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Document 62020TO0427

Ordonnance du Tribunal (huitième chambre élargie) du 14 mai 2025.
Max Heinr. Sutor OHG contre Conseil de résolution unique.
Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour 2020 – Obligation de motivation – Exception d’illégalité – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
Affaire T-427/20.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2025:501

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

14 mai 2025 (*)

« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour 2020 – Obligation de motivation – Exception d’illégalité – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑427/20,

Max Heinr. Sutor OHG, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par Mes A. Glos, M. Rätz, H.-U. Klöppel et M. Meisgeier, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par Mme C. De Falco et M. T. Wittenberg, en qualité d’agents, assistés de Mes B. Meyring, T. Klupsch et S. Ianc, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par M. D. Triantafyllou et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere, D. Petrlík, K. Kecsmár (rapporteur) et Mme S. Kingston, juges,

greffier : M. T. Henze, greffier adjoint,

vu la phase écrite de la procédure,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Max Heinr. Sutor OHG, demande l’annulation de la décision SRB/ES/2022/80 du Conseil de résolution unique (CRU), du 7 décembre 2022, portant retrait de la décision SRB/ES/2020/24 du CRU, du 15 avril 2020, relative au calcul des contributions ex ante pour 2020 au Fonds de résolution unique, dans la mesure où elle concerne les établissements mentionnés à l’annexe I de la présente décision, et calculant à nouveau les contributions ex ante 2020 de ces établissements au Fonds de résolution unique (ci-après la « décision attaquée »), en ce qu’elle la concerne.

I.      Antécédents du litige

2        La requérante est un établissement de crédit établi en Allemagne.

3        Une part considérable de l’activité commerciale de la requérante résulte de sa coopération avec la société Raisin DS (ci-après « Raisin »). Cette dernière gère une plateforme destinée à la négociation de placements à l’échelle européenne, grâce à laquelle les clients peuvent accéder aux offres de placement d’un grand nombre d’établissements de crédit européens (ci-après les « établissements de produits »).

4        Les clients de Raisin ouvrent à cette fin un compte en leur nom auprès de la requérante et y versent le montant du placement. La requérante investit fiduciairement les fonds des clients, en son nom propre et pour le compte de ces derniers, dans les produits d’épargne choisis par les clients auprès des établissements de produits. À cette fin, la requérante crée un compte collectif en son sein qui est géré en son nom propre, mais pour le compte des clients (ci-après le « compte de transit »). Les fonds des clients sont transférés ou débités de leurs comptes individuels, ouverts auprès de la requérante, vers ou depuis ce compte de transit.

5        Puis, la requérante ouvre, sur instruction de Raisin, en tant que représentante des clients, en son nom propre et pour le compte de ces derniers, des comptes fiduciaires collectifs auprès des établissements de produits et y dépose les fonds des clients, qu’elle investit dans les placements choisis par ces derniers.

6        Ainsi, selon la requérante, les différentes étapes de cette procédure sont celles qui sont décrites dans le schéma reproduit ci-après :

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7        Selon la réglementation allemande applicable, l’ensemble des dépôts des clients qu’un établissement de crédit, tel que la requérante, gère et place fiduciairement doivent figurer à son bilan en tant qu’actifs dénommés « actifs fiduciaires ». Conformément à cette réglementation, les montants qui correspondent aux obligations d’un tel établissement découlant des droits des clients au remboursement de leurs fonds (ci-après les « passifs fiduciaires ») doivent être inscrits dans son bilan en tant que passifs dénommés « passifs fiduciaires ».

8        Par la décision SRB/ES/2020/24, du 15 avril 2020, sur le calcul des contributions ex ante pour 2020 au Fonds de résolution unique (ci-après la « décision initiale »), le CRU a fixé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (FRU) (ci-après les « contributions ex ante ») pour 2020 (ci-après la « période de contribution 2020 ») des établissements relevant des dispositions combinées de l’article 2 et de l’article 67, paragraphe 4, de ce règlement (ci-après les « établissements »), dont la requérante.

9        Par avis de perception du 29 avril 2020, la Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht (BaFin, Autorité fédérale de surveillance des services financiers, Allemagne), en sa qualité d’autorité de résolution nationale au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 3, du règlement no 806/2014, a enjoint à la requérante d’acquitter sa contribution ex ante pour la période de contribution 2020, telle qu’elle avait été fixée par le CRU.

10      Le 9 janvier 2023, le CRU a informé le Tribunal qu’il avait, le 7 décembre 2022, adopté la décision attaquée, par laquelle il retirait et remplaçait la décision initiale sur le calcul des contributions ex ante au FRU pour la période de contribution 2020. Selon les considérants 15 à 18 de la décision attaquée, celle-ci visait à remédier au défaut de motivation de la décision initiale que le CRU avait constaté à la suite de l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), ainsi que des ordonnances du 3 mars 2022, CRU/Portigon et Commission (C‑664/20 P, non publiée, EU:C:2022:161), et du 3 mars 2022, CRU/Hypo Vorarlberg Bank (C‑663/20 P, non publiée, EU:C:2022:162).

11      La décision attaquée inclut les passifs fiduciaires de la requérante parmi les passifs qui sont pris en compte aux fins du calcul de la contribution ex ante de cette dernière. Ces passifs fiduciaires figurent sur le formulaire de déclaration concernant la contribution ex ante de la requérante (ci-après le « formulaire de déclaration »), lequel a ensuite été repris dans la décision attaquée.

II.    Décision attaquée

12      La décision attaquée comprend un corps qui est accompagné, en ce qui concerne la requérante, de quatre annexes.

13      Le corps de la décision attaquée décrit le processus de détermination des contributions ex ante pour la période de contribution 2020, qui est applicable à tous les établissements concernés.

14      Plus particulièrement, dans la section 6 de ladite décision, le CRU a déterminé le niveau cible annuel, mentionné à l’article 4 du règlement d’exécution (UE) 2015/81 du Conseil, du 19 décembre 2014, définissant des conditions uniformes d’application du règlement no 806/2014 en ce qui concerne les contributions ex ante au FRU (JO 2015, L 15, p. 1), pour la période de contribution 2020 (ci-après le « niveau cible annuel »).

15      Le CRU a expliqué qu’il avait fixé ce niveau cible annuel à un huitième de 1,25 % du montant moyen des dépôts couverts, calculé trimestriellement, de l’ensemble des établissements en 2019, tel qu’il avait été obtenu à partir des données communiquées par les systèmes de garantie des dépôts conformément à l’article 16 du règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44).

16      Dans la section 7 de la décision attaquée, le CRU a décrit la méthode à suivre pour le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2020. À cet égard, il a précisé, au considérant 89 de ladite décision, que, pour cette période, 20 % des contributions ex ante avaient été calculées sur la « base nationale », c’est-à-dire sur la base des données communiquées par les établissements agréés sur le territoire de l’État membre participant concerné (ci-après la « base nationale »), conformément à l’article 103 de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), et conformément à l’article 4 du règlement délégué 2015/63. Le reste des contributions ex ante (à savoir 80 %) a été calculé sur la « base de l’union bancaire », c’est-à-dire sur la base des données communiquées par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participant au mécanisme de résolution unique (MRU) (ci-après la « base de l’union » et les « États membres participant au MRU »), conformément aux articles 69 et 70 du règlement no 806/2014 et à l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81.

17      Par ailleurs, le CRU a calculé les contributions ex ante des établissements, tels que la requérante, en suivant les phases principales suivantes.

18      Dans la première phase du calcul des contributions ex ante, le CRU a calculé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, la contribution annuelle de base de chaque établissement, qui est proportionnelle au montant du passif de l’établissement concerné, hors fonds propres et dépôts couverts, rapporté au total du passif, hors fonds propres et dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participant au MRU. Conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, le CRU a déduit certains types de passifs du passif total de l’établissement à prendre en compte pour la détermination de cette contribution.

19      Dans la seconde phase du calcul des contributions ex ante, le CRU a procédé à un ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque de l’établissement concerné, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014. Il a évalué ce profil de risque sur la base des quatre piliers de risque mentionnés à l’article 6 du règlement délégué 2015/63, qui sont composés d’indicateurs de risque. Afin de classer les établissements selon leur niveau de risque, tout d’abord, le CRU a établi – pour chaque indicateur de risque appliqué pour la période de contribution 2020 – des bins (paniers) dans lesquels ont été regroupés les établissements, conformément à l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », point 3, de ce règlement délégué. Les établissements appartenant au même bin se sont vu attribuer une valeur commune pour l’indicateur de risque donné, dite « valeur discrétisée ». En combinant les valeurs discrétisées pour chaque indicateur de risque, le CRU a calculé le « multiplicateur d’ajustement en fonction du profil de risque » de l’établissement concerné (ci-après le « multiplicateur d’ajustement »). En multipliant la contribution annuelle de base de cet établissement par le multiplicateur d’ajustement de celui-ci, le CRU a obtenu la « contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque » dudit établissement.

20      Ensuite, le CRU a additionné toutes les contributions annuelles de base ajustées en fonction des profils de risque pour obtenir un « dénominateur commun » utilisé pour calculer la part du niveau cible annuel que chaque établissement devait verser.

21      Enfin, le CRU a calculé la contribution ex ante de chaque établissement en répartissant le niveau cible annuel entre tous les établissements sur la base du ratio existant entre la contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque, d’une part, et le dénominateur commun, d’autre part.

22      L’annexe I de la décision attaquée contient une fiche individuelle pour chaque établissement soumis au versement des contributions ex ante, dont la requérante, qui comporte les résultats du calcul de la contribution ex ante de chacun de ces établissements. Chacune de ces fiches expose le montant de la contribution annuelle de base de l’établissement concerné ainsi que la valeur de son multiplicateur d’ajustement, tant sur la base de l’union que sur la base nationale, en mentionnant, pour chaque indicateur de risque, le numéro du bin auquel ledit établissement a été assigné. En outre, ladite fiche expose des données qui sont utilisées pour le calcul des contributions ex ante de tous les établissements concernés et que le CRU a déterminées en additionnant ou en combinant les données individuelles de tous ces établissements. Enfin, cette fiche comporte les données déclarées par l’établissement concerné dans le formulaire de déclaration concernant sa contribution ex ante et utilisées dans le calcul de cette contribution.

23      L’annexe II de la décision attaquée comprend des données statistiques relatives au calcul des contributions ex ante pour chaque État membre participant, sous une forme résumée et agrégée. Cette annexe précise, notamment, le montant global des contributions ex ante à verser par les établissements concernés pour chacun de ces États membres. Par ailleurs, ladite annexe énumère, pour chaque indicateur de risque, le nombre de bins, le nombre d’établissements appartenant à chacun des bins ainsi que les valeurs minimales et maximales de ces bins. Dans le cas des bins relatifs à la base nationale, ces valeurs sont, pour des raisons de confidentialité, diminuées ou augmentées d’un montant aléatoire, la répartition originale des établissements étant maintenue.

