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Document 62016CJ0193

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 13 juillet 2017.
E contre Subdelegación del Gobierno en Álava.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunal Superior de Justicia del País Vasco.
Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres – Directive 2004/38/CE – Article 27, paragraphe 2, second alinéa – Limitation du droit d’entrée et du droit de séjour pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique – Éloignement du territoire pour des raisons d’ordre public ou de sécurité publique – Comportement représentant une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société – Menace réelle et actuelle – Notion – Citoyen de l’Union résidant dans l’État membre d’accueil où il purge une peine d’emprisonnement prononcée en répression d’infractions répétées d’abus sexuels sur mineurs.
Affaire C-193/16.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:542

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

13 juillet 2017 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres – Directive 2004/38/CE – Article 27, paragraphe 2, second alinéa – Limitation du droit d’entrée et du droit de séjour pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique – Éloignement du territoire pour des raisons d’ordre public ou de sécurité publique – Comportement représentant une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société – Menace réelle et actuelle – Notion – Citoyen de l’Union résidant dans l’État membre d’accueil où il purge une peine d’emprisonnement prononcée en répression d’infractions répétées d’abus sexuels sur mineurs »

Dans l’affaire C‑193/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Superior de Justicia del País Vasco (Cour supérieure de justice du Pays basque, Espagne), par décision du 8 mars 2016, parvenue à la Cour le 7 avril 2016, dans la procédure

E

contre

Subdelegación del Gobierno en Álava,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, MM. M. Vilaras (rapporteur), J. Malenovský, M. Safjan et D. Šváby, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement espagnol, par Mme V. Ester Casas, en qualité d’agent,

pour le gouvernement belge, par Mmes C. Pochet et L. Van den Broeck, en qualité d’agents,

pour le gouvernement allemand, par Mme K. Stranz et M. T. Henze, en qualité d’agents,

pour le gouvernement estonien, par Mme K. Kraavi-Käerdi, en qualité d’agent,

pour le gouvernement autrichien, par M. G. Eberhard, en qualité d’agent,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Brandon et Mme C. Crane, en qualité d’agents, assistés de M. B. Lask, barrister.

pour la Commission européenne, par Mmes E. Montaguti et I. Martínez del Peral, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 27, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatif JO 2004, L 229, p. 35).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant E à la Subdelegación del Gobierno en Álava (sous-délégation du gouvernement en Álava, Espagne), au sujet de la décision de cette dernière ordonnant l’éloignement d’E du territoire du Royaume d’Espagne, avec interdiction de retour pendant dix ans, pour des raisons de sécurité publique.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 27, paragraphes 1 et 2, de la directive 2004/38 dispose :

«1.   Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques.

2.   Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures.

Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues. »

4

L’article 28, paragraphe 3, de ladite directive est ainsi libellé :

« Une décision d’éloignement ne peut être prise à l’encontre des citoyens de l’Union, quelle que soit leur nationalité, à moins que la décision ne se fonde sur des raisons impérieuses de sécurité publique définies par les États membres, si ceux-ci:

a)

ont séjourné dans l’État membre d’accueil pendant les dix années précédentes, ou

b)

sont mineurs, sauf si l’éloignement est nécessaire dans l’intérêt de l’enfant, comme prévu dans la convention des Nations unies sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989.»

5

L’article 33 de la même directive prévoit :

« 1.   L’État membre d’accueil ne peut ordonner une mesure d’éloignement du territoire à titre de peine ou de mesure accessoire à une peine de détention que dans le respect des exigences résultant des articles 27 [...]

