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Document 62017CC0664

Conclusions de l'avocat général M. M. Szpunar, présentées le 7 février 2019.
Ellinika Nafpigeia AE contre Panagiotis Anagnostopoulos e.a.
Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Areios Pagos.
Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 2001/23/CE – Champ d’application – Transfert d’une partie d’entreprise – Maintien des droits des travailleurs – Notion de « transfert » – Notion d’« entité économique » – Cession d’une partie de l’activité économique d’une société mère à une filiale nouvellement créée – Identité – Autonomie – Poursuite d’une activité économique – Critère de stabilité de la poursuite d’une activité économique – Recours à des facteurs de production de tiers – Intention de liquider l’entité transférée.
Affaire C-664/17.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:105

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 7 février 2019 ( 1 )

Affaire C‑664/17

Ellinika Nafpigeia AE

contre

Panagiotis Anagnostopoulos e. a.

en présence de

Syllogos Ergazomenon Nafpigeion Skaramagka I Triaina,

Panellinia Omospondia Ergatoypallilon Metallou (POEM) et

Geniki Synomospondia Ergaton Ellados (GSEE)

[demande de décision préjudicielle formée par l’Areios Pagos (Cour de cassation, Grèce)]

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Transfert d’une partie d’entreprise – Maintien des droits des travailleurs – Notion de “transfert” – Notion d’“entité économique” – Cession d’une partie de l’activité économique d’une société mère à une filiale nouvellement créée – Poursuite d’une activité économique – Décision de liquider l’activité du cessionnaire »

1. 

La demande de décision préjudicielle, introduite par l’Areios Pagos (Cour de cassation, Grèce), vise l’article 1er de la directive 98/50/CE du Conseil, du 29 juin 1998, modifiant la directive 77/187/CEE concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d’entreprises, d’établissements ou de parties d’établissements ( 2 ), qui a modifié l’article 1er de la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977 ( 3 ), lequel correspond à l’article 1er de la directive 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements ( 4 ), en application de l’article 12 de cette directive, qui a abrogé, aux fins de codification, la directive 77/187, modifiée par la directive 98/50. Plus précisément, en raison de son objet, la demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive 2001/23.

2. 

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Panagiotis Anagnostopoulos et 89 autres salariés à la société anonyme Ellinika Nafpigeia AE ( 5 ) (ci-après « ENAE ( 6 ) »), au sujet de l’exécution des contrats de travail initialement conclus entre ces parties.

3. 

La singularité de cette affaire mérite d’être soulignée dès lors que c’est l’employeur et non les salariés qui revendique l’application des droits découlant de la directive 2001/23, conçus dans l’intérêt des travailleurs en cas de changement de chef d’entreprise.

4. 

Les questions posées par la juridiction de renvoi portent, d’une part, sur l’interprétation de la notion d’« entité économique » et, d’autre part, sur le transfert d’une telle entité en cas de perspective non pas de poursuivre l’activité économique cédée, mais d’y mettre fin.

5. 

À l’issue de mon analyse, je soutiendrai que la directive 2001/23 n’a pas vocation à s’appliquer s’il est établi que l’objectif poursuivi lors du transfert de l’entité économique était non pas de maintenir l’activité économique en cause, mais de contourner les obligations protectrices des salariés découlant du droit national. Si tel n’est pas le cas, l’article 1er, paragraphe 1, sous a) et b), de cette directive doit être interprété en ce sens que cette dernière est susceptible de s’appliquer dans une situation où la partie d’entreprise ou d’établissement cédée ne conserve pas son autonomie du point de vue organisationnel, à condition que le lien fonctionnel entre les différents facteurs de production transférés soit maintenu et qu’il permette au cessionnaire d’utiliser ces derniers aux fins d’exercer de manière stable une activité économique identique ou analogue, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

I. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

6.

Les considérants 3 et 8 de la directive 2001/23 énoncent :

« (3)

Des dispositions sont nécessaires pour protéger les travailleurs en cas de changement de chef d’entreprise en particulier pour assurer le maintien de leurs droits.

[...]

(8)

La sécurité et la transparence juridiques ont requis une clarification de la notion de transfert à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice. Cette clarification n’a pas modifié le champ d’application de la directive [77/187] telle qu’elle a été interprétée par la Cour de justice. »

7.

L’article 1er, paragraphe 1, sous a) et b), de cette directive dispose :

« a)

La présente directive est applicable à tout transfert d’entreprise, d’établissement ou de partie d’entreprise ou d’établissement à un autre employeur résultant d’une cession conventionnelle ou d’une fusion.

b)

Sous réserve du point a) et des dispositions suivantes du présent article, est considéré comme transfert, au sens de la présente directive, celui d’une entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d’une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire. »

8.

L’article 2, paragraphe 1, sous a) et b), de ladite directive est libellé comme suit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a)

“cédant” : toute personne physique ou morale qui, du fait d’un transfert au sens de l’article 1er, paragraphe 1, perd la qualité d’employeur à l’égard de l’entreprise, de l’établissement ou de la partie d’entreprise ou d’établissement ;

b)

“cessionnaire” : toute personne physique ou morale qui, du fait d’un transfert au sens de l’article 1er, paragraphe 1, acquiert la qualité d’employeur à l’égard de l’entreprise, de l’établissement ou de la partie d’entreprise ou d’établissement. »

9.

L’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la même directive dispose :

« Les droits et les obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire. »

10.

L’article 5, paragraphes 1 et 4, de la directive 2001/23 prévoit :

« 1.   Sauf si les États membres en disposent autrement, les articles 3 et 4 ne s’appliquent pas au transfert d’une entreprise, d’un établissement ou d’une partie d’entreprise ou d’établissement lorsque le cédant fait l’objet d’une procédure de faillite ou d’une procédure d’insolvabilité analogue ouverte en vue de la liquidation des biens du cédant et se trouvant sous le contrôle d’une autorité publique compétente (qui peut être un syndic autorisé par une autorité compétente).

[...]

4.   Les États membres prennent les mesures nécessaires en vue d’éviter des recours abusifs à des procédures d’insolvabilité visant à priver les travailleurs des droits découlant de la présente directive. »

B.   Le droit grec

11.

Selon la juridiction de renvoi, les dispositions du Proedrikó Diátagma 178/2002 : Métra schetiká me tin prostasía ton dikaiomáton ton ergazoménon se períptosi metavívasis epicheiríseon, enkatastáseon í tmimáton enkatastáseon í epicheiríseon, se symmórfosi pros tin Odigía 98/50/EK tou Symvoulíou (décret présidentiel 178/2002 sur les mesures relatives à la protection des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements, afin de se conformer à la directive [98/50]) ( 7 ) sont applicables.

12.

En vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous a) et c), de ce décret, les dispositions de celui-ci s’appliquent à tout transfert, conventionnel ou légal, d’entreprises ou fusion d’entreprises, d’établissements ou de parties d’établissements, qui entraîne une modification dans la personne de l’employeur et qui peut concerner des organismes publics ou privés exerçant des activités économiques, à but lucratif ou sans but lucratif.

13.

L’article 2, paragraphe 1, sous b), dudit décret définit le « transfert » comme étant celui d’une entité économique qui conserve son identité, entendue comme un ensemble organisé de ressources, en vue de la poursuite d’une activité économique, que celle-ci soit principale ou accessoire.

