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Document 62016CJ0340

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 20 juillet 2017.
Landeskrankenanstalten-Betriebsgesellschaft - KABEG contre Mutuelles du Mans assurances - MMA IARD SA.
Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Oberster Gerichtshof.
Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (CE) no 44/2001 – Article 9, paragraphe 1 – Article 11, paragraphe 2 – Compétence judiciaire en matière d’assurances – Action directe de la victime contre l’assureur – Action de l’employeur de la victime, un établissement de droit public, cessionnaire légal des droits de son employé contre l’assureur du véhicule impliqué – Subrogation.
Affaire C-340/16.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:576

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

20 juillet 2017 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (CE) no 44/2001 – Article 9, paragraphe 1 – Article 11, paragraphe 2 – Compétence judiciaire en matière d’assurances – Action directe de la victime contre l’assureur – Action de l’employeur de la victime, un établissement de droit public, cessionnaire légal des droits de son employé contre l’assureur du véhicule impliqué – Subrogation »

Dans l’affaire C‑340/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), par décision du 25 mai 2016, parvenue à la Cour le 16 juin 2016, dans la procédure

Landeskrankenanstalten-Betriebsgesellschaft - KABEG

contre

Mutuelles du Mans assurances - MMA IARD SA,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, MM. M. Vilaras, J. Malenovský, M. Safjan (rapporteur) et D. Šváby, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour la Landeskrankenanstalten-Betriebsgesellschaft - KABEG, par Me H.H. Toriser, Rechtsanwalt,

pour les Mutuelles du Mans assurances – MMA IARD SA, par Me M. Angerer, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée par M. F. Di Matteo, avvocato dello Stato,

pour la Commission européenne, par Mme M. Heller et M. M. Wilderspin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 mai 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1), lu en combinaison avec l’article 11, paragraphe 2, de ce règlement.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Landeskrankenanstalten-Betriebsgesellschaft – KABEG (ci-après « KABEG »), un établissement de droit public ayant son siège à Klagenfurt am Wörthersee (Autriche) et exploitant des établissements de soins, aux Mutuelles du Mans assurances – MMA IARD SA (ci-après « MMA IARD »), une société d’assurances établie en France, au sujet de la demande d’indemnisation, formée par KABEG, au titre du maintien de la rémunération d’un de ses employés au cours d’une période d’incapacité de travail temporaire consécutive à un accident de la circulation, survenu en Italie, dans lequel étaient impliqués cet employé et un véhicule automoteur couvert par une assurance de la responsabilité civile contractée auprès de MMA IARD.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 44/2001

3

Les considérants 11 à 13 du règlement no 44/2001 étaient ainsi libellés :

« (11)

Les règles de compétence doivent présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur et cette compétence doit toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. S’agissant des personnes morales, le domicile doit être défini de façon autonome de manière à accroître la transparence des règles communes et à éviter les conflits de juridictions.

(12)

Le for du domicile du défendeur doit être complété par d’autres fors autorisés en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter une bonne administration de la justice.

(13)

S’agissant des contrats d’assurance, de consommation et de travail, il est opportun de protéger la partie la plus faible au moyen de règles de compétence plus favorables à ses intérêts que ne le sont les règles générales. »

4

Les règles de compétence édictées par le règlement no 44/2001 figuraient au chapitre 2 de celui-ci, constitué des articles 2 à 31.

5

L’article 2, paragraphe 1, de ce règlement, qui faisait partie de la section 1 dudit chapitre 2, intitulée « Dispositions générales », était libellé comme suit :

« Sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. »

6

L’article 3, paragraphe 1, dudit règlement, qui figurait également à ladite section 1, prévoyait :

« Les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre ne peuvent être attraites devant les tribunaux d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du présent chapitre. »

7

La section 3 du chapitre 2 du même règlement était intitulée « Compétences en matière d’assurances ». Elle comprenait les articles 8 à 14 du règlement no 44/2001.

8

Aux termes de l’article 8 de ce règlement :

« En matière d’assurances, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice des dispositions de l’article 4 et de l’article 5, point 5. »

9

L’article 9, paragraphe 1, dudit règlement disposait :

« L’assureur domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait :

a)

devant les tribunaux de l’État membre où il a son domicile, ou

b)

dans un autre État membre, en cas d’actions intentées par le preneur d’assurance, l’assuré ou un bénéficiaire, devant le tribunal du lieu où le demandeur a son domicile [...]

