre d’une procédure de consultation interne obligatoire au sein du Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail), qui revêt, selon ma compréhension de l’article 45 de l’ArbGG, le caractère d’une procédure incidente. Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, cette phase procédurale fait donc partie intégrante de la procédure judiciaire allemande pendante devant cette juridiction qui, prise dans son ensemble, est susceptible de permettre la solution du litige opposant UR à DF. Autrement dit, le mécanisme interne de consultation prévu à l’article 45 de l’ArbGG s’intègre, en tant que phase intermédiaire, dans la procédure judiciaire allemande, considérée dans sa globalité, menant au jugement de la sixième chambre (11). Par conséquent, la réponse de la deuxième chambre au titre de l’article 45, paragraphe 3, de l’ArbGG, au regard des faits du litige pendant devant la sixième chambre, qui sera apportée en considération de l’arrêt préjudiciel rendu par la Cour, permettra à la sixième chambre de statuer sur le fond du litige au principal pendant devant elle.
36. Dès lors, la procédure relative à la consultation interne, faisant partie intégrante de l’ensemble de la procédure judiciaire en cours devant le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail), répond à un besoin objectif, à savoir de mettre fin à des divergences d’interprétation entre différentes chambres de cette juridiction (12), en permettant ainsi la résolution du litige en cours (13).
37. Il me semble qu’une approche différente de celle exposée au point 35 des présentes conclusions pourrait aboutir, en définitive, à un « morcellement fictif » de ce type de procédures nationales, alors qu’il s’agit d’un seul litige, puisqu’il a sa source dans les mêmes faits. Un tel morcellement artificiel de la procédure judiciaire allemande aurait pour conséquence que le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail) serait empêché de saisir la Cour dans le cadre du mécanisme de renvoi préjudiciel pendant la phase de consultation interne entre ses chambres, alors que cette possibilité existe dans d’autres phases de la même procédure (14). À mon avis, un tel résultat manquerait de cohérence, en ce sens que, pour des raisons d’économie procédurale, cette juridiction devrait pouvoir saisir la Cour dès qu’une question relative à l’interprétation du droit de l’Union s’avère nécessaire, et cela même si cette question est soulevée dans le cadre de la phase de consultation interne entre ses chambres.
38. À cet égard, je tiens à rappeler, d’une part, que la Cour a déjà considéré que la notion de « rendre son jugement », au sens de l’article 267, deuxième alinéa, TFUE, « doit être interprétée de façon large » et qu’elle « doit […] être comprise en ce sens qu’elle englobe l’ensemble de la procédure menant au jugement de la juridiction de renvoi » (15). Selon la Cour, cette notion comprend ainsi « l’entier processus de création du jugement » (16).
39. D’autre part, dans l’arrêt Garofalo e.a. (17), la Cour a déjà jugé comme étant recevable une demande de décision préjudicielle en vertu de l’article 267 TFUE portant sur des questions soumises par une haute juridiction nationale relatives à l’interprétation de cet article et de la directive 86/457/CEE (18), et soulevées dans le cadre de plusieurs recours extraordinaires introduits par Mme Garofalo et dix autres médecins. Dans ses conclusions, l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer avait considéré que cet organe « [pouvait] garder son caractère juridictionnel même lorsqu’il ne statu[ait] pas lui-même, mais émet[tait] des avis dans le cadre d’une procédure de contestation d’actes administratifs aussi particulière que le recours extraordinaire » (19). Ainsi, en constatant que « [c]et avis, comprenant à la fois une motivation et un dispositif, fait partie intégrante d’une procédure qui [...] est seule susceptible de permettre la résolution du conflit opposant des particuliers à l’administration », la Cour a admis la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, en déclarant que, « lorsqu’il émet un avis dans le cadre d’un recours extraordinaire, [ledit organe] constitue une juridiction au sens de l’article [267 TFUE] » (20).
40. En l’occurrence, je relève que, en vertu de l’article 45, paragraphe 3, de l’ArbGG, la phase de consultation interne visant à mettre fin à des divergences d’interprétation entre les différentes chambres du Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail) aboutira à une décision à caractère juridictionnel, à savoir une ordonnance disposant d’une motivation ainsi que d’un dispositif (21).
41. En troisième et dernier lieu, il y a lieu de rappeler que la Cour a jugé que la juridiction qui ne statue pas en dernière instance doit être libre de saisir la Cour des questions qui la préoccupent (22). Par conséquent, une juridiction nationale, saisie d’une affaire, lorsqu’elle considère que, dans le cadre de celle-ci, est soulevée une question portant sur l’interprétation du droit de l’Union, a la faculté ou l’obligation, selon le cas, de s’adresser à la Cour à titre préjudiciel, sans que cette faculté ou cette obligation puissent être entravées par des règles nationales de nature législative ou jurisprudentielle (23).
42. Par conséquent, il convient de considérer que, dans le contexte de la phase de consultation interne visant à mettre fin à des divergences d’interprétation entre les différentes chambres du Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail), pour les raisons énoncées aux points précédents des présentes conclusions, la deuxième chambre remplit les conditions établies par la Cour dans sa jurisprudence (24) et, partant, est habilitée à la saisir dans le cadre du présent renvoi préjudiciel.
43. Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que la demande de décision préjudicielle doit être déclarée recevable.
B. Sur les questions préjudicielles
44. Dans la suite des présentes conclusions, j’examinerai, en premier lieu, compte tenu des arguments formulés à cet égard par UR et par la Commission, si les deuxième et quatrième questions sont irrecevables. Considérant que tel est le cas, j’analyserai au fond, en second lieu, les première et troisième questions.
1. Sur la recevabilité
45. Dans ses observations écrites, UR excipe de l’irrecevabilité des deuxième et quatrième questions. À cet égard, il fait valoir que la juridiction de renvoi n’aurait pas indiqué concrètement les raisons pour lesquelles ces questions seraient pertinentes pour la solution du litige. En effet, aucune notification du licenciement collectif n’aurait été effectuée par l’employeur et, en conséquence, lesdites questions ne seraient pas déterminantes.
46. Pour sa part, la Commission considère que la quatrième question est irrecevable. En effet, le litige au principal ne porterait pas sur la conformité d’une notification avec la directive 98/59 mais sur les conséquences, en vertu de cette directive, de l’absence de notification préalable du licenciement collectif par l’employeur.
47. À cet égard, il convient de rappeler qu’il est bien établi que la procédure instituée par l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (25). Cette procédure vise à contribuer directement et réciproquement à l’élaboration d’une décision en vue d’assurer l’application uniforme du droit de l’Union dans l’ensemble des États membres (26).
48. Selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de cette coopération judiciaire, il appartient aux seules juridictions nationales qui sont saisies du litige et qui doivent assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu’elles posent à la Cour (27). En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (28).
49. S’il est vrai que les questions préjudicielles portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence, il convient de souligner que, selon une jurisprudence constante, la justification du renvoi préjudiciel tient non pas dans la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais dans le besoin inhérent à la solution effective d’un litige (29).
50. S’agissant de la deuxième question, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur le point de savoir si, en cas de réponse affirmative à la première question, l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/59 doit être interprété en ce sens que l’expiration de la période de carence de 30 jours (ci-après la « période de carence ») visée dans cette disposition exige non seulement la notification du licenciement collectif, mais aussi que cette notification soit conforme à l’article 3, paragraphe 1, quatrième alinéa, de cette directive.
