EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62018CJ0765

Arrêt de la Cour (septième chambre) du 2 avril 2020.
Stadtwerke Neuwied GmbH contre RI.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Landgericht Koblenz.
Renvoi préjudiciel – Directive 2003/55/CE – Règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel – Protection des consommateurs – Article 3, paragraphe 3, et annexe A, sous b) – Transparence des conditions contractuelles – Obligation d’information du consommateur en temps utile et directement d’une hausse de tarif.
Affaire C-765/18.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2020:270

 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

2 avril 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Directive 2003/55/CE – Règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel – Protection des consommateurs – Article 3, paragraphe 3, et annexe A, sous b) – Transparence des conditions contractuelles – Obligation d’information du consommateur en temps utile et directement d’une hausse de tarif »

Dans l’affaire C‑765/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landgericht Koblenz (tribunal régional de Coblence, Allemagne), par décision du 1er octobre 2018, parvenue à la Cour le 6 décembre 2018, dans la procédure

Stadtwerke Neuwied GmbH

contre

RI,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. P. G. Xuereb (rapporteur), président de chambre, MM. T. von Danwitz et A. Kumin, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Stadtwerke Neuwied GmbH, par Me J. Müller, Rechtsanwalt,

pour la Commission européenne, par Mme O. Beynet et M. M. Noll-Ehlers, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 3, lu en combinaison avec l’annexe A, sous b) et c), de la directive 2003/55/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché du gaz naturel et abrogeant la directive 98/30/CE (JO 2003, L 176, p. 57).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Stadtwerke Neuwied GmbH, en tant que fournisseur de gaz, à son client RI au sujet du versement d’arriérés de paiement à la suite de plusieurs augmentations du prix du gaz.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 2 et 3 de la directive 2003/55 sont libellés comme suit :

« (2)

L’expérience acquise avec la mise en œuvre de cette directive montre les avantages considérables qui peuvent découler du marché intérieur du gaz, en ce qui concerne les gains d’efficacité, les réductions de prix, l’amélioration de la qualité du service et l’accroissement de la compétitivité. Cependant, d’importantes lacunes subsistent et il est encore possible d’améliorer le fonctionnement de ce marché, il faut notamment prendre des dispositions concrètes pour assurer des conditions de concurrence équitables et pour réduire le risque de domination du marché et de comportement prédateur, en garantissant des tarifs de transport et de distribution non discriminatoires par l’accès au réseau sur la base de tarifs publiés avant leur entrée en vigueur, et en garantissant la protection des droits des petits consommateurs vulnérables.

(3)

Le Conseil européen, réuni à Lisbonne les 23 et 24 mars 2000, a demandé que des actions destinées à achever le marché intérieur dans le secteur de l’électricité comme dans celui du gaz soient rapidement entreprises et que la libéralisation dans ces secteurs soit accélérée afin d’établir un marché intérieur pleinement opérationnel. Dans sa résolution du 6 juillet 2000 sur le deuxième rapport de la Commission sur l’état de la libéralisation des marchés de l’énergie, le Parlement européen a invité la Commission à adopter un calendrier détaillé pour la réalisation d’objectifs rigoureusement définis, en vue de parvenir progressivement à une libéralisation totale du marché de l’énergie. »

4

Aux termes du considérant 27 de ladite directive :

« Le respect des obligations de service public est un élément essentiel de la présente directive, et il est important que des normes minimales communes, respectées par tous les États membres, soient fixées dans la présente directive, en prenant en compte les objectifs de la protection des consommateurs, de la sécurité d’approvisionnement, de la protection de l’environnement et de l’égalité des niveaux de concurrence dans tous les États membres. Il est important que les exigences relatives au service public puissent être interprétées sur une base nationale, compte tenu des conditions nationales et dans le respect du droit [de l’Union]. »

5

L’article 2 de la directive 2003/55 contient les définitions suivantes :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

25)

“clients résidentiels” : les clients achetant du gaz naturel pour leur propre consommation domestique ;

[...]

