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Document 62019CJ0877

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 15 avril 2021.
FV contre Conseil de l'Union européenne.
Pourvoi – Recours en annulation – Fonction publique – Rapport de notation – Critères d’appréciation – Régularité des prestations – Retards – Présentation d’un certificat médical – Devoir de sollicitude.
Affaire C-877/19 P.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:284

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

15 avril 2021 (*)

« Pourvoi – Recours en annulation – Fonction publique – Rapport de notation – Critères d’appréciation – Régularité des prestations – Retards – Présentation d’un certificat médical – Devoir de sollicitude »

Dans l’affaire C‑877/19 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 28 novembre 2019,

FV, représentée par Me É. Boigelot, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et R. Meyer, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen (rapporteur), président de chambre, Mme C. Toader et M. M. Safjan, juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, FV demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne, du 19 septembre 2019, FV/Conseil (T‑153/17, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:622), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de ses rapports de notation établis pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2014 et pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2015 (ci-après, ensemble, les « rapports de notation litigieux »).

 Le cadre juridique

2        L’article 59, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version applicable au litige ayant donné lieu au présent pourvoi (ci-après le « statut ») dispose :

« Le fonctionnaire qui justifie être empêché d’exercer ses fonctions par suite de maladie ou d’accident bénéficie de plein droit d’un congé de maladie.

[...]

Le fonctionnaire en congé de maladie peut, à tout moment, être soumis à un contrôle médical organisé par l’institution. Si ce contrôle ne peut avoir lieu pour des raisons imputables à l’intéressé, son absence est considérée comme injustifiée à compter du jour où le contrôle était prévu.

[...] »

 Les antécédents du litige

3        Les antécédents du litige sont exposés aux points 9 à 17 de l’arrêt attaqué. Ils peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés comme suit.

4        FV, qui était fonctionnaire de l’Union européenne depuis le 1er mai 1981, a été affectée le 16 juillet 2008 à l’unité « Formation et développement » de la direction générale (DG) « Ressources humaines » du Conseil de l’Union européenne en tant que gestionnaire de cours.

5        Le 16 avril 2014, FV a été transférée au service « Gestion des absences médicales » au sein de l’« Unité sociale », relevant de la DG « Ressources humaines et administration du personnel » du Conseil.

6        Par une note du 2 mars 2015, la directrice des ressources humaines a demandé à FV de contacter le médecin-conseil, chef du service médical du Conseil, afin que celui-ci se prononce sur son état de santé et son aptitude à faire l’objet de l’exercice d’évaluation pour l’année 2014. Il a alors été établi que celle-ci serait soumise à une expertise médicale externe. Cet exercice d’évaluation a été suspendu dans l’attente des conclusions de cette expertise. L’expert externe a rendu son rapport le 27 août 2015. La requérante a été mise en congé de maladie d’office du 2 septembre au 30 octobre 2015.

7        FV a contesté sa mise en congé de maladie d’office et a demandé qu’un arbitrage soit effectué par un médecin indépendant. Le rapport du médecin indépendant désigné ayant conclu que l’état de santé de la requérante ne justifiait pas une mise en congé de maladie, celle-ci a repris le travail le 26 octobre 2015. Dans le courant du mois de novembre 2015, l’exercice d’évaluation pour l’année 2014 a repris.

8        Le 8 décembre 2015, la requérante a été mise en congé dans l’intérêt du service.

9        FV a reçu, le 11 décembre 2015, un projet de rapport de notation pour l’année 2014.

10      FV ayant demandé la révision de ce projet de rapport, un second notateur a été saisi. Le 28 avril 2016, ce dernier a confirmé l’évaluation du premier notateur, tout en abaissant les appréciations analytiques pour deux critères. Le 10 mai 2016, FV a sollicité l’intervention du comité des rapports.

11      FV a reçu, le 15 mars 2016, un projet de rapport de notation pour l’année 2015.

12      FV ayant demandé la révision de ce projet de rapport, un second notateur a été saisi. Le 1er juillet 2016, ce dernier a confirmé l’évaluation du premier notateur, tout en abaissant l’appréciation analytique pour un critère. Le 11 juillet 2016, FV a sollicité l’intervention du comité des rapports.

13      Le 28 octobre 2016, le comité des rapports a rendu son avis, dans lequel il concluait qu’il n’y avait pas lieu d’apporter des changements aux projets de rapport de notation pour les années 2014 et 2015 établis par le second notateur. Le 5 décembre 2016, les rapports de notation litigieux ont été établis.

 Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 septembre 2017, FV a introduit un recours en annulation contre les rapports de notation litigieux. À l’appui de ce recours, elle faisait valoir trois moyens tirés, respectivement, d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une insuffisance de motivation et d’une violation du devoir de sollicitude.

15      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal, après avoir constaté que FV conservait un intérêt à agir en annulation des rapports de notation litigieux, a rejeté, dans son ensemble, le recours introduit contre ces rapports.

16      En particulier, s’agissant du premier moyen, le Tribunal a jugé, au point 73 de l’arrêt attaqué, que FV n’avait pas démontré que l’attribution de l’appréciation « passable », figurant dans les rapports de notation litigieux au titre du critère intitulé « Sens des responsabilités », était manifestement erronée. Cette conclusion était fondée sur le rejet, aux points 74 à 82 de cet arrêt, des arguments de FV selon lesquels la limitation des tâches qu’elle avait réalisées procéderait d’un choix de l’administration, malgré les efforts fournis par FV pour s’acquitter de ses tâches et son souhait de se voir confier du travail supplémentaire.

17      En ce qui concerne le troisième moyen, le Tribunal a jugé, au point 100 de l’arrêt attaqué, que FV n’avait pas établi que les notateurs avaient méconnu leur devoir de sollicitude.

18      À cet égard, le Tribunal a, au point 91 de l’arrêt attaqué, motivé son appréciation selon laquelle le Conseil avait pris en compte l’intérêt de FV et, en particulier, son état de santé, en exposant diverses mesures adoptées par l’administration en ce sens au cours des exercices d’évaluation pour les années 2014 et 2015. Il a, en outre, fait état, aux points 93 à 96 de cet arrêt, de mesures d’organisation du travail dont avait bénéficié FV. Le Tribunal a également souligné, au point 97 de l’arrêt attaqué, que FV ne saurait déduire du devoir de sollicitude une obligation de modifier les appréciations portées dans les rapports de notation litigieux, alors qu’elle n’avait pas invoqué l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation ayant trait aux commentaires ou aux appréciations qu’elle contestait à ce titre. Par ailleurs, il a relevé, au point 101 de l’arrêt attaqué, que l’intérêt de FV devait être mis en perspective avec l’intérêt du service et que sa présence irrégulière et imprévisible sur son lieu de travail emportait nécessairement des conséquences sur le bon fonctionnement de l’unité à laquelle elle était affectée.

 Les conclusions des parties

19      Par son pourvoi, FV demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        d’annuler les rapports de notation litigieux, et

–        de condamner le Conseil aux dépens des deux instances.

20      Le Conseil demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner FV aux dépens.

 Sur le pourvoi

21      FV invoque, au soutien de son pourvoi, un moyen unique, divisé en deux branches. Le Conseil fait état de doutes quant à la recevabilité du pourvoi dans son ensemble et soutient, en tout état de cause, que celui-ci n’est pas fondé.

 Sur la recevabilité du pourvoi

 Argumentation des parties

22      Le Conseil estime que le défaut de cohérence et de précision du pourvoi empêche d’identifier précisément les erreurs de droit reprochées au Tribunal et les points de l’arrêt attaqué visés par les griefs présentés. Par conséquent, il s’interroge sur la recevabilité du pourvoi.

23      FV soutient que le pourvoi est recevable.

 Appréciation de la Cour

24      Il convient de rappeler qu’il découle de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

25      Ne répond notamment pas à ces exigences et doit être déclaré irrecevable un moyen dont l’argumentation n’est pas suffisamment claire et précise pour permettre à la Cour d’exercer son contrôle de légalité, notamment parce que les éléments essentiels sur lesquels le moyen s’appuie ne ressortent pas de façon suffisamment cohérente et compréhensible du texte de ce pourvoi, qui est formulé de manière obscure et ambiguë à cet égard. La Cour a également jugé que devait être rejeté comme étant manifestement irrecevable un pourvoi dépourvu de structure cohérente, se limitant à des affirmations générales et ne comportant pas d’indications précises relatives aux points de la décision attaquée qui seraient éventuellement entachés d’une erreur de droit (arrêt du 4 octobre 2018, Staelen/Médiateur, C‑45/18 P, non publié, EU:C:2018:814, point 15 et jurisprudence citée).