51. En l’occurrence, je suis d’avis que cette question relève des situations mentionnées ci-dessus, dans lesquelles la présomption de pertinence d’une question préjudicielle est susceptible d’être renversée (30). En effet, cette question vise à déterminer les conséquences d’une éventuelle notification préalable d’un licenciement collectif à l’autorité publique compétente, effectuée de manière non conforme aux exigences de l’article 3, paragraphe 1, quatrième alinéa, de la directive 98/59. Autrement dit, la juridiction de renvoi cherche à savoir si le licenciement collectif peut prendre effet à l’expiration de la période de carence en dépit de la non-conformité à cette disposition d’une notification effectuée par l’employeur. Dès lors, l’interprétation sollicitée du droit de l’Union dans le cadre de ladite question n’a pas un rapport direct avec l’objet du litige au principal.
52. À cet égard, il ressort clairement du dossier dont dispose la Cour que, dans le cadre du litige au principal, l’employeur en question n’a pas exécuté, avant la résiliation du contrat de travail en cause, l’obligation de procéder à une telle notification préalable prévue à l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 98/59. La circonstance que cette question pourrait s’avérer pertinente dans le cadre de la procédure interne de consultation, en vertu de l’article 45 de l’ArbGG, n’est pas susceptible d’ôter à ladite question son caractère hypothétique (31).
53. Eu égard à ce qui précède, je propose à la Cour de considérer que cette question est irrecevable.
54. En ce qui concerne la quatrième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si, en cas de réponse affirmative aux deux premières questions, l’article 6 de la directive 98/59 doit être interprété en ce sens que le droit national laisse à l’autorité publique compétente le soin de déterminer, par la voie d’un acte que le travailleur ne peut attaquer et qui est contraignant pour les tribunaux du travail, la date précise d’expiration de la période de carence, ou si le travailleur doit impérativement bénéficier d’un droit de recours juridictionnel tendant au contrôle du bien-fondé de la détermination effectuée par ladite autorité.
55. Je tiens à faire observer que, en l’absence de notification préalable du licenciement collectif dans les circonstances du litige au principal, aucun élément du dossier dont dispose la Cour ne laisse apparaître que l’autorité publique compétente aurait effectivement fixé, de manière définitive et contraignante pour les travailleurs, la date d’expiration de la période de carence prévue à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/59. Par conséquent, le problème soulevé par cette question présente un caractère hypothétique et n’est donc pas pertinent aux fins de la résolution du litige au principal. Dans ces conditions, la présomption de pertinence de cette question, telle que rappelée ci-dessus, est renversée (32).
56. Compte tenu de ce qui précède, je propose à la Cour de déclarer que la quatrième question est irrecevable.
2. Sur le fond
57. Dans la suite des présentes conclusions, j’aborderai, en premier lieu, les conséquences juridiques du non-respect de l’obligation de notification à l’autorité publique compétente, au titre de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 98/59, et, en particulier, les effets du délai prévu à l’article 4, paragraphe 1, de cette directive, avant d’examiner, en second lieu, la possibilité et les conditions de régularisation ultérieure de la situation résultant de cette notification initialement omise.
a) Sur la portée de l’obligation de notification à l’autorité publique compétente : les effets du délai prévu à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 98/59
58. Par sa première question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/59 doit être interprété en ce sens qu’une résiliation d’un contrat de travail intervenant dans le cadre d’un licenciement collectif, devant faire l’objet d’une notification préalable à l’autorité publique compétente, au titre de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, ne peut mettre fin à la relation de travail d’un employé qu’après l’expiration de la période de carence prévue par cet article.
59. À cet égard, cette juridiction considère qu’il est déterminant de différencier entre la situation d’absence totale de notification du licenciement collectif et celle d’une notification ne remplissant pas les conditions formelles ou matérielles prévues par le droit national ou par le droit de l’Union (33).
60. En l’occurrence, ainsi que je l’ai déjà exposé, il ressort de la décision de renvoi que l’employeur n’a pas respecté, avant la résiliation du contrat de travail de DF, l’obligation de notification préalable prévue à l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 98/59 (34). Il s’agit donc d’une situation d’absence totale de notification préalable du licenciement collectif, à propos de laquelle cette juridiction explique que, en droit national, la relation de travail ayant fait l’objet d’une résiliation de contrat se poursuivrait, conformément à l’article 18, paragraphe 1, du KSchG, jusqu’à l’expiration de la période de carence d’un mois.
61. Dans ce contexte, la question se pose donc de savoir quelles sont les conséquences juridiques du non-respect par l’employeur des obligations prévues par les articles 3 et 4 de la directive 98/59.
62. UR et la Commission sont partagés quant à l’interprétation à donner à cette disposition.
63. À cet égard, je voudrais rappeler d’emblée que, selon une jurisprudence constante, aux fins de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il convient de tenir compte non seulement des termes de cette disposition, mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie. La genèse de ladite disposition peut également révéler des éléments pertinents pour son interprétation (35). Je commencerai donc par examiner brièvement la lettre de la disposition en cause.
1) La lettre
64. Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 98/59, « [l]es licenciements collectifs dont le projet a été notifié à l’autorité publique compétente prennent effet au plus tôt trente jours après la notification prévue à l’article 3, paragraphe 1, sans préjudice des dispositions régissant les droits individuels en matière de délai de préavis ».
65. À cet égard, comme le fait valoir la Commission, il ne fait aucun doute que la résiliation d’un contrat de travail ne saurait mettre fin à la relation de travail qu’après l’expiration du délai prévu à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 98/59 (36).
66. Cette interprétation résulte, à mon avis, non seulement du libellé clair de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 98/59, mais également du contexte et de l’économie générale dans lesquels s’insère cette disposition.
2) Le contexte et l’économie générale
67. Il faut d’emblée rappeler que, dès que les conditions de nature quantitative et temporelle établies à l’article 1er de la directive 98/59 pour son application sont remplies, les deux séries d’obligations procédurales imposées à l’employeur qui envisage d’effectuer des licenciements collectifs doivent être respectées (37).
68. S’agissant, en premier lieu, des obligations établies dans le cadre de la procédure d’information et de consultation des représentants des travailleurs (38), prévue à l’article 2 de la directive 98/59, il convient de souligner que l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de cette directive énonce que les consultations portent sur les possibilités d’éviter ou de réduire les licenciements collectifs ainsi que sur les possibilités d’en atténuer les conséquences par le recours à des mesures sociales d’accompagnement visant, notamment, l’aide au reclassement ou à la reconversion des travailleurs licenciés (39). En particulier, en vertu de l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, de ladite directive, l’employeur est tenu de fournir aux représentants de travailleurs tous les renseignements utiles et de leur communiquer, en tout cas, par écrit les renseignements mentionnés dans cette disposition. Ainsi, la transmission de renseignements à l’autorité publique compétente, visée à l’article 2, paragraphe 3, second alinéa, de la même directive intervient uniquement à des fins informatives et préparatoires pour que l’autorité publique compétente puisse, le cas échéant, exercer efficacement ses prérogatives prévues à l’article 4 de la directive 98/59 (40).