24      L’annexe III de la décision attaquée, intitulée « Évaluation des commentaires soumis par les établissements dans le cadre de la consultation sur les contributions ex ante au F[RU] pour l’année 2020 », examine les observations présentées par les établissements lors de la procédure de consultation menée par le CRU entre le 24 octobre et le 8 novembre 2022 en vue de l’adoption de la décision attaquée.

25      L’annexe IVb de la décision attaquée, intitulée « Fiche individuelle sur l’évaluation des commentaires soumis par Max Heinr. Sutor OHG dans le cadre de la consultation sur les contributions ex ante au F[RU] pour 2020 contenant des informations confidentielles », examine les observations présentées par la requérante lors de la procédure de consultation.

III. Conclusions des parties

26      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle la concerne ;

–        condamner le CRU aux dépens.

27      Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, en cas d’annulation de la décision attaquée, maintenir les effets de cette dernière jusqu’à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle le jugement sera définitif.

28      La Commission européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

IV.    En droit

29      À l’appui de son recours, la requérante soulève dix moyens, tirés :

–        le premier, d’une violation de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 ;

–        le deuxième, d’une violation du principe de proportionnalité visé à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 ;

–        le troisième, d’une violation du principe d’égalité de traitement ;

–        le quatrième, d’une violation de la liberté d’entreprise protégée par l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte ») ;

–        le cinquième, d’une violation de sa liberté d’établissement visée par les dispositions combinées des articles 49 et 54 TFUE ;

–        le sixième, d’une violation du droit d’être entendu ;

–        le septième, d’une violation de l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous c), de la Charte ainsi qu’à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE ;

–        le huitième, à titre subsidiaire, d’une exception d’illégalité de l’article 3, point 11, et de l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 en raison d’une violation de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et du principe d’égalité de traitement ;

–        le neuvième, à titre subsidiaire, d’une exception d’illégalité de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63 en raison d’une violation de la liberté d’entreprise protégée par l’article 16 de la Charte ;

–        le dixième, à titre subsidiaire, d’une exception d’illégalité de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63 en raison d’une violation de la liberté d’établissement protégée par les dispositions combinées des articles 49 et 54 TFUE.

30      Dans son mémoire en adaptation, la requérante a indiqué qu’elle se désistait du sixième moyen. Par ailleurs, en réaction au remplacement de la décision initiale par la décision attaquée, la requérante a complété les premier et septième moyens, tout en retenant les deuxième à cinquième moyens et les huitième à dixième moyens sans modifications de fond.

31      Il y a lieu de constater que les moyens sur lesquels se fonde la requérante soulèvent des questions qui sont, en substance, identiques à celles que le Tribunal a déjà rejetées dans des recours antérieurs, notamment dans celui ayant donné lieu à l’arrêt du 8 mai 2024, Max Heinr. Sutor/CRU (T‑393/21, EU:T:2024:302). Par conséquent, il convient de faire application de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel, lorsqu’un recours est manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

32      Il convient d’examiner d’abord les moyens par lesquels la requérante excipe de l’illégalité de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63, puis les moyens portant directement sur la légalité de la décision attaquée.

A.      Sur les exceptions d’illégalité soulevées à l’encontre de l’article 3, point 11, de l’article 5, paragraphe 1, sous e), et de l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63

33      Dans l’intitulé des huitième, neuvième et dixième moyens, la requérante invoque des exceptions d’illégalité à l’encontre de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63. Cependant, il ressort des motifs de la requête que la requérante conteste également, en substance, la légalité de l’article 5, paragraphe 1, sous e), de ce règlement délégué.

34      Ainsi, plus concrètement, la requérante soutient, par le huitième moyen, que l’article 3, point 11, l’article 5, paragraphe 1, sous e), et l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 violent l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et le principe d’égalité de traitement. Par le neuvième moyen, la requérante fait valoir que ces dispositions du règlement délégué 2015/63 enfreignent également la liberté d’entreprise protégée par l’article 16 de la Charte. Par le dixième moyen, la requérante soutient que lesdites dispositions violent la liberté d’établissement protégée par les articles 49 et 54 TFUE.

35      La requérante a soulevé les exceptions d’illégalité mentionnées au point 34 ci-dessus dans l’hypothèse où l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 devrait être interprété comme ne permettant pas l’exclusion des passifs fiduciaires du calcul des passifs servant à déterminer les contributions ex ante.

36      Ainsi, il y a lieu d’examiner, dans un premier temps, si l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 doit être interprété comme ne permettant pas l’exclusion des passifs fiduciaires du calcul des passifs servant à déterminer les contributions ex ante. Si tel est le cas, il conviendra d’apprécier, dans un second temps, si l’article 14, paragraphe 2, et l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63 sont conformes à l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, au principe d’égalité de traitement, à l’article 16 de la Charte et aux articles 49 et 54 TFUE.

1.      Sur la portée de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63

37      Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63, sont exclus du calcul des contributions ex ante, « dans le cas des entreprises d’investissement, les passifs découlant de la détention d’actifs ou de liquidités de clients, [...] à condition que ledit client soit protégé par le droit applicable en matière d’insolvabilité ».

38      La requérante fait valoir que l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 doit être interprété en ce sens qu’il permet d’exclure le montant de ses passifs fiduciaires du calcul de son passif lors de la détermination de sa contribution ex ante, puisque ces passifs remplissent les conditions prévues par ladite disposition.

39      Le CRU et la Commission contestent les arguments de la requérante.

40      Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 39 à 53 de son arrêt du 8 mai 2024, Max Heinr. Sutor/CRU (T‑393/21, EU:T:2024:302). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

41      Il ressort de la jurisprudence que l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 ne confère pas de pouvoir discrétionnaire au CRU pour exclure certains passifs au titre de l’adaptation en fonction du risque des contributions ex ante, mais énumère, au contraire, de manière précise les conditions dans lesquelles un passif fait l’objet d’une telle exclusion (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca, C‑414/18, EU:C:2019:1036, point 93). Selon cette même jurisprudence, la prise en compte des principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de proportionnalité ne saurait justifier un autre résultat, dès lors que le règlement délégué 2015/63 a distingué des situations présentant des particularités notables, directement liées aux risques présentés par les passifs en cause (arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca, C‑414/18, EU:C:2019:1036, point 95).

42      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les dispositions qui instaurent une dérogation doivent faire l’objet d’une interprétation stricte (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2019, State Street Bank International, C‑255/18, EU:C:2019:967, points 39 et 40). Ainsi, étant donné que l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 instaure une dérogation à la règle générale prévue par l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59 en permettant d’exclure certains passifs du calcul des contributions ex ante, il constitue une disposition devant faire l’objet d’une interprétation stricte.

43      Dans ce contexte, il convient de relever que l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 prévoit trois conditions cumulatives pour l’exclusion des passifs concernés du calcul des contributions ex ante, à savoir, premièrement, le fait que ces passifs doivent être détenus par une entreprise d’investissement, deuxièmement, le fait qu’ils doivent découler de la détention d’actifs ou de liquidités de clients et, troisièmement, le fait que ces clients doivent être protégés par le droit applicable en matière d’insolvabilité.

44      S’agissant de la première condition mentionnée au point 43 ci-dessus, la requérante soutient qu’elle doit être considérée comme une entreprise d’investissement au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63.

45      La notion d’« entreprises d’investissement » est définie à l’article 3, point 2, du règlement délégué 2015/63 comme visant les « entreprises d’investissement au sens de l’article 2, paragraphe 1, point 3), de la directive 2014/59[...] ».

46      Sur ce point, la requérante fait valoir, dans son mémoire en adaptation, que le CRU aurait dû adopter la décision attaquée en tenant compte des règles de droit en vigueur le 7 décembre 2022, date d’adoption de cette décision, et en particulier de la définition d’« entreprise d’investissement » telle qu’elle est prévue à l’article 2, paragraphe 1, point 3, de la directive 2014/59 à la suite de sa modification par la directive (UE) 2019/2034 du Parlement européen et du Conseil, du 27 novembre 2019, concernant la surveillance prudentielle des entreprises d’investissement et modifiant les directives 2002/87/CE, 2009/65/CE, 2011/61/UE, 2013/36/UE, 2014/59/UE et 2014/65/UE (JO 2019, L 314, p. 64).

47      À cet égard, il convient de rappeler que la définition d’« entreprise d’investissement » prévue à l’article 2, paragraphe 1, point 3, de la directive 2014/59 a été modifiée par l’article 63, point 1, de la directive 2019/2034. Cette définition fait désormais référence à l’article 4, paragraphe 1, point 22, du règlement (UE) 2019/2033 du Parlement européen et du Conseil, du 27 novembre 2019, concernant les exigences prudentielles applicables aux entreprises d’investissement et modifiant les règlements (UE) no 1093/2010, (UE) no 575/2013, (UE) no 600/2014 et no 806/2014 (JO 2019, L 314, p. 1), qui renvoie, quant à lui, en ce qui concerne la notion d’« entreprise d’investissement », à l’article 4, paragraphe 1, point 1, de la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE (JO 2014, L 173, p. 349), lequel définit cette notion comme s’appliquant à toute personne morale qui fournit des services d’investissement à des tiers, sans exclure de cette définition les établissements de crédit.

48      Pourtant, selon une jurisprudence constante, à la suite de l’annulation d’un acte administratif, l’auteur de l’acte doit se placer à la date à laquelle il avait adopté l’acte annulé pour adopter l’acte de remplacement, en fonction des dispositions alors en vigueur et des éléments de fait alors pertinents (voir, en ce sens, arrêts du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, point 125 et jurisprudence citée, et du 10 novembre 2021, Di Bernardo/Commission, T‑41/20, non publié, EU:T:2021:778, point 90 et jurisprudence citée).

49      Le retrait de la décision initiale par le CRU, à la suite de l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), ainsi que des ordonnances du 3 mars 2022, CRU/Portigon et Commission (C‑664/20 P, non publiée, EU:C:2022:161), et du 3 mars 2022, CRU/Hypo Vorarlberg Bank (C‑663/20 P, non publiée, EU:C:2022:162), produit des effets juridiques équivalents à ceux d’un arrêt en annulation (ordonnance du 6 décembre 1999, Elder/Commission, T‑178/99, EU:T:1999:307, point 20 ; voir, également, ordonnance du 9 septembre 2010, Phoenix-Reisen et DRV/Commission, T‑120/09, non publiée, EU:T:2010:381, point 23 et jurisprudence citée). Partant, la jurisprudence citée au point 48 ci-dessus s’applique également en l’espèce.