27)

“clients finals” : les clients achetant du gaz naturel pour leur utilisation propre ;

[...] »

6

L’article 3 de cette directive, intitulé « Obligations de service public et protection des consommateurs », prévoit, à son paragraphe 3 :

« Les États membres prennent les mesures appropriées pour protéger les clients finals et assurer un niveau élevé de protection des consommateurs, et veillent en particulier à garantir une protection adéquate aux clients vulnérables, y compris en prenant les mesures appropriées pour leur permettre d’éviter l’interruption de la fourniture de gaz. Dans ce contexte, ils peuvent prendre les mesures appropriées pour protéger les clients raccordés au réseau de gaz dans les régions reculées. Les États membres peuvent désigner un fournisseur du dernier recours pour les clients raccordés au réseau de gaz. Ils garantissent un niveau de protection élevé des consommateurs, notamment en ce qui concerne la transparence des conditions contractuelles, l’information générale et les mécanismes de règlement des litiges. Les États membres veillent à ce que le client éligible puisse effectivement changer de fournisseur. En ce qui concerne au moins les clients résidentiels, ces mesures incluent celles figurant dans l’annexe A. »

7

L’annexe A de ladite directive prescrit les mesures relatives à la protection des consommateurs en ces termes :

« Sans préjudice de la réglementation [de l’Union] sur la protection des consommateurs, notamment la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil[, du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance – Déclaration du Conseil et du Parlement européen sur l’article 6 paragraphe 1 – Déclaration de la Commission sur l’article 3 paragraphe 1 premier tiret (JO 1997, L 144, p. 19),] et la directive 93/13/CE du Conseil[, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29)], les mesures visées à l’article 3 ont pour objet de garantir que les clients :

[...]

b)

sont avertis en temps utile de toute intention de modifier les conditions contractuelles et sont informés de leur droit de dénoncer le contrat au moment où ils sont avisés de l’intention de le modifier. Les prestataires de services avisent immédiatement leurs abonnés de toute augmentation des tarifs, en temps utile et en tout cas avant la fin de la période de facturation normale suivant l’entrée en vigueur de l’augmentation. Les États membres veillent à ce que les clients soient libres de dénoncer un contrat s’ils n’acceptent pas les nouvelles conditions qui leur sont notifiées par leur fournisseur de gaz ;

c)

reçoivent des informations transparentes relatives aux prix et aux tarifs pratiqués, ainsi qu’aux conditions générales applicables, en ce qui concerne l’accès aux services de gaz et l’utilisation de ces services ;

[...] »

Le droit allemand

8

L’article 36, paragraphes 1 et 2, de l’Energiewirtschaftsgesetz (loi sur la gestion rationnelle de l’énergie) est ainsi libellé :

« Obligation d’approvisionnement de base

(1)   Les entreprises d’approvisionnement en énergie sont tenues, pour les zones du réseau de distribution dans lesquelles elles assurent l’approvisionnement de base des clients résidentiels, de rendre publics les conditions générales et prix généraux afférents à l’approvisionnement en basse tension ou basse pression et de les publier sur l’internet, ainsi que d’approvisionner tous les clients résidentiels à ces conditions et à ces prix. L’obligation d’approvisionnement de base ne s’applique pas lorsque, pour des raisons économiques, l’approvisionnement n’est pas envisageable pour l’entreprise d’approvisionnement en énergie.

(2)   Les fournisseurs d’un service d’approvisionnement de base visés au paragraphe 1 sont les entreprises d’approvisionnement en énergie qui approvisionnent le plus de clients résidentiels dans une zone d’approvisionnement générale [...] »

9

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la Verordnung über allgemeine Bedingungen für die Gasversorgung von Tarifkunden (règlement sur les conditions générales pour l’approvisionnement en gaz des clients relevant du tarif standard), du 21 juin 1979 (BGBl. 1979 I, p. 676) (ci-après l’« AVBGasV ») :

« Les conditions auxquelles les entreprises gazières sont tenues [...] de raccorder toute personne à leur réseau de distribution et de l’approvisionner à des tarifs généraux sont fixées aux articles 2 à 34 du présent règlement. Lesdites conditions font partie intégrante du contrat d’approvisionnement. »

10

En vertu de l’article 4, paragraphe 2, de l’AVBGasV, les modifications apportées aux conditions et aux tarifs généraux ne prennent effet qu’après leur publication officielle.