[...] »

10

L’article 10 du même règlement était libellé comme suit :

« L’assureur peut, en outre, être attrait devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit s’il s’agit d’assurance de responsabilité ou d’assurance portant sur des immeubles. Il en est de même si l’assurance porte à la fois sur des immeubles et des meubles couverts par une même police et atteints par le même sinistre. »

11

Aux termes de l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 44/2001 :

« Les dispositions des articles 8, 9 et 10 sont applicables en cas d’action directe intentée par la victime contre l’assureur, lorsque l’action directe est possible. »

12

Le règlement no 44/2001 a été abrogé par l’article 80 du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1). Néanmoins, en vertu de l’article 81, second alinéa, de ce dernier règlement, celui-ci n’est applicable que depuis le 10 janvier 2015.

La directive 2009/103/CE

13

Sous l’intitulé « Obligation d’assurance des véhicules », l’article 3 de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité (JO 2009, L 263, p. 11), dispose :

« Chaque État membre prend toutes les mesures appropriées, sous réserve de l’application de l’article 5, pour que la responsabilité civile relative à la circulation des véhicules ayant leur stationnement habituel sur son territoire soit couverte par une assurance.

Les dommages couverts ainsi que les modalités de cette assurance sont déterminés dans le cadre des mesures visées au premier alinéa.

Chaque État membre prend toutes les mesures appropriées pour que le contrat d’assurance couvre également :

a)

les dommages causés sur le territoire des autres États membres selon les législations en vigueur dans ces États ;

b)

les dommages dont peuvent être victimes les ressortissants des États membres pendant le trajet reliant directement deux territoires où le traité est applicable, lorsqu’il n’existe pas de bureau national d’assurance pour le territoire parcouru ; dans ce cas, les dommages sont couverts selon la législation nationale sur l’obligation d’assurance en vigueur dans l’État membre sur le territoire duquel le véhicule a son stationnement habituel.

L’assurance visée au premier alinéa couvre obligatoirement les dommages matériels et les dommages corporels. »

14

Aux termes de l’article 18 de cette directive, intitulé « Droit d’action directe » :

« Les États membres veillent à ce que les personnes lésées à la suite d’un accident causé par un véhicule couvert par l’assurance visée à l’article 3 disposent d’un droit d’action directe à l’encontre de l’entreprise d’assurances couvrant la responsabilité civile de la personne responsable. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

15

Un accident de la circulation survenu en Italie, le 26 mars 2011, a impliqué, en tant que cycliste, un employé de KABEG domicilié en Autriche et un véhicule automoteur couvert par une assurance de la responsabilité civile auprès de MMA IARD. Cet employé a souffert de diverses blessures consécutives à cet accident.

16

KABEG a saisi le Landesgericht Klagenfurt (tribunal régional de Klagenfurt, Autriche) pour demander que MMA IARD soit condamnée à la réparation d’un préjudice s’élevant à 15505,64 euros à majorer des intérêts et des dépens. KABEG a exposé avoir maintenu la rémunération de son employé, victime de l’accident de la route, pendant la durée du congé de maladie consécutif à celui-ci. À ce titre, elle serait subrogée dans les droits pécuniaires de cet employé à hauteur de cette somme.

17

KABEG considère que la compétence internationale du Landesgericht Klagenfurt (tribunal régional de Klagenfurt) est fondée sur l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement no 44/2001, lu en combinaison avec l’article 11, paragraphe 2, de ce règlement. En outre, elle fait valoir que l’action introduite parallèlement par son employé est pendante devant ce même tribunal, qui aurait déjà retenu sa compétence.

18

MMA IARD a soulevé une exception d’incompétence en faisant valoir que la section 3 du chapitre 2 dudit règlement établit un système propre de résolution des conflits de compétence en matière d’assurances. Selon le considérant 13 du même règlement, les règles spéciales de compétence prévues par cette section viseraient à protéger la partie la plus faible. KABEG, en qualité d’employeur, ne saurait se prévaloir d’une telle protection.

19

Le Landesgericht Klagenfurt (tribunal régional de Klagenfurt) a rejeté cette exception au motif que KABEG, qui n’est que subrogée dans les droits de son employé, peut se prévaloir de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement no 44/2001, lu en combinaison avec l’article 11, paragraphe 2, de ce règlement dès lors qu’une telle personne morale serait, indépendamment de sa taille, la partie la plus faible dans un litige l’opposant à une entreprise d’assurances.