26      En l’espèce, si la présentation de certains des arguments du pourvoi aurait certes pu être plus claire aux fins d’en faciliter la compréhension, il n’en demeure pas moins que ce pourvoi comporte une série d’arguments juridiques se rapportant précisément à des éléments clairement identifiés de l’arrêt attaqué.

27      Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer le présent pourvoi recevable.

 Sur la première branche du moyen unique, relative à l’appréciation du critère intitulé « Sens des responsabilités »

 Argumentation des parties

28      Par la première branche de son moyen unique, FV critique le constat, opéré au point 83 de l’arrêt attaqué, selon lequel l’attribution, dans les rapports de notation litigieux, de l’appréciation « passable » au titre du critère intitulé « Sens des responsabilités » n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

29      En premier lieu, elle considère que le Tribunal a méconnu le guide de la notation du Conseil, porté à la connaissance du personnel par la communication no 98/89 F, du 28 juillet 1989 (ci-après le « guide de la notation »), en intégrant dans son examen de l’appréciation figurant dans les rapports de notation litigieux au titre du critère intitulé « Sens des responsabilités » divers aspects du comportement de FV qui seraient en réalité pertinents pour des appréciations de sa « compétence », de son « rendement » et de sa « conduite ».

30      En deuxième lieu, le Tribunal aurait ignoré les arguments avancés par FV et dénaturé les éléments de fait et de preuve soumis à son appréciation en considérant, aux points 75 et 76 de l’arrêt attaqué, que FV s’était détachée des tâches inhérentes à son poste, alors que, en réalité, elle se serait vu confier des tâches plus limitées que ses collègues. Le Tribunal aurait également dû prendre en considération le faible nombre d’absences de FV, qui n’aurait aucunement justifié qu’une partie des tâches lui incombant lui soient retirées sans son accord.

31      Il aurait, par ailleurs, jugé à tort, au point 78 de l’arrêt attaqué, que l’allègement des tâches de la requérante était intervenu au mois de février 2015, alors qu’il procéderait, pour partie, d’une redistribution générale des tâches opérée au mois d’octobre 2014.

32      En troisième lieu, le Tribunal ne se serait pas conformé à son obligation de motivation en ce qu’il aurait omis d’indiquer les raisons pour lesquelles il a considéré que les éléments mis en avant par FV n’étaient pas susceptibles de priver de plausibilité l’appréciation portée dans les rapports de notation litigieux au titre du critère intitulé « Sens des responsabilités ». En particulier, ne ressortiraient pas à suffisance de droit de l’arrêt attaqué les raisons pour lesquelles le Tribunal a ignoré les commentaires relatifs à la répartition des tâches formulés par FV dans le rapport de notation pour l’année 2015, le faible nombre de congés de maladie pris durant cette année ou encore la remarque du médecin-contrôleur selon laquelle FV était assidue à sa tâche.

33      En quatrième lieu, le point 82 de l’arrêt attaqué serait entaché d’une erreur d’appréciation, dès lors que le fait de vouloir changer de bureau en vue de ne plus être dans un « milieu toxique » et de demander à bénéficier d’une mobilité ne pourrait pas être considéré comme un signe du manque d’engagement de FV. À cet égard, l’affirmation du Conseil selon laquelle elle refusait d’accomplir les tâches qui lui étaient confiées serait erronée.

34      Le Conseil soutient que la première branche du moyen unique doit être rejetée comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondée.

 Appréciation de la Cour

35      S’agissant, premièrement, du grief tiré d’une motivation insuffisante de l’arrêt attaqué, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’obligation de motiver les arrêts, qui incombe au Tribunal en vertu de l’article 36 et de l’article 53, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, n’impose pas à celui-ci de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les motifs sur lesquels le Tribunal se fonde et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 9 décembre 2020, Groupe Canal +/Commission, C‑132/19 P, EU:C:2020:1007, point 45 et jurisprudence citée).

36      En l’espèce, le Tribunal a tout d’abord constaté, au point 77 de l’arrêt attaqué, que la circonstance que les tâches confiées à FV aient été sensiblement réduites est sans incidence sur l’évaluation de son sens des responsabilités, dans la mesure où cette évaluation dépend non pas du contenu ou du volume de ces tâches, mais de l’engagement, de la disponibilité et de l’esprit de travail de FV dans l’accomplissement de celles-ci.