69. En ce qui concerne, en second lieu, les obligations prévues dans le cadre de la procédure de notification instituée par le législateur de l’Union aux articles 3 et 4 de la directive 98/59, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, « [l]’employeur est tenu de notifier par écrit tout projet de licenciement collectif à l’autorité publique compétente » (41). J’observe que cette disposition contient une règle matérielle comportant l’obligation pour l’employeur de procéder à la notification préalable de tout projet de licenciement collectif.
70. À cet égard, il ne faut pas perdre de vue que le fait que cette obligation s’inscrit dans le cadre de la procédure de notification préalable à l’autorité publique compétente implique, contrairement aux obligations prévues dans le cadre de la procédure d’information et de consultation des représentants des travailleurs, que les travailleurs qui seront concernés par le licenciement collectif aient déjà été désignés et que celui-ci aura certainement lieu. Par conséquent, bien que les obligations prévues, d’une part, à l’article 2, paragraphe 3, et, d’autre part, à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 98/59 aient un lien évident, ce sont des obligations différentes, imposées dans le cadre de deux procédures différentes au cours d’une procédure de licenciement collectif et, partant, leur non-exécution a des conséquences juridiques différentes. Cette différence semble à l’origine des doutes de la juridiction de renvoi.
71. Cela étant clarifié, je me dois de rappeler que la Cour a considéré que les articles 3 et 4 de la directive 98/59 prévoient que les projets de licenciements collectifs doivent être notifiés à l’autorité publique compétente et que de tels licenciements ne peuvent prendre effet qu’au terme d’un certain délai que cette autorité doit mettre à profit pour chercher des solutions aux problèmes posés par les licenciements collectifs ainsi envisagés (42). En effet, cette recherche de solutions est, conformément à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive, l’objectif de la procédure de notification.
72. Plus particulièrement, comme la Cour l’a déjà expliqué, une telle obligation de notification doit permettre à l’autorité publique compétente d’explorer, sur la base de l’ensemble des informations qui lui sont transmises par l’employeur, les possibilités de limiter, par des mesures adaptées aux données caractérisant le marché de l’emploi et l’activité économique dans lesquels s’inscrivent ces licenciements collectifs, les conséquences négatives de ces derniers (43). À ces fins, le délai de 30 jours prévu à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 98/59 pour les cas où l’employeur a exécuté l’obligation de notification prévue à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive correspond, selon la Cour, à la « période minimale » dont l’autorité publique compétente doit pouvoir disposer (44). À cet égard, la Cour a déjà indiqué que, en réservant expressément les dispositions régissant les droits individuels en matière de délai de préavis, l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive vise nécessairement l’hypothèse de résiliations déjà opérées, lesquelles font courir un tel délai (45).
73. Il s’ensuit, à mon sens, que la période de carence a comme conséquence juridique la suspension des effets de la cessation de la relation de travail pour chaque travailleur concerné par un licenciement collectif dont la résiliation du contrat de travail a été effectuée pour permettre, en définitive, à l’autorité publique compétente d’explorer de possibles solutions, conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 98/59. Cette autorité est donc en droit de considérer que les relations de travail avec les travailleurs concernés ne prennent pas fin avant l’expiration de la période de carence. Partant, je suis d’avis que la résiliation d’un contrat de travail ne peut mettre fin à la relation de travail qu’après l’expiration du délai prévu à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive.
74. Cette interprétation me semble également confortée par les objectifs poursuivis par ladite directive ainsi que par sa genèse.
3) Les objectifs et la genèse de la directive 98/59
75. Je rappelle, tout d’abord, qu’il ressort du considérant 2 de la directive 98/59 que celle-ci vise à renforcer la protection des travailleurs en cas de licenciements collectifs en tenant compte de la nécessité d’un développement économique et social équilibré dans l’Union européenne. En particulier, selon les considérants 3 et 7 de cette directive, ce sont notamment des différences subsistant entre les dispositions en vigueur dans les États membres en ce qui concerne les mesures susceptibles d’atténuer les conséquences des licenciements collectifs qui doivent faire l’objet d’un rapprochement des législations (46). De surcroît, selon le considérant 4 de ladite directive, les distorsions entre les niveaux de protection procurés en matière de licenciement collectif par les législations nationales peuvent avoir une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur (47).
76. Je tiens à relever, ensuite, qu’il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que l’objectif principal de la directive 98/59 consiste à faire précéder les licenciements collectifs d’une consultation des représentants des travailleurs et de l’information de l’autorité publique compétente (48). En effet, cette directive n’assure qu’une harmonisation partielle des règles de protection des travailleurs en cas de licenciement collectif, à savoir la procédure à suivre lors de tels licenciements (49).
77. Ainsi, la Cour a déjà précisé dans le cadre de la procédure de consultation et d’information, notamment, que, au vu de la finalité de l’obligation de transmission d’informations et du fait qu’elle intervient à un stade où les licenciements collectifs sont seulement envisagés par l’employeur, l’action de l’autorité publique compétente n’a pas vocation à traiter la situation individuelle de chacun des travailleurs, mais vise à appréhender de manière globale les licenciements collectifs envisagés (50).
78. De manière analogue, on pourrait arguer que l’obligation de notification préalable du licenciement collectif ne saurait non plus avoir pour finalité de conférer une protection individuelle aux travailleurs concernés par ce licenciement collectif (51). Il suffit de rappeler, à cet égard, que la directive 98/59 ne vise pas à établir un mécanisme de compensation financière générale au niveau de l’Union en cas de perte d’emploi (52). En effet, les modalités de la protection devant être accordée à un travailleur ayant fait l’objet d’un licenciement collectif irrégulier, à la suite d’une violation des critères sur la base desquels l’employeur est tenu de se fonder pour déterminer les travailleurs à licencier, sont manifestement dépourvues de rapport avec les obligations de notification et de consultation résultant de cette directive. Selon la Cour, ni ces modalités ni lesdits critères de choix ne relèvent du champ d’application de ladite directive. Ils demeurent, par conséquent, du ressort des États membres (53).
79. Cela étant, l’objectif principal de la directive 98/59 de faire précéder les licenciements collectifs d’une consultation des représentants des travailleurs et de l’information de l’autorité publique compétente serait compromis si, contrairement à ce que prévoit l’article 4, paragraphe 1, de cette directive, l’employeur pouvait mettre fin à la relation de travail d’un employé avant la notification et, partant, avant l’expiration de la période de carence, qui commence à courir à partir de cette notification, en faisant ainsi obstacle à toute recherche de solutions par l’autorité publique compétente aux problèmes posés par les licenciements collectifs envisagés, tel qu’exigé par l’article 4, paragraphe 2, de ladite directive.
80. Je dois souligner, enfin, que, contrairement aux considérations de UR, cette interprétation est également confortée par la genèse de la directive 98/59. En effet, cette directive a procédé à la refonte de la directive 75/129/CEE (54) reprenant, à ses articles 3 et 4, les articles 3 et 4 de cette dernière directive sans qu’aucune modification substantielle soit apportée (55). Ainsi, le fait que ces articles sont restés inchangés témoigne, à mon avis, de la détermination du législateur de l’Union à établir dans ces dispositions l’obligation de notification préalable par écrit de tout projet de licenciement à l’autorité publique compétente, celui-ci prenant effet au plus tôt 30 jours après cette notification, en mettant ainsi ce délai au profit de cette autorité.
