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Document 62022CO0317

Ordonnance de la Cour (dixième chambre) du 19 novembre 2022.
Ahmad Aziz contre Service européen pour l'action extérieure (SEAE).
Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents prétendument détenus par le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) – Recours dirigé contre le rejet explicite de la demande d’accès aux documents – Recevabilité – Article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal – Indication suffisamment claire et précise des moyens invoqués – Pourvoi, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.
Affaire C-317/22 P.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:1007

ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

19 décembre 2022 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents prétendument détenus par le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) – Recours dirigé contre le rejet explicite de la demande d’accès aux documents – Recevabilité – Article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal – Indication suffisamment claire et précise des moyens invoqués – Pourvoi, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé »

Dans l’affaire C‑317/22 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 9 mai 2022,

Ahmad Aziz, demeurant à Pietà (Malte), représenté par Me L. Cuschieri, avukat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Service européen pour l’action extérieure (SEAE),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M D. Gratsias (rapporteur), président de chambre, MM. I. Jarukaitis et Z. Csehi, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, M. Ahmad Aziz demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 5 mai 2022, Aziz/SEAE (T‑808/21, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2022:283), par laquelle celui-ci a rejeté comme étant manifestement irrecevable son recours, fondé sur l’article 263 TFUE, tendant à l’annulation de la décision initiale du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), du 6 décembre 2021, et de sa décision confirmative, du 21 décembre 2021, par lesquelles ce service a rejeté sa demande initiale et sa demande confirmative d’accès aux documents (ci-après, prises ensemble, les « décisions litigieuses »), fondées sur le règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43).

 Les antécédents du litige, la procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

2        Le 15 octobre 2021, le requérant a présenté au SEAE une demande initiale d’accès aux documents, qui a été rejetée par décision initiale de ce service en date du 6 décembre 2021. Le 12 novembre 2021, il a présenté une demande confirmative, rejetée par décision confirmative dudit service, en date du 21 décembre 2021.

3        Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 24 décembre 2021, le requérant a introduit un recours fondé sur l’article 263 TFUE, tendant à l’annulation des décisions litigieuses.

4        Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a, sur le fondement de l’article 126 de son règlement de procédure, rejeté le recours comme manifestement irrecevable, au motif, ainsi qu’il est indiqué au point 14 de cette ordonnance, que la requête ne satisfaisait pas aux exigences minimales de l’article 76, sous d), dudit règlement de procédure.

5        À cet égard, d’une part, le Tribunal a relevé, aux points 7 et 8 de l’ordonnance attaquée, que, bien que la requête indiquât que le recours était formé au titre de l’article 263 TFUE, aucun des chefs de conclusions énoncés dans la requête ne correspondait à ceux formulés dans le cadre d’un recours en annulation et que le requérant n’identifiait pas l’acte dont l’annulation est demandée ni ne développait de moyen susceptible d’être invoqué à l’appui d’une demande en annulation. Examinant, à titre surabondant, chacun de ces chefs de conclusions aux points 9 à 12 de cette ordonnance, le Tribunal a, en substance, considéré qu’aucun de ceux-ci ne pouvait être considéré, en lui-même, comme recevable.

6        D’autre part, le Tribunal a estimé, au point 13 de ladite ordonnance, que la requête n’exposait aucun moyen juridique de manière suffisamment claire, intelligible et cohérente au soutien des conclusions formulées et, partant, ne permettait pas à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours.

 Les conclusions du pourvoi

7        Le requérant demande à la Cour :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée ;

–        d’annuler les décisions litigieuses, et

–        de déclarer que le SEAE s’est illégalement abstenu de donner suite à ses demandes.

 Sur le pourvoi

8        En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

9        Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

10      À l’appui de son pourvoi, le requérant invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation, par le Tribunal, de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de l’article 19 TUE, en ce que le Tribunal se serait illégalement abstenu d’annuler, sur le fondement de l’article 263 TFUE, les décisions litigieuses. Ce moyen unique comporte, en substance, six branches, tirées d’erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal dans le cadre de son examen de la recevabilité du recours.

11      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53 dudit statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, que la requête introductive d’instance doit contenir l’objet du litige, les moyens et les arguments invoqués ainsi que l’exposé sommaire des moyens, et que ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle. Les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ainsi ressortir d’une façon cohérente et compréhensible de la requête elle-même et les conclusions de cette dernière doivent être formulées de manière non équivoque afin d’éviter que le juge de l’Union ne statue ultra petita ou n’omette de statuer sur un moyen (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2020, BP/FRA, C‑669/19 P, non publié, EU:C:2020:713, point 14 et jurisprudence citée).

12      Ainsi, lorsque la requête introductive d’instance ne satisfait pas aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal relatives à l’exposé des moyens, ce dernier est fondé à déclarer irrecevable le recours dans son ensemble (voir, en ce sens, ordonnance du 30 septembre 2021, González Calvet/CRU, C‑27/21 P, non publiée, EU:C:2021:789, points 23 à 28).

13      En l’occurrence, au point 13 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a considéré que « la requête n’expos[ait] aucun moyen juridique de manière suffisamment claire, intelligible et cohérente, au soutien des conclusions formulées et, partant, ne permet[tait] pas à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours ».

14      Par les première, deuxième et sixième branches du moyen unique, le requérant conteste les motifs figurant à ce point 13 de l’ordonnance attaquée. En conséquence, il convient d’examiner ces branches en premier lieu.

