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Document 62017CC0308

Conclusions de l'avocat général M. Y. Bot, présentées le 4 juillet 2018.
Hellenische Republik contre Leo Kuhn.
Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Oberster Gerichtshof.
Renvoi préjudiciel – Règlement (UE) no 1215/2012 – Compétence judiciaire en matière civile et commerciale – Champ d’application – Article 1er, paragraphe 1 – Notion de “matière civile et commerciale” – Obligations émises par un État membre – Participation du secteur privé à la restructuration de la dette publique de cet État – Modification unilatérale et rétroactive des conditions de l’emprunt – Clauses d’action collective – Recours exercé contre ledit État par des créanciers privés détenteurs de ces obligations en tant que personnes physiques – Responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique.
Affaire C-308/17.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2018:528

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 4 juillet 2018 ( 1 )

Affaire C‑308/17

Hellenische Republik

contre

Leo Kuhn

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche)]

« Renvoi préjudiciel – Règlement (UE) no 1215/2012 – Compétence judiciaire en matière civile et commerciale – Champ d’application – Article 1er, paragraphe 1 – Notion de “matière civile et commerciale” – Obligations émises par un État membre – Participation à la restructuration de la dette publique – Modification unilatérale et rétroactive des conditions de l’emprunt – Clauses d’action collective – Recours exercé contre l’État par des créanciers privés détenteurs de ces obligations en tant que personnes physiques – Responsabilité de l’État pour les acta jure imperii – Compétences spéciales – Article 7, point 1, sous a) – Compétence en matière contractuelle – Notion de “matière contractuelle” – Notion d’“engagement librement assumé d’une partie envers une autre”– Notion de “lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande” – Conditions de souscription de l’emprunt obligataire d’État – Transferts successifs de la créance – Lieu effectif d’exécution de l’“obligation principale” – Paiement d’intérêts »

I. Introduction

1.

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 7, point 1, sous a), du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale ( 2 ).

2.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Hellenische Republik (République hellénique) à M. Leo Kuhn au sujet d’une demande tendant à obtenir l’exécution des conditions d’emprunt relatives à des obligations émises par cet État membre dont il avait été porteur ou une indemnité en raison de l’inexécution de celles-ci.

3.

Afin de mesurer pleinement le sens et la portée de cette demande, celle-ci doit être replacée dans un contexte plus large.

4.

D’une part, cette procédure, qui porte sur la restructuration de la dette publique grecque, opérée au mois de mars 2012, avec la participation du secteur privé ( 3 ), n’est pas isolée.

5.

D’autre part, l’importance des questions posées par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), la juridiction de renvoi, relative à la compétence, dépasse très largement ses aspects techniques, traditionnellement réputés difficiles s’agissant de la disposition à interpréter. Elle tient fondamentalement à l’évolution des techniques d’emprunt des États ainsi qu’aux enjeux économiques et politiques qui conduisent à considérer le traitement contentieux de la dette souveraine comme un sujet hautement sensible.

6.

En effet, le choix du financement sur les marchés au moyen d’emprunts obligataires ( 4 ) a eu pour conséquence de complexifier la gestion de la dette souveraine en raison de l’inadaptation des mécanismes contractuels à la diversité des créanciers, qui peuvent être publics, privés, institutionnels, ou des personnes physiques, et, surtout, à l’absence de coordination entre eux.

7.

Aussi, lorsqu’une crise de la dette souveraine survient, l’absence de procédure de traitement général et organisé de l’insolvabilité des États conduit à remettre entre les mains du juge le sort de la procédure de restructuration ( 5 ).

8.

Ainsi, les problèmes juridiques complexes posés par la multiplication et l’internationalisation des procédures ne peuvent être détachés du contexte économique dans lequel ils doivent être résolus ( 6 ).

9.

Dans le cas de la restructuration de la dette grecque en 2012, d’un montant historique ( 7 ), les difficultés traditionnellement identifiées se sont présentées sous un jour nouveau en raison de l’émission des titres en euros et du risque d’une crise systémique qui en découlait ( 8 ). Elles ont justifié le recours à des solutions financières et juridiques dont le caractère exceptionnel explique l’acuité des problèmes à résoudre.

10.

La Cour de justice de l’Union européenne a déjà eu l’occasion d’appréhender la délicate question des effets de cette restructuration sur les droits des porteurs d’obligations grecques, par le prisme de la notification des actes judiciaires, soit au poste avancé du contentieux, avant tout examen au fond, dans l’arrêt du 11 juin 2015, Fahnenbrock e.a. (C‑226/13, C‑245/13 et C‑247/13, ci-après « l’arrêt Fahnenbrock e.a. , EU:C:2015:383).

11.

Depuis cette date, d’autres décisions ont été rendues par des juridictions européennes, saisies par de très nombreux autres porteurs d’obligations grecques poursuivant le même objectif, celui de faire respecter leurs droits contractuels ou d’obtenir réparation de leurs préjudices allégués.

12.

Ainsi, par l’arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE ( 9 ), le Tribunal de l’Union européenne a rejeté le recours introduit le 11 février 2013 par plus de 200 détenteurs, pour la plupart italiens, de titres privés grecs, visant à obtenir la réparation du préjudice subi à la suite, notamment, de l’adoption par la Banque centrale européenne (BCE) de la décision, du 5 mars 2012, relative à l’éligibilité des titres de créance négociables émis ou totalement garantis par la République hellénique dans le cadre de l’offre d’échange d’obligations par la République hellénique ( 10 ), ainsi que d’autres mesures de la BCE liées à la restructuration de la dette publique grecque. Puis, par l’arrêt du 24 janvier 2017, Nausicaa Anadyomène et Banque d’escompte/BCE ( 11 ), le Tribunal a rejeté la demande d’indemnisation formée le 21 décembre 2015 par des banques commerciales en excluant toute responsabilité de la BCE, confirmant ce qu’il avait retenu à l’égard des personnes physiques détentrices de titres de créance grecs.

13.

Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme a examiné les requêtes, formées au cours des mois de septembre et d’octobre 2014 par 6320 ressortissants grecs, porteurs d’obligations de l’État grec, en tant que personnes physiques, de montants variant entre 10000 euros et 1510000 euros, relatives à leur participation forcée à la diminution de la dette publique grecque par l’échange de leurs obligations avec d’autres d’une valeur inférieure. Par l’arrêt du 21 juillet 2016 ( 12 ), cette Cour a dit, à l’unanimité, qu’il n’y avait pas eu violation de l’article 1er du protocole no 1 à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ( 13 ) ni de l’article 14 de la CEDH combiné à l’article 1er de ce protocole ( 14 ).

14.

Désormais, la Cour est invitée à compléter son analyse en se prononçant sur les règles applicables à la détermination de la compétence de la juridiction saisie, dans le prolongement de l’arrêt Fahnenbrock e.a. ainsi que de l’arrêt du 28 janvier 2015, Kolassa (C‑375/13, ci-après l’« arrêt Kolassa , EU:C:2015:37), s’agissant de la nature des rapports juridiques existant entre l’émetteur d’un titre souverain et l’acquéreur de celui-ci.

15.

Les questions posées par la juridiction de renvoi, ainsi que les observations des parties doivent conduire la Cour à vérifier, au préalable, si le litige au principal relève du règlement no 1215/2012, applicable, aux termes de son article 1er, paragraphe 1, « en matière civile », sauf notamment à la responsabilité de l’État pour des actes commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii). Si le litige entre dans le champ d’application de ce règlement, il faudra ensuite s’assurer qu’il peut être qualifié de litige en « matière contractuelle », au sens de l’article 7, point 1, sous a), dudit règlement, tel qu’interprété par la Cour, qui prévoit une règle de compétence spéciale, dérogeant à la règle générale de compétence des juridictions de l’État membre du domicile du défendeur. Enfin, si tel est le cas, il conviendra de déterminer quel est le « lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande », au sens de cet article 7.

16.

À l’issue de notre analyse, nous proposerons, seulement à titre subsidiaire, des éléments de réponse à ces deux dernières questions portant sur les conditions d’application de la règle de compétence spéciale prévue à l’article 7, point 1, sous a), du règlement no 1215/2012.

17.

En effet, nous soutiendrons, à titre principal, que le litige ne relève pas du champ d’application de ce règlement.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

18.

Les considérants 4, 15 et 16 du règlement no 1215/2012 ( 15 ) énoncent :

« (4)

Certaines différences entre les règles nationales en matière de compétence judiciaire et de reconnaissance des décisions rendent plus difficile le bon fonctionnement du marché intérieur. Des dispositions permettant d’unifier les règles de conflit de juridictions en matière civile et commerciale ainsi que de garantir la reconnaissance et l’exécution rapides et simples des décisions rendues dans un État membre sont indispensables.

[...]

(15)

Les règles de compétence devraient présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur. Cette compétence devrait toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. S’agissant des personnes morales, le domicile doit être défini de façon autonome de manière à accroître la transparence des règles communes et à éviter les conflits de compétence.

(16)

Le for du domicile du défendeur devrait être complété par d’autres fors autorisés en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter la bonne administration de la justice. L’existence d’un lien étroit devrait garantir la sécurité juridique et éviter la possibilité que le défendeur soit attrait devant une juridiction d’un État membre qu’il ne pouvait pas raisonnablement prévoir. Cet aspect est important, en particulier dans les litiges concernant les obligations non contractuelles résultant d’atteintes à la vie privée et aux droits de la personnalité, notamment la diffamation. »

19.

L’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement dispose :

« Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne s’applique notamment ni aux matières fiscales, douanières ou administratives, ni à la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii). »

20.

Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement, relevant du chapitre II, intitulé « Compétence », section 1, regroupant les « [d]ispositions générales » :

« Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. »

21.

À la section 2 du même chapitre II, intitulée « Compétences spéciales », l’article 7, point 1, sous a), du règlement no 1215/2012 prévoit :

« Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

1)

a)

en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande» ( 16 ).

B.   Le droit grec

22.

Selon la décision de renvoi ( 17 ), la République hellénique a émis en Grèce des obligations souveraines, en tant que droits-valeurs (créances inscrites au registre de la dette publique), soumises au droit grec et négociées à la bourse d’Athènes. Ces droits-valeurs ont été enregistrés ( 18 ) dans le système de comptes courants de la banque centrale grecque, qui comprend les comptes ouverts au nom de chacun des participants admis par le gouverneur de la banque centrale à y participer ( 19 ).

23.

En vertu de l’article 6, paragraphe 2, de ladite loi, les participants au système de comptes courants de la banque centrale grecque peuvent octroyer des droits en rapport avec une obligation ( 20 ) à des tiers investisseurs, mais un tel acte juridique ne produit d’effet qu’à l’égard des parties concernées, à l’exclusion expresse de tout effet en faveur ou au détriment de la République hellénique.