81. Certes, comme le fait valoir UR, la proposition initiale de la Commission, relative à la directive 75/129, prévoyait d’y insérer l’obligation pour les États membres de veiller « à ce que les représentants des travailleurs et les travailleurs disposent de procédures juridictionnelles aux fins d’exécuter les obligations prévues par la présente directive [...], notamment, de procédures d’annulation des licenciements collectifs concernés, indépendamment de la possibilité de recourir à d’autres procédures » (56). UR en déduit que le législateur de l’Union n’a pas suivi la proposition de la Commission d’inclure l’obligation de déclarer inefficaces les licenciements collectifs en cas de non-respect de la directive 98/59. Dès lors, il soutient que ces conséquences juridiques ne découlent pas de cette directive et pourraient donc être prévues dans la réglementation des États membres.
82. Cependant, je suis d’avis que cet argument de UR ne remet pas en cause l’interprétation exposée ci-dessus selon laquelle l’employeur ne peut pas mettre fin à la relation de travail d’un employé avant la notification et, partant, avant l’expiration de la période de carence, laquelle commence à courir à partir de cette notification (57). De plus, ledit argument tend à confondre, d’une part, la proposition (non retenue) de la Commission de prévoir des procédures juridictionnelles spécifiques dans les États membres aux fins d’exécuter les obligations prévues par la future directive avec, d’autre part, les conséquences juridiques du non-respect de la directive 98/59. En effet, si l’absence de validité des licenciements collectifs concernés ne découle pas explicitement du libellé des dispositions de cette directive, celle-ci résulte néanmoins des termes de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, ainsi que du système et de l’économie de ladite directive. Il suffit d’observer que, conformément à cette disposition, lue a contrario, les licenciements collectifs dont le projet a été notifié à l’autorité publique compétente ne peuvent pas prendre effet avant l’expiration du délai de 30 jours après la notification, de sorte que cette conséquence juridique est implicitement envisagée par ladite disposition (58).
83. Partant, l’interprétation selon laquelle il serait loisible aux États membres de prévoir des conséquences juridiques différentes, notamment, des sanctions administratives, comme l’a suggéré UR, serait contraire, d’une part, à l’objectif principal de la directive 98/59 consistant à encadrer la procédure des licenciements collectifs, c’est-à-dire à faire précéder ces licenciements d’une consultation des représentants des travailleurs ainsi que d’une notification à l’autorité publique compétente et, d’autre part, à l’objectif de renforcer la protection des travailleurs en cas de licenciements collectifs (59). Par ailleurs, une telle interprétation ne garantirait pas le jeu de la concurrence loyale (60).
84. Pour résumer, il est clair pour moi que le non-respect par l’employeur concerné des obligations prévues aux articles 3 et 4 de la directive 98/59 ne doit pas rester sans conséquence, sauf à porter atteinte non seulement à l’objectif de cette directive mais également à l’effet utile de celle-ci.
85. Partant, je suis d’avis qu’il convient de répondre à la première question préjudicielle que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/59 doit être interprété en ce sens qu’une résiliation d’un contrat de travail intervenant dans le cadre d’un licenciement collectif, qui doit faire l’objet d’une notification préalable à l’autorité publique compétente, au titre de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, ne peut mettre fin à la relation de travail d’un employé qu’après l’expiration de la période de carence prévue par cet article.
b) Sur la possibilité et les conditions de régularisation ultérieure de la notification préalable
86. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur le point de savoir si l’article 3, paragraphe 1, et l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/59 doivent être interprétés en ce sens qu’un employeur qui a procédé à la résiliation de contrats de travail sans avoir effectué de notification préalable du licenciement collectif à l’autorité publique compétente, au sens de l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive, peut effectuer ultérieurement une telle notification, avec pour conséquence que, à l’expiration de la période de carence prévue par l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive , les relations de travail peuvent prendre fin sous l’effet des résiliations de contrats de travail effectuées antérieurement.
87. La juridiction de renvoi considère qu’une résiliation dans le cadre d’un licenciement collectif soumis à l’obligation de notification préalable ne saurait prendre effet qu’à partir du moment où une telle notification a été réalisée. Selon cette juridiction, les effets d’une telle résiliation sont « suspendus », en vertu de l’article 18, paragraphe 1, du KSchG, jusqu’à ce que la notification initialement omise ait été effectuée, afin de permettre à l’agence pour l’emploi compétente de préparer le placement des travailleurs concernés par les licenciements collectifs. À cet égard, ladite juridiction considère que le fait que la période de carence ne commence à courir qu’à partir de la notification ultérieure garantit que l’autorité publique compétente dispose du délai minimal, à savoir la période de carence, pour chercher des solutions aux problèmes posés par les licenciements collectifs concernés, conformément à l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 98/59. Selon elle, l’arrêt Junk ne s’y oppose pas.
88. UR et la Commission ne s’accordent pas sur la question de savoir si un employeur qui a résilié des contrats de travail en l’absence de notification préalable peut effectuer la notification ultérieurement, avec pour conséquence que les résiliations des contrats de travail concernées prennent effet à l’expiration de la période de carence, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle résiliation du contrat de travail.
89. Contrairement à ce que soutient UR, selon lequel la validité des licenciements collectifs ne doit pas être affectée en cas de non-respect de la directive 98/59 et la relation de travail doit prendre fin à l’expiration du délai de préavis, il ressort de mon analyse de la première question préjudicielle que, dans la mesure où une résiliation d’un contrat de travail intervenant dans le cadre d’un licenciement collectif, qui doit faire l’objet d’une notification, ne peut mettre fin à la relation de travail d’un employé qu’après l’expiration de la période de carence prévue par cette directive, une interprétation selon laquelle les résiliations pourraient prendre effet avant la notification préalable n’est pas possible au regard des termes, de l’économie et des objectifs de ladite directive. Une telle interprétation ne découle pas non plus de l’arrêt Junk.
90. Premièrement, s’agissant de l’importance des obligations procédurales prévues par la directive 98/59, il convient de rappeler encore une fois que l’harmonisation partielle des règles de protection des travailleurs en cas de licenciement collectif prévue par la directive 98/59 concerne la procédure à suivre lors de tels licenciements (61). Cela signifie que, pour procéder à des résiliations de contrats de travail, l’employeur qui envisage d’effectuer des licenciements collectifs doit respecter les obligations imposées par cette directive, lesquelles s’articulent autour de deux procédures distinctes et successives concernant, dans un premier temps, l’information et la consultation (article 2 de cette directive), et, dans un second temps, la notification (articles 3 et 4 de ladite directive) (62). Autrement dit, ces deux procédures forment une séquence en deux temps dans laquelle, d’une part, le cadre relatif à l’information et à la consultation de l’employeur avec les représentants des travailleurs sur les licenciements collectifs qu’il envisage d’effectuer a été conçu par le législateur de l’Union comme étant antérieur à la notification à l’autorité publique compétente du projet de licenciements collectifs envisagé et, d’autre part, cette notification obligatoire est comprise comme précédant la résiliation des contrats de travail envisagés dans ledit projet.
91. Je tiens à souligner, à cet égard, qu’une interprétation littérale, systématique et téléologique n’étaye la possibilité ni d’inverser l’ordre des obligations prévues par les articles 2, 3 et 4 de la directive 98/59 à charge de l’employeur ni de les omettre (63). Notamment, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, quatrième alinéa, de cette directive, la notification « doit contenir tous renseignements utiles concernant le projet de licenciement collectif et les consultations des représentants des travailleurs prévus à l’article 2, notamment les motifs de licenciement, le nombre des travailleurs à licencier, le nombre des travailleurs habituellement employés et la période au cours de laquelle il est envisagé d’effectuer les licenciements » (64).