14.

L’article 3, paragraphe 1, sous a) et b), du décret présidentiel 178/2002 définit les termes « cédant » et « cessionnaire » comme désignant, pour le premier, toute personne physique ou morale qui, du fait d’un transfert au sens précité, perd la qualité d’employeur à l’égard de l’entreprise, de l’établissement ou de la partie d’entreprise ou d’établissement et, pour le second, toute personne physique ou morale qui, du fait d’un transfert au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de ce décret, acquiert la qualité d’employeur à l’égard de l’entreprise, de l’établissement ou de la partie d’entreprise ou d’établissement.

15.

En application de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, dudit décret, tous les droits et obligations existants qu’avait le cédant aux termes d’un contrat ou d’une relation de travail sont transférés au cessionnaire à compter de la date du transfert.

16.

Dès lors que, en application des dispositions de l’article 6, paragraphe 1, du Nómos 2112/1920 – Perí ypochreotikís katangelías tis symváseos ergasías idiotikón ypallílon (loi no 2112/1920 relative à la résiliation obligatoire du contrat de travail des employés du secteur privé) ( 8 ), et de l’article 9, paragraphe 1, du Vasilikó Diátagma « perí epektáseos tou N. 2112 [...] kai epí ton ergatón [...] » (décret royal « relatif à l’application de la loi 2112 y compris aux ouvriers [...] »), des 16/18 juillet 1920, le changement dans la personne de l’employeur intervient, il s’opère de plein droit, indépendamment de la cause juridique et de la forme du transfert de l’entreprise, sans qu’il soit nécessaire que les travailleurs y consentent.

17.

L’article 4, paragraphe 1, second alinéa, du décret présidentiel 178/2002 prévoit que le cédant continue, après le transfert, d’être responsable solidairement et intégralement avec le cessionnaire des obligations résultant d’un contrat ou d’une relation de travail jusqu’à la date à laquelle le cessionnaire prend ses fonctions.

18.

Il résulte de l’article 4, paragraphe 2, de ce décret que le cessionnaire continue, après le transfert, de maintenir les conditions de travail déjà prévues par une convention collective de travail, une décision arbitrale, un règlement ou un contrat de travail individuel.

19.

L’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, du décret présidentiel 178/2002 prévoit que le transfert d’une entreprise, d’un établissement ou d’une partie d’entreprise ne constitue pas, en tant que tel, un motif de licenciement des travailleurs. Toutefois, selon les dispositions figurant à l’article 5, paragraphe 1, second alinéa, de ce décret, sous réserve que les dispositions relatives aux licenciements soient respectées, est autorisé tout licenciement qui s’avérerait nécessaire pour des raisons économiques, techniques ou d’organisation impliquant des changements dans le personnel. Cependant, l’article 5, paragraphe 2, dudit décret prévoit que, si le contrat ou la relation de travail est résilié en raison du fait que le transfert entraîne une modification substantielle des conditions de travail au détriment des travailleurs, la résiliation du contrat de travail ou de la relation de travail est considérée comme étant survenue du fait de l’employeur.

20.

En vertu de l’article 6, paragraphe 1, du décret présidentiel 178/2002, les conséquences d’un transfert, prévues aux articles 4 et 5 du même décret, ne sont pas applicables dans le cas où le cédant fait l’objet d’une procédure de faillite ou d’une toute autre procédure similaire.

II. Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

21.

Les requérants ont été engagés sous contrat à durée indéterminée, par la société ENAE afin de travailler dans ses installations situées à Skaramangas, dans la commune de Chaïdári, en Attique (Grèce) ( 9 ), pendant plus de 30 ans.

22.

Cette société est devenue une entreprise du secteur public en 1985 ( 10 ). Elle a été privatisée en 2002 et soumise à une interdiction de réduction de son personnel, dans une certaine limite, jusqu’au 30 septembre 2008 ( 11 ).

23.

Lors de sa privatisation, ENAE exerçait quatre types d’activités, à savoir la réparation de navires, la construction de navires de guerre et de commerce, la construction et la réparation de sous-marins ainsi que la construction et la réparation de véhicules ferroviaires, organisées en directions, respectivement la direction des réparations, la direction des engins de surface, la direction des sous-marins et la direction du matériel roulant. L’organisation structurelle d’ENAE comprenait également quatre « divisions » de production, indispensables à l’activité des directions, à savoir une installation de laminage, une installation de fabrication de tuyaux, une menuiserie et un centre d’usinage.

24.

Peu après sa privatisation, ENAE a créé une filiale, la société Etaireia Trochaiou Ylikou Ellados ΑΕ ( 12 ) (ci-après « ΕΤΥΕ »), afin de transférer à cette dernière les accords de programme en cours entre, d’une part, des consortiums, auxquels ΕΝAE participait et, d’autre part, l’Organismos Sidirodromon Ellados ( 13 ) (ci-après « OSE ») et la société Ilektrikoí Sidiródromoi Athinon Pireos ( 14 ) (ci-après « ISAP »), accords qui portaient sur la construction et la livraison par les consortiums de véhicules ferroviaires de différents types.

25.

En 2005, ENAE a été acquise par la société de construction navale ThyssenKrupp Marine Systems.

26.

En vue de permettre à la direction du matériel roulant d’ENAE de fonctionner, à partir du 1er octobre 2006, comme une société autonome, sous la dénomination d’ETYE, ENAE a conclu avec celle-ci, le 28 septembre 2006, plusieurs contrats ayant pour objet, notamment, la location à usage professionnel d’un terrain, situé au sein de la zone des chantiers navals, avec ses bâtiments et ses infrastructures qui s’y trouvaient, la vente et la livraison de biens mobiliers destinés à l’activité d’ETYE comme entreprise, la fourniture de services de nature administrative destinés au fonctionnement de l’entreprise, ainsi que l’attribution à ETYE de travaux en suspens à effectuer en vertu de trois accords de programme numérotés respectivement 33 (avec OSE et ISAP), 37 et 41a ( 15 ).

27.

Après le début de son activité, ETYE a conclu avec ENAE d’autres contrats, au cours de l’année 2007, ayant pour objet, notamment, le prêt de personnel d’ETYE à ENAE ( 16 ), l’attribution par ENAE à ETYE de travaux en suspens à effectuer en vertu de l’accord de programme 33a avec OSE et ISAP ( 17 ), la prestation de services par ETYE à ENAE ( 18 ) ainsi que la prestation par ENAE à ETYE des services de support administratif ( 19 ).

28.

La juridiction de renvoi a relevé que, « [d]ès le départ, le sort d’ΕΤΥΕ en tant que société était prédéterminé et conduisait à sa liquidation ». Elle a constaté que, « [p]lus particulièrement, l’article 5 de l’accord-cadre du 28 septembre 2007, conclu par ENAE et ETYE, fait état de la liquidation [de cette dernière à la date du] 30 septembre 2008, c’est-à-dire à une date qui coïncidait avec l’expiration de la période de six ans pendant laquelle il existait une interdiction de réduction du personnel d’ΕΝAE à moins de 1400 travailleurs, sur la base du contrat de transfert du 1er octobre 2002, qui la transférait de l’État grec aux soumissionnaires étrangers ». Elle a précisé que, en vertu de cet article, ENAE devait supporter les frais de liquidation d’un montant équivalant à l’estimation du coût du licenciement des 160 salariés d’ETYE et que cette contribution réduirait de 4 % par mois de retard. La date envisagée de cette liquidation a toutefois été reportée à l’initiative d’ENAE par une modification, le 10 septembre 2008, dudit accord-cadre.