24.

L’article 6, paragraphe 4, de la loi 2198/1994 prévoit qu’une obligation est transmise par son inscription au crédit du compte du participant.

25.

L’article 6, paragraphes 5 à 7, de cette loi facilite la compréhension du « système » décrit par la juridiction de renvoi. Il dispose :

« 5.   Les comptes des participants sont maintenus dans le système. Les comptes des investisseurs sont maintenus auprès des participants.

6.   Tant dans le système qu’auprès des participants, les comptes sont maintenus séparément par catégorie de titres présentant des caractéristiques communes.

7.   Dans le système, des comptes distincts sont maintenus pour chaque participant, d’une part, pour les titres de son propre portefeuille et, d’autre part, pour ceux du portefeuille de ses clients investisseurs. Le compte du portefeuille des investisseurs maintenu auprès de chaque participant cumule tous les investisseurs du participant. »

26.

L’article 8 de ladite loi, intitulé « Créances des investisseurs », prévoit :

[...]

« 2.   L’investisseur a une créance fondée sur son titre uniquement à l’encontre du participant auprès duquel son compte est maintenu. Si l’État n’a pas exécuté ses obligations visées au paragraphe 6 du présent article, l’investisseur a une créance fondée sur son titre uniquement à l’encontre de l’État.

[...]

6.   Le versement du principal et des intérêts échus par l’État à la banque centrale grecque entraîne l’extinction des obligations de l’État. La banque centrale grecque alloue à chaque participant le principal et les intérêts des titres dus à l’échéance de l’emprunt. Le versement susvisé entraîne l’extinction des obligations de la banque centrale grecque.

[...] ».

27.

Par ailleurs, le Nómos 4050/2012 – Kanónes tropopoiíseos títlon ekdóseos í engyíseos tou Ellinikoú Dimosíou me symfonía ton Omologioúchon (loi no 4050/2012, intitulée « Règles de modification, avec l’assentiment des détenteurs, des titres émis ou garantis par l’État grec ») ( 21 ), du 23 février 2012, prévoit que les détenteurs de certaines obligations souveraines grecques reçoivent une proposition de « restructuration ».

28.

Ce terme, utilisé par la juridiction de renvoi, figure également dans l’arrêt Fahnenbrock e.a. (point 8). Il convient, selon nous, de faire une distinction entre la « restructuration de la dette publique » et la proposition de participation à celle-ci, consistant en la « modification des titres éligibles », aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de la loi 4050/2012, qui dispose :

« Le Conseil des ministres, sur proposition de l’Ypourgoú Oikonomikón (ministre des Finances, Grèce), décide de lancer la procédure de modification des titres éligibles par les détenteurs d’obligations, définit les titres éligibles et, en cas de remplacement, définit le capital ou le montant nominal, le taux d’intérêt ou le rendement, la maturité, le droit (anglais ou autre) auquel seront soumis les nouveaux titres émis par l’État grec et habilite l’Organismós Diacheírisis Dimósiou Chréous [Agence de gestion de la dette publique, Grèce] à émettre une ou plusieurs invitations de la part de l’État grec.

Par cette invitation, les détenteurs des titres éligibles visés dans celle-ci sont invités à décider, dans un délai fixé, s’ils acceptent la modification des titres éligibles, telle que proposée par l’État grec, conformément à la procédure prévue au présent article. »

29.

Cette loi 4050/2012 prévoit l’introduction d’une clause de « restructuration» ( 22 ) ou « clause d’action collective » (CAC) permettant de modifier les conditions d’emprunt initiales au moyen de décisions adoptées à la majorité qualifiée du capital restant dû et s’appliquant également à la minorité.

30.

Au point 9 de l’arrêt Fahnenbrock e.a., il est précisé que, « [a]ux termes de l’article 1er, paragraphe 4, de cette loi, la modification des titres visés nécessite la réunion d’un quorum représentant 50 % du total de l’encours des obligations concernées, ainsi qu’une majorité qualifiée correspondant aux deux tiers du capital participant ».

31.

Afin de compléter le résumé figurant au point 10 de cet arrêt, il convient de reprendre la citation par le gouvernement grec de l’article 1er, paragraphe 9, de ladite loi, qui dispose :

« À compter de la publication au Journal officiel de la République hellénique de l’arrêté d’approbation du Conseil des ministres, la décision des détenteurs d’obligations, telle que certifiée par l’administrateur de la procédure, produit un effet erga omnes, elle est contraignante pour la totalité des détenteurs d’obligations et des investisseurs des titres éligibles et elle prévaut sur les éventuelles dispositions générales ou spécifiques contraires de toute loi, acte réglementaire ou accord. En cas de remplacement des titres éligibles, par enregistrement des nouveaux titres dans le système, les titres éligibles remplacés par de nouveaux titres sont automatiquement annulés, entraînant l’extinction de tout droit ou obligation émanant de ceux-ci, y compris la totalité des droits et obligations ayant fait partie de ceux-ci à quelque moment que ce soit. »

32.

L’article 1er, paragraphe 11, de la loi 4050/2012, cité également dans l’arrêt Mamatas (§ 48), prévoit :

« Les dispositions du présent article visent à la protection d’un intérêt public péremptoire, sont des dispositions impératives et d’applicabilité directe, prévalent sur les éventuelles dispositions générales ou spécifiques contraires de toute loi, acte réglementaire ou accord [...], et leur application ne crée ni n’active aucun droit contractuel ou légal en faveur du détenteur des obligations ou de l’investisseur et aucune obligation contractuelle ou légale au détriment de l’émetteur ou du garant des titres [...], sauf comme expressément prévu par les dispositions du présent article ».

III. Les faits à l’origine du litige et les questions préjudicielles

33.

M. Kuhn, domicilié à Vienne (Autriche), a, par l’intermédiaire d’une banque dépositaire, établie en Autriche, agissant en qualité de commissionnaire ( 23 ), acquis des obligations d’une valeur nominale de 35000 euros ( 24 ), émises par la République hellénique, soumises au droit grec. Ces obligations souveraines ont été inscrites au crédit du compte-titres, géré par la banque dépositaire, dont M. Kuhn est titulaire ( 25 ). Il s’agit de titres au porteur donnant droit, conformément aux conditions d’emprunt, au remboursement du capital à l’échéance et « au paiement ponctuel» ( 26 ).

34.

La juridiction de renvoi précise que l’État grec a émis en Grèce ces obligations soumises au droit grec et négociées à la bourse d’Athènes en tant que « droits-valeurs », c’est-à-dire des créances inscrites au registre de la dette publique. Ceux-ci ont été enregistrés dans le système de comptes courants de la banque centrale grecque, dans lequel des participants à ce système, admis par le gouverneur de cette banque centrale, disposent d’un compte à leur nom.

35.

Selon cette juridiction, il découle tant des dispositions de la loi 2198/1994 que des conditions d’emprunt relatives aux obligations souveraines en cause que ce sont, d’abord, les participants audit système qui sont devenus des détenteurs et des créanciers de ces obligations, transmises par leur inscription au crédit de leur compte, avant qu’ils n’octroient les droits attachés à ces obligations à des tiers investisseurs, un tel acte juridique ne produisant d’effet qu’à l’égard des personnes concernées, à l’exclusion de la République hellénique.

36.

À la suite de l’adoption de la loi 4050/2012, la République hellénique a procédé à la conversion des obligations acquises par M. Kuhn en les remplaçant par de nouvelles obligations souveraines d’une valeur nominale moindre.

37.

La juridiction de renvoi indique que, selon les allégations de M. Kuhn, la République hellénique a, jusqu’au jour de cette conversion, versé des intérêts sur un compte ouvert au nom de celui-ci auprès d’une banque établie en Autriche. Elle précise que M. Kuhn aurait vendu ( 27 ) pour 7831,58 euros les obligations converties, ce qui lui aurait causé un préjudice de 28673,42 euros, cette somme correspondant à la valeur nominale des obligations à la date d’échéance au 20 février 2012 ( 28 ), majorée des intérêts et des frais.

38.

Dans ces circonstances, M. Kuhn a introduit un recours devant le Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien (tribunal régional des affaires civiles de Vienne, Autriche) ( 29 ), en vue d’obtenir l’exécution des conditions d’emprunt relatives aux obligations en cause ou une indemnité en raison de l’inexécution de celles-ci.

39.

Par une ordonnance du 8 janvier 2016, cette juridiction s’est déclarée incompétente internationalement pour connaître de ce recours.

40.

Saisi d’un recours en appel contre cette ordonnance, l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne, Autriche) a, par une ordonnance du 25 février 2016, rejeté l’exception d’incompétence des juridictions autrichiennes aux motifs que la demande de M. Kuhn était fondée non pas sur un acte législatif grec, mais sur les conditions d’emprunt initiales relatives aux obligations souveraines en cause et que le tribunal compétent est désigné par le droit grec, applicable selon les parties, en l’occurrence celui du domicile du créancier, lieu où la dette d’argent devait être exécutée.

41.

La République hellénique a formé un « pourvoi extraordinaire » contre cette ordonnance devant la juridiction de renvoi.

42.

Selon cette dernière, dans la mesure où M. Kuhn réclame l’exécution, par la République hellénique, des conditions d’emprunt des obligations souveraines en cause, celui-ci se réfère à juste titre à la relation juridique alléguée entre lui, en tant qu’acquéreur des obligations souveraines, et la République hellénique, en tant qu’émettrice de ces obligations, de sorte qu’il existe un droit contractuel « (secondaire)» ( 30 ), au titre de l’article 7, point 1, du règlement no 1215/2012.

43.

Elle retient également, d’une part, que M. Kuhn fait valoir un droit à l’exécution des conditions d’emprunt fondé sur l’engagement de payer donné par la République hellénique, en qualité de débitrice obligataire et, d’autre part, que l’émission d’obligations « (emprunts au porteur)» ( 31 ) ne peut être assimilée aux acta jure imperii. Elle en déduit que le litige relève de la matière civile et commerciale.

44.

Dans ces conditions, l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« Convient-il d’interpréter l’article 7, point 1, sous a), du règlement [no 1215/2012] en ce sens que :

même en cas de cession contractuelle multiple d’une créance – comme en l’espèce – le lieu de l’exécution au sens de cette disposition est déterminé d’après la première stipulation contractuelle ?

en cas de recours faisant valoir un droit au respect des conditions d’une obligation souveraine – telle celle émise en l’espèce par la République hellénique – ou réclamant une indemnisation en raison de l’inexécution de ce droit, le lieu réel d’exécution est déjà déterminé par le paiement d’intérêts de cette obligation souveraine sur un compte d’un détenteur d’un dépôt titres à l’intérieur du pays [ ( 32 )] ?

le fait que la première stipulation contractuelle a déterminé un lieu légal d’exécution, au sens de [ladite disposition], fait obstacle à la thèse selon laquelle l’exécution réelle ultérieure d’un contrat déterminerait un – nouveau – lieu d’exécution au sens de [la même] disposition ? »

IV. Notre analyse

45.