92. En d’autres termes, il résulte des liens existants entre les deux procédures prévues par la directive 98/59 que, conformément à l’article 3, paragraphe 1, de cette dernière, le rôle de l’autorité publique compétente dépend du déroulement et de l’issue de la procédure d’information et de consultation des représentants des travailleurs. En effet, l’obligation de transmission d’informations par écrit de l’employeur aux représentants des travailleurs, prévue à l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, de cette directive, vise à appréhender de manière globale les licenciements collectifs envisagés. Ainsi, le fait de priver l’autorité publique compétente de la transmission d’informations, visée à l’article 2, paragraphe 3, second alinéa, de ladite directive, l’empêcherait d’exercer efficacement ses prérogatives prévues à l’article 4 de la même directive (65).
93. Il s’ensuit que, à mon avis, pour apprécier l’importance du respect des obligations procédurales prévues par la directive 98/59, il convient de rappeler que ces procédures ont été conçues par le législateur de l’Union pour contribuer à la protection des salariés et, en conséquence, pour garantir, dans un premier temps, que, lors des licenciements collectifs, l’employeur consulte et informe les représentants des travailleurs, et, dans un second temps, qu’il notifie par écrit à l’autorité publique compétente tout projet de licenciement collectif, de manière à préserver la sécurité juridique de ces travailleurs pendant toute la procédure de licenciements collectifs.
94. Deuxièmement, en ce qui concerne la jurisprudence de la Cour, comme je l’ai déjà exposé, il ressort clairement de l’arrêt Junk que l’employeur ne peut pas procéder à des résiliations de contrats de travail avant d’avoir entamé lesdites procédures (66). C’est pourquoi la Cour a rappelé que, conformément à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 98/59, les résiliations des contrats de travail ne prennent effet qu’à l’expiration du délai de 30 jours après la notification, celui-ci correspondant à la période minimale dont l’autorité publique compétente doit pouvoir disposer pour chercher des solutions pour les travailleurs concernés (67). Ainsi, elle a insisté sur le fait que le délai de préavis n’expire que sous réserve du respect de ce délai après la notification et que cette réserve de l’expiration d’un délai de préavis différent du délai prévu par cette directive serait privée de sens si aucun préavis n’avait commencé à courir (68). Dans ces conditions, la Cour a constaté que les articles 3 et 4 de ladite directive ne s’opposent pas à ce qu’il soit procédé à la résiliation des contrats de travail au cours de la procédure qu’ils instituent, à condition que cette résiliation intervienne après la notification du projet de licenciement collectif à l’autorité publique compétente (69).
95. Troisièmement et dernièrement, je partage l’avis de la Commission selon laquelle cette interprétation, d’une part, garantit non seulement que l’autorité publique compétente dispose d’une période de carence effective pour chercher des solutions pour les travailleurs concernés, mais également que ces derniers peuvent supposer que la résiliation de leur contrat de travail prendra effet à leur égard. D’autre part, une telle interprétation permet aux travailleurs concernés de disposer de cette période pour vérifier si la notification a été effectuée conformément aux exigences applicables au licenciement collectif en vertu de la directive 98/59. Ladite interprétation est ainsi de nature à garantir la protection des travailleurs en cas de licenciement collectif tout en évitant les effets négatifs découlant du non-respect par l’employeur des obligations procédurales prévues par cette directive, à savoir, d’une part, l’absence d’information et de consultation des représentants des travailleurs et, d’autre part, l’incertitude de ces travailleurs concernant le moment de la prise d’effet de la résiliation de leurs contrats de travail, de manière à préserver leur sécurité juridique (70).
96. Partant, contrairement à la juridiction de renvoi, je ne considère pas que les conséquences juridiques en cas de notification tardive en bonne et due forme puissent consister en une suspension temporaire des effets juridiques de ladite résiliation des contrats de travail. En effet, la séquence des procédures et, corrélativement, des obligations prévues dans le cadre de ces procédures, telles que conçues par le législateur de l’Union, serait remise en cause si l’employeur pouvait effectuer la notification après la résiliation des contrats de travail concernés par le biais d’une telle suspension temporaire. À mon avis, considérer que, à l’expiration de la période de carence, prévue à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 98/59, les relations de travail pourraient prendre fin sous l’effet des résiliations de contrats de travail effectuées antérieurement irait à l’encontre de l’effet utile de cette directive.
97. En l’occurrence, les résiliations des contrats de travail litigieux ayant été effectuées sans qu’il ait été procédé à la notification préalable du licenciement collectif, il résulte de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 98/59 que ces résiliations n’ont jamais pris effet dans la mesure où, en l’absence de cette notification, le délai de 30 jours n’a jamais commencé à courir.
98. Je suis donc d’avis que l’article 3, paragraphe 1, et l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/59 doivent être interprétés en ce sens qu’un employeur ayant procédé à la résiliation de contrats de travail sans avoir effectué de notification préalable du licenciement collectif à l’autorité publique compétente, au sens de l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive, ne saurait effectuer ultérieurement une telle notification, dès lors que celle-ci emporte pour conséquence que, à l’expiration de la période de carence, prévue par l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive, les relations de travail peuvent prendre fin sous l’effet des résiliations de contrats de travail effectuées antérieurement. Pour régulariser la situation résultant d’une notification initialement omise, l’employeur doit tout d’abord procéder à la notification du projet de licenciement collectif à l’autorité publique compétente en bonne et due forme, puis à de nouvelles résiliations des contrats de travail concernés, celles-ci prenant effet, conformément à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 98/59, au plus tôt, 30 jours après le dépôt de la notification (71).
V. Conclusion
99. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la deuxième chambre du Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne) de la manière suivante :
1) L’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs, telle que modifiée par la directive (UE) 2015/1794 du Parlement européen et du Conseil, du 6 octobre 2015,
doit être interprété en ce sens que :
une résiliation d’un contrat de travail intervenant dans le cadre d’un licenciement collectif, devant faire l’objet d’une notification préalable à l’autorité publique compétente, au titre de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, ne peut mettre fin à la relation de travail d’un employé qu’après l’expiration de la période de carence prévue par cet article.
2) L’article 3, paragraphe 1, et l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/59, telle que modifiée par la directive 2015/1794,
doivent être interprétés en ce sens que :
un employeur qui a procédé à la résiliation de contrats de travail sans avoir effectué de notification préalable du licenciement collectif à l’autorité publique compétente, au sens de l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive, ne saurait effectuer ultérieurement une telle notification, dès lors que celle-ci emporte pour conséquence que, à l’expiration de la période de carence, prévue par l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive, les relations de travail peuvent prendre fin sous l’effet des résiliations de contrats de travail déjà effectuées antérieurement.
Pour régulariser la situation résultant d’une notification initialement omise, l’employeur doit tout d’abord procéder à la notification du projet de licenciement collectif à l’autorité publique compétente en bonne et due forme, puis à de nouvelles résiliations des contrats de travail concernés, celles-ci prenant effet, conformément à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 98/59, telle que modifiée par la directive 2015/1794, au plus tôt, 30 jours après le dépôt de la notification.