15      Par la première branche du moyen unique, le requérant soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en ayant appliqué de manière erronée l’article 126 de son règlement de procédure, au motif que, selon lui, un recours n’est manifestement irrecevable que lorsqu’il est formé après l’expiration du délai requis, lorsqu’il est prématuré ou lorsque la partie requérante n’a pas respecté les conditions préalables pour son introduction.

16      Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

17      En particulier, ainsi qu’il a été rappelé au point 11 de la présente ordonnance, le Tribunal est tenu, en application des articles 21 et 53 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), de son règlement de procédure, de déclarer irrecevable toute requête introductive d’instance qui ne contient pas, de manière suffisamment claire et précise, l’objet du litige, l’exposé sommaire des moyens ou les conclusions de la requête. Lorsqu’une telle irrecevabilité ne fait aucun doute, notamment en l’absence de tout moyen exposé de manière suffisamment claire et précise dans la requête introductive d’instance, le Tribunal peut, à tout moment, faire application de l’article 126 de son règlement de procédure en rejetant le recours comme manifestement irrecevable par voie d’ordonnance motivée.

18      Il s’ensuit que la première branche du moyen unique, par laquelle le requérant soutient que les cas d’irrecevabilité manifeste dans lesquels le Tribunal peut faire application de l’article 126 de son règlement de procédure sont limités aux hypothèses visées au point 15 de la présente ordonnance, doit être rejetée comme manifestement non fondée.

19      Par la deuxième branche du moyen unique, le requérant reproche au Tribunal de ne pas avoir considéré qu’il lui était légalement possible, en cours d’instance, d’apporter des amendements à la requête introductive d’instance, aux fins de remédier à des erreurs.

20      Ainsi qu’il a été rappelé au point 11 de la présente ordonnance, il découle de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal que toute requête introductive d’instance doit contenir, de manière suffisamment claire et précise, l’objet du litige ainsi que l’exposé sommaire des moyens, de sorte que les éléments essentiels de faits et de droit doivent ressortir d’une façon cohérente et compréhensible de la requête elle-même.

21      Il résulte de ces dispositions que la recevabilité d’une requête introductive d’instance doit être appréciée à la date à laquelle elle a été introduite. En conséquence, contrairement à ce que le requérant affirme, il n’était pas en droit de modifier l’exposé des moyens ainsi que des éléments de fait et de droit sur lesquels son recours reposait, postérieurement à l’introduction de sa requête introductive d’instance, le Tribunal étant habilité par l’article 126 du règlement de procédure à statuer au vu seulement de cette requête, notamment si l’irrecevabilité du recours était manifeste.

22      Il s’ensuit que la deuxième branche du moyen unique doit être rejetée comme étant manifestement non fondée.

23      Par la sixième branche du moyen unique, le requérant soutient que ses demandes, moyens, arguments ainsi que les éléments de fait et de droit étayant ceux-ci étaient clairement énoncés dans la requête introductive d’instance. En particulier, il fait valoir que, au point 13 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a considéré, à tort, que l’exposé des moyens de la requête introductive d’instance ne satisfaisait pas aux exigences minimales de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal.

24      Il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 256 TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi contre les décisions du Tribunal est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal, d’irrégularités de procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du droit de l’Union par le Tribunal. En outre, conformément à l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi contient les moyens et les arguments de droit invoqués. Enfin, aux termes de l’article 169, paragraphe 2, de ce règlement, les moyens et arguments de droit invoqués identifient avec précision les points des motifs de la décision du Tribunal qui sont contestés.

25      Il en résulte qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise non seulement les points critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée, mais également les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2021, Conseil/Hamas, C‑833/19 P, EU:C:2021:950, point 50 et jurisprudence citée).

26      En l’occurrence, pour contester le point 13 de l’ordonnance attaquée, par lequel le Tribunal a estimé que la requête ne contenait pas de moyen exposé de manière suffisamment claire, intelligible et cohérente, le requérant se borne, dans le cadre de la sixième branche du moyen unique, à confirmer que les moyens de la requête étaient suffisamment clairs et satisfaisaient aux exigences minimales de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, sans nullement chercher à étayer ces affirmations, et, notamment, à identifier les parties de la requête où ces moyens et l’argumentation à leur soutien seraient, comme il le prétend, clairement et précisément énoncés.

27      Il s’ensuit que la sixième branche du moyen unique doit être rejetée comme manifestement irrecevable, en tant qu’elle vise le point 13 de l’ordonnance attaquée.

28      Par voie de conséquence, dès lors qu’il ne ressort pas des points 15 à 27 de la présente ordonnance que le Tribunal a commis une erreur de droit au point 13 de l’ordonnance attaquée et que, ainsi qu’il ressort du point 13 de la présente ordonnance, ce point suffisait, à lui seul, à rejeter le recours comme manifestement irrecevable, une erreur éventuelle de ce dernier concernant l’appréciation de la recevabilité des chefs de conclusions de la requête, aux points 7 à 12 de l’ordonnance attaquée, serait sans incidence sur la solution du litige et n’affecterait pas le dispositif de cette ordonnance (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2022, Wagenknecht/Commission, C‑130/21 P, EU:C:2022:226, point 43 et jurisprudence citée).

29      Il s’ensuit que les troisième, quatrième et cinquième branches du moyen unique, qui visent les points 7 à 12 de ladite ordonnance, ainsi que la sixième branche de ce moyen, en tant qu’elle vise ces points, sont inopérantes et doivent donc être rejetées comme manifestement non fondées.

30      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

 Sur les dépens

31      En application de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié à la partie défenderesse en première instance et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que la partie requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

2)      M. Ahmad Aziz supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.

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