Par ses trois questions préjudicielles, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans une situation, telle que celle en cause au principal, où une personne a acquis, par l’intermédiaire d’une banque dépositaire, des obligations émises par un État membre et fait valoir une créance à l’égard de ce dernier en se fondant sur les conditions d’emprunt obligataire, l’article 7, point 1, sous a), du règlement no 1215/2012 doit être interprété en ce sens que le « lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande » est déterminé par les conditions de l’emprunt lors de l’émission de ces obligations, nonobstant les cessions ultérieures de celles-ci, ou par le lieu de l’exécution effective des conditions de l’emprunt, telles que le paiement des intérêts.

46.

Il convient de préciser que la République hellénique ainsi que les gouvernements grec et italien soutiennent que le litige au principal ne relève ni du champ d’application matériel du règlement no 1215/2012, en ce que, pour l’essentiel, il est fondé sur le droit souverain d’un État membre de légiférer en vue de restructurer sa dette publique, ni de la « matière contractuelle », au sens de l’article 7, point 1, sous a), au motif qu’il n’existe pas de relation contractuelle entre l’État membre et le porteur de titres souverains. En conséquence, la Cour doit, à titre liminaire, déterminer si l’action peut être qualifiée comme concernant la « matière civile et commerciale », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement ( 33 ). Seule une réponse positive à cette question devra conduire la Cour à se prononcer sur la seconde question préalable exposée ci-dessus.

A.   Le litige relève-t-il du champ d’application du règlement no 1215/2012 ?

47.

Pour considérer que le litige relève de la matière civile et commerciale, la juridiction de renvoi s’est référée à l’arrêt Fahnenbrock e.a., après avoir retenu que le requérant demande l’exécution des conditions d’emprunt ou l’indemnisation de leur inexécution par l’État défendeur, émetteur des obligations souveraines, en se fondant sur l’engagement de payer pris par celui-ci en qualité de débiteur obligataire ( 34 ). Si ce rapprochement peut apparaître pertinent dans une certaine mesure, notre avis diverge fondamentalement sur les conséquences qui doivent en être tirées, au motif que l’analyse de la compétence doit reposer sur des bases différentes que nous allons examiner.

1. Sur la portée de l’arrêt Fahnenbrock e.a.

48.

S’agissant du premier point de convergence, il peut être relevé que l’objet du litige, qui s’inscrit dans des circonstances de fait quasi analogues ( 35 ), est similaire, dès lors que, dans l’une des affaires (Kickler e.a., C-578/13) sur la base desquelles la Cour a rendu l’arrêt Fahnenbrock e.a., des détenteurs d’obligations grecques demandaient à la République hellénique, outre le paiement de dommages-intérêts, l’exécution contractuelle des obligations originaires venues à échéance. La cause de la demande est, dans tous les cas, une violation des droits et obligations du contrat ( 36 ).

49.

Dans ces circonstances, le second point de convergence est particulièrement important, dès lors que la Cour s’est prononcée sur l’interprétation de l’article 1er du règlement (CE) no 1393/2007 ( 37 ), dont les termes sont identiques à ceux de l’article 1er du règlement no 1215/2012. Leur champ d’application est circonscrit à la « matière civile et commerciale » et ne couvre notamment pas la « responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii)» ( 38 ).

50.

La Cour a jugé dans l’arrêt Fahnenbrock e.a. que « l’article 1er, paragraphe 1, du règlement [n °1393/2007] doit être interprété en ce sens que des actions juridictionnelles en indemnité pour trouble de la possession et de la propriété, en exécution contractuelle et en dommages-intérêts, telles que celles en cause au principal, introduites par des personnes privées, titulaires d’obligations d’État, contre l’État émetteur, rentrent dans le champ d’application dudit règlement dans la mesure où il n’apparaît pas qu’elles ne relèvent manifestement pas de la matière civile ou commerciale» ( 39 ).

51.

Pour autant, la portée de l’arrêt Fahnenbrock e.a. n’est pas, selon nous, celle que la juridiction de renvoi lui prête. En effet, il convient de porter une attention particulière aux limites de l’interprétation que la Cour a fixées.

52.

À cet égard, il est essentiel de commencer par relever que la Cour s’est démarquée des solutions antérieures visant à harmoniser l’interprétation de la même notion, en raison des objectifs particuliers à atteindre ( 40 ). Ainsi, il résulte des motifs d’ordre méthodologique de cette décision ( 41 ) que la Cour a clairement privilégié le mécanisme instauré par le règlement no 1393/2007 afin d’en assurer la pleine efficacité avec le souci de garantir un accès rapide au juge du fond ainsi que le droit à un procès équitable ( 42 ).

53.

La Cour a ensuite retenu la nature particulière de la vérification opérée par le juge au stade de la demande de signification, en considérant qu’il revient au juge saisi, dans le cadre de la procédure contradictoire ultérieure, de trancher le débat sur la compétence ( 43 ).

54.

À cet égard, elle a estimé que le cas du retour de la demande de signification par l’entité requise devait être réservé aux litiges qui ne relèvent pas, à l’évidence, de la matière civile et commerciale ( 44 ).

55.

Enfin, la Cour a donné deux éléments de réponse utiles pour les besoins d’un examen prima facie ou, autrement dit, d’un contrôle d’une intensité adaptée à l’objectif de célérité poursuivi, dans le cas précis pouvant faire douter a priori du caractère civil de l’action, dès lors qu’elle est dirigée contre un État et porte sur l’émission par celui-ci d’obligations souveraines.

56.

Premièrement, la Cour a précisé que « l’émission d’obligations ne présuppose pas nécessairement l’exercice de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre les particuliers» ( 45 ). Deuxièmement, elle a relevé certains éléments justifiant un examen approfondi de la nature de la relation de l’État avec le porteur. Il s’agit des conditions financières des titres en cause qui pourraient avoir été fixées « sur la base des conditions de marché qui règlent l’échange et la rentabilité de ces instruments financiers» ( 46 ) et des modifications de ces conditions financières qui « auraient dû faire suite à une décision d’une majorité des titulaires » des obligations sur la base d’une clause contractuelle intégrée dans les contrats d’émission ( 47 ).

57.

La Cour, qui avait auparavant relevé la complexité des questions ayant une incidence sur l’immunité de l’État ( 48 ), en a déduit qu’« il ne peut être conclu que les affaires au principal ne relèvent manifestement pas de la matière civile ou commerciale au sens du règlement no 1393/2007, de telle sorte que ce règlement est applicable à ces affaires» ( 49 ).

58.

En conséquence, dès lors qu’il appartient au juge saisi de vérifier sa compétence, ainsi que la Cour l’a rappelé ( 50 ), il convient de reprendre l’analyse de la qualification du litige en recentrant la discussion sur les éléments mis en exergue par la Cour dans l’arrêt Fahnenbrock e.a. afin de justifier ses réserves sur le caractère manifeste de l’exercice de la puissance publique.

2. La qualification du litige

59.

À titre liminaire, il nous paraît opportun de rappeler que les méthodes d’interprétation des précédents instruments réglant la compétence, retenues jusqu’à présent ( 51 ), ont vocation à s’appliquer au règlement no 1215/2012 ( 52 ).

60.

Ainsi, selon une jurisprudence bien établie, l’interprétation de la notion autonome de « matière civile et commerciale » conduit à déterminer le champ d’application des instruments réglant la compétence judiciaire « en raison des éléments qui caractérisent la nature des rapports juridiques entre les parties au litige ou l’objet de celui-ci» ( 53 ). Il y a donc lieu d’identifier le rapport juridique existant entre les parties au litige et d’examiner le fondement ainsi que les modalités d’exercice de l’action intentée ( 54 ).

61.

En l’occurrence, il convient de rechercher si l’action en indemnisation exercée par un particulier à l’encontre d’un État émetteur d’emprunt a sa source matérielle dans un acte de puissance publique ou, plus précisément, si le rapport juridique entre l’État grec et M. Kuhn, tel qu’il résulte des conditions d’emprunt, est marqué par une manifestation de puissance publique de la part de l’État débiteur, en ce qu’elle correspondrait à l’exercice de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers ( 55 ).

62.

Selon nous, cette manifestation résulte, dans cette affaire comme dans les précédentes portant sur la restructuration de la dette grecque, tant de la nature et des modalités des modifications de la relation contractuelle entre l’État grec et les propriétaires de titres que du contexte dans lequel ces dernières sont intervenues.

63.

En effet, les termes généraux de « modification » ou de « conversion » des titres, généralement utilisés, atténuent très largement la réalité de l’échange de titres auquel il a été procédé ( 56 ) : les titres initiaux ont été annulés et remplacés par de nouveaux titres d’une valeur nominale inférieure, entraînant une perte de capital de 53,5 %, voire plus élevée s’il est tenu compte de la modification de la date à laquelle les anciens titres devaient arriver à maturité ( 57 ), une partie d’entre eux devant arriver à échéance entre l’année 2023 et l’année 2042. Les taux annuels pour le paiement des coupons ont été révisés. Enfin, les titres ne sont plus soumis à la loi grecque, mais à la loi anglaise ( 58 ).

64.

En raison de son caractère substantiel, cette substitution de titres ne peut être assimilée à des modifications généralement considérées comme constituant des aléas inhérents à ce type d’investissements, entièrement maîtrisés par l’État membre emprunteur ( 59 ), auxquelles peut s’attendre un acquéreur d’obligations normalement avisé ( 60 ).

65.

Les modalités de cette substitution doivent également être soulignées dès lors qu’elles n’étaient prévues ni dans les conditions d’emprunt ni dans le droit grec lors de l’émission des titres qui les régissait. Elles ont été imposées par le législateur grec par l’effet de la loi 4050/2012 en introduisant des CAC de façon rétroactive.

66.

Grâce à ces clauses, l’accord conclu entre l’État et les porteurs d’obligations ayant décidé, à la majorité qualifiée, d’accepter les modifications contractuelles proposées par l’État grec, a permis de les imposer à la minorité de porteurs, y compris ceux qui auraient souhaité les refuser.

67.

Le recours à ce mécanisme ne peut faire douter du caractère immédiat et direct ( 61 ) des modifications des conditions d’emprunt sur la minorité des porteurs, d’autant plus que la loi 4050/2012 visait précisément à atteindre ce résultat afin d’éviter à la Grèce d’être en défaut ( 62 ). La Cour européenne des droits de l’homme a d’ailleurs déduit du mécanisme des CAC que « les modalités en fonction desquelles l’échange [avait] eu lieu démontrent clairement le caractère involontaire de [la] participation [des requérants] au processus de la décote» ( 63 ).

