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Document 62017CC0581

Conclusions de l'avocat général M. M. Wathelet, présentées le 27 septembre 2018.
Martin Wächtler contre Finanzamt Konstanz.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Finanzgericht Baden-Württemberg.
Renvoi préjudiciel – Accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur la libre circulation des personnes – Transfert du lieu du domicile d’une personne physique d’un État membre vers la Suisse – Imposition des plus-values latentes afférentes aux parts d’une société – Fiscalité directe – Libre circulation des indépendants – Égalité de traitement.
Affaire C-581/17.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2018:779

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 27 septembre 2018 ( 1 )

Affaire C‑581/17

Martin Wächtler

contre

Finanzamt Konstanz

[demande de décision préjudicielle formée par le Finanzgericht Baden-Württemberg (tribunal des finances du Bade-Wurtemberg, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes – Transfert du domicile fiscal vers la Suisse – Réglementation d’un État membre prévoyant dans un tel cas une imposition des plus-values latentes sur des parts d’une société »

I. Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, signé à Luxembourg le 21 juin 1999 ( 2 ) (ci-après l’« ALCP ») et qui est entré en vigueur le 1er juin 2002.

2.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Martin Wächtler au Finanzamt Konstanz (administration fiscale, Konstanz, Allemagne, ci-après l’« administration fiscale ») au sujet de la décision de cette dernière d’imposer, à l’occasion du transfert du domicile de M. Wächtler de l’Allemagne vers la Suisse, la plus-value latente afférente aux droits sociaux qu’il détient dans une société de droit suisse dont il est en outre le gérant.

II. Le cadre juridique

A.   L’ALCP

3.

Aux termes du préambule de l’ALCP, les parties contractantes sont « décidé[e]s à réaliser la libre circulation des personnes entre [elles] en s’appuyant sur les dispositions en application dans [l’Union] ».

4.

L’article 1er de l’ALCP énonce :

« L’objectif de cet accord, en faveur des ressortissants des États membres de [l’Union] européenne et de la Suisse est :

a)

d’accorder un droit d’entrée, de séjour, d’accès à une activité économique salariée, d’établissement en tant qu’indépendant et le droit de demeurer sur le territoire des parties contractantes.

[...] »

5.

L’article 4 de l’ALCP, intitulé « Droit de séjour et d’accès à une activité économique » indique que le droit de séjour et d’accès à une activité économique est garanti [...] conformément aux dispositions de l’annexe I.

6.

L’article 16 de l’ALCP, intitulé « Référence au droit [de l’Union] », prévoit :

«1.   Pour atteindre les objectifs visés par le présent accord, les parties contractantes prendront toutes les mesures nécessaires pour que les droits et obligations équivalant à ceux contenus dans les actes juridiques de [l’Union] auxquels il est fait référence trouvent application dans leurs relations.

2.   Dans la mesure où l’application du présent accord implique des notions de droit [de l’Union], il sera tenu compte de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice [de l’Union européenne] antérieure à la date de sa signature. La jurisprudence postérieure à la date de la signature du présent accord sera communiquée à la Suisse. En vue d’assurer le bon fonctionnement de l’accord, à la demande d’une partie contractante, le comité mixte déterminera les implications de cette jurisprudence. »

7.

L’article 21 de l’ALCP, intitulé « Relation avec les accords bilatéraux en matière de double imposition », prévoit, à ses paragraphes 2 et 3 :

« 2.   Aucune disposition du présent accord ne peut être interprétée de manière à empêcher les parties contractantes d’établir une distinction, dans l’application des dispositions pertinentes de leur législation fiscale, entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans des situations comparables, en particulier en ce qui concerne leur lieu de résidence.

3.   Aucune disposition du présent accord ne fait obstacle à l’adoption ou l’application par les parties contractantes d’une mesure destinée à assurer l’imposition, le paiement et le recouvrement effectif des impôts ou à éviter l’évasion fiscale conformément aux dispositions de la législation fiscale nationale d’une partie contractante ou aux accords visant à éviter la double imposition liant la Suisse, d’une part, et un ou plusieurs États membres de [l’Union européenne], d’autre part, ou d’autres arrangements fiscaux ».

8.

L’annexe I de l’ALCP est consacrée à la libre circulation des personnes.

9.

L’article 2 de l’annexe I de l’ALCP, intitulé « Séjour et activité économique », dispose :

« 1.   Sans préjudice des dispositions de la période transitoire arrêtée à l’article 10 du présent accord et au chapitre VII de la présente annexe, les ressortissants d’une partie contractante ont le droit de séjourner et d’exercer une activité économique sur le territoire de l’autre partie contractante selon les modalités prévues aux chapitres II à IV. […] »

10.

L’article 9 de l’annexe I de l’ALCP, intitulé « Égalité de traitement », prévoit à son paragraphe 2 :

« Le travailleur salarié et les membres de sa famille [...] y bénéficient des mêmes avantages fiscaux et sociaux que les travailleurs salariés nationaux et les membres de leur famille. »

11.

Le chapitre III de l’annexe I de l’ALCP, qui est consacré aux indépendants, contient les articles 12 à 16 de cette annexe. L’article 12 de ladite annexe, intitulé « Réglementation du séjour », est libellé comme suit :

« 1.   Le ressortissant d’une partie contractante désirant s’établir sur le territoire d’une autre partie contractante en vue d’exercer une activité non salariée (ci-après nommé indépendant) reçoit un titre de séjour d’une durée de cinq ans au moins à dater de sa délivrance pour autant qu’il produise la preuve aux autorités nationales compétentes qu’il est établi ou veut s’établir à cette fin.

[...] »

12.

L’article 15 de l’annexe I de l’ALCP, intitulé « Égalité de traitement », dispose :

« 1.   L’indépendant reçoit dans le pays d’accueil, en ce qui concerne l’accès à une activité non salariée et à son exercice, un traitement non moins favorable que celui accordé à ses propres ressortissants.

2.   Les dispositions de l’article 9 de la présente annexe sont applicables, mutatis mutandis, aux indépendants visés dans le présent chapitre. »

B.   La convention entre la Confédération suisse et la République fédérale d’Allemagne en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune

13.

Le 11 août 1971, la Confédération suisse et la République fédérale d’Allemagne ont conclu une convention en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (ci-après, la « CDI Allemagne/Suisse ») ( 3 ).

14.

L’article 4 de la CDI Allemagne/Suisse dispose :

« 1.   Au sens de la présente Convention, l’expression “résident d’un État contractant” désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit État, est assujettie de manière illimitée à l’impôt dans cet État.

[…] »

15.

L’article 13 de la CDI Allemagne/Suisse prévoit :

« 1.   Les gains provenant de l’aliénation des biens immobiliers, tels qu’ils sont définis au paragraphe 2 de l’article 6, sont imposables dans l’État contractant où ces biens sont situés.

2.   Les gains provenant de l’aliénation de biens mobiliers faisant partie de l’actif d’un établissement stable qu’une entreprise d’un État contractant a dans l’autre État contractant, ou de biens mobiliers constitutifs d’une base fixe dont dispose un résident d’un État contractant dans l’autre État contractant pour l’exercice d’une profession libérale, y compris de tels gains provenant de l’aliénation globale de cet établissement stable (seul ou avec l’ensemble de l’entreprise) ou de cette base fixe, sont imposables dans cet autre État. […]

3.   Les gains provenant de l’aliénation de tous biens autres que ceux qui sont mentionnés aux paragraphes 1 et 2 ne sont imposables que dans l’État contractant dont le cédant est un résident.

4.   Nonobstant les dispositions du paragraphe 3, les gains provenant de l’aliénation totale ou partielle d’une participation substantielle à une société sont imposables dans l’État contractant dont la société est un résident, si le cédant est une personne physique, résident de l’autre État contractant,

a.

Qui, au cours de cinq années précédant l’aliénation, a été un résident du premier État contractant au sens de l’article 4 et

b.

Qui n’est assujettie dans l’autre État à aucun impôt sur les gains en capital.

Il y a participation substantielle lorsque le cédant disposait, directement ou indirectement, de plus d’un quart du capital de la société.

