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Document 62019CC0913

Conclusions de l'avocat général M. M. Campos Sánchez-Bordona, présentées le 14 janvier 2021.
CNP spółka z ograniczoną odpowiedzialnością contre Gefion Insurance A/S.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Sąd Rejonowy w Białymstoku.
Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions en matière civile et commerciale – Règlement (UE) no 1215/2012 – Compétence en matière d’assurances – Article 10 – Article 11, paragraphe 1, sous a) – Possibilité d’attraire l’assureur domicilié sur le territoire d’un État membre dans un autre État membre, en cas d’actions intentées par le preneur d’assurance, l’assuré ou un bénéficiaire, devant la juridiction du lieu où le demandeur a son domicile – Article 13, paragraphe 2 – Action directe intentée par la personne lésée contre l’assureur – Champ d’application personnel – Notion de “personne lésée” – Professionnel du secteur de l’assurance – Compétences spéciales – Article 7, points 2 et 5 – Notions de “succursale”, d’“agence” ou de “tout autre établissement”.
Affaire C-913/19.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:19

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 14 janvier 2021 ( 1 )

Affaire C‑913/19

CNP spółka z ograniczoną odpowiedzialnością

contre

Gefion Insurance A/S

[demande de décision préjudicielle formée par le Sąd Rejonowy w Białymstoku (tribunal d’arrondissement de Białystok, Pologne)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Compétence judiciaire en matière civile et commerciale – Compétences spéciales – Assurance de responsabilité civile – Cession de créances – Notion de “succursale, agence ou tout autre établissement” »

1.

Dans le litige à l’origine de la présente procédure, s’est posée la question de savoir si une juridiction polonaise était internationalement compétente pour trancher un différend opposant une société à laquelle la personne lésée par un accident de la circulation, survenu en Pologne, avait cédé ses droits, et l’entreprise d’assurance, établie au Danemark, qui couvrait les risques de l’auteur de l’accident.

2.

Dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction polonaise interroge la Cour sur l’interprétation des règles de compétences spéciales en matière d’assurances, énoncées à la section 3 du chapitre II du règlement (UE) no 1215/2012 ( 2 ), lues en combinaison avec l’article 7, points 2 et 5, de ce règlement. En vertu de ces derniers, sont compétents les tribunaux du lieu où le fait dommageable s’est produit (point 2) et ceux du lieu de situation d’une succursale, d’une agence ou de tout autre établissement d’une entreprise principale, pour des actions introduites contre cette dernière au titre d’activités impliquant la succursale, l’agence ou l’établissement (point 5).

3.

Dans l’arrêt à rendre (qui s’ajoutera à ceux déjà prononcés en rapport avec la section du règlement consacrée aux assurances) ( 3 ), la Cour pourra, en outre, examiner la relation entre l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012 et la directive 2009/138/CE ( 4 ).

I. Le cadre juridique

A.   Le règlement no 1215/2012

4.

Aux termes du considérant 16 du règlement no 1215/2012 ( 5 ) :

« Le for du domicile du défendeur devrait être complété par d’autres fors autorisés en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter la bonne administration de la justice. L’existence d’un lien étroit devrait garantir la sécurité juridique et éviter la possibilité que le défendeur soit attrait devant une juridiction d’un État membre qu’il ne pouvait pas raisonnablement prévoir [...] »

5.

L’article 4, paragraphe 1, de ce règlement dispose :

« Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. »

6.

Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, dudit règlement :

« Les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre ne peuvent être attraites devant les juridictions d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du présent chapitre. »

7.

L’article 7 du même règlement est libellé comme suit :

« Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

[...]

2)

en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ;

[...]

5)

s’il s’agit d’une contestation relative à l’exploitation d’une succursale, d’une agence ou de tout autre établissement, devant la juridiction du lieu de leur situation ;

[...] »

8.

Les règles de compétence en matière d’assurances, qui font l’objet de la section 3 du chapitre II du règlement no 1215/2012, figurent aux articles 10 à 16 de ce dernier.

9.

L’article 10 de ce règlement se lit comme suit :

« En matière d’assurances, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l’article 6 et de l’article 7, point 5). »

B.   La directive 2009/138

10.

Aux termes de l’article 145 de cette directive (« Conditions d’établissement d’une succursale ») :

« 1.   Les États membres veillent à ce qu’une entreprise d’assurance qui désire établir une succursale sur le territoire d’un autre État membre le notifie aux autorités de contrôle de son État membre d’origine.

Est assimilée à une succursale toute présence permanente d’une entreprise sur le territoire d’un État membre, même lorsque cette présence n’a pas pris la forme d’une succursale mais s’exerce par le moyen d’un simple bureau géré par le propre personnel de l’entreprise, ou par une personne indépendante mais mandatée pour agir en permanence pour l’entreprise comme le ferait une agence.

[...] »

11.

L’article 151 de ladite directive (« Non-discrimination à l’égard des personnes présentant une demande d’indemnisation ») indique :

« L’État membre d’accueil exige de l’entreprise d’assurance non-vie qu’elle fasse en sorte que les personnes présentant une demande d’indemnisation au titre d’événements survenant sur son territoire ne soient pas placées dans une situation moins favorable du fait que l’entreprise couvre un risque, autre que la responsabilité du transporteur, de la branche 10 de la partie A de l’annexe I en régime de prestation de services et non par l’intermédiaire d’un établissement situé dans cet État membre. »

12.

L’article 152 de la même directive (« Représentation ») prévoit ce qui suit :

« 1.   Aux fins visées à l’article 151, l’État membre d’accueil exige de l’entreprise d’assurance non-vie qu’elle désigne un représentant résidant ou établi sur son territoire qui réunit toutes les informations nécessaires en relation avec les dossiers d’indemnisation et dispose de pouvoirs suffisants pour représenter l’entreprise auprès des personnes qui ont subi un préjudice et qui pourraient réclamer une indemnisation, y compris le paiement de celle-ci, et pour la représenter ou, si cela est nécessaire, pour la faire représenter, en ce qui concerne ces demandes d’indemnisation, devant les juridictions et les autorités de cet État membre.

[...] »

II. Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

13.

CNP spółka z ograniczoną odpowiedzialnością (ci-après « CNP ») est une société à responsabilité limitée établie en Pologne.

14.

Gefion Insurance A/S (ci-après « Gefion ») est une entreprise d’assurance établie au Danemark.

15.

Crawford Polska sp. z o.o. (ci-après « Crawford Polska »), établie en Pologne, est l’entreprise habilitée par Gefion ( 6 ) à procéder au « traitement complet des demandes » ainsi qu’à « représenter Gefion dans toutes les procédures [...] devant les instances judiciaires et les autres autorités publiques ».

16.

Polins spółka z ograniczoną odpowiedzialnością (ci-après « Polins »), une deuxième entreprise, établie à Żychlin (Pologne), représente également Gefion en Pologne ( 7 ).

17.

Le 28 février 2018, un accident de la route s’est produit en Pologne au cours duquel le véhicule de la personne lésée et celui de l’auteur du dommage sont entrés en collision. Ce dernier avait à l’époque souscrit auprès de Gefion un contrat d’assurance de la responsabilité civile du détenteur d’un véhicule.

18.

Lors de la réparation du véhicule, la personne lésée a conclu, le 1er mars 2018, un contrat à titre onéreux pour la location d’un véhicule de remplacement avec l’atelier de réparation.