68.

Pour trancher la question de l’applicabilité du règlement no 1215/2012 qui nous préoccupe, il ne peut non plus être tiré argument du recueil, grâce aux CAC, de l’accord des porteurs dans un cadre contractuel ( 64 ). En effet, celui-ci ne peut être détaché des circonstances dans lesquelles l’inclusion rétroactive de ces clauses dans les conditions d’emprunt a été acceptée.

69.

Si la loi 4050/2012 met en œuvre l’accord résultant des négociations entre la République hellénique et les investisseurs privés (PSI) dont la participation a été considérée comme « jou[ant] un rôle vital pour ramener l’endettement de la [République hellénique] à un niveau supportable» ( 65 ), il est constant que les personnes physiques, qui ne formaient qu’une minorité de porteurs d’obligations de l’État grec et qui représentaient 1 % environ de la dette publique globale de la Grèce n’ont pas participé à ces négociations menées avec les investisseurs institutionnels que sont, notamment, les banques et les organismes de crédit ( 66 ).

70.

En outre, d’autres aspects du contexte exceptionnel dans lequel la loi 4050/2012 a été promulguée doivent aussi être pris en considération.

71.

Premièrement, la procédure contraignante, imposée par cette loi, constitue l’aboutissement de la recherche d’« une solution exceptionnelle et unique» ( 67 ) à la situation de la République hellénique. Elle est indissociablement liée à la politique monétaire de l’Union, dès lors qu’elle visait à assurer la sauvegarde de l’organisation financière d’un État membre et, plus largement, à préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble ( 68 ).

72.

Deuxièmement, le recours inédit ( 69 ) à l’inclusion rétroactive de CAC tendait à prévenir le risque d’un échec du plan de restructuration de la dette ( 70 ) pouvant notamment résulter de l’absence de CAC ( 71 ) dans les émissions des titres réalisées par la République hellénique sur le marché national. L’objectif à atteindre étant de s’assurer de la participation de la totalité des particuliers créanciers, les autorités grecques ont tiré avantage de ce que la dette obligataire était à plus de 90 % soumise à la loi grecque pour la modifier en imposant ces clauses ( 72 ).

73.

Troisièmement, la mise en œuvre d’une telle procédure par l’État, agissant à la fois comme contractant et comme législateur, est circonscrite dans le temps ( 73 ). En effet, d’une part, les nouveaux titres issus de la conversion sont soumis à la loi anglaise et celle-ci prévoit des CAC ( 74 ). D’autre part, après la décision des ministres des Finances de la zone euro, prise au mois de novembre 2010 et entérinée par les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 mars 2011 ( 75 ), de rendre obligatoire le recours au mécanisme des CAC, c’est en application de l’article 12, paragraphe 3, du traité instituant le mécanisme européen de stabilité (MES) conclu à Bruxelles le 2 février 2012 ( 76 ) que des CAC figurent, depuis le 1er janvier 2013, dans tous les titres d’une durée supérieure à un an portant sur des dettes publiques des États membres de la zone euro ( 77 ). Elles constituent désormais l’un des moyens permettant d’assurer la stabilité financière de la zone euro et participent ainsi à l’objectif « d’assurer une gestion des crises de solvabilité rencontrées par les États» ( 78 ) et de rassurer les investisseurs.

74.

L’ensemble de ces éléments mettent en valeur la poursuite d’un objectif d’intérêt général, qui ne se limite pas à celui de la Grèce, mais concerne toute la zone euro. Admettre, dans de telles conditions, que le litige ne soit pas maintenu dans la stricte sphère contractuelle ( 79 ) ne nous paraît pas de nature à faciliter le recours par les États emprunteurs à la loi afin d’« immunis[er]» ( 80 ) les contrats de dettes souveraines en modifiant les conditions d’emprunt notamment de manière rétroactive.

75.

Nous en déduisons que le litige au principal trouve sa source matérielle dans un acte de puissance publique par lequel ont été imposées rétroactivement, dans des conditions et des circonstances exceptionnelles, la conversion des titres et la modification des conditions d’emprunt initiales, afin d’éviter que l’État grec ne soit en défaut et de garantir la stabilité de la zone euro.

76.

En conséquence, nous proposons à la Cour de répondre aux questions préjudicielles qu’une action intentée par une personne physique ayant acquis des obligations émises par un État membre, à l’encontre de celui-ci, visant à obtenir l’exécution des conditions d’emprunt initiales ou l’indemnisation de leur inexécution, en raison de l’échange de ces obligations contre des obligations de valeur moindre, imposé à cette personne physique par l’effet d’une loi, adoptée dans des circonstances exceptionnelles par le législateur national, ayant unilatéralement et rétroactivement modifié les conditions applicables aux obligations en y insérant une CAC permettant à une majorité de détenteurs de celles-ci d’imposer un tel échange à la minorité, ne relève pas de la « matière civile ou commerciale » au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012.

77.

Si, toutefois, la Cour estimait que l’action en cause se borne à « soumettre au contrôle du juge des rapports de droit privé» ( 81 ) entre l’acquéreur d’obligation souveraine et l’État ayant accompli un acte jure gestionis, il conviendrait alors de déterminer si le litige relève de la « matière contractuelle », au sens de l’article 7, point 1, sous a), de ce règlement.

B.   Le litige relève-t-il de la « matière contractuelle », au sens de l’article 7, point 1, sous a), du règlement no 1215/2012 ?

78.

Après avoir posé les bases du raisonnement et précisé en quoi l’arrêt Kolassa ne peut servir de référence, nous exposerons notre avis sur la qualification du litige au principal.

1. Rappel des principes d’interprétation

79.

À titre liminaire, nous rappellerons les bases sur lesquelles repose toute interprétation de la notion de « matière contractuelle ».

80.

Comme pour l’interprétation de l’article 1er du règlement no 1215/2012 ( 82 ), il convient de se reporter à celle fournie par la Cour en ce qui concerne l’article 5, point 1, du règlement no 44/2001, dès lors qu’elle vaut également pour l’article 7, point 1, sous a), du règlement no 1215/2012 qui le remplace ( 83 ).

81.

Il en résulte, premièrement, que l’interprétation de cet article 7 doit être restrictive, dès lors qu’il offre au demandeur une option de compétence et, partant, la faculté de faire exception à la compétence de principe de la juridiction de l’État du domicile du défendeur. Ainsi, selon une jurisprudence constante de la Cour, les règles de compétence spéciales ne permettent pas une interprétation allant au-delà des hypothèses envisagées de manière explicite par ledit règlement ( 84 ).

82.

Deuxièmement, il importe de définir des solutions en cohérence avec l’objectif général recherché, énoncé au considérant 16 du règlement no 1215/2012. Il s’agit de faciliter une bonne administration de la justice lorsqu’« il existe un lien de rattachement étroit entre la contestation et le tribunal qui est appelé à en connaître» ( 85 ). La juridiction du lieu où doit être exécutée l’obligation stipulée au contrat et servant de base à l’action judiciaire est normalement celle qui est la plus apte à statuer, notamment pour des motifs de proximité du litige et de facilité d’administration des preuves ( 86 ). L’assurance de l’exécution rapide de la décision peut aussi être prise en considération ( 87 ).

83.

Troisièmement, toujours selon une jurisprudence bien établie relative à la notion autonome de « matière contractuelle» ( 88 ) et, partant, à l’exclusion du « renvoi au droit interne de l’un ou l’autre des États concernés» ( 89 ), l’application de la règle de compétence spéciale prévue en cette matière à l’article 7, point 1, sous a), du règlement no 1215/2012 présuppose l’identification d’une obligation juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une autre et sur laquelle se fonde l’action du demandeur, peu important l’absence de conclusion d’un contrat ( 90 ), ou que le contrat soit régi par des dispositions impératives ( 91 ).

84.

À cet égard, la Cour a précisé qu’une action en responsabilité peut relever de la « matière contractuelle »« si le comportement reproché peut être considéré comme un manquement aux obligations contractuelles, telles qu’elles peuvent être déterminées compte tenu de l’objet du contrat » et que « [t]el sera a priori le cas si l’interprétation du contrat qui lie le défendeur au demandeur apparaît indispensable pour établir le caractère licite ou, au contraire, illicite du comportement reproché au premier par le second» ( 92 ). La notion de « matière délictuelle » n’est retenue que lorsque l’action n’est pas étroitement liée à un contrat ( 93 ).

85.

S’agissant d’une action telle que celle en cause au principal, il suffirait, selon la République hellénique, de transposer la jurisprudence de l’arrêt Kolassa. Nous ne partageons pas cette opinion pour les raisons que nous allons exposer.

2. La portée de l’arrêt Kolassa

86.

Dans cet arrêt, qui porte sur l’acquisition de titres sur le marché secondaire ayant fait intervenir plusieurs intermédiaires, comme dans les circonstances du litige au principal, la Cour a notamment jugé que l’article 5, point 1, sous a), du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’un demandeur qui a acquis une obligation au porteur auprès d’un tiers, sans que l’émetteur de celle-ci ait librement assumé une obligation à l’égard de ce demandeur, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, ne peut pas se prévaloir de la compétence prévue à cette disposition aux fins de l’action introduite contre ledit émetteur et fondée sur les conditions d’emprunt, la violation des obligations d’information et de contrôle ainsi que la responsabilité concernant le prospectus ( 94 ).

87.

La Cour a estimé qu’il résultait de la présentation succincte des faits par la juridiction de renvoi qu’une obligation juridique librement consentie par la banque émettrice de l’emprunt à l’égard du demandeur qui avait acquis une obligation au porteur auprès d’un tiers faisait défaut ( 95 ).

88.

Nous considérons que le litige au principal se distingue de la situation ayant donné lieu à cet arrêt pour plusieurs raisons. Premièrement, les obligations sur lesquelles se fondait l’investisseur étaient de nature précontractuelle. Il invoquait la responsabilité de l’émetteur des titres qu’il avait acquis du fait du prospectus et la violation d’autres obligations légales d’information incombant à cet émetteur, afin de démontrer qu’il n’aurait pas réalisé un tel investissement s’il avait été mieux informé.

89.

Deuxièmement, l’émission des obligations souveraines, telle que décrite par la juridiction de renvoi, qui correspond aux intermédiations habituelles en matière de dettes d’État, est soumise à des conditions qui sont fondamentalement différentes de celles des certificats tels que ceux dans lesquels M. Harald Kolassa a investi. Ces certificats litigieux avaient été émis par une banque privée, prenant la forme d’obligations au porteur dont la valeur devait être déterminée sur la base d’un indice formé à partir d’un portefeuille dont la gestion a été confiée à une société ( 96 ).

90.