11

L’article 32, paragraphes 1 et 2, de l’AVBGasV prévoit :

« (1)   Le contrat court sans interruption jusqu’à sa résiliation par l’une des deux parties avec un préavis d’un mois à la fin d’un mois calendaire [...]

(2)   En cas de modification des tarifs généraux ou de modification des conditions générales par l’entreprise gazière dans le cadre du présent règlement, le client peut résilier le contrat avec un préavis de deux semaines à la fin du mois calendaire suivant la publication officielle.

[...] »

12

L’AVBGasV a été abrogé par la Gasgrundversorgungsverordnung (règlement sur l’approvisionnement de base en gaz), du 26 octobre 2006 (BGBl. 2006 I, p. 2396), telle que modifiée par la loi du 29 août 2016 (BGBl. 2016 I, p. 2034). L’article 5, paragraphes 2 et 3, de ce règlement sur l’approvisionnement de base en gaz prévoit :

« (2)   Toute modification des prix généraux et des conditions complémentaires entre en vigueur au début du mois, à condition d’avoir été publiée au moins six semaines auparavant. Le fournisseur du service d’approvisionnement de base est tenu, parallèlement à la publication, d’adresser à ses clients un courrier notifiant les modifications envisagées et de publier celles-ci sur son site Internet ; dans ce cadre, il doit préciser la portée, les motifs et les conditions de la modification et fournir, de manière lisible, la référence aux droits du client visés au paragraphe 3 ainsi que les informations visées à l’article 2, paragraphe 3, première phrase, point 7.

(3)   Lors d’une modification des prix généraux ou des conditions complémentaires, le client est en droit de résilier le contrat sans délai de préavis au moment de l’entrée en vigueur desdites modifications [...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

13

Stadtwerke Neuwied est un fournisseur de gaz naturel organisé sous la forme d’une société de droit privé allemand, mais soumis, en tant qu’entreprise communale chargée de fournir des services d’intérêt général au profit d’une collectivité publique, au contrôle de l’État, la ville de Neuwied (Allemagne) étant son sociétaire unique et le maire de cette ville faisant partie de son conseil de surveillance.

14

RI est client de Stadtwerke Neuwied depuis le 28 juillet 2004. Ce fournisseur de gaz a rempli ses obligations de prestataire dans le cadre d’un contrat d’approvisionnement de base. Entre le mois de janvier 2005 et le mois de septembre 2011, Stadtwerke Neuwied a procédé à des augmentations de tarif correspondant à la hausse du coût d’acquisition du gaz naturel tout en tenant compte des économies réalisées dans d’autres domaines du secteur du gaz. Elle réclame désormais à RI le paiement d’une somme de 1334,71 euros correspondant aux arriérés dus en raison de ces adaptations de tarifs. RI n’a pas été informé personnellement desdites adaptations, étant précisé que Stadtwerke Neuwied a publié sur son site Internet, ses prix et ses tarifs généraux ainsi que les adaptations contractuelles. Les augmentations de tarif ont, par ailleurs, fait l’objet d’une publication dans la presse régionale.

15

Devant la juridiction de renvoi, RI a fait valoir que le contrat d’approvisionnement conclu avec Stadtwerke Neuwied ne contenait pas de clause effective de révision des prix et a contesté les prétentions de Stadtwerke Neuwied. Il considère, notamment, que Stadtwerke Neuwied n’avait pas le droit effectif d’adapter ses prix, que le prix de consommation réclamé était déraisonnable et que, à supposer qu’il existe, le droit unilatéral à la fixation des prix au titre de l’article 4 de l’AVBGasV manquait de transparence. RI en conclut que les augmentations du prix du gaz étaient invalides. En outre, RI a formé une demande reconventionnelle tendant à faire constater que les prix fixés par le fournisseur étaient déraisonnables et dénués de fondement et à obtenir le remboursement d’une partie des sommes qu’il a versées à Stadtwerke Neuwied entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2011.