20

MMA IARD a interjeté appel de cette décision devant l’Oberlandesgericht Graz (tribunal régional supérieur de Graz, Autriche) qui, en accueillant la fin de non-recevoir, a réformé cette décision et rejeté le recours. Cette juridiction a notamment relevé que le renvoi de l’article 11, paragraphe 2, dudit règlement à l’article 9, paragraphe 1, sous b), du même règlement confère à la victime, personne physique ou personne morale, le droit d’attraire l’assureur devant la juridiction compétente de l’État membre où celle-ci a son domicile ou est établie. Par ailleurs, relèveraient de la notion de « victime » tant les victimes immédiates que les victimes par ricochet.

21

Néanmoins, selon ladite juridiction, toute victime ne bénéficie pas d’un tel droit. À cet égard, afin de déterminer si une victime a qualité pour s’en prévaloir, il conviendrait de déterminer si celle-ci est « économiquement plus faible et juridiquement moins expérimentée » qu’un assureur de responsabilité civile. Tel ne serait pas le cas d’un établissement de droit public gérant cinq hôpitaux, tel que KABEG.

22

KABEG a saisi l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) d’un recours en Revision, en se prévalant du bénéfice de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement no 44/2001, lu en combinaison avec l’article 11, paragraphe 2, de ce règlement.

23

D’une part, se pose, selon cette juridiction, la question de savoir si, dans le cas où il serait considéré qu’un demandeur n’a pas besoin de protection, son action peut être qualifiée d’action « en matière d’assurances », au sens de l’article 8 dudit règlement.

24

D’autre part, la juridiction de renvoi s’interroge sur les critères permettant d’établir la situation d’infériorité du cessionnaire légal des droits d’une victime par rapport à un assureur de responsabilité civile professionnel.

25

Dans ces conditions, l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’action d’un employeur national ayant pour objet la réparation du préjudice qu’il subit par ricochet en raison du maintien du paiement de la rémunération de son employé résidant sur le territoire national constitue-t-elle une action “en matière d’assurances” au sens de l’article 8 du règlement no 44/2001, lorsque :

a)

l’employé a été blessé lors d’un accident de la circulation qui a eu lieu dans un État membre (l’Italie),

b)

l’action est dirigée contre l’assureur de la responsabilité civile, établi dans un autre État membre (la France), du véhicule de l’auteur du dommage et

c)

l’employeur est un établissement de droit public ayant une personnalité morale propre ?

2)

Si la première question appelle une réponse affirmative :

L’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement no 44/2001, lu en combinaison avec l’article 11, paragraphe 2, dudit règlement, doit–il être interprété en ce sens que l’employeur maintenant le paiement de la rémunération, peut, en qualité de “victime”, attraire l’assureur de la responsabilité civile du véhicule de l’auteur du dommage devant la juridiction du lieu dans lequel l’employeur est établi, lorsque l’action directe est possible ? »

Sur les questions préjudicielles

26

Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement no 44/2001, lu en combinaison avec l’article 11, paragraphe 2, de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’un employeur, établi dans un premier État membre, qui a maintenu la rémunération de son employé absent à la suite d’un accident de la circulation et qui est subrogé dans les droits de celui-ci à l’égard de la société assurant la responsabilité civile résultant du véhicule impliqué dans cet accident, qui est établie dans un second État membre, peut, en qualité de « victime », au sens de cette dernière disposition, attraire cette société d’assurances devant les tribunaux du premier État membre, lorsqu’une action directe est possible.

27

À cet égard, il convient de rappeler que la section 3 du chapitre 2 dudit règlement établit un système autonome de répartition des compétences juridictionnelles en matière d’assurances (arrêt du 12 mai 2005, Société financière et industrielle du Peloux, C‑112/03, EU:C:2005:280, point 29).

28

À l’instar des matières relatives aux travailleurs et aux consommateurs, et ainsi qu’il ressort du considérant 13 du règlement no 44/2001, l’action en matière d’assurances est caractérisée par un certain déséquilibre entre les parties (voir, en ce sens, arrêt du 26 mai 2005, GIE Réunion européenne e.a., C‑77/04, EU:C:2005:327, point 22) que les dispositions de ladite section visent à corriger en faisant bénéficier la partie plus faible de règles de compétence plus favorables à ses intérêts que ne le sont les règles générales (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2009, Vorarlberger Gebietskrankenkasse, C‑347/08, EU:C:2009:561, point 40).

29

Les interrogations de la juridiction de renvoi quant à la qualification d’un employeur, cessionnaire légal des droits d’une victime, de « partie plus faible » sont nées de la constatation, opérée par la Cour, qu’un organisme de sécurité sociale, cessionnaire légal des droits de la personne directement lésée dans un accident de voiture, ne peut être ainsi qualifié, alors qu’un ayant droit de la personne directement lésée tel qu’un héritier peut l’être (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2009, Vorarlberger Gebietskrankenkasse, C‑347/08, EU:C:2009:561, points 42 et 44).