50      Il s’ensuit que le CRU était contraint d’adopter la décision attaquée en tenant compte des dispositions en vigueur à la date d’adoption de la décision initiale, à savoir le 15 avril 2020, et, partant, de la définition d’« entreprise d’investissement » telle qu’elle était prévue à l’article 2, paragraphe 1, point 3, de la directive 2014/59 avant sa modification par la directive 2019/2034. Il en va d’autant plus ainsi qu’il est constant entre les parties que la modification de la définition d’« entreprise d’investissement » figurant à l’article 2, paragraphe 1, point 3, de la directive 2014/59 n’était applicable qu’à partir du 26 juin 2021, conformément à l’article 67, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2019/2034, lu à la lumière du considérant 39 de cette même directive.

51      Il est ainsi constant entre les parties que, au moment de l’adoption de la décision initiale, à savoir, le 15 avril 2020, l’article 2, paragraphe 1, point 3, de la directive 2014/59 définissait la notion d’« entreprise d’investissement » comme renvoyant à une « entreprise d’investissement au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 2), du règlement (UE) no 575/2013 [...] », lequel définissait, quant à lui, la notion d’« entreprise d’investissement » comme renvoyant à une « personne au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 1), de la directive 2004/39/CE qui est soumise aux exigences imposées par ladite directive, à l’exclusion [...] des établissements de crédit [...] ».

52      Il découle du libellé même de l’article 2, paragraphe 1, point 3, de la directive 2014/59 et de l’article 4, paragraphe 1, point 2), du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1), que la dérogation figurant à l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 ne s’appliquait pas, au moment de l’adoption de la décision initiale, aux entités qui étaient à la fois des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, comme c’était le cas de la requérante. À cet égard, il n’est pas contesté que la requérante est un établissement de crédit qui dispose d’un agrément bancaire en tant qu’établissement au sens des dispositions combinées de l’article 2 et de l’article 3, paragraphe 1, point 13, du règlement no 806/2014 ainsi que de l’article 2, paragraphe 1, point 2, de la directive 2014/59.

53      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’affirmation de la requérante selon laquelle elle dispose d’une autorisation pour fournir les services et mener les activités d’investissement visés à l’annexe I, section A, points 1 à 7, de la directive 2014/65.

54      En effet, comme le soutient le CRU, si la Commission avait entendu viser à l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 à la fois les établissements de crédit et les entreprises d’investissement, voire les établissements de crédit qui sont également des entreprises d’investissement, elle aurait fait référence, dans cette disposition, aux « établissements », et non aux « entreprises d’investissement ». La Commission a d’ailleurs procédé ainsi sous a), b) et f) de cette disposition en utilisant le terme « établissement ». En revanche, lorsque la Commission a entendu limiter l’application d’une exception au titre de l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 à certaines entités, elle a eu recours à des formulations plus précises, telles que les formulations « contrepartie[s] centrale[s] », « dépositaire[s] centra[ux] de titres » et « entreprises d’investissement », employées, respectivement, sous c), sous d) et sous e) de cette disposition.

55      En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel le renvoi par l’article 2, paragraphe 1, point 3, de la directive 2014/59 à l’article 4, paragraphe 1, point 2, du règlement no 575/2013 constitue une erreur de référence que le CRU aurait dû corriger, la requérante ne fournit aucun élément tangible au soutien de cette affirmation.

56      Il découle de ce qui précède que l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63, dans sa version applicable au moment de l’adoption de la décision initiale, le 15 avril 2020, doit être interprété comme ne permettant pas d’exclure les passifs détenus par des établissements de crédit, tels que la requérante, du calcul des passifs servant à déterminer leur contribution ex ante.

57      Dans ces conditions, les passifs fiduciaires de la requérante ne remplissent pas la première condition prévue à l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63.

58      Étant donné que les trois conditions prévues à l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 ont un caractère cumulatif, l’argumentation de la requérante doit être rejetée dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les deux autres conditions sont remplies.

59      Par conséquent, il convient d’examiner les exceptions d’illégalité que la requérante a formulées dans le cadre des huitième, neuvième et dixième moyens.

2.      Sur le huitième moyen, tiré de l’illégalité de l’article 3, point 11, de l’article 5, paragraphe 1, sous e), et de l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63, en ce qu’ils seraient contraires à l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et au principe d’égalité de traitement

60      Le présent moyen s’articule en deux branches, tirées, la première, de l’illégalité de l’article 3, point 11, de l’article 5, paragraphe 1, sous e), et de l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 en raison de la violation de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et, la seconde, de la violation du principe d’égalité de traitement par ces mêmes dispositions.

61      À titre liminaire, il convient de relever que l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 impose aux établissements l’obligation de fournir au CRU, à tout le moins, les informations visées à l’annexe II de ce règlement délégué, étant entendu que, selon le deuxième tiret de cette annexe, les établissements sont tenus de soumettre au CRU les données relatives au « [t]otal du passif », lequel est défini à l’article 3, point 11, dudit règlement délégué comme étant le total du passif au sens de la section 3 de la directive 86/635/CEE du Conseil, du 8 décembre 1986, concernant les comptes annuels et les comptes consolidés des banques et autres établissements financiers (JO 1986, L 372, p. 1), ou au sens des normes internationales d’information financière visées par le règlement (CE) no 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 19 juillet 2002, sur l’application des normes comptables internationales (JO 2002, L 243, p. 1).

a)      Sur la première branche, tirée de la violation de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59

62      Il ressort des points 41 à 58 ci-dessus que l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 ne prévoit pas l’exclusion des passifs fiduciaires du calcul des contributions ex ante et inclut ainsi lesdits passifs dans ce calcul. Une telle exclusion n’est pas non plus prévue par l’article 3, point 11, ni par l’article 14, paragraphe 2, de ce même règlement délégué.

63      La requérante soutient, en substance, que les dispositions du règlement délégué 2015/63 mentionnées au point 62 ci-dessus violent l’article 103, paragraphe 7, sous a), de la directive 2014/59 au motif qu’elles ne tiennent pas compte, pour la détermination du profil de risque des établissements, de l’absence de risque des passifs fiduciaires.

64      Le CRU et la Commission contestent les arguments de la requérante.

65      Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 60 à 79 de son arrêt du 8 mai 2024, Max Heinr. Sutor/CRU (T‑393/21, EU:T:2024:302). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

66      Il convient de relever que, conformément à l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, la Commission est habilitée à adopter des actes délégués pour préciser la notion d’« adaptation des contributions ex ante en fonction du profil de risque des établissements ».

67      Cependant, dans le contexte d’un pouvoir délégué au sens de l’article 290 TFUE, la Commission dispose, dans le cadre de l’exercice des compétences qui lui sont conférées, d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle est appelée, notamment, à effectuer des appréciations et des évaluations complexes (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 53 et jurisprudence citée).

68      Tel est le cas en ce qui concerne la fixation des critères d’adaptation des contributions ex ante au profil de risque en vertu de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59.

69      À cet égard, il convient de rappeler que la nature spécifique des contributions ex ante consiste, ainsi qu’il ressort des considérants 105 à 107 de la directive 2014/59 et du considérant 41 du règlement no 806/2014, à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour que ce dernier puisse remplir ses fonctions, tout en encourageant l’adoption, par les établissements concernés, de modes de fonctionnement moins risqués (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

70      Dans ce contexte, et ainsi qu’il ressort du considérant 114 de la directive 2014/59, le législateur de l’Union a chargé la Commission de préciser, par acte délégué, la façon d’ajuster les contributions des établissements aux dispositifs de financement pour la résolution en proportion de leur profil de risque.

71      Dans cette même optique, le considérant 107 de la directive 2014/59 précise que, pour assurer un calcul équitable des contributions ex ante aux dispositifs de financement nationaux et encourager l’adoption de modes de fonctionnement moins risqués, il convient que ces contributions soient fonction du risque de crédit, de liquidité et de marché encouru par les établissements.

72      Il découle de ce qui précède que la Commission devait élaborer des règles d’ajustement des contributions ex ante en fonction du profil de risque des établissements en poursuivant deux objectifs liés, à savoir, d’une part, assurer la prise en compte des différents risques qu’engendrent les activités des établissements, bancaires ou plus largement financières, et, d’autre part, encourager ces mêmes établissements à suivre des modes de fonctionnement moins risqués.

73      Or, ainsi qu’il ressort des documents afférents à l’adoption du règlement délégué 2015/63, notamment les documents « Étude technique du JRC au soutien de la législation de deuxième niveau de la Commission sur les contributions fondées sur les risques au Fonds de résolution (unique) » et « Document de travail des services de la Commission : estimations de l’application de la méthode proposée pour le calcul des contributions aux dispositifs de financement des résolutions », l’élaboration de telles règles d’ajustement des contributions ex ante en fonction du profil de risque des établissements impliquait des appréciations et des évaluations complexes de la part de la Commission, dans la mesure où celle-ci devait examiner les différents éléments au vu desquels les divers types de risque étaient appréhendés dans les secteurs bancaire et financier.

74      Eu égard à ce qui précède, la Commission disposait d’un large pouvoir d’appréciation aux fins d’adopter, en vertu de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, les règles précisant la notion d’« adaptation des contributions ex ante en fonction du profil de risque des établissements ».

75      Dans ces conditions, s’agissant de la méthode d’adaptation des contributions annuelles de base au titre de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice du pouvoir d’appréciation octroyé à la Commission n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si celle-ci n’a pas manifestement dépassé les limites de ce pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 60).

76      Dans ces conditions, il appartient à la requérante de démontrer que les dispositions mentionnées au point 62 ci-dessus sont entachées d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou qu’elles vont manifestement au-delà des limites du pouvoir d’appréciation conféré à la Commission par l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 en ne prévoyant pas l’exclusion des passifs fiduciaires du calcul de sa contribution ex ante.

77      À cet égard, la requérante fait valoir que la Commission a violé l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, puisque les passifs fiduciaires sont dénués de risque, fait qui serait pertinent aux fins du calcul des contributions ex ante pour deux raisons. En premier lieu, selon la requérante, les liquidités de clients qu’elle détient fiduciairement seraient protégées dans le cas où elle serait insolvable en vertu de droit allemand en matière d’insolvabilité. En second lieu, la requérante soutient que, dans la mesure où elle est tenue de transférer les fonds des clients aux établissements de produits, en cas de défaillance d’un tel établissement, ces fonds seraient en outre protégés par le système de garantie des dépôts au sens de la directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relative aux systèmes de garantie des dépôts (JO 2014, L 173, p. 149).