29.

Le 1er octobre 2007, le groupe de sociétés allemandes à responsabilité limitée ΙΝΤΕΙ Industriebeteiligungsgesellschaft mbH (ΙΝΤΕΙ) et Industriegesellschaft Waggonbau Ammendorf mbH (ΙGWA) est devenu propriétaire des actions d’ETYE.

30.

Par communication du 8 octobre 2007, tous les travailleurs ont été informés du rachat d’ETYE par le groupe de sociétés INTEI/IGWA. Un accord collectif d’entreprise concernant les conditions de rémunération et de travail de tous les salariés d’ETYE a été conclu le 13 mai 2008 ( 20 ).

31.

En 2010, le Polymeles Protodikeio Athinon (tribunal de grande instance d’Athènes, Grèce) a déclaré la faillite d’ETYE, étant précisé que, depuis le transfert en cause, les activités économiques exercées par cette dernière étaient faibles ( 21 ).

32.

Les requérants ont saisi le 1er juin 2009 le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de grande instance à juge unique d’Athènes, Grèce) d’une requête visant à juger qu’ils continuaient à être liés à ENAE par des contrats de travail à durée indéterminée, qu’ENAE était tenue de leur verser les rémunérations légalement prévues notamment pendant toute la période du maintien de leurs contrats de travail et que, en cas de résiliation des contrats de travail, ENAE serait tenue de verser les indemnités légales de licenciement à chacun des salariés.

33.

Le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de grande instance à juge unique d’Athènes) ayant fait droit à cette requête, ENAE a interjeté appel devant l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes, Grèce). Cette juridiction a confirmé le jugement rendu en première instance, estimant qu’ETYE n’avait jamais constitué une entité organique autonome. Elle a retenu, en premier lieu, qu’ETYE n’était pas une unité de production autonome, aux motifs que la contribution des quatre divisions de production d’ENAE était indispensable pour la production et la réparation du matériel roulant et que, si ENAE cessait toute activité, il serait impossible pour ETYE de construire et de réparer du matériel ferroviaire. En deuxième lieu, ETYE louait à ENAE son support administratif, dont le secrétariat, et, en troisième lieu, elle ne disposait pas d’une autonomie financière et de gestion, cette dernière étant assurée par ENAE. Cette juridiction en a déduit qu’il n’y avait pas de transfert d’entreprise, d’établissement ou de parties d’établissement, et que, en conséquence, ENAE demeurait l’employeur des requérants.

34.

ENAE s’est pourvue en cassation contre cette décision le 29 août 2013 devant l’Areios Pagos (Cour de cassation). Celui-ci considère que, en raison d’une divergence d’interprétation, au sein de la chambre saisie de l’affaire, de la notion d’« entité économique », figurant à l’article 1er de la directive 98/50, il y a lieu d’interroger la Cour sur le sens de celle-ci.

35.

En effet, selon trois membres de la chambre, ETYE n’avait pas la possibilité de poursuivre l’activité dont elle était chargée, dès lors que la direction du matériel roulant qui semble lui avoir été transférée ne pouvait pas fonctionner sans le support des divisions de production d’ENAE ainsi que de ses services administratifs et financiers. Cette appréciation serait corroborée par le faible volume du travail déployé par ETYE conduisant à sa faillite qui justifie également la position des salariés concernés, selon lesquels l’objectif du transfert en cause consistait à supprimer l’activité de construction et de réparation de véhicules ferroviaires d’ENAE et à faire disparaître les postes de travail y afférents sans que celle-ci doive assumer des conséquences financières négatives.

36.

Toutefois, deux membres de la chambre saisie sont d’avis que l’unité transférée avait une autonomie suffisante, tant avant qu’après le transfert en cause, de sorte qu’elle avait la faculté d’exercer son activité économique de manière autonome. Il est soutenu que, en cas de transfert d’une unité moins importante, les éléments constitutifs de la notion d’« entité économique » peuvent être appréhendés de façon moins stricte que dans l’hypothèse d’un transfert de l’ensemble d’une entreprise ou d’une activité principale. Le fait que le cessionnaire ait été soutenu par le cédant pour exercer l’activité acquise, dans le cadre d’une filiale, n’exclurait pas l’existence d’un transfert, dès lors que, pour l’interprétation de la notion de « transfert », il conviendrait de tenir compte des formes actuelles de l’« action d’entreprendre ». Enfin, l’intention du cédant et du cessionnaire de liquider l’entreprise ne serait pas un indice excluant la présence d’un transfert, mais pourrait fonder une demande dirigée contre l’employeur cédant aux fins de versement d’indemnités dues en cas d’atteinte aux intérêts des travailleurs à l’occasion de la modification unilatérale des conditions de travail.

37.

Par conséquent, l’Areios Pagos (Cour de cassation) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Au sens qu’il convient de donner à l’article 1er de la directive 98/50 et aux fins d’admettre l’existence ou non d’un transfert d’entreprise, d’établissement ou d’une partie d’entreprise ou d’établissement, faut-il entendre par “entité économique” une unité de production totalement autonome qui a la capacité de fonctionner pour atteindre son objet économique sans recourir aucunement (dans le cadre d’un achat, d’un prêt, d’une location, etc.) aux facteurs de production (matières premières, ressources humaines, machines, composants de produits finis, services de support, ressources économiques, etc.) de tiers ? Ou bien, suffit-il au contraire, aux fins d’admettre l’existence d’une “entité économique”, que l’objet de l’activité de l’unité de production soit distinct, que cette activité ait réellement pour objet une entreprise économique et qu’il soit possible d’organiser de manière effective les facteurs de production (matières premières, machines et autres équipements, ressources humaines et services de support) afin que cet objet soit atteint, indépendamment du fait que le nouvel exploitant de l’activité ait recours à des facteurs de production y compris externes ou qu’il n’ait pas réussi à atteindre l’objet précité dans une situation donnée ?

2)

Au sens qu’il convient de donner à l’article 1er de la directive 98/50, faut-il exclure ou non l’existence d’un transfert dans le cas où le cessionnaire, le cédant ou les deux n’ont pas seulement pour perspective la poursuite de l’activité par le nouvel exploitant, mais aussi la disparition future de l’entreprise dans le cadre d’une liquidation à venir ? »

III. Analyse

38.

Par ses deux questions préjudicielles, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2001/23 doit être interprété en ce sens que la notion de « transfert d’entreprise » recouvre une situation dans laquelle une société mère, en charge de trois activités économiques dans le secteur de la construction navale et d’une quatrième dans le secteur de la construction de matériel ferroviaire roulant, a cédé l’exploitation de cette dernière activité à une filiale et a conclu avec elle à cette fin différents contrats en vue, d’une part, que celle-ci puisse disposer des infrastructures et des équipements nécessaires, dont la société mère est propriétaire, afin de réaliser des travaux en suspens découlant d’accords de programme conclus par cette société et, d’autre part, de procéder à la liquidation de la filiale à court terme.

