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Document 62015CO0052

Ordonnance de la Cour (sixième chambre) du 3 septembre 2015.
Arthur Lambauer contre Conseil de l'Union européenne.
Pourvoi - Statut de la Cour de justice de l’Union européenne - Article 19 - Recours en annulation manifestement irrecevable - Défaut de représentation du requérant - Moyens du pourvoi manifestement non fondés.
Affaire C-52/15 P.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2015:549

ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

3 septembre 2015 (*)

«Pourvoi –Statut de la Cour de justice de l’Union européenne – Article 19 – Recours en annulation manifestement irrecevable – Défaut de représentation du requérant – Moyens du pourvoi manifestement non fondés»

Dans l’affaire C‑52/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 3 février 2015,

Arthur Lambauer, demeurant à Dornbirn (Autriche),

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Conseil de l’Union européenne,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. S. Rodin, président de chambre, M. E. Levits (rapporteur) et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, M. Lambauer demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne Lambauer/Conseil (T‑490/14, EU:T:2014:1100, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a rejeté, comme manifestement irrecevable, son recours tendant à l’annulation de la décision du Conseil, du 6 mai 2014, refusant l’accès à deux projets de conclusions du Conseil sur l’Ukraine.

 Les antécédents du litige, la procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

2        M. Lambauer a demandé à avoir accès à deux projets de conclusions du Conseil sur l’Ukraine. Le Conseil ayant refusé cet accès, M. Lambauer a déposé au greffe du Tribunal, le 17 juin 2014, un recours tendant à l’annulation de la décision lui opposant ce refus.

3        M. Lambauer ayant lui-même introduit ce recours, le Tribunal a fait application de l’article 111 de son règlement de procédure du 2 mai 1991, lui permettant, sans poursuivre la procédure, de statuer par voie d’ordonnance motivée, lorsque le recours est manifestement irrecevable.

4        Ainsi, le Tribunal a rappelé, au point 7 de l’ordonnance attaquée, que, en vertu de l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, les parties autres que les États membres et les institutions de l’Union, l’Autorité de surveillance AELE ou les parties à l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 [(JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’«accord EEE») doivent être représentées par un avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie audit accord.

5        Rappelant la jurisprudence constante relative à l’emploi du terme «représentées» à l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice, le Tribunal a souligné, au point 8 de l’ordonnance attaquée, qu’«une ‘partie’, au sens de cet article, doit recourir aux services d’un tiers qui doit être habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un État partie à l’accord [EEE]».

6        Ayant constaté, au point 10 de l’ordonnance attaquée, que la requête de M. Lambauer avait été signée par l’intéressé lui-même, le Tribunal a rejeté le recours dont il était saisi comme étant manifestement irrecevable.

 Sur le pourvoi

7        En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’un pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, l’avocat général entendu, le rejeter totalement ou partiellement par voie d’ordonnance motivée, et ce sans ouvrir la procédure orale.

8        En l’espèce, la Cour s’estime suffisamment éclairée par les pièces du dossier et décide, en application dudit article, de statuer par ordonnance motivée, sans qu’il soit nécessaire de signifier le pourvoi à la partie défenderesse.

9        À l’appui de son pourvoi, le requérant soulève, en substance, deux moyens, tirés, respectivement, de la violation des articles 1er et 47, paragraphe 2, deuxième phrase, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte») ainsi que de l’article 6, paragraphe 3, sous c), de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), et de la violation de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal.

 Observations liminaires

10      Il ne saurait être omis que M. Lambauer a lui-même signé le présent pourvoi, sans se faire représenter par un avocat habilité à plaider devant une juridiction d’un État membre ou d’un État partie à l’accord EEE.

11      Par conséquent, il convient, en vertu de l’article 19 du statut de la Cour de justice, de considérer que le présent pourvoi est manifestement irrecevable.

12      Toutefois, c’est en application de cette disposition que le Tribunal a rejeté le recours en annulation présenté devant lui par le requérant.

13      Partant, et dans la mesure où le requérant conteste précisément l’application qui a été faite de l’article 19 du statut de la Cour de justice par le Tribunal, il convient d’examiner les moyens qu’il invoque.

 Sur le premier moyen

 Argumentation du requérant

14      M. Lambauer soutient que le Tribunal a méconnu les articles 1er et 47 de la Charte ainsi que l’article 6, paragraphe 3, sous c), de la CEDH.

15      D’une part, le libellé de l’article 47 de la Charte ouvrirait «la possibilité [à toute personne] de se faire conseiller, défendre et représenter».

16      D’autre part, l’ordonnance attaquée serait en contradiction flagrante avec le libellé de l’article 6, paragraphe 3, sous c), de la CEDH, qui consacrerait le droit de se défendre soi-même dans les litiges relatifs à des accusations pénales.

17      M. Lambauer ajoute que le fait de l’obliger à se faire représenter devant le Tribunal porterait atteinte à la dignité humaine, eu égard à son niveau d’éducation et à ses capacités intellectuelles.

 Appréciation de la Cour

18      S’agissant du premier argument invoqué au soutien du premier moyen du pourvoi, il y a lieu de constater, d’une part, que le requérant n’apporte aucun élément duquel il pourrait être conclu que l’article 47 de la Charte consacrerait le droit de se représenter soi-même.