19.

En règlement du service de location, cette personne a transféré la créance sur Gefion à l’atelier de réparation. Au terme de la location, l’atelier de réparation a émis une facture TVA sur la prestation de services.

20.

Le 25 juin 2018, CNP a acquis auprès de l’atelier de réparation, par un contrat de cession de créances, le droit de réclamer à Gefion la créance exigible au titre du remboursement des frais de location du véhicule de remplacement.

21.

Le même jour, CNP a demandé à Gefion de lui payer le montant facturé pour la location. La demande de paiement a été envoyée à l’adresse de Polins.

22.

Mandatée par Gefion, Crawford Polska a été chargée du règlement du sinistre. Agissant au nom et pour le compte de Gefion, elle a partiellement approuvé la facture et accordé une partie du montant réclamé.

23.

Dans le même document relatif à ces éléments, Crawford Polska a indiqué qu’une réclamation pouvait être introduite à son encontre en sa qualité d’organisme agréé par l’entreprise d’assurance. Elle y a également signalé qu’il était possible d’intenter une action contre Gefion soit selon les règles de compétence générale, soit devant la juridiction du domicile ou du siège du preneur d’assurance, de l’assuré, du bénéficiaire ou de l’ayant droit en vertu du contrat d’assurance.

24.

Le 20 août 2018, CNP a assigné Gefion devant le Sąd Rejonowy w Białymstoku (tribunal d’arrondissement de Białystok, Pologne). En ce qui concerne la compétence internationale de cette juridiction, elle a invoqué l’information fournie par Gefion selon laquelle Polins était son représentant principal en Pologne. Elle a demandé à ce que les significations destinées à Gefion soient envoyées à l’adresse de Polins.

25.

Gefion, en tant que partie défenderesse, a conclu au rejet de la demande en raison de l’incompétence de la juridiction polonaise. Comme disposition pertinente concernant la compétence, elle a invoqué l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012. Après avoir soutenu que CNP était un professionnel du rachat de créances dans le cadre de contrats d’assurance, Gefion a fait valoir que CNP n’avait pas la qualité de preneur d’assurance, d’assuré ni de bénéficiaire et qu’elle n’avait donc pas la possibilité d’intenter des actions en justice devant une juridiction d’un autre État membre que celui dans lequel l’assureur a son siège.

26.

CNP a répliqué que la défenderesse était inscrite sur la liste des entreprises d’assurance des États membres de l’UE/AELE notifiées en Pologne et contrôlées par la Komisja Nadzoru Finansowego (Commission de contrôle financier, Pologne), qu’elle vendait des polices d’assurance en Pologne et que l’on ne saurait admettre que celui qui reprend la créance de la personne lésée ne puisse pas réclamer le remboursement des frais de réparation devant la juridiction du lieu où le sinistre s’est produit et où la réparation a été effectuée.

27.

Dans ce contexte, le Sąd Rejonowy w Białymstoku (tribunal d’arrondissement de Białystok) a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 13, paragraphe 2, lu conjointement avec l’article 10, du [règlement no 1215/2012] doit-il être interprété en ce sens qu’il n’est pas exclu, dans un litige entre, d’une part, un professionnel ayant acquis auprès d’une personne lésée une créance sur une entreprise d’assurance de responsabilité civile et, d’autre part, cette même entreprise d’assurance, d’établir la compétence de la juridiction sur la base de l’article 7, point 2, ou de l’article 7, point 5, de ce même règlement ?

2)

En cas de réponse affirmative à la première question, l’article 7, point 5, du [règlement no 1215/2012] doit-il être interprété en ce sens qu’une société de droit commercial qui exerce son activité dans un État membre et qui règle les dommages matériels dans le cadre de l’assurance obligatoire de responsabilité civile automobile en agissant dans le cadre d’un contrat conclu avec une entreprise d’assurance établie dans un autre État membre constitue une filiale, une agence ou tout autre établissement de cette dernière ?

3)

En cas de réponse affirmative à la première question, l’article 7, point 2, du [règlement no 1215/2012] doit-il être interprété en ce sens qu’il constitue le fondement autonome de la compétence de la juridiction de l’État membre de survenance du dommage devant laquelle le créancier, qui a acquis la créance de la personne lésée dans le cadre de l’assurance obligatoire de responsabilité civile, attrait l’entreprise d’assurance établie dans un autre État membre ? »

III. La procédure devant la Cour

28.

La demande de décision préjudicielle est parvenue à la Cour le 13 décembre 2019.

29.

CNP, Gefion, le gouvernement polonais et la Commission ont déposé des observations écrites. Il n’a pas été jugé indispensable de tenir une audience.

IV. Appréciation

30.

Sur instruction de la Cour, je me bornerai à donner mon avis sur la deuxième question préjudicielle. Par cette question, telle qu’elle a été reproduite, la juridiction de renvoi demande à la Cour d’interpréter la notion de « succursale, agence ou tout autre établissement » visée à l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012, dans des circonstances telles que celles en cause au principal.

31.

J’estime que la réponse à cette question peut être déduite de la jurisprudence que la Cour a développée à propos de cette disposition depuis qu’elle a été insérée dans la convention de Bruxelles de 1968 ( 8 ), comme je l’expliquerai ci-dessous.

32.

Dans la mesure où la juridiction de renvoi et certaines des parties qui ont déposé des observations dans la présente procédure préjudicielle suggèrent, plus ou moins incidemment, d’élargir le débat à d’autres dispositions en matière d’assurance (la directive solvabilité II), je me référerai également à celles-ci.

A.   Observations liminaires

33.

L’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012 a été directement précédé par l’article 5, point 5, du règlement (CE) no 44/2001 ( 9 ), qui a lui-même pour prédécesseur immédiat l’article 5, point 5, de la convention de Bruxelles de 1968. Le libellé de cette disposition est resté inchangé.

34.

La Cour a interprété ces trois articles dans des arrêts qui ont donné lieu à une jurisprudence constante ( 10 ), à laquelle la réponse à la question préjudicielle devrait naturellement se conformer. La continuité dans l’interprétation de cet instrument et de ceux qui le précèdent en sera assurée, conformément au considérant 34 du règlement no 1215/2012.

35.

L’article 7, point 5, de ce règlement figure dans la section 2 (« Compétences spéciales ») du chapitre II. Cette disposition s’applique également aux litiges en matière d’assurance ou, plus précisément, aux litiges entrant dans le champ d’application de la troisième section (« Compétence en matière d’assurances ») du même chapitre, lorsqu’ils réunissent les conditions requises ( 11 ). C’est ce qui résulte de la réserve figurant à l’article 10 du règlement no 1215/2012 ( 12 ).

36.

Les critères d’interprétation de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012, que j’exposerai ci-après, ne varient pas selon que le litige implique ou non une partie plus « faible » que l’autre : cette circonstance ne modifie en rien la manière dont cette disposition doit être interprétée ou appliquée ( 13 ).

37.

Mon avis sera donc le même, que la Cour réponde par l’affirmative à la première question préjudicielle ou qu’elle conclue autrement et se prononce en faveur de l’application de la section 3 du chapitre II du règlement no 1215/2012 au litige au principal. Dans cette seconde hypothèse, le requérant pourra avoir recours au for prévu à l’article 7, point 5, de ce règlement, en vertu du renvoi interne opéré par l’article 10 du même texte.