16

La juridiction de renvoi considère que la résolution du litige devant elle dépend de l’interprétation des dispositions de la directive 2003/55.

17

Elle estime que le défaut de Stadtwerke Neuwied d’informer en temps utile et directement le consommateur des augmentations du prix du gaz est susceptible de remettre en cause la validité de ces augmentations, du fait que l’exigence de transparence qui résulte de l’article 3, paragraphe 3, et de l’annexe A, sous b) et c), de la directive 2003/55 est directement invocable dans un litige tel que celui au principal, malgré le défaut de transposition de cette directive en droit allemand pendant la période litigieuse.

18

La juridiction de renvoi précise, toutefois, que son approche suppose que, compte tenu de ce défaut de transposition, l’exigence de transparence prévue par la directive 2003/55 soit directement applicable et invocable par un particulier à l’encontre d’une société de droit privé telle que Stadtwerke Neuwied et que le respect de cette exigence conditionne la validité même de l’augmentation de prix.

19

À cet égard, elle souligne que le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) a jugé que les dispositions nationales en vigueur à l’époque des faits au principal ne pouvaient pas être interprétées conformément à la directive 2003/55. Ayant, par ailleurs, conclu au défaut d’applicabilité directe de cette directive, cette juridiction a considéré qu’une telle situation ne devait pas conduire à l’invalidité des augmentations de prix litigieuses et a reconnu à Stadtwerke Neuwied le droit d’adapter ses prix sur le fondement d’une interprétation complémentaire du contrat de fourniture de gaz.

20

La juridiction de renvoi se demande si les dispositions combinées de l’article 3, paragraphe 3, et de l’annexe A, sous b) et c), de la directive 2003/55 doivent être interprétées en ce sens que l’information directe du client relative à l’augmentation des tarifs est une condition de validité de l’augmentation. Elle se demande, par ailleurs, si ces dispositions sont directement applicables du fait que, conformément à la jurisprudence de la Cour, elles pourraient être considérées comme étant inconditionnelles et suffisamment précises et qu’elles sont invoquées à l’encontre d’une entité, à savoir Stadtwerke Neuwied, qui pourrait être considérée, toujours selon la jurisprudence de la Cour, comme étant soumise à l’autorité ou au contrôle de l’État ou dotée de droits spéciaux allant au-delà des dispositions applicables aux relations entre particuliers.

21

Dans ces conditions, le Landgericht Koblenz (tribunal régional de Coblence, Allemagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Les dispositions combinées de l’article 3, paragraphe 3, et de l’annexe A, sous b) et c), de la directive [2003/55] doivent-elles être interprétées en ce sens que le défaut d’information directe et en temps utile des consommateurs de gaz quant aux conditions, aux motifs et à la portée d’une modification à venir des tarifs de l’approvisionnement en gaz fait obstacle à une telle modification ?

2)

En cas de réponse affirmative à cette question :

Les dispositions combinées de l’article 3, paragraphe 3, et de l’annexe A, sous b) et sous c), de la directive [2003/55] sont-elles directement applicables depuis le 1er juillet 2004 à une société de distribution de droit privé (constituée sous forme de GmbH de droit allemand) parce que lesdites dispositions de cette directive sont inconditionnelles et peuvent donc être appliquées sans autre acte de transposition, et donnent au citoyen des droits à l’égard d’un organisme qui, en dépit de sa forme de droit privé, est contrôlé par l’État parce que ce dernier est seul sociétaire de l’entreprise ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

22

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2003/55, lu en combinaison avec l’annexe A, sous b) et c), de celle-ci, doit être interprété en ce sens que, lorsque des modifications tarifaires non personnellement notifiées aux clients sont effectuées par un fournisseur de gaz de dernier recours dans le seul but de répercuter la hausse du coût d’acquisition du gaz naturel sans recherche de profit, le respect, par ce fournisseur, des obligations de transparence et d’information visées à ces dispositions est une condition de validité des modifications tarifaires concernées.