1 Langue originale : le français.
i Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.
2 Directive du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs (JO 1998, L 225, p. 16), telle que modifiée par la directive (UE) 2015/1794 du Parlement européen et du Conseil, du 6 octobre 2015 (JO 2015, L 263, p. 1) (ci-après la « directive 98/59 »).
3 Arrêt du 27 janvier 2005 (C‑188/03, ci-après l’« arrêt Junk », EU:C:2005:59, point 53).
4 Sur la composition de la grande chambre, voir Wullenkord, S., « ArbGG § 45 », dans Rolfs, C., Giesen, R., Meßling, M., Udsching, P, Beck’scher Online-Kommentar, 73e éd., Beck, Munich, 1er septembre 2024, point 1.
5 Voir, notamment, arrêts du 30 juin 1966, Vaassen-Göbbels (61/65, EU:C:1966:39, p. 395) ; du 17 septembre 1997, Dorsch Consult (C‑54/96, EU:C:1997:413, point 23) ; du 31 mai 2005, Syfait e.a. (C‑53/03, EU:C:2005:333, point 29), ainsi que du 26 septembre 2024, Fautromb (C‑368/23, EU:C:2024:789, point 35 et jurisprudence citée). Le critère de l’impartialité a été ajouté par la Cour dans l’arrêt du 19 septembre 2006, Wilson (C‑506/04, EU:C:2006:587, point 48).
6 Cet aspect est, en revanche, soulevé dans l’affaire C‑402/24, Sewel, actuellement pendante devant la Cour, introduite par la sixième chambre dans le cadre d’un autre litige au principal, concernant des situations et des faits différents mais connexes à ceux de la présente affaire (voir, à cet égard, note en bas de page 33 des présentes conclusions). Cette chambre fait part de ses doutes sur le caractère contradictoire de la procédure visée à l’article 45 de l’ArbGG et, partant, sur le caractère de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, de la deuxième chambre. À cet égard, il convient de rappeler que l’article 267 TFUE ne subordonne pas la saisine de la Cour au caractère contradictoire de cette procédure. Il suffit, à ce stade, de souligner que la Cour a déjà jugé que l’exigence d’une procédure contradictoire n’est pas un critère absolu pour la constatation du caractère de juridiction d’un organe au sens de cet article. Cependant, les parties doivent avoir la possibilité d’être entendues, sans que la procédure ait forcément un caractère contradictoire [voir, notamment, arrêts du 17 septembre 1997, Dorsch Consult (C‑54/96, EU:C:1997:413, point 31) ; du 16 décembre 2008, Cartesio (C‑210/06, EU:C:2008:723, point 63), ainsi que du 31 janvier 2013, D. et A. (C‑175/11, EU:C:2013:45, point 88)]. En tout état de cause, même si, dans la procédure de consultation au principal devant la deuxième chambre, les parties ne devaient pas officiellement s’opposer comme demandeur et défendeur, il se trouve que ces parties ont, néanmoins, visiblement la possibilité de présenter des observations écrites et orales. En effet, il ressort du dossier dont dispose la Cour que l’audience devant la sixième chambre a été suspendue dans l’attente de la décision de la deuxième chambre. Par ailleurs, des auteurs de la doctrine allemande commentant l’article 45 de l’ArbGG expliquent à cet égard que les parties ont la possibilité de présenter des observations dans le cadre d’un éventuel renvoi à la grande chambre du Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail). De plus, si la solution du litige pendant devant la chambre saisie (en l’occurrence, la sixième chambre) nécessite une nouvelle audience, la décision rendue par la grande chambre est communiquée aux parties et une audience est alors organisée. Au contraire, lorsque, à ce stade, une audience n’est plus nécessaire, les parties doivent être entendues (voir Zimmermann, B., « ArbGG § 45 Großer Senat », Natter, E., et Gross, R. (dir.), Arbeitsgerichtsgezetz, Handkommentar, 2 e éd., Nomos, Baden-Baden, 2013, point 1 à 27, § 23 et 24).
7 Arrêts du 16 décembre 1981, Foglia (244/80, EU:C:1981:302, point 33), et du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination) (C-487/19, ci-après l’« arrêt W.Ż. », EU:C:2021:798, point 83).
8 Voir, notamment, arrêts du 31 mai 2005, Syfait e.a. (C‑53/03, EU:C:2005:333, point 29) ; du 31 janvier 2013, Belov (C‑394/11, EU:C:2013:48, point 39) ; W.Ż. (point 84 et jurisprudence citée), ainsi que du 26 septembre 2024, Fautromb (C‑368/23, EU:C:2024:789, point 36 et jurisprudence citée).
9 Voir, en ce sens, arrêts du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny (C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, points 44 et 45) ; du 23 novembre 2023, Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (Unité familiale) (C‑374/22, EU:C:2023:902, point 15), ainsi que du 16 mai 2024, Toplofikatsia Sofia (Notion de domicile du défendeur) (C‑222/23, EU:C:2024:405, point 40 et jurisprudence citée).
10 Voir arrêt du 16 mai 2024, Toplofikatsia Sofia (Notion de domicile du défendeur) (C‑222/23, EU:C:2024:405, point 41 et jurisprudence citée).
11 Selon ma compréhension de l’article 45 de l’ArbGG, et sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, la procédure judiciaire allemande en cours dans la présente affaire comporterait plusieurs phases, à savoir le litige pendant devant la chambre saisie (en l’occurrence, la sixième chambre), la consultation d’une autre chambre en cas de divergence d’interprétation (en l’occurrence, la deuxième chambre), la saisine de la grande chambre si la chambre requise déclare qu’elle maintient sa position et le jugement rendu par la chambre saisie pour trancher le litige pendant devant elle.
12 Je tiens à souligner que, dans l’arrêt W.Ż. (point 94 et jurisprudence citée), la Cour a jugé comme étant recevables des demandes de décision préjudicielle émanant du Sąd Najwyższy (Izba Cywilna) [Cour suprême (chambre civile), Pologne], siégeant en formation à sept juges, visant à lui permettre de trancher des questions se posant in limine litis au Sąd Najwyższy (Izba Cywilna) [Cour suprême (chambre civile)], siégeant en formation à trois juges, pour que cette dernière juridiction puisse, le cas échéant, statuer sur le fond du litige au principal pendant devant elle.
13 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà traité au fond un renvoi préjudiciel dans le cadre duquel se posait une question revêtant un caractère déclaratoire, dès lors que ce renvoi était autorisé par le droit national et que cette question répondait à un besoin objectif pour la solution du litige dont la juridiction de renvoi était régulièrement saisie. Voir arrêt du 10 décembre 2018, Wightman e.a. (C‑621/18, EU:C:2018:999, point 31 et jurisprudence citée).
14 Voir note en bas de page 6 des présentes conclusions. Voir, également, Wullenkord, S., « ArbGG § 45 », dans Rolfs, C., Giesen, R., Meßling, M., Udsching, P, Beck’scher Online-Kommentar, point 1, op. cit.
15 Voir, par analogie, arrêt du 11 juin 2015, Fahnenbrock e.a. (C‑226/13, C‑245/13 et C‑247/13, EU:C:2015:383, point 30 et jurisprudence citée). Mise en italique par mes soins. Dans ces affaires jointes, il s’agissait de questions d’interprétation des dispositions procédurales du droit de l’Union qui concernaient les affaires au principal uniquement de manière indirecte.