B.   L’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012

1. La jurisprudence de la Cour

38.

L’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012 énonce une règle de compétence spéciale qui déroge au principe selon lequel la compétence internationale appartient, en principe, aux juridictions du domicile du défendeur.

39.

En tant que règle de compétence spéciale, elle est d’interprétation stricte, ce qui ne permet pas d’aller au-delà des hypothèses envisagées de manière explicite par le règlement no 1215/2012 ( 14 ).

40.

Cette disposition doit, en outre, être interprétée de manière autonome ( 15 ).

41.

Comme toutes les règles de compétences spéciales prévues à l’article 7 du règlement no 1215/2012, celle du point 5 est fondée sur l’existence d’un lien de rattachement particulièrement étroit entre la contestation et les juridictions qui peuvent être appelées à en connaître. Cette proximité justifie une attribution de compétence à ces dernières pour des raisons de bonne administration de la justice et d’organisation utile du procès ( 16 ).

42.

Selon la jurisprudence de la Cour, deux éléments permettent de déterminer si une action judiciaire relative à l’exploitation d’une succursale, d’une agence ou de tout autre établissement d’une entreprise située dans un État membre est suffisamment rattachée à un autre État ( 17 ) : a) le premier, que j’appellerai l’« élément subjectif », concerne les entités impliquées dans le litige ; b) le second, que je dénommerai l’« élément objectif », se rapporte à l’activité à l’origine du litige.

43.

La détermination de l’existence d’une succursale, d’une agence ou de tout autre établissement (au sens de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012) exige une appréciation factuelle spécifique ( 18 ), qui est également indispensable pour vérifier si le lien de rattachement entre le litige et les activités de la succursale, de l’agence ou de l’établissement est suffisant.

44.

La tâche consistant à établir les faits, dans la mesure où elle implique une appréciation au cas par cas, incombe non pas à la Cour, mais à la juridiction nationale.

a) L’élément subjectif

45.

Les notions de « succursale », d’« agence » ou de « tout autre établissement » ( 19 ) impliquent l’existence d’un centre d’opérations, ou « unité opérationnelle », qui se manifeste d’une façon durable vers l’extérieur comme le prolongement d’une maison mère ( 20 ).

46.

Ce centre d’opérations doit être pourvu d’une direction et matériellement équipé de façon à pouvoir négocier des affaires avec des tiers, de telle sorte que ceux-ci, « tout en sachant qu’un lien de droit éventuel s’établira avec la maison mère [...], sont dispensés de s’adresser directement à celle-ci » ( 21 ).

47.

Les activités d’une entité opérant comme « succursale », « agence » ou « tout autre établissement » de la maison mère peuvent être divisées en deux sphères, l’une interne et l’autre externe.

48.

La Cour, qui reconnaît la pertinence de ces deux sphères ( 22 ), attache une importance particulière à l’apparence que créent, par leur comportement, les deux entités, en tant qu’élément susceptible d’établir un lien étroit entre les litiges ultérieurs et la juridiction appelée à en connaître ( 23 ).

49.

En application de ce critère, et en ce qui concerne l’interprétation de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012 :

ne peut être qualifié de « succursale », d’« agence » ou d’« établissement » un « agent commercial (intermédiaire) indépendant [qui] [...] est [...] libre d’organiser l’essentiel de son activité et de déterminer le temps de travail qu’il consacre à une entreprise qu’il accepte de représenter, à qui [cette dernière] ne peut interdire de représenter en même temps plusieurs firmes concurrentes dans le même secteur [...] et qui, en outre, se borne à transmettre des commandes à la maison mère, sans participer ni à leur règlement ni à leur exécution » ( 24 ) ;

en revanche, cette disposition s’applique à une entreprise située dans un État membre, qui, « tout en n’exploitant pas une succursale, agence ou établissement dépourvu d’autonomie dans un autre État [...], y exerce [...] ses activités au moyen d’une société indépendante portant le même nom et ayant la même direction, qui agit et conclut des affaires en son nom et dont elle se sert comme d’un prolongement » ( 25 ).

b) L’élément objectif

50.

Dans le contexte de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012, le litige doit concerner soit des actes relatifs à l’exploitation d’une succursale, d’une agence et de tout autre établissement, soit des engagements pris par ces entités au nom de la maison mère ( 26 ).

51.

Pour la Cour, tel est le cas lorsque le litige résulte d’opérations de la succursale, de l’agence ou de l’établissement. L’application de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012 est, en revanche, écartée en l’absence d’éléments démontrant que ces entités ont pris part à la relation juridique entre les parties au principal ( 27 ).

52.

La Cour a notamment ajouté qu’un litige relevant de la responsabilité extracontractuelle ( 28 ) pouvait découler de l’exploitation d’une succursale, si celle-ci participe effectivement « à certains des actes constitutifs du délit civil » ( 29 ).

2. Application de cette jurisprudence au litige

a) Entité pertinente aux fins de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012

53.

Il ressort du dossier que deux sociétés représentent Gefion en Pologne : Polins et Crawford Polska.

54.

Selon la juridiction de renvoi, cette circonstance entraîne des difficultés pour déterminer avec exactitude l’entité qui doit être chargée du règlement du sinistre et pour engager une procédure judiciaire à l’encontre de l’entreprise d’assurance ( 30 ).

55.

Aussi légitimes que puissent être ces préoccupations, il ne m’appartient pas d’y répondre dans le cadre de l’opinion qu’il m’est demandé de rendre, laquelle doit se limiter à l’interprétation de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012 ( 31 ).

56.

Il importe, en revanche, de connaître avec certitude quelle est, parmi les entités qui représentent l’entreprise d’assurance en Pologne, celle qui est responsable de l’activité à l’origine du litige. La présence des facteurs qui définissent la succursale, l’agence ou tout autre établissement au sens de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012 doit être déterminée en se référant à cette entité.

57.

Sur ce point, la décision de renvoi n’est pas aussi claire que l’on pourrait le souhaiter. Toutefois, je suis enclin à considérer que cette entreprise est Crawford Polska. C’est ce qui semble se dégager de cette décision, qui indique également que le litige trouve son origine dans la liquidation du sinistre, effectuée par Crawford Polska elle-même ( 32 ).

58.

Sous réserve de la vérification qu’il incombera en dernière analyse à la juridiction de renvoi d’effectuer, je pars donc du principe que Crawford Polska est l’entité pertinente aux fins de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012.

b) Qualification de Crawford Polska et évaluation de son comportement

59.

Afin de répondre à la deuxième question préjudicielle, il est nécessaire de déterminer, premièrement, si Crawford Polska réunit les critères lui permettant d’être qualifiée de « succursale, agence ou tout autre établissement » au sens de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012 et, deuxièmement, dans quelle mesure elle a pris une part active dans les faits à l’origine du litige au principal.

60.

Ces deux aspects présentent un caractère factuel marqué et seule la juridiction de renvoi est bien placée pour les examiner, compte tenu de sa proximité avec les faits. Je me bornerai donc à apporter quelques précisions.

61.

La première concerne l’opposition de Gefion à la qualification de Crawford Polska en tant que « succursale, agence ou tout autre établissement », aux motifs qu’il s’agit d’une entité indépendante et chargée du règlement des sinistres pour le compte de plusieurs assureurs et d’autres entités ( 33 ).

