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Document 62022CO0784

Ordonnance de la Cour (septième chambre) du 12 février 2025.
« Solvay Sodi » AD contre Zamestnik-predsedatel na Darzhavna agentsia « Darzhaven rezerv i voennovremenni zapasi ».
Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Administrativen sad - Varna.
Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, et article 94 du règlement de procédure de la Cour – Nécessité d’une interprétation du droit de l’Union pour que la juridiction de renvoi puisse rendre son jugement – Absence – Exigence d’indication des raisons justifiant la nécessité d’une réponse par la Cour – Absence de précisions suffisantes – Irrecevabilité manifeste.
Affaire C-784/22.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2025:102

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

12 février 2025 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, et article 94 du règlement de procédure de la Cour – Nécessité d’une interprétation du droit de l’Union pour que la juridiction de renvoi puisse rendre son jugement – Absence – Exigence d’indication des raisons justifiant la nécessité d’une réponse par la Cour – Absence de précisions suffisantes – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire C‑784/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Administrativen sad – Varna (tribunal administratif de Varna, Bulgarie), par décision du 16 décembre 2022, parvenue à la Cour le 30 décembre 2022, dans la procédure

« Solvay Sodi » AD

contre

Zamestnik-predsedatel na Darzhavna agentsia « Darzhaven rezerv i voennovremenni zapasi »,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. M. Gavalec, président de chambre, Mme K. Jürimäe (rapporteure), présidente de la deuxième chambre, et M. Z. Csehi, juge,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : M. A. Calot Escobar,

,

considérant les observations présentées :

–        pour « Solvay Sodi » AD, par Mme M. E. Konstantinova, advokat,

–        pour le gouvernement bulgare, par Mme T. Mitova, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mme M. K. Bulterman et Mme E. M. M. Besselink, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme V. Bozhilova ainsi que M. B. De Meester, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du considérant 11 et de l’article 21 de la directive 2009/119/CE du Conseil, du 14 septembre 2009, faisant obligation aux États membres de maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers (JO 2009, L 265, p. 9), des articles 42, 47 et 48, de l’article 49, paragraphe 3, et de l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), ainsi que des principes de proportionnalité et d’effectivité.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant « Solvay Sodi » AD au Zamestnik-predsedatel na Darzhavna agentsia « Darzhaven rezerv i voennovremenni zapasi » (vice-président de l’Agence nationale « réserves de l’État et stocks militaires », Bulgarie) au sujet de la légalité d’une ordonnance adoptée par ce dernier et imposant à cette société la constitution et le maintien de stocks de sécurité de fioul lourd pour une durée d’un an.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le règlement de procédure de la Cour

3        L’article 94 du règlement de procédure de la Cour dispose :

« Outre le texte des questions posées à la Cour à titre préjudiciel, la demande de décision préjudicielle contient :

a)      un exposé sommaire de l’objet du litige ainsi que des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées ;

b)      la teneur des dispositions nationales susceptibles de s’appliquer en l’espèce et, le cas échéant, la jurisprudence nationale pertinente ;

c)      l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal. »

 La directive 2009/119

4        L’article 1er de la directive 2009/119, intitulé « Objectif », dispose :

« La présente directive établit des règles visant à assurer un niveau élevé de sécurité des approvisionnements en pétrole dans la Communauté grâce à des mécanismes fiables et transparents fondés sur la solidarité entre les États membres, à maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers ainsi qu’à mettre en place les moyens procéduraux nécessaires pour remédier à une grave pénurie. »

5        Aux termes de l’article 21 de cette directive, intitulé « Sanctions » :

« Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales arrêtées en application de la présente directive et prennent toute mesure nécessaire pour assurer la mise en œuvre de celles-ci. Ces sanctions sont effectives, proportionnées et dissuasives. Les États membres notifient ces dispositions à la Commission [européenne] au plus tard le 31 décembre 2012 et toute modification ultérieure les concernant dans les meilleurs délais. »

