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Document 62018CC0213

Conclusions de l'avocat général M. H. Saugmandsgaard Øe, présentées le 20 juin 2019.
Adriano Guaitoli e.a. contre easyJet Airline Co. Ltd.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunale ordinario di Roma.
Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions en matière civile et commerciale – Règlement (UE) no 1215/2012 – Article 7, paragraphe 1, sous a) – Juridiction compétente en matière contractuelle – Règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol – Règlement (CE) no 261/2004 – Articles 5, 7, 9 et 12 – Convention de Montréal – Compétence – Articles 19 et 33 – Demande d’indemnisation et de réparation du préjudice résultant de l’annulation et du retard de vols.
Affaire C-213/18.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:524

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 20 juin 2019 ( 1 )

Affaire C‑213/18

Adriano Guaitoli,

Concepción Casan Rodriguez,

Alessandro Celano Tomassoni,

Antonia Cirilli,

Lucia Cortini,

Mario Giuli,

Patrizia Padroni

contre

easyJet Airline Co. Ltd

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale ordinario di Roma (tribunal de Rome, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Transport aérien – Règlement (CE) no 261/2004 – Articles 5, 7, 9 et 12 – Action aux fins d’indemnisation forfaitaire et de réparation de préjudices individualisés subis par des passagers en cas d’annulation ou de retard important d’un vol – Compétence judiciaire internationale et territoriale interne – Dispositions applicables – Convention de Montréal – Article 33 – Règlement (UE) no 1215/2012 – Article 7, point 1 – Articulation entre ces dispositions »

I. Introduction

1.

La demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale ordinario di Roma (tribunal de Rome, Italie) porte principalement sur l’interprétation de l’article 33 de la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international ( 2 ) (ci‑après la « convention de Montréal »), disposition qui détermine la juridiction compétente en cas d’action en responsabilité exercée à l’encontre d’un transporteur aérien relevant du champ d’application de cet instrument.

2.

En substance, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la façon dont ladite convention s’articule avec le règlement (UE) no 1215/2012 ( 3 ), lequel régit notamment la compétence judiciaire dans le domaine couvert par ce dernier ( 4 ), lorsqu’une action visant à obtenir des indemnités de diverses natures est intentée par des passagers aériens.

3.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige transfrontalier opposant une compagnie aérienne à plusieurs passagers au sujet des sommes que ces derniers réclament à la fois au titre des indemnisations standardisées prévues par le règlement (CE) no 261/2004 ( 5 ) et au titre de la réparation individualisée des préjudices leur ayant été causés par l’annulation d’un vol aller ainsi que par le retard d’un vol retour, vols tous deux opérés par ladite compagnie.

4.

En premier lieu, la Cour sera amenée à dire si, dans de telles circonstances, la juridiction territorialement compétente doit être déterminée en faisant application de l’article 33 de la convention de Montréal et/ou de l’article 7, point 1, du règlement no 1215/2012. Pour les motifs et dans les conditions qui seront ci‑dessous exposés, je suis favorable à une application distributive de ces deux instruments, en fonction de l’objet des chefs de demande qui sont en cause.

5.

En deuxième lieu, dans l’hypothèse où l’article 33 de la convention de Montréal serait déclaré applicable en un tel cas de figure, comme j’entends le proposer, la Cour devra statuer sur le point de savoir si cette disposition doit être interprétée en ce sens qu’elle dicte la répartition de la compétence judiciaire seulement au niveau international, entre les États concernés, ou bien également au niveau interne, entre les juridictions d’un État donné. J’opterai pour cette dernière interprétation.

6.

En troisième lieu, au cas où il serait jugé que l’article 33 de la convention de Montréal ne désigne pas la juridiction territorialement compétente aussi au niveau interne, la Cour serait alors invitée à préciser s’il convient d’appliquer cette disposition de façon exclusive ou bien de façon conjointe avec l’article 7, point 1, du règlement no 1215/2012 pour identifier cette juridiction. Compte tenu des réponses qu’il conviendrait selon moi d’apporter aux deux précédentes questions préjudicielles, j’estime qu’il n’y aura pas lieu de se prononcer sur la troisième question, qui est posée uniquement à titre subsidiaire.

II. Le cadre juridique

A.   La convention de Montréal

7.

La convention de Montréal est entrée en vigueur, en ce qui concerne l’Union européenne, le 28 juin 2004.

8.

Le préambule de cette convention expose, à son troisième alinéa, que les États parties à cette convention « reconnaiss[e]nt l’importance d’assurer la protection des intérêts des consommateurs dans le transport aérien international et la nécessité d’une indemnisation équitable fondée sur le principe de réparation ». En outre, aux termes de son cinquième alinéa, « l’adoption de mesures collectives par les États en vue d’harmoniser davantage et de codifier certaines règles régissant le transport aérien international est le meilleur moyen de réaliser un équilibre équitable des intérêts ».

9.

Figurant dans le chapitre III de ladite convention, intitulé « Responsabilité du transporteur et étendue de l’indemnisation du préjudice », son article 19, intitulé « Retard », prévoit que « [l]e transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises. Cependant, le transporteur n’est pas responsable du dommage causé par un retard s’il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre ».

10.

Figurant dans le même chapitre III, l’article 33, intitulé « Juridiction compétente », dispose à ses paragraphes 1et 4 :

« 1.   L’action en responsabilité devra être portée, au choix du demandeur, dans le territoire d’un des États parties, soit devant le tribunal du domicile du transporteur, du siège principal de son exploitation ou du lieu où il possède un établissement par le soin duquel le contrat a été conclu, soit devant le tribunal du lieu de destination.

[...]

4.   La procédure sera régie selon le droit du tribunal saisi de l’affaire. »

B.   Le droit de l’Union

1. Le règlement no 261/2004

11.

L’article 1er du règlement no 261/2004, intitulé « Objet », prévoit, à son paragraphe 1, sous b) et c), que ce règlement « reconnaît, dans les conditions qui y sont spécifiées, des droits minimum aux passagers [notamment] en cas d’annulation de leur vol [et] en cas de vol retardé ».

12.

L’article 5 de ce règlement, intitulé « Annulations », énonce, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   En cas d’annulation d’un vol, les passagers concernés :

a)

se voient offrir par le transporteur aérien effectif une assistance conformément à l’article 8 ;

b)

se voient offrir par le transporteur aérien effectif une assistance conformément à l’article 9, paragraphe 1, [sous] a), et paragraphe 2, de même que, dans le cas d’un réacheminement lorsque l’heure de départ raisonnablement attendue du nouveau vol est au moins le jour suivant le départ planifié pour le vol annulé, l’assistance prévue à l’article 9, paragraphe 1, [sous] b) et c), et

c)

ont droit à une indemnisation du transporteur aérien effectif conformément à l’article 7 [...].

2.   Lorsque les passagers sont informés de l’annulation d’un vol, des renseignements leur sont fournis concernant d’autres transports possibles. »

13.

L’article 7 du même règlement, intitulé « Droit à indemnisation », prévoit, à son paragraphe 1, sous a), que « les passagers reçoivent une indemnisation dont le montant est fixé à [...] 250 euros pour tous les vols de 1500 kilomètres ou moins », dans les conditions indiquées à cet article.

14.

L’article 9 dudit règlement, intitulé « Droit à une prise en charge », énonce, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Lorsqu’il est fait référence au présent article, les passagers se voient offrir gratuitement :

a)

des rafraîchissements et des possibilités de se restaurer en suffisance compte tenu du délai d’attente ;

b)

un hébergement à l’hôtel aux cas où :

un séjour d’attente d’une ou plusieurs nuits est nécessaire, ou

lorsqu’un séjour s’ajoutant à celui prévu par le passager est nécessaire ;

c)

le transport depuis l’aéroport jusqu’au lieu d’hébergement (hôtel ou autre).

2.   En outre, le passager se voit proposer la possibilité d’effectuer gratuitement deux appels téléphoniques ou d’envoyer gratuitement deux télex, deux télécopies ou deux messages électroniques. »

15.

L’article 12 du règlement no 261/2004, intitulé « Indemnisation complémentaire », dispose, à son paragraphe 1, que ce règlement « s’applique sans préjudice du droit d’un passager à une indemnisation complémentaire. L’indemnisation accordée en vertu [dudit] règlement peut être déduite d’une telle indemnisation ».

2. Le règlement no 1215/2012

16.

Le règlement no 1215/2012 est applicable ratione temporis au litige au principal, conformément à son article 66, paragraphe 1, étant donné que l’action dont est saisie la juridiction de renvoi a été intentée après le 10 janvier 2015 ( 6 ).

17.