Troisièmement, la Cour a retenu que le requérant n’était pas le porteur de ces obligations ( 97 ), après avoir constaté qu’elles avaient été commandées et acquises par la banque avec laquelle le requérant était en relation directe, auprès de sa société mère, ces sociétés ayant exécuté la commande en leur nom, et que ces obligations avaient été conservées en tant que fonds de couverture par la banque intermédiaire en son nom propre et pour le compte du requérant ( 98 ).

91.

Tel n’est pas le cas dans l’affaire au principal. En effet, selon la juridiction de renvoi, le requérant est propriétaire de titres qui ont été acquis en son nom par la banque de dépôt et celle-ci a agi en qualité de commissionnaire.

92.

En conséquence, la question de la qualification particulière de ces liens se pose. Eu égard au choix du caractère autonome de la notion de « matière contractuelle» ( 99 ), il appartient à la Cour de se prononcer sur ce point.

3. La qualification particulière en matière d’émission de titres souverains

93.

En matière d’émission de titres souverains, cette question de qualification est inédite et complexe en raison de son double objet, à savoir la nature particulière de l’obligation souveraine et le transfert des droits ou la cession de créance qui s’y attache.

94.

Il convient également de prendre en considération que « [l]es droits sur des titres sont désormais majoritairement détenus, transférés ou nantis par le biais de l’inscription sur des comptes de titres» ( 100 ).

95.

Bien que divers auteurs soutiennent qu’il n’existe pas de lien contractuel entre l’émetteur et l’investisseur sur le marché secondaire, d’autres estiment que cette approche pourrait être relativisée ( 101 ). À l’instar de ces derniers, nous considérons que, en cette matière, s’il peut être admis qu’il n’existe plus de lien contractuel direct, faute de titre signé par l’émetteur et le porteur ( 102 ), « il ne peut être posé en règle générale que les relations juridiques entre l’émetteur d’un titre financier et l’investisseur qui acquiert ces instruments (fût-ce sur le marché secondaire) ne seraient pas de nature contractuelle. Une telle question ne peut être analysée qu’au cas par cas, en fonction de la nature exacte des instruments financiers, des documents qui les régissent et des droits et obligations qui en découlent dans le chef de l’émetteur et de l’investisseur» ( 103 ).

96.

Un encouragement à avancer dans cette voie nous paraît devoir être discerné à la lecture du point 41 de l’arrêt Kolassa, qui n’exclut pas que le litige puisse relever de la matière contractuelle.

97.

Dès lors, les conditions dans lesquelles les obligations sont proposées à la souscription par un État, telles que décrites par la juridiction de renvoi, ne peuvent pas, selon nous, être qualifiées de « chaîne de contrats », au sens de la jurisprudence de la Cour ( 104 ).

98.

En effet, ainsi qu’il résulte des pièces du dossier, en particulier du subscription agreement (contrat de souscription), l’État grec a contracté avec des managers ou des participants au système du marché primaire qui, en qualité de premiers détenteurs des titres, peuvent les liquider sur le marché secondaire. En d’autres termes, leur rôle peut être qualifié de distributeur auprès des investisseurs du marché secondaire sur lequel interviennent les transactions portant sur ces obligations.

99.

L’État grec a également élaboré, comme tout État émetteur de titres, un document (offering circular ou prospectus d’émission) qui reprend les principales conditions d’emprunt et constitue juridiquement le contrat passé avec ses créanciers ( 105 ). Ainsi, dans cette relation juridique, l’État s’engage à payer des coupons et à rembourser l’emprunt à l’échéance envers tout porteur de titres, certes, pas directement, mais en passant par les intermédiaires qui ont acquis les titres pour le compte de celui-ci. Dans cette relation, il peut aussi être considéré que « la transmission du titre au porteur opère une cession des droits incorporés dans le titre : le souscripteur s’étant engagé ab initio envers tout porteur du titre, le porteur est titulaire d’un droit propre à l’égard de l’émetteur» ( 106 ). Au point 91 de arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE ( 107 ), l’analyse retenue est concordante. Il y est précisé que, « en vertu du droit privé applicable, [les] banques centrales ont acquis, lors de l’achat de titres de créance étatiques, à l’instar des investisseurs privés, le statut de créancier de l’État émetteur et débiteur» ( 108 ).

100.

Deux arguments supplémentaires peuvent être tirés de l’intervention de l’État législateur en vue de modifier les conditions de l’emprunt de l’État contractant. D’une part, la loi en cause visait à produire un effet direct et immédiat sur les titres appartenant aux investisseurs privés institutionnels ou aux personnes physiques, indépendamment de l’intermédiation d’organismes financiers.

101.

D’autre part, cette initiative législative révèle la parfaite connaissance par l’État de l’étendue de ses engagements en qualité d’État contractant ( 109 ) vis-à-vis des propriétaires de titres ( 110 ), dès lors qu’il en a modifié la teneur avant d’être en défaut et, partant, de devoir faire face à des demandes de remboursement anticipé de la créance qui lui auraient été adressées directement.

102.

Nous déduisons de l’ensemble de ces éléments que relève de la notion de « matière contractuelle », au sens de l’article 7, point 1, sous a), du règlement no 1215/2012, l’action par laquelle l’acquéreur d’obligations émises dans un État membre entend faire valoir, à l’encontre de cet État, des droits découlant de ces titres, notamment à la suite de la modification unilatérale et rétroactive des conditions d’emprunt par celui-ci.

103.

En conséquence, il convient de préciser les éléments de réponse qui peuvent être donnés à la juridiction de renvoi en vue de déterminer le lieu d’exécution de cette obligation qui sert de base à la demande.

C.   Sur la détermination du lieu d’exécution de l’obligation litigieuse

104.

Il s’agit de déterminer si, dans une situation telle que celle en cause au principal, le « lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande », au sens de l’article 7, point 1, sous a), du règlement no 1215/2012, est celui résultant des conditions d’emprunt relatives aux obligations concernées ou si ce lieu est susceptible de changer au gré des cessions de créances liées à ces obligations, ou encore s’il peut s’agir du lieu de perception des intérêts par le créancier.

105.

Selon une jurisprudence bien établie ( 111 ), à défaut de désignation par les parties du lieu d’exécution de l’obligation litigieuse, celui-ci doit être déterminé conformément à la loi qui régit cette obligation selon les règles de conflit de la juridiction saisie.

106.

Ainsi que nous l’avons précédemment décrit, l’émission des obligations, soumise à la loi grecque, est encadrée par les dispositions de l’offering circular (prospectus d’émission). Dans ce document, la banque centrale grecque est désignée, conformément à l’article 8, paragraphe 6, de la loi 2198/1994 applicable en matière de dettes étatiques, en qualité de « paying agent », la loi applicable choisie est la loi grecque et les « bond holders » sont les « relevant participants of the Bank of Greece Book entry system ». Nous en déduisons que le lieu d’exécution de l’obligation, celui du paiement des coupons et du remboursement du capital, qui sert de base à la demande se situe en Grèce, conformément à cette loi 2198/1994. L’opération de conversion des titres régis par la loi grecque, résultant de la loi 4050/2012, démontre également qu’il s’agit du lieu des décisions prises sur les modalités des investissements et de leur exécution.

107.

Dans ces conditions, et eu égard à notre analyse relative à la qualification de la transmission du titre au porteur en ce qu’elle opère une cession des droits incorporés dans le titre, soit une cession de créance, nous considérons que des cessions antérieures ne sont pas de nature à modifier la détermination du lieu d’exécution au sens de l’article 7, point 1, sous a), du règlement no 1215/2012 ( 112 ).

108.

Cette interprétation est conforme à l’exigence de prévisibilité et de sécurité juridique, résultant du considérant 15 du règlement no 1215/2012 ( 113 ), dès lors qu’elle conduit à écarter la possibilité que le défendeur soit attrait devant une juridiction d’un État membre qu’il ne pourrait pas raisonnablement prévoir si sa détermination devait dépendre du choix du lieu du dépôt du titre, et contribue à la bonne administration de la justice visée au considérant 16 de ce règlement.

109.

Ces objectifs ne pourraient pas non plus être atteints si le lieu d’exécution devait être déterminé en fonction du lieu de perception des intérêts dus au détenteur d’une obligation souveraine ( 114 ).

110.

En conséquence, nous proposons à la Cour de dire pour droit que l’article 7, point 1, sous a), du règlement no 1215/2012 doit être interprété en ce sens que le lieu d’exécution d’une obligation souveraine est déterminé par les conditions de l’emprunt lors de l’émission de ce titre, nonobstant les cessions ultérieures de celui-ci ou l’exécution effective en un autre lieu des conditions d’emprunt relatives au paiement des intérêts ou du remboursement du capital.

V. Conclusion

111.

Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) de la manière suivante :

À titre principal :

une action intentée par une personne physique ayant acquis des obligations émises par un État membre, à l’encontre de celui-ci, visant à obtenir l’exécution des conditions d’emprunt initiales ou l’indemnisation de leur inexécution, en raison de l’échange de ces obligations contre des obligations de valeur moindre, imposé à cette personne physique par l’effet d’une loi, adoptée dans des circonstances exceptionnelles par le législateur national, ayant unilatéralement et rétroactivement modifié les conditions applicables aux obligations en y insérant une clause d’action collective permettant à une majorité de détenteurs de celles-ci d’imposer un tel échange à la minorité, ne relève pas de la « matière civile ou commerciale » au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

À titre subsidiaire, si la Cour devait juger que le litige relève de la « matière civile ou commerciale » au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 :

relève de la notion de « matière contractuelle », au sens de l’article 7, point 1, sous a), du règlement no 1215/2012, l’action par laquelle l’acquéreur d’obligations émises dans un État membre entend faire valoir, à l’encontre de cet État, des droits découlant de ces titres, notamment à la suite de la modification unilatérale et rétroactive des conditions d’emprunt par celui-ci.

l’article 7, point 1, sous a), du règlement no 1215/2012 doit être interprété en ce sens que le lieu d’exécution d’une obligation souveraine est déterminé par les conditions de l’emprunt lors de l’émission de ce titre, nonobstant les cessions ultérieures de celui-ci ou l’exécution effective en un autre lieu des conditions d’emprunt relatives au paiement des intérêts ou du remboursement du capital.


( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) JO 2012, L 351, p. 1.

( 3 ) Private sector involvement (PSI). Voir, pour un rappel de certaines procédures allemandes postérieures, Grund, S., « The legal consequences of sovereign insolvency – a review of creditor litigation in Germany following the Greek debt restructuring », Maastricht Journal of European and Comparative Law, Sage Publishing, New York, 2017, vol. 24, no 3, p. 399 à 423, en particulier p. 408 à 413.

( 4 ) Cette évolution est intervenue au cours des années 80. Auparavant, les dettes étaient essentiellement de nature bancaire.

