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Document 62021CJ0653

Arrêt de la Cour (huitième chambre) du 23 mars 2023.
Syndicat Uniclima contre Ministre de l'Intérieur.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Conseil d'État (France).
Renvoi préjudiciel – Marché intérieur – Harmonisation des législations nationales relatives aux machines, au matériel électrique sous tension et aux équipements sous pression – Directive 2006/42/CE – Directive 2014/35/UE – Directive 2014/68/UE – “Marquage CE” – Imposition, par une réglementation nationale, d’exigences supplémentaires aux exigences de sécurité essentielles prévues par ces directives – Conditions – Réglementation nationale en matière de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public.
Affaire C-653/21.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:238

 ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

23 mars 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Marché intérieur – Harmonisation des législations nationales relatives aux machines, au matériel électrique sous tension et aux équipements sous pression – Directive 2006/42/CE – Directive 2014/35/UE – Directive 2014/68/UE – “Marquage CE” – Imposition, par une réglementation nationale, d’exigences supplémentaires aux exigences de sécurité essentielles prévues par ces directives – Conditions – Réglementation nationale en matière de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public »

Dans l’affaire C‑653/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 16 juillet 2021, parvenue à la Cour le 27 octobre 2021, dans la procédure

Syndicat Uniclima

contre

Ministre de l’Intérieur,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. M. Safjan, président de chambre, MM. N. Piçarra (rapporteur) et N. Jääskinen, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Syndicat Uniclima, par Me A. Le Mière, avocat,

pour le gouvernement français, par Mmes A.‑L. Desjonquères et N. Vincent, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. P. Ondrůšek, Mme E. Sanfrutos Cano et M. F. Thiran, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

Le demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2006/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 mai 2006, relative aux machines et modifiant la directive 95/16/CE (JO 2006, L 157, p. 24), de l’article 2, point 14, et de l’article 4 de la directive 2014/35/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché du matériel électrique destiné à être employé dans certaines limites de tension (JO 2014, L 96, p. 357), de l’article 2, point 31, et de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2014/68/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché des équipements sous pression (JO 2014, L 189, p. 164), ainsi que du règlement (UE) no 517/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relatif aux gaz à effet de serre fluorés et abrogeant le règlement (CE) no 842/2006 (JO 2014, L 150, p. 195).

2

Cette demande a été introduite dans le cadre d’un litige opposant le syndicat Uniclima au ministre de l’Intérieur (France) au sujet de la légalité de l’arrêté du 10 mai 2019 modifiant l’arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP) (JORF du 17 mai 2019, texte no 20).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 517/2014

3

Aux termes de l’article 1er du règlement no 517/2014 :

« Le présent règlement a pour objectif de protéger l’environnement en réduisant les émissions de gaz à effet de serre fluorés. Dès lors, le présent règlement :

a)

définit des règles relatives au confinement, à l’utilisation, à la récupération et à la destruction des gaz à effet de serre fluorés et aux mesures d’accompagnement y relatives ;

b)

impose des conditions à la mise sur le marché de certains produits et équipements contenant des gaz à effet de serre fluorés ou qui en sont tributaires ;

c)

impose des conditions à certaines utilisations spécifiques des gaz à effet de serre fluorés ; et

d)

fixe des limites quantitatives pour la mise sur le marché des hydrofluorocarbones. »

La directive 2014/68

4

Aux termes des considérants 37 et 62 de la directive 2014/68 :

« (37)

Les équipements sous pression et les ensembles devraient porter, en règle générale, le marquage CE [...] qui atteste la conformité d’un équipement sous pression ou d’un ensemble [et] est la conséquence visible d’un processus global comprenant l’évaluation de la conformité au sens large. [...] Les règles régissant l’apposition du marquage CE devraient être définies par la présente directive.

[...]

(62)

[...] l’objectif de la présente directive [...] est de garantir que les équipements sous pression ou les ensembles se trouvant sur le marché satisfont aux exigences garantissant un niveau élevé de protection de la santé et de la sécurité des personnes ainsi que de protection des animaux domestiques ou des biens, tout en assurant le bon fonctionnement du marché intérieur [...] »

5

L’article 1er de cette directive prévoit :

« 1.   La présente directive s’applique à la conception, à la fabrication et à l’évaluation de la conformité des équipements sous pression et des ensembles dont la pression maximale admissible PS est supérieure à 0,5 bar.

2.   La présente directive ne s’applique pas :

[...]

f)

aux équipements [...] qui sont visés par l’une des directives suivantes :

i)

directive 2006/42 [...]