Figurant dans le chapitre II du règlement no 1215/2012, intitulé « Compétence », à la section 2, intitulée « Compétences spéciales », son article 7, point 1, sous a) et b), prévoit qu’« [u]ne personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

1)

a)

en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande ;

b)

aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est [...] pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ».

18.

À la section 4 du même chapitre, intitulée « Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs », l’article 17 de ce règlement prévoit, à son paragraphe 3, que ladite section « ne s’applique pas aux contrats de transport autres que ceux qui, pour un prix forfaitaire, combinent voyage et hébergement ».

19.

Figurant dans le chapitre VII dudit règlement, intitulé « Relations avec les autres instruments », l’article 67 énonce que cet instrument « ne préjuge pas de l’application des dispositions qui, dans des matières particulières, règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions et qui sont contenues dans les actes de l’Union ou dans les législations nationales harmonisées en exécution de ces actes ».

20.

Figurant dans le même chapitre VII, l’article 71 du même règlement prévoit, à son paragraphe 1, que cet instrument « n’affecte pas les conventions auxquelles les États membres sont parties et qui, dans des matières particulières, règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance ou l’exécution des décisions ».

III. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

21.

MM. Adriano Guaitoli, Alessandro Celano Tomassoni, Mario Giuli et Mmes Concepción Casan Rodriguez, Antonia Cirilli, Lucia Cortini, Patrizia Padroni (ci‑après « M. Guaitoli e.a. ») ont acheté des billets d’avion pour des vols aller‑retour entre Fiumicino (Italie) et Corfou (Grèce) opérés par easyJet Airline Company Ltd (ci‑après « easyJet »), transporteur aérien établi à Luton (Royaume‑Uni).

22.

Lors du vol aller, prévu le 4 août 2015 à 20 h 20, M. Guaitoli e.a. ont subi un retard croissant, puis l’annulation de leur vol, lequel a été reporté au lendemain à 16 h 45. Durant la période d’attente, ils n’ont reçu aucune proposition d’embarquer sur un vol d’une autre compagnie, ni offre de se restaurer ou de quelque autre assistance, ni aucune forme de remboursement ou d’indemnisation, malgré la demande formelle adressée en ce sens à easyJet.

23.

Lors du vol retour, prévu le 14 août 2015 à 23 h 25, ils ont aussi subi un retard important, d’une durée non précisée dans la décision de renvoi.

24.

Le 28 juin 2016, M. Guaitoli e.a. ont saisi le Tribunale ordinario di Roma (tribunal de Rome), dans le ressort duquel ils résident, d’une action tendant à obtenir, sur le fondement des articles 5, 7, 9 et 12 du règlement no 261/2004, qu’easyJet soit condamnée, au titre des dommages résultant de l’annulation du vol aller et du retard du vol retour, à leur verser une indemnisation forfaitaire, à leur rembourser des frais indûment supportés ainsi qu’à réparer leurs préjudices supplémentaires d’ordre tant matériel que moral ( 7 ).

25.

En défense, easyJet a soulevé deux exceptions d’incompétence, à titre liminaire. S’agissant de la première, afférente à la valeur du litige, le Tribunale ordinario di Roma (tribunal de Rome) l’a rejetée. S’agissant de la seconde, afférente à la compétence territoriale, ce tribunal a considéré qu’il convenait de déterminer les règles applicables, en particulier au regard de l’articulation entre l’article 33 de la convention de Montréal et l’article 5 du règlement no 44/2001 (devenu l’article 7 du règlement no 1215/2012) ainsi que de la place éventuellement laissée aux règles nationales de compétence, étant précisé que la résidence des requérants au principal est située dans son propre ressort, tandis que l’aéroport de Fiumicino est situé dans le ressort du Tribunale di Civitavecchia (tribunal de Civitavecchia, Italie).

26.

Dans ce contexte, par décision du 26 février 2018 parvenue à la Cour le 26 mars 2018, le Tribunale ordinario di Roma (tribunal de Rome) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Dans le cas où une partie, ayant subi le retard ou l’annulation d’un vol, demande conjointement, non seulement les indemnisations forfaitaires et uniformisées visées aux articles 5, 7 et 9 du règlement no 261/2004, mais également la réparation du dommage au sens de l’article 12 du même règlement, convient‑il d’appliquer l’article 33 de la convention de Montréal, ou bien la “juridiction compétente” (tant pour ce qui est de la répartition internationale que s’agissant de la compétence interne) est‑elle en tout état de cause régie par l’article 5 du règlement no 44/2001 ?

2)

Dans la première hypothèse visée à la première question, convient‑il d’interpréter l’article 33 de la convention de Montréal en ce sens qu’il ne régit que la répartition de la compétence entre les États, ou bien en ce sens qu’il régit également la compétence territoriale interne à chaque État membre ?

3)

Dans la première hypothèse visée à la deuxième question, l’application de l’article 33 de la convention de Montréal est‑elle “exclusive” et fait‑elle obstacle à l’application de l’article 5 du règlement no 44/2001, ou bien les deux dispositions peuvent‑elles être appliquées conjointement, de manière à déterminer directement tant la compétence de l’État que la compétence territoriale interne de ses juridictions ? »

27.

Des observations écrites ont été fournies à la Cour par M. Guaitoli e.a., par easyJet, par le gouvernement italien ainsi que par la Commission européenne. Il n’a pas été tenu d’audience de plaidoiries.

IV. Analyse

A.   Observations liminaires

28.

Avant d’examiner le fond des trois questions soumises par la juridiction de renvoi, tel qu’exposé ci‑dessus ( 8 ), j’estime utile de faire mention de considérations tirées de la jurisprudence de la Cour qui concernent l’ensemble de ces questions.

29.

Tout d’abord, s’agissant de l’interprétation de la convention de Montréal, je rappelle que les dispositions de celle‑ci font partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union ( 9 ), de sorte que la Cour est compétente pour statuer sur son interprétation, dans le respect des règles du droit international qui s’imposent à l’Union, et en particulier de l’article 31 de la convention de Vienne ( 10 ), selon lequel un traité doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte et à la lumière tant de son objet que de son but ( 11 ). En outre, eu égard à l’objet de la convention de Montréal, qui est d’unifier les règles relatives au transport aérien international, la Cour a déjà jugé que les concepts figurant dans cette convention sans être définis par celle‑ci « doivent recevoir une interprétation uniforme et autonome, nonobstant les sens différents donnés à ces concepts dans les droits internes des États parties à cette convention» ( 12 ).

30.

Ensuite, je souligne que même si la juridiction de renvoi a formellement visé l’article 5 du règlement no 44/2001 dans l’intégralité de sa décision, et spécialement dans ses première et troisième questions préjudicielles, il convient de se référer aux dispositions de teneur équivalente qui figurent à l’article 7 du règlement no 1215/2012 ( 13 ), lequel est applicable ratione temporis dans le cas d’espèce ( 14 ). À cet égard, je souligne qu’il est de jurisprudence constante que la Cour peut être amenée, en vue de donner une réponse utile aux juges nationaux, à prendre en considération des normes du droit de l’Union auxquelles ils n’ont pas fait référence dans l’énoncé de leurs questions préjudicielles ( 15 ).

31.

Ces observations de portée générale ayant été faites, il convient à présent d’analyser successivement chacune des questions posées dans la présente affaire.

B.   Sur l’articulation entre la convention de Montréal et le règlement no 1215/2012 en cas d’action en indemnisation relevant tant de cette convention que du règlement no 261/2004 (première question)

1. Sur l’objet de la première question préjudicielle

32.

En substance, la première question préjudicielle invite la Cour à dire pour droit si, dans le cas où un passager ayant subi un retard ou l’annulation d’un vol international demande en justice non seulement l’indemnisation forfaitaire et le remboursement des frais prévus aux articles 5, 7 et 9 du règlement no 261/2004, mais également la réparation de dommages complémentaires au sens de l’article 12 du même règlement ( 16 ), la juridiction compétente ratione loci doit être identifiée en faisant application de l’article 33 de la convention de Montréal et/ou de l’article 7 du règlement no 1215/2012.

33.

Proposant une réponse commune aux trois questions préjudicielles, M. Guaitoli e.a. affirment que tant l’article 33 de la convention de Montréal que l’article 7 du règlement no 1215/2012 dictent uniquement les critères de rattachement permettant de déterminer l’État membre dans lequel le litige doit être tranché, et non la juridiction territorialement compétente ( 17 ). En revanche, easyJet soutient que l’article 33 de cette convention est à prendre en considération chaque fois qu’un passager demande la réparation du dommage résultant du retard d’un vol sur le fondement de celle‑ci. Selon le gouvernement italien, la compétence du juge saisi doit être appréciée en appliquant, d’une part, le règlement no 1215/2012 s’agissant de la demande d’indemnisation fondée sur le règlement no 261/2004 et, d’autre part, la convention de Montréal s’agissant de la demande de réparation des dommages découlant du manquement au contrat de transport en cause. De même, la Commission considère que la compétence judiciaire doit être régie, d’une part, par l’article 7, point 1, sous b), du règlement no 1215/2012 pour la partie de l’action qui vise à obtenir les indemnisations résultant du règlement no 261/2004, et d’autre part, par l’article 33 de la convention de Montréal pour la partie de l’action qui vise à obtenir en sus une indemnisation complémentaire pour des dommages résultant d’un retard et relevant du champ d’application de cette convention.