( 5 ) Le contentieux se développe sous différents angles. Certains porteurs veillent à n’être pas moins bien traités que ceux qui, n’ayant pas accepté la décote de leur créance (haircut), tentent d’obtenir devant le juge l’exécution de la créance que l’État ne peut plus honorer. D’autres tentent de tirer parti de cette situation pour réaliser des investissements spéculatifs.

( 6 ) L’exemple donné par la dette argentine a démontré les conséquences économiques de l’exposition de l’État emprunteur à la stratégie judiciaire des investisseurs. Nous ne pouvons ignorer que celle-ci a un coût financier, que celui-ci est évalué, qu’il pèse sur le choix de la loi applicable et qu’il conditionne pour l’avenir la capacité de l’État à emprunter à nouveau.

( 7 ) Soit 205 milliards d’euros de créances détenues par des créanciers privés, à comparer avec la dette argentine de l’ordre de 90 milliards de dollars des États-Unis (USD) (environ 76,22 milliards d’euros).

( 8 ) Ce risque était renforcé par la détention par les banques d’une part importante des obligations souveraines.

( 9 ) T‑79/13, EU:T:2015:756.

( 10 ) JO 2012, L 77, p. 19.

( 11 ) T‑749/15, non publié, EU:T:2017:21.

( 12 ) Cour EDH, 21 juillet 2016, Mamatas et autres c. Grèce, ci-après l’« arrêt Mamatas », CE:ECHR:2016:0721JUD006306614.

( 13 ) Signée à Rome le 4 novembre 1950, ci-après la « CEDH ». Dans son communiqué de presse, le Greffier de la Cour européenne des droits de l’homme a expliqué que «[l]a Cour juge donc que les requérants n’ont pas subi de charge spéciale excessive, compte tenu notamment de la large marge d’appréciation des États en la matière et eu égard à la diminution de la valeur marchande des titres déjà affectée par la baisse de la solvabilité de l’État, lequel n’aurait probablement pas été en mesure d’honorer ses obligations découlant des clauses incluses dans les anciens titres avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi. La Cour considère aussi que les clauses d’action collective et la restructuration de la dette publique constituaient une mesure appropriée et nécessaire pour la réduction de la dette publique et la prévention de la cessation des paiements de l’État ; que les investissements en obligations n’étaient pas exempts de risques et que les requérants devaient être conscients des aléas et du risque d’une éventuelle perte de valeur de leurs titres, eu égard au déficit et à l’endettement élevés de la Grèce, même avant la crise de 2009 ».

( 14 ) Dans son communiqué de presse, le Greffier de la Cour européenne des droits de l’homme a ajouté que « [l]a Cour juge également que la procédure d’échange n’était pas discriminatoire, en raison notamment de la difficulté de localiser les porteurs d’obligations de ce marché volatil, de la difficulté d’établir des critères précis de différenciation entre porteurs, du risque de mettre en péril l’ensemble de l’opération avec des conséquences désastreuses pour l’économie, et de la nécessité d’agir rapidement pour la restructuration de la dette ».

( 15 ) Applicable, aux termes de l’article 66 de ce règlement, aux actions judiciaires intentées à compter du 10 janvier 2015.

( 16 ) La version en langue allemande de ce règlement distingue deux alternatives, en visant littéralement le « lieu où l’obligation a été exécutée » et « [le lieu où l’obligation] devrait être exécutée ». La version en langue grecque est ainsi libellée : « os pros diaforés ek symváseos, enópion tou dikastiríou tou tópou ópou ekpliróthike í ofeílei na ekplirotheí i parochí », ce qui signifie : « en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où la prestation a été ou doit être effectuée ».

( 17 ) La juridiction de renvoi ayant résumé les dispositions applicables, les citations des dispositions de la loi grecque qui suivent sont tirées des observations écrites du gouvernement grec.

( 18 ) Aux termes de l’article 5, paragraphe 2, du Nómos 2198/1994 – Áfxisi apodochón dimosíon ypallílon en génei, sýnapsi daneíon ypó tou Ellinikoú Dimosíou kai dimiourgía stin Trápeza tis Elládos Systímatos Parakoloúthisis Synallagón epí Títlon me Logistikí Morfí (‘Ávloi Títloi) kai álles diatáxeis [loi no 2198/1994 portant augmentation du traitement de l’ensemble des fonctionnaires, contraction d’emprunts par l’État grec, création au sein de la Banque de Grèce d’un système de surveillance des opérations sur titres inscrits en compte (titres dématérialisés), et autres dispositions, du 22 mars 1994 (FEK Α’ 43/22.03.1994, ci-après la « loi 2198/1994 »)], « les emprunts et leurs subdivisions (titres) sont suivis au moyen d’inscriptions comptables au système de comptes-courants [...] géré par la banque centrale grecque. Les intérêts des titres sont également suivis au moyen d’inscriptions comptables, dès lors qu’ils font l’objet d’une transaction autonome, en appliquant mutatis mutandis les autres dispositions du présent chapitre. La banque centrale grecque effectue les inscriptions concernant la maturité, le service et le remboursement des emprunts pour le compte de la République hellénique ».

( 19 ) Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de cette loi, « [a]u système participent, outre l’État grec et la banque centrale grecque, en sa qualité d’administrateur, des personnes morales ou physiques (ci-après les “participants”) désignées soit par catégorie soit nominativement par décision du gouverneur de la banque centrale grecque. [...] ».

( 20 ) Il résulte du libellé de cet article cité dans les observations du gouvernement grec ou de la République hellénique, défenderesse, qu’il s’agit de cession ou de transfert du droit de propriété attaché au titre.

( 21 ) FEK A’ 36/23.2.2012, ci-après la « loi 4050/2012 ».

( 22 ) Terme utilisé par la juridiction de renvoi figurant également au point 8 de l’arrêt Fahnenbrock e.a.

( 23 ) Ainsi qu’il est précisé par le gouvernement portugais dans ses observations écrites, ce terme signifie que, « [e]n tant qu’intermédiaire financier, la banque a reçu, transmis et exécuté l’ordre de souscription donné par le requérant, en réalisant une opération pour le compte d’autrui ».

( 24 ) Il s’agit du montant de la souscription selon le document produit en annexe 1 des observations écrites de la République hellénique. Il y est également précisé le code International Securities Identification Number (ISIN) des obligations correspondant à celui figurant dans l’offering circular (prospectus d’émission) du 16 février 2009. Conformément à ce document, la date de maturité ou d’échéance, c’est-à-dire la date à laquelle les obligations doivent être remboursées au porteur, selon leur valeur nominale, était fixée au 20 mars 2012. Avant la date de maturité, le porteur doit recevoir en échange de son capital prêté des intérêts ou coupon. En l’occurrence, le taux d’intérêt était fixé à 4,3 % par an et M. Kuhn allègue avoir perçu ces intérêts.

( 25 ) Selon la juridiction de renvoi, « le requérant se qualifie lui-même de détenteur d’un dépôt titres national tenu par la banque dépositaire et de propriétaire des obligations souveraines [inscrites] au crédit de ce dépôt titres ».

( 26 ) C’est-à-dire au paiement d’intérêts.

( 27 ) Lors de l’audience, le représentant de M. Kuhn a confirmé que les titres avaient été vendus.

( 28 ) Cette date, figurant dans la décision de renvoi, ne correspond ni à celle figurant dans les documents de l’affaire, dont il résulte que la date de maturité des obligations acquises par M. Kuhn était fixée au 20 mars 2012, ni à la date de la loi 4050/2012, ni à la précision selon laquelle M. Kuhn a vendu des obligations converties.

( 29 ) Il est constant que l’action a été engagée après le 9 janvier 2015.

( 30 ) Ce libellé est repris à l’identique de la demande de décision préjudicielle.

( 31 ) Ce libellé est repris à l’identique de la demande de décision préjudicielle.

( 32 ) Ou, autrement dit, sur un compte du porteur de titres.

( 33 ) Voir, à titre d’illustration de cas dans lesquels la question n’avait pas été posée par la juridiction de renvoi, arrêts du 1er octobre 2002, Henkel (C‑167/00, EU:C:2002:555 point 25), du 28 avril 2009, Apostolides (C‑420/07, EU:C:2009:271 point 40), et du 28 juillet 2016, Siemens Aktiengesellschaft Österreich (C‑102/15, EU:C:2016:607, point 27).

( 34 ) Voir Grund, S., « The legal consequences of sovereign insolvency – a review of creditor litigation in Germany following the Greek debt restructuring », op.cit., en particulier p. 413, expliquant le choix de ce fondement par les requérants à la suite de l’arrêt Fahnenbrock e.a. (point 57).

( 35 ) À la différence des requérants dans les précédentes affaires, M. Kuhn a vendu les obligations converties dont il invoque la réduction de valeur par rapport à celle fixée par les conditions d’emprunt initiales, consécutive à l’application de la loi 4050/2012.

( 36 ) Il ne s’agit donc pas d’un contentieux visant à opérer un contrôle de la légalité. À cet égard, la loi 4050/2012 a fait l’objet d’un contrôle de constitutionalité [voir arrêt du Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État, Grèce) en assemblée plénière, du 21 mars 2014, no s 1116/2014 et 1117/2014] et d’un contrôle de conventionnalité (voir arrêt Mamatas).

( 37 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, et abrogeant le règlement (CE) no 1348/2000 du Conseil (JO 2007, L 324, p. 79).

( 38 ) Cette précision ne figurait pas dans les dispositions antérieures équivalentes, à savoir à l’article 1er, premier alinéa, première phrase, de la convention, du 27 septembre 1968, concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1998, C 27, p. 1), telle que modifiée par les conventions successives relatives à l’adhésion des nouveaux États membres à cette convention (ci-après la « convention de Bruxelles »), et à l’article 1er, paragraphe 1, première phrase, du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1). Le législateur de l’Union a ainsi codifié la jurisprudence de la Cour, initiée dans les arrêts du 14 octobre 1976, LTU (29/76, EU:C:1976:137), et du 16 décembre 1980, Rüffer (814/79, EU:C:1980:291), qui ont retenu comme critère de distinction entre les affaires de droit privé et celles relevant du droit public, l’intervention d’une autorité publique agissant dans l’exercice de la puissance publique. Pour un rappel détaillé de la jurisprudence en relation avec l’objet du litige au principal, voir nos conclusions dans les affaires jointes Fahnenbrock e.a. (C‑226/13, C‑245/13, C‑247/13 et C‑578/13, EU:C:2014:2424, points 52 à 60 ainsi que jurisprudence citée). La Cour s’est prononcée très récemment sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, par l’arrêt du 9 mars 2017, Pula Parking (C‑551/15, EU:C:2017:193, point 39), dans lequel elle a dit pour droit qu’« une procédure d’exécution forcée diligentée par une société détenue par une collectivité territoriale contre une personne physique domiciliée dans un autre État membre, aux fins du recouvrement d’une créance impayée de stationnement dans un parking public, dont l’exploitation a été déléguée à cette société par ladite collectivité, ne présentant aucun caractère punitif mais constituant la simple contrepartie d’un service fourni, relève du champ d’application de ce règlement ».

