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Document 62014FJ0011

Arrêt du Tribunal de la fonction publique (deuxième chambre) du 18 mai 2015.
Bruno Dupré contre Service européen pour l'action extérieure.
Fonction publique – Personnel du SEAE – Agent temporaire – Article 98 du statut – Article 2, sous e), du RAA – Contrat d’engagement – Classement – Exception d’illégalité de l’avis de vacance – Poste de grade AD 5 ouvert au personnel des services diplomatiques nationaux et aux fonctionnaires de grades AD 5 à AD 14 – Principe de correspondance entre le grade et l’emploi – Arrêt par défaut.
Affaire F-11/14.

ECLI identifier: ECLI:EU:F:2015:47

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

18 mai 2015 ( *1 )

«Fonction publique — Personnel du SEAE — Agent temporaire — Article 98 du statut — Article 2, sous e), du RAA — Contrat d’engagement — Classement — Exception d’illégalité de l’avis de vacance — Poste de grade AD 5 ouvert au personnel des services diplomatiques nationaux et aux fonctionnaires de grades AD 5 à AD 14 — Principe de correspondance entre le grade et l’emploi — Arrêt par défaut»

Dans l’affaire F‑11/14,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Bruno Dupré, agent temporaire du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Etterbeek (Belgique), représenté par Mes S. Rodrigues et A. Tymen, avocats,

partie requérante,

contre

Service européen pour l’action extérieure (SEAE), représenté par M. S. Marquardt et Mme M. Silva, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (deuxième chambre),

composé de MM. K. Bradley, président, H. Kreppel et Mme M. I. Rofes i Pujol (rapporteur), juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

vu la procédure écrite,

rend le présent

Arrêt

1

Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 7 février 2014, M. Dupré demande l’annulation de son contrat d’engagement comme agent temporaire du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), signé le 1er avril 2013, en ce qu’il a été classé au grade AD 5, et la réparation du préjudice prétendument subi.

Cadre juridique

2

L’article 5 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version issue du règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés, tel que modifié en dernier lieu par le règlement (UE, Euratom) no 1240/2010 du Conseil, du 20 décembre 2010 (ci-après le « statut »), est libellé comme suit :

« 1.   Les emplois relevant du présent statut sont classés, suivant la nature et le niveau des fonctions auxquelles ils correspondent, en un groupe de fonctions des administrateurs (ci-après dénommés ‘AD’) et un groupe de fonctions des assistants (ci-après dénommés ‘AST’).

2.   Le groupe de fonctions AD comporte douze grades correspondant à des fonctions de direction, de conception et d’étude ainsi qu’à des fonctions linguistiques ou scientifiques. […]

3.   Toute nomination à un emploi de fonctionnaire requiert, au minimum :

[…]

b)

pour les grades 5 et 6 du groupe de fonctions AD :

i)

un niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires de trois années au moins sanctionné par un diplôme, ou

ii)

[…] ;

c)

pour les grades 7 à 16 du groupe de fonctions AD :

i)

un niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires sanctionné par un diplôme lorsque la durée normale desdites études est de quatre années ou plus, ou

ii)

un niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires sanctionné par un diplôme et une expérience professionnelle appropriée d’une année au moins lorsque la durée normale desdites études est de trois années au moins […]

[…] »

3

En vertu de l’article 31 du statut :

« 1.   Les candidats ainsi choisis sont nommés au grade du groupe de fonctions indiqué dans l’avis du concours auquel ils ont été reçus.

2.   Sans préjudice de l’article 29, paragraphe 2, [du statut,] les fonctionnaires sont recrutés uniquement aux grades AST 1 à AST 4 ou AD 5 à AD 8. Le grade de l’avis de concours est déterminé par l’institution, conformément aux critères suivants :

a)

l’objectif de recruter les fonctionnaires possédant les plus hautes qualités visées à l’article 27 [du statut] ;

b)

la qualité de l’expérience professionnelle requise.

[…] »

4

L’article 32 du statut prévoit :

« Le fonctionnaire recruté est classé au premier échelon de son grade.

L’autorité investie du pouvoir de nomination peut, pour tenir compte de l’expérience professionnelle de l’intéressé, lui accorder une bonification d’ancienneté de 24 mois au maximum. Chaque institution arrête les dispositions générales d’exécution du présent article.