 Le règlement n°1099/2008

6        L’annexe A du règlement (CE) no 1099/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, concernant les statistiques de l’énergie (JO 2008, L 304, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2022/132 de la Commission, du 28 janvier 2022 (JO 2022, L 20, p. 208) (ci-après le « règlement no 1099/2008 »), est intitulée « Précisions terminologiques ». Le chapitre 3.4 de cette annexe concerne la notion de « [p]étrole (pétrole brut et produits pétroliers) », dont relèvent, notamment, les notions de « fuel-oil lourd (fioul lourd) » et de « coke de pétrole », au sens, respectivement, des points 3.4.18 et 3.4.23 de ladite annexe.

 Le droit bulgare

7        Aux termes de l’article 8, paragraphe 3, du Zakon za zapasite ot neft i neftoprodukti (loi sur les stocks de pétrole et de produits pétroliers, DV no 15, du 15 février 2013), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « ZZNN ») :

« Le président de l’[Agence nationale “réserves de l’État et stocks militaires”] émet des actes administratifs individuels dans les conditions et suivant les modalités de l’Administrativno-protsesualen kodeks (code de procédure administrative), sauf disposition contraire de la présente loi. Le recours contre un acte visé au paragraphe 2, point 3, ne suspend pas son exécution. »

8        L’article 12, paragraphe 1, du ZZNN énonce :

« [...] Le président de l’[Agence nationale “réserves de l’État et stocks militaires”] établit chaque année, au plus tard le 30 avril, les stocks de sécurité à constituer et à maintenir par les personnes obligées et par l’entreprise étatique “Darzhavna petrolna compania” [Compagnie pétrolière nationale], par des ordonnances fixant les niveaux de stock globaux et individuels [...] »

9        L’article 17, paragraphe 1, du ZZNN prévoit :

« Les personnes obligées sont tenues de constituer, au plus tard le 1er juillet de chaque année, les niveaux de stocks de sécurité qui leur sont imposés, par type et par quantité, conformément au niveau qui leur est imposé en vertu de l’article 12, paragraphe 1. »

10      L’article 62, paragraphe 1, du ZZNN dispose :

« Quiconque n’exécute pas l’obligation prévue par l’article 17, paragraphe 1, est passible d’une sanction pécuniaire d’un montant de 500 [leva bulgares (BGN)(environ 256 euros)] par tonne sur les quantités de stocks non constitués. »

11      L’article 166 du code de procédure administrative est libellé comme suit :

« (1)      Le recours suspend l’exécution de l’acte administratif.

(2)      [...] À chaque stade du procès jusqu’au moment où le jugement devient définitif, le Tribunal peut, à la demande du requérant, suspendre l’exécution provisoire, autorisée par une ordonnance définitive de l’autorité auteur de l’acte visé à l’article 60, paragraphe 1, si l’exécution provisoire est susceptible de causer au requérant un préjudice grave ou difficilement réparable. L’exécution peut être suspendue uniquement sur la base de nouvelles circonstances.

[...] »

12      Le Zakon za administrativnite narushenia i nakazania (loi sur les infractions et sanctions administratives), dans sa version applicable au litige au principal, prévoit, à ses articles 58quinquies, 59 et 63quater, que la décision de sanction administrative est susceptible de faire l’objet d’un recours d’une partie ou du parquet devant le Rayonen sad (tribunal d’arrondissement, Bulgarie), dans l’arrondissement où l’infraction a été commise ou achevée. La décision de ce tribunal peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant l’Administrativen sad (tribunal administratif, Bulgarie).

 Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

13      Solvay Sodi a importé en Bulgarie 295 843,939 tonnes de coke de pétrole au cours de l’année 2021. Ce produit, défini au point 3.4.23 de l’annexe A du règlement no 1099/2008, était destiné à servir de combustible principal pour la production combinée d’électricité et de chaleur dans une centrale thermoélectrique.