16 Voir, par analogie, arrêt du 17 février 2011, Weryński (C‑283/09, EU:C:2011:85, point 42).
17 Arrêt du 16 octobre 1997 (C‑69/96 à C‑79/96, EU:C:1997:492).
18 Directive du Conseil du 15 septembre 1986 relative à une formation spécifique en médecine générale (JO 1986, L 267 p. 26).
19 Conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans les affaires jointes Garofalo e.a. (C‑69/96 à C‑79/96, EU:C:1997:330, point 27).
20 Arrêt du 16 octobre 1997, Garofalo e.a. (C‑69/96 à C‑79/96, EU:C:1997:492, points 24 et 27). Mise en italique par mes soins.
21 Certes, dans l’ordonnance du 9 janvier 2024, Sąd Najwyższy (C‑658/22, EU:C:2024:38, point 35), la Cour a déclaré manifestement irrecevable une demande de décision préjudicielle introduite par la formation plénière de la chambre civile du Sąd Najwyższy (Cour suprême). En effet, lorsque cette dernière est saisie de questions juridiques par le premier président de cette juridiction, afin de mettre fin à des divergences d’interprétation entre les juridictions du fond, cette formation se prononce par une décision générale qui acquiert force de principe juridique, sans être appelée à trancher un quelconque litige opposant des parties. Toutefois, dans la présente affaire, comme je l’ai déjà relevé, la situation est différente dans la mesure où l’ordonnance de la deuxième chambre qui sera prononcée dans le cadre de la phase de consultation interne et qui prendra en considération l’arrêt qui sera rendu par la Cour permettra à la sixième chambre de statuer sur le fond du litige pendant devant elle (voir, à cet égard, points 35 et 40 des présentes conclusions).
22 Arrêts du 16 janvier 1974, Rheinmühlen-Düsseldorf (166/73, EU:C:1974:3, point 4) ; du 9 mars 2010, ERG e.a. (C‑378/08, EU:C:2010:126, point 32) ; du 15 novembre 2012, Bericap Záródástechnikai (C‑180/11, EU:C:2012:717, point 55), ainsi que du 6 novembre 2014, Cartiera dell’Adda (C‑42/13, EU:C:2014:2345, point 27). Voir, également, arrêt du 18 mai 2021, Asociaţia « Forumul Judecătorilor din România » e.a. (C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19, EU:C:2021:393, point 133).
23 Voir, notamment, arrêts du 5 avril 2016, PFE (C‑689/13, EU:C:2016:199, point 34), et du 23 novembre 2021, IS (Illégalité de l’ordonnance de renvoi) (C‑564/19, EU:C:2021:949, point 70).
24 Voir points 33 et 34 des présentes conclusions.
25 Ordonnance du 26 janvier 1990, Falciola (C‑286/88, EU:C:1990:33, point 7). Voir, également, arrêts du 16 juillet 1992, Meilicke (C‑83/91, EU:C:1992:332, point 22) ; du 27 novembre 2012, Pringle (C‑370/12, EU:C:2012:756, point 83), ainsi que du 24 octobre 2024, Kwantum Nederland et Kwantum België (C‑227/23, EU:C:2024:914, point 33).
26 Voir arrêt du 1er décembre 1965, Schwarze (16/65, EU:C:1965:117), et ordonnance du 5 mars 1986, Wünsche (69/85, EU:C:1986:104, point 12).
27 Arrêts du 29 novembre 1978, Redmond (83/78, EU:C:1978:214, point 25) ; du 21 avril 1988, Pardini (338/85, EU:C:1988:194, point 8) ; du 4 juillet 2006, Adeneler e.a. (C‑212/04, EU:C:2006:443, point 41), ainsi que du 14 septembre 2023, Tuk Tuk Travel (C‑83/22, EU:C:2023:664, point 28).
28 Voir arrêts du 18 octobre 1990, Dzodzi (C‑297/88 et C‑197/89, EU:C:1990:360, point 35) ; du 15 décembre 1995, Bosman (C‑415/93, EU:C:1995:463, point 59) ; du 22 novembre 2005, Mangold (C‑144/04, EU:C:2005:709, point 35), ainsi que du 6 octobre 2022, Contship Italia (C‑433/21 et C‑434/21, EU:C:2022:760, point 23).
29 Voir arrêt du 7 novembre 2024, Adusbef (Pont Morandi) (C‑683/22, EU:C:2024:936, point 38 et jurisprudence citée).
30 Voir point 49 des présentes conclusions.
31 Voir, par analogie, arrêt du 10 novembre 2016, Private Equity Insurance Group (C‑156/15, EU:C:2016:851, point 58).
32 Voir point 49 des présentes conclusions.
33 Il ressort de la demande de décision préjudicielle que la présente affaire concerne la situation d’absence totale de notification du licenciement collectif. En revanche, dans l’affaire C‑402/24, Sewel, actuellement pendante devant la Cour, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour, notamment, au sujet de la possibilité de rectifier ou de compléter une notification erronée en vertu de l’article 3 de la directive 98/59.
34 Voir point 51 des présentes conclusions.
35 Voir, notamment, arrêt du 13 juillet 2023, G GmbH (C‑134/22, ci-après l’« arrêt G GmbH », EU:C:2023:567, point 25 et jurisprudence citée).
37 Même si les articles 2 et 3 de la directive 98/59 se réfèrent l’un à l’autre, il convient de distinguer les deux procédures prévues par cette directive. Ainsi que l’avocat général Tizzano l’a relevé dans ses conclusions dans l’affaire Junk (C‑188/03, EU:C:2004:571, points 57 et 61), ladite directive comporte « une séquence procédurale qui s’articule en deux phases distinctes et consécutives ». S’agissant de la procédure de notification, « l’employeur doit rendre compte de [la] phase [de consultation et d’information] dans la notification (article 3, paragraphe 1, troisième alinéa, de [la même] directive) ».
38 Cette procédure précède toute résiliation de contrats de travail. Voir conclusions de l’avocat général Tizzano dans l’affaire Junk (C‑188/03, EU:C:2004:571, point 58).
39 Voir arrêt du 17 mars 2021, Consulmarketing (C‑652/19, EU:C:2021:208, point 40 et jurisprudence citée).
41 Mise en italique par mes soins. À cet égard, il est opportun de noter que les obligations de l’employeur établies par la directive 98/59 dans le cadre de la procédure d’information et de consultation des représentants des travailleurs et celles prévues dans le cadre de la procédure de notification préalable à l’administration publique compétente, comme l’a relevé l’avocat général Pikamäe dans l’affaire G GmbH (C‑134/22, EU:C:2023:268, points 38 à 41), « concourent l’une et l’autre à la protection des salariés en cas de licenciements collectifs » et « ne sont pas séparées de manière étanche. Il existe, au contraire, des liens entre ces deux obligations dont il résulte que le rôle de l’autorité publique compétente dépend du déroulement et de l’issue de la procédure d’information et de consultation des représentants des travailleurs. Ce lien est notamment établi par [...][l’]article 3, paragraphe 1, [de cette directive] ».
42 S’agissant de l’interprétation de l’article 2, paragraphe 3, de la directive 98/59, voir arrêt du 21 décembre 2016, AGET Iraklis (C‑201/15, EU:C:2016:972, point 40), et arrêt G GmbH (point 35).