5.   Si un État contractant, lors du départ d’une personne physique qui est un résident de cet État, impose les plus-values provenant d’une participation substantielle à une société qui est un résident de cet État, l’autre État, lorsqu’il impose le gain provenant de l’aliénation ultérieure de la participation conformément aux dispositions du paragraphe 3, déterminera ce gain en capital en prenant pour base, au titre des frais d’acquisition, le montant que le premier État a admis comme produit au moment du départ. »

16.

Aux termes de l’article 27 de la CDI Allemagne/Suisse :

« 1.   Les autorités compétentes des États contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente Convention ou pour l’administration ou l’application de la législation interne relative aux impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des États contractants ou de leurs “Länder”, cantons, districts, cercles, communes ou groupements de communes, dans la mesure où l’imposition qu’elle prévoit n’est pas contraire à la Convention. L’échange de renseignements n’est pas restreint par les articles 1 et 2.

[…]

3.   Les dispositions des paragraphes 1 et 2 ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à un État contractant l’obligation :

a.

de prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation et à sa pratique administrative ou à celles de l’autre État contractant ;

b.

de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale ou de celles de l’autre État contractant ;

c.

de fournir des renseignements qui révéleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou un procédé commercial ou des renseignements dont la communication serait contraire à l’ordre public.

4.   Si des renseignements sont demandés par un État contractant conformément à cet article, l’autre État contractant utilise les pouvoirs dont il dispose pour obtenir les renseignements demandés, même s’il n’en a pas besoin à ses propres fins fiscales. L’obligation qui figure dans la phrase précédente est soumise aux limitations prévues au paragraphe 3 sauf si ces limitations sont susceptibles d’empêcher un État contractant de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci ne présentent pas d’intérêt pour lui dans le cadre national.

5.   En aucun cas, les dispositions du paragraphe 3 ne peuvent être interprétées comme permettant à un État contractant de refuser de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci sont détenus par une banque, un autre établissement financier, un mandataire ou une personne agissant en tant qu’agent ou fiduciaire ou parce que ces renseignements se rattachent aux droits de propriété dans une personne. Aux fins de l’obtention des renseignements mentionnés dans le présent paragraphe, nonobstant le paragraphe 3 ou toute disposition contraire du droit interne, les autorités fiscales de l’État contractant requis disposent, dans la mesure nécessaire pour remplir les obligations prévues par le présent paragraphe, des pouvoirs de procédure qui leur permettent d’obtenir les renseignements visés par le présent paragraphe. »

C.   Le droit allemand

17.

Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de l’Einkommensteuergesetz [loi relative à l’impôt sur le revenu (BGBl. 2009 I S., p. 3366 et 3862), ci-après l’« EStG »], les personnes physiques ayant leur domicile ou leur résidence habituelle sur le territoire national sont assujetties à l’impôt sur le revenu de manière illimitée.

18.

Aux termes de l’article 17, paragraphes 1 et 2, de l’EStG :

« 1.   Constitue également un revenu d’activité professionnelle la plus-value de cession de parts d’une société de capitaux, si, au cours des cinq années antérieures, le cédant a participé – directement ou indirectement – au capital social à hauteur d’au moins 1 %. […]

2.   Est considérée comme une plus-value au sens du paragraphe 1, la différence, après déduction des frais de cession, entre le prix de vente et les frais d’acquisition. […] »

19.

L’Außensteuergesetz (loi relative à l’imposition en cas de relation avec l’étranger, ci-après l’« AStG »), prévoit à son article 6 :

« 1.   Dans le cas d’une personne physique qui a été assujettie de manière illimitée à l’impôt pendant au moins dix ans au total en application de l’article 1er, paragraphe 1, de l’[EStG] et dont l’assujettissement illimité prend fin avec le transfert du domicile ou de la résidence habituelle, il y a lieu d’appliquer aux parts visées à l’article 17, paragraphe 1, première phrase, de l’[EStG], l’article 17 de l’[EStG] au moment où l’assujettissement illimité prend fin, y compris en l’absence de cession, si les conditions de cette disposition concernant les parts sont par ailleurs remplies à cette date.

[…]

4.   Sous réserve de [l’article 6], paragraphe 5, de l’[AStG], l’impôt sur le revenu dû en application de [l’article 6], paragraphe 1, de l’[AStG] doit, sur demande, faire l’objet d’un report sous la forme d’un échelonnement en plusieurs versements à intervalles réguliers sur une période maximale de cinq ans dès la première échéance, moyennant la constitution d’une garantie, dans la mesure où le recouvrement immédiat entraînerait des conséquences difficilement supportables pour le contribuable. Le report doit être annulé si, pendant la période du différé, les parts sont cédées ou font l’objet d’un apport occulte dans une société au sens de l’article 17, paragraphe 1, de l’[EStG], ou si l’une des hypothèses visées à l’article 17, paragraphe 4, de l’[EStG] se réalise. […]

5.   Si le contribuable se trouvant dans la situation visée à [l’article 6] paragraphe 1, première phrase, de [l’AStG] est ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État auquel s’applique l’accord sur l’Espace économique européen [...], et [s’]il est soumis, après la fin de l’assujettissement illimité, à une imposition dans l’un de ces États (État d’accueil) comparable à l’assujettissement à l’impôt sur le revenu allemand, l’impôt dû en vertu de [l’article 6], paragraphe 1, de [l’AStG] doit être reporté sans intérêts et sans constitution de garantie. Cette mesure est subordonnée à la condition que l’assistance administrative et l’assistance mutuelle en matière de recouvrement fiscal entre la République fédérale d’Allemagne et cet État soient garanties. […]

Le report doit être annulé dans les cas suivants :

1)

si le contribuable ou son successeur en droit au sens de la troisième phrase, point 1, cède les parts ou en fait un apport occulte dans une société au sens de l’article 17, paragraphe 1, première phrase, de l’[EStG], ou si l’une des hypothèses visées à l’article 17, paragraphe 4, de l’[EStG] se réalise ;

2)

si des parts sont transmises à une personne non assujettie à l’impôt de manière illimitée, qui n’est pas soumise à une imposition comparable à l’assujettissement intégral à l’impôt sur le revenu allemand dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État partie à l’accord EEE ;

3)

si les parts font l’objet d’un prélèvement ou d’une autre opération qui, en vertu du droit national, conduit à une prise en compte de la valeur partielle ou de la valeur vénale ;

4)

si le contribuable ou son successeur au sens de la troisième phrase, point 1, n’est plus soumis à un assujettissement au sens de la première phrase du fait qu’il a transféré son domicile ou sa résidence habituelle. »

III. Le litige au principal et la question préjudicielle

20.

M. Wächtler est un ressortissant allemand qui travaille avec un associé dans le domaine du conseil informatique. Depuis le 1er février 2008, il est le gérant de la société de droit suisse MWK-Consulting GmbH dont le siège est situé en Suisse et dans laquelle il détient 50 % des parts depuis sa création au mois de juillet 2007.

21.

M. Wächtler résidait dans la ville frontalière de Constance (Allemagne) mais a transféré son domicile en Suisse le 1er mars 2011 afin de pouvoir se rendre, chaque jour, à son travail sans traverser la frontière. Conformément à l’article 6 de l’AStG et à l’article 17 de l’EStG, le transfert de son domicile vers la Suisse a provoqué l’imposition de la plus-value latente afférente à sa participation dans MWK-Consulting à travers l’impôt sur le revenu, alors qu’aucune cession de ces actifs n’avait eu lieu.

22.

Dans le cadre de la procédure précontentieuse qui s’est déroulée devant l’administration fiscale, M. Wächtler a soutenu que cette imposition n’était pas conforme à l’ALCP qui garantit la liberté d’établissement pour les personnes physiques entre l’Union et la Suisse. Selon M. Wächtler, l’imposition de la plus-value latente et donc, non réalisée, serait de nature à dissuader une personne physique de transférer son domicile vers la Suisse, d’autant plus qu’en l’absence d’une entrée de trésorerie due à une vraie cession de sa participation dans MWK-Consulting, la liquidité permettant de payer l’impôt ferait défaut. En outre, il prétendait que l’imposition des plus-values de cette manière et sans droit au régime de report visé à l’article 6, paragraphe 5, de l’AStG irait au-delà de ce qui était nécessaire pour éviter l’évasion fiscale.