78      Tout d’abord, il convient de rappeler que l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 prévoit huit éléments que la Commission doit prendre en compte aux fins de l’adaptation des contributions ex ante en fonction du profil de risque des établissements. Or, bien que l’« exposition au risque de l’établissement » figure parmi ces éléments, de sorte que la Commission est tenue de la prendre en compte lors de l’adoption d’un acte délégué tel que le règlement délégué 2015/63, elle ne constitue qu’un élément parmi les huit dont la Commission doit tenir compte dans l’élaboration d’un tel acte.

79      Ensuite, rien dans l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 n’indique que la Commission est tenue d’accorder une importance prépondérante à un ou à plusieurs des éléments mentionnés au point 78 ci-dessus, tels que l’exposition au risque de l’établissement. Par ailleurs, cette disposition ne précise pas de quelle manière la Commission doit tenir compte de cette exposition.

80      Enfin, et en tout état de cause, la requérante n’a pas établi que les passifs fiduciaires étaient dépourvus de tout risque en cas de résolution.

81      En effet, en ce qui concerne, tout d’abord, l’argument de la requérante selon lequel les passifs fiduciaires ne présentent pas de risque en cas de résolution, car les liquidités de clients détenues fiduciairement sont protégées par le droit allemand en cas d’insolvabilité, il convient de constater que la requérante n’a pas contesté l’affirmation du CRU selon laquelle ce droit n’octroie pas de protection particulière aux fonds des clients tant qu’ils se trouvent sur le compte de transit.

82      À cet égard, le CRU a expliqué, sans que la requérante le conteste, que le fait de détenir les fonds des clients sur un compte de transit augmentait le risque associé aux passifs fiduciaires, car ces fonds n’étaient pas immédiatement séparés des autres fonds de la requérante et n’étaient donc pas protégés par le droit allemand en cas d’insolvabilité.

83      Sur ce point, il ressort d’ailleurs de la requête que, en ce qui concerne la requérante, les fonds des clients sont transférés vers des comptes fiduciaires collectifs auprès des établissements de produits le 15 ou le 30 du mois, ce qui implique qu’ils peuvent demeurer sur le compte de transit pendant un délai maximal de quinze jours sans être protégés par le droit allemand en cas d’insolvabilité.

84      De même, la requérante soutient à tort que les passifs fiduciaires ne présentent aucun risque à partir du moment où les fonds des clients sont transférés du compte de transit aux établissements de produits, puisque, en cas de défaillance de l’un de ces établissements, ces fonds sont protégés par le système de garantie des dépôts.

85      À cet égard, la requérante n’a pas contesté l’argument du CRU selon lequel, pour que les fonds des clients soient protégés par le système de garantie des dépôts, il est nécessaire que les établissements de produits concernés aient leur siège dans un État membre et que les clients ne placent pas plus de 100 000 euros dans de tels établissements, de sorte que ladite protection se trouve limitée tant sur le plan territorial que sur le plan quantitatif.

86      Eu égard à ce qui précède, la requérante n’a pas établi que l’article 3, point 11, l’article 5, paragraphe 1, sous e), et l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 étaient contraires à l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59.

b)      Sur la seconde branche, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement

87      La requérante soutient, en substance, que l’absence d’exclusion des passifs fiduciaires du calcul de la contribution ex ante à l’article 3, point 11, à l’article 5, paragraphe 1, sous e), et à l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 est contraire au principe d’égalité de traitement, dans la mesure où les établissements de crédit, tels qu’elle-même, se trouvent dans une situation comparable à celle des entreprises d’investissement visées audit article 5, paragraphe 1, sous e), de ce même règlement délégué, mais sont traités de manière différente.

88      Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

89      Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 83 à 119 de son arrêt du 8 mai 2024, Max Heinr. Sutor/CRU (T‑393/21, EU:T:2024:302). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

90      Il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité de traitement, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C‑555/19, EU:C:2021:89, point 95).

91      La requérante ayant invoqué la violation du principe d’égalité de traitement, c’est à elle qu’il incombe d’identifier avec précision les situations comparables dont elle estime qu’elles ont été traitées de manière différente ou les situations différentes dont elle estime qu’elles ont été traitées de manière identique [arrêt du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 311].

92      Selon une jurisprudence constante, le caractère comparable de telles situations s’apprécie eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Ces éléments doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève cet acte (voir arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C‑555/19, EU:C:2021:89, point 99 et jurisprudence citée).

93      En ce qui concerne l’objet et le but de la directive 2014/59, du règlement no 806/2014 et du règlement délégué 2015/63, il convient de rappeler que ces actes relèvent du domaine du MRU, dont la création vise, conformément au considérant 12 du règlement no 806/2014, à garantir une approche neutre dans le traitement des établissements défaillants, à renforcer la stabilité des établissements dans les États membres participant au MRU et à prévenir la propagation d’éventuelles crises aux États membres ne participant pas à ce mécanisme, afin de faciliter le fonctionnement du marché intérieur dans son ensemble.

94      S’agissant par ailleurs, plus particulièrement, des dispositions de la directive 2014/59, du règlement no 806/2014 et du règlement délégué 2015/63 qui instaurent les contributions ex ante, il ressort du point 69 ci-dessus que celles-ci ont pour objectif de garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions et d’encourager les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués.

95      C’est au regard des principes et des objectifs mentionnés au point 94 ci-dessus qu’il convient d’examiner, en premier lieu, si les établissements de crédit agréés pour exercer également des activités d’investissement, tels que la requérante, se trouvent dans une situation comparable à celle des entreprises d’investissement visées par l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 (ci-après les « entreprises d’investissement ») en ce qui concerne la prise en compte des passifs fiduciaires aux fins du calcul des contributions ex ante.

96      À cet égard, il y a lieu de relever que les contributions ex ante visent à financer des mesures de résolution dont l’adoption est subordonnée à la condition, qui ressort de l’article 18, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 5, du règlement no 806/2014, qu’une telle mesure soit nécessaire dans l’intérêt public, c’est-à-dire qu’elle permette d’atteindre, notamment, l’objectif – mentionné à l’article 14, paragraphe 2, sous b), de ce règlement – d’éviter les effets négatifs significatifs qu’aurait la liquidation d’un établissement sur la stabilité financière, en particulier en prévenant la contagion, y compris aux infrastructures de marché, et en maintenant la discipline de marché.

97      Or, ainsi que l’indique le considérant 4 de la directive 2019/2034, les établissements de crédit et les entreprises d’investissement ne présentent pas un risque comparable en ce qui concerne les effets préjudiciables que leur défaillance pourrait avoir sur la stabilité financière, puisque, contrairement aux établissements de crédit, les entreprises d’investissement ne possèdent pas d’importants portefeuilles de prêts aux particuliers et aux entreprises et n’acceptent pas de dépôts. En effet, le fait de détenir d’importants portefeuilles de dépôts et de prêts aux particuliers et aux entreprises entraîne un risque pour la stabilité financière lorsque les particuliers ou les entreprises débiteurs ne parviennent pas, à grande échelle, à rembourser ces prêts aux établissements de crédit concernés ou lorsqu’un nombre significatif de dépôts est retiré.

98      Il en va d’autant plus ainsi que la clientèle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement est différente. En effet, ainsi que le fait valoir le CRU, sans être contredit sur ce point, la clientèle des entreprises d’investissement est composée de personnes qui font appel à certains services spécifiques liés aux instruments financiers, cette constatation étant confirmée par la définition de la notion de « client » de telles entreprises, qui est définie à l’article 4, paragraphe 1, point 9, de la directive 2014/65. En revanche, ainsi qu’il ressort de l’article 4, paragraphe 1, point 1, du règlement no 575/2013, les établissements de crédit, y compris ceux agréés pour exercer également des activités d’investissement, reçoivent du public des dépôts ou d’autres fonds remboursables et octroient des crédits pour leur propre compte, de sorte qu’ils offrent leurs services à un cercle plus large de personnes.

99      Dans ces conditions, la probabilité qu’un établissement de crédit fasse l’objet d’une résolution, en application de l’article 18, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 5, du règlement no 806/2014, est plus élevée que celle qu’une entreprise d’investissement fasse l’objet d’une résolution, de sorte que ces deux catégories d’établissements ne se trouvent pas, à cet égard, dans une situation comparable.

100    De même, la situation de ces établissements n’est pas comparable s’agissant du traitement des passifs fiduciaires.

101    Conformément à l’article 84, paragraphe 2, du Wertpapierhandelsgesetz (loi sur le commerce des valeurs mobilières), du 9 septembre 1998 (BGBl. 1998 I, p. 2708), les entreprises d’investissement, qui ne sont pas autorisées à effectuer des opérations de dépôt, sont tenues de séparer immédiatement les fonds reçus des clients sur des comptes fiduciaires ouverts auprès d’établissements de crédit. En revanche, un établissement de crédit, tel que la requérante, n’est pas obligé de procéder de la sorte dans le cadre de l’exercice des activités d’investissement étant donné que, ainsi qu’il ressort des considérations énoncées aux points 82 et 83 ci-dessus, il n’est pas tenu de transférer immédiatement lesdits fonds du compte de transit aux établissements de produits.

102    Dans ces conditions, la requérante n’a pas établi que les passifs fiduciaires détenus par les entreprises d’investissement étaient exposés à un niveau de risque qui serait comparable à celui des passifs fiduciaires détenus par les établissements de crédit agréés pour exercer également des activités d’investissement, tels qu’elle-même. Par conséquent, la requérante ne peut soutenir que la situation des établissements de crédit agréés pour exercer également des activités d’investissement, dont elle fait partie, est comparable à celle des entreprises d’investissement et que, partant, ces deux types d’établissements doivent être traités de la même manière s’agissant de l’exclusion des passifs fiduciaires aux fins du calcul des contributions ex ante.

103    En deuxième lieu, la requérante fait valoir que l’article 3, point 11, et l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 introduisent une inégalité de traitement entre les établissements ayant leur siège en Allemagne et ceux ayant leur siège dans des États membres qui se sont prévalus de la dérogation prévue à l’article 10, paragraphe 1, troisième phrase, de la directive 86/635.

104    À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014 et à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59, le CRU calcule une contribution annuelle de base pour chaque établissement, comme cela est indiqué au point 18 ci-dessus. Cette contribution est proportionnelle au montant du passif de l’établissement concerné, hors fonds propres et dépôts couverts, rapporté au total du passif, hors fonds propres et dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire des États membres participant au MRU – en ce qui concerne la partie de cette contribution calculée sur la base de l’union – et de tous les établissements agréés sur le territoire de l’État membre où l’établissement en question a son siège – pour la partie de ladite contribution calculée sur la base nationale.

105    En ce qui concerne la détermination des passifs devant être pris en compte aux fins du calcul de la contribution annuelle de base de chaque établissement, il convient de rappeler que l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63 définit le « total du passif » comme étant le « total du passif au sens de la section 3 de la directive 86/635[…] ou au sens des normes internationales d’information financière visées dans le règlement [...] no 1606/2002 [...] ».