37      Il a ensuite considéré, au point 79 de l’arrêt attaqué, que les efforts fournis par FV pour stabiliser ses arrivées tardives et la contestation de sa mise en congé d’office se rapportaient à la démonstration de son aptitude à exercer son activité, plutôt qu’à celle d’un réel engagement dans l’accomplissement des tâches qui lui étaient confiées.

38      Enfin, il a estimé, au point 82 de l’arrêt attaqué, que, au regard de l’attitude adoptée par FV au retour de son congé de maladie vis-à-vis de l’unité à laquelle elle était affectée, sa demande de se voir confier davantage de travail n’était pas de nature à établir qu’elle avait fait preuve d’un engagement ainsi que d’un esprit actif et constructif pour l’accomplissement des tâches qui lui étaient confiées.

39      L’ensemble de ces divers motifs ainsi que les arguments retenus sont suffisants pour permettre à FV de comprendre pour quelles raisons le Tribunal a estimé devoir rejeter les arguments présentés par celle-ci et, partant, décider qu’elle était restée en défaut de démontrer que l’appréciation figurant dans les rapports de notation litigieux au titre du critère intitulé « Sens des responsabilités » était manifestement erronée. Ces mêmes motifs et arguments fournissent également à la Cour des éléments suffisants pour exercer son contrôle à cet égard dans le cadre du présent pourvoi.

40      Dans ces conditions, le Tribunal n’était pas tenu de prendre position sur chaque pièce du dossier et pouvait implicitement considérer que les diverses pièces soumises à son appréciation par FV et mentionnées par cette dernière dans son pourvoi n’étaient pas de nature à remettre en cause les constats opérés dans l’arrêt attaqué sur l’appréciation, par l’administration, du sens des responsabilités de FV.

41      Deuxièmement, il ne saurait être valablement reproché au Tribunal d’avoir estimé qu’il pouvait tenir compte, dans le cadre de son examen portant sur l’appréciation du critère intitulé « Sens des responsabilités » figurant dans les rapports de notation litigieux, d’éléments relatifs aux conflits de FV avec son supérieur hiérarchique, à son refus d’accomplir les tâches qui lui avaient été confiées ou encore à son refus de réintégrer son poste de travail.

42      En effet, ainsi que l’a souligné le Tribunal au point 77 de l’arrêt attaqué, le guide de la notation définit le critère intitulé « Sens des responsabilités » comme l’engagement de l’intéressé vis-à-vis de son travail ainsi que sa disponibilité à exécuter ses tâches dans un esprit actif et constructif.

43      Or, les éléments mentionnés au point 41 du présent arrêt apparaissent pertinents pour déterminer si un fonctionnaire est disponible pour exécuter ses tâches dans un esprit constructif.

44      Troisièmement, en ce qui concerne les critiques formulées par FV à l’égard des points 75, 76 et 78 de l’arrêt attaqué, il convient de relever que les constats opérés par le Tribunal à ces points se rapportent au contenu et au volume des tâches confiées à FV.

45      Or, il ressort du point 77 de cet arrêt, qui n’est pas contesté dans le cadre du présent pourvoi, que l’évaluation au titre du critère relatif au « Sens des responsabilités » d’un fonctionnaire ne se fonde pas sur le contenu ou le volume des tâches qui lui sont confiées.

46      Il s’ensuit que les griefs dirigés contre les points 75, 76 et 78 de l’arrêt attaqué doivent être considérés comme étant inopérants, en tant qu’ils visent des motifs surabondants du Tribunal (voir, par analogie, arrêt du 18 juin 2020, Dovgan/EUIPO, C‑142/19 P, non publié, EU:C:2020:487, point 92 et jurisprudence citée).

47      Quatrièmement, au point 82 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, notamment, que, étant donné que FV avait entrepris des démarches en vue d’obtenir un changement d’affectation, le fait d’avoir demandé de se voir attribuer plus de tâches ne suffisait pas pour considérer qu’elle avait fait preuve, à son retour de congé de maladie d’office, d’un engagement et d’un esprit actif et constructif pour l’accomplissement des tâches qui lui étaient confiées au sein de l’unité à laquelle elle était affectée.

48      Le Tribunal a ainsi commis une erreur de qualification juridique des faits, dans la mesure où, dès lors qu’un changement d’affectation constitue une évolution tout à fait normale de la carrière d’un fonctionnaire, les démarches réalisées en vue de bénéficier d’un tel changement ne sauraient constituer un indice d’un défaut d’engagement du fonctionnaire concerné.