23.

Selon l’administration fiscale, que le contribuable allemand transfère son domicile vers un État membre de l’Union ou vers un État auquel s’applique l’accord EEE, l’imposition des plus-values devrait être identique. À cet égard, l’article 6, paragraphe 5, de l’AStG prévoit un report du paiement de l’impôt sur les plus-values et ce, sans intérêts ni constitution de garantie jusqu’à la cession effective des actifs, à condition que le nouvel État de résidence prête assistance et soutien en matière de recouvrement fiscal. Or, selon l’administration fiscale, il n’y aurait pas d’accord de soutien en matière de recouvrement fiscal avec la Suisse, ce qui justifierait le traitement défavorable des contribuables transférant leur domicile fiscal vers cet État. Enfin, l’administration fiscale estimait qu’il n’y aurait pas de double imposition économique, puisque la Suisse n’imposait pas les plus-values.

24.

M. Wächtler a formé un recours devant le Finanzgericht Baden-Württemberg (tribunal des finances du Bade-Wurtemberg, Allemagne), qui a des doutes quant à la conformité de la législation nationale en cause avec l’article 21, paragraphe 1, l’article 45 et l’article 49 TFUE ainsi qu’avec le préambule, les articles 1, 2, 4, 6, 7, 16, 21, et l’article 9 de l’annexe I de l’ALCP.

25.

Le Finanzgericht Baden-Württemberg (tribunal des finances du Bade-Wurtemberg) a donc décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les dispositions de l’[ALCP], en particulier son préambule ainsi que ses articles 1, 2, 4, 6, 7, 16 et 21, et l’article 9 de son annexe I, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la réglementation d’un État membre prévoyant, pour éviter toute perte de matière fiscale, l’imposition (sans report) des plus-values latentes de droits sociaux, non encore réalisées, lorsqu’un ressortissant de cet État membre, d’abord assujetti de manière illimitée dans cet État membre, transfère son domicile de cet État vers la Suisse, et non vers un État membre de l’Union européenne ou vers un État auquel l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) est applicable ? »

IV. La procédure devant la Cour

26.

La présente demande de décision préjudicielle a été déposée à la Cour le 4 octobre 2017. M. Wächtler, les gouvernements allemand, espagnol et autrichien ainsi que la Commission européenne ont déposé des observations écrites.

27.

Le 31 mai 2018, la Cour a demandé à la Commission de produire, avant le 15 juin 2018, toutes les pièces des travaux préparatoires de l’ALCP ainsi que tout autre élément de sa négociation tendant à démontrer le sens que les parties à celui-ci ont voulu donner à la notion d’établissement utilisée à son article 1er, sous a), surtout après l’expiration de la période transitoire prévue à son article 10. La Commission s’est conformée à cette demande dans le délai fixé par la Cour.

28.

Une audience s’est tenue le 2 juillet 2018 lors de laquelle M. Wächtler, les gouvernements allemand et espagnol ainsi que la Commission ont présenté leurs observations orales.

V. Analyse

29.

Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi souhaite savoir si les articles 1, 2, 4, 6, 7, 16 et 21, ainsi que l’article 9 de l’annexe I de l’ALCP doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre qui prévoit l’imposition (sans report) des plus-values latentes de droits sociaux, non encore réalisées, lorsqu’un ressortissant de cet État membre, d’abord assujetti de manière illimitée dans cet État membre, transfère son domicile de cet État vers la Suisse, alors que, lors d’un transfert de domicile vers un autre État membre de l’Union ou vers un État membre auquel s’applique l’accord EEE, le paiement de l’impôt sur pareilles plus-values est reporté sans intérêts et sans constitution de garantie, à condition que l’assistance et le soutien mutuels en matière de recouvrement fiscal entre l’Allemagne et cet État soient garantis.

A.   Synthèse des observations des parties

30.

M. Wächtler considère que l’ALCP crée à son égard un droit d’établissement comparable à celui garanti au sein de l’Union par l’article 49 TFUE. Sur cette base, il conteste la compatibilité de l’imposition des plus-values latentes non réalisées, sans possibilité de report, avec la jurisprudence de la Cour sur cette matière.

31.

Sur la même longueur d’onde, la Commission considère que M. Wächtler est un indépendant au sens de l’article 12 de l’annexe I de l’ALCP et que, partant, l’imposition qui a eu lieu à son égard constitue une entrave disproportionnée au droit à l’établissement que cette disposition lui confère.

32.

En revanche, le gouvernement allemand, soutenu par les gouvernements espagnol et autrichien, considère que l’ALCP n’étend la liberté d’établissement instauré par le traité FUE aux relations entre l’Union et la Confédération suisse que de façon partielle et limitée par les termes spécifiques de l’ALCP.

33.

À cet égard, il est d’avis que la création et la gestion par M. Wächtler d’une entreprise suisse ne relèvent pas du champ d’application de l’ALCP, puisque cette activité ne constitue pas une activité non salariée au sens de l’article 12 de l’annexe I de l’ALCP.

34.

De plus, selon le gouvernement allemand, l’imposition en cause dans l’affaire au principal n’aurait pas non plus porté atteinte aux droits que l’ALCP confère à M. Wächtler en sa qualité de travailleur salarié.

B.   Le champ d’application ratione personae de l’ALCP : M. Wächtler est-il un salarié ou un indépendant ?

35.

L’article 1er, sous a), de l’ALCP accorde aux ressortissants de l’Union et de la Suisse un droit d’entrée, de séjour, d’accès à une activité économique salariée, d’établissement en tant qu’indépendant et le droit de demeurer sur le territoire des parties contractantes.

36.

Il convient donc de vérifier si M. Wächtler relève du champ d’application ratione personae de l’ALCP en tant que salarié ou indépendant ( 4 ).

37.

Selon la juridiction de renvoi, son activité professionnelle devrait être qualifiée d’activité salariée puisque, en tant que gérant de sa société, M. Wächtler reçoit une rémunération.

38.

Je ne partage pas cette prémisse. Au contraire, à l’instar du gouvernement autrichien et de la Commission, j’estime que malgré le paiement d’une rémunération en contrepartie de ses prestations de gestion, M. Wächtler ne se trouve pas dans un rapport de subordination qui caractérise les relations de travail salarié ( 5 ).

39.

En effet, comme cela ressort de la demande de décision préjudicielle, M. Wächtler est un entrepreneur indépendant dans le domaine du conseil informatique. Le fait qu’il a décidé de structurer son activité économique par la constitution d’une société et de se faire payer une rémunération pour ses prestations de gestion de cette société ne change rien au fait qu’il est actionnaire à 50 % de cette société et ne se trouve pas dans un rapport de subordination avec celle-ci ( 6 ).

40.

En outre, la réglementation allemande en cause dans l’affaire au principal sur la base de laquelle l’administration fiscale allemande a imposé les plus-values latentes afférentes à sa participation dans sa société ne le concerne pas en tant que salarié mais en tant qu’actionnaire de celle-ci.

41.

Toutefois, selon le gouvernement allemand, soutenu par les gouvernements espagnol et autrichien, la gestion de participations détenues dans une entreprise ne relève pas de la notion d’« activité non salariée » au sens de l’article 12, paragraphe 1, de l’annexe I de l’ALCP.

42.

Ce gouvernement s’appuie à ce sujet sur les points 67 à 71 des conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Picart (C‑355/16, EU:C:2017:610), pour qui, comme cela ressort de l’article 49, deuxième alinéa, TFUE, la constitution et la gestion d’entreprises étant différente des activités non salariées, rien dans le contexte et la finalité de l’ALCP ne permettrait de conclure que les parties contractantes à celui-ci ont entendu donner à la notion d’« indépendant » une signification autre que sa signification ordinaire, à savoir une activité économique non salariée ( 7 ).

43.

À mon avis, cet argument est inopérant puisque l’activité que M. Wächtler poursuit en Suisse n’est pas une activité de gestion de participations telle que celle de M. Christian Picart. Contrairement à ce dernier, M. Wächtler n’est pas un investisseur ou un simple actionnaire passif mais un entrepreneur indépendant dont l’activité économique consiste en la prestation, par le biais d’une société, de conseils informatiques.

44.