14      Par une ordonnance du 28 avril 2022, le vice-président de l’Agence nationale « réserves de l’État et stocks militaires » a ordonné à Solvay Sodi de constituer et de maintenir, pour son propre compte et par ses propres moyens, pour la période allant du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023, un niveau de stocks de sécurité de fioul lourd à concurrence de 53 422,256 tonnes (ci-après l’« ordonnance du 28 avril 2022 »).

15      Le 19 mai 2022, Solvay Sodi a saisi l’Administrativen sad – Varna (tribunal administratif de Varna, Bulgarie), qui est la juridiction de renvoi, d’un recours tendant à l’annulation de cette ordonnance.

16      Cette juridiction constate que, ni au cours de l’année 2021 ni ultérieurement, Solvay Sodi n’a utilisé de fioul lourd dans le cadre de son activité économique. Elle souligne que cette société ne dispose ni des quantités de stocks de sécurité de fioul lourd imposées par l’ordonnance du 28 avril 2022 ni d’un entrepôt pour conserver de tels stocks. De ce fait, la constitution et le maintien de ces stocks entraîneraient une charge financière significative pour Solvay Sodi, et ce d’autant plus que le niveau des stocks exigé s’apparente à celui de la consommation annuelle de fioul lourd en Bulgarie. Cette charge financière viendrait, de surcroît, s’ajouter à celle que cette société supporte déjà du fait de son obligation de maintenir des réserves de coke de pétrole et de combustible diesel en application de la législation sur l’énergie.

17      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi exprime des doutes à l’égard de la compatibilité du ZZNN avec les dispositions de la directive 2009/119, lues à la lumière de la Charte, en ce que cette loi permet d’obliger des sociétés, telles que Solvay Sodi, à constituer et à maintenir des stocks de sécurité de produits pétroliers étrangers à leurs activités économiques. Elle précise que ces doutes correspondent aux problématiques soulevées dans les affaires C‑395/22 et C‑428/22, alors en cours, dans un contexte factuel différent de celui du litige pendant devant elle.

18      En outre, cette juridiction relève que, au cours de la procédure devant elle, Solvay Sodi s’est vu infliger, le 29 novembre 2022, une sanction administrative, sous la forme d’une sanction pécuniaire d’un montant de 26 711 128 BGN (environ 13 653 865 euros), en raison de l’inexécution de l’obligation de constituer et de maintenir des stocks de sécurité de fioul lourd découlant de l’ordonnance du 28 avril 2022. Le cumul des incidences financières de cette obligation et de cette sanction pourrait exposer Solvay Sodi à des risques de procédures d’exécution visant ses actifs, ce qui irait à l’encontre des objectifs de la directive 2009/119.

19      C’est dans ces conditions que l’Administrativen sad – Varna (tribunal administratif de Varna) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Dans un cas tel que celui au principal, lorsque, afin d’exécuter les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3 de la directive 2009/119, l’État membre a choisi d’imposer des obligations de stockage à des opérateurs économiques, la notion d’“opérateur économique” visée à l’article 8 de la directive 2009/119 doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle inclut une société locale qui, pendant l’année civile précédente, a importé, sur le territoire de l’État membre, un des produits énergétiques visés à l’annexe A, chapitre 3.4[,] du [règlement no 1099/2008] (en l’espèce, du coke de pétrole), alors que la société n’utilise ce produit énergétique ni en tant que matière première pour la production de produits pétroliers ni pour la vente sur le marché du pétrole et des produits pétroliers, mais uniquement en tant que combustible ?

2)      Quelles circonstances l’État membre doit-il prendre en considération dans ses dispositions légales pour définir la qualité d’“opérateur économique” titulaire d’obligations de stockage d’une personne déterminée ? Plus précisément, dans la définition de la qualité d’“opérateur économique” au sens de l’article 8 de la directive 2009/119, l’État membre doit-il prendre en considération l’activité économique de la société et cette activité doit-elle inclure les importations, le commerce ou la consommation du produit pétrolier spécifique pour qu’une obligation de maintenir des stocks de sécurité de ce produit soit imposée à la société ?