19      D’autre part, la Cour a déjà jugé que l’exigence relative à la position et à la qualité d’avocat indépendant procède de la conception du rôle de l’avocat dans l’ordre juridique de l’Union, énoncé à l’article 19 du statut de la Cour de justice, laquelle se rattache aux traditions juridiques communes aux États membres. Cette conception est celle d’un collaborateur de la justice appelé à fournir, en toute indépendance et dans l’intérêt supérieur de celle-ci, l’assistance légale dont le client a besoin (ordonnance Faet Oltra/Médiateur, C‑535/12 P, EU:C:2013:373, point 19).

20      C’est sur ce fondement que la Cour a jugé que l’expression «les autres parties doivent être représentées par un avocat», figurant à l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice, exclut qu’une partie et son défenseur puissent être une seule et même personne (ordonnance Faet Oltra/Médiateur, C‑535/12 P, EU:C:2013:373, point 20).

21      S’agissant du second argument invoqué à l’appui du premier moyen du pourvoi, il convient de rappeler que l’article 6, paragraphe 3, sous c), de la CEDH garantit le droit de l’accusé de se défendre à l’égard d’accusations en matière pénale (ordonnance Faet Oltra/Médiateur, C‑535/12 P, EU:C:2013:373, point 15).

22      Toutefois il n’est pas contesté que, en l’espèce, le recours de M. Lambauer est dirigé contre une décision du Conseil lui refusant l’accès à deux projets de conclusions de cette institution. Par conséquent, le présent litige ne porte manifestement pas sur des «accusations en matière pénale», au sens de la CEDH.

23      Enfin, il ne saurait résulter de l’obligation de représentation par un avocat une atteinte à la dignité humaine, telle que consacrée à l’article 1er de la Charte.

24      En effet, outre les considérations qui précèdent et qui sont relatives à la conception du rôle de l’avocat dans l’ordre juridique de l’Union, l’obligation faite à une partie, y compris lorsqu’elle a la qualité d’avocat, de recourir à un tiers pour assurer sa représentation devant les juridictions de l’Union place les parties dans les mêmes conditions de défense devant ces juridictions, indépendamment de leur qualité professionnelle, et est de nature, dès lors, à garantir le principe d’égalité (ordonnance Faet Oltra/Médiateur, C‑535/12 P, EU:C:2013:373, point 26).

25      Par conséquent, il y a lieu d’écarter le premier moyen comme étant manifestement non fondé.

 Sur le second moyen

 Argumentation du requérant

26      M. Lambauer reproche au Tribunal d’avoir méconnu l’article 111 de son règlement de procédure du 2 mai 1991, au motif qu’il ne s’est pas fait assister d’un avocat général pour juger sa cause.

27      Ainsi, le Tribunal aurait méconnu le fait que l’affaire dont il était saisi était caractérisée par une difficulté en droit et une complexité en fait qui auraient rendu nécessaire cette assistance. À cet égard, le requérant développe de nombreux arguments se rapportant au fond de son recours en annulation.

 Appréciation de la Cour

28      Conformément à l’article 18 de son règlement de procédure du 2 mai 1991, le Tribunal siégeant en chambre peut être assisté d’un avocat général, dans la mesure où il estime que la difficulté en droit ou la complexité en fait de l’affaire l’exigent.

29      En l’occurrence, le Tribunal a considéré que l’affaire dont il avait à connaître ne présentait ni une difficulté en droit ni une complexité en fait exigeant l’assistance d’un avocat général.

30      À cet égard, il importe de rappeler, d’une part, que le Tribunal a rejeté le recours de M. Lambauer comme étant manifestement irrecevable, au motif que ce dernier n’avait pas eu recours à la représentation par un avocat, mais avait signé lui-même sa requête, ce fait n’ayant pas été contesté par l’intéressé.

31      D’autre part, il importe de rappeler que, conformément aux articles 256 TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, le pourvoi est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal, d’irrégularités de la procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du droit de l’Union par le Tribunal (voir, notamment, ordonnance ADR Center/Commission, C‑259/14 P, EU:C:2014:2417, point 17).

32      Dès lors, le Tribunal est seul compétent pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, ainsi que pour apprécier les éléments de preuve retenus. La constatation de ces faits et l’appréciation de ces éléments ne constituent donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir, notamment, ordonnance ADR Center/Commission, C‑259/14 P, EU:C:2014:2417, point 18).

33      En outre, il y a lieu de préciser qu’une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir, notamment, arrêt Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission, C-419/08 P, EU:C:2010:147, point 32).

34      Or, en se bornant à présenter, dans son pourvoi, de longs développements se rapportant aux raisons pour lesquelles son recours en annulation aurait dû être accueilli au fond, M. Lambauer ne démontre aucunement que le Tribunal aurait été confronté à une difficulté en droit ou à une complexité en fait, lorsqu’il s’est livré à l’appréciation de la recevabilité du recours en annulation dont il était saisi.

35      Par conséquent, le second moyen du pourvoi doit être écarté comme étant, en partie, manifestement non fondé et, en partie, manifestement irrecevable.

36      Dès lors, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble.

 Sur les dépens

37      En vertu de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

38      La présente ordonnance ayant été adoptée avant la notification du pourvoi à la partie défenderesse et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que M. Lambauer supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      M. Lambauer supporte ses propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.

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