Cette appréciation est corroborée par une interprétation de l’ALCP conforme à la règle du droit international coutumier, reflétée par l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités ( 8 ), qui lie les institutions de l’Union et fait partie de l’ordre juridique de cette dernière ( 9 ). Selon cette règle, un accord international doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but ( 10 ). De plus, selon cette disposition, un terme sera entendu dans un sens particulier s’il est établi que telle était l’intention des parties ( 11 ).

45.

Si l’article 12, paragraphe 1, de l’annexe I de l’ALCP considère comme indépendant « [l]e ressortissant d’une partie contractante désirant s’établir sur le territoire d’une autre partie contractante en vue d’exercer une activité non salariée », il ressort du préambule ainsi que de l’article 1er, sous a), et de l’article 16, paragraphe 2, de l’ALCP que ce dernier « vise à réaliser, en faveur des ressortissants de l’Union et de ceux de la Confédération suisse, la libre circulation des personnes sur les territoires des parties contractantes en s’appuyant sur les dispositions en application dans l’Union, dont les notions doivent être interprétées conformément à la jurisprudence de la Cour» ( 12 ).

46.

À propos de l’article 49 TFUE et avant la signature de l’ALCP, la Cour a jugé que les termes « activité non salariée » devaient être compris comme incluant les activités d’une personne physique agissant en tant que dirigeant d’une société dont il est l’unique actionnaire ou dirigeant d’une société sans en posséder des actions ( 13 ). Je ne vois aucune raison de s’écarter de cette conception pour les activités de M. Wächtler qui est dirigeant de MWK-Consulting et détient 50 % de ses actions.

47.

Par ailleurs, une interprétation contraire qui exclurait M. Wächtler de la notion d’« indépendant » et, partant, du champ d’application de l’ALCP ne serait ni compatible avec l’objet et le but de ce dernier, ni ne serait-elle de bonne foi, puisqu’elle le priverait de son effet utile.

48.

En effet, d’une part, en distinguant entre les salariés ( 14 ), les indépendants ( 15 ), les prestataires de services ( 16 ) et les personnes sans activité économique ( 17 ) et, d’autre part, en procédant à une classification des personnes dans chacune de ces grandes catégories ( 18 ), l’ALCP entend couvrir toutes les catégories de personnes physiques visées, en droit de l’Union, par la libre circulation des personnes et la liberté d’établissement. Refuser à M. Wächtler la qualité d’indépendant l’exclurait des quatre catégories des personnes visées par l’ALCP.

49.

Les documents de la négociation de l’ALCP produits par la Commission à la demande de la Cour corroborent cette interprétation.

50.

En effet, du côté de la Confédération suisse, il ressort de son projet d’accord du 21 avril 1995 que celui-ci s’appliquerait à toutes les activités lucratives et accorderait aux ressortissants de chaque partie contractante le droit d’exercer pareille activité sur le territoire de l’autre partie contractante. Ces activités lucratives n’étaient divisées qu’entre celles des salariés et celles des indépendants, même si au début de la négociation, l’approche suisse était encore plus détaillée en distinguant entre travailleurs saisonniers, travailleurs frontaliers, autres salariés, indépendants, prestataires de services et non-actifs, distinction que l’Union n’a acceptée que comme « point de réflexion» ( 19 ).

51.

Pour l’Union et ses États membres, le Conseil a adopté le 31 octobre 1994 un mandat de négociation d’un accord bilatéral avec la Suisse en matière de libre circulation de personnes, qui indiquait que cet accord devait prévoir l’application de la totalité de l’acquis communautaire dans le domaine en question, dont notamment la libre circulation des travailleurs et le droit d’établissement.

52.

Certes, au cours des négociations, les termes « activité lucrative » ont été progressivement remplacés par les termes « activité économique salariée et non salariée» ( 20 ) avant d’aboutir aux termes retenus d’« activité économique salariée » et de « droit d’établissement en tant qu’indépendant » figurant à l’article 1er, sous a), de l’ALCP.

53.

De plus, la définition initiale de l’indépendant comme « le ressortissant d’une partie contractante désirant s’établir sur le territoire d’une autre partie contractante en vue d’exercer une activité indépendante» ( 21 ) a été remplacée par « le ressortissant d’une partie contractante désirant s’établir sur le territoire d’une autre partie contractante en vue d’exercer une activité non salariée» ( 22 ), définition qui a été finalement retenue à l’article 12, paragraphe 1, de l’annexe I de l’ALCP.

54.

À mon avis, ces éléments démontrent que bien qu’en définissant l’activité des indépendants comme une activité non salariée, l’intention commune des parties était de couvrir, à l’exception de la prestation de services, toute activité économique ou lucrative d’une personne physique ne relevant pas de la notion de « salarié », raison pour laquelle les termes « activité indépendante » ont été remplacés par les termes « activité non salariée ». En ce sens, même un investisseur serait couvert par le champ d’application de l’ALCP en qualité de personne exerçant une activité non salariée.

55.

Il n’est donc guère surprenant qu’en soumettant l’ALCP à l’Assemblée fédérale suisse, le Conseil fédéral ait décrit le contenu de cet accord en ce qui concerne les indépendants par renvoi au droit de l’Union dans les termes suivants :

« Les principes de la libre circulation des personnes – tels qu’ils sont déjà appliqués dans l’[Union] – vaudront en principe également pour la Suisse à l’expiration de la période transitoire […]

La libre circulation des personnes – elle avait déjà été définie aux articles 48 [et suivants] [du traité] CEE – englobe tant les salariés que les indépendants ; en d’autres termes, tous les ressortissants de l’UE peuvent choisir librement leur lieu de travail et de séjour au sein de l’Union et y jouissent des mêmes droits que les nationaux. Le droit de séjour est cependant subordonné à l’exercice d’une activité lucrative salariée ou indépendante […]

[…]

Dans l’acquis communautaire, les indépendants qui s’établissent dans un État membre ou fournissent des prestations de services transfrontalières bénéficient également de la libre circulation. La liberté d’établissement englobe le droit de prendre et d’exercer une activité lucrative indépendante, de créer et de gérer des entreprises dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants. Les indépendants jouissent, comme les salariés, du droit au regroupement familial.

[…]» ( 23 )

56.

Enfin, si les parties contractantes voulaient exclure certains indépendants du champ d’application de l’ALCP en fonction de leurs activités ou de leur organisation, je pense que, vu leur position très extensive au départ des négociations, les documents produits par la Commission auraient fait apparaître l’existence, à partir d’un certain moment, d’une approche plus restrictive. Or, pareille trace n’existe pas dans les documents produits.

57.

Par conséquent, j’estime que M. Wächtler relève du champ d’application de l’ALCP en tant qu’indépendant.

C.   Sur l’existence d’une restriction au droit d’établissement conféré aux indépendants par l’ALCP

58.

Aux termes de l’article 1er, sous a), de l’ALCP, un des objectifs est d’accorder un droit d’établissement en tant qu’indépendant aux ressortissants des États membres de l’Union et de la Suisse. L’article 4 de l’ALCP prévoit que les modalités de son exercice sont fixées à l’annexe I de cet accord.

59.

L’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, de l’annexe I de l’ALCP confère aux ressortissants d’une partie contractante le droit de séjourner et d’exercer une activité économique sur le territoire de l’autre partie contractante selon les modalités prévues à son chapitre III en ce qui concerne les indépendants.

60.

L’article 15 de l’annexe I de l’ALCP prévoit que l’indépendant reçoit un traitement au moins égal au traitement national dans l’État d’accueil en ce qui concerne l’accès à une activité non salariée et à son exercice et que les dispositions de l’article 9 de ladite annexe visant les travailleurs salariés sont applicables, mutatis mutandis, aux indépendants. Aux termes du paragraphe 2 dudit article, l’indépendant bénéficie, dans le pays d’accueil, des mêmes avantages fiscaux que les indépendants exerçant leur activité dans ce pays et y résidant ( 24 ).

61.

La question est donc de savoir si l’ALCP interdit, en principe, toute restriction à la liberté d’établissement des indépendants, y incluses les restrictions instaurées par le pays d’origine, malgré le fait que ses dispositions matérielles, dont notamment l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe I et l’article 15, paragraphe 1, de ladite annexe ne visent expressément que le pays d’accueil.