62.

À mon sens, aucun de ces deux facteurs (indépendance et non-exclusivité) ne devrait conduire à écarter l’application de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012, lorsque d’autres éléments, considérés conjointement, créent l’apparence caractéristique des entités visées par cette disposition et que l’entité secondaire est, en outre, matériellement équipée de façon à pouvoir négocier des affaires avec des tiers.

63.

Je partage donc le point de vue de la juridiction de renvoi et de la Commission ( 34 ), eu égard aux informations suivantes concernant le statut et l’activité de Crawford Polska :

elle prend la forme d’une société à responsabilité limitée, de sorte qu’elle dispose, selon le droit polonais, d’un conseil d’administration (elle est donc pourvue d’une direction) ;

elle représente les intérêts de Gefion en Pologne et souligne dans sa correspondance qu’elle agit au nom de Gefion, dont elle est mandataire ;

en vertu d’un mandat accordé en 2016, elle a tout pouvoir pour exercer l’activité de règlement et de liquidation des sinistres, ce qui produit des effets juridiques pour l’entreprise d’assurance, de sorte que les tiers n’ont pas besoin de s’adresser directement à Gefion pour des affaires concernant cette activité.

64.

Il apparaît logique de présumer, en outre, que Crawford Polska dispose des ressources matérielles nécessaires à l’exercice de ces activités. Il s’agit là d’un élément indispensable pour la qualifier de « centre d’opérations qui se manifeste d’une façon durable vers l’extérieur comme le prolongement d’une maison mère », aux fins de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012. La juridiction de renvoi devra se forger une conviction à cet égard, en recueillant, le cas échéant, toute information pertinente de la façon prescrite par son ordre juridique.

65.

Ma seconde observation porte sur la part prise par Crawford Polska dans l’activité à l’origine du litige, à savoir le règlement et la liquidation du sinistre, ainsi que dans la décision de n’accorder qu’une partie de l’indemnisation demandée.

66.

Selon l’exposé des faits présenté par la juridiction de renvoi, c’est Crawford Polska (et non Gefion) qui a pris cette décision, laquelle a été déterminante dans la genèse du litige ( 35 ). Si ce fait est confirmé, Crawford Polska n’aura pas été un simple intermédiaire transmettant des informations, mais aura contribué activement à la situation juridique à l’origine du litige.

67.

Dans cette même mesure, Crawford Polska aura satisfait aux conditions permettant d’attribuer aux juridictions de l’État dans lequel elle est située une compétence internationale pour connaître d’une action de l’assuré (ou de ses ayants droit) contre Gefion.

68.

Les développements qui précèdent fournissent une base suffisante pour répondre à la deuxième question préjudicielle telle qu’elle est rédigée. Il n’apparaîtrait pas nécessaire en principe de formuler des considérations supplémentaires sur l’incidence de la directive solvabilité II, que j’aborderai uniquement dans un souci d’exhaustivité et pour ne pas laisser sans réponse les parties qui ont déposé des observations dans la présente procédure préjudicielle.

C.   Incidence de la directive solvabilité II sur l’interprétation de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012

69.

La juridiction de renvoi (incidemment), Gefion et la Commission se réfèrent aux articles 145 et 152 de la directive solvabilité II en tant que dispositions qui pourraient avoir une influence sur la solution du litige.

70.

Les observations de Gefion et de la Commission établissent un lien entre ces dispositions et l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012. Plus précisément :

il semble ressortir ( 36 ) des arguments de la Commission que, selon elle, lorsqu’une entreprise d’assurance exerce son activité économique dans un autre État membre par le biais d’une « présence permanente », au sens de l’article 145 de la directive solvabilité II ( 37 ), il existe une succursale, une agence ou un établissement aux fins de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012 ( 38 ) ;

Gefion soutient que la désignation d’un représentant au titre de l’article 152 de la directive solvabilité II n’ouvre pas la possibilité d’assigner l’entreprise d’assurance conformément à l’article 7, point 5, de ce règlement. Elle indique que l’article 152, paragraphe 3, lui-même ne permet pas de qualifier le représentant de « succursale » au sens de l’article 145 de la directive solvabilité II ( 39 ).

71.

Pour sa part, la juridiction de renvoi laisse entendre que la qualification donnée à une entité aux fins de la directive solvabilité II porte à considérer que « Crawford Polska [...] doit être traitée comme un “autre établissement” de la défenderesse [Gefion] au sens de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012 [...] » ( 40 ).

72.

J’examinerai ci-après ces arguments en rappelant, toutefois, que je me suis déjà prononcé sur l’interprétation de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012, laquelle doit être autonome si l’on se réfère au système et aux objectifs de cette disposition.

1. « Présence permanente » et « représentant » dans la directive solvabilité II

73.

Conformément à la directive solvabilité II, l’exercice de l’activité d’assurance par une entreprise établie dans un État membre qui souhaite exercer cette activité dans un autre État membre est soumis à certains contrôles ( 41 ), lesquels diffèrent selon la formule choisie par cette entreprise.

74.

Une entreprise d’assurance qui souhaite étendre son activité au titre de la liberté d’établissement est tenue de notifier aux autorités de contrôle de l’État membre d’origine son intention de s’établir dans un autre État membre et de leur communiquer les informations requises par l’article 145 de la directive solvabilité II ( 42 ).

75.

Sur ce fondement, les autorités de contrôle de l’État membre d’origine analysent la viabilité du projet d’établissement. Si leur évaluation est positive, elles procèdent aux communications décrites à l’article 146, paragraphe 1, de cette directive ( 43 ). L’entreprise d’assurance peut ensuite commencer ses activités transfrontalières dans l’État membre d’accueil au moyen d’une succursale ou d’une présence permanente assimilée à celle-ci.

76.

Si l’entreprise d’assurance choisit d’exercer son activité en dehors de l’État membre d’origine au titre de la libre prestation de services, elle doit également notifier son intention aux autorités de contrôle de cet État membre ( 44 ).

77.

Dans le domaine spécifique de l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, l’article 152 de la directive solvabilité II exige, en outre, que l’entreprise d’assurance désigne « un représentant résidant ou établi sur [le] territoire [de l’État membre d’accueil] qui réunit toutes les informations nécessaires en relation avec les dossiers d’indemnisation et dispose de pouvoirs suffisants pour représenter l’entreprise auprès des personnes qui ont subi un préjudice et qui pourraient réclamer une indemnisation, y compris le paiement de celle-ci, et pour la représenter ou, si cela est nécessaire, pour la faire représenter, en ce qui concerne ces demandes d’indemnisation, devant les juridictions et les autorités de cet État membre ».

78.

Ainsi, les personnes qui réclament une indemnisation pour des faits survenus sur le territoire de l’État membre d’accueil et liés à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs ne se trouvent pas dans une situation moins favorable du fait de la formule choisie par l’entreprise d’assurance.

79.

À cet égard, il est donc indifférent que l’entreprise d’assurance agisse en régime de prestation de services ou par l’intermédiaire d’un établissement (succursale ou présence permanente assimilée à celle-ci) dans l’État membre d’accueil où le sinistre est survenu ( 45 ).

80.