23

Il convient de rappeler que l’objectif poursuivi par la directive 2003/55 est d’améliorer le fonctionnement du marché intérieur du gaz. À cet égard, l’accès au réseau non discriminatoire, transparent et disponible au juste prix est nécessaire au bon fonctionnement de la concurrence et revêt une importance primordiale pour achever le marché intérieur du gaz (arrêt du 23 octobre 2014, Schulz et Egbringhoff, C‑359/11 et C‑400/11, EU:C:2014:2317, point 39).

24

Dans ce contexte, les préoccupations de protection du consommateur sous-tendent les dispositions de la directive 2003/55 et sont étroitement liées tant à la libéralisation des marchés en cause qu’à l’objectif, également poursuivi par cette directive, de garantir la sécurité d’approvisionnement stable en gaz (arrêt du 23 octobre 2014, Schulz et Egbringhoff, C‑359/11 et C‑400/11, EU:C:2014:2317, point 40).

25

C’est eu égard à cet objectif et à ces préoccupations que l’article 3 de la directive 2003/55, relatif aux obligations de service public et à la protection des consommateurs, prévoit, à son paragraphe 3, que les États membres prennent les mesures appropriées pour protéger les clients finals et assurer un niveau élevé de protection des consommateurs. En outre, les États membres peuvent désigner un fournisseur de dernier recours afin de garantir la sécurité d’approvisionnement des clients raccordés au réseau de gaz. En tout état de cause, ces mesures incluent, en ce qui concerne au moins les clients résidentiels, celles figurant à l’annexe A de cette directive.

26

L’annexe A, sous b), de la directive 2003/55 précise que les mesures visées à l’article 3, paragraphe 3, de cette dernière ont notamment pour objet de garantir que les prestataires de services avisent immédiatement leurs abonnés de toute augmentation des tarifs, en temps utile et, en tout cas, avant la fin de la période de facturation normale suivant l’entrée en vigueur de l’augmentation. En outre, aux termes de cette disposition, les États membres veillent à ce que les clients soient libres de dénoncer un contrat s’ils n’acceptent pas les nouvelles conditions de fourniture de gaz. En vertu de l’annexe A, sous c), de cette directive, les clients reçoivent des informations transparentes relatives aux prix et aux tarifs pratiqués.

27

Il convient de constater que le libellé de ces dispositions n’indique toutefois pas si le respect des obligations de transparence et d’information incombant aux fournisseurs de gaz est une condition de validité des modifications tarifaires de la prestation de fourniture de gaz.

28

Néanmoins, la Cour a jugé que c’est afin de pouvoir pleinement et réellement profiter de leurs droits et de prendre, en toute connaissance de cause, une décision concernant l’éventuelle dénonciation du contrat ou la contestation de la modification du prix de la fourniture que les clients doivent être informés, en temps utile et avant l’entrée en vigueur de cette modification, des motifs, des conditions et de l’ampleur de celle-ci (arrêt du 23 octobre 2014, Schulz et Egbringhoff, C‑359/11 et C‑400/11, EU:C:2014:2317, point 47).

29

Il en résulte que les obligations de transparence et d’information prescrites à l’annexe A, sous b) et c), de la directive 2003/55 visent à garantir, conformément à l’objectif de protection des consommateurs, que le client puisse exercer son droit de dénoncer le contrat ou de contester la modification du prix de la fourniture.

30

Or, l’exercice par les clients de ce droit ne pourrait pas être garanti et les dispositions de l’annexe A, sous b) et c), de la directive 2003/55 seraient privées d’effet utile si le fournisseur de gaz venait à manquer à ses obligations de transparence et d’information en omettant, notamment, d’informer personnellement ses clients de la modification de tarif envisagée.

31

Cela étant, il y a lieu de rappeler que, dans les circonstances particulières de l’affaire au principal, Stadtwerke Neuwied agissait en tant que « fournisseur du dernier recours », au sens de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2003/55, et que les modifications tarifaires opérées successivement par ce fournisseur visaient uniquement à répercuter la hausse du coût d’acquisition du gaz naturel sans recherche de profit.