3)      Dans un cas de figure tel que celui au principal, lorsque l’État membre a choisi, dans un texte législatif explicite (l’article 2, paragraphe 1[,] du ZZNN) de limiter les types de produits pétroliers dont des stocks de sécurité doivent être constitués, conservés, renouvelés, utilisés, reconstitués et contrôlés aux quatre catégories suivantes : 1) essence pour automobiles ; 2) gazole, carburéacteur de type kérosène et carburant pour moteur diesel ; 3) fioul lourd ; 4) gaz propane-butane, cet État peut-il inclure les importateurs d’autres (de tous les autres) produits pétroliers, déterminés au chapitre 3.4 de l’annexe A du [règlement no 1099/2008], lorsqu’il détermine le cercle de personnes obligées auxquelles sont imposées des obligations de maintenir des stocks (les opérateurs économiques) ainsi que le volume des stocks que les opérateurs économiques doivent maintenir ?

4)      L’objectif de la directive 2009/119, prévu à l’article 1er, aux considérants 3, 17 et 33, l’objectif de l’article 20, paragraphe 1, de celle-ci, instaurant une obligation pour les États membres de mettre en place les conditions pour que leurs stocks de sécurité soient mis en circulation en tout ou en partie, rapidement, de manière efficace et transparente, ainsi que l’objectif de l’article 16 de la Charte [...] sont-ils respectés par une législation nationale par laquelle un opérateur économique qui n’importe, n’achète, ne vend, n’intègre ni n’utilise en aucune manière dans sa production un produit pétrolier déterminé dont l’État membre a choisi de maintenir les stocks de sécurité pour remplir l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 3 de la directive 2009/119 (en l’occurrence, du fioul lourd), se voit imposer l’obligation de constituer des stocks précisément de ce produit pétrolier (fioul lourd), ce qui le contraint, pour exécuter son obligation, à participer à un nouveau marché pour son activité économique (en l’occurrence, le marché du fioul lourd) et à constituer des stocks de ces produits qui ne lui sont pas nécessaires et qu’il n’utilise pas dans son activité ?

5)      La liberté fondamentale de l’Union européenne que constitue la libre circulation des marchandises, visée notamment aux articles 30 et 34 TFUE, s’accommode-t-elle d’une réglementation nationale telle que celle en cause dans le cadre de laquelle les personnes introduisant sur le marché bulgare des produits énergétiques autres que des combustibles liquides (en l’occurrence, du coke de pétrole) se voient imposer des obligations de constituer et de conserver des stocks de sécurité de produits pétroliers (combustibles liquides tels que fuel-oil/fioul lourd, essence, gazole/diesel), alors que ces personnes ne réalisent pas d’activité économique avec ces produits (en ce sens qu’elles ne les importent, ne les transforment ni ne les commercialisent), qu’elles n’ont pas la capacité de les conserver et sont contraintes, pour exécuter leurs obligations de constituer des stocks de sécurité, de rejoindre le marché des produits pétroliers et d’y participer, en empruntant lesdits produits pétroliers ou en les achetant auprès d’autres entités privés – des entreprises de l’industrie pétrolière[ ?]

6)      Le principe de proportionnalité et, plus spécifiquement, l’exigence d’un équilibre entre l’intérêt général et l’intérêt individuel sont-ils respectés au cas où l’opérateur économique, qui n’importe, n’achète, ne vend, n’intègre ni n’utilise d’aucune manière dans sa production le produit pétrolier qui lui est imposé (en l’espèce, du fioul lourd), est tenu de constituer et de conserver des stocks de sécurité de ce produit pétrolier dans des quantités significatives, qui dépassent l’intégralité de la consommation moyenne annuelle de ce produit (du fioul lourd) dans l’État membre pendant une année civile et qui se voit contraint, pour exécuter cette obligation, d’engager des frais considérables qui menacent sa stabilité économique et financière et sont susceptibles de l’exposer à un risque important de procédure d’exécution forcée sur ses actifs ?