106    Par ailleurs, conformément à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 86/635, qui fait partie de la section 3 de cette directive, les fonds qu’un établissement gère en son nom propre, mais pour le compte d’autrui, doivent figurer, en règle générale, au bilan de cet établissement lorsque celui-ci est titulaire des actifs correspondants.

107    Cela étant, l’article 10, paragraphe 1, troisième phrase, de la directive 86/635 dispose que les États membres peuvent permettre aux établissements concernés de faire figurer les fonds mentionnés au point 106 ci-dessus hors bilan, à condition qu’il existe un régime particulier permettant d’exclure lesdits fonds de la masse en cas de liquidation collective de l’établissement.

108    À cet égard, les parties affirment que, en vertu des dispositions adoptées par la République fédérale d’Allemagne pour se conformer à l’article 10 de la directive 86/635, les passifs fiduciaires d’un établissement de crédit agréé pour exercer des activités d’investissement ayant son siège dans cet État, tel que la requérante, devaient figurer au bilan de celui-ci.

109    En outre, il n’est pas contesté que certains États membres ont fait usage de la faculté offerte par l’article 10, paragraphe 1, troisième phrase, de la directive 86/635 de permettre aux établissements ayant leur siège dans ces États de faire figurer hors bilan les fonds gérés en leur nom propre, mais pour le compte d’autrui.

110    Il s’ensuit, selon la requérante, que, si un établissement a son siège dans un État membre qui a fait usage de la faculté offerte par l’article 10, paragraphe 1, troisième phrase, de la directive 86/635, il peut faire figurer les passifs relatifs à de telles activités fiduciaires hors bilan, de sorte que ces passifs ne sont pas pris en compte pour le calcul de sa contribution annuelle de base. En revanche, les passifs fiduciaires des établissements ayant leur siège dans les États membres qui n’ont pas utilisé la possibilité de faire figurer les actifs et passifs fiduciaires hors bilan, tels que la République fédérale d’Allemagne, sont pris en compte aux fins de ce calcul.

111    Ainsi, la conséquence décrite au point 110 ci-dessus découle de l’application conjointe de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014 et de l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59 lus à la lumière de la section 3 de la directive 86/635 et, notamment, de l’article 10, paragraphe 1, troisième phrase, de cette dernière directive, qui définit la notion de « passif » des établissements et consacre la possibilité pour les États membres d’opter pour des règles différentes en ce qui concerne l’inclusion des passifs fiduciaires dans le bilan des établissements.

112    Or, la requérante n’a pas contesté la validité des dispositions mentionnées au point 111 ci-dessus au regard du principe d’égalité de traitement.

113    Par ailleurs, si l’argumentation de la requérante devait être comprise en ce sens qu’elle soutient, en réalité, que l’article 3, point 11, et l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 enfreignent le principe d’égalité de traitement au motif que ces dispositions ne tiennent pas compte de la différence existant entre les règles comptables des différents États membres pour ce qui concerne l’inclusion des passifs fiduciaires dans le bilan des établissements, il convient de relever que le principe d’égalité de traitement ne peut pas habiliter la Commission, lorsqu’elle adopte des actes délégués au titre de l’article 290 TFUE, à agir au-delà de la délégation conférée par le législateur de l’Union sur la base de cette dernière disposition. Par conséquent, il n’appartient pas à la Commission de remédier à des divergences dans les modalités nationales de mise en œuvre du droit de l’Union, à moins qu’elle ne se voie octroyer une habilitation à cette fin par un acte législatif.

114    En l’occurrence, ni la directive 2014/59 ni le règlement no 806/2014 n’ont habilité la Commission à harmoniser les règles nationales comptables qui concernent l’inclusion des passifs fiduciaires dans le bilan des établissements. Les règles prévues à l’article 429, paragraphe 11, du règlement no 575/2013 ne sauraient altérer ce constat.

115    Dans ces conditions, la requérante ne saurait reprocher à la Commission d’avoir violé le principe d’égalité de traitement en n’ayant pas remédié aux divergences existant entre les différentes règles comptables nationales relatives à l’inclusion des passifs fiduciaires dans le bilan des établissements.

116    En tout état de cause, à supposer même que la Commission ait pu prévoir, à l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63, une autre définition des passifs que celle figurant dans la section 3 de la directive 86/635, il n’en découlerait pas que l’article 3, point 11, de ce règlement délégué enfreint le principe d’égalité de traitement.

117    En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, l’interdiction d’une discrimination ne vise pas d’éventuelles disparités de traitement qui peuvent résulter, d’un État membre à l’autre, des divergences existant entre les législations des différents États membres, à condition que ces législations affectent de manière égale toutes les personnes relevant de leur champ d’application (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2009, Horvath, C‑428/07, EU:C:2009:458, point 55, et du 19 septembre 2013, Panellinios Syndesmos Viomichanion Metapoiisis Kapnou, C‑373/11, EU:C:2013:567, point 35).

118    Si le principe mentionné au point 117 ci-dessus a certes été développé dans le cadre de l’interprétation des dispositions du droit de l’Union aux fins de l’appréciation de la compatibilité de la législation nationale avec le principe de non-discrimination, il ne saurait toutefois en aller autrement s’agissant de l’appréciation de la validité de la disposition du droit de l’Union accordant aux États membres une marge d’appréciation au titre de laquelle ils adoptent lesdites législations différentes (arrêt du 19 septembre 2013, Panellinios Syndesmos Viomichanion Metapoiisis Kapnou, C‑373/11, EU:C:2013:567, point 36).

119    En l’espèce, la requérante n’a pas soutenu, et encore moins démontré, que la législation allemande concernée n’affectait pas de manière égale toutes les personnes relevant de son champ d’application.

120    En outre, l’adoption d’une réglementation de l’Union dans un domaine d’action particulier peut avoir des répercussions différentes pour certains opérateurs économiques au regard de leur situation individuelle ou des règles nationales auxquelles ils sont par ailleurs soumis, une telle conséquence ne pouvant être considérée comme une atteinte au principe d’égalité de traitement si ladite réglementation est fondée sur des critères objectifs et adaptés aux buts qu’elle poursuit (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 septembre 2013, Panellinios Syndesmos Viomichanion Metapoiisis Kapnou, C‑373/11, EU:C:2013:567, point 34 et jurisprudence citée).

121    À cet égard, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément dont il ressortirait que l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63, en ce qu’il renvoie à la section 3 de la directive 86/635, n’était pas fondé sur des critères objectifs et adaptés aux buts poursuivis par le règlement délégué 2015/63.

122    Il y a donc lieu d’écarter l’argument de la requérante.

123    En troisième lieu, la requérante soutient qu’elle se trouve soumise à une inégalité de traitement par rapport aux établissements de crédit qui dressent leur bilan selon les normes comptables internationales, tandis qu’elle ne peut pas dresser son bilan selon ces normes, puisque, selon la réglementation allemande applicable, seules les sociétés mères ont le droit d’établir leur bilan exclusivement selon ces normes.

124    À cet égard, d’une part, il convient de relever qu’une telle prétendue inégalité de traitement est la conséquence de l’application d’une règle qui trouve son origine dans la législation allemande applicable, et non dans l’article 3, point 11, l’article 5, paragraphe 1, sous e), ou l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 dont la requérante conteste la validité.

125    D’autre part, et en tout état de cause, comme la requérante le reconnaît elle-même, elle aurait pu établir des comptes selon les normes comptables internationales, mais elle a choisi de ne pas le faire pour des raisons d’ordre administratif et financier. Dans ces conditions, la requérante ne saurait se prévaloir d’une inégalité de traitement pour ce motif.

126    Il découle de ce qui précède que la requérante n’a pas démontré que l’article 3, point 11, l’article 5, paragraphe 1, sous e), ou l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 enfreignaient le principe d’égalité de traitement.

127    Par conséquent, il y a lieu d’écarter le huitième moyen comme non fondé.

3.      Sur le neuvième moyen, tiré de l’illégalité de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63, en ce qu’ils seraient contraires à l’article 16 de la Charte

128    La requérante soutient que l’article 14, paragraphe 2, et l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63 violent la liberté d’entreprise protégée par l’article 16 de la Charte. En effet, l’intégration des passifs fiduciaires dans la base de calcul des contributions ex ante conduirait à une hausse significative de la contribution ex ante des établissements de crédit agréés pour exercer des activités d’investissement, tels que la requérante, ce qui diminuerait considérablement leur liberté d’entreprise.

129    Une telle atteinte ne serait pas justifiée, dès lors que la prise en compte des passifs fiduciaires ne serait pas nécessaire et que les inconvénients générés par l’obligation de paiement seraient disproportionnés par rapport aux buts poursuivis.

130    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

131    Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 124 à 133 de son arrêt du 8 mai 2024, Max Heinr. Sutor/CRU (T‑393/21, EU:T:2024:302). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

132    Le droit à la liberté d’entreprise comprend, notamment, le droit, pour toute entreprise, de pouvoir librement disposer, dans les limites de la responsabilité qu’elle encourt pour ses propres actes, des ressources économiques, techniques et financières dont elle dispose (arrêt du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, point 78).

133    La protection conférée par l’article 16 de la Charte comporte la liberté d’exercer une activité économique ou commerciale, la liberté contractuelle et la concurrence libre (voir arrêt du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, point 79 et jurisprudence citée).

134    Cependant, la liberté d’entreprise ne constitue pas une prérogative absolue. Elle peut être soumise à un large éventail d’interventions de la puissance publique susceptibles d’établir, dans l’intérêt général, des limitations à l’exercice de l’activité économique (voir, en ce sens, arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, points 45 et 46 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, points 80 et 81 et jurisprudence citée).

135    Cette circonstance trouve, notamment, son reflet dans la manière dont il convient d’apprécier les actes de l’Union au regard de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte (voir, en ce sens, arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 47, et du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, point 82).

136    Conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, toute limitation de l’exercice des droits et des libertés consacrés par la Charte doit être prévue par la loi, respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés et, dans le respect du principe de proportionnalité, être nécessaire et répondre effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui (arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 48, et du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, point 83).

137    En l’espèce, à supposer que l’obligation faite à la requérante de verser des contributions ex ante constitue une ingérence dans sa liberté d’entreprise, il y a tout d’abord lieu de relever que cette obligation découle, notamment, des articles 69 et 70 du règlement no 806/2014 et des articles 102 et 103 de la directive 2014/59, de sorte qu’elle est prévue par la loi.

138    S’agissant de la condition tenant au respect du contenu essentiel de la liberté d’entreprise, il y a lieu de constater que la requérante ne conteste pas que ces dispositions n’affectent pas ce contenu essentiel.