62.

Il convient de noter d’emblée que, comme la Cour l’a rappelé, il ressort du préambule, de l’article 1er, sous a), et l’article 16, paragraphe 2, de l’ALCP, que « ce dernier vise à réaliser, en faveur des ressortissants de l’Union et de ceux de la Confédération suisse, la libre circulation des personnes sur les territoires des parties contractantes de cet accord en s’appuyant sur les dispositions en application dans l’Union, dont les notions doivent être interprétées conformément à la jurisprudence de la Cour» ( 25 ).

63.

Si donc l’interprétation donnée des dispositions du droit de l’Union relatives au marché intérieur de l’Union ne peut être automatiquement transposée à l’interprétation de l’ALCP, c’est sous réserve de dispositions expresses prévues à cet effet par cet accord lui-même ( 26 ), ce qui est le cas de l’article 16, paragraphe 2, qui impose d’interpréter la notion de « droit d’établissement », à laquelle se réfère l’ALCP dans son article 1er, sous a), selon la jurisprudence de la Cour existante au moment la signature dudit accord.

64.

Or, déjà en 1988, la Cour avait jugé par rapport aux dispositions du traité CEE garantissant la liberté d’établissement que « [b]ien que, selon leur libellé, ces dispositions visent notamment à assurer le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil, elles s’opposent également à ce que l’État d’origine entrave l’établissement dans un autre État membre d’un de ses ressortissants […]» ( 27 ).

65.

En donnant à l’ALCP l’objectif, entre autres, de garantir le droit d’établissement en tant qu’indépendant, les parties contractantes savaient très bien que ce droit conférait des droits tant à l’égard de l’État d’accueil qu’à l’encontre du pays d’origine et n’ont pas expressément limité à l’égard du pays d’accueil les droits conférés par cet accord.

66.

En ce sens, une interprétation de l’ALCP conforme à l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités, à savoir une interprétation de bonne foi, qui tient compte non seulement du sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte, mais également de son objet et de son but, aboutit à la conclusion que le pays d’origine ne peut prendre de mesures restrictives qui ont pour effet de dissuader l’exercice du droit à l’établissement. En effet, pareilles mesures seraient manifestement contraires à « l’esprit même» ( 28 ) de l’ALCP.

67.

En effet, « [la libre circulation des personnes, instaurée par l’ALCP,] serait entravée si un ressortissant d’une partie contractante subissait un désavantage dans son pays d’origine pour la seule raison d’avoir exercé son droit de circulation» ( 29 ). Si cela vaut pour la personne qui retourne dans son pays d’origine après avoir exercé ce droit, cela vaut a fortiori pour la personne qui entend l’exercer pour s’établir dans un autre État mais en est empêché par son État d’origine.

68.

Par conséquent, le principe d’égalité de traitement, prévu dans plusieurs dispositions de l’ALCP, dont notamment l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe I auquel renvoie l’article 15, paragraphe 2, de cette annexe, peut également être invoqué par un indépendant ressortissant d’une partie contractante à l’égard de son État d’origine ( 30 ).

69.

Il y a lieu dès lors de vérifier si, en exerçant son droit à l’établissement en Suisse en tant qu’indépendant, M. Wächtler a subi un désavantage fiscal par rapport à d’autres ressortissants résidents allemands qui sont des indépendants détenant des actions dans des sociétés suisses mais qui, contrairement à lui, n’ont pas transféré leur domicile en dehors du territoire allemand ou l’ont transféré vers un autre État membre de l’Union ou vers un État auquel s’applique l’accord EEE.

70.

La jurisprudence de la Cour relative à l’imposition des plus-values latentes lorsque le contribuable transfère son domicile en dehors du pays de sa résidence est postérieure à la date de signature de l’ALCP ( 31 ).

71.

En ce qui concerne cette jurisprudence postérieure de la Cour, l’article 16, paragraphe 2, de l’ALCP prévoit qu’elle sera communiquée à la Suisse et que le comité mixte en déterminera les implications. Or, ce dernier n’a pris aucune initiative à l’égard de cette jurisprudence.

72.

À l’instar de la Commission, j’estime que, dans la mesure où l’ALCP fait référence à des notions du droit de l’Union, il faut tenir compte de cette jurisprudence pertinente de la Cour qui est postérieure à la signature de cet accord, si elle ne s’écarte pas des principes déjà dégagés dans la jurisprudence existante à la date de la signature de l’ALCP.

73.

À mon avis, l’arrêt du 11 mars 2004, de Lasteyrie du Saillant (C‑9/02, EU:C:2004:138) remplit cette condition.

74.

En effet, rien dans cet arrêt n’indique un revirement dans la jurisprudence de la Cour mais, au contraire, comme le soutient la Commission au point 40 de ses observations écrites, ledit arrêt est fondé sur des principes développés dans la jurisprudence de la Cour d’avant 1999. D’ailleurs, la République française, partie défenderesse dans la procédure au principal, ne contestait ni l’applicabilité de la liberté d’établissement à l’égard du pays d’origine ni même l’existence d’une restriction mais concentrait son analyse sur les justifications possibles de l’entrave à cette liberté ( 32 ). En outre, l’affaire a été confiée à une chambre à trois juges, ce qui indique le fait qu’elle ne posait pas une question d’une envergure méritant l’attention d’une formation plus élargie. Enfin, l’avocat général Mischo avait abouti dans ses conclusions ( 33 ) au même résultat que la Cour, ce qui suggère également que la solution donnée par la Cour n’était pas surprenante.

75.

Si la jurisprudence postérieure de la Cour relative à l’imposition des plus-values latentes ( 34 ) a été plus ouverte en termes de justification, elle n’a pas varié dans la constatation de l’existence d’une restriction à une liberté fondamentale de circulation.

76.

Dans le cas présent, il y a deux différences de traitement à l’encontre des contribuables allemands détenant des actions dans des sociétés suisses et qui transfèrent leur domicile vers la Suisse, l’une vis‑à‑vis des contribuables allemands détenant pareilles actions mais maintenant leur domicile en Allemagne et la seconde vis-à-vis des contribuables allemands détenant également pareilles actions mais transférant leur domicile vers un autre État membre ou vers un État auquel s’applique l’accord EEE.

77.

Dans le premier cas, les plus-values ne sont imposables qu’au moment de leur réalisation, à savoir lors de la cession des actifs ( 35 ). Toutefois, cette différence de traitement ne relève pas de la question préjudicielle posée par la juridiction de renvoi qui, au contraire, cible le second cas dans lequel le paiement de l’impôt sur les plus-values est reporté jusqu’à la cession des actifs sans intérêts ni constitution de garantie pour autant que le contribuable soit soumis dans l’État d’accueil à une imposition comparable à l’assujettissement à l’impôt allemand sur le revenu et que l’assistance administrative et l’assistance mutuelle en matière de recouvrement fiscal entre la République fédérale d’Allemagne et cet État soient garanties ( 36 ), alors que ce report n’existe pas en cas de transfert de domicile dans un autre État que ceux visés à l’article 6, paragraphe 5, de l’AStG, ce qui, à tout le moins, crée un désavantage de trésorerie ( 37 ).

78.

Dans ce contexte, une réglementation nationale, telle que la réglementation allemande en cause dans l’affaire au principal, qui prévoit l’imposition immédiate des plus-values non encore réalisées lors du transfert du domicile du contribuable, a un effet dissuasif à l’égard des contribuables souhaitant s’installer en Suisse et constitue ainsi une restriction au droit d’établissement que l’ALCP leur confère ( 38 ).

D.   Sur la justification de la restriction au droit à l’établissement conféré par l’ALCP aux indépendants

1. Sur la comparabilité des situations objectives des contribuables en fonction de leur lieu de résidence

79.

L’article 21, paragraphe 2, de l’ALCP prévoit qu’aucune de ses autres dispositions ne peut être interprétée de manière à empêcher les parties contractantes d’établir une distinction, dans l’application des dispositions pertinentes de leur législation fiscale, entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans des situations comparables, en particulier en ce qui concerne leur lieu de résidence ( 39 ).

80.