32

Or, la Cour a jugé que, un tel fournisseur de gaz étant tenu, dans le cadre des obligations imposées par la réglementation nationale, de contracter avec les clients qui en ont fait la demande et qui ont droit à des conditions prévues par ladite réglementation, les intérêts économiques dudit fournisseur doivent être pris en compte dans la mesure où il n’a pas le choix de l’autre partie contractante et ne peut pas mettre fin librement au contrat (arrêt du 23 octobre 2014, Schulz et Egbringhoff, C‑359/11 et C‑400/11, EU:C:2014:2317, point 44).

33

Dans ces conditions, il convient de considérer que, lorsque les modifications tarifaires du fournisseur de gaz se limitent à répercuter la hausse du coût d’acquisition du gaz sur le prix de la prestation sans que le fournisseur cherche à réaliser le moindre profit, l’invalidité de telles modifications du fait de l’absence d’une notification personnelle aux clients est susceptible de mettre sérieusement en danger les intérêts économiques du fournisseur de gaz.

34

Par conséquent, en tant que le fournisseur est tenu de garantir la sécurité d’approvisionnement de ses clients, la validité de l’augmentation des tarifs correspondant à la répercussion de la hausse du coût d’acquisition du gaz ne saurait dépendre d’une information personnelle desdits clients. Dans le cas contraire, le risque économique que supporterait le fournisseur de gaz serait susceptible tant de remettre en cause la réalisation de l’objectif de sécurité de l’approvisionnement visé par la directive 2003/55 que de nuire de manière disproportionnée aux intérêts économiques de ce fournisseur.

35

Le défaut de notification personnelle des modifications tarifaires n’en constituant pas moins, même dans une telle situation, une atteinte à la protection des consommateurs, il importe, cependant, d’une part, que les clients d’un tel fournisseur puissent résilier le contrat à tout moment et, d’autre part, que, dès lors que la fourniture de gaz est effectuée à un tarif dont le client n’a pas pu prendre connaissance avant son entrée en vigueur, des recours appropriés lui soient ouverts afin qu’il puisse demander réparation du préjudice éventuellement subi du fait qu’il a été privé de la possibilité d’exercer son droit, en temps utile, de changer de fournisseur afin de bénéficier d’un tarif plus avantageux. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier ces points.

36

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2003/55, lu en combinaison avec l’annexe A, sous b) et c), de celle-ci, doit être interprété en ce sens que, lorsque des modifications tarifaires non personnellement notifiées aux clients sont effectuées par un fournisseur de gaz de dernier recours dans le seul but de répercuter la hausse du coût d’acquisition du gaz naturel sans recherche de profit, le respect, par ce fournisseur, des obligations de transparence et d’information visées à ces dispositions n’est pas une condition de validité des modifications tarifaires en cause, sous réserve que les clients puissent résilier le contrat à tout moment et disposent de recours appropriés pour obtenir réparation du préjudice éventuellement subi du fait de l’absence de notification personnelle des modifications.

Sur la seconde question

37

Eu égard à la réponse apportée à la première question préjudicielle, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.

Sur les dépens

38

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

 

L’article 3, paragraphe 3, de la directive 2003/55/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché du gaz naturel et abrogeant la directive 98/30/CE, lu en combinaison avec l’annexe A, sous b) et c), de celle-ci, doit être interprété en ce sens que, lorsque des modifications tarifaires non personnellement notifiées aux clients sont effectuées par un fournisseur de gaz de dernier recours dans le seul but de répercuter la hausse du coût d’acquisition du gaz naturel sans recherche de profit, le respect, par ce fournisseur, des obligations de transparence et d’information visées à ces dispositions n’est pas une condition de validité des modifications tarifaires en cause, sous réserve que les clients puissent résilier le contrat à tout moment et disposent de recours appropriés pour obtenir réparation du préjudice éventuellement subi du fait de l’absence de notification personnelle des modifications.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

Top