( 39 ) Voir dispositif de cet arrêt.

( 40 ) Voir points 39 et 40 de l’arrêt Fahnenbrock e.a. Cette solution a été favorablement accueillie par la doctrine allemande, notamment Mankowski, P., « Zustellung der von Privatpersonen erhobenen Klagen wegen des Zwangsumtauschs von griechischen Staatsanleihen an Griechenland nach EuZustVO (“Fahnenbrock”) », Entscheidungen zum Wirtschaftsrecht, RWS Verlag, Cologne, 2015, p. 495 et 496, et Knöfel, O. L., « Griechischer Schuldenschnitt – Zustellung deutscher Klagen gegen den griechischen Staat », Recht der internationalen Wirtschaft, Deutscher Fachverlag, Francfort-sur-le-Main, no 8, 2015, p. 499 à 504, en particulier p. 503 et 504, ainsi que par la doctrine française, notamment, Laazouzi, M., « Cour de justice, 1ère ch., 11 juin 2015, Stefan Fahnenbrock, affaires jointesC–226/13, C–245/13, C–247/13 et C–578/13, ECLI:EU:C:2015:383 », Jurisprudence de la CJUE, Bruxelles, Bruylant, 2016, p. 858 à 869, en particulier p. 869, et d’Avout, L., Kinsch, P., Quéguiner, J.-S., Sánchez Lorenzo, S., Weller, M.-P., Wilderspin, M., « Le droit international privé de l’Union européenne en 2015 », Journal du droit international (Clunet), LexisNexis, Paris, octobre 2016, chronique no 4, p. 1441 à 1517, en particulier p. 1449 et 1450.

( 41 ) Voir points 39 à 48 de l’arrêt Fahnenbrock e.a.

( 42 ) Ainsi que le gouvernement grec l’a rappelé lors de l’audience, dans les instances pendantes devant les juridictions allemandes relatives à la notification internationale, le défendeur n’est ni présent ni représenté. Sur les particularités de cette procédure et les divergences de qualification, voir d’Avout, L., Kinsch, P., Quéguiner, J.-S., Sánchez Lorenzo, S., Weller, M.-P., Wilderspin, M., op. cit., en particulier p. 1446 et 1447.

( 43 ) Voir point 46 de l’arrêt Fahnenbrock e.a., à rapprocher de son point 43.

( 44 ) Voir points 48 et 49 de l’arrêt Fahnenbrock e.a.

( 45 ) Point 53 de l’arrêt Fahnenbrock e.a. Un consensus se dégage de la doctrine sur ce point, voir, notamment, d’Avout, L., Kinsch, P., Quéguiner, J.-S., Sánchez Lorenzo, S., Weller, M.-P., Wilderspin, M., op. cit., en particulier p. 1449, et Laazouzi, M., op. cit., en particulier p. 869 ; ces auteurs se référant aux travaux du Professeur Pierre Mayer, ainsi que Knöfel, O. L., op. cit., et Grund, S., « The legal consequences of sovereign insolvency – a review of creditor litigation in Germany following the Greek debt restructuring », op.cit., en particulier p. 419 et jurisprudence citée à la note en bas de page 148. Pour un exposé plus général de l’évolution du concept de souveraineté étatique en cette matière et des liens avec la réalité des systèmes financiers, voir Audit, M., « La dette souveraine : la dette souveraine appelle-t-elle un statut juridique particulier ? », Insolvabilité des États et dettes souveraines, Librairie générale de droit et de jurisprudence, collection « Droit des affaires », Paris, 2011, p. 67 à 88, en particulier p. 82 à 84 ; s’agissant des difficultés du traitement de la dette qui en découlent, voir Forteau, M., « Le défaut souverain en droit international public : les instruments de droit international public pour remédier à l’insolvabilité des états », Insolvabilité des États et dettes souveraines, Librairie générale de droit et de jurisprudence, collection « Droit des affaires », Paris, 2011, p. 209 à 232, en particulier p. 215.

( 46 ) Point 54 de l’arrêt Fahnenbrock e.a.

( 47 ) Point 57 de l’arrêt Fahnenbrock e.a.

( 48 ) Voir point 42 de l’arrêt Fahnenbrock e.a.

( 49 ) Point 58 de l’arrêt Fahnenbrock e.a.

( 50 ) Voir point 46 de l’arrêt Fahnenbrock e.a. Voir, dans le même sens, contrairement à l’avis exprimé lors de l’audience par la Commission, notamment, Beraudo, J.‑P., et Beraudo, M.‑J., « Convention de Bruxelles, conventions de Lugano, règlement (CE) no 44/2001, règlement (UE) no 2015/2012, Généralités et champ d’application », JurisClasseur Europe, LexisNexis, Paris, 2016, fascicule 3000, Laazouzi, M., op. cit., en particuier p. 869, et d’Avout, L., Kinsch, P., Quéguiner, J.-S., Sánchez Lorenzo, S., Weller, M.-P., Wilderspin, M., op. cit., en particulier p. 1451.

( 51 ) Voir arrêt Fahnenbrock e.a. (points 34 et 35 ainsi que jurisprudence citée).

( 52 ) Voir arrêt du 9 mars 2017, Pula Parking (C‑551/15, EU:C:2017:193, points 31 à 33 ainsi que jurisprudence citée).

( 53 ) Voir arrêt du 15 février 2007, Lechouritou e.a. (C‑292/05, EU:C:2007:102, point 30 ainsi que jurisprudence citée).

( 54 ) Voir arrêts 15 février 2007, Lechouritou e.a. (C‑292/05, EU:C:2007:102, point 34 ainsi que jurisprudence citée), et du 9 mars 2017, Pula Parking (C‑551/15, EU:C:2017:193, point 34).

( 55 ) À rapprocher de l’arrêt du 15 mai 2003, Préservatrice foncière TIARD (C‑266/01, EU:C:2003:282, point 30).

( 56 ) À cet égard, voir Bismuth, R., « L’émergence d’un “ordre public de la dette souveraine” pour et par le contrat d’emprunt souverain ? Quelques réflexions inspirées par une actualité très mouvementée », Annuaire français de droit international, vol. 58, Persée, Paris, 2012, p. 489 à 513, en particulier p. 510, qui utilise les termes « réécrire les contrats initiaux ».

( 57 ) Arrêt Mamatas (§ 110). Ce chiffre s’élève à 59 % selon Grund, S., « Restructuring Government Debt Under Local Law : the Greek Case and Implications for Investor Protection », Capital Markets Law journal, Oxford University Press, Oxford, 2017, vol. 12, no 2, p. 253 à 273, en particulier p. 254.

( 58 ) Les précisions relatives à ces modifications figurent dans l’arrêt Mamatas aux § 16 et 17 ainsi qu’aux points suivants :

« 49. L’acte du Conseil des [m]inistres du 24 février 2012 a fixé le début de la procédure au 24 février 2012. Il indiquait en annexe les titres sélectionnés par l’acte. Il précisait que la modification de ces titres aurait lieu au moyen de leur échange contre de nouveaux titres édités par l’État, mais aussi par le Fond européen de stabilité financière. Les nouveaux titres édités par l’État seraient constitués cumulativement par de nouvelles obligations de l’État et par des titres dont le rendement serait lié au PIB [(produit intérieur brut)].

50. Les nouvelles obligations de l’État auraient un taux annuel de 2 % pour le paiement des coupons de 2013 à 2015 ; de 3% pour celui des coupons de 2016 à 2020 ; de 3,65 % pour celui des coupons 2021 ; de 4,3 % pour celui des coupons de 2022 à 2042. Elles seraient régies par le droit britannique.

51. Les titres dont le rendement serait lié au PIB arriveraient à maturité en 2042, seraient régis par le droit britannique et auraient un rendement calculé selon le capital nominal des obligations qui serait dégressif de 2024 à 2042. »

( 59 ) Voir Audit, M., op. cit., en particulier p. 73.

( 60 ) Voir, notamment, arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE (T‑79/13, EU:T:2015:756, point 76 ainsi que, sur la volatilité du marché, point 121). Voir, également, Carreau, D., « Dettes d’État », Répertoire de droit international, Encyclopédie juridique Dalloz, Dalloz, Paris, 1998, tel qu’actualisé au mois de septembre 2014, tome 1, sur ce qu’il nomme le « risque de souveraineté » (point 17), ainsi que Lemaire, S., « La rétroactivité en droit des investissements internationaux », La Semaine juridique – Entreprise et affaires, 2013, no 38, p. 47 à 50.

( 61 ) À rapprocher du point 57 de l’arrêt Fahnenbrock e.a., invitant à une appréciation approfondie.

( 62 ) Voir De Vauplane, H., « Le rôle du juge pendant la crise : entre ombre et lumière », Revue des affaires européennesLaw & European Affairs, Larcier, Bruxelles, 2012, no 4, p. 773 à 778, en particulier p. 775, et Grund, S., « Restructuring Government Debt Under Local Law : the Greek Case and Implications for Investor Protection », op.cit., en particulier p. 255.

( 63 ) Arrêt Mamatas (§ 93). La Cour européenne des droits de l’homme a jugé que « la participation forcée des requérants à ce processus s’analyse en une ingérence dans leur droit au respect de leurs biens[, au sens de l’article 1er, première phrase, du protocole no 1 à la CEDH] ».

( 64 ) Relevé dans l’arrêt Fahnenbrock e.a. en ces termes : « ces modifications auraient dû faire suite à une décision d’une majorité des titulaires des obligations sur la base de la clause d’échange intégrée par cette loi dans les contrats d’émission ce qui, par ailleurs, confirme l’intention de l’Hellenische Republik de maintenir la gestion des emprunts dans un cadre réglementaire de nature civile » (point 57).

( 65 ) Déclaration des chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro, du 26 octobre 2011 (point 12, à rapprocher du point 15), disponible à l’adresse Internet suivante : http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_Data/docs/pressdata/fr/ec/125663.pdf. Il s’agit d’un élément essentiel du deuxième plan de soutien à la Grèce, voir arrêts du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE (T‑79/13, EU:T:2015:756, point 19), ainsi que Mamatas (§ 10 et 11).

( 66 ) Voir arrêt Mamatas (§ 12).

( 67 ) Déclaration des chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro du 26 octobre 2011 (point 15).

( 68 ) Voir arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE (T‑79/13, EU:T:2015:756, point 5). Dans l’arrêt Mamatas, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que « [l]’ingérence incriminée poursuivait [...] un but d’utilité publique » (§ 105).