En ce qui concerne l’imposition des plus-values latentes, la Cour n’a traité jusqu’à présent que la question de la comparabilité des situations entre un contribuable qui transfère son domicile d’un État membre vers un autre et celui qui le maintient dans le premier État membre et ce, par rapport à des plus-values générées sur le territoire de ce dernier antérieurement au transfert du domicile.

81.

En effet, selon la Cour, « à l’égard d’une réglementation d’un État membre visant à imposer les plus-values générées sur son territoire, la situation d’[un contribuable] qui transfère son [domicile] dans un autre État membre est similaire à celle d’[un contribuable] maintenant son siège dans cet État membre, pour ce qui concerne l’imposition des plus-values afférentes aux actifs qui ont été générées dans le premier État membre antérieurement au transfert de [domicile]» ( 40 ).

82.

Il convient donc de vérifier s’il en va de même vis-à-vis des contribuables transférant leur domicile d’un État membre vers la Suisse mais pour des plus-values générées sur le territoire suisse antérieurement au transfert de domicile ( 41 ) et ce, lorsque la comparaison ne se fait pas avec un contribuable qui maintient son domicile dans l’État membre d’imposition mais avec un contribuable qui le transfert vers un autre État membre de l’Union ou vers un État auquel s’applique l’accord EEE.

83.

À mon avis, le problème posé par la réglementation nationale en cause dans l’affaire au principal n’est pas lié au lieu, mais au moment où les plus-values ont été générées.

84.

En effet, l’imposition des plus-values latentes en cause n’est pas liée au fait qu’elles ont été générées sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne (ce qui n’est pas le cas), mais au moment où elles ont été générées lorsque M. Wächtler en sa qualité de résident allemand était assujetti à l’imposition de cet État de manière illimitée, à savoir sur tous ses revenus indépendamment de leur origine.

85.

Cela ressort d’une lecture combinée de l’article 13, paragraphe 3, de la CDI Allemagne/Suisse ( 42 ) et du libellé de l’article 6, paragraphe 1, première phrase, de l’AStG.

86.

En effet, l’article 13, paragraphe 3, de la CDI Allemagne/Suisse confère à l’État dont le cédant est résident, en l’occurrence l’Allemagne, le pouvoir d’imposition des plus-values afférentes à des participations dans une société, puisque le moment qui, selon l’article 6, paragraphe 1, première phrase, de l’AStG ( 43 ), est déterminant pour l’imposition des plus-values est le celui de l’abandon du domicile allemand. C’est à ce moment que prend fin l’assujettissement illimité en Allemagne.

87.

Par conséquent, dans les deux cas, à savoir celui d’un contribuable allemand détenant des actions suisses qui transfère son domicile de l’Allemagne vers la Suisse et celui d’un contribuable allemand détenant pareilles actions mais qui transfère son domicile de l’Allemagne vers un autre État membre de l’Union ou vers un État auquel s’applique l’accord EEE, la République fédérale d’Allemagne exerce son pouvoir d’imposition sur la même base, à savoir l’article 6, paragraphe 1, première phrase, de l’AStG, et soumet les mêmes plus-values au même impôt calculé de la même manière.

88.

Je pense donc que, dans ces conditions, les situations de ces deux cas de contribuables sont objectivement comparables, et ce indépendamment de l’endroit où se sont générées les plus-values ( 44 ).

2. Sur les raisons impérieuses d’intérêt général

89.

L’article 21, paragraphe 3, de l’ALCP prévoit que ses dispositions ne font pas obstacle à l’adoption ou à l’application des mesures destinées à assurer l’imposition, le paiement et le recouvrement effectif des impôts ou à éviter l’évasion fiscale, conformément à la législation fiscale nationale d’une partie contractante ou aux accords visant à éviter la double imposition conclus entre la Confédération suisse et les États membres, ou d’autres arrangements fiscaux.

90.

Cette disposition autorise les parties contractantes à introduire des restrictions au droit d’établissement qui visent à assurer l’imposition, le paiement et le recouvrement effectif des impôts ou à éviter l’évasion fiscale. Toutefois, pareille restriction ne saurait être admise que si elle est propre à garantir la réalisation de l’objectif en cause et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ( 45 ).

91.

Dans ce contexte, les gouvernements espagnol et autrichien soutiennent que la restriction en cause peut être justifiée par la nécessité de préserver une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États. Quant à lui, le gouvernement allemand estime que cette restriction peut être justifiée par la nécessité de garantir l’efficacité du recouvrement de l’impôt.

a) La nécessité de préserver une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition

92.

En ce qui concerne ce motif de justification et indépendamment du point de savoir s’il serait conforme avec l’article 16, paragraphe 2, de l’ALCP d’invoquer ce motif de justification ( 46 ), rien n’empêche la République fédérale d’Allemagne d’exercer son pouvoir d’imposition sur les plus-values latentes afférentes à des actions d’une société de droit suisse générées pendant une période où le bénéficiaire de ces plus-values était résident en Allemagne et y était assujetti de manière illimitée à l’impôt.

93.

Par ailleurs, la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition ne serait susceptible de justifier une différence de traitement dans l’imposition des plus-values qu’entre des contribuables transférant leur domicile vers un autre État et d’autres le maintenant dans l’État d’imposition.

94.

En effet, la Cour a jugé que l’imposition des plus-values au moment du transfert de la résidence était propre à garantir la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition, puisqu’elle visait à soumettre à l’impôt de l’État membre d’origine les plus-values non réalisées, nées dans le cadre de la compétence fiscale de cet État membre, avant le transfert de ladite résidence, alors que les plus-values réalisées postérieurement à ce transfert sont exclusivement imposées dans l’État membre d’accueil où elles sont nées ( 47 ).

95.

Or, en l’occurrence, la différence de traitement dans l’imposition des plus-values existe entre des contribuables transférant leur domicile de l’Allemagne vers l’étranger en fonction de la qualité de l’État de destination en tant que, d’une part, État membre ou État auquel s’applique l’accord EEE ou, d’autre part, pays tiers.

b) La nécessité de garantir l’efficacité du recouvrement de l’impôt

96.

Ce motif de justification prévu à l’article 21, paragraphe 3, de l’ALCP est le seul motif de justification invoqué par le gouvernement allemand.

97.

À cet égard, la Cour a jugé qu’à partir du moment où l’impôt sur les plus-values est définitivement déterminé lors du transfert du domicile du contribuable vers l’étranger, l’assistance que l’État d’imposition aura besoin de l’État d’accueil ne concernera pas l’établissement correct de l’impôt mais uniquement son recouvrement ( 48 ).

98.

Entre États membres, cette assistance était assurée au moment des faits en cause au principal par la directive 2008/55/CE du Conseil, du 26 mai 2008, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives à certaines cotisations, à certains droits, à certaines taxes et autres mesures ( 49 ), qui, par la suite, a été abrogée et remplacée par la directive 2010/24/UE du Conseil, du 16 mars 2010, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures ( 50 ).

99.

Sur base de l’existence de cette assistance entre États membres quant au recouvrement de l’impôt sur les plus-values, la Cour a conclu que « [le risque de non-recouvrement de cet impôt] peut être pris en compte par l’État membre en cause, dans le cadre de sa réglementation nationale applicable au paiement différé des dettes fiscales, par des mesures telles que la constitution d’une garantie bancaire» ( 51 ).

100.

En l’occurrence, le gouvernement allemand relève correctement l’absence entre l’Allemagne et la Suisse d’un mécanisme d’assistance mutuelle relative au recouvrement des impôts.

101.

En effet, d’une part, les directives 2008/55 et 2010/24 ne sont pas applicables aux relations entre l’Allemagne et la Suisse et, d’autre part, l’article 27 de la CDI Allemagne/Suisse ne prévoit une assistance mutuelle qu’en matière d’échange des renseignements, ce qui exclut le recouvrement des impôts.

102.

Par ailleurs, même si depuis les faits litigieux l’Allemagne et la Suisse ont ratifié la convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, signée à Strasbourg le 25 janvier 1988 ( 52 ), ces États ont exclu l’application des articles 11 à 16 de cette convention relatifs à l’assistance en matière de recouvrement des impôts par réserve consignée dans leur instrument de ratification.

103.