34.

Je partage ces derniers points de vue. Avant d’exposer comment il conviendrait selon moi, dans une procédure telle que celle au principal, de faire une application distributive des règles de compétence prévues respectivement par le règlement no 1215/2012 et par l’article 33 de la convention de Montréal, j’estime indispensable de retracer la façon dont s’articulent les règles de droit matériel relatives à la responsabilité des transporteurs aériens qui figurent respectivement dans le règlement no 261/2004 et dans cette convention. En effet, c’est de la combinaison des régimes de responsabilité prévus par ces deux derniers instruments que découle, à mon avis, corrélativement la nécessité d’appliquer en parallèle les règles de compétence édictées par le règlement no 1215/2012 et celles édictées par l’article 33 de ladite convention.

2. Sur les deux régimes juridiques de responsabilité du transporteur aérien applicables dans un litige tel que celui au principal

35.

Ainsi que l’indique la majorité des intéressés ayant déposé des observations dans la présente affaire, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour qu’il existe deux régimes de responsabilité du transporteur aérien à l’égard des passagers, le premier fondé sur le règlement no 261/2004 et le second fondé sur la convention de Montréal, lesquels sont l’un et l’autre susceptibles de s’appliquer dans le litige au principal.

36.

Je rappelle que la Cour a itérativement jugé que les droits fondés respectivement sur les dispositions du règlement no 261/2004 et sur celles de la convention de Montréal relèvent de « cadres réglementaires » différents. Elle a mis en exergue que le règlement no 261/2004 instaure un régime de réparation standardisée et immédiate ( 18 ), à l’égard des préjudices que constituent les désagréments dus aux retards et aux annulations de vol, qui s’inscrit en amont du dispositif prévu par la convention de Montréal et est donc autonome par rapport au régime issu de celle‑ci ( 19 ).

37.

À la différence des dispositions du règlement no 261/2004, les articles 19 et suivants de la convention de Montréal régissent les conditions dans lesquelles, en cas de retard d’un vol, les passagers concernés peuvent engager des actions visant à obtenir une réparation de préjudices individuels, sous forme de dommages‑intérêts, ce qui exige une appréciation au cas par cas de l’ampleur des dommages causés et ne peut, en conséquence, que faire l’objet d’une indemnisation a posteriori et individualisée ( 20 ).

38.

L’article 1er du règlement no 261/2004 souligne le caractère minimal des droits que celui‑ci institue au profit des passagers aériens. En outre, son article 12 prévoit, d’une part, que ce règlement s’applique sans préjudice de leur droit à une indemnisation complémentaire sur la base d’autres instruments ( 21 ) et, d’autre part, que l’indemnisation accordée en vertu dudit règlement peut être déduite d’une telle indemnisation ( 22 ). Dès lors, un juge national a la faculté de condamner le transporteur aérien à indemniser les passagers de la totalité du préjudice qu’ils ont subi en raison du manquement de celui‑ci à ses obligations contractuelles, sur la base d’un fondement juridique distinct du règlement no 261/2004, notamment en application de la convention de Montréal ou bien de règles de droit national ( 23 ). La Cour a précisé que, de même qu’en vertu des dispositions du chapitre III de ladite convention, le préjudice susceptible d’une indemnisation « complémentaire » en application de l’article 12 dudit règlement peut être un préjudice de nature tant matérielle que morale ( 24 ).

39.

Plus particulièrement, en l’espèce, il est acquis que le droit à une indemnisation forfaitaire et uniformisée du passager à la suite de l’annulation ou du retard important d’un vol, qui est tiré des articles 5 à 7 du règlement no 261/2004 ( 25 ), constitue un droit indépendant de la réparation individualisée du dommage causé par le retard d’un vol pouvant être sollicitée dans le cadre de l’article 19 de la convention de Montréal ( 26 ).

40.

En outre, la Cour a jugé que lorsqu’un transporteur aérien manque aux obligations de prise en charge des frais lui incombant en vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous b), et de l’article 9 du règlement no 261/2004, un passager peut demander une indemnisation fondée sur ces dispositions, sans qu’une telle demande de respect par équivalent desdites obligations puisse être comprise comme visant à obtenir des dommages‑intérêts destinés à compenser, à titre de réparation individualisée, un dommage résultant de l’annulation du vol concerné dans les conditions prévues par la convention de Montréal. En effet, les prétentions des passagers aériens fondées sur les droits qui leur sont conférés par ledit règlement ne sauraient être considérées comme relevant d’une « indemnisation complémentaire », au sens de l’article 12 de celui‑ci ( 27 ).

41.

Après ce rappel nécessaire des principaux enseignements de la jurisprudence relative à l’articulation entre les règles matérielles figurant respectivement dans le règlement no 261/2004 et dans la convention de Montréal, il convient à présent de se pencher sur le point de savoir quelles dispositions doivent être appliquées afin d’identifier la juridiction compétente pour examiner les différents chefs de demande formulés dans la procédure au principal, lesquels présentent la particularité de relever à la fois du règlement no 261/2004 et de la convention de Montréal.

3. Sur les règles de compétence applicables en fonction du fondement des divers chefs de demande formulés au titre de la responsabilité du transporteur aérien

42.

Pour les motifs qui vont suivre, je considère que dans le cas d’une action en réparation de nature mixte, telle que celle du litige au principal, la juridiction compétente doit être déterminée, d’une part, en vertu des dispositions pertinentes du règlement no 1215/2012 s’agissant des chefs de demande régis par le règlement no 261/2004 et, d’autre part, en vertu de l’article 33 de la convention de Montréal s’agissant des chefs de demande régis par cette convention. J’aborderai en outre les conséquences pratiques de l’interprétation ainsi proposée.

a) Sur les règles de compétence applicables aux chefs de demande relevant du règlement no 261/2004

43.

La Cour a déjà affirmé que, « dans la mesure où les droits fondés respectivement sur les dispositions du règlement no 261/2004 et les stipulations de la convention de Montréal relèvent de cadres réglementaires différents, les règles de compétence internationale prévues par cette convention ne trouvent pas à s’appliquer aux demandes introduites sur le fondement du seul règlement no 261/2004, ces dernières devant être examinées au regard du règlement no 44/2001» ( 28 ). La formule soulignée par mes soins pouvait laisser penser, comme l’indique la juridiction de renvoi, que cette analyse ne valait peut‑être que pour les actions fondées uniquement sur les dispositions du règlement no 261/2004.

44.

Cependant, les considérations retenues dans cette jurisprudence sont, à mon avis, pertinentes mutatis mutandis à l’égard d’un litige tel que celui au principal, dans lequel les prétentions des requérants sont fondées à la fois en partie sur les dispositions du règlement no 261/2004 et en partie sur d’autres règles de droit. En effet, l’existence de cadres réglementaires différents implique aussi en ce cas que des règles de compétence internationale différentes soient applicables aux droits tirés respectivement du règlement no 261/2004 et de la convention de Montréal ( 29 ).

45.

Il en résulte selon moi que la compétence internationale d’une juridiction d’un État membre pour statuer sur la première partie desdites prétentions dépend des dispositions appropriées du règlement no 44/2001 ou plutôt, en l’occurrence, du règlement no 1215/2012, qui est applicable ratione temporis, et non de l’article 33 de ladite convention. En d’autres termes, je suis d’avis que, s’agissant des chefs de demande tendant à obtenir une indemnisation forfaitaire et le remboursement de frais qui ont pour fondement juridique les dispositions du règlement no 261/2004, la juridiction saisie doit apprécier sa propre compétence au regard du règlement no 1215/2012, et plus particulièrement, dans le litige au principal, au regard des articles 4 et 7 de ce dernier ( 30 ).

46.