7)      Les dispositions combinées de l’article 1er, de l’article 2, sous i) et j), de l’article 3, paragraphe 1, et de l’article 20, paragraphes 1, 3 et 5, de la directive 2009/119 sont-elles respectées par une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle des stocks de sécurité ne sont constitués que de certains types de produits pétroliers liquides (essence, kérosène, gazole/diesel, fioul-oil, ainsi que gaz propane-butane), alors que des obligations de constitution et de maintien de stocks sont imposées également à des opérateurs économiques qui, dans le cadre d’importations ou d’arrivées intracommunautaires utilisent d’autres types de produits énergétiques visés à l’annexe A, chapitre 3.4[,] du [règlement no 1099/2008] (en l’espèce – du coke de pétrole), ces opérateurs économiques étant de cette manière tenus de constituer des stocks de sécurité des types de produits indiqués dans la loi, alors qu’ils n’auraient pas la possibilité, à l’avenir, d’utiliser ces stocks de sécurité, au motif que ces derniers ne sont pas inclus dans les produits énergétiques qu’ils utilisent ?

8)      Le principe d’effectivité, de proportionnalité et d’effet dissuasif prévu au considérant 11 et à l’article 21 de la directive 2009/119 est-il respecté par le régime de sanctions applicables en cas de violation de dispositions nationales relatives aux obligations concernant les stocks de sécurité, en vertu duquel les opérateurs économiques se voient infliger, en cas de violation des obligations de stockage, une sanction pécuniaire d’un montant significatif, calculée par tonne des quantités de stocks faisant l’objet de la violation et ce avant que le tribunal ne se prononce sur la légalité de l’acte administratif concerné fixant l’obligation de garantir les stocks de sécurité ?

L’État membre doit-il prévoir, dans le régime national de sanctions, que l’autorité compétente a l’obligation de procéder à une appréciation individuelle au cas par cas de chaque infraction et de prendre en considération, dans la détermination du montant de la sanction concrète, également tous les faits et circonstances pertinents pour la commission de l’infraction concernée, ainsi que les conséquences potentielles de l’infraction au regard de l’objectif de la loi, y compris le fait que la non-exécution de l’obligation de constitution et de conservation de stocks de sécurité est due à l’absence de capacités de stockage des quantités déterminées du produit concerné (le fioul lourd) dans l’État membre, ou encore le fait que, pour satisfaire à l’exécution de l’obligation qui lui incombe, l’opérateur économique est contraint d’engager des frais considérables, menaçant la stabilité financière de la société et l’exposant à un risque de procédure d’exécution forcée ? »

20      Par décision du 17 juillet 2023, le président de la Cour a suspendu la présente procédure dans l’attente de la décision mettant fin à l’instance dans les affaires jointes C‑395/22 et C‑428/22.

21      Par décision du 6 mai 2024, le président de la Cour a notifié à la juridiction de renvoi l’arrêt du 30 avril 2024, Trade Express-L et DEVNIA TSIMENT (C‑395/22 et C‑428/22, EU:C:2024:374), en l’invitant à lui indiquer si, compte tenu de cet arrêt, elle souhaitait maintenir, en tout ou en partie, sa demande de décision préjudicielle.

22      Par décision du 20 mai 2024, enregistrée au greffe de la Cour le 28 mai 2024, la juridiction de renvoi a indiqué qu’elle maintenait sa demande de décision préjudicielle, mais qu’elle ne sollicitait plus de réponses aux sept premières questions, au motif que ces questions avaient reçu une réponse dans ledit arrêt. Dans cette décision et dans le but d’obtenir une réponse à son interrogation contenue dans la huitième question posée dans la décision du 16 décembre 2022 , elle a posé six nouvelles questions.

23      La juridiction de renvoi souligne que l’ordonnance du 28 avril 2022 a été déclarée exécutoire par provision conformément aux dispositions du code de procédure administrative par une ordonnance que Solvay Sodi a contestée, sans succès, devant les juridictions bulgares.