[...]

iii)

directive 2014/35 [...]

[...] »

6

L’article 2 de ladite directive dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

6)

“ensembles” : plusieurs équipements sous pression assemblés par un fabricant pour former un tout intégré et fonctionnel ;

[...]

15)

“mise à disposition sur le marché” : toute fourniture d’un équipement sous pression ou d’un ensemble destiné à être distribué ou utilisé sur le marché de l’Union [européenne] dans le cadre d’une activité commerciale, à titre onéreux ou gratuit ;

[...]

17)

“mise en service” : la première utilisation d’un équipement sous pression ou d’un ensemble par son utilisateur ;

[...]

31)

“marquage CE” : le marquage par lequel le fabricant indique que l’équipement sous pression ou l’ensemble est conforme aux exigences applicables de la législation d’harmonisation de l’Union prévoyant son apposition ;

[...] »

7

L’article 3 de la même directive, intitulé « Mise à disposition sur le marché et mise en service », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Les États membres prennent toutes les dispositions pour que les équipements sous pression et les ensembles ne puissent être mis à disposition sur le marché et en service que s’ils satisfont aux exigences de la présente directive lorsqu’ils sont installés et entretenus convenablement et utilisés conformément à leur destination.

2.   La présente directive n’affecte pas la faculté des États membres de prescrire les exigences qu’ils estiment nécessaires pour assurer la protection des personnes et, en particulier, des travailleurs lors de l’utilisation de l’équipement sous pression ou de l’ensemble en cause, pour autant que cela n’implique pas des modifications de cet équipement ou de cet ensemble par rapport à la présente directive. »

8

L’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2014/68 dispose :

« Les États membres ne peuvent, pour des risques dus à la pression, interdire, restreindre ou entraver la mise à disposition sur le marché ou la mise en service, dans les conditions fixées par le fabricant, d’équipements sous pression ou d’ensembles qui satisfont à la présente directive. »

9

L’article 40 de cette directive, intitulé « Procédure applicable aux équipements sous pression ou aux ensembles présentant un risque au niveau national », prévoit :

« 1.   Lorsque les autorités de surveillance du marché d’un État membre ont des raisons suffisantes de croire qu’un équipement sous pression ou un ensemble couvert par la présente directive présente un risque pour la santé ou la sécurité des personnes ou pour les animaux domestiques ou les biens, elles effectuent une évaluation de l’équipement sous pression ou de l’ensemble en cause en tenant compte de toutes les exigences pertinentes énoncées dans la présente directive. [...]

Si, au cours de l’évaluation visée au premier alinéa, les autorités de surveillance du marché constatent que l’équipement ou l’ensemble ne respecte pas les exigences énoncées dans la présente directive, elles invitent sans tarder l’opérateur économique en cause à prendre toutes les mesures correctives appropriées pour mettre l’équipement sous pression ou l’ensemble en conformité avec ces exigences, le retirer du marché ou le rappeler dans le délai raisonnable, proportionné à la nature du risque, qu’elles prescrivent.

[...]

4.   Lorsque l’opérateur économique en cause ne prend pas des mesures correctives adéquates dans le délai visé au paragraphe 1, deuxième alinéa, les autorités de surveillance du marché adoptent toutes les mesures provisoires appropriées pour interdire ou restreindre la mise à disposition de l’équipement sous pression ou de l’ensemble sur leur marché national, pour le retirer de ce marché ou pour le rappeler.

Les autorités de surveillance du marché en informent sans tarder la Commission [européenne] et les autres États membres.

[...] »

10

L’article 41 de ladite directive, intitulé « Procédure de sauvegarde de l’Union », dispose, à son paragraphe 2 :

« Si la mesure nationale est jugée justifiée, tous les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer le retrait de l’équipement ou de l’ensemble non conforme de leur marché et ils en informent la Commission. Si la mesure nationale est jugée non justifiée, l’État membre concerné la retire. »

Le droit national

11

L’article CH 35, relatif aux équipements ou aux installations utilisant des fluides frigorigènes, de l’arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP) (JORF du 14 août 1980), dans sa version issue de l’arrêté du 10 mai 2019 (ci-après l’« arrêté du 25 juin 1980 »), dispose, au premier alinéa de son paragraphe 3, intitulé « Dispositions applicables en cas d’emploi de fluides frigorigènes inflammables », que les dispositions des autres alinéas de ce paragraphe « ne s’appliquent pas aux équipements hermétiquement scellés qui font l’objet d’un marquage CE ».