Je rappelle qu’en vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, un défendeur domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait devant les juridictions de cet État membre. Toutefois, l’article 7, point 1, de ce règlement énonce une règle de compétence spéciale en matière contractuelle, qui permet au demandeur d’opter pour un autre facteur de rattachement, à savoir celui du lieu d’exécution de l’obligation sur laquelle la demande est fondée, réputé être, selon ledit point 1, sous b), le lieu où le service concerné a été ou aurait dû être fourni. Comme l’évoque la juridiction de renvoi dans sa première question préjudicielle, la Cour a jugé que cette règle détermine la juridiction compétente tant au niveau international qu’au niveau interne ( 31 ). S’agissant en particulier des services de transport aérien international, elle a interprété ladite disposition en ce sens que le demandeur a le choix entre le tribunal dans le ressort duquel se trouve le lieu de départ ou le lieu d’arrivée de l’avion, tels que ces lieux sont convenus dans le contrat concerné ( 32 ).

b) Sur les règles de compétence applicables aux chefs de demande relevant de la convention de Montréal

47.

À l’instar d’easyJet, du gouvernement italien et de la Commission, je considère qu’en ce qui concerne les actions fondées sur la convention de Montréal ou plus exactement, en l’occurrence, les chefs de demande couverts par le champ d’application de cette convention, les règles de compétence applicables sont celles figurant à l’article 33 de celle‑ci ( 33 ).

48.

En effet, l’application de l’article 33 de la convention de Montréal est possible au regard des dispositions du règlement no 1215/2012 qui gouvernent les relations avec les autres instruments régissant la compétence judiciaire sur le territoire de l’Union, à savoir l’article 67 et l’article 71, paragraphe 1, de ce règlement. Ces derniers permettent l’application de règles de compétence judiciaire portant sur des matières particulières, parmi lesquelles figurent sans nul doute le transport aérien, qui sont contenues respectivement dans des actes de l’Union ou bien dans des conventions auxquelles les États membres sont parties. Or, la convention de Montréal fait désormais partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union ( 34 ) et bénéficie même, dans les domaines couverts par son propre champ d’application, de la primauté sur les actes de droit de l’Union dérivé, tels que le règlement no 261/2004 ( 35 ).

49.

Partant, j’estime que, en présence d’une action relevant en partie des dispositions de la convention de Montréal, et plus particulièrement de son article 19 relatif à la réparation des dommages causés par le retard d’un vol ( 36 ), la juridiction saisie doit déterminer sa compétence pour statuer sur cette partie de l’action au regard de l’article 33 de ladite convention, lequel permet au demandeur de choisir d’assigner le transporteur aérien concerné, dans le territoire d’un des États parties, soit devant le tribunal dans le ressort duquel est situé le domicile de ce transporteur ou un autre facteur de rattachement assimilé ( 37 ), soit devant le tribunal dans le ressort duquel se trouve le lieu de destination du vol concerné.

c) Sur les conséquences pratiques de l’interprétation proposée

50.

Il résulte de ce qui précède que dans le cadre d’une action en responsabilité d’un transporteur aérien telle que celle au principal, la juridiction saisie doit, à mon avis, apprécier sa propre compétence en faisant une application distributive, d’une part, de l’article 4, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 7, point 1, du règlement no 1215/2012 s’agissant des chefs de demande fondés sur les dispositions du règlement no 261/2004 et, d’autre part, de l’article 33 de la convention de Montréal s’agissant des chefs de demande relevant de l’article 19 de celle‑ci.

51.

Je souligne que, dans l’hypothèse où la Cour adopterait l’interprétation ainsi proposée, le risque de dispersion, entre des juridictions d’États différents, de la compétence judiciaire pour statuer sur une telle action de nature hybride serait, à mon sens, relativement limité en pratique. En effet, il peut être constaté qu’il existe deux critères de compétence judiciaire qui sont communs au règlement no 1215/2012 et à la convention de Montréal, à savoir non seulement le lieu du domicile du défendeur, mais aussi le lieu de destination du vol ( 38 ), critères entre lesquels les passagers peuvent librement choisir ( 39 ), lorsqu’ils assignent un transporteur aérien, de façon à permettre que tous les chefs de leur demande soient traités par une seule et même juridiction. De surcroît, le jeu éventuel des règles de connexité prévues à l’article 30 du règlement no 1215/2012 pourrait permettre d’éviter l’existence de procédures judiciaires multiples, voire concurrentes.

52.

Au vu de l’ensemble de ces considérations, il convient selon moi de répondre à la première question posée que, lorsqu’une action intentée par des passagers aériens vise à obtenir, d’une part, le respect des droits forfaitaires et uniformisés résultant des articles 5, 7, 9 et 12 du règlement no 261/2004, ainsi que, d’autre part, la réparation d’un préjudice complémentaire relevant du champ d’application de la convention de Montréal, la juridiction d’un État membre saisie doit apprécier sa compétence, pour le premier volet de ces prétentions, au regard des dispositions pertinentes du règlement no 1215/2012 et, pour le second volet, au regard de l’article 33 de cette convention.

C.   Sur la détermination par l’article 33, paragraphe 1, de la convention de Montréal tant de la compétence internationale que de la compétence territoriale interne (deuxième question)

1. Sur l’objet de la deuxième question préjudicielle

53.

La deuxième question préjudicielle est soumise à la Cour dans l’hypothèse où elle répondrait à la première question en ce sens que, comme je l’ai proposé ci‑dessus, l’article 33 de la convention de Montréal est applicable pour déterminer la compétence judiciaire, en des circonstances telles que celles du litige au principal, s’agissant des chefs de demande visant la réparation individualisée d’un préjudice qui sont couverts par cette convention, et non par le règlement no 261/2004.

54.

En substance, la Cour est interrogée, de façon inédite, sur le point de savoir si, dans cette hypothèse, ledit article 33, et plus particulièrement le paragraphe 1 de ce dernier ( 40 ), a pour objet de répartir la compétence ratione loci, en présence d’un litige transfrontalier, seulement au niveau international, c’est‑à‑dire entre les États parties à ladite convention, ou bien également au niveau interne, c’est‑à‑dire entre les juridictions de chacun de ces États.

55.

Le Tribunale ordinario di Roma (tribunal de Rome) émet des doutes au sujet de l’interprétation de l’article 33 de la convention de Montréal apparemment retenue par la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie) ( 41 ), selon laquelle cette disposition se bornerait à désigner l’État partie dont l’ordre juridique est compétent, dans les litiges transfrontaliers, sans affecter l’application des règles nationales en vigueur dans cet État, s’agissant de la détermination de la juridiction compétente à l’intérieur de celui‑ci.

56.

Ledit tribunal indique que si cette interprétation est correcte, la mise en œuvre des règles de procédure italiennes conduirait à ce qu’il soit lui‑même déclaré compétent pour trancher le litige au principal ( 42 ). En revanche, si cet article 33 était interprété en ce sens qu’il détermine directement la juridiction compétente au sein de chaque État partie, sans préjudice de l’application du droit procédural national pour le surplus, la compétence serait alors dévolue au Tribunale di Civitavecchia (tribunal de Civitavecchia), dans le ressort duquel se trouve l’aéroport de départ du vol aller et d’arrivée du vol retour.

57.

L’opposition entre les deux approches susmentionnées, qui est présente dans la jurisprudence d’autres États parties à la convention de Montréal ( 43 ), ressort aussi des observations déposées dans la présente affaire. En effet, M. Guaitoli e.a. ainsi que le gouvernement italien soutiennent que l’article 33 de la convention de Montréal régit uniquement la répartition de la compétence judiciaire entre les États signataires ( 44 ), tandis qu’easyJet et la Commission estiment que les critères définis à cette disposition ont vocation à déterminer aussi la compétence territoriale interne au sein de chaque État. Je suis également de ce dernier avis, pour les raisons ci‑dessous, qui suivent les règles d’interprétation susmentionnées ( 45 ).

2. Sur l’interprétation littérale

58.

S’agissant du libellé de l’article 33 de la convention de Montréal, je souligne que seules font foi les six versions linguistiques de cet instrument ayant été qualifiées d’« authentiques », parmi lesquelles figurent trois versions correspondant à des langues officielles de l’Union, à savoir l’anglais, l’espagnol et le français ( 46 ). Il en résulte que les considérations présentées, dans la présente affaire, au regard spécifiquement de la traduction en langue italienne dudit article 33 ne sauraient être déterminantes.

59.

Par ailleurs, je rappelle que les notions contenues dans la convention de Montréal doivent faire l’objet d’une interprétation uniforme et autonome, de sorte que la Cour doit tenir compte, lorsqu’elle interprète ces notions à titre préjudiciel, non pas des divers sens ayant pu leur être donnés dans les droits internes des États membres de l’Union, mais des règles d’interprétation du droit international général qui s’imposent à celle‑ci ( 47 ).

60.