Toutefois, si la réglementation nationale en cause au principal est susceptible d’atteindre l’objectif de garantir l’efficacité du recouvrement de l’impôt, elle me paraît aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

104.

En effet, la différence de traitement en cause dans l’affaire au principal résulte du refus de reporter le paiement de l’impôt sur les plus-values jusqu’au moment de la cession des actifs y afférents, bénéfice qui est accordé aux contribuables allemands transférant leur domicile de l’Allemagne vers un autre État membre ou vers un État auquel s’applique l’accord EEE.

105.

S’il y a nécessité de garantir l’efficacité du recouvrement de l’impôt, rien n’empêcherait l’Allemagne, en cas d’absence de mécanisme d’assistance mutuelle en cette matière entre elle et le pays d’accueil, d’exiger du contribuable la constitution d’une garantie bancaire, mesure qui, selon la Cour, peut diminuer le risque de non-recouvrement de l’impôt ( 53 ).

106.

En effet, le paiement immédiat de l’impôt sur les plus-values pourrait entraîner des difficultés sérieuses pour le contribuable en termes de liquidités et l’obliger à vendre l’actif concerné, alors qu’en quittant le territoire de l’État d’imposition il n’avait aucune intention à cet égard et qu’aucune autre considération économique ne l’imposait.

107.

Je constate d’ailleurs que l’article 6, paragraphe 4, de l’AStG prévoit que dans le cas où le recouvrement immédiat de l’impôt sur les plus-values entraînerait des conséquences difficilement supportables pour le contribuable, le paiement doit être échelonné en plusieurs versements à intervalles réguliers sur une période maximale de cinq ans dès la première échéance. Cette possibilité est subordonnée à la constitution d’une garantie de la part du contribuable.

108.

Cependant, cette disposition n’équivaut pas à un véritable report automatique (sans intérêts ni garantie) comme celui prévu à l’article 6, paragraphe 5, de l’AStG, pour les raisons suivantes. En premier lieu, elle n’est applicable qu’en cas où le paiement de l’impôt entraînerait des conséquences difficilement supportables pour le contribuable, alors que le report prévu à l’article 6, paragraphe 5, de l’AStG est automatique et sans égard à la situation économique du contribuable. En deuxième lieu, le contribuable doit constituer une garantie alors que dans le cas prévu à l’article 6, paragraphe 5, de l’AStG il ne le doit pas. En troisième et dernier lieu, le paiement de l’impôt sous forme de versements réguliers ( 54 ) commencera immédiatement et l’impôt doit être acquitté dans une période maximale de cinq ans et ce, même s’il n’y a pas de cession pendant cette période, alors que l’article 6, paragraphe 5, de l’AStG prévoit un report jusqu’à la cession.

109.

Dans ce contexte, la question de savoir si la réglementation allemande en cause dans l’affaire au principal respecte le principe de proportionnalité dépend essentiellement d’une appréciation de nature factuelle consistant à examiner si, eu égard au montant de l’impôt sur les plus-values mis à la charge de M. Wächtler, la constitution d’une garantie appropriée ne pourrait assurer le paiement de l’impôt au moment de la cession des actions qu’il détient dans MWK-Consulting.

110.

À mon avis, il incombe à la juridiction de renvoi de procéder à cette vérification.

VI. Conclusion

111.

Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par le Finanzgericht Baden-Württemberg (tribunal des finances du Bade-Wurtemberg, Allemagne) de la manière suivante :

L’article 1er, sous a), de l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, ainsi que les articles 12 et 15 de son annexe I doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre prévoyant l’imposition, sans report, des plus-values latentes de droits sociaux, non encore réalisées, lorsqu’un ressortissant de cet État membre, d’abord assujetti de manière illimitée dans cet État membre, transfère son domicile de cet État vers la Suisse.


( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) JO 2002, L 114, p. 6.

( 3 ) Convention entre la Confédération suisse et la République fédérale d’Allemagne en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, du 11 août 1971 (BGBl. 1972 II, p. 1022), dans la version du protocole du 27 octobre 2010 (BGBl. 2011 I, p. 1092).

( 4 ) Manifestement, M. Wächtler n’est pas une personne sans activité économique ni un prestataire de services au sens de l’article 5 de l’ALCP. En effet, la prestation de conseils informatiques qu’il effectue à travers MWK-Consulting dépasse la limite des 90 jours de travail effectif par année civile prévue à l’article 5, paragraphe 1, de l’ALCP. Voir arrêt du 12 novembre 2009, Grimme (C‑351/08, EU:C:2009:697, point 44).

( 5 ) Voir arrêts du 27 juin 1996, Asscher (C‑107/94, EU:C:1996:251, point 25) ; du 20 novembre 2001, Jany e.a. (C‑268/99, EU:C:2001:616, points 34, 37 et 38), ainsi que du 28 février 2013, Petersen et Petersen (C‑544/11, EU:C:2013:124, point 32).

( 6 ) Voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 1996, Asscher (C‑107/94, EU:C:1996:251, points 10, 11, 26 et 27), où la Cour a jugé que le dirigeant d’une société n’est pas un travailleur salarié mais une personne exerçant une activité non salariée au sens de l’article 49 TFUE et ce, même dans le cas où il ne détient pas d’actions dans la société en cause, comme c’était d’ailleurs le cas de M. Asscher par rapport à la société de droit belge Vereudia.

( 7 ) Dans son arrêt, la Cour n’a pas jugé nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si la gestion de participations était une activité non salariée. Voir arrêt du 15 mars 2018, Picart (C‑355/16, EU:C:2018:184, point 21).

( 8 ) La convention de Vienne sur le droit des traités a été conclue à Vienne le 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331).

( 9 ) Voir arrêt du 27 février 2018, Western Sahara Campaign UK (C‑266/16, EU:C:2018:118, point 58).

( 10 ) Voir arrêt du 15 juillet 2010, Hengartner et Gasser (C‑70/09, EU:C:2010:430, point 36 et jurisprudence citée).

( 11 ) Voir arrêt du 27 février 2018, Western Sahara Campaign UK (C‑266/16, EU:C:2018:118, point 70).

( 12 ) Arrêt du 19 novembre 2015, Bukovansky (C‑241/14, EU:C:2015:766, point 40). Voir, également, en ce sens, arrêts du 15 juillet 2010, Hengartner et Gasser (C‑70/09, EU:C:2010:430, point 37) ; du 27 février 2014, Royaume-Uni/Conseil (C‑656/11, EU:C:2014:97, point 55), ainsi que du 21 septembre 2016, Radgen (C‑478/15, EU:C:2016:705, point 36).

( 13 ) Voir arrêt du 27 juin 1996, Asscher (C‑107/94, EU:C:1996:251, points 10, 11, 26 et 27).

( 14 ) Voir articles 6 à 11 de l’annexe I de l’ALCP.

( 15 ) Voir articles 12 à 16 de l’annexe I de l’ALCP.

( 16 ) Voir articles 17 à 23 de l’annexe I de l’ALCP.

( 17 ) Voir article 24 de l’annexe I de l’ALCP.

( 18 ) Voir arrêt du 12 novembre 2009, Grimme (C‑351/08, EU:C:2009:697, point 34).

( 19 ) Voir résumé de la réunion UE-Suisse sur la libre circulation des personnes ayant eu lieu le 15 février 1995.

( 20 ) Voir article 1er du projet d’accord du 11 avril 1997 (intégrant les changements proposés par l’Union).

( 21 ) Voir article 13, paragraphe 1, de l’annexe I au projet d’accord de l’ALCP sur la libre circulation des personnes tel que revu par la délégation suisse le 11 juillet 1996 et par la délégation de l’Union le 7 octobre 1996. Souligné par mes soins.

( 22 ) Voir article 12, paragraphe 1, du projet d’annexe I de l’ALCP du 11 avril 1997. Souligné par mes soins.

( 23 ) Message du Conseil fédéral, du 23 juin 1999, relatif à l’approbation des accords sectoriels entre la Suisse et la Communauté européenne (FF 1999 5440), p. 5617 et 5618. Souligné par mes soins.

( 24 ) Voir arrêt du 28 février 2013, Ettwein (C‑425/11, EU:C:2013:121, point 43).