12

Parmi ces dispositions figurent celles interdisant l’installation de raccords démontables sur les tuyauteries véhiculant des fluides frigorigènes inflammables sauf pour le raccordement des unités, celles imposant de protéger ces tuyauteries contre tous les risques de rupture franche et de les installer à une hauteur minimum par rapport au sol, celles limitant le diamètre intérieur des tuyauteries véhiculant ces fluides sous leur forme liquéfiée, celles prescrivant l’isolation thermique des unités qui les contiennent par des matériaux de certaines classes et celles déterminant la quantité de fluide inflammable susceptible de circuler dans les circuits frigorifiques des équipements.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

13

Syndicat Uniclima demande, notamment, à la juridiction de renvoi d’annuler l’article CH 35, paragraphe 3, premier alinéa, de l’arrêté du 25 juin 1980, en faisant valoir que la condition qu’il instaure, tenant à ce que les machines, équipements électriques ou équipements sous pression soient hermétiquement scellés, constitue une exigence supplémentaire à celles prévues par la directive 2006/42, la directive 2014/35 et la directive 2014/68, alors que ces équipements disposent du marquage CE et sont, dès lors, conformes aux exigences de ces directives. Par conséquent, une telle condition, outre qu’elle méconnaîtrait lesdites directives, serait également contraire aux articles 34 à 36 TFUE.

14

Selon la juridiction de renvoi, il résulte notamment de l’article 2, point 31, et de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2014/68 que, lorsqu’un équipement relevant du champ d’application de cette directive respecte les exigences essentielles de sécurité qu’elle prescrit, ce dont atteste l’apposition du marquage CE, cet équipement peut circuler librement sur le marché de l’Union.

15

Cette juridiction relève également que, en vertu de l’article CH 35, paragraphe 3, premier alinéa, de l’arrêté du 25 juin 1980, les exigences de sécurité auxquelles cette disposition subordonne l’utilisation des fluides frigorigènes inflammables dans des équipements installés dans les établissements recevant du public ne s’appliquent pas aux équipements qui disposent du marquage CE, à condition, toutefois, que ces équipements soient « hermétiquement scellés ».

16

Dans ces conditions, le Conseil d’État (France) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’harmonisation qu’imposent les directives [2006/42], [2014/35] et [2014/68] autorise-t-elle les États membres à prescrire des exigences de sécurité, et le cas échéant à quelles conditions et dans quelles limites, applicables aux équipements qu’elles régissent, dès lors que ces exigences n’impliquent pas de modifier ceux des équipements qui sont, ainsi qu’en atteste l’apposition du “marquage CE”, conformes aux exigences de ces directives ?

2)

L’harmonisation qu’elles imposent autorise-t-elle les États membres à prescrire, pour la seule utilisation de ces équipements dans des locaux ouverts au public et au regard des risques particuliers de sécurité contre l’incendie, des exigences de sécurité susceptibles d’impliquer la modification d’équipements qui seraient pourtant, ainsi qu’en attesterait l’apposition du “marquage CE”, conformes aux exigences de ces directives ?

3)

En cas de réponse négative à la question précédente, une réponse positive peut-elle être apportée dans le cas où les exigences de sécurité en cause, d’une part, ne s’imposeraient qu’en contrepartie de l’utilisation, par ces mêmes équipements, de fluides frigorigènes inflammables de substitution aux gaz à effet de serre fluorés, conformément aux objectifs visés par le règlement [no 517/2014] et, d’autre part, ne viseraient que ceux de ces équipements qui, bien que conformes aux exigences de ces directives, n’offrent pas, au regard du risque d’incendie en cas d’utilisation de fluides frigorigènes inflammables, la sécurité d’être hermétiquement scellés ? »

Sur les questions préjudicielles

17

Les questions posées par la juridiction de renvoi portent sur l’interprétation des directives 2006/42, 2014/35 et 2014/68, lesquelles ont toutes été adoptées sur le fondement de l’article 114 TFUE et contiennent des dispositions équivalentes visant à harmoniser les conditions auxquelles les équipements munis du marquage CE sont mis à disposition sur le marché et mis en service, de façon à assurer non seulement la libre circulation de ces équipements au sein de l’Union mais aussi un niveau élevé de protection notamment de la santé et de la sécurité des personnes.

18

Il ressort, en outre, de l’article 1er, paragraphe 2, sous f), i) et iii), de la directive 2014/68 que ces trois directives ne sont pas d’application cumulative. Ainsi, lorsqu’un équipement est couvert par une directive le visant spécifiquement, les autres directives ne s’appliquent pas.