La directive solvabilité II n’est guère explicite en ce qui concerne la « présence permanente » et ne réglemente pas non plus en détail le régime juridique applicable au représentant de l’entreprise d’assurance ( 46 ), si ce n’est que ce dernier doit disposer de pouvoirs suffisants pour représenter l’entreprise, soit auprès des personnes qui ont subi un préjudice et qui lui adressent des demandes d’indemnisation, soit devant les juridictions et les autres autorités, en rapport avec ces demandes.

81.

Toutefois, indirectement, au moyen des articles 145 (en ce qui concerne la présence permanente) et 152 (pour le représentant), cette directive fournit certains éléments qui contribuent à dessiner les contours de ces notions :

la présence permanente ne doit pas nécessairement prendre la forme d’une succursale. Elle peut être assimilée à celle-ci, pourvu qu’elle s’exerce par le moyen d’un bureau géré par le personnel de la maison mère, ou par une personne indépendante mais mandatée pour agir en permanence pour l’entreprise comme le ferait une agence. Dans les deux cas, elle doit être habilitée à engager l’entreprise d’assurance à l’égard des tiers ;

les fonctions du représentant ne permettent pas de l’assimiler automatiquement à une succursale : aux termes de l’article 152, paragraphe 3, de la directive solvabilité II, « [l]a désignation du représentant ne constitue pas en soi l’ouverture d’une succursale aux fins de l’article 145 » ( 47 ).

82.

À ces éléments s’ajoutent ceux que la jurisprudence de la Cour a précisés au fil des demandes de décision préjudicielle. Je les détaillerai ci-après, dans la mesure où ils confortent ma conviction quant à la différence entre ces notions et celles de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012.

2. Rapport entre, d’une part, la succursale ou la présence permanente assimilée à celle-ci et le représentant et, d’autre part, l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012

a) La « présence permanente » en tant que « succursale, agence ou tout autre établissement »

83.

Aux fins de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012, une succursale, une agence ou un établissement est un centre d’opérations qui est pourvu d’une direction et matériellement équipé de façon à pouvoir négocier des affaires avec des tiers, qui engage la maison mère et qui se manifeste d’une façon durable vers l’extérieur comme le prolongement de celle-ci.

84.

La démonstration de ces conditions peut s’avérer plus simple si l’entreprise d’assurance, pour étendre son activité à des États membres autres que celui d’origine, opère au titre de la liberté d’établissement, après avoir accompli les formalités requises, et crée une succursale ou assure une présence permanente assimilée à celle-ci, au sens de l’article 145 de la directive solvabilité II.

85.

Lorsque les actes à l’origine d’une procédure judiciaire contre une entreprise d’assurance établie dans un État membre impliquent une succursale qui agit au nom et pour le compte de celle-ci, qui est située dans un autre État membre et qui satisfait aux conditions de l’article 145 de la directive solvabilité II, il y aura également lieu de constater l’existence, en principe et dans les faits, d’une « succursale », d’une « agence » ou d’un « établissement » au sens de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012 ( 48 ).

86.

Tel sera également le cas, eu égard au contenu de l’article 145 de la directive solvabilité II, si l’entreprise d’assurance choisit, en tant que forme d’exercice de sa liberté d’établissement, d’avoir une présence permanente revêtant les caractéristiques qui permettent de l’assimiler à une succursale ( 49 ).

87.

Si cette présence permanente consiste en un « simple bureau géré par le propre personnel de l’entreprise, ou par une personne indépendante mais mandatée pour agir en permanence pour l’entreprise comme le ferait une agence » (article 145, paragraphe 1, de la directive solvabilité II), il ne sera pas excessivement difficile de considérer qu’elle satisfait également à la condition de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012 :

la jurisprudence de la Cour relative à la « présence permanente » dans le cadre de la liberté d’établissement, reconnue par l’article 43 TFUE, requiert que cette présence puisse être constatée « sur la base d’éléments objectifs et vérifiables, relatifs, notamment, au degré d’existence physique en termes de locaux, de personnel et d’équipements » ( 50 ) ;

l’article 145, paragraphe 2, de la directive solvabilité II exige que l’entreprise d’assurance qui désire s’établir sur le territoire d’un autre État membre communique aux autorités de contrôle de l’État membre d’origine le nom de la personne habilitée à l’engager à l’égard des tiers, au sein de la succursale ou de la présence permanente.

88.

La question de savoir si, pour être qualifiée d’« établissement » au sens de la directive solvabilité II, la présence permanente doit satisfaire à d’autres conditions reste ouverte, tout comme, en particulier, le point de savoir si la présence permanente doit être soumise à la direction et au contrôle de l’entreprise d’assurance et si, dans l’exercice de son activité, elle doit être liée de manière exclusive ou prépondérante à cette dernière ( 51 ).

89.

Pour ce qui concerne la présente affaire, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de trancher ce débat, car, aux fins de l’application de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012, ces deux éléments ne sont pas décisifs.

90.

Constituent en revanche des critères décisifs, et de manière déterminante, le fait que la présence permanente assimilée à la succursale dispose des moyens (direction, locaux, personnel, équipements) lui permettant d’agir et le fait qu’elle ait pris part à la relation juridique à l’origine du litige, dans les conditions qui ressortent de la jurisprudence de la Cour susmentionnée ( 52 ).

91.

Cette même jurisprudence souligne, comme je l’ai rappelé, que la proximité entre le litige et la juridiction appelée à en connaître ne s’apprécie pas uniquement sur la base des rapports juridiques existant entre des entités établies dans différents États membres, mais également en fonction de la manière dont elles se comportent dans la vie sociale et se manifestent auprès des tiers dans leurs relations commerciales.

92.

Ce sera donc la combinaison de ces facteurs dans un cas concret (et non le degré du contrôle que l’entreprise d’assurance exerce sur les entités situées dans l’État membre d’accueil ou la mesure dans laquelle ces entités sont exclusivement liées à l’entreprise) qui permettra de déterminer s’il existe un lien de rattachement étroit entre un litige et la juridiction appelée à en connaître.

b) Le « représentant » au sens des articles 151 et 152 de la directive solvabilité II

93.

Lorsqu’une entreprise d’assurance étend son activité professionnelle à un autre État membre dans le cadre de la libre prestation de services, il peut arriver ( 53 ) que les signes matériels qui permettent de reconnaître l’existence d’une succursale, d’une agence ou de tout autre établissement, aux fins de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012, fassent défaut.

94.

Dans le domaine spécifique de l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, le représentant que doit désigner l’assureur dans l’État membre d’accueil suscitera difficilement une « contestation relative à l’exploitation d’une succursale, d’une agence ou de tout autre établissement », au sens de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012, s’il limite son action aux fonctions énumérées à l’article 152 de la directive solvabilité II.

95.

L’article 152, paragraphe 4, de la directive solvabilité II autorise les États membres ( 54 ) à confier à un représentant unique les fonctions de règlement et de liquidation des sinistres mentionnées dans ce même article, ainsi que celles visées à l’article 21 de la directive 2009/103/CE ( 55 ). Il reconnaît ainsi implicitement la correspondance entre les fonctions de l’un et l’autre représentants, que la Cour a également confirmée ( 56 ).

96.

L’assimilation de ces deux types de représentants signifie que, en règle générale, le représentant visé à l’article 152 de la directive solvabilité II se borne à recevoir et à transmettre les informations permettant de faciliter la liquidation du sinistre ainsi qu’à verser l’indemnisation accordée par l’entreprise d’assurance. En outre, son rôle dans ces démarches est purement passif ( 57 ).