139    Par ailleurs, l’obligation de verser des contributions ex ante poursuit un objectif d’intérêt général. En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 1 du règlement délégué 2015/63, les dispositifs de financement pour la résolution doivent disposer de ressources financières suffisantes pour permettre un fonctionnement efficace du mécanisme de résolution. Par conséquent, il est loisible au CRU de percevoir des contributions ex ante auprès des établissements concernés afin de financer la mise en œuvre dudit mécanisme, ce dernier visant à renforcer la stabilité de ces établissements dans les États membres participant au MRU et à prévenir la propagation d’éventuelles crises aux États membres non participants.

140    En outre, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément qui permettrait de constater que, eu égard à l’objectif mentionné au point 139 ci-dessus, l’obligation de contribuer au FRU constituerait une intervention démesurée ou intolérable portant atteinte à la substance même de sa liberté d’entreprise.

141    Enfin, en ce qui concerne le caractère nécessaire de cette obligation de contribuer au FRU, la requérante ne démontre pas, en particulier, qu’il existe des moyens moins restrictifs que le versement des contributions ex ante pour permettre d’atteindre d’une manière aussi efficace les objectifs poursuivis par le règlement no 806/2014 et la directive 2014/59, tels que, notamment, celui d’assurer que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions, tout en encourageant l’adoption, par les établissements concernés, de modes de fonctionnement moins risqués (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

142    Eu égard à ce qui précède, il convient d’écarter le neuvième moyen comme non fondé.

4.      Sur le dixième moyen, tiré de l’illégalité de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63, en ce qu’ils seraient contraires aux articles 49 et 54 TFUE

143    La requérante soutient que l’article 14, paragraphe 2, et l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63 violent la liberté d’établissement protégée par les articles 49 et 54 TFUE.

144    En effet, en raison des passifs qui sont pris en compte pour le calcul des contributions ex ante selon ces dispositions, un établissement de crédit agréé en Allemagne pour exercer des activités d’investissement, tel que la requérante, se verrait contraint de verser une contribution ex ante bien plus importante que celle des établissements ayant leur siège dans d’autres États membres dont les normes comptables nationales n’exigent pas l’intégration des passifs fiduciaires dans le bilan ou permettent d’établir le bilan selon les normes comptables internationales.

145    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

146    Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 138 à 142 de son arrêt du 8 mai 2024, Max Heinr. Sutor/CRU (T‑393/21, EU:T:2024:302). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

147    À cet égard, il convient de relever que la prétendue restriction de la liberté d’établissement alléguée par la requérante découle de la disparité entre les législations nationales, qui est la conséquence de la dérogation prévue à l’article 10, paragraphe 1, troisième phrase, de la directive 86/635, dont la requérante n’a pas contesté la validité.

148    En outre, et en tout état de cause, il ressort de la jurisprudence qu’une réglementation d’un État membre ne constitue pas une restriction au sens du traité FUE du seul fait que d’autres États membres appliquent des règles moins strictes ou économiquement plus intéressantes aux prestataires de services similaires établis sur leur territoire (voir arrêt du 29 mars 2011, Commission/Italie, C‑565/08, EU:C:2011:188, point 49 et jurisprudence citée). En revanche, une telle restriction existe, notamment, si des établissements provenant d’un État membre sont privés de la possibilité de pénétrer le marché d’un autre État membre dans des conditions de concurrence normales et efficaces (voir arrêt du 29 mars 2011, Commission/Italie, C‑565/08, EU:C:2011:188, point 51 et jurisprudence citée).

149    Or, la requérante se borne à soutenir, en réalité, que les différences entre les législations nationales concernant l’inclusion des passifs fiduciaires dans les bilans des établissements, résultant de l’article 10, paragraphe 1, troisième phrase, de la directive 86/635, ont créé une situation dans laquelle il serait économiquement plus intéressant pour les établissements qui gèrent des fonds en leur nom propre, mais pour le compte d’autrui, d’avoir leur siège dans un État membre dans lequel ces passifs ne doivent pas figurer dans leur bilan, plutôt que dans un État membre dans lequel lesdits passifs doivent figurer dans ce bilan. En revanche, la requérante n’a pas fait valoir, et encore moins démontré, que les dispositions du règlement délégué 2015/63 dont elle excipe de l’illégalité auraient pour effet de priver un établissement de crédit agréé en Allemagne, tel qu’elle-même, de la possibilité de pénétrer le marché d’un autre État membre dans des conditions de concurrence normales et efficaces.

150    À cet égard l’argument de la requérante selon lequel elle ne pourrait pas établir son bilan selon les normes comptables internationales ne saurait non plus prospérer, pour les motifs exposés au point 125 ci-dessus.

151    Dans ces conditions, la requérante n’a pas établi que l’article 14, paragraphe 2, et l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63 étaient contraires aux articles 49 et 54 TFUE.

152    Par conséquent, le dixième moyen doit être écarté comme non fondé.

B.      Sur les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée

1.      Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63

153    La requérante soutient que, en ayant refusé d’exclure du calcul des contributions ex ante le montant de ses passifs fiduciaires, le CRU a violé l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63. L’argumentation venant au soutien de ce moyen s’articule autour de deux branches.

a)      Sur la première branche, tirée de l’absence de prise en compte du fait que la requérante remplit toutes les conditions prévues à l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63

154    La requérante fait valoir que, en ayant refusé d’exclure du calcul des contributions ex ante le montant de ses passifs fiduciaires, la décision attaquée viole l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63.

155    Le CRU conteste cette argumentation.

156    Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 147 à 148 de son arrêt du 8 mai 2024, Max Heinr. Sutor/CRU (T‑393/21, EU:T:2024:302). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

157    Ainsi qu’il ressort des points 41 à 57 ci-dessus, il convient d’interpréter l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 en ce sens qu’il ne permet pas d’exclure les passifs fiduciaires de la requérante du calcul de sa contribution ex ante.

158    Dans ces conditions, le CRU n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’il n’a pas exclu le montant de ces passifs du calcul de la contribution ex ante de la requérante.

159    Par conséquent, il a lieu de rejeter la première branche du premier moyen comme non fondée.

b)      Sur la seconde branche, relative à l’application par analogie de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63

160    La requérante soutient que, dans l’hypothèse où l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 devrait être interprété en ce sens qu’il ne permet pas l’exclusion de ses passifs fiduciaires du calcul de sa contribution ex ante, l’objectif de ce règlement délégué ainsi que les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité exigeraient que cette disposition soit appliquée par analogie à sa situation.

161    Le CRU conteste cette argumentation.

162    Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 152 à 171 de son arrêt du 8 mai 2024, Max Heinr. Sutor/CRU (T‑393/21, EU:T:2024:302). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

163    Tout d’abord, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’application de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 à des situations qui sont assimilables à celles qu’il vise, même si celles-ci ne remplissent pas l’ensemble des conditions énoncées à cette disposition, est incompatible avec le texte de ladite disposition (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca, C‑414/18, EU:C:2019:1036, point 92).

164    Ainsi, la Cour a jugé que l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 ne conférait pas de pouvoir discrétionnaire aux autorités compétentes pour exclure certains passifs au titre de l’adaptation en fonction du risque des contributions ex ante visées à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59, mais énumérait, au contraire, de manière précise, les conditions dans lesquelles certains passifs pouvaient être exclus du calcul des contributions ex ante (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca, C‑414/18, EU:C:2019:1036, point 93).

165    Par conséquent, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le CRU n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’il ne lui a pas appliqué par analogie l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63.

166    La prise en compte des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, invoqués par la requérante, ne saurait justifier un autre résultat, dès lors que le règlement délégué 2015/63 a distingué des situations présentant des particularités notables, directement liées aux risques présentés par les passifs en cause (arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca, C‑414/18, EU:C:2019:1036, point 95).

167    En tout état de cause, au regard des considérations exposées aux points 90 à 127 ci-dessus, la requérante ne saurait soutenir que l’absence d’application par analogie de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 est contraire au principe d’égalité de traitement.

168    La même conclusion s’impose s’agissant du principe de proportionnalité.

169    À cet égard, il ressort de la jurisprudence que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés au regard des buts visés (arrêts du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a., C‑547/14, EU:C:2016:325, point 165, et du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU, T‑758/18, EU:T:2021:28, point 142 ; voir également, en ce sens, arrêt du 8 juin 2010, Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 51).

170    S’agissant, tout d’abord, du caractère approprié de la prise en compte des passifs fiduciaires de la requérante dans le calcul de sa contribution ex ante, la requérante ne conteste pas que l’inclusion de ses passifs fiduciaires dans le calcul de cette contribution participe à la réalisation des objectifs des contributions ex ante, décrits au point 69 ci-dessus, en procurant des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions et en encourageant les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués.

171    À cet égard, la requérante s’est bornée à formuler des affirmations non étayées.

172    En effet, d’une part, la requérante soutient que la prise en compte de ses passifs fiduciaires dans le calcul de sa contribution ex ante fait peser sur elle une charge inacceptable et clairement disproportionnée par rapport à sa taille. Or, au regard des considérations énoncées aux points 41 à 57 ci-dessus, un tel argument ne peut être accueilli, l’exclusion des passifs énoncée à l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 ne dépendant pas de la taille des établissements concernés, mais du respect des conditions énoncées dans cette disposition, qui n’ont pas de rapport avec leur taille.

173    D’autre part, la requérante fait valoir que l’inclusion du montant de ses passifs fiduciaires dans le calcul de son passif lors de la fixation de sa contribution ex ante est contraire aux critères fixés à l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59. À cet égard, il suffit de constater que la requérante n’explique pas, à suffisance de droit, le lien entre cet argument et le principe de proportionnalité.

174    S’agissant, ensuite, du caractère nécessaire de la prise en compte des passifs fiduciaires de la requérante dans le calcul de sa contribution ex ante au regard des objectifs mentionnés au point 69 ci-dessus, il convient de constater que celle-ci invoque, en substance, deux arguments.

175    Premièrement, la requérante soutient que la prise en compte de ses passifs fiduciaires n’est pas nécessaire, car les fonds des clients sont déjà recueillis sous forme de dépôts par les établissements de produits et protégés par leur système de garantie des dépôts et qu’il existe des garanties suffisantes pour que ces clients soient protégés par le droit applicable en matière d’insolvabilité. Selon elle, la prise en compte de ses passifs fiduciaires conduirait à une éventuelle double prise en compte de ces passifs dans le cadre du calcul de sa contribution ex ante.

176    À cet égard, la requérante n’explique cependant pas quelle méthode concrète de calcul des contributions ex ante serait moins contraignante pour les établissements, tout en étant appropriée pour atteindre, d’une manière aussi efficace, les objectifs visés au point 69 ci-dessus, en compensant, notamment, la diminution des moyens financiers disponibles dans le FRU qui serait causée par une telle exclusion.