43 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 98/59 confère aux États membres la possibilité d’« accorder à l’autorité publique compétente la faculté de prolonger le délai initial jusqu’à soixante jours après la notification [du projet de licenciement collectif] lorsque les problèmes posés par les licenciements collectifs envisagés risquent de ne pas trouver de solution dans le délai initial ». Corrélativement, les États membres ont, conformément à l’article 4, paragraphe 1, second alinéa, de cette directive, la possibilité de réduire ce délai de 30 jours.
44 Voir, en ce sens, arrêt Junk (point 51).
45 Voir, en ce sens, arrêt Junk (point 52). Selon la Cour, la réserve liée à l’expiration d’un délai de préavis différent du délai prévu par la directive 98/59 serait privée de sens si aucun préavis n’avait commencé à courir.
46 Voir arrêt du 21 décembre 2016, AGET Iraklis (C‑201/15, EU:C:2016:972, point 27).
47 Ainsi que la Cour l’a déjà relevé, les règles de protection fixées par la directive 98/59 ont également pour objectif de rapprocher les charges qu’entraînent ces règles pour les entreprises de l’Union. Voir, en ce sens, arrêts du 13 mai 2015, Lyttle e.a. (C‑182/13, EU:C:2015:317, point 43 et jurisprudence citée), ainsi que du 21 décembre 2016, AGET Iraklis (C‑201/15, EU:C:2016:972, point 41).
48 Voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2021, Consulmarketing (C‑652/19, EU:C:2021:208, point 40 et jurisprudence citée).
49 Voir, à cet égard, points 67 et 69 des présentes conclusions. En ce sens, comme l’a observé l’avocat général Pikamäe dans ses conclusions dans l’affaire G GmbH(C‑134/22, EU:C:2023:268, point 23), la directive 98/59 concourt à garantir le jeu de la concurrence loyale en réduisant le risque qu’un employeur choisisse de tirer profit de l’existence de législations moins protectrices de l’emploi dans certains États membres.
50 Voir arrêt G GmbH (point 37).
51 À cet égard, la doctrine observe que la directive 98/59 diffère de nombreuses autres directives de l’Union sur le droit du travail en ce sens qu’elle n’offre pas aux travailleurs une protection sociale substantielle en matière de droits spécifiques ; voir, notamment, van der Mei, A. P., « Collective redundancies : judicial fine-tuning of a classic concept of EU labour law », European Law Review, vol. 42, no 1, 2017, p. 82 à 91, en particulier p. 82 et 91.
52 Voir, à cet égard, arrêt du 17 mars 2021, Consulmarketing (C‑652/19, EU:C:2021:208, point 41 et jurisprudence citée). Par souci d’exhaustivité, il est opportun de rappeler que, symétriquement, la Cour a souligné dans l’arrêt du 30 avril 2015, USDAW et Wilson (C‑80/14, EU:C:2015:291, point 65), que l’article 5 de la directive 98/59 accorde la faculté aux États membres d’appliquer ou d’introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables aux travailleurs, ou de permettre ou de favoriser l’application de dispositions conventionnelles plus favorables aux travailleurs. Toutefois, elle a également précisé qu’un État membre ne saurait, notamment, adopter une mesure nationale qui, bien que de nature à garantir à un niveau renforcé la protection des droits des travailleurs contre les licenciements collectifs, aurait, cependant, pour conséquence de priver les articles 2 à 4 de ladite directive de leur effet utile. Il en irait ainsi en présence d’une réglementation nationale soumettant les licenciements collectifs à l’assentiment préalable d’une autorité publique si, en raison, par exemple, des critères au regard desquels ladite autorité est appelée à se prononcer ou de la manière dont celle-ci interprète et applique concrètement ceux-ci, toute possibilité effective pour l’employeur de procéder à de tels licenciements collectifs se trouvait, en pratique, exclue [arrêt du 21 décembre 2016, AGET Iraklis (C‑201/15, EU:C:2016:972, points 35 à 38)].
53 Arrêt du 17 mars 2021, Consulmarketing (C‑652/19, EU:C:2021:208, point 42).
54 Directive du Conseil du 17 février 1975 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs (JO 1975, L 48, p. 29). Cette directive a été amendée par la directive 92/56/CEE du Conseil, du 24 juin 1992, modifiant le directive 75/29/CEE concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs (JO 1992, L 245, p. 3) avant d’être refondue par la directive 98/59.
55 Voir, à cet égard, proposition de directive du Conseil modifiant la directive 75/129 [COM(91) 292 final], du 13 novembre 1991, p. 14, ainsi que proposition modifiée de directive du Conseil [COM(92) 127 final], du 31 mars 1992, p. 2 et 3. Des obligations similaires à celles contenues aux articles 3 et 4 de la directive 98/59 étaient déjà prévues à l’article 1, paragraphe 1, et à l’article 2 de la proposition initiale de la directive 75/129 [voir proposition de la Commission au Conseil, du 8 novembre 1972, COM(72) 1400, p. 5 et 6].
56 Voir proposition de l’article 5 bis dans la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 75/129 [COM(91) 292 final], du 13 novembre 1991, p. 20, et proposition modifiée de directive du Conseil modifiant la directive 75/129 [COM(92) 127 final], p. 14. Mise en italique par mes soins.
57 Voir, notamment, point 79 des présentes conclusions.
58 Voir article 18, paragraphes 1 et 2, du KSchG.
59 Voir considérant 2 de la directive 98/59, ainsi que point 75 des présentes conclusions.
60 Notamment, il pourrait être plus attractif pour l’employeur de payer une amende que de maintenir la rémunération des travailleurs pendant 30 jours. Voir, à cet égard, note en bas de page 49 des présentes conclusions.
61 Voir point 76 des présentes conclusions.
62 Voir points 67 à 69 des présentes conclusions.
63 Sur l’objectif principal de la directive 98/59, voir point 76 des présentes conclusions.
64 Mise en italique par mes soins. À cet égard, comme certains auteurs de la doctrine le soulignent, la notification préalable ne peut être exécutée correctement qu’après que la procédure d’information et consultation a été entièrement menée à bien. Voir, notamment, en ce sens, Dorssemont, F., « Case C‑55/02, Commission v. Portuguese Republic; Case C‑188/03, Imtraud Junk v. Wolfgang Kühnel », Common Market Law Review, vol. 43, 2006, p. 225 à 241, en particulier p. 240.
65 Voir points 68 et 70 des présentes conclusions, ainsi que jurisprudence citée.
67 Voir, en ce sens, arrêt Junk (points 50 et 51). Voir points 67 à 69 des présentes conclusions.
68 Voir, en ce sens, arrêt Junk (point 52). Voir point 72 des présentes conclusions.
70 Voir point 93 des présentes conclusions.
71 Comme le fait observer la Commission, il ressort de la décision de renvoi que la résiliation du contrat de travail de DF, effectuée par lettre du 2 décembre 2020, n’a jamais pris effet en raison de l’absence de notification. Pour régulariser cette situation, l’employeur a d’abord effectué, après la date du délai de préavis, à savoir le 31 mars 2021, la notification auprès de l’autorité publique compétente, puis, le 21 avril 2021, il a procédé à une nouvelle résiliation du contrat de travail dont le délai de préavis a expiré le 31 juillet 2021.