97.

En ce qui concerne les pouvoirs du représentant visé à l’article 4 de la directive 2000/26 (disposition qui correspond à l’article 21 de la directive 2009/103), la Cour a déclaré qu’ils étaient ceux d’un simple intermédiaire, puisque l’offre d’indemnisation émane uniquement de l’entreprise d’assurance ( 58 ).

98.

Cette délimitation des fonctions est conforme à l’article 21, paragraphe 6, de la directive 2009/103, en vertu duquel le représentant chargé du règlement et de la liquidation des sinistres « n’est pas considéré comme un établissement [...] au sens du règlement (CE) no 44/2001 ».

99.

Je rappelle que la désignation du représentant prévu à l’article 152 de la directive solvabilité II, qui s’impose « [a]ux fins visées à l’article 151 », découle de l’obligation qui incombe à l’entreprise d’assurance de traiter tous les demandeurs de la même façon et dont il appartient à l’État membre d’accueil de garantir le respect. Ces demandeurs ne sauraient se trouver dans une situation moins favorable du fait que cette entreprise couvre un risque en régime de prestation de services et non par l’intermédiaire d’un établissement.

100.

Toutefois, l’égalité de traitement ne va pas jusqu’à imposer une interprétation de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012 qui couvre automatiquement les actions intentées contre l’entreprise d’assurance dans un État membre où elle ne s’est pas établie, au seul motif qu’elle y dispose d’un représentant chargé du règlement et de la liquidation des sinistres.

101.

Ainsi, in abstracto, il n’y a pas de fondement suffisant pour étendre l’application de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012 au représentant désigné conformément à l’article 152 de la directive solvabilité II, lorsqu’il se borne à exercer les fonctions visées par cette disposition, en ce qui concerne les événements pouvant survenir dans le cadre d’une assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs.

102.

Pour que l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012 trouve à s’appliquer lorsque l’entreprise d’assurance ne dispose que d’un représentant qui exerce dans l’État membre d’accueil les fonctions visées à l’article 152 de la directive solvabilité II, il doit exister d’autres motifs autorisant l’attribution d’une compétence internationale à des juridictions autres que celles du domicile du défendeur ( 59 ).

103.

Tel sera le cas si le représentant réunit les critères lui permettant d’être qualifié de « succursale », d’« agence » ou de « tout autre établissement » de l’entreprise d’assurance et s’il a pris une part active à l’activité à l’origine de l’action intentée par le tiers contre cette dernière.

104.

Par ailleurs, il ne saurait être exclu que l’exercice de l’activité d’assurance hors de l’État membre d’origine, en régime de prestation de services, donne lieu à des actions dirigées contre un assureur qui devraient raisonnablement (du point de vue de la compétence judiciaire internationale) pouvoir être tranchées dans un État autre que celui de son domicile.

105.

Si l’équilibre entre les droits respectifs des parties et la bonne administration de la justice se traduit, avant tout, par la règle selon laquelle le défendeur doit être attrait devant les juridictions du lieu de son domicile, le règlement no 1215/2012 offre des alternatives au demandeur, telle que la possibilité d’intenter son action au lieu de survenance des faits ( 60 ).

106.

Ce règlement protège, en outre, le demandeur en tant que « partie faible » dans la relation d’assurance au moyen de règles spécifiques de compétence internationale (celles de la section 3 du chapitre II) qui ne sont pas liées aux modalités de la présence de l’entreprise d’assurance sur un territoire donné. Le même traitement est accordé à la personne lésée qui dispose d’un droit d’action directe.

c) Application au cas d’espèce

107.

Gefion affirme exercer son activité en Pologne dans le cadre de la libre prestation de services, avec l’accord des autorités de contrôle des États membres d’origine et d’accueil.

108.

Il ressort toutefois des observations de la Commission que l’activité de Crawford Polska relève, en réalité, de la liberté d’établissement. La juridiction de renvoi semble être (implicitement) du même avis.

109.

Comme j’ai tenté de l’expliquer, dans le cadre de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012, la base sur laquelle une entreprise d’assurance exerce son activité dans un État membre peut révéler tout aussi bien que les conditions requises par cet article existent en fait (ce qui est habituellement le cas lorsque l’entreprise agit au titre de la liberté d’établissement) que le contraire (ce qui est le cas, en général, lorsqu’elle agit au titre de la libre prestation de services).

110.

Cette base, j’insiste, ne préjuge pas, dans un sens ou dans l’autre, l’application de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012, laquelle s’effectuera à la lumière des critères d’interprétation de cette disposition qui ressortent de la jurisprudence de la Cour.

111.

Au regard de ces critères, l’activité de Gefion en Pologne, exercée par l’intermédiaire de la société Crawford Polska, peut fonder la compétence internationale des juridictions polonaises dans les termes que j’ai déjà exposés, étant donné qu’il s’agit d’une action intentée par des tiers contre Gefion, découlant d’une décision de Crawford Polska qui lie cette entreprise d’assurance.

112.

Le fait que Gefion agisse au titre des articles 147 et suivants de la directive solvabilité II ne serait donc pas déterminant.

V. Conclusion

113.

Au vu de ce qui précède, je propose à la Cour de répondre en ces termes à la deuxième question préjudicielle du Sąd Rejonowy w Białymstoku (tribunal d’arrondissement de Białystok, Pologne) :

L’article 7, point 5, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale doit être interprété en ce sens qu’une société de droit commercial établie dans un État membre, qui agit dans le cadre d’un contrat conclu avec une entreprise d’assurance ayant son siège dans un autre État membre, peut être qualifiée de « succursale, agence ou tout autre établissement » de cette dernière si les conditions cumulatives suivantes sont réunies :

elle exerce son activité dans un État membre et règle les dommages matériels dans le cadre de l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, dont les risques sont couverts par l’entreprise d’assurance ;

elle se manifeste vers l’extérieur comme le prolongement de l’entreprise d’assurance ; et

elle est pourvue d’une direction et matériellement équipée de façon à pouvoir négocier des affaires avec des tiers, de telle sorte que ceux-ci, tout en sachant qu’un lien de droit éventuel s’établira avec l’entreprise d’assurance, sont dispensés de s’adresser directement à celle-ci.


( 1 ) Langue originale : l’espagnol.

( 2 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1).

( 3 ) Voir, parmi les plus récents, arrêts du 27 février 2020, Balta (C‑803/18, EU:C:2020:123) ; du 31 janvier 2018, Hofsoe (C‑106/17, EU:C:2018:50), et du 21 janvier 2016, SOVAG (C‑521/14, EU:C:2016:41).

( 4 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II) (JO 2009, L 335, p. 1, ci-après la « directive solvabilité II »).

( 5 ) Conformément aux articles 1er et 2 du protocole no 22 sur la position du Danemark, annexé au traité UE et au traité FUE, le Danemark n’a pas participé à l’adoption de ce règlement, qui ne le lie pas ni n’est applicable à son égard ; toutefois, par une lettre du 20 décembre 2012, cet État membre a notifié à la Commission sa décision d’appliquer le contenu dudit règlement (JO 2013, L 79, p. 4).

( 6 ) En vertu d’un mandat du 31 mai 2016 accordé par les membres autorisés du conseil de Gefion à Crawford Polska.