39.

D’emblée, il est permis de s’interroger sur le doute exprimé par la juridiction de renvoi, dès lors que celle-ci a constaté l’existence d’un accord-cadre conclu le 28 septembre 2007 ( 22 ) entre le cédant et le cessionnaire en vue d’organiser la cessation de l’activité économique en cause un an plus tard afin de contourner l’interdiction pour le cédant de licencier les salariés avant le 30 septembre 2008.

40.

En effet, la notion de « transfert » étant indissociable de la perspective de poursuite de l’activité, ainsi qu’il résulte du libellé de l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2001/23 et des objectifs poursuivis par celle-ci, à savoir le maintien des droits des travailleurs en cas de changement d’employeur ( 23 ), il me paraît évident que, s’il est constaté que le transfert a été organisé en exécution d’un plan destiné à mettre un terme à l’activité cédée dans des conditions permettant au cédant de s’affranchir d’obligations protectrices des salariés, cette directive n’a pas vocation à s’appliquer.

41.

Toutefois, il peut être déduit des opinions divergentes exposées par la juridiction de renvoi que la difficulté particulière présentée par le litige résulte du constat de la poursuite de l’activité pendant au moins un an à partir du mois d’octobre 2006 avant la déclaration de la faillite en 2010. Sous réserve que cette constatation relative à la poursuite effective de l’exploitation puisse être clarifiée par la juridiction de renvoi ( 24 ), il s’agit donc de déterminer quelles conséquences doivent en être tirées.

42.

Dans ces conditions, j’exposerai les principes généraux dégagés par la jurisprudence de la Cour relative à la notion de « transfert d’entreprise » avant d’examiner leur application aux circonstances de l’espèce.

A.   Les principes

43.

En premier lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le champ d’application de la directive 2001/23, défini à son article 1er, paragraphe 1, sous a), s’étend à toutes les hypothèses de changement, dans le cadre de relations contractuelles, de la personne physique ou morale responsable de l’exploitation de l’entreprise, qui, de ce fait, contracte les obligations d’employeur à l’égard des employés de l’entreprise, sans qu’il importe de savoir si la propriété des éléments corporels est transférée ( 25 ).

44.

La Cour a rappelé, à plusieurs reprises, que la notion d’« entreprise » recouvre toute entité économique organisée de manière stable comprenant un ensemble organisé de personnes et d’éléments permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre et qui est suffisamment structurée et autonome ( 26 ).

45.

En second lieu, ainsi que la Cour l’a relevé de manière constante, la directive 2001/23 vise à assurer la continuité des relations de travail existantes dans le cadre d’une entité économique, indépendamment d’un changement du propriétaire ( 27 ).

46.

Le critère décisif, pour établir l’existence d’un transfert, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de cette directive, consiste donc dans la circonstance que l’entité en question garde son identité après avoir été reprise par le nouvel employeur, ce qui résulte notamment de la poursuite effective de l’exploitation ou de sa reprise ( 28 ).

1. Sur l’identité et la pérennité de l’entité au moment du transfert

47.

La Cour a précisé la méthode pour procéder à l’analyse de cette condition portant sur ces deux aspects, à savoir l’identité et la pérennité de l’entité au moment du transfert. Ainsi, il convient de prendre en considération l’ensemble des circonstances de fait qui caractérisent l’opération en cause, au nombre desquelles figurent, notamment, le type d’entreprise ou d’établissement dont il s’agit, le transfert ou non d’éléments corporels, tels que les bâtiments et les biens mobiliers, la valeur des éléments incorporels au moment du transfert, la reprise ou non de l’essentiel des effectifs par le nouveau chef d’entreprise, le transfert ou non de la clientèle, ainsi que le degré de similarité des activités exercées avant et après le transfert, et la durée d’une éventuelle suspension de ces dernières. Il est entendu que ces éléments ne constituent que des aspects partiels de l’évaluation d’ensemble qui s’impose et ne sauraient, de ce fait, être appréciés isolément ( 29 ).

48.

La Cour a souligné, d’une part, qu’il en résulte que l’importance respective à accorder à l’un ou l’autre de ces critères varie nécessairement en fonction de l’activité exercée, voire des méthodes de production ou d’exploitation utilisées dans l’entreprise, dans l’établissement ou dans la partie d’établissement concernée ( 30 ).

49.

D’autre part, la Cour a relevé que la simple reprise, par une entité économique, de l’activité économique d’une autre entité ne permet pas de conclure au maintien de l’identité de cette dernière. L’identité d’une telle entité ne saurait être réduite à l’activité dont elle est chargée, dès lors qu’elle ressort d’une pluralité indissociable d’éléments tels que le personnel qui la compose, son encadrement, l’organisation de son travail, ses méthodes d’exploitation ou encore, le cas échéant, les moyens d’exploitation à sa disposition ( 31 ).

2. Sur la cession au sein d’un groupe de sociétés

50.

Eu égard aux circonstances de l’affaire au principal, il convient également de préciser que, en cas de cession au sein d’un groupe de sociétés, la Cour a retenu qu’elle n’est pas en soi de nature à exclure l’existence d’un transfert ( 32 ).

51.

Précisément, dans un tel cas, la Cour a dit pour droit, d’une part, que, « aux fins de l’application de [la directive 2001/23], l’entité économique concernée doit, antérieurement au transfert, notamment, jouir d’une autonomie fonctionnelle suffisante, la notion d’autonomie se référant aux pouvoirs, accordés aux responsables du groupe de travailleurs concerné, d’organiser, de manière relativement libre et indépendante, le travail au sein dudit groupe et, plus particulièrement, de donner des instructions et de distribuer des tâches aux travailleurs subordonnés appartenant à ce groupe, cela sans intervention directe de la part d’autres structures d’organisation de l’employeur» ( 33 ), et, d’autre part, que « [c]ette conclusion est corroborée par l’article 6, paragraphe 1, premier et quatrième alinéas, de la directive 2001/23, relatif à la représentation des travailleurs, selon lequel cette directive a vocation à s’appliquer à tout transfert répondant aux conditions énoncées à son article 1er, paragraphe 1, que l’entité économique transférée conserve ou non son autonomie dans la structure du cessionnaire» ( 34 ).

52.

C’est à la lumière de ces enseignements jurisprudentiels qu’il convient de proposer des éléments d’appréciation des questions posées, en tenant compte des principaux éléments de fait relevés par l’Areios Pagos (Cour de cassation) dans la décision de renvoi.

B.   Application des principes aux circonstances de l’espèce

1. Sur l’autonomie de l’entité cédée préexistante au transfert

53.

Il convient, en premier lieu, de rappeler le cadre dans lequel le transfert litigieux est intervenu, à savoir celui d’une cession au profit d’une filiale, créée à cette fin ( 35 ). Dès lors, il doit être vérifié si l’autonomie de l’entité cédée a préexisté au transfert ( 36 ). Il peut être déduit de l’objet des questions préjudicielles, et spécialement de la seconde question, qu’elles ne portent pas sur l’appréciation de ce que l’entité transférée en cause disposait d’une autonomie fonctionnelle suffisante avant le transfert.

54.