24      Eu égard à l’arrêt du 30 avril 2024, Trade Express-L et DEVNIA TSIMENT (C‑395/22 et C‑428/22, EU:C:2024:374), la juridiction de renvoi estime qu’il lui appartient d’apprécier la proportionnalité de l’obligation de stockage mise à la charge de Solvay Sodi par l’ordonnance du 28 avril 2022, compte tenu de la charge financière considérable et du risque subséquent d’insolvabilité de cette société que cette obligation engendre.

25      Cela étant, cette juridiction nourrit des doutes sur la compatibilité avec le droit de l’Union, et notamment avec la Charte, de la réglementation bulgare autorisant l’adoption de la sanction pécuniaire, évoquée au point 17 de la présente ordonnance, en raison de l’inexécution de l’ordonnance du 28 avril 2022, exécutoire par provision, alors même que le recours visant à contester la légalité de cette ordonnance est pendant devant elle.

26      Elle précise que l’appréciation de la légalité de l’ordonnance du 28 avril 2022 et de la décision infligeant la sanction pécuniaire est du ressort, en première instance, de deux juridictions différentes, à savoir, respectivement, l’Administrativen sad (tribunal administratif) et le Rayonen sad (tribunal d’arrondissement), lesquelles statuent de manière indépendante. La réglementation bulgare ne prévoirait pas de possibilité de suspendre la procédure relative à cette sanction jusqu’au prononcé de la décision concernant la légalité de l’ordonnance du 28 avril 2022, laquelle décision serait pourtant pertinente dans le cadre de cette procédure. Ainsi, l’annulation de cette ordonnance constituerait un motif d’annulation de cette sanction.

27      C’est dans ces conditions que, par sa décision du 20 mai 2024, l’Administrativen sad – Varna (tribunal administratif de Varna) a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Les principes d’effectivité, de proportionnalité et d’effet dissuasif au titre de l’article 49, paragraphe 3, et de l’article 42 de la Charte [...], qui sont mentionnés au considérant 11 et à l’article 21 de la directive 2009/119[,] sont-ils respectés par le régime de sanctions qui sont prévues à l’article 62 du [ZZNN] et qui sont applicables en cas de violation des dispositions nationales relatives aux obligations concernant les stocks de sécurité, alors que, en vertu de ce régime de sanctions, les opérateurs économiques se voient infliger, en cas de violation des obligations de stockage, une sanction pécuniaire d’un montant fixe, calculée par tonne des quantités de stocks faisant l’objet de la violation et ce, sans que le tribunal dispose de la possibilité d’en modifier la sanction  de manière à en réduire le montant, quand bien même des circonstances atténuantes de responsabilité seraient établies ?

2)      L’article 49, paragraphe 3, et l’article 42 de la Charte, ainsi que l’article 21 de la directive 2009/11[9,] relatifs aux principes d’adéquation, d’effectivité, de proportionnalité et d’effet dissuasif de la sanction sont-ils respectés et l’État membre doit-il prévoir, dans le régime national de sanctions, que l’autorité compétente a l’obligation de procéder à une appréciation individuelle au cas par cas de chaque infraction et de prendre en considération, dans la détermination du montant de la sanction concrète, également tous les faits et circonstances pertinents pour la commission de l’infraction concernée, ainsi que les conséquences potentielles de l’infraction au regard de l’objectif de la loi ? Cette obligation d’appréciation individuelle de l’infraction doit-elle être indiquée dans une disposition nationale particulière, ou bien découle-t-elle de l’application du droit européen ?

3)      Au regard du principe de proportionnalité au titre de l’article 4[9] de la Charte et du principe d’effectivité au titre de l’article 21 de la directive 2009/11[9], la juridiction nationale peut-elle adopter une décision de sanction administrative ou, selon le cas, infliger une sanction pécuniaire pour une infraction résultant de l’inexécution d’une obligation découlant d’un acte administratif individuel, et ce avant que la légalité de l’acte administratif concerné fixant l’obligation relative aux stocks de sécurité n’ait été établie judiciairement ?