19

Compte tenu de ce qui précède, il convient d’examiner les questions préjudicielles au regard de la directive 2014/68, étant précisé que l’interprétation des dispositions de cette dernière vaut, mutatis mutandis, pour les dispositions correspondantes des directives 2006/42 et 2014/35.

20

Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2014/68, lu en combinaison avec l’article 2, point 31, ainsi qu’avec l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui, afin de protéger la santé et la sécurité des personnes à l’égard des risques d’incendie dans des locaux ouverts au public, impose aux équipements sous pression et aux ensembles utilisant des fluides frigorigènes inflammables des exigences qui ne figurent pas parmi les exigences essentielles de sécurité prévues par cette directive, aux fins de la mise à disposition sur le marché ou de la mise en service de ces équipements, alors même que ceux-ci disposent du marquage CE.

21

Conformément à son article 1er, paragraphe 1, la directive 2014/68 s’applique à la conception, à la fabrication et à l’évaluation de la conformité des équipements sous pression et des ensembles dont la pression maximale admissible PS est supérieure à 0,5 bar. Son article 3, paragraphe 1, prévoit en substance que les États membres prennent toutes les dispositions pour que ces équipements et ensembles ne puissent être mis à disposition sur le marché et mis en service, au sens de l’article 2, points 15 et 17, de cette directive, que s’ils satisfont aux exigences qu’elle formule. L’annexe I de ladite directive fixe ainsi les « exigences essentielles de sécurité » qui doivent être respectées.

22

L’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2014/68 précise que les États membres ne peuvent, pour des risques dus à la pression, interdire, restreindre ou entraver la mise à disposition sur le marché et la mise en service, dans les conditions fixées par le fabricant, d’équipements sous pression et d’ensembles qui satisfont aux dispositions de cette directive et portent le marquage CE, afin de ne pas compromettre l’objectif d’harmonisation des dispositions nationales que poursuit ladite directive, tel qu’énoncé à son considérant 62 [voir, en ce qui concerne la directive 97/23/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 mai 1997, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les équipements sous pression (JO 1997, L 181, p. 1), laquelle a été abrogée par la directive 2014/68, arrêt du 10 février 2022, DIMCO Dimovasili M.I.K.E., C‑499/20, EU:C:2022:93, points 22 et 25].

23

Aux termes de l’article 2, point 31, de la directive 2014/68, lu à la lumière du considérant 37 de celle-ci, le « marquage CE » permet au fabricant d’indiquer que l’équipement sous pression ou l’ensemble qui en fait l’objet est conforme aux exigences applicables de la législation d’harmonisation de l’Union prévoyant son apposition. Ainsi, ce marquage atteste la conformité de ces équipements et ensembles à de telles exigences et est la conséquence visible d’un processus global comprenant l’évaluation de la conformité au sens large.

24

Il en résulte que les États membres ne peuvent imposer, à des équipements et ensembles disposant du marquage CE, des exigences supplémentaires aux exigences essentielles de sécurité visées à l’annexe I de la directive 2014/68, aux fins de la mise sur le marché et de la mise en service de ces équipements et ensembles.

25

Toutefois, l’article 3, paragraphe 2, de cette directive reconnaît aux États membres la faculté de prescrire les exigences qu’ils estiment nécessaires pour assurer la protection des personnes et, en particulier, des travailleurs lors de l’utilisation de l’équipement sous pression ou de l’ensemble en cause, pour autant que cela n’implique pas des modifications de cet équipement ou de cet ensemble par rapport à ladite directive. Cette disposition doit être interprétée en ce sens qu’elle ne fait pas obstacle à une réglementation nationale qui impose, lors de l’installation ou de l’utilisation des équipements sous pression ou des ensembles, y compris ceux disposant du marquage CE, certaines exigences visant à garantir la sécurité des personnes, pour autant que cette réglementation n’induise aucune modification de ces équipements ou ensembles et ne constitue pas une entrave prohibée par les articles 34 et 36 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 10 février 2022, DIMCO Dimovasili M.I.K.E., C‑499/20, EU:C:2022:93, points 26 à 28).

26

Dans la présente affaire, il ressort des éléments dont dispose la Cour que l’arrêté du 25 juin 1980 subordonne l’emploi des équipements utilisant des fluides frigorigènes inflammables, dans les établissements recevant du public, au respect d’un certain nombre de prescriptions rappelées au point 12 du présent arrêt. Cependant, l’article CH 35, paragraphe 3, premier alinéa, de l’arrêté du 25 juin 1980 subordonne la non-application de ces prescriptions aux équipements utilisant des fluides frigorigènes inflammables disposant du marquage CE à la condition que ceux-ci soient hermétiquement scellés.