En conséquence, je poursuis mon analyse en considérant que, avant le transfert, l’entité, constituant une direction d’ENAE affectée à une activité distincte des trois autres utilisant les mêmes moyens de production, était composée d’un ensemble organisé de travailleurs durablement affectés à cette activité stable, afin d’examiner les conditions relatives à la poursuite effective de l’activité.

2. Sur la pérennité de l’activité transférée

55.

En second lieu, s’agissant de la pérennité de l’activité transférée, je relève l’absence de précision dans la décision de renvoi sur les circonstances relatives à la conclusion des contrats, spécialement en 2006 en vue de faire fonctionner le secteur d’activité en cause, et sur leur contenu précis. J’estime, dès lors, à l’instar des requérants, du gouvernement grec et de la Commission, que l’incertitude sur le fait que, au moment du transfert, l’activité ne se bornait pas à l’exécution d’un ouvrage déterminé doit être levée.

56.

En effet, la juridiction de renvoi a constaté à plusieurs reprises qu’ENAE a confié à ETYE l’achèvement de contrats. Elle a précisé que, « [a]fin de faire fonctionner à partir du 1er octobre 2006 la direction du matériel roulant d’ΕΝAE comme une société autonome, sous la dénomination ΕΤΥΕ, [plusieurs] contrats ont été conclus entre eux [dont] le contrat d’attribution de travaux du 28 septembre 2006 conclu par ΕΝΑΕ, en tant que donneur d’ordre, et ΕΤΥΕ, en tant que contractant, par lequel la première a confié à la seconde la réalisation des travaux en suspens découlant de l’accord de programme 33 (avec OSE et ISAP), ainsi que toute autre tâche pendant la période de garantie de l’objet de ce contrat, [...] un contrat similaire du 28 septembre 2006, relatif aux travaux en suspens, principaux ou de garantie, résultant de l’accord de programme 37 et [...] un contrat similaire du 28 septembre 2006, relatif aux travaux en suspens, principaux ou de garantie, résultant de l’accord de programme 41a ».

57.

La juridiction de renvoi a ajouté que, « [a]près le début de l’exploitation d’ΕΤΥΕ, cette dernière a conclu avec ΕΝAE [...] le contrat d’attribution de travaux du 30 août 2007 conclu par ΕΝAE, en tant que donneur d’ordre, et ΕΤΥΕ, en tant que contractant, par lequel la première a confié à la seconde la réalisation des travaux en suspens découlant de l’accord de programme 33a (avec OSE et ISAP), ainsi que de toute autre tâche pendant la période de garantie de l’objet de ce contrat ».

58.

Elle a relevé, par ailleurs, que « [l]’argument au soutien de l’existence de l’autonomie financière d’ΕΤΥΕ, selon lequel celle-ci avait été chargée par la société suisse Carwaggon AG de construire 200 wagons, n’a pas été prouvé, alors qu’en réalité la société précitée a confié le 29 avril 2009 à ΕΤΥΕ la construction de seulement trois wagons d’une longueur de 27 [mètres] pour le transport d’automobiles, en contrepartie d’une rémunération de 510000 euros seulement ».

59.

Or, ces circonstances me paraissent devoir être rapprochées de celles examinées par la Cour dans l’arrêt du 2 décembre 1999, Allen e.a. ( 37 ), portant sur l’activité de forage d’Amalgamated Construction Co. Ltd ( 38 ) sur le site des houillères Prince of Wales, qui était organisée sous la forme d’une entité économique avant que cette entreprise ne sous-traite cette activité à AMS.

60.

Par cet arrêt, la Cour a jugé, d’une part, que « [l]a circonstance qu’ACC soit toujours restée le seul contractant de RJB Mining (UK) et qu’elle ait sous-traité les marchés de travaux à AMS ne saurait non plus, en elle-même, exclure l’existence d’un transfert au sens de la directive [77/187]. En effet, d’une part, le transfert ou non de la clientèle entre le cédant et le cessionnaire ne constitue qu’un élément parmi d’autres à prendre en compte pour apprécier l’existence d’un transfert (arrêt [du 18 mars 1986,] Spijkers[ ( 39 )], point 13)» ( 40 ).

61.

D’autre part, la Cour a dit pour droit que, « dans l’arrêt [du 19 septembre 1995,] Rygaard[ ( 41 )], une situation dans laquelle une entreprise transfère à une autre entreprise l’un de ses chantiers en vue de son achèvement en se limitant à mettre à la disposition de cette dernière certains travailleurs et du matériel destinés à assurer la réalisation des travaux en cours échappe au champ d’application de la directive [77/187]. Toutefois, cette situation diffère de la présente affaire dans la mesure où AMS s’est vu confier la sous-traitance de marchés de travaux complets. En outre, au point 21 de l’arrêt [du 19 septembre 1995,] Rygaard[ ( 42 )], la Cour a ajouté qu’un transfert de chantier en vue de son achèvement pourrait relever de [cette] directive s’il s’accompagnait du transfert d’un ensemble organisé d’éléments permettant la poursuite des activités ou de certaines activités de l’entreprise cédante de manière stable. Ainsi, la circonstance qu’ACC n’ait sous-traité à AMS que l’exécution de travaux de forage déterminés ne suffirait pas à écarter l’application de [ladite] directive s’il était établi que, à l’occasion de cette opération, AMS avait acquis d’ACC les moyens organisés lui permettant d’exercer durablement son activité de forage aux houillères Prince of Wales» ( 43 ).

62.

Il résulte de ces considérations et du constat de l’absence de précisions factuelles suffisantes dans la décision de renvoi qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, au préalable, à la lumière de cette jurisprudence, si, dans les circonstances de l’affaire au principal et, spécialement, celles relatives à l’attribution de travaux, l’identité de l’entité transférée a été maintenue grâce au transfert d’un ensemble organisé d’éléments permettant la poursuite des activités de l’entreprise cédante, de manière stable.

63.

Supposant, à ce stade, que ces conditions sont réunies, il convient, désormais, de répondre aux interrogations de la juridiction de renvoi sur l’absence d’autonomie fonctionnelle de l’entité transférée.

3. Sur l’autonomie de l’entité cédée après le transfert

64.

Conformément à la jurisprudence de la Cour, il y a lieu de considérer, d’abord, que l’activité exercée a été qualifiée, dès lors que la pondération des différents critères énoncés par la Cour varie en fonction de celle-ci ( 44 ).

65.

En l’occurrence, il peut être déduit des interrogations de la juridiction de renvoi relatives à l’utilisation d’équipements indispensables à la production ( 45 ) que le transfert en cause a été réalisé dans un secteur où l’activité ne repose pas essentiellement sur la main-d’œuvre.

66.

En effet, dans une situation telle que celle en cause au principal, l’activité économique litigieuse, à savoir la direction du matériel roulant, requiert de bénéficier du support de quatre divisions de production, soit une installation de laminage, une installation de fabrication de tuyaux, une menuiserie et un centre d’usinage, comme les trois autres directions dépendant d’ENAE.

67.

Ensuite, s’agissant de la question principale de la juridiction de renvoi portant sur le fait que les éléments corporels indispensables au déroulement de l’activité en cause au principal ont toujours appartenu à ENAE, il peut être répondu que cette constatation ne peut conduire à exclure l’existence d’un transfert d’entreprise au sens de la directive 2001/23, dès lors que, dans des circonstances analogues, la Cour a dit pour droit que « la question de savoir si la propriété des éléments corporels est transférée n’est pas pertinente aux fins de l’application de [cette] directive» ( 46 ).