49      Cela étant, si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, le pourvoi doit être rejeté (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2020, Terna/Commission, C‑812/18 P, non publié, EU:C:2020:437, point 55 et jurisprudence citée).

50      Or, d’une part, il n’est pas contesté que, comme l’a souligné le Tribunal au point 82 de l’arrêt attaqué, FV a refusé de réintégrer son bureau lors de son retour de congé de maladie. Si FV fait valoir que ce refus était justifié par son souhait d’échapper à un « milieu toxique », force est de constater que cette allégation n’est pas démontrée.

51      D’autre part, à supposer que FV ait effectivement tenté de se voir affecter des tâches supplémentaires à partir de la fin du mois d’octobre 2015, cette initiative n’aurait concerné qu’une partie très limitée de la période d’évaluation.

52      La combinaison de ces deux éléments suffit à démontrer que l’attitude adoptée par FV au retour de son congé de maladie n’était, en tout état de cause, pas suffisante pour établir que, dans les rapports de notation litigieux, le Conseil a commis une erreur manifeste dans l’appréciation du critère intitulé « Sens des responsabilités ».

53      Au vu de ce qui précède, la première branche du moyen unique doit être rejetée comme étant, pour partie, inopérante et, pour partie, non fondée.

 Sur la seconde branche du moyen unique, relative à la violation du devoir de sollicitude

 Argumentation des parties

54      Par la seconde branche de son moyen unique, FV soutient que l’appréciation, par le Tribunal, du second moyen présenté en première instance est entachée de plusieurs erreurs.

55      En premier lieu, FV fait valoir que le Tribunal a commis une série d’erreurs au point 91 de l’arrêt attaqué.

56      Ainsi, le Tribunal aurait dénaturé les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis en estimant que le commentaire figurant dans le rapport de notation pour l’année 2014 selon lequel FV « a bénéficié de toutes les facilités possibles pour s’intégrer dans son nouvel environnement professionnel » n’était pas contesté, alors que celle-ci aurait dénoncé, de manière générale, « les vicissitudes qu’elle a pu rencontrer au cours de cet exercice de notation 2014 », en particulier en déplorant l’absence d’adaptation de ses horaires de travail.

57      En outre, le Tribunal aurait jugé à tort que FV avait marqué son accord quant à la réalisation d’une expertise médicale externe. En réalité, elle aurait été forcée d’accepter cette expertise externe en étant menacée, à défaut, de faire l’objet de sanctions disciplinaires.

58      Le Tribunal aurait également méconnu le texte de l’article 59, paragraphe 1, du statut, dès lors que ce texte ne serait applicable que si le fonctionnaire concerné est en congé de maladie, ce qui n’aurait pas été le cas en l’occurrence.

59      Par ailleurs le Tribunal aurait omis, à tort, de constater que les conditions pour une suspension de l’exercice d’évaluation n’étaient pas remplies, puisque cette suspension supposerait une longue maladie du fonctionnaire évalué.

60      En deuxième lieu, le Tribunal aurait dénaturé les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis en se fondant sur la tolérance qui aurait été accordée à FV en ce qui concerne son heure d’arrivée sur son lieu de travail, alors qu’il résulterait clairement des pointages de FV que cette tolérance n’a jamais été enregistrée dans son programme d’horaire individuel. De même, le Tribunal aurait commis une erreur en constatant que FV n’avait demandé à bénéficier d’un horaire adapté qu’à compter du 3 mars 2015, alors qu’elle aurait déjà sollicité cette mesure en 2014 et plus tôt en 2015.

61      En troisième lieu, le Tribunal aurait dénaturé les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis en se fondant, au point 101 de l’arrêt attaqué, sur des prises de congé « de dernière minute » et sur des arrivées tardives, alors que les congés mentionnés auraient été accordés par l’administration et que ces arrivées tardives auraient été régularisées ex post.

62      Le Conseil soutient que la seconde branche du moyen unique est, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondée.

 Appréciation de la Cour

63      Il ressort de la requête introduite par FV devant le Tribunal que le troisième moyen avancé à l’appui du recours de première instance faisait uniquement grief à l’administration d’avoir méconnu le devoir de sollicitude en s’étant abstenue de modérer ses appréciations pour tenir compte de l’état de santé de la requérante.