30

À cet égard, la juridiction de renvoi expose que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la possibilité pour un employeur, subrogé dans les droits de son employé, d’attraire l’assureur de la responsabilité civile de l’auteur du dommage devant les tribunaux de l’État membre dans lequel l’employeur est établi garantirait la concordance des règles de compétence et, partant, leur prévisibilité ainsi qu’une bonne administration de la justice.

31

Dès lors, il convient, en l’occurrence, d’examiner la question de savoir si un employeur subrogé dans les droits de la personne directement lésée relève de la notion de « victime » au sens de l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 44/2001.

32

Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 47 de ses conclusions, dans le cadre du règlement no 44/2001, la notion de « partie plus faible » a une acception plus large en matière d’assurances qu’en matière de contrats conclus par les consommateurs ou en matière de contrats individuels de travail.

33

Il importe également de rappeler que la Cour a jugé que le renvoi opéré à l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 44/2001 a pour objet d’ajouter à la liste des demandeurs, contenue dans l’article 9, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, les personnes ayant subi un dommage, sans que le cercle de ces personnes eût été restreint à celles l’ayant subi directement (arrêts du 13 décembre 2007, FBTO Schadeverzekeringen, C‑463/06, EU:C:2007:792, point 26, et du 17 septembre 2009, Vorarlberger Gebietskrankenkasse, C‑347/08, EU:C:2009:561, point 27).

34

En outre, ainsi que la juridiction de renvoi l’a relevé dans sa décision de renvoi, une appréciation au cas par cas de la question de savoir si l’employeur maintenant le paiement de la rémunération peut être considéré comme une « partie plus faible » afin de pouvoir relever de la notion de « victime », au sens de l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 44/2001, ferait naître un risque d’insécurité juridique et irait à l’encontre de l’objectif dudit règlement, énoncé au considérant 11 de celui-ci, selon lequel les règles de compétence doivent présenter un haut degré de prévisibilité.

35

Par suite, il y a lieu de considérer que, en vertu de l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 44/2001, les employeurs subrogés dans les droits à réparation de leurs employés peuvent, en tant que personnes ayant subi un dommage et quelles que soient leur taille et leur forme juridique, se prévaloir des règles de compétence spéciales prévues aux articles 8 à 10 de ce règlement.

36

Ainsi, l’employeur, subrogé dans les droits de son employé pour s’être acquitté de la rémunération de ce dernier pendant la durée d’une période d’incapacité de travail, qui, en cette seule qualité, introduit une action au titre du préjudice subi par celui-ci peut être considéré comme plus faible que l’assureur qu’il attrait et, partant, comme devant bénéficier de la possibilité d’introduire cette action devant les tribunaux de l’État membre où il est établi.

37

Il s’ensuit qu’un employeur subrogé dans les droits du salarié victime d’un accident de la circulation, dont il a maintenu la rémunération peut, en qualité de « victime », attraire l’assureur du véhicule impliqué dans cet accident devant les tribunaux de l’État membre où il est établi, lorsqu’une action directe est possible.

38

À ce dernier égard, il convient de relever que, en vertu de l’article 18 de la directive 2009/103, il appartient aux États membres de veiller à ce que les personnes lésées à la suite d’un accident causé par un véhicule couvert par l’assurance de responsabilité civile disposent d’un droit d’action directe à l’encontre de l’entreprise d’assurances couvrant la responsabilité civile de la personne responsable.

39

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement no 44/2001, lu en combinaison avec l’article 11, paragraphe 2, de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’un employeur, établi dans un premier État membre, qui a maintenu la rémunération de son employé absent à la suite d’un accident de la circulation et qui est subrogé dans les droits de celui-ci à l’égard de la société assurant la responsabilité civile résultant du véhicule impliqué dans cet accident, qui est établie dans un second État membre, peut, en qualité de « victime », au sens de cette dernière disposition, attraire cette société d’assurances devant les tribunaux du premier État membre, lorsqu’une action directe est possible.

Sur les dépens

40

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

 

L’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, lu en combinaison avec l’article 11, paragraphe 2, de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’un employeur, établi dans un premier État membre, qui a maintenu la rémunération de son employé absent à la suite d’un accident de la circulation et qui est subrogé dans les droits de celui-ci à l’égard de la société assurant la responsabilité civile résultant du véhicule impliqué dans cet accident, qui est établie dans un second État membre, peut, en qualité de « victime », au sens de cette dernière disposition, attraire cette société d’assurances devant les tribunaux du premier État membre, lorsqu’une action directe est possible.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

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