68.

À cet égard, la Cour a jugé que « la circonstance que les éléments corporels repris par le nouvel entrepreneur n’appartenaient pas à son prédécesseur, mais étaient simplement mis à disposition par le donneur d’ordre ne peut conduire à exclure l’existence d’un transfert d’entreprise au sens de ladite directive (voir, en ce sens, arrêt [du 20 novembre 2003,] Abler e.a.C‑340/01, EU:C:2003:629, point 42). Il s’ensuit [qu’]une interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2001/23 qui exclurait du champ d’application de cette directive une situation dans laquelle les éléments corporels indispensables au déroulement de l’activité en cause n’ont jamais cessé d’appartenir au cessionnaire, priverait ladite directive d’une partie de son effet utile» ( 47 ).

69.

Enfin, s’agissant du mode de financement ( 48 ) tout comme de l’absence d’autonomie organisationnelle après le transfert ( 49 ), évoqués dans la décision de renvoi, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que ces éléments ne sont pas à eux seuls de nature à exclure l’application de la directive 2001/23.

70.

En effet, dans une situation qui peut être rapprochée de celle de l’affaire au principal ( 50 ), la Cour a jugé qu’« [i]l découle [...] des points 46 et 47 de l’arrêt [du 12 février 2009,] Klarenberg[ ( 51 ),] que c’est le maintien non pas de l’organisation spécifique imposée par l’entrepreneur aux divers facteurs de production transférés, mais du lien fonctionnel d’interdépendance et de complémentarité entre ces facteurs qui constitue l’élément pertinent aux fins de conclure à la préservation de l’identité de l’entité transférée. Ainsi, le maintien d’un tel lien fonctionnel entre les divers facteurs transférés permet au cessionnaire d’utiliser ces derniers, même s’ils sont intégrés, après le transfert, dans une nouvelle structure organisationnelle différente, afin de poursuivre une activité économique identique ou analogue (voir arrêt [du 12 février 2009,] Klarenberg[ ( 52 )], point 48)» ( 53 ).

71.

Partant, il me paraît essentiel que la juridiction de renvoi recherche si un lien fonctionnel d’interdépendance et de complémentarité entre les divers facteurs de production transférés a été maintenu afin de poursuivre une activité économique identique ou analogue ( 54 ).

72.

Autrement dit, il suffit de déterminer si, au moment du transfert, l’activité précédente, exercée sous la responsabilité d’ENAE, avait vocation à se maintenir avec les moyens adéquats sous une direction nouvelle, peu important, ainsi qu’il a été rappelé précédemment, que les éléments d’actifs mis à disposition par le cédant ne soient pas utilisés exclusivement au bénéfice de l’activité transférée. En conséquence, la réussite de l’activité économique après le transfert, sur laquelle s’interroge la juridiction de renvoi, ne saurait être retenue comme un critère pertinent en vue de l’application de la directive 2001/23.

4. Sur l’intention du cédant et du cessionnaire lors de la cession de l’activité

73.

Si, à l’issue des vérifications évoquées aux points précédents ( 55 ), la juridiction de renvoi aboutit à la conclusion que les critères de l’existence d’un transfert d’une partie d’entreprise sont réunis en l’espèce, il resterait alors à déterminer quelle conséquence tirer de la constatation de cette juridiction, selon laquelle « [d]ès le départ, le sort d’ETYE en tant que société était prédéterminé et conduisait à sa liquidation », alors que, entre 2006 et 2007, une activité, quoique faible, a existé ( 56 ).

74.

Il ne s’agit pas, ainsi que le soutient ENAE, de fixer une nouvelle condition qui porterait sur la réussite économique du transfert ou qui conduirait à remettre en cause les conditions de celui-ci en cas de cessation d’activité ultérieure décidée par le cessionnaire. En effet, la liberté du cessionnaire de mettre fin à l’activité après son transfert ne doit pas a priori être remise en cause.

75.

Ainsi que la Cour l’a jugé à maintes reprises et tel qu’il ressort, au demeurant, de l’article 4 de la directive 2001/23, « celle-ci ne prive pas les États membres de la possibilité de permettre aux employeurs de modifier des relations de travail dans un sens défavorable, notamment en ce qui concerne la protection contre le licenciement et les conditions de rémunération. Ladite directive interdit, seulement, que de telles modifications aient lieu à l’occasion et à cause du transfert» ( 57 ).

76.

Plus précisément, eu égard aux circonstances de l’affaire au principal, c’est la décision du cédant concomitante au transfert d’utiliser ce dernier comme un moyen de mettre un terme à l’activité cédée dont il avait la responsabilité, en vue de se soustraire à ses obligations protectrices des salariés ( 58 ), qui interdit de le faire entrer dans le champ d’application de la directive 2001/23.

77.

Il importe peu, dès lors, qu’une activité ait pu être poursuivie après le transfert de l’activité économique s’il est établi qu’elle n’avait pas vocation à être stable et qu’elle avait été organisée lors du transfert dans des conditions de nature à provoquer sa défaillance.

78.

En d’autres termes, ce n’est pas tant le constat de la durée de l’activité qui est important que celui relatif aux pouvoirs donnés à l’entité transférée pour continuer à l’exercer pendant une période en principe indéterminée. À cet égard, la fin programmée des marchés, sans dynamique commerciale de développement de clientèle ou de diversification des tâches, pourrait être un indice de l’absence de perspective de stabilité lors du transfert. Il pourrait en être de même en cas d’anticipation de la réorganisation de l’encadrement des travailleurs ou de leur temps de travail, ou encore de leur nombre, empêchant de continuer à exercer l’activité. Dès lors, c’est le choix, au moment du transfert, des moyens destinés à atteindre cet objectif qui me paraît déterminant.

79.

En tout état de cause, considérer que la durée de la poursuite de l’activité économique est un élément d’appréciation de l’existence d’un transfert serait contraire à l’objectif de protection des salariés constamment souligné par la Cour ( 59 ) et serait de nature à favoriser l’application abusive de dispositions de droit de l’Union ( 60 ).

80.

Pour autant, se borner à constater un accord en vue de mettre fin à l’activité, alors qu’il ne se serait pas traduit dans la réalité, cette activité étant, dans cette hypothèse très théorique, poursuivie de manière stable, aboutirait à une solution tout aussi contraire à l’objectif de cette directive.

81.

Il s’ensuit que, s’il est établi que, lors du transfert, l’objectif poursuivi par le cédant et le cessionnaire était non pas de poursuivre l’activité cédée, mais de contourner les obligations protectrices des salariés découlant du droit national, ce transfert ne saurait relever de l’article 1er, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive 2001/23.

82.

Dans cette hypothèse, la protection des salariés me paraît justifier également l’application de dispositions nationales sanctionnant d’éventuelles conséquences dommageables de telles manœuvres.

83.