( 7 ) Elle agit en qualité d’agent d’assurance, conformément à la réglementation polonaise qui transpose la directive (UE) 2016/97 du Parlement européen et du Conseil, du 20 janvier 2016, sur la distribution d’assurances (refonte) (JO 2016, L 26, p. 19).

( 8 ) Convention de Bruxelles de 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32 ; version consolidée publiée au JO 1998, C 27, p. 1).

( 9 ) Règlement du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1).

( 10 ) Le dispositif de certains de ces arrêts procède clairement des circonstances de l’affaire en question : voir arrêts du 18 mars 1981, Blanckaert & Willems (139/80, ci-après l’« arrêt Blanckaert & Willems », EU:C:1981:70), et du 9 décembre 1987, SAR Schotte (218/86, ci-après l’« arrêt SAR Schotte », EU:C:1987:536). Cela n’a pas empêché la Cour d’élaborer des critères généraux qui mettent l’accent tant sur la relation entre les entités étrangère et locale et la perception de cette relation par les tiers, que sur la proximité entre l’objet du litige et le for (voir points 38 et suiv. des présentes conclusions).

( 11 ) Tel n’est pas le cas des litiges dans lesquels le requérant est un professionnel en la matière : arrêt du 31 janvier 2018, Hofsoe (C‑106/17, EU:C:2018:50).

( 12 ) L’article 17, paragraphe 1, et l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 prévoient également l’application de l’article 7, point 5, aux litiges concernant certains contrats conclus avec des consommateurs et certains contrats individuels de travail, respectivement.

( 13 ) C’est ce que confirme l’arrêt du 19 juillet 2012, Mahamdia (C‑154/11, EU:C:2012:491), à propos de l’article 18 du règlement no 44/2001 (devenu article 20 du règlement).

( 14 ) Arrêt du 5 juillet 2018, flyLAL-Lithuanian Airlines (C‑27/17, ci-après l’« arrêt flyLAL-Lithuanian Airlines », EU:C:2018:533, points 26 et 62).

( 15 ) Arrêt du 22 novembre 1978, Somafer (33/78, ci-après l’« arrêt Somafer », EU:C:1978:205, point 8).

( 16 ) Voir rapport Jenard sur la convention de Bruxelles de 1968 (JO 1979, C 59, p. 22) et considérant 16 du règlement no 1215/2012. Ce dernier mentionne des fors alternatifs autorisés « en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter la bonne administration de la justice ». Il souligne également que ce lien étroit « devrait garantir la sécurité juridique et éviter [...] que le défendeur soit attrait devant une juridiction d’un État membre qu’il ne pouvait pas raisonnablement prévoir ».

( 17 ) Celui où se trouve la succursale, l’agence ou l’établissement.

( 18 ) C’est ce que l’avocat général Bobek a rappelé dans ses conclusions dans l’affaire flyLAL-Lithuanian Airlines (C‑27/17, EU:C:2018:136, point 134).

( 19 ) Dans le contexte de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012, la Cour n’opère aucune distinction entre ces trois notions : arrêt du 6 octobre 1976, De Bloos (14/76, EU:C:1976:134, point 21).

( 20 ) Arrêts Somafer, points 11 et 12 ; Blanckaert & Willems, point 11 ; flyLAL‑Lithuanian Airlines, point 59, et ordonnance du 19 novembre 2019, INA e.a. (C‑200/19, non publiée, EU:C:2019:985, point 35).

( 21 ) Arrêts Somafer, point 12 ; SAR Schotte, point 10, et du 6 avril 1995, Lloyd’s Register of Shipping (C‑439/93, EU:C:1995:104, point 18).

( 22 ) Arrêt SAR Schotte, point 16 : « le lien de rattachement étroit entre la contestation et la juridiction qui est appelée à en connaître s’apprécie non seulement sur la base des relations juridiques existant entre des personnes morales établies dans différents États contractants, mais également en fonction de la façon dont ces deux entreprises se comportent dans la vie sociale et se présentent vis-à-vis des tiers dans leurs relations commerciales ».

( 23 ) Arrêt du 6 avril 1995, Lloyd’s Register of Shipping (C‑439/93, EU:C:1995:104, point 19) : « une succursale, une agence, ou tout autre établissement secondaire est [...] une entité susceptible d’être l’interlocuteur principal, voire exclusif, de tiers dans la négociation de contrats ».

( 24 ) Arrêt Blanckaert & Willems, points 12 et 13.

( 25 ) Arrêt SAR Schotte, point 17. Je ne vois aucune contradiction entre cet arrêt et l’arrêt Blanckaert & Willems, mais deux applications concrètes de la même règle. Dans l’affaire tranchée par ce dernier arrêt, l’agent commercial n’entretenait pas, dans la sphère interne, une relation de dépendance à l’égard de l’autre entreprise et ne donnait pas non plus cette impression dans la sphère externe, à la différence de l’affaire à l’origine de l’arrêt SAR Schotte.

( 26 ) Arrêts Somafer, points 11 et 13 ; du 19 juillet 2012, Mahamdia (C‑154/11, EU:C:2012:491, point 48) ; flyLAL‑Lithuanian Airlines, point 59, et ordonnance du 19 novembre 2019, INA e.a. (C‑200/19, non publiée, EU:C:2019:985, point 35).

( 27 ) Arrêt du 11 avril 2019, Ryanair (C‑464/18, EU:C:2019:311, points 34 et 35).

( 28 ) La nature « délictuelle » de l’action intentée par CNP contre Gefion, pour reprendre la terminologie employée par le règlement no 1215/2012, n’est pas contestée.

( 29 ) Arrêt flyLAL-Lithuanian Airlines, point 63.

( 30 ) Point 24 de la décision de renvoi. Le Sąd Rejonowy w Białymstoku (tribunal d’arrondissement de Białystok) mentionne, à titre de preuve de ces difficultés, la demande de décision préjudicielle introduite dans une autre procédure, également engagée contre Gefion, qui a donné lieu à l’arrêt du 27 février 2020, Corporis (C‑25/19, ci-après l’« arrêt Corporis », EU:C:2020:126).

( 31 ) J’admets que cloisonner les activités d’assurance comme Gefion semble le faire pourrait avoir une influence sur l’applicabilité de la disposition en cause au motif, par exemple, que le public aura plus de mal à percevoir une entreprise locale comme un prolongement de la maison mère. Toutefois, l’interprétation de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012 doit être stricte. De surcroît, le libellé même de cette disposition limite les éléments dont dépend son application à ceux qui relèvent du litige en question. En d’autres termes, aux fins de sa ratio legis et en conformité avec celle-ci (l’existence d’un lien de rattachement étroit entre le litige et le for), ce n’est pas tant la présence du défendeur dans un État membre sous quelque forme que ce soit qui est pertinente, mais uniquement celle de l’entité qui participe à l’activité à l’origine du litige.

( 32 ) Selon la Commission, qui part de la même hypothèse, la question de la juridiction de renvoi se réfère à cette entité. Je trouve cela plausible, notamment au vu des points 26 et 28 de la décision de renvoi.

( 33 ) Observations de Gefion, points 20 et 21. Dans ce contexte, Gefion livre ses propres réflexions sur l’article 152 de la directive solvabilité II et soutient que, en vertu de cette disposition, une entité qui présente ces caractéristiques n’est en aucun cas une succursale, une agence ou un établissement au sens de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012. J’examinerai cette question ultérieurement.