En l’occurrence, il m’apparaît que, contrairement à ce que soutient le gouvernement italien et ce que semble avoir estimé la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) ( 48 ), l’intitulé qui coiffe l’article 33 de la convention de Montréal, à tout le moins dans ses versions en langues anglaise, espagnole et française ( 49 ), ne tend pas à signifier que les rédacteurs de cette disposition ont voulu réduire la portée des règles contenues dans celle‑ci à la répartition de la compétence judiciaire seulement au niveau des États parties. Bien au contraire, j’estime que, en particulier, l’expression « Juridiction compétente » ayant été adoptée dans la version en langue française évoque plutôt une attribution de la compétence non pas à un État mais à une « juridiction », terme usuellement employé dans cette langue pour désigner de façon générique tout type d’organe exerçant le pouvoir juridictionnel.

61.

Ma conviction est confortée par la formulation du paragraphe 1 ( 50 ) dudit article 33, au moins dans ses versions en langues anglaise, espagnole et française. En effet, à l’instar de la juridiction de renvoi, d’easyJet et de la Commission, je constate que cette disposition procède à l’attribution de la compétence à une juridiction spécifique en suivant différentes étapes. Tout d’abord, ce paragraphe 1 cible « le territoire d’un des États parties» ( 51 ), puis il précise quelle juridiction, parmi celles siégeant dans ce territoire, peut se déclarer compétente ratione loci, en faisant usage d’une expression au singulier, « le tribunal» ( 52 ), et non au pluriel, à deux reprises ( 53 ), afin d’énoncer les différents critères de rattachement sur lesquels le demandeur peut fonder son action en responsabilité, critères qui en outre désignent chacun un lieu bien précis ( 54 ).

62.

Or, l’usage d’une telle terminologie n’est pas anodin, ainsi que cela a été mis en exergue dans un contexte similaire, celui de la convention de Bruxelles ( 55 ), laquelle contient également des règles de compétence judiciaire applicables aux actions en responsabilité civile. Un libellé de ce type tend à permettre au demandeur de saisir directement l’un des tribunaux désignés de cette façon, sans devoir prendre en considération les règles internes de compétence géographique en vigueur dans l’État concerné et y compris dans le cas où l’application de ces dernières n’auraient pas accordé de compétence à ce for ( 56 ).

63.

La Cour a d’ailleurs interprété des dispositions du droit de l’Union régissant la compétence judiciaire qui sont libellées de façon analogue à celle visée dans la présente question préjudicielle, à savoir énonçant un critère de rattachement à une juridiction formulé au singulier, en ce sens qu’elles « détermin[e]nt tant la compétence internationale que la compétence territoriale » et « vise[nt] à unifier les règles de conflits de juridictions et, partant, à désigner directement le for compétent sans renvoyer aux règles internes des États membres» ( 57 ). Il doit, à mon avis, en aller de même en l’occurrence ( 58 ).

64.

En définitive, j’estime, comme la juridiction de renvoi, easyJet et la Commission, que si l’article 33, paragraphe 1, de la convention de Montréal avait vraiment eu pour objet de fixer uniquement la compétence des juridictions d’un État partie prises dans leur ensemble, en laissant à l’État désigné la liberté de déterminer le tribunal territorialement compétent en vertu de ses règles internes, comme le suggèrent M. Guaitoli e.a. ainsi que le gouvernement italien, les rédacteurs de cette disposition auraient sans aucun doute opté pour d’autres formulations plus adaptées à cette fin.

3. Sur l’interprétation téléologique

65.

Au regard des objectifs déclarés de la convention de Montréal et des objectifs apparents de son article 33, paragraphe 1, j’estime que l’interprétation de cette disposition que je propose est mieux à même de participer à la réalisation desdits objectifs que ne le serait l’interprétation inverse.

66.

En effet, la Cour a déjà itérativement relevé qu’il ressort du préambule de la convention de Montréal ( 59 ) que les États parties à celle‑ci ont eu pour principales finalités non seulement « d’assurer la protection des intérêts des consommateurs dans le transport aérien international », mais aussi « d’harmoniser davantage et de codifier certaines règles régissant [ce transport, afin de] réaliser un équilibre équitable des intérêts » en présence, notamment en ce qui concerne les intérêts des transporteurs aériens et ceux des passagers ( 60 ).

67.

En l’occurrence, si l’article 33, paragraphe 1, de ladite convention était interprété en ce sens que les règles y figurant attribuent la compétence judiciaire uniquement à l’un des États parties, et non directement à un tribunal déterminé, cela ne serait pas en adéquation, selon moi, avec le souhait d’une unification renforcée ayant été exprimé par les auteurs de cet instrument ( 61 ), dessein qui suppose d’éviter autant que possible un renvoi aux différentes législations nationales. De surcroît, j’estime qu’une telle interprétation ne permettrait pas suffisamment de protéger les intérêts des consommateurs, tout en offrant un équilibre équitable avec les intérêts des transporteurs aériens.

68.

À cet égard, je souligne que l’adoption de règles désignant de façon directe le tribunal territorialement compétent a généralement pour finalités, d’une part, de faciliter la mise en œuvre de ces règles tant par les autorités des États que par les justiciables concernés et, d’autre part, de garantir une proximité adéquate entre ce tribunal et l’objet du litige à trancher ( 62 ). En outre, je considère que des règles de ce type assurent, dans l’intérêt des demandeurs comme des défendeurs, une plus grande prévisibilité et une meilleure sécurité juridique que lorsque tous les tribunaux d’un État sont susceptibles d’être compétents, et, partant, les plaideurs doivent analyser les normes internes pour identifier lequel de ces tribunaux est territorialement compétent ( 63 ). Or, il me semble raisonnable de considérer que telles ont été les intentions des rédacteurs dudit article 33, paragraphe 1, lorsqu’ils ont choisi la formulation susmentionnée. Partant, l’effet utile de cette disposition pourrait, à mon avis, être altéré en cas d’interprétation opposée à celle que je préconise.

4. Sur l’interprétation contextuelle

69.

La manière dont je recommande d’interpréter l’article 33, paragraphe 1, de la convention de Montréal n’entre selon moi aucunement en contradiction avec le contexte dans lequel cette disposition s’inscrit.

70.

À ce titre, je note que le gouvernement italien invoque la jurisprudence précitée de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) ( 64 ), selon laquelle le paragraphe 1 dudit article 33 devrait régir uniquement la répartition de la compétence entre les États parties à la convention de Montréal, notamment, en raison du contenu du paragraphe 4 de ce même article, aux termes duquel « [l]a procédure sera régie selon le droit du tribunal saisi de l’affaire» ( 65 ). Ce gouvernement déduit de cette dernière disposition que le soin est laissé aux États parties, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de régir tout domaine procédural n’étant pas expressément réglementé par cette convention et qu’il faudrait donc faire application des règles de procédure internes visant à déterminer quel est le tribunal national territorialement compétent.

71.

Dans le même esprit, M. Guaitoli e.a. font valoir, en substance, que si les auteurs de l’article 33 de la convention de Montréal avaient eu la volonté de réglementer la compétence territoriale interne de chaque État partie, ils auraient dû édicter des dispositions régissant également la compétence liée à la valeur des litiges, mais que ces auteurs ont omis de le faire.

72.

Toutefois, ces arguments doivent être écartés selon moi. En effet, à l’instar de la juridiction de renvoi et d’easyJet, j’estime qu’il convient d’interpréter le paragraphe 1 dudit article 33, lu en combinaison avec le paragraphe 4 de celui‑ci, en ce sens que cette première disposition a expressément pour objet de régir la compétence ratione loci non seulement au niveau des États parties, mais également au niveau de leurs juridictions, sans préjudice de l’application des règles de droit en vigueur dans l’État où siège le tribunal saisi en ce qui concerne le reste des questions d’ordre procédural.

73.

En d’autres termes, je suis d’avis que le renvoi au droit national qui est opéré à l’article 33, paragraphe 4, de la convention de Montréal doit être compris comme étant résiduel, en ce qu’il vise des règles de nature procédurale distinctes des critères de rattachement unifiés régissant la compétence ratione loci qui sont édictés à ce paragraphe 1. L’objet des autres renvois à la loi du tribunal saisi qui sont faits aux articles 35 et 45 de cette convention ( 66 ) me conforte dans mon opinion.

74.

En vertu de l’autonomie qui est ainsi laissée en matière procédurale aux États parties à ladite convention, ceux‑ci restent libres, à mon sens, de définir l’étendue du ressort géographique et matériel des juridictions siégeant sur leur territoire ( 67 ). Je précise que cette autonomie devrait cependant, selon moi, être encadrée par la nécessité de ne pas remettre en cause les objectifs de cette convention et de ne pas priver les dispositions de celle‑ci de leur effet utile par le jeu des règles découlant de la lex fori ( 68 ).

75.