À la lumière des développements qui précèdent, je suis d’avis que l’article 1er, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive 2001/23 doit être interprété en ce sens que, sous réserve que l’intention, lors du transfert de l’entité économique, de poursuivre une activité économique soit établie, cette directive est susceptible de s’appliquer dans une situation où la partie d’entreprise ou d’établissement cédée ne conserve pas son autonomie du point de vue organisationnel, à condition que le lien fonctionnel entre les différents facteurs de production transférés soit maintenu et qu’il permette au cessionnaire d’utiliser ces derniers aux fins d’exercer de manière stable une activité économique identique ou analogue, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

IV. Conclusion

84.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles déférées par l’Areios Pagos (Cour de cassation, Grèce) de la manière suivante :

L’article 1er, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements, doit être interprété en ce sens que, sous réserve que l’intention, lors du transfert de l’entité économique, de poursuivre une activité économique soit établie, cette directive est susceptible de s’appliquer dans une situation où la partie d’entreprise ou d’établissement cédée ne conserve pas son autonomie du point de vue organisationnel, à condition que le lien fonctionnel entre les différents facteurs de production transférés soit maintenu et qu’il permette au cessionnaire d’utiliser ces derniers aux fins d’exercer de manière stable une activité économique identique ou analogue, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.


( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) JO 1998, L 201, p. 88.

( 3 ) JO 1977, L 61, p. 26.

( 4 ) JO 2001, L 82, p. 16.

( 5 ) Chantiers navals SA, selon l’expression figurant dans la traduction des observations écrites du gouvernement grec.

( 6 ) Je reprends ici la convention d’écriture choisie dans l’arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce (C‑93/17, EU:C:2018:903). Toutefois, dans les conclusions de l’avocat général Wathelet dans l’affaire Commission/Grèce (C‑93/17, EU:C:2018:315), comme dans l’arrêt du 28 février 2013, Ellinika Nafpigeia/Commission (C‑246/12 P, non publié, EU:C:2013:133), la société était dénommée « EN ».

( 7 ) FEK A’ 162/12.7.2002, ci-après le « décret présidentiel 178/2002 ». Cette juridiction a précisé que l’article 11 de ce décret a abrogé le décret présidentiel 572/1988 (FEK A’ 269) antérieurement en vigueur, qui avait harmonisé la législation grecque avec les dispositions de la directive 77/187, modifiée par la directive 98/50, avant d’être codifiée par la directive 2001/23.

( 8 ) FEK A’ 67/18.3.1920.

( 9 ) Il s’agit d’un important chantier naval en Méditerranée.

( 10 ) Pour un historique détaillé, voir arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce (C‑93/17, EU:C:2018:903, points 3 à 7).

( 11 ) Voir, également, point 28 des présentes conclusions.

( 12 ) La société du matériel roulant de Grèce SA.

( 13 ) La société des chemins de fer grecs.

( 14 ) La société des chemins de fer électriques d’Athènes et du Pirée.

( 15 ) Voir, également, point 56 des présentes conclusions.

( 16 ) Contrats du 31 janvier 2007, mettant à la disposition d’ENAE une partie de son personnel, et du 8 novembre 2007, fixant les conditions générales de prêt de personnel, qui a été modifié par acte du 22 octobre 2008.

( 17 ) Contrat du 30 août 2007. Voir, également, point 57 des présentes conclusions.

( 18 ) Contrats du 30 août et du 27 septembre 2007.

( 19 ) Contrat du 27 septembre 2007.

( 20 ) Pendant la période allant de 2008 à 2010, il résulte de l’arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce (C‑93/17, EU:C:2018:903, points 8, 11 et 13), que des aides octroyées par la République hellénique à ENAE aux chantiers navals ont bénéficié exclusivement aux activités civiles de construction de navires et que la Commission européenne, la République hellénique et ENAE sont parvenues, après des négociations pendant la période allant du mois de juin au mois d’octobre 2010 et des lettres d’engagement de la part d’ENAE et de la République hellénique, datées respectivement du 27 et du 29 octobre 2010, à un accord, aux termes duquel la décision 2009/610/CE de la Commission, du 2 juillet 2008, concernant les aides C 16/04 (ex NN 29/04, CP 71/02 et CP 133/05) octroyées par la Grèce à l’entreprise Hellenic Shipyards SA (JO 2009, L 225, p. 104), relative à des aides incompatibles avec le marché intérieur, serait réputée comme ayant été correctement exécutée, sous réserve du respect de plusieurs engagements, dont l’interruption des activités civiles d’ENAE pour une période de quinze ans à compter du 1er octobre 2010.

( 21 ) Cet élément a été retenu par trois des membres de la juridiction de renvoi, ainsi qu’il résulte de l’exposé de leur avis dans la demande de décision préjudicielle (voir point 35 des présentes conclusions).

( 22 ) Voir point 28 des présentes conclusions.

( 23 ) Voir considérant 3 et article 3 de cette directive.

( 24 ) Cette réserve résulte de ce que, selon la juridiction de renvoi, trois membres de la chambre ont relevé que, « au cours de ses deux années et demie de fonctionnement après le transfert, ΕΤΥΕ n’a produit aucun travail et, en tout état de cause, celui qu’elle a produit était très faible et a conduit à sa faillite ».

( 25 ) Voir arrêt du 7 août 2018, Colino Sigüenza (C‑472/16, EU:C:2018:646, point 28 et jurisprudence citée).

( 26 ) Voir arrêt du 6 mars 2014, Amatori e.a. (C‑458/12, EU:C:2014:124, point 31 et jurisprudence citée).

( 27 ) Voir arrêt du 7 août 2018, Colino Sigüenza (C‑472/16, EU:C:2018:646, point 29, première phrase, et jurisprudence citée). Pour un rappel de l’historique législatif, voir arrêt du 12 février 2009, Klarenberg (C‑466/07, EU:C:2009:85, point 40).

( 28 ) Voir arrêts du 20 juillet 2017, Piscarreta Ricardo (C‑416/16, EU:C:2017:574, point 40 et jurisprudence citée), et du 7 août 2018, Colino Sigüenza (C‑472/16, EU:C:2018:646, point 29, seconde phrase, et jurisprudence citée).

( 29 ) Voir, notamment, arrêts du 20 juillet 2017, Piscarreta Ricardo (C‑416/16, EU:C:2017:574, point 41 et jurisprudence citée), et du 7 août 2018, Colino Sigüenza (C‑472/16, EU:C:2018:646, point 30 et jurisprudence citée). À titre d’illustration de l’application de ces critères, voir, notamment, arrêt du 9 septembre 2015, Ferreira da Silva e Brito e.a. (C‑160/14, EU:C:2015:565, point 31).

( 30 ) Voir arrêts du 20 juillet 2017, Piscarreta Ricardo (C‑416/16, EU:C:2017:574, point 42 et jurisprudence citée), et du 7 août 2018, Colino Sigüenza (C‑472/16, EU:C:2018:646, point 31, et jurisprudence citée).

( 31 ) Voir arrêt du 20 juillet 2017, Piscarreta Ricardo (C‑416/16, EU:C:2017:574, point 43 et jurisprudence citée).

( 32 ) Voir arrêt du 2 décembre 1999, Allen e.a. (C‑234/98, EU:C:1999:594, point 21), dans le cas d’« un transfert entre deux sociétés d’un même groupe qui ont les mêmes propriétaires, la même direction, les mêmes locaux et qui travaillent au même ouvrage ».

( 33 ) Arrêt du 6 mars 2014, Amatori e.a. (C‑458/12, EU:C:2014:124, point 32 et jurisprudence citée).