2.   Lorsqu’une décision d’éloignement, telle que visée au paragraphe 1, est exécutée plus de deux ans après qu’elle a été prise, l’État membre vérifie l’actualité et la réalité de la menace pour l’ordre public ou la sécurité publique que représente la personne concernée, et évalue si un changement matériel des circonstances est intervenu depuis le moment où la décision d’éloignement avait été prise. »

Le droit espagnol

6

L’article 10 du real decreto 240/2007, sobre entrada, libre circulación y residencia en España de ciudadanos de los Estados miembros de la Unión europea y de otros Estados parte en el Acuerdo sobre el Espacio Económico Europeo (décret royal no 240/2007, sur l’entrée, la liberté de circulation et le séjour en Espagne des citoyens des États membres de l’Union européenne et des autres États parties à l’accord sur l’Espace économique européen), du 16 février 2007 (BOE no 51, du 28 février 2007, p. 8558, ci‑après le « décret royal no 240/2007 »), dispose, à son paragraphe 1 :

« Les citoyens d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ainsi que les membres de leurs familles qui ne sont pas ressortissants de l’un de ces États ayant séjourné légalement en Espagne pendant une période ininterrompue de cinq ans bénéficient d’un droit de séjour permanent. Ce droit n’est pas soumis aux conditions prévues au chapitre III du présent décret royal.

[...] »

7

L’article 15 du décret royal no 240/2007 énonce :

« 1.   Lorsque des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique l’imposent, l’une des mesures suivantes peut être adoptée relativement aux citoyens d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou aux membres de leurs familles:

[...]

c)

ordonner l’éloignement ou le refoulement du territoire espagnol.

Une décision d’éloignement ne peut être prise à l’encontre de citoyens d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de membres de leurs familles, quelle que soit leur nationalité, ayant acquis un droit de séjour permanent en Espagne que pour des raisons impérieuses d’ordre public ou de sécurité publique. De même, avant de prendre une telle décision, il convient de tenir compte de la durée du séjour et de l’intégration sociale et culturelle de l’intéressé en Espagne, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique et de l’intensité de ses liens avec son pays d’origine.

[...]

4.   Lorsqu’une décision d’éloignement est exécutée plus de deux ans après qu’elle a été prise, les autorités compétentes vérifient et apprécient d’éventuels changements de circonstances qui auraient pu intervenir depuis le moment où la décision d’éloignement a été adoptée ainsi que la réalité de la menace que la personne concernée représente pour l’ordre public ou la sécurité publique.

5.   L’adoption de l’une des mesures prévues aux paragraphes 1 à 4 se fait selon les critères suivants:

a)

elle doit être adoptée conformément à la législation relative à l’ordre public et à la sécurité publique et aux dispositions réglementaires applicables en la matière;

b)

elle peut être révoquée d’office ou à la demande d’une partie en cas de disparition des raisons ayant conduit à son adoption;

c)

elle ne peut être adoptée à des fins économiques;

d)

lorsque de telles mesures sont adoptées pour des raisons d’ordre public ou de sécurité publique, elles doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de celui qui en fait l’objet, qui, en tout état de cause, doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société, menace devant être appréciée par l’organe compétent pour se prononcer au regard des rapports des autorités policières, répressives et judiciaires intervenant dans le dossier. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures.

[...] »

Le litige au principal et la question préjudicielle

8

E est ressortissant italien. Le 14 avril 2003, il a été enregistré en tant que citoyen de l’Union résidant en Espagne.

9

Le 13 novembre 2013, la sous-délégation du gouvernement en Álava a adopté, sur la base de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du décret royal no 240/2007, une décision ordonnant, pour des raisons de sécurité publique, l’éloignement d’E du territoire du Royaume d’Espagne (ci‑après la « décision d’éloignement »), avec interdiction de retour pendant dix ans, au motif qu’E avait été condamné par trois jugements définitifs à douze années d’emprisonnement pour des infractions répétées d’abus sexuels sur mineurs, peine qu’il purgeait dans un établissement pénitentiaire.

10

E a formé un recours contre cette décision devant le Juzgado de lo Contencioso-Administrativo no 3 de Vitoria-Gasteiz (tribunal administratif au niveau provincial no 3 de Vitoria-Gasteiz, Espagne). Le 12 septembre 2014, cette juridiction a rejeté ce recours, considérant que la décision d’éloignement était dûment motivée, compte tenu, notamment, du rapport psychologique dressé par l’établissement pénitentiaire ainsi que de la situation familiale et économique de l’intéressé dans l’État membre d’accueil.