Par conséquent, il y a lieu, à mon avis, de répondre à la deuxième question préjudicielle que l’article 33, paragraphe 1, de la convention de Montréal doit être interprété en ce sens qu’il régit, aux fins des actions en réparation d’un préjudice relevant du champ d’application de cette convention ( 69 ), non seulement la répartition de la compétence judiciaire entre les États parties à celle‑ci, mais également la répartition de la compétence territoriale entre les juridictions de chacun de ces États.

D.   Sur l’application de la convention de Montréal de façon exclusive ou de façon conjointe avec le règlement no 1215/2012 (troisième question)

76.

La troisième question préjudicielle est posée au cas où la Cour jugerait, contrairement à ma proposition ci‑dessus, que l’article 33 de la convention de Montréal, applicable lorsque l’action engagée est couverte par les dispositions de celle‑ci, a vocation à régir uniquement la répartition de la compétence judiciaire entre les États parties à cette convention.

77.

Le Tribunale ordinario di Roma (tribunal de Rome) demande en substance si, dans ce cas de figure, il faudrait appliquer l’article 33 de ladite convention exclusivement, de sorte que celui‑ci ferait obstacle à l’application de l’article 7 du règlement no 1215/2012, ou bien appliquer ces deux dispositions simultanément, afin de déterminer directement tant la compétence judiciaire d’un État donné que la compétence territoriale de l’une des juridictions siégeant dans ce dernier.

78.

Ce tribunal précise que, en cas d’application exclusive de la convention de Montréal et de détermination de la compétence territoriale interne par les législations nationales, conformément à l’interprétation donnée par la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) ( 70 ), il serait alors compétent pour trancher le litige au principal. À l’inverse, en cas d’application conjointe de cette convention, pour répartir la compétence entre les États, et dudit règlement, à titre complémentaire pour déterminer la compétence interne, le Tribunale di Civitavecchia (tribunal de Civitavecchia) serait compétent.

79.

Cependant, eu égard aux éléments de réponse que j’ai proposés au titre des deux premières questions concernant la façon dont doit s’opérer l’articulation entre la convention de Montréal et le règlement no 1215/2012, je considère qu’il n’y a pas lieu de répondre à la troisième question, devenue sans objet, ni même de formuler de plus amples observations au sujet de celle‑ci.

V. Conclusion

80.

Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Tribunale ordinario di Roma (tribunal de Rome, Italie) de la manière suivante :

1)

Lorsqu’une action intentée par des passagers aériens vise à obtenir, d’une part, le respect des droits forfaitaires et uniformisés résultant des articles 5, 7, 9 et 12 du règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91, ainsi que, d’autre part, la réparation d’un préjudice complémentaire relevant du champ d’application de la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, conclue à Montréal le 28 mai 1999 et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2001/539/CE du Conseil, du 5 avril 2001, la juridiction d’un État membre saisie doit apprécier sa compétence, pour le premier volet de ces prétentions, au regard des dispositions pertinentes du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, et, pour le second volet, au regard de l’article 33 de cette convention.

2)

L’article 33, paragraphe 1, de la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, conclue à Montréal le 28 mai 1999, doit être interprété en ce sens qu’il régit, aux fins des actions en réparation d’un préjudice relevant du champ d’application de cette convention, non seulement la répartition de la compétence judiciaire entre les États parties à celle‑ci, mais également la répartition de la compétence territoriale entre les juridictions de chacun de ces États.


( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) JO 2001, L 194, p. 39. Cette convention, conclue à Montréal le 28 mai 1999, a été approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2001/539/CE du Conseil, du 5 avril 2001 (JO 2001, L 194, p. 38).

( 3 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1).

( 4 ) Je précise que les questions préjudicielles visent le règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1), mais que le règlement no 1215/2012 est applicable au litige au principal (voir point 16 des présentes conclusions).

( 5 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91 (JO 2004, L 46, p. 1).

( 6 ) Voir point 24 des présentes conclusions.

( 7 ) Plus précisément, selon cette juridiction, M. Guaitoli e.a. demandent qu’easyJet soit condamnée, en vertu des « articles 5, 7, 9 et 12 du règlement [no 261/2004, à leur verser, d’une part,] les indemnisations, les remboursements de frais et la réparation du préjudice supplémentaire résultant de l’annulation du vol [aller] (chiffrés pour chacun à 815 euros) ainsi que[, d’autre part,] les indemnisations dues en raison du retard du vol [retour] (égales à 250 euros pour chacun des demandeurs) et, partant, [...] au paiement de la somme totale de 7455 euros (soit 1065 [euros] pour chacun des demandeurs), outre la réparation du dommage moral à déterminer en équité ». Les intéressés « incluent dans les chefs de préjudice dont ils demandent réparation (en plus des indemnisations forfaitaires) en raison de l’annulation du vol aller, les frais encourus pour les transferts à partir et vers l’aéroport, pour les repas et pour l’hébergement dont ils n’ont pas bénéficié, le coût journalier de la croisière réservée en partance de Corfou pour un jour payé mais perdu, ainsi que la somme de 200 euros par personne pour la compensation de la journée de vacances perdue et le dommage moral à chiffrer en équité » (souligné par mes soins).

( 8 ) Voir points 1 et suiv. des présentes conclusions.

( 9 ) À compter de la date d’entrée en vigueur rappelée au point 7 des présentes conclusions.

( 10 ) Convention sur le droit des traités, conclue à Vienne le 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331).

( 11 ) Voir, notamment, arrêts du 22 novembre 2012, Espada Sánchez e.a. (C‑410/11, EU:C:2012:747, points 20 à 22) ; du 17 février 2016, Air Baltic Corporation (C‑429/14, EU:C:2016:88, points 23 et 24), ainsi que du 12 avril 2018, Finnair (C‑258/16, EU:C:2018:252, points 19 à 22).

( 12 ) Voir, en ce sens, arrêt du 6 mai 2010, Walz (C‑63/09, EU:C:2010:251, points 21 et 22). Voir aussi, par analogie s’agissant de notions contenues dans le règlement no 44/2001, arrêts du 16 mai 2013, Melzer (C‑228/11, EU:C:2013:305, points 34 et suiv.), ainsi que du 7 mars 2018, flightright e.a. (C‑274/16, C‑447/16 et C‑448/16, EU:C:2018:160, points 56 et 58). Je reviendrai sur les implications de cette jurisprudence en l’occurrence aux points 58 et suiv. des présentes conclusions.

( 13 ) Sur la similitude existant entre les libellés de ces deux articles, en particulier au regard de leurs points 1, et sur le fait que l’interprétation fournie par la Cour s’agissant des dispositions du règlement no 44/2001 vaut aussi pour les dispositions équivalentes du règlement no 1215/2012, voir, notamment, arrêts du 15 juin 2017, Kareda (C‑249/16, EU:C:2017:472, points 8 et 27) ; du 7 mars 2018, flightright e.a. (C‑274/16, C‑447/16 et C‑448/16, EU:C:2018:160, points 13, 57, 61, 70 et 78), ainsi que du 15 novembre 2018, Kuhn (C‑308/17, EU:C:2018:911, point 31).

( 14 ) Voir aussi point 16 des présentes conclusions.

( 15 ) Voir, notamment, arrêts du 22 octobre 2015, Impresa Edilux et SICEF (C‑425/14, EU:C:2015:721, point 20), ainsi que du 19 décembre 2018, AREX CZ (C‑414/17, EU:C:2018:1027, points 34 et 35).

( 16 ) Sur le contenu précis des divers chefs de demande dont la juridiction de renvoi a été saisie, voir note en bas de page 7 des présentes conclusions.

( 17 ) À mes yeux, cette argumentation est pertinente plus pour la deuxième question préjudicielle, qui sera examinée aux points 53 et suiv. des présentes conclusions, que pour la première question.

( 18 ) C’est‑à‑dire sans que les passagers aient à supporter les inconvénients inhérents à la mise en œuvre d’une action en dommages‑intérêts portée devant une juridiction nationale.

( 19 ) Voir, notamment, arrêts du 9 juillet 2009, Rehder (C‑204/08, EU:C:2009:439, point 27) ; du 23 octobre 2012, Nelson e.a. (C‑581/10 et C‑629/10, EU:C:2012:657, points 46, 49 à 55, 57 et 74) ; du 22 novembre 2012, Cuadrench Moré (C‑139/11, EU:C:2012:741, point 32), ainsi que du 10 mars 2016, Flight Refund (C‑94/14, EU:C:2016:148, point 46).