( 34 ) Arrêt du 6 mars 2014, Amatori e.a. (C‑458/12, EU:C:2014:124, point 33 et jurisprudence citée).

( 35 ) Voir point 24 des présentes conclusions.

( 36 ) Voir point 51 des présentes conclusions et arrêt du 6 mars 2014, Amatori e.a. (C‑458/12, EU:C:2014:124, point 35).

( 37 ) C‑234/98, EU:C:1999:594.

( 38 ) Ci-après « ACC ». Il est précisé au point 4 de cet arrêt qu’« ACC est une filiale d’AMCO Corporation plc (ci-après le « groupe AMCO ») qui en détient 100 % du capital. Le groupe AMCO compte une douzaine de sociétés, parmi lesquelles une autre filiale détenue à 100 %, AM Mining Services Ltd (ci-après « AMS »). AMS a été créée en 1993 en vue d’assurer des tâches en rapport avec la fermeture des puits telles que la maintenance et le comblement des boyaux. Elle a recruté à cet effet sa propre main-d’œuvre, dont les conditions de travail diffèrent de celles en vigueur chez ACC et sont, notamment, beaucoup moins favorables aux salariés. Bien qu’ACC et AMS constituent des entités juridiques distinctes, leurs dirigeants sont les mêmes et les fonctions administrative et logistique dans ces deux entreprises sont assumées en commun au sein du groupe AMCO ». Il est énoncé au point 5 du même arrêt : « AMS a progressivement diversifié son activité en obtenant que lui soient confiées des tâches accessoires aux travaux de voirie souterraine, comme le nettoyage et l’entretien des galeries. Elle a, en particulier, assuré ces nouvelles tâches sur le site des houillères Prince of Wales, dans le Yorkshire [(Royaume‑Uni)]. ACC était déjà présente sur ce site où elle exécutait des travaux de forage pour le compte de la société nationale des charbonnages britannique British Coal puis, après la privatisation de cette dernière et la vente d’une partie de ses actifs, pour le compte de RJB Mining (UK) Ltd ».

( 39 ) 24/85, EU:C:1986:127.

( 40 ) Arrêt du 2 décembre 1999, Allen e.a. (C‑234/98, EU:C:1999:594, point 31, première et deuxième phrases).

( 41 ) C‑48/94, EU:C:1995:290.

( 42 ) C‑48/94, EU:C:1995:290.

( 43 ) Arrêt du 2 décembre 1999, Allen e.a. (C‑234/98, EU:C:1999:594, point 37).

( 44 ) Voir point 48 des présentes conclusions.

( 45 ) Voir, par analogie, arrêt du 26 novembre 2015, Aira Pascual et Algeposa Terminales Ferroviarios (C‑509/14, EU:C:2015:781, points 36 et 37).

( 46 ) Arrêt du 7 août 2018, Colino Sigüenza (C‑472/16, EU:C:2018:646, point 37). Voir, également, point 43 des présentes conclusions ainsi que, à titre d’illustration, trois arrêts suivants : arrêt du 2 décembre 1999, Allen e.a. (C‑234/98, EU:C:1999:594 point 30. Dans cette affaire, il s’agissait de forage de tunnels miniers exigeant un matériel et des installations importantes. Dans ce secteur d’activité, il est d’usage que l’essentiel des actifs nécessaires à la réalisation de travaux de forage soit fourni par le propriétaire de la mine lui-même. Ainsi, le sous-traitant peut disposer des équipements mis à disposition par celui-ci), arrêt du 9 septembre 2015, Ferreira da Silva e Brito e.a. (C‑160/14, EU:C:2015:565, point 32. En l’occurrence, la Cour a jugé, s’agissant d’opérations de transport, qu’il importait peu que les matériels concernés aient été utilisés tant pour la réalisation de vols réguliers que pour celle des vols charters en cause), et arrêt du 26 novembre 2015, Aira Pascual et Algeposa Terminales Ferroviarios (C‑509/14, EU:C:2015:781, points 36 à 38. Dans ce cas d’espèce, une entreprise publique en charge d’une activité de manutention d’unités de transport intermodal avait confié par un contrat de gestion de services publics l’exploitation de cette activité à une autre entreprise en mettant à la disposition de cette dernière à cette fin les éléments indispensables, à savoir des grues et des locaux).

( 47 ) Arrêt du 26 novembre 2015, Aira Pascual et Algeposa Terminales Ferroviarios (C‑509/14, EU:C:2015:781, points 39 et 40).

( 48 ) Voir arrêt du 6 septembre 2011, Scattolon (C‑108/10, EU:C:2011:542, point 49 et jurisprudence citée).

( 49 ) Voir arrêts du 2 décembre 1999, Allen e.a. (C‑234/98, EU:C:1999:594, points 34 et 35), du 12 février 2009, Klarenberg (C‑466/07, EU:C:2009:85, points 43, 44 et 50 ainsi que jurisprudence citée), et du 6 mars 2014, Amatori e.a. (C‑458/12, EU:C:2014:12, points 47 à 51 ainsi que jurisprudence citée).

( 50 ) Il s’agissait d’un transfert entre sociétés. Il est précisé au point 23 de l’arrêt du 9 septembre 2015, Ferreira da Silva e Brito e.a. (C‑160/14, EU:C:2015:565), que la question porte sur « une situation dans laquelle une entreprise active sur le marché des vols charters est dissoute par son actionnaire majoritaire, qui est, lui‑même, une entreprise de transport aérien, et dans laquelle, par la suite, cette dernière se substitue à l’entreprise dissoute en reprenant les contrats de location d’avions et les contrats de vols charters en cours d’exécution, exerce des activités auparavant exercées par l’entreprise dissoute, réintègre certains travailleurs jusqu’alors détachés auprès de cette entreprise en leur attribuant des fonctions identiques à celles exercées précédemment, et reprend de petits équipements de ladite entreprise ».

( 51 ) C‑466/07, EU:C:2009:85.

( 52 ) C‑466/07, EU:C:2009:85.

( 53 ) Arrêt du 9 septembre 2015, Ferreira da Silva e Brito e.a. (C‑160/14, EU:C:2015:565, points 33 et 34).

( 54 ) Voir, en ce sens, arrêts du 12 février 2009, Klarenberg (C‑466/07, EU:C:2009:85, point 48), et du 20 juillet 2017, Piscarreta Ricardo (C‑416/16, EU:C:2017:574, point 44).

( 55 ) Points 62 et 71 des présentes conclusions.

( 56 ) À rapprocher du point 41 des présentes conclusions.

( 57 ) Arrêt du 6 septembre 2011, Scattolon (C‑108/10, EU:C:2011:542, point 59 et jurisprudence citée, au sujet de l’article 4 de la directive 77/187, qui correspond à l’article 4 de la directive 2001/23).

( 58 ) Voir points 39 et 40 des présentes conclusions.

( 59 ) Voir considérant 3 de la directive 2001/23 et, notamment, arrêt du 11 juillet 2018, Somoza Hermo et Ilunión Seguridad (C‑60/17, EU:C:2018:559, point 26).

( 60 ) En vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, nul ne saurait frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes du droit de l’Union. Voir, notamment, arrêt du 26 octobre 2017, Argenta Spaarbank (C‑39/16, EU:C:2017:813 point 60 et jurisprudence citée).

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