177    En outre, et en tout état de cause, la requérante n’a invoqué aucun élément susceptible de remettre en cause l’affirmation du CRU, mentionnée au point 85 ci-dessus, selon laquelle, pour que les fonds des clients soient protégés par le système de garantie des dépôts, il est nécessaire que les établissements de produits concernés aient leur siège dans un État membre et que les clients ne placent pas plus de 100 000 euros dans de tels établissements.

178    S’agissant, enfin, de l’argument de la requérante tiré de ce que la prise en compte de ses passifs fiduciaires conduirait à une prétendue double prise en compte de ces passifs dans le cadre du calcul de sa contribution ex ante, il suffit de constater que la requérante n’avance aucun argument indiquant que la Commission a entendu, par l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63, éliminer entièrement toute forme de double comptage des passifs.

179    Deuxièmement, la requérante fait valoir que la prise en compte de ses passifs fiduciaires dans le calcul de sa contribution ex ante ne répond pas au critère de nécessité, car, en cas d’insolvabilité, ses clients auraient droit à la séparation des actifs fiduciaires gérés par elle, ce qui montre qu’il existe des garanties suffisantes de protection de ces clients.

180    D’une part, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 176 ci-dessus.

181    D’autre part, et en tout état de cause, la requérante n’a pas établi que les actifs et liquidités de ses clients seraient couverts en cas d’insolvabilité par des garanties qui sont comparables à celles qui couvrent les actifs et liquidités des clients des entreprises d’investissement, comme cela est indiqué aux points 81 à 83 ci-dessus.

182    Enfin, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément concret qui viserait à démontrer que l’inclusion de ses passifs fiduciaires dans le calcul de sa contribution ex ante entraîne des inconvénients manifestement disproportionnés par rapport aux objectifs mentionnés au point 69 ci-dessus.

183    Dans ces conditions, il convient d’écarter la seconde branche du premier moyen et, dès lors, ce moyen dans son ensemble.

2.      Sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens, tirés d’une violation de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, d’une violation du principe d’égalité de traitement, d’une violation de l’article 16 de la Charte et d’une violation des dispositions combinées des articles 49 et 54 TFUE

184    Par le deuxième moyen, la requérante soutient que la décision attaquée viole l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, dans la mesure où le CRU n’a pas respecté le principe de proportionnalité lors de la détermination de la base du calcul de sa contribution ex ante, puisqu’il a intégré ses passifs fiduciaires dans cette base, malgré le fait que ces passifs étaient exempts de risque.

185    Par le troisième moyen, la requérante soutient que la décision attaquée viole le principe d’égalité de traitement dans la mesure où elle intègre ses passifs fiduciaires dans la base du calcul de sa contribution ex ante, puisqu’elle la traite, sans justification objective, différemment tant des établissements de crédit, dont les normes comptables nationales n’exigent pas l’inscription des passifs fiduciaires au bilan ou les comptabilisent d’après les normes comptables internationales, que des entreprises d’investissement.

186    Par le quatrième moyen, la requérante soutient que la décision attaquée, en ce qu’elle intègre ses passifs fiduciaires dans le calcul de sa contribution ex ante, viole sa liberté d’entreprise, protégée par l’article 16 de la Charte, car cette intégration entraîne une hausse de sa contribution ex ante qui n’est pas nécessaire et les inconvénients qui en résultent sont disproportionnés par rapport aux buts poursuivis.

187    Par le cinquième moyen, la requérante fait valoir que la décision attaquée viole la liberté d’établissement protégée par les dispositions combinées des articles 49 et 54 TFUE. Le fait que le CRU a intégré dans la base du calcul de sa contribution ex ante ses passifs fiduciaires représenterait pour elle un inconvénient considérable, dans la mesure où elle est établie en Allemagne.

188    Le CRU conteste cette argumentation.

189    Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée au point 178 de son arrêt du 8 mai 2024, Max Heinr. Sutor/CRU (T‑393/21, EU:T:2024:302). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

190    Il convient de relever que, au soutien de ses deuxième à cinquième moyens, la requérante se limite à renvoyer aux arguments qu’elle a soulevés afin de contester la validité de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, et de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 au regard du principe d’égalité de traitement, de la liberté d’entreprise, de la liberté d’établissement et du principe de proportionnalité et qui ont été rejetés, respectivement, aux points 66 à 86, aux points 90 à 126, aux points 132 à 141, aux points 147 à 151 et aux points 168 à 182 ci-dessus.

191    Par conséquent, il convient d’écarter les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens pour les mêmes motifs.

3.      Sur le septième moyen, tiré d’une violation de l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous c), de la Charte ainsi que de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE 

192    Par le septième moyen, la requérante soutient que la décision attaquée ne satisfait pas aux exigences de l’obligation de motivation prévues à l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous c), de la Charte ainsi qu’à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.

193    Premièrement, la requérante affirme que la décision attaquée n’explique pas la raison pour laquelle le CRU a omis d’entendre les parties. Deuxièmement, le CRU n’aurait pas examiné les arguments qu’elle a avancés en faveur de l’exclusion des passifs liés aux fonds de clients gérés fiduciairement. Troisièmement, la requérante se plaint du fait que les valeurs limites de chaque bin communiquées aux établissements ont été diminuées ou augmentées d’un montant aléatoire, de sorte qu’elles ne correspondent pas aux valeurs limites effectivement calculées pour chaque indicateur de risque.

194    La requérante estime que la décision attaquée viole le principe de protection juridictionnelle effective prévu à l’article 47, paragraphe 1, de la Charte, étant donné que la motivation du CRU dans cette décision ne lui permet pas de vérifier si le montant de sa contribution est conforme au droit applicable, et que ce montant repose sur des données qui ne lui ont pas été communiquées.

195    Le CRU conteste cette argumentation.

196    Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 216 à 238 de son arrêt du 8 mai 2024, Max Heinr. Sutor/CRU (T‑393/21, EU:T:2024:302). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

197    L’article 296, deuxième alinéa, TFUE dispose que les actes juridiques sont motivés. De même, le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte, prévoit l’obligation, pour les institutions, les organes et les organismes de l’Union, de motiver leurs décisions.

198    La motivation d’une décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union revêt une importance toute particulière en tant qu’elle permet à l’intéressé de décider en pleine connaissance de cause s’il entend introduire un recours contre cette décision ainsi qu’à la juridiction compétente d’exercer son contrôle et en tant qu’elle constitue donc l’une des conditions de l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden‑Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 103 et jurisprudence citée).

199    La motivation d’une décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. À cet égard, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, de l’intérêt que les personnes concernées par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden‑Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 104 et jurisprudence citée).

200    Afin d’examiner si cette motivation est suffisante en ce qui concerne une décision fixant des contributions ex ante, premièrement, il convient de rappeler qu’il ne saurait être déduit de la jurisprudence de la Cour que la motivation de toute décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union mettant à la charge d’un opérateur privé le paiement d’une somme d’argent doit nécessairement comprendre l’intégralité des éléments permettant à son destinataire de vérifier l’exactitude du calcul du montant de cette somme d’argent (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden‑Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 105 et jurisprudence citée).

201    Deuxièmement, les institutions, les organes et les organismes de l’Union sont, en principe, tenus, en application du principe de protection du secret des affaires, qui constitue un principe général du droit de l’Union, lequel est, notamment, concrétisé à l’article 339 TFUE, de ne pas révéler aux concurrents d’un opérateur privé des informations confidentielles fournies par celui-ci (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 109 et jurisprudence citée).

202    Troisièmement, considérer que la motivation de la décision du CRU fixant des contributions ex ante doit nécessairement permettre aux établissements de vérifier l’exactitude du calcul de leur contribution ex ante impliquerait, nécessairement, d’interdire au législateur de l’Union d’instituer un mode de calcul de cette contribution intégrant des données dont le caractère confidentiel est protégé par le droit de l’Union et, partant, de réduire de manière excessive le large pouvoir d’appréciation dont doit disposer, à cette fin, ce législateur, en l’empêchant, notamment, d’opter pour une méthode susceptible d’assurer une adaptation dynamique du financement du FRU aux évolutions du secteur financier par la prise en compte comparative, en particulier, de la situation financière de chaque établissement agréé sur le territoire d’un État membre participant au FRU (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden‑Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 118).

203    Quatrièmement, s’il résulte de ce qui précède que l’obligation de motivation pesant sur le CRU doit être mise en balance, en raison de la logique du système de financement du FRU et du mode de calcul établi par le législateur de l’Union, avec l’obligation du CRU de respecter le secret des affaires des établissements concernés, il n’en demeure pas moins que cette dernière obligation ne doit pas être interprétée à ce point extensivement qu’elle vide l’obligation de motivation de sa substance (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 120).

204    Toutefois, il ne saurait être considéré, dans le cadre de la mise en balance de l’obligation de motivation avec le principe de protection du secret des affaires, que motiver une décision mettant à la charge d’un opérateur privé le paiement d’une somme d’argent sans lui fournir l’intégralité des éléments permettant de vérifier avec exactitude le calcul du montant de cette somme d’argent porte nécessairement, dans tous les cas, atteinte à la substance de l’obligation de motivation (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden‑Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 121).

205    S’agissant de la décision du CRU fixant des contributions ex ante, l’obligation de motivation doit être considérée comme étant respectée lorsque les personnes concernées par cette décision, tout en ne se voyant pas transmettre de données couvertes par le secret des affaires, disposent de la méthode de calcul utilisée par le CRU et d’informations suffisantes pour comprendre, en substance, de quelle façon leur situation individuelle a été prise en compte, aux fins du calcul de leur contribution ex ante, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden‑Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 122).

206    Dans un tel cas, les personnes concernées par la décision du CRU fixant des contributions ex ante sont, en effet, en mesure de vérifier si leur contribution ex ante a été fixée de manière arbitraire, en méconnaissant la réalité de leur situation économique ou en utilisant des données relatives au reste du secteur financier dépourvues de plausibilité. Lesdites personnes peuvent, dès lors, comprendre les justifications de la décision fixant leur contribution ex ante et évaluer s’il apparaît utile d’introduire un recours contre cette décision, de sorte qu’il serait excessif d’exiger du CRU qu’il communique chacun des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie le calcul de la contribution ex ante de chaque établissement concerné (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden‑Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 123).

207    Il résulte de ce qui précède que le CRU n’est notamment pas tenu de fournir à un établissement les données lui permettant de vérifier, de manière complète, l’exactitude de la valeur du multiplicateur d’ajustement, puisque cette vérification supposerait que ledit établissement dispose de données couvertes par le secret des affaires relatives à la situation économique de chacun des autres établissements concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden‑Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 135).