11

E a interjeté appel contre cette dernière décision devant la juridiction de renvoi. Il a, notamment, fait valoir qu’il était incarcéré depuis six ans en exécution des peines qui lui avaient été infligées pour des infractions d’abus sexuels sur mineurs. Selon lui, ces circonstances empêchent de considérer qu’il constituait, au moment de l’adoption de la décision d’éloignement, une menace réelle et actuelle pour un intérêt fondamental de la société.

12

La juridiction de renvoi considère que le comportement d’E est suffisamment grave pour être qualifié de « menace pour la sécurité publique ». Toutefois, elle doute qu’E constitue une menace réelle et actuelle dans la mesure où il est incarcéré et où il lui reste encore une longue période de condamnation à purger.

13

Aussi, la juridiction de renvoi s’interroge sur la conformité de la décision d’éloignement avec l’article 27, paragraphes 1 et 2, de la directive 2004/38.

14

Dans ces conditions, le Tribunal Superior de Justicia del País Vasco (Cour supérieure de justice du Pays basque, Espagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Conformément aux dispositions de l’article 27, paragraphes 1 et 2, de la directive 2004/38, E, qui a été condamné à douze années d’emprisonnement pour des infractions répétées d’abus sur mineurs, représente‑t‑il une menace réelle et actuelle pour la sécurité publique, eu égard au fait qu’il est incarcéré dans un établissement pénitentiaire et que, ayant purgé six années, il lui reste plusieurs années à accomplir pour exécuter sa peine avant d’obtenir sa libération ? »

Sur la question préjudicielle

15

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 27, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2004/38 doit être interprété en ce sens que la circonstance qu’une personne est incarcérée au moment de l’adoption de la décision d’éloignement sans perspective de libération dans un avenir proche exclut que son comportement représente, le cas échéant, pour un intérêt fondamental de la société de l’État membre d’accueil, une menace au caractère réel et actuel.

16

À titre liminaire, il importe de rappeler que le droit de séjour dans l’Union des citoyens de l’Union et des membres de leur famille n’est pas inconditionnel, mais peut être assorti des limitations et des conditions prévues par le traité ainsi que par les dispositions prises pour son application (voir, notamment, arrêts du 10 juillet 2008, Jipa, C‑33/07, EU:C:2008:396, point 21, et du 13 septembre 2016, Rendón Marín, C‑165/14, EU:C:2016:675, point 55).

17

À cet égard, les limitations au droit de séjour découlent, en particulier, de l’article 27, paragraphe 1, de la directive 2004/38, disposition qui permet aux États membres de restreindre le droit de séjour des citoyens de l’Union ou des membres de leurs familles, quelle que soit leur nationalité, pour des raisons, notamment, d’ordre public ou de sécurité publique (voir arrêts du 10 juillet 2008, Jipa, C‑33/07, EU:C:2008:396, point 22, et du 13 septembre 2016, Rendón Marín, C‑165/14, EU:C:2016:675, point 57).

18

Il est de jurisprudence constante que l’exception d’ordre public constitue une dérogation au droit de séjour des citoyens de l’Union ou des membres de leurs familles, devant être entendue strictement et dont la portée ne saurait être déterminée unilatéralement par les États membres (voir, en ce sens, arrêts du 4 décembre 1974, van Duyn, 41/74, EU:C:1974:133, point 18 ; du 27 octobre 1977, Bouchereau, 30/77, EU:C:1977:172, point 33 ; du 29 avril 2004, Orfanopoulos et Oliveri, C‑482/01 et C‑493/01, EU:C:2004:262, point 65, ainsi que du 13 septembre 2016, Rendón Marín, C‑165/14, EU:C:2016:675, point 58).

19

Ainsi qu’il ressort de l’article 27, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2004/38, pour être justifiées, les mesures de restriction du droit de séjour d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille, notamment celles d’ordre public, doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné (arrêt du 13 septembre 2016, Rendón Marín, C‑165/14, EU:C:2016:675, point 59).