( 25 ) Arrêt du 19 novembre 2015, Bukovansky (C‑241/14, EU:C:2015:766, point 40 ; souligné par mes soins). Voir, également, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2016, Radgen (C‑478/15, EU:C:2016:705, point 36).

( 26 ) Voir arrêt du 15 mars 2018, Picart (C‑355/16, EU:C:2018:184, point 29 et jurisprudence citée).

( 27 ) Voir arrêt du 27 septembre 1988, Daily Mail and General Trust (81/87, EU:C:1988:456, point 16). Voir, également, en ce sens, arrêt du 16 juillet 1998, ICI (C‑264/96, EU:C:1998:370, point 21).

( 28 ) Je reprends ici l’expression utilisée par la Cour internationale de justice lors de son appréciation des activités des États-Unis d’Amérique au Nicaragua à l’égard du traité d’amitié, de commerce et de navigation entre les États-Unis d’Amérique et la République du Nicaragua, signé à Managua le 21 janvier 1956 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 367, p. 3), dans son arrêt du 27 juin 1986 dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique) (CIJ Recueil 1986, p. 14). Sans cibler une disposition spécifique de ce traité qui serait enfreinte par le comportement des États-Unis d’Amérique, la Cour internationale de justice a jugé que « certaines activités des États-Unis sont telles qu’elles contredisent l’esprit même d’un accord bilatéral visant à favoriser l’amitié entre les deux États qui y sont parties » (point 275 ; souligné par mes soins). Après avoir énuméré les activités en cause, elle a ajouté qu’il serait difficile d’imaginer un comportement moins propre à atteindre l’objet dudit traité tel qu’il était décrit dans son préambule (voir point 275).

( 29 ) Voir arrêt du 15 décembre 2011, Bergström (C‑257/10, EU:C:2011:839, point 28).

( 30 ) Voir arrêts du 19 novembre 2015, Bukovansky (C‑241/14, EU:C:2015:766, point 36) et du 21 septembre 2016, Radgen (C‑478/15, EU:C:2016:705, point 40).

( 31 ) L’ALCP a été signé le 21 juin 1999. Le premier arrêt de la Cour en cette matière a été rendu presque cinq ans plus tard (voir arrêt du 11 mars 2004, de Lasteyrie du Saillant, C‑9/02, EU:C:2004:138).

( 32 ) Voir arrêt du 11 mars 2004, de Lasteyrie du Saillant (C‑9/02, EU:C:2004:138, point 24).

( 33 ) Voir conclusions de l’avocat général Mischo dans l’affaire de Lasteyrie du Saillant (C‑9/02, EU:C:2003:159).

( 34 ) Voir, notamment, arrêts du 7 septembre 2006, N (C‑470/04, EU:C:2006:525, points 35 à 39) ; du 29 novembre 2011, National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785) ; du 23 janvier 2014, DMC (C‑164/12, EU:C:2014:20) ; du 21 décembre 2016, Commission/Portugal (C‑503/14, EU:C:2016:979, points 43 à 47), ainsi que du 14 septembre 2017, Trustees of the P Panayi Accumulation & Maintenance Settlements (C‑646/15, EU:C:2017:682).

( 35 ) Voir article 17 de l’EStG.

( 36 ) Voir article 6, paragraphe 5, de l’AStG.

( 37 ) Le désavantage de trésorerie peut se traduire par des conséquences plus lourdes. Voir point 106 des présentes conclusions.

( 38 ) Voir, en ce qui concerne les personnes physiques, arrêt du 11 mars 2004, de Lasteyrie du Saillant (C‑9/02, EU:C:2004:138, points 45 à 48) ; du 7 septembre 2006, N (C‑470/04, EU:C:2006:525, points 35 à 39), ainsi que du 21 décembre 2016, Commission/Portugal (C‑503/14, EU:C:2016:979, points 43 à 47).

( 39 ) Voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2013, Ettwein (C‑425/11, EU:C:2013:121, point 45).

( 40 ) Arrêt du 29 novembre 2011, National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, point 38). C’est moi qui souligne. Voir, également, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2017, Trustees of the P Panayi Accumulation & Maintenance Settlements (C‑646/15, EU:C:2017:682, point 49).

( 41 ) Les plus-values générées sur le territoire suisse après le transfert de domicile vers la Suisse ne sont pas en mesure d’empêcher l’établissement d’une personne en Suisse puisque l’imposition n’interviendra qu’après le transfert du domicile vers cet État et de façon non liée à ce transfert.

( 42 ) À mon avis, le gouvernement allemand a identifié, de façon erronée, lors de l’audience, l’article 13, paragraphe 5, de la CDI Allemagne/Suisse comme base juridique pour l’imposition des plus-values en cause dans l’affaire au principal, puisque cette disposition ne permet à la République fédérale d’Allemagne d’imposer les plus-values provenant d’une participation substantielle dans une société, lors du départ d’un résident allemand, que dans le cas où la société en cause est aussi un résident allemand. Or, en l’occurrence, la société en cause est un résident suisse. Voir, également, en ce sens, point 2 de l’échange de lettres du 11 août 1971 qui forme partie intégrante de la CDI Allemagne/Suisse, selon lequel « la solution prévue au paragraphe 5, de l’article 13, de la Convention part du principe que l’imposition des plus-values est limitée aux participations substantielles [dans] des sociétés qui sont des résidents de l’État qui impose » (c’est moi qui souligne).

( 43 ) « Dans le cas d’une personne physique qui a été assujettie de manière illimitée à l’impôt pendant au moins dix ans au total en application de l’article 1er, paragraphe 1, de l’[EStG] et dont l’assujettissement illimité prend fin avec le transfert du domicile ou de la résidence habituelle, il y a lieu d’appliquer aux parts visées à l’article 17, paragraphe 1, première phrase, de l’[EStG], l’article 17 de l’[EStG] au moment où l’assujettissement illimité prend fin, y compris en l’absence de cession, si les conditions de cette disposition concernant les parts sont par ailleurs remplies à cette date ». C’est moi qui souligne.

( 44 ) Voir, par analogie, arrêts du 12 décembre 2006, Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation (C‑374/04, EU:C:2006:773, point 68) ; du 14 décembre 2006, Denkavit Internationaal et Denkavit France (C‑170/05, EU:C:2006:783, point 35) ; du 8 novembre 2007, Amurta (C‑379/05, EU:C:2007:655, point 38), ainsi que du 20 mai 2008, Orange European Smallcap Fund (C‑194/06, EU:C:2008:289, points 78 et 79).

( 45 ) Voir arrêt du 14 février 1995, Schumacker (C‑279/93, EU:C:1995:31, point 26 et jurisprudence citée).

( 46 ) Il n’a été reconnu par la Cour pour la première fois qu’après la date de signature de l’ALCP, dans son arrêt du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763, point 45). De plus, il ne me semble pas que cet arrêt ait été communiqué à la Suisse et que le comité mixte de l’ALCP en ait déterminé les implications.

( 47 ) Voir arrêts du 29 novembre 2011, National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, points 47 et 48) et du 21 décembre 2016, Commission/Portugal (C‑503/14, EU:C:2016:979, point 57).

( 48 ) Voir arrêt du 29 novembre 2011, National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, point 78).

( 49 ) JO 2008, L 150, p. 28. Voir, également, en ce sens, arrêt du 29 novembre 2011, National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, point 78).

( 50 ) JO 2010, L 84, p. 1.

( 51 ) Arrêt du 29 novembre 2011, National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, point 74).

( 52 ) Série des traités européens, no 127.

( 53 ) Voir arrêts du 29 novembre 2011, National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, point 74) et du 21 décembre 2016, Commission/Portugal (C‑503/14, EU:C:2016:979, point 59). Je constate que, malgré une réticence initiale, la Cour a finalement approuvé, au moins en principe, l’idée que le paiement différé de l’imposition sur les plus-values soit soumis à la condition de la constitution d’une garantie. Il faut comparer l’arrêt du 11 mars 2004, de Lasteyrie du Saillant (C‑9/02, EU:C:2004:138, point 47) avec l’arrêt du 29 novembre 2011, National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, point 74).

( 54 ) Il n’est pas clair si ces versements comportent des intérêts. Le libellé de l’article 6, paragraphe 4, de l’AStG n’exclut pas pareille possibilité.

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