208    En revanche, il incombe au CRU de publier ou de transmettre aux établissements concernés, sous une forme agrégée et anonymisée, les informations relatives à ces établissements utilisées pour calculer leur contribution ex ante, dans la mesure où ces informations peuvent être communiquées sans porter atteinte au secret des affaires (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden‑Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 166).

209    Parmi les informations devant ainsi être mises à la disposition des établissements figurent, notamment, les valeurs limites de chaque bin et celles des indicateurs de risque s’y rapportant, sur la base desquelles la contribution ex ante de ces établissements a été adaptée à leur profil de risque (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden‑Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 167).

210    C’est au regard de ces considérations qu’il convient, en premier lieu, d’examiner les arguments de la requérante développés dans le cadre du grief tiré du fait que les valeurs limites de chaque bin communiquées aux établissements ont été diminuées ou augmentées d’un montant aléatoire.

211    À cet égard, le CRU a observé, au considérant 119 de la décision attaquée, ce qui suit :

« Les secrets d’affaires des établissements – c’est-à-dire toutes les informations concernant l’activité professionnelle des établissements qui, en cas de divulgation à un concurrent et/ou à un public plus large, pourraient porter gravement atteinte aux intérêts des établissements […] – sont considérés comme des informations confidentielles. Dans le cadre du calcul des contributions ex ante […], les informations fournies par les établissements par l’intermédiaire de leur formulaire de déclaration des données […], sur lesquelles [le CRU s’appuie] pour calculer leur contribution ex ante, sont considérées comme des secrets d’affaires. »

212    En outre, la section 6 de la décision attaquée décrit, tout d’abord, la méthode que le CRU a suivie pour le calcul des contributions ex ante, notamment la manière dont ce dernier a établi les bins pour les différents indicateurs de risque et y a assigné les établissements. En outre, il ressort de l’annexe II de la décision attaquée que le CRU a communiqué aux établissements les valeurs limites correspondant à chaque bin et aux indicateurs de risque s’y rapportant. En ce qui concerne ces valeurs limites, le CRU a indiqué à cette annexe, pour chaque indicateur de risque, que, « pour des raisons de confidentialité, les valeurs min./max. [avaie]nt été réduites/augmentées (respectivement) d’un montant aléatoire, en maintenant la répartition originale ».

213    Par ailleurs, le CRU a expliqué, au point 47 de l’annexe III de la décision attaquée, ce qui suit : « [C]onformément à la finalité de l’article 88, paragraphe 1, du règlement [no 806/2014], le CRU doit toujours veiller à ce que les données divulguées, même si elles sont résumées, agrégées ou présentées en termes généraux, ne divulguent pas d’informations confidentielles ou ne permettent pas d’identifier les établissements. Ces exigences ont été entièrement remplies par le CRU, étant donné que certains États membres de l’union bancaire n’ont qu’un nombre limité d’établissements ajustés en fonction des risques. Par conséquent, le CRU a dû prendre des mesures appropriées et proportionnées pour atténuer le risque que les établissements soient en mesure de déduire des informations sur les positions de risque de leurs concurrents à partir d’informations sur le regroupement en bins contenues dans les statistiques agrégées. En tout état de cause, la randomisation n’a pas eu d’incidence sur l’affectation d’un établissement à un bin de risque particulier, ni sur l’exactitude du résultat de calcul généré par l’outil de calcul. »

214    Eu égard à ce qui précède, la requérante soutient à tort que le CRU a violé son obligation de motivation lorsqu’il a diminué ou augmenté, d’un montant aléatoire, les valeurs limites des bins communiquées aux établissements à l’annexe II de la décision attaquée.

215    En effet, l’obligation du CRU, découlant de la jurisprudence citée au point 209 ci-dessus, de mettre à la disposition des établissements les valeurs limites de chaque bin et celles des indicateurs de risque s’y rapportant vise à permettre aux établissements de s’assurer, notamment, que le classement qui leur a été attribué lors de la discrétisation des indicateurs de risque correspond effectivement à leur situation économique, que cette discrétisation a été opérée de manière conforme à la méthode définie par le règlement délégué 2015/63 sur la base de données plausibles et que l’ensemble des facteurs de risque devant être pris en considération en application de ce règlement délégué ainsi que du règlement no 806/2014 l’ont bien été (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 137).

216    En revanche, cette obligation de mettre à la disposition des établissements les valeurs limites de chaque bin et celles des indicateurs de risque s’y rapportant ne s’inscrit pas dans une logique visant à permettre à ces établissements de vérifier, de manière complète, l’exactitude des calculs du CRU qui sous-tendent la définition des valeurs limites de chaque bin en fonction du classement des données de tous les établissements, puisque cette vérification supposerait que lesdits établissements disposent de données couvertes par le secret des affaires relatives à la situation économique de chacun des autres établissements concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 135).

217    Dans ce contexte, il convient de relever que les diminutions et augmentations, d’un montant aléatoire, des valeurs limites minimales et maximales de chaque bin n’ont été opérées qu’aux fins de la communication de ces valeurs limites aux établissements, sans incidence sur l’assignation des établissements aux bins établis par le CRU sur la base des valeurs limites réelles. Si la valeur limite minimale d’un bin donné a été ainsi diminuée et la valeur limite maximale de ce bin a été augmentée, il n’en reste pas moins que les indicateurs bruts de tous les établissements assignés audit bin relèvent tant de la fourchette des valeurs limites minimales et maximales effectivement utilisées par le CRU que de la fourchette des valeurs limites minimales diminuées et des valeurs limites maximales augmentées communiquées aux établissements. Par conséquent, une telle diminution ou augmentation n’affecte en rien la possibilité pour la requérante de s’assurer qu’elle a été assignée à un bin qui correspond effectivement à sa situation individuelle.

218    En outre, la requérante ne précise pas dans quelle mesure le fait d’avoir accès aux informations sur les écarts entre les valeurs limites réelles et les valeurs limites communiquées aux établissements, sans avoir également accès à toutes les données des autres établissements sur la base desquelles les valeurs limites réelles avaient été établies, lui aurait permis de mieux comprendre de quelle façon sa situation individuelle avait été prise en compte par le CRU.

219    Enfin, il convient de préciser que, selon la jurisprudence, le CRU ne peut publier les informations relatives aux établissements concernés, même sous une forme anonymisée, que dans la mesure où ces informations peuvent être communiquées sans porter atteinte au secret des affaires (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 166). Or, la requérante ne conteste nullement les raisons, exposées au point 47 de l’annexe III de la décision attaquée et rappelées au point 213 ci-dessus, pour lesquelles le CRU a modifié les valeurs limites de chaque bin communiquées aux établissements.

220    En deuxième lieu, il convient de rejeter le grief selon lequel la décision attaquée n’explique pas pourquoi le CRU a omis d’entendre les établissements et, en particulier, la requérante en ce qui concerne l’application à leur situation de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63. En effet, il ressort, notamment, des considérants 21 à 23 de la décision attaquée que le CRU a mené une procédure de consultation entre le 24 octobre et le 8 novembre 2022 en vue de l’adoption de la décision attaquée. En outre, le CRU a indiqué, aux points 1 à 8 de l’annexe III de cette décision, les modalités de déroulement de cette procédure. Enfin, ainsi qu’il ressort du point 25 ci-dessus, le CRU a pris position sur les commentaires de la requérante en ce qui concerne l’application de l’article 5, paragraphe 1, sous e) du règlement délégué 2015/63 dans l’annexe IVb de ladite décision.

221    En troisième lieu, en ce qui concerne le grief selon lequel le CRU n’aurait pas examiné les arguments que la requérante a avancés en faveur de l’exclusion des passifs liés aux fonds de clients gérés fiduciairement, il ressort de la décision attaquée que ces arguments ont été résumés et évalués à l’annexe IVb de cette décision. Le CRU a ainsi indiqué, aux points 25 à 31 de cette annexe, les raisons pour lesquelles il n’avait pas exclu les passifs fiduciaires de la requérante du calcul des passifs servant à déterminer les contributions ex ante. Contrairement à ce qu’affirme cette dernière, le principe d’égalité de traitement est également évoqué au point 27 de cette annexe. La requérante ne conteste la suffisance d’aucun autre élément de l’évaluation effectuée par le CRU. Il convient donc de rejeter également le présent grief.

222    Eu égard à ce qui précède, le septième moyen doit être écarté.

C.      Conclusion

223    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter l’ensemble du recours comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

V.      Sur les dépens

224    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

225    En l’espèce, la requérante prétend, en substance, que le litige lié à la partie de la procédure désormais close à la suite du retrait de la décision initiale a été provoqué par le fait que cette décision n’était pas suffisamment motivée. Or, sans le retrait de ladite décision, la requérante aurait obtenu gain de cause.

226    Ainsi qu’il ressort du point 10 ci-dessus, il est constant que le CRU a adopté la décision attaquée afin de remédier au défaut de motivation dont était entachée la décision initiale  et que l’insuffisance de motivation de cette dernière décision a, notamment, conduit la requérante à introduire son recours. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce, au regard des dispositions de l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, en décidant que chaque partie à la présente procédure supportera ses propres dépens.

227    Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 14 mai 2025.

Le greffier

 

Le président

T. Henze, greffier adjoint

 

A. Kornezov


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Décision attaquée

III. Conclusions des parties

IV. En droit

A. Sur les exceptions d’illégalité soulevées à l’encontre de l’article 3, point 11, de l’article 5, paragraphe 1, sous e), et de l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63

1. Sur la portée de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63

2. Sur le huitième moyen, tiré de l’illégalité de l’article 3, point 11, de l’article 5, paragraphe 1, sous e), et de l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63, en ce qu’ils seraient contraires à l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et au principe d’égalité de traitement

a) Sur la première branche, tirée de la violation de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59

b) Sur la seconde branche, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement

3. Sur le neuvième moyen, tiré de l’illégalité de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63, en ce qu’ils seraient contraires à l’article 16 de la Charte

4. Sur le dixième moyen, tiré de l’illégalité de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63, en ce qu’ils seraient contraires aux articles 49 et 54 TFUE

B. Sur les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée

1. Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63

a) Sur la première branche, tirée de l’absence de prise en compte du fait que la requérante remplit toutes les conditions prévues à l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63

b) Sur la seconde branche, relative à l’application par analogie de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63

2. Sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens, tirés d’une violation de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, d’une violation du principe d’égalité de traitement, d’une violation de l’article 16 de la Charte et d’une violation des dispositions combinées des articles 49 et 54 TFUE

3. Sur le septième moyen, tiré d’une violation de l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous c), de la Charte ainsi que de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE

C. Conclusion

V. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’allemand.

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