4)      L’article 50 de la Charte permet-il que la même inexécution d’une obligation visée à l’article 17 [du] ZZNN soit assortie, au terme de procédures distinctes et autonomes, d’une part, de l’imposition à la personne concernée d’une obligation de constituer, de maintenir, ou selon le cas, de garantir et de financer, pour son propre compte et avec ses ressources, des niveaux de stocks de fioul lourd et, d’autre part, de l’infliction, à cette même personne, de sanctions pécuniaires, qui sont susceptibles de recours devant des juridictions différentes – l’Administrativen sad (tribunal administratif) et le Rayonen sad (tribunal d’arrondissement), dans la mesure où la réglementation indiquée ne prévoit pas la coordination de ces procédures, alors qu’il est nécessaire d’établir la légalité de mêmes faits relatifs à la disposition de droit matériel que constituent l’article 12 et l’article 17 du ZZNN ?

5)      Les principes consacrés à l’article 47 de la Charte du droit à un recours effectif et à l’article 48 de la Charte (la présomption d’innocence et les droits de la défense) permettent-ils une réglementation nationale qui ne prévoit pas que le tribunal a la possibilité de suspendre la procédure au titre [de la loi sur les infractions et sanctions administratives], ou selon le cas, la procédure de contestation d’une décision de sanction administrative, jusqu’au terme de la procédure de première instance devant le tribunal administratif en contestation de l’acte administratif individuel – à savoir l’ordonnance de constitution et de conservation de stocks de sécurité de fioul lourd qui est à l’origine de l’adoption de la décision de sanction administrative ?

6)      L’article 47, paragraphe 1, de la Charte doit-il être interprété en ce sens que, dans le cadre de la procédure juridictionnelle, des faits autres que la survenance du préjudice subi peuvent également être vérifiés dans la défense contre l’exécution provisoire d’obligations introduites par le législateur national pour garantir les intérêts visés à l’article 3 et à l’article 5 de la [directive 2009/119] ? »

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

28      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’une demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

29      Il convient de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

30      Aux termes d’une jurisprudence constante de la Cour, la procédure instituée à l’article 267 TFUE constitue un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher. La justification du renvoi préjudiciel est non pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un litige portant sur le droit de l’Union (arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny, C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 44 ainsi que jurisprudence citée).

31      Comme il ressort des termes mêmes de l’article 267 TFUE, la décision préjudicielle sollicitée doit être « nécessaire » pour permettre à la juridiction de renvoi de « rendre son jugement » dans l’affaire dont elle se trouve saisie (arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny, C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 45 ainsi que jurisprudence citée).

32      La Cour a ainsi itérativement rappelé qu’il ressort à la fois des termes et de l’économie de l’article 267 TFUE que la procédure préjudicielle présuppose qu’un litige soit effectivement pendant devant la juridiction nationale, dans le cadre duquel elle est appelée à rendre une décision susceptible de prendre en considération l’arrêt préjudiciel (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny, C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 46, et ordonnance du 2 juillet 2020, S.A.D. Maler und Anstreicher, C‑256/19, EU:C:2020:523, point 44).

33      En outre, dès lors que la décision de renvoi sert de fondement à la procédure de renvoi préjudiciel devant la Cour au titre de l’article 267 TFUE, il est indispensable que la juridiction nationale explicite, dans cette décision, le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’inscrit le litige au principal et donne un minimum d’explications sur les raisons du choix des dispositions du droit de l’Union dont elle demande l’interprétation, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige qui lui est soumis [voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2020, C.F. (Contrôle fiscal), C‑430/19, EU:C:2020:429, point 23 et jurisprudence citée].