( 20 ) Voir, notamment, arrêts du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA (C‑344/04, EU:C:2006:10, point 42 et suiv.) ; du 10 juillet 2008, Emirates Airlines (C‑173/07, EU:C:2008:400, point 42), ainsi que du 22 décembre 2008, Wallentin‑Hermann (C‑549/07, EU:C:2008:771, point 32). À ce sujet, voir Grigorieff, C.‑I., « Le régime d’indemnisation de la convention de Montréal », Revue européenne de droit de la consommation, 2012, no 4, p. 670 et suiv.

( 21 ) Je souligne que l’article 12 du règlement no 261/2004 a pour objet non pas de constituer en soi un fondement juridique permettant d’obtenir une réparation, mais de clarifier l’articulation entre les indemnisations dues en vertu de ce règlement et celles pouvant être sollicitées par ailleurs.

( 22 ) Il en résulte que les passagers peuvent bénéficier à la fois de l’indemnisation standardisée prévue par les dispositions du règlement no 261/2004 et de la réparation de leur préjudice réel en vertu d’autres dispositions, sans toutefois qu’une surcompensation soit permise.

( 23 ) Voir arrêts du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA (C‑344/04, EU:C:2006:10, point 47), ainsi que du 13 octobre 2011, Sousa Rodríguez e.a. (C‑83/10, EU:C:2011:652, points 37 et 38).

( 24 ) Voir arrêts du 6 mai 2010, Walz (C‑63/09, EU:C:2010:251, points 29 et 39), ainsi que du 13 octobre 2011, Sousa Rodríguez e.a. (C‑83/10, EU:C:2011:652, point 41).

( 25 ) Je note qu’il ressort de la décision de renvoi que les requérants au principal ont subi un retard important à l’occasion du vol retour, mais ne se sont pas expressément prévalus de l’article 6 du règlement no 261/2004, lequel prévoit le droit à une prise en charge par le transporteur aérien dans un tel cas de figure. En outre, la Cour a interprété les articles 5, 6 et 7 du même règlement « en ce sens que les passagers de vols retardés peuvent être assimilés aux passagers de vols annulés [et] ainsi invoquer le droit à indemnisation prévu à l’article 7 de ce règlement lorsqu’ils subissent, en raison d’un vol retardé, une perte de temps égale ou supérieure à trois heures » (notamment, arrêts du 19 novembre 2009, Sturgeon e.a., C‑402/07 et C‑432/07, EU:C:2009:716, point 69, ainsi que du 26 février 2013, Folkerts, C‑11/11, EU:C:2013:106, point 32).

( 26 ) Voir, notamment, arrêts du 9 juillet 2009, Rehder (C‑204/08, EU:C:2009:439, point 27) ; du 22 novembre 2012, Cuadrench Moré (C‑139/11, EU:C:2012:741, point 28), ainsi que du 10 mars 2016, Flight Refund (C‑94/14, EU:C:2016:148, point 45).

( 27 ) Voir arrêts du 13 octobre 2011, Sousa Rodríguez e.a. (C‑83/10, EU:C:2011:652, points 38, 42 à 44 et 46), ainsi que du 31 janvier 2013, McDonagh (C‑12/11, EU:C:2013:43, points 19 à 24).

( 28 ) Voir arrêts du 9 juillet 2009, Rehder (C‑204/08, EU:C:2009:439, points 27 et 28), ainsi que du 10 mars 2016, Flight Refund (C‑94/14, EU:C:2016:148, points 43 et 46).

( 29 ) Sur l’application de règles de compétence différentes en fonction de la règle matérielle dont le demandeur se prévaut, voir par analogie, s’agissant d’une action en responsabilité relevant de la « matière contractuelle » et/ou de la « matière délictuelle » au sens de l’article 5 du règlement no 44/2001, mes conclusions dans l’affaire Bosworth et Hurley (C‑603/17, EU:C:2019:65, points 70 à 90).

( 30 ) Je précise que, conformément à l’article 17, paragraphe 3, du règlement no 1215/2012, les règles de compétence spéciales en faveur des consommateurs qui sont prévues par celui‑ci, lesquelles permettent notamment d’assigner le professionnel « devant la juridiction du lieu où le consommateur est domicilié », ne sont pas applicables lorsque le service acheté consiste, comme dans le litige au principal, en un vol ne combinant pas un voyage et un hébergement pour un prix forfaitaire (voir aussi arrêt du 11 avril 2019, Ryanair, C‑464/18, EU:C:2019:311, point 28).

( 31 ) Voir arrêt du 3 mai 2007, Color Drack (C‑386/05, EU:C:2007:262, point 30).

( 32 ) Voir, notamment, arrêts du 7 mars 2018, flightright e.a. (C‑274/16, C‑447/16 et C‑448/16, EU:C:2018:160, points 67 et 68), ainsi que du 11 juillet 2018, Zurich Insurance et Metso Minerals (C‑88/17, EU:C:2018:558, points 15 à 18).

( 33 ) Voir aussi, en ce sens, conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Prüller‑Frey (C‑240/14, EU:C:2015:325, point 29), ainsi que conclusions de l’avocate générale Sharpston dans l’affaire Flight Refund (C‑94/14, EU:C:2015:723, point 52).

( 34 ) Voir aussi point 29 des présentes conclusions.

( 35 ) Voir arrêts du 10 juillet 2008, Emirates Airlines (C‑173/07, EU:C:2008:400, point 43), ainsi que du 22 décembre 2008, Wallentin‑Hermann (C‑549/07, EU:C:2008:771, point 28).

( 36 ) Je précise, eu égard aux circonstances du litige au principal, que cette convention ne contient pas de dispositions relatives à l’annulation d’un vol (voir aussi conclusions de l’avocate générale Sharpston dans l’affaire Emirates Airlines, C‑173/07, EU:C:2008:145, point 58).

( 37 ) À savoir le « siège principal de [l’]exploitation » du transporteur concerné ou « le lieu où [celui‑ci] possède un établissement par le soin duquel le contrat a été conclu ».

( 38 ) À ce dernier égard, se référant en ce sens aux conclusions de l’avocate générale Sharpston dans l’affaire Emirates Airlines (C‑173/07, EU:C:2008:145, points 47 et suiv.), la Commission soutient que la notion de « lieu de destination », au sens de l’article 33 de la convention de Montréal, devrait ne pas être interprétée de façon trop restrictive, si bien que, dans le cas d’un vol aller‑retour, comme dans le litige au principal, la destination du vol retour pourrait aussi en relever. Même si une telle approche me semble correcte, j’observe que l’interprétation de cette notion n’est pas nécessaire dans la présente affaire, dès lors que la juridiction de renvoi n’est en tout état de cause pas susceptible d’être compétente en vertu de ce critère, puisque l’aéroport de Fiumicino n’est pas situé dans son ressort.

( 39 ) Je souligne que, en revanche, le lieu de départ du vol concerné, autre critère de rattachement permis par l’article 7, point 1, du règlement no 1215/2012 tel qu’interprété par la Cour, n’est pas prévu à l’article 33 de la convention de Montréal.

( 40 ) Certes, les trois questions préjudicielles visent « l’article 33 de la convention de Montréal » dans sa globalité. Néanmoins, j’estime qu’il n’y a pas lieu, dans la présente affaire, d’interpréter les paragraphes 2 et 3 de ce dernier, lesquels ne concernent que « les dommages résultant de la mort ou d’une lésion corporelle subie par un passager », au vu tant de l’objet du litige au principal, qui porte sur des préjudices liés à l’annulation et au retard de vols, que des motifs contenus dans la décision de renvoi, qui se réfèrent uniquement au contenu du paragraphe 1 de cet article 33. En revanche, j’évoquerai succinctement la teneur du paragraphe 4 dudit article, à titre d’élément contextuel d’interprétation de son paragraphe 1 (points 70 et suiv. des présentes conclusions).

( 41 ) À cet égard, la juridiction de renvoi fait référence à deux décisions de ladite cour, citées comme suit : « arrêt no 15028/05 et ordonnance no 11183/05 ».

( 42 ) M. Guaitoli e.a. invoquent que l’application du codice di procedura civile (code de procédure civile italien) comme du codice del consumo (code de la consommation italien) conduirait à admettre la compétence du Tribunale ordinario di Roma (tribunal de Rome) en l’espèce, au titre respectivement du lieu où l’obligation litigieuse a pris naissance ou doit être exécutée et du lieu de résidence des consommateurs concernés.

( 43 ) Voir Dettling‑Ott, R., « Article 33 », dans Montreal Convention, sous la direction de Giemulla, E., et Schmid, R., Kluwer, Pays‑Bas, 2010, points 21 et suiv., ainsi que Dettling‑Ott, R., « Artikel 33 », dans Montrealer Übereinkommen, sous la direction de Giemulla, E., et Schmid, R., Luchterhand, Allemagne, 2016, points 21 et suiv.