( 34 ) Décision de renvoi, point 26, et observations de la Commission, points 56, 58 et 60. Dans ce même contexte, la juridiction de renvoi et la Commission mentionnent l’article 145 de la directive solvabilité II, que j’aborderai également plus loin.

( 35 ) Point 5 de la décision de renvoi.

( 36 ) Je dis « semble ressortir », car la Commission, en réalité, ne fait pas expressément état d’une corrélation automatique entre ces deux notions.

( 37 ) En vertu de cette disposition, l’entreprise d’assurance qui entend créer une succursale sur le territoire d’un autre État membre doit notifier cette intention aux autorités de contrôle de l’État membre d’origine et communiquer certaines informations. Aux termes du paragraphe 1 de cette disposition, « [e]st assimilée à une succursale toute présence permanente d’une entreprise sur le territoire d’un État membre, même lorsque cette présence n’a pas pris la forme d’une succursale mais s’exerce par le moyen d’un simple bureau géré par le propre personnel de l’entreprise, ou par une personne indépendante mais mandatée pour agir en permanence pour l’entreprise comme le ferait une agence ».

( 38 ) Point 61 des observations de la Commission.

( 39 ) Observations de Gefion, point 21. Gefion soutient qu’elle exerce son activité en Pologne dans le cadre de la libre prestation de services, dans le respect des conditions énoncées par la directive solvabilité II, sans que les autorités de contrôle danoises ou polonaises aient émis la moindre réserve. Cet argument, ajoute-t-elle, serait suffisant pour écarter l’application de l’article 7, point 5, du règlement no 1215/2012.

( 40 ) Décision de renvoi, point 28, in fine.

( 41 ) Selon le considérant 11 de la directive solvabilité II, celle-ci procède « à l’harmonisation à la fois nécessaire et suffisante pour permettre la reconnaissance mutuelle des agréments et systèmes de contrôle », de manière à ce qu’un agrément unique valable dans toute l’Union soit mis en place et que le contrôle de l’entreprise soit effectué par l’État membre d’origine.

( 42 ) Ces informations comprennent notamment le type d’opérations envisagées, la structure organisationnelle de l’établissement et le nom de la personne qui, au sein de celui-ci, est habilitée à engager l’entreprise d’assurance à l’égard des tiers.

( 43 ) Aux autorités de contrôle de l’État membre d’accueil et à l’entreprise elle-même. Elles attestent également que l’entreprise dispose du capital de solvabilité requis et du minimum de capital requis.

( 44 ) L’article 148, paragraphe 1, de la directive solvabilité II prévoit que, en pareil cas, les autorités de contrôle de l’État membre d’origine communiquent certaines informations à celles de l’État membre d’accueil sur le territoire duquel l’entreprise souhaite exercer ses activités.

( 45 ) Article 151 de la directive solvabilité II. Voir arrêt Corporis, point 35.

( 46 ) Voir, en ce sens, arrêt Corporis, point 37 : « cette disposition [l’article 152, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive solvabilité II] ne précise pas l’étendue exacte des pouvoirs confiés à cet effet au représentant de l’entreprise d’assurances ».

( 47 ) En vertu de l’article 152, paragraphe 2, « [l]’État membre d’accueil ne peut exiger du représentant qu’il entreprenne, pour le compte de l’entreprise [...] qui l’a désigné, des activités autres que celles décrites au paragraphe 1 ».

( 48 ) La question de l’équivalence automatique entre les notions de « succursale » au sens de l’article 7, point 5, de ce règlement et de la directive solvabilité II n’a pas été soulevée en l’espèce. Bien qu’une réponse affirmative semble s’imposer intuitivement, je dois rappeler que, dans cette directive, le terme « succursale » prend différentes acceptions : la première, générale, procède de l’article 13, point 11, qui figure sous l’intitulé « Définitions » ; la deuxième, spécifique, aux fins du chapitre IX du titre I, ressort de l’article 162, paragraphe 2, et la dernière, aux fins du titre IV, résulte de l’article 268, paragraphe 1, sous b). Toute analyse visant à déterminer si chacune de ces acceptions satisfait, par définition, aux exigences du règlement dépasse l’objet des présentes conclusions.

( 49 ) L’assimilation entre succursale et présence permanente remonte à l’arrêt du 4 décembre 1986, Commission/Allemagne (205/84, EU:C:1986:463). Elle a ensuite été consacrée par le législateur, à partir de l’article 3 de la deuxième directive 88/357/CEE du Conseil, du 22 juin 1988, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance directe autre que l’assurance sur la vie, fixant les dispositions destinées à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de services et modifiant la directive 73/239/CEE (JO 1988, L 172, p. 1).

( 50 ) Arrêt du 26 octobre 2010, Schmelz (C‑97/09, EU:C:2010:632, point 38).

( 51 ) La Commission, dans sa communication interprétative intitulée « Liberté de prestation de services et intérêt général dans le secteur des assurances » (JO 2000, C 43, p. 5), affirme, aux pages 9 à 12, que ces deux conditions doivent être réunies.

( 52 ) Points 38 à 52 des présentes conclusions.

( 53 ) Étant donné que l’exercice de cette liberté n’exclut pas que le prestataire de services puisse se doter, dans l’État membre d’accueil, d’une certaine infrastructure stable (arrêt du 30 novembre 1995, Gebhard, C‑55/94, EU:C:1995:411), je n’écarte pas la possibilité que certains opérateurs possèdent l’apparence requise aux fins de l’application de la disposition en cause. Dans de telles circonstances, un tiers pourra intenter une action contre l’assureur devant la juridiction du lieu où se trouve cette infrastructure, dans des litiges afférents à des activités liées à l’exploitation de cette dernière.

( 54 ) Lorsque l’entreprise elle-même a omis de désigner un représentant.

( 55 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité (JO 2009, L 263, p. 11). L’article 152 de la directive solvabilité II continue de renvoyer expressément à l’article 4 de la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 mai 2000, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs et modifiant les directives 73/239/CEE et 88/357/CEE du Conseil (quatrième directive sur l’assurance automobile) (JO 2000, L 181, p. 65), aujourd’hui repris, à l’exception du paragraphe 7, à l’article 21 de la directive 2009/103.

( 56 ) Arrêts du 10 octobre 2013, Spedition Welter (C‑306/12, EU:C:2013:650, points 21 et 23) ; du 15 décembre 2016, Vieira de Azevedo e.a. (C‑558/15, EU:C:2016:957, point 33), concernant le représentant visé à l’article 21 de la directive 2009/103 (alors article 4 de la directive 2000/26), et arrêt Corporis, concernant le représentant prévu à l’article 152 de la directive solvabilité II.

( 57 ) Ce qui inclut l’habilitation à recevoir un acte introductif d’instance contre l’assureur situé dans un autre État membre visant à réclamer une indemnisation au titre d’un accident de la circulation, comme il ressort de l’arrêt Corporis.

( 58 ) Arrêt du 15 décembre 2016, Vieira de Azevedo e.a. (C‑558/15, EU:C:2016:957, points 25 et 26).

( 59 ) Voir considérant 16 de ce règlement.

( 60 ) Dans le cadre d’une demande d’indemnisation telle que celle en cause au principal, qui revêt un caractère extracontractuel.

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