20

À cet égard, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 83, paragraphe 1, TFUE, l’exploitation sexuelle des enfants fait partie des domaines de criminalité particulièrement grave revêtant une dimension transfrontalière dans lesquels l’intervention du législateur de l’Union est prévue. Dès lors, il est loisible aux États membres de considérer que des infractions pénales telles que celles figurant à l’article 83, paragraphe 1, deuxième alinéa, TFUE constituent une atteinte particulièrement grave à un intérêt fondamental de la société, dont le risque de réitération représente une menace directe pour la tranquillité et la sécurité physique de la population et, partant, est susceptible de relever de la notion de « raisons impérieuses de sécurité publique » pouvant justifier une mesure d’éloignement au titre de l’article 28, paragraphe 3, de la directive 2004/38, à condition que la façon selon laquelle de telles infractions ont été commises présente des caractéristiques particulièrement graves, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier sur le fondement d’un examen individuel du cas d’espèce dont elle est saisie (voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2012, I, C‑348/09, EU:C:2012:300, point 33).

21

Toutefois, l’éventuelle constatation par la juridiction de renvoi, selon les valeurs propres à l’ordre juridique de l’État membre dont elle relève, que des infractions telles que celles commises par E représentent une telle menace, ne doit pas nécessairement conduire à l’éloignement de l’intéressé (voir, par analogie, arrêt du 22 mai 2012, I, C‑348/09, EU:C:2012:300, point 29).

22

En effet, il résulte du libellé de l’article 27, paragraphe 2, de la directive 2004/38 que les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné.

23

Par ailleurs, l’article 27, paragraphe 2, second alinéa, de cette directive subordonne toute mesure d’éloignement à ce qu’un tel comportement représente une menace réelle et actuelle pour un intérêt fondamental de la société ou de l’État membre d’accueil, constatation qui implique, en général, chez l’individu concerné, l’existence d’une tendance à maintenir ce comportement à l’avenir (arrêt du 22 mai 2012, I, C‑348/09, EU:C:2012:300, point 30).

24

Or, la circonstance que la personne concernée est incarcérée au moment de l’adoption de la décision d’éloignement, sans perspective de libération avant plusieurs années, ne saurait être considérée comme se rapportant au comportement personnel de la personne concernée.

25

Il convient, en outre, de relever que l’article 33, paragraphe 1, de la directive 2004/38 prévoit la possibilité, pour l’État membre d’accueil, d’adopter, dans le respect, notamment, des exigences résultant de l’article 27 de cette directive, une mesure d’éloignement à titre de mesure accessoire à une peine de détention. Le législateur de l’Union a donc expressément prévu la possibilité pour les États membres d’adopter une mesure d’éloignement à l’égard d’une personne condamnée à une peine privative de liberté, s’il est établi que son comportement représente une menace réelle et actuelle pour un intérêt fondamental de la société de cet État membre.

26

Il convient, également, de relever que la Cour a déjà eu à connaître de questions préjudicielles relatives à l’interprétation de la directive 2004/38, posées dans des affaires portant sur une personne condamnée à une peine d’emprisonnement et nécessitant l’examen des conditions dans lesquelles le comportement d’une telle personne pouvait être considéré comme justifiant l’adoption d’une mesure d’éloignement à son égard (voir arrêts du 23 novembre 2010, Tsakouridis, C‑145/09, EU:C:2010:708, ainsi que du 22 mai 2012, I, C‑348/09, EU:C:2012:300).

27

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question que l’article 27, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2004/38, doit être interprété en ce sens que la circonstance qu’une personne est incarcérée au moment de l’adoption de la décision d’éloignement, sans perspective de libération dans un avenir proche, n’exclut pas que son comportement représente, le cas échéant, pour un intérêt fondamental de la société de l’État membre d’accueil, une menace au caractère réel et actuel.

Sur les dépens

28

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

 

L’article 27, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, doit être interprété en ce sens que la circonstance qu’une personne est incarcérée au moment de l’adoption de la décision d’éloignement, sans perspective de libération dans un avenir proche, n’exclut pas que son comportement représente, le cas échéant, pour un intérêt fondamental de la société de l’État membre d’accueil, une menace au caractère réel et actuel.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.

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