( 44 ) Le gouvernement italien indique que cette interprétation correspond à la jurisprudence dominante de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation), en visant l’ordonnance no 8901, du 4 mai 2016, aux termes de laquelle « [l]’article 33, paragraphe 1, de la convention de Montréal [...], ainsi que cela ressort avec évidence de son intitulé (“juridiction compétente”), ne traite pas de la compétence matérielle s’agissant des litiges entre passager et transporteur aérien, mais régit [...] la répartition des compétences entre juridictions relevant d’États différents. Cela est confirmé par le paragraphe 4 de cet article, qui prévoit que les litiges entre les transporteurs aériens et les passagers sont “régi[s] selon le droit du tribunal saisi de l’affaire”, y compris, par conséquent, le droit relatif à la répartition des compétences entre les différents tribunaux d’un même État en fonction de la valeur du litige ». M. Guaitoli e.a. citent aussi cette décision et d’autres, comme suit : « Cass. S.U. 6630/1993, Cass. Ord.za 11183/2005, Cass. 15028/2005, Cass. S.U. 13689/2006, Cass. S.U. 22035/2014 et Cass. Ord.za 8901/2016 ».

( 45 ) Voir point 29 des présentes conclusions.

( 46 ) Sur la prise en compte des six versions linguistiques dans lesquelles la convention de Montréal a été établie (à savoir en langues anglaise, arabe, chinoise, espagnole, française et russe), voir arrêts du 6 mai 2010, Walz (C‑63/09, EU:C:2010:251, point 24), ainsi que du 17 février 2016, Air Baltic Corporation (C‑429/14, EU:C:2016:88, points 23 et 31 à 34).

( 47 ) Voir, en ce sens, arrêt du 6 mai 2010, Walz (C‑63/09, EU:C:2010:251, points 21 et 22).

( 48 ) Voir jurisprudence citée à la note en bas de page 44 des présentes conclusions.

( 49 ) À savoir, respectivement, « Jurisdiction », « Jurisdicción » et « Juridiction compétente ». Je précise que l’intitulé choisi pour traduire ledit article 33 en langue italienne (version linguistique, quant à elle, non authentique) est : « Competenza giurisdizionale ».

( 50 ) Paragraphe 1 dont l’interprétation est spécifiquement pertinente dans la présente affaire, pour les raisons indiquées à la note en bas de page 40 des présentes conclusions.

( 51 ) De même, dans les versions en langues anglaise : « the territory of one of the States Parties » et espagnole : « el territorio de uno de los Estados Partes ».

( 52 ) De même, dans les versions en langues anglaise : « the court » et espagnole : « el tribunal ».

( 53 ) Je note que cette formulation reprend celle qui figurait à l’article 28, paragraphe 1, de la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, signée à Varsovie le 12 octobre 1929 (ci‑après la « convention de Varsovie »), que la convention de Montréal a remplacée (voir premier alinéa du préambule et article 55 de cette dernière).

( 54 ) Je rappelle que le demandeur a le choix de saisir « soit [...] le tribunal du domicile du transporteur, du siège principal de son exploitation ou du lieu où il possède un établissement par le soin duquel le contrat a été conclu, soit [...] le tribunal du lieu de destination ».

( 55 ) Convention concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, conclue à Bruxelles le 27 septembre 1968 (JO 1972, L 299, p. 32), à laquelle les règlements no 44/2001 et no 1215/2012 ont succédé.

( 56 ) Voir rapport de M. Jenard sur la convention de Bruxelles (JO 1979, C 59, p. 22), au sujet des « règles de compétence spéciales » figurant, en particulier, à l’article 5, point 1, de celle‑ci, aux termes duquel « [l]e défendeur domicilié sur le territoire d’un État contractant peut être attrait, dans un autre État contractant [...] en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation a été ou doit être exécutée », ce qui contraste avec la règle de compétence générale figurant à son article 2, lequel vise « les juridictions de [l]État [où le défendeur est domicilié] » (souligné par mes soins). Tel est aussi le cas dans les règlements no 44/2001 et no 1215/2012.

( 57 ) Voir, au sujet de l’article 5, point 1, du règlement no 44/2001 (qui équivaut à l’article 5, point 1, de la convention de Bruxelles), arrêt du 3 mai 2007, Color Drack (C‑386/05, EU:C:2007:262, point 30), et, au sujet de l’article 3, sous b), du règlement (CE) no 4/2009 du Conseil, du 18 décembre 2008, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires (JO 2009, L 7, p. 1), arrêt du 18 décembre 2014, Sanders et Huber (C‑400/13 et C‑408/13, EU:C:2014:2461, point 30).

( 58 ) Sur la place résiduelle qui est laissée aux règles internes de procédure par l’article 33, paragraphe 4, de la convention de Montréal, voir points 70 et suiv. des présentes conclusions.

( 59 ) Plus précisément, au vu des troisième et cinquième alinéas dudit préambule.

( 60 ) Voir arrêts du 6 mai 2010, Walz (C‑63/09, EU:C:2010:251, points 30 et suiv.) ; du 22 novembre 2012, Espada Sánchez e.a. (C‑410/11, EU:C:2012:747, points 29 et 30) ; du 17 février 2016, Air Baltic Corporation (C‑429/14, EU:C:2016:88, points 38 et 48), ainsi que du 12 avril 2018, Finnair (C‑258/16, EU:C:2018:252, points 34 et 43).

( 61 ) Étant observé que la convention de Montréal tend à harmoniser un maximum d’aspects, à la fois de droit matériel et de compétence, dans le domaine couvert par son champ d’application.

( 62 ) Dans le même sens, voir rapport de M. Jenard sur la convention de Bruxelles (p. 22), op. cit. note en bas de page 56.

( 63 ) Voir par analogie, au sujet de l’article 5, point 1, du règlement no 44/2001 et de l’article 7, point 1, du règlement no 1215/2012, arrêts du 3 mai 2007, Color Drack (C‑386/05, EU:C:2007:262, points 22 à 30) ; du 9 juillet 2009, Rehder (C‑204/08, EU:C:2009:439, point 45) ; du 7 mars 2018, flightright e.a. (C‑274/16, C‑447/16 et C‑448/16, EU:C:2018:160, points 70 à 75) ; du 11 juillet 2018, Zurich Insurance et Metso Minerals (C‑88/17, EU:C:2018:558, points 15 à 24), ainsi que du 4 octobre 2018, Feniks (C‑337/17, EU:C:2018:805, point 44).

( 64 ) Voir note en bas de page 44 des présentes conclusions.

( 65 ) Dans les versions de ce paragraphe 4 en langue anglaise : « [q]uestions of procedure shall be governed by the law of the court seised of the case » et en langue espagnole : « [l]as cuestiones de procedimiento se regirán por la ley del tribunal que conoce el caso ». La formule choisie pour traduire cette disposition en langue italienne (version linguistique, quant à elle, non authentique) est : « [s]i applicano le norme procedurali del tribunale adito ». Par ailleurs, l’article 28, paragraphe 2, de la convention de Varsovie énonçait déjà : « La procédure sera réglée par la loi du tribunal saisi ».

( 66 ) Respectivement, au titre du calcul du délai de recours et au titre tant des effets d’un appel en intervention que de la procédure qui lui est applicable.

( 67 ) De sorte que ces États pourraient, par exemple, instituer des juridictions spécialisées. Voir, par analogie, s’agissant du règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000 (JO 2003, L 338, p. 1), arrêt du 9 janvier 2015, RG (C‑498/14 PPU, EU:C:2015:3, points 41 et 51 à 54).

( 68 ) Voir par analogie, s’agissant de l’interaction entre les règles de procédure en vigueur dans les États membres de l’Union et les règles de compétence judiciaire prévues par le règlement no 44/2001 ou par le règlement no 1215/2012 ou encore par le règlement no 4/2009, arrêts du 15 mars 2012, G (C‑292/10, EU:C:2012:142, points 44 et suiv.) ; du 18 décembre 2014, Sanders et Huber (C‑400/13 et C‑408/13, EU:C:2014:2461, points 30 à 32) ; du 10 mars 2016, Flight Refund (C‑94/14, EU:C:2016:148, points 62 et 66), ainsi que du 31 mai 2018, Nothartová (C‑306/17, EU:C:2018:360, point 28).

( 69 ) En revanche, pour les motifs développés au titre de la réponse à la première question (points 32 et suiv. des présentes conclusions), la compétence judiciaire doit être déterminée par application des dispositions du règlement no 1215/2012 s’agissant des chefs d’une demande en justice qui visent à obtenir le respect des droits forfaitaires et uniformisés résultant des dispositions du règlement no 261/2004.

( 70 ) Voir jurisprudence évoquée aux notes en bas de page 41 et 44 des présentes conclusions.

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