64      Dans ce contexte, il convient de relever que le Tribunal a jugé, d’une part, au point 92 de l’arrêt attaqué, que l’administration s’était conformée à son devoir de sollicitude en prenant en compte l’intérêt de la requérante et, en particulier, son état de santé au cours des exercices d’évaluation pour les années 2014 et 2015.

65      D’autre part, le Tribunal a rejeté, au point 97 de l’arrêt attaqué, l’argument de FV selon lequel les notateurs auraient dû tenir compte de ses problèmes de santé pour modérer leurs appréciations lors de l’établissement des rapports de notation litigieux, en se fondant sur le fait que celle-ci n’avait pas invoqué l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation ayant trait aux commentaires ou aux critères qui auraient dû, selon FV, faire l’objet d’une appréciation plus favorable.

66      Les constats ainsi opérés par le Tribunal étaient suffisants pour justifier le rejet du moyen tiré d’une violation du devoir de sollicitude, avancé par FV à l’appui de son recours de première instance.

67      Les griefs présentés dans le cadre de la seconde branche du moyen unique du pourvoi ne sont pas susceptibles de remettre en cause ces constats.

68      Il y a certes lieu de relever, en premier lieu, que FV critique divers éléments retenus par le Tribunal, au point 91 de l’arrêt attaqué, lequel constitue le support nécessaire du point 92 de cet arrêt.

69      Néanmoins, à supposer que le Tribunal ait estimé à tort que FV avait bénéficié de toutes les facilités possibles pour s’intégrer dans son nouvel environnement professionnel, cette erreur serait, en tout état de cause, sans conséquence sur le constat opéré au point 92 de l’arrêt attaqué, puisque celui-ci porte non pas sur les conditions de travail dont bénéficiait FV dans son nouveau service, mais uniquement sur l’application du devoir de sollicitude au cours du processus d’évaluation.

70      Il importe, en outre, de souligner que l’argument selon lequel le Tribunal a dénaturé les éléments de fait et de preuve soumis à son appréciation en jugeant que FV avait marqué son accord quant à la réalisation d’une expertise médicale externe est fondé sur une lecture erronée du point 91 de l’arrêt attaqué. En effet, dans ce point, le Tribunal s’est borné à constater que, au cours d’un entretien avec le médecin-conseil, « il avait été établi que la requérante se soumettrait à une expertise médicale externe », sans préciser si celle-ci était favorable ou non à cette mesure.

71      L’appréciation portée par le Tribunal au point 91 de l’arrêt attaqué sur le comportement de l’administration n’étant, par ailleurs, aucunement fondée sur l’article 59, paragraphe 1, du statut, FV ne saurait valablement soutenir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte du fait que cette disposition n’aurait pas été applicable à la situation de FV.

72      Il convient également de rappeler que, en vertu de l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal. La compétence de la Cour, dans le cadre du pourvoi, est en effet limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges. Une partie ne saurait, par conséquent, soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal, dès lors que cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal [arrêt du 20 novembre 2019, Portugal/Commission (Corrections financières dans le cadre du FEAGA et du Feader), C‑737/18 P, EU:C:2019:991, point 35 et jurisprudence citée].

73      En l’occurrence, l’argument selon lequel l’administration a suspendu l’exercice d’évaluation sans que les conditions d’une telle suspension ne soient satisfaites doit, ainsi que le fait valoir le Conseil, être considéré comme étant irrecevable, en tant qu’il n’a pas été invoqué dans le cadre du recours de première instance.

74      En second lieu, les autres griefs avancés par FV à l’appui de la seconde branche du moyen unique doivent être écartés comme étant inopérants, conformément à la jurisprudence de la Cour mentionnée au point 46 du présent arrêt, en tant qu’ils visent des motifs surabondants, puisqu’ils portent sur les conditions de travail de FV durant la période d’évaluation et non sur le déroulement de l’exercice d’évaluation ou sur les appréciations portées dans ce rapport.

75      Par conséquent, la seconde branche du moyen unique doit être rejetée comme étant, pour partie, irrecevable, pour partie, inopérante et, pour partie, non fondée.

76      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

77      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

78      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

79      Le Conseil ayant conclu à la condamnation de FV aux dépens et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      FV est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

Bay Larsen

Toader

Safjan

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 avril 2021.

Le greffier

Le président de la VIème chambre

A. Calot Escobar

 

L. Bay Larsen


*      Langue de procédure : le français.

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