34      Ces exigences cumulatives concernant le contenu d’une décision de renvoi figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure, dont la juridiction de renvoi est censée, dans le cadre de la coopération instaurée à l’article 267 TFUE, avoir connaissance et qu’elle est tenue de respecter scrupuleusement (ordonnance du 3 juillet 2014, Talasca, C‑19/14, EU:C:2014:2049, point 21, et arrêt du 9 septembre 2021, Toplofikatsia Sofia e.a., C‑208/20 et C‑256/20, EU:C:2021:719, point 20 ainsi que jurisprudence citée). Lesdites exigences sont, en outre, rappelées aux points 13, 15 et 16 des recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2019, C 380, p. 1), qui figurent désormais aux points 13, 15 et 16 des recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO C, C/2024/6008).

35      En l’occurrence, en premier lieu, il convient de relever que la huitième question posée dans la décision du 16 décembre 2022 ainsi que les trois premières questions contenues dans la décision du 20 mai 2024 portent, en substance, sur la compatibilité, avec le droit de l’Union, de la réglementation nationale permettant d’infliger à une société soumise à une obligation de constituer des stocks de sécurité une sanction, telle que celle infligée à Solvay Sodi, en raison du non-respect de cette obligation.

36      Or, il ressort des explications fournies par la juridiction de renvoi que l’objet du litige au principal ne concerne pas la légalité d’une telle sanction, mais porte uniquement sur la légalité de l’ordonnance du 28 avril 2022. L’adoption de cette sanction relève d’une procédure administrative distincte et la contestation de sa légalité s’effectue au moyen d’un recours distinct qui est, en première instance, du ressort d’une autre juridiction.

37      Il s’ensuit que les réponses à la huitième question posée dans la décision du 16 décembre 2022 ainsi qu’aux trois premières questions contenues dans la décision du 20 mai 2024 ne sont manifestement pas nécessaires pour la solution du litige au principal.

38      En deuxième lieu, il découle des explications fournies par la juridiction de renvoi que les quatrième et cinquième questions contenues dans la décision du 20 mai 2024 ont trait, en substance, à l’impossibilité pour une juridiction de suspendre la procédure susceptible de conduire à l’adoption d’une sanction administrative ou celle afférente au recours dirigé contre la sanction infligée, jusqu’au prononcé de la décision relative à la légalité de l’obligation de constituer des stocks de sécurité.

39      Or, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 35 de la présente ordonnance, le litige au principal porte uniquement sur la légalité de l’ordonnance du 28 avril 2022.

40      Il s’ensuit que les réponses aux quatrième et cinquième questions contenues dans la décision du 20 mai 2024 ne sont manifestement pas nécessaires pour la solution du litige au principal.

41      En troisième lieu, il convient d’observer que, par la sixième question contenue dans la décision du 20 mai 2024, la juridiction de renvoi interroge la Cour, en substance, sur la compatibilité de la procédure administrative visant à la suspension de l’exécution provisoire dont est assortie une décision portant obligation de constituer des stocks de sécurité, telle que prévue par le droit bulgare, avec l’article 47, paragraphe 1, de la Charte, s’agissant plus particulièrement des éléments susceptibles d’être pris en compte à ce titre.

42      Or, il y a lieu de constater que la juridiction de renvoi a omis de fournir des précisions quant à la nécessité d’obtenir une réponse à cette question pour qu’elle puisse statuer dans l’affaire au principal. Il ressort, à cet égard, de la décision du 20 mai 2024 que cette juridiction, qui s’est déjà prononcée sur une demande de suspension de l’exécution provisoire assortissant l’ordonnance du 28 avril 2022, ne fait pas état d’une nouvelle demande ayant le même objet pendante devant elle.

43      Partant, la Cour n’est pas en mesure de fournir une réponse utile à la sixième question contenue dans la décision du 20 mai 2024.

44      Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, la demande de décision préjudicielle est, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

45      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne :

La demande de décision préjudicielle introduite par l’Administrativen sad – Varna (tribunal administratif de Varna, Bulgarie), par décision du 16 décembre 2022, telle que complétée par la décision du 20 mai 2024, est manifestement irrecevable.

Signatures


*      Langue de procédure : le bulgare.

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