( 69 ) Voir Bismuth, R., op. cit., en particulier note en bas de page 126 (p. 510), citant certains auteurs ayant qualifié cette loi de « loi de nettoyage » (« mopping up law »), ainsi que Grund, S., « The legal consequences of sovereign insolvency – a review of creditor litigation in Germany following the Greek debt restructuring », op. cit., en particulier p. 420, résumant l’opinion de A. Witte (note en bas de page 153) : « He put forward that the Greek haircut – in contrast to other (domestic) mechanisms for debt restructuring – was imposed retroactively, tailor-made for one particular case and which lacked the sufficient safeguards for creditors », ainsi que Grund, S., « Restructuring Government Debt Under Local Law : the Greek Case and Implications for Investor Protection », op. cit., en particulier p. 254 : « To implement a haircut, the Greek government modified the bulk of its local law debt by resorting to an unconventional, yet pratical and politically expedient technique »; et p. 256.

( 70 ) Voir, sur ce point, constatations de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt Mamatas (§ 115 in fine) et explications de Bismuth, R., op. cit., en particulier p. 510.

( 71 ) Sur les raisons pour lesquelles la pratique était différente sur les marchés internationaux de capitaux, voir Bismuth, R., op. cit., en particulier p. 509, et, sur la contribution des CAC à la régulation des crises de solvabilité, p. 506. Voir, également, Carreau, D., op. cit., points 101 et suiv.

( 72 ) Bismuth, R., op. cit., en particulier p. 510.

( 73 ) Voir Bismuth, R., op. cit., en particulier p. 511 et 512, ainsi que Grund, S., « The legal consequences of sovereign insolvency – a review of creditor litigation in Germany following the Greek debt restructuring », op. cit., en particulier p. 422.

( 74 ) Grund, S., « The legal consequences of sovereign insolvency – a review of creditor litigation in Germany following the Greek debt restructuring », op. cit., en particulier p. 422 ainsi que notes en bas de page 173 et 175.

( 75 ) EUCO 10/11.

( 76 ) Aux termes du point 96 de l’arrêt du 27 novembre 2012, Pringle (C‑370/12, EU:C:2012:756), ce mécanisme « vise à satisfaire les besoins de financement des membres [dudit mécanisme], à savoir les États membres dont la monnaie est l’euro, qui connaissent ou risquent de connaître de graves problèmes de financement, si cela est indispensable pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble et de ses États membres ».

( 77 ) Voir Bismuth, R., op. cit., en particulier p. 512.

( 78 ) Selon l’expression de Bismuth, R., op. cit., en particulier p. 508.

( 79 ) À rapprocher de l’arrêt no 11260/05 de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie), chambres civiles réunies, du 27 mai 2005, cité par O’Keefe, R., Tams, C. J., et Tzanakopoulos, A., The United Nations Convention on Jurisdictional Immunities of States and Their Property : A Commentary, Oxford University Press, Oxford, 2013, note en bas de page 87 (p. 65), ainsi que par Grund, S., « The legal consequences of sovereign insolvency – a review of creditor litigation in Germany following the Greek debt restructuring », op. cit., en particulier notes en bas de page 142 (p. 418) et 149 (p. 419).

( 80 ) Selon l’expression de Grund S., « The legal consequences of sovereign insolvency – a review of creditor litigation in Germany following the Greek debt restructuring », op.cit., en particulier p. 411 et 418.

( 81 ) Arrêt du 1er octobre 2002, Henkel (C‑167/00, EU:C:2002:555, point 30).

( 82 ) Voir arrêt du 9 mars 2017, Pula Parking (C‑551/15, EU:C:2017:193, point 31).

( 83 ) Voir arrêt du 15 juin 2017, Kareda (C‑249/16, EU:C:2017:472, point 8), qui peut être complété par l’observation selon laquelle la différence de formulation dans la version en langue française est, selon nous, sans incidence sur le constat de l’équivalence des dispositions. En effet, alors que l’article 5, point 1, du règlement no 44/2001 donnait compétence au « tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée », il est prévu à l’article 7, point 1, sous a), du règlement no 1215/2012 que le demandeur peut agir « devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande ». Il ne doit, dès lors, en être tiré aucune conséquence sur le fond.

( 84 ) Voir arrêt du 14 juillet 2016, Granarolo (C‑196/15, EU:C:2016:559, point 18).

( 85 ) Termes tirés du rapport de M. P. Jenard sur la convention [de Bruxelles] (JO 1979, C 59, p. 1, p. 22), cité par l’arrêt du 19 février 2002, Besix (C‑256/00, EU:C:2002:99, point 30).

( 86 ) Voir arrêt du 19 février 2002, Besix (C‑256/00, EU:C:2002:99, point 31 et jurisprudence citée).

( 87 ) Voir, sur ce point, Ancel, M.-E., Deumier, P., Laazouzi, M., Droit des contrats internationaux, Sirey, Paris, 2016, p. 105.

( 88 ) Voir arrêt du 15 juin 2017, Kareda (C‑249/16, EU:C:2017:472, points 27 à 29 et jurisprudence citée).

( 89 ) Voir, notamment, arrêt du 22 mars 1983, Peters Bauunternehmung (34/82, EU:C:1983:87, point 9). Voir, également en ce sens, arrêt Kolassa (point 37 ainsi que jurisprudence citée), à rapprocher de l’arrêt du 15 juin 2017, Kareda (C‑249/16, EU:C:2017:472, point 28).

( 90 ) Voir, notamment, arrêt Kolassa (point 39 et jurisprudence citée).

( 91 ) Voir arrêt Kolassa (point 40), à rapprocher des conclusions de l’avocat général Szpunar dans cette affaire (KolassaC‑375/13, EU:C:2014:2135, note en bas de page 10).

( 92 ) Arrêt du 13 mars 2014, Brogsitter (C‑548/12, EU:C:2014:148, points 24 et 25).

( 93 ) Voir arrêts du 27 septembre 1988, Kalfelis (189/87, EU:C:1988:459, point 18), du 17 octobre 2013, OTP Bank (C‑519/12, non publié, EU:C:2013:674, point 26), et Kolassa (point 44).

( 94 ) Voir point 41 de l’arrêt Kolassa.

( 95 ) Voir point 40 de l’arrêt Kolassa.

( 96 ) Voir explications détaillées relatives au régime juridique particulier de ce produit, fondées sur les constatations de la Cour, de Cotiga, A., « I.A. Régulation européenne. C.J.U.E., 28 janvier 2015, Harald Kolassa c. Barclays Bank PLC, Aff. C-375/13 », Revue internationale des services financiers, Larcier, Bruxelles, 2015, no 2, p. 40 à 49, en particulier p. 41, qui précisent qu’il s’agit « d’un dérivé de crédit titrisé », soit « d’une forme de produit dérivé portant sur un événement de crédit incorporé dans un titre négociable ».

( 97 ) Voir point 26 de l’arrêt Kolassa.

( 98 ) Voir point 15 de l’arrêt Kolassa.

( 99 ) Nous proposons ainsi à la Cour de s’écarter de la solution récemment retenue par l’arrêt du 20 avril 2016, Profit Investment SIM (C‑366/13, EU:C:2016:282, point 56), dans les circonstances particulières de cette affaire, en raison du principe rappelé au point 83 des présentes conclusions (ainsi que la jurisprudence citée) et de la distinction envisageable entre, d’une part, la qualification déterminant la compétence et, d’autre part, la qualité à agir fondée sur le droit national.

( 100 ) Cotiga, A., op. cit., en particulier p. 42, deuxième paragraphe et note en bas de page 9, qui fait référence au rapport explicatif de la convention de La Haye, du 5 juillet 2006, sur la loi applicable à certains droits sur des titres détenus auprès d’un intermédiaire.

( 101 ) Cotiga, A., op. cit., en particulier note en bas de page 27 (p. 44), ainsi que Fyon, M., « Regards croisés sur l’arrêt Kolassa et sur diverses questions liées aux actions en responsabilité à l’encontre des émetteurs d’instruments financiers », Revue pratique des sociétés – Tijdschrift voor Rechtspersoon en Vennootschap, De Gruyter, Berlin, 2016, no 4, p. 405 à 429, en particulier point 15, qui relève que « M. Lehman souligne cependant à juste titre que cette conclusion [sur l’inexistence de liens contractuels] est autant liée à la qualification juridique [de ces] liens [...] qu’à la nature des griefs (souvent de nature délictuelle) invoqués par [le particulier] ».

( 102 ) Voir, sur la diversification des modes de détention des titres, Cotiga, A., op. cit., en particulier p. 42.

( 103 ) Nous nous référerons à l’opinion de Fyon, M., op. cit., en particulier point 34, que nous partageons. Voir, dans le même sens, Azi, A., « La solidarité financière dans la zone euro », Droit administratif, LexisNexis, Paris, no 8-9, 2012, p. 9 à 18, en particulier points 5 et 6.

( 104 ) Voir arrêt du 17 juin 1992, Handte (C‑26/91, EU:C:1992:268).

( 105 ) Voir en ce sens De Vauplane, H., op. cit., en particulier p. 775.

( 106 ) Haftel, B., « Circulation internationale des titres financiers, action en responsabilité et compétence juridictionnelle : questions de qualification », Revue des contrats, Lextenso Éditions, Issy-les-Moulineaux, 2015, no 3, p. 547 à 551, en particulier p. 548, ainsi que, dans le même sens, Fyon, M., op. cit., en particulier point 36.

( 107 ) T‑79/13, EU:T:2015:756. À noter que cet arrêt est également cité dans l’arrêt Mamatas (§ 54).

( 108 ) Il peut également être noté que les articles 6 et 8 de la loi 2198/1994 nous paraissent corroborer cette analyse générale.

( 109 ) Ce qui permet de distinguer l’affaire au principal de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 juin 1992, Handte (C‑26/91, EU:C:1992:268).

( 110 ) Ce qui permet de distinguer l’affaire au principal de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Kolassa.

( 111 ) Voir, notamment, arrêt du 6 octobre 1976, Industrie Tessili Italiana Como (12/76, EU:C:1976:133).

( 112 ) Voir, par analogie, s’agissant de litiges portant sur des créances relevant de la matière « délictuelle ou quasi délictuelle », arrêt du 21 mai 2015, CDC Hydrogen Peroxide (C‑352/13, EU:C:2015:335, point 35 et jurisprudence citée).

( 113 ) Voir, notamment, arrêt du 31 janvier 2018, Hofsoe (C‑106/17, EU:C:2018:50, point 45).

( 114 ) Voir, par analogie, arrêt du 18 juillet 2013, ÖFAB (C‑147/12, EU:C:2013:490, point 41).

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