27

Une telle condition ne figure toutefois pas parmi les exigences essentielles de sécurité prévues par la directive 2014/68, notamment à l’annexe I de celle-ci. Or, ainsi qu’il a été constaté aux points 24 et 25 du présent arrêt, des exigences supplémentaires aux fins de la mise à disposition sur le marché et de la mise en service d’équipements et d’ensembles disposant du marquage CE ne sont pas couvertes par l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2014/68. Partant, les États membres ne peuvent imposer de telles exigences supplémentaires, qu’elles induisent, ou non, une modification des équipements ou ensembles concernés.

28

Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient le gouvernement français, les États membres ne peuvent pas, y compris « pour la seule utilisation de ces équipements dans des locaux ouverts au public et au regard des risques particuliers de sécurité contre les incendies », imposer, aux fins de la mise à disposition sur le marché et de la mise en service desdits équipements, des exigences supplémentaires à celles prévues par la directive 2014/68. En effet, de telles exigences nationales reviendraient à priver d’effet utile les mesures d’harmonisation prévues par cette directive.

29

Par ailleurs, la procédure de sauvegarde, prévue notamment aux articles 40 et 41 de ladite directive, et invoquée, dans ce contexte, par le gouvernement français, permet certes aux États membres d’adopter des mesures relatives aux équipements et ensembles disposant du marquage CE, lorsqu’ils identifient des équipements ou ensembles qui ne sont pas conformes aux dispositions du droit de l’Union applicables, ou lorsqu’ils relèvent une lacune au sein de celles-ci qui risque de compromettre la sécurité des personnes, en leur imposant d’en informer rapidement la Commission afin que celle-ci détermine si ces mesures sont justifiées. Toutefois, cette procédure se déroule, par définition, en aval de la mise à disposition sur le marché et de la mise en service des équipements concernés et n’est donc pas susceptible de couvrir une disposition telle que l’article CH 35, paragraphe 3, premier alinéa, de l’arrêté du 25 juin 1980.

30

Enfin, il importe de souligner que la circonstance que cet arrêté modifie la réglementation nationale existante afin de tenir compte des prescriptions du règlement no 517/2014, lesquelles prévoient la réduction de l’emploi des hydrofluocarbures utilisés, notamment, dans les équipements de réfrigération, de climatisation et de pompes à chaleur, afin de réduire les émissions de gaz fluorés à effet de serre, n’est pas susceptible de remettre en cause l’interprétation de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2014/68, telle qu’elle ressort du point 27 du présent arrêt. En effet, si ce règlement, en vertu de son article 1er, sous b), impose des conditions à la mise sur le marché de certains produits et équipements contenant des gaz à effet de serre fluorés ou qui en sont tributaires, il ne régit pas la conception, la fabrication et l’évaluation de la conformité des équipements sous pression et des ensembles, lesquelles relèvent de la directive 2014/68.

31

Eu égard aux motifs qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2014/68, lu en combinaison avec l’article 2, point 31, ainsi qu’avec l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui, afin de protéger la santé et la sécurité des personnes à l’égard des risques d’incendie dans des locaux ouverts au public, impose aux équipements sous pression et aux ensembles utilisant des fluides frigorigènes inflammables des exigences qui ne figurent pas parmi les exigences essentielles de sécurité prévues par cette directive, aux fins de la mise à disposition sur le marché ou de la mise en service de ces équipements et ensembles, alors même que ceux-ci disposent du marquage CE.

Sur les dépens

32

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

 

L’article 3, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’article 2, point 31, ainsi qu’avec l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2014/68/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché des équipements sous pression,

 

doit être interprété en ce sens que :

 

il s’oppose à une réglementation nationale qui, afin de protéger la santé et la sécurité des personnes à l’égard des risques d’incendie dans des locaux ouverts au public, impose aux équipements sous pression et aux ensembles utilisant des fluides frigorigènes inflammables des exigences qui ne figurent pas parmi les exigences essentielles de sécurité prévues par cette directive, aux fins de la mise à disposition sur le marché ou de la mise en service de ces équipements et ensembles, alors même que ceux-ci disposent du marquage CE.

 

Safjan

Piçarra

Jääskinen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 mars 2023.

Le greffier

A. Calot Escobar

Le président de chambre

M. Safjan


( *1 ) Langue de procédure : le français.

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