[…] »

5

Aux termes de l’article 98 du statut, introduit par le règlement (UE, Euratom) no 1080/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne :

« 1.   Aux fins de l’article 29, paragraphe 1, [sous] a), [du statut,] lors du pourvoi d’une vacance au SEAE, l’autorité investie du pouvoir de nomination examine les candidatures des fonctionnaires du secrétariat général du Conseil [de l’Union européenne], de la Commission [européenne] et du SEAE, des agents temporaires auxquels s’applique l’article 2, [sous] e), du régime applicable aux autres agents [de l’Union européenne] et des membres du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres sans accorder la priorité à l’une ou l’autre de ces catégories. Jusqu’au 30 juin 2013, par dérogation à l’article 29 [du statut], pour les recrutements extérieurs à l’institution, le SEAE recrute exclusivement des fonctionnaires issus du secrétariat général du Conseil [de l’Union européenne] et de la Commission [européenne] ainsi que du personnel détaché des services diplomatiques des États membres.

[…] »

6

L’article 2 du règlement applicable aux autres agents de l’Union européenne, dans sa version issue du règlement no 723/2004, tel que modifié en dernier lieu par le règlement no 1240/2010 (ci-après le « RAA »), dispose, sous e), une disposition introduite par le règlement no 1080/2010 :

« Est considéré comme agent temporaire, au sens du présent régime :

[…]

e)

le personnel détaché des services diplomatiques nationaux des États membres engagé pour occuper temporairement un poste permanent au SEAE. »

7

L’article 10 du RAA établit :

« 1.   […] [L]’article 5, paragraphes 1, 2, 3 et 4, et l’article 7 du statut sont applicables par analogie.

2.   Le contrat de l’agent temporaire doit préciser le grade et l’échelon auxquels l’intéressé est engagé.

[…] »

8

En vertu de l’article 15, paragraphe 1, premier alinéa, du RAA :

« Le classement initial de l’agent temporaire est déterminé conformément aux dispositions de l’article 32 du statut. »

9

L’article 50 ter du RAA, introduit par le règlement no 1080/2010, est libellé comme suit :

« 1.   Les membres du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres qui ont été sélectionnés dans le cadre de la procédure prévue à l’article 98, paragraphe 1, du statut et qui sont détachés par leurs services diplomatiques nationaux sont engagés en qualité d’agents temporaires en vertu de l’article 2, [sous] e)[, du RAA].

2.   Ils peuvent être engagés pour une période maximale de quatre ans. Les contrats peuvent être renouvelés pour une période maximale de quatre ans. La durée de leur engagement ne devrait pas dépasser huit ans au total. Cependant, dans des cas exceptionnels et dans l’intérêt du service, à la fin de la huitième année, le contrat peut être prolongé pour une période maximale de deux ans. Chaque État membre offre à ses fonctionnaires nommés comme agents temporaires au sein du SEAE une garantie de réintégration immédiate au terme de leur période d’activité au SEAE, conformément aux dispositions applicables de sa législation nationale.

[…] »

10

L’article 6, intitulé « Personnel », de la décision 2010/427/UE du Conseil, du 26 juillet 2010, fixant l’organisation et le fonctionnement du [SEAE] (JO L 201, p. 30) est libellé comme suit :

« […]

7.   Les fonctionnaires de l’Union et les agents temporaires provenant des services diplomatiques des États membres ont les mêmes droits et obligations et bénéficient d’une égalité de traitement, en particulier en termes d’accès à tous les postes [au sein du SEAE] dans des conditions équivalentes. Aucune distinction n’est effectuée entre les agents temporaires provenant des services diplomatiques nationaux et les fonctionnaires de l’Union en matière d’attribution des tâches à accomplir dans tous les domaines d’activité du SEAE et dans toutes les politiques qu’il met en œuvre. […]

[…]

11.   Conformément aux dispositions applicables de sa législation nationale, chaque État membre offre à ses fonctionnaires engagés en qualité d’agents temporaires au sein du SEAE une garantie de réintégration immédiate au terme de leur période d’activité au SEAE. Conformément aux dispositions de l’article 50 ter du RAA, cette période d’activité ne dépasse pas huit ans, à moins qu’elle ne soit prolongée pour une durée de deux ans au maximum, dans des cas exceptionnels et dans l’intérêt du service.

[…] »

Faits tels qu’ils ressortent de la requête

11

Le requérant a travaillé, pour la Commission européenne d’abord et pour le SEAE ensuite, comme expert national détaché, de 2007 jusqu’au 31 mars 2013. Sa fiche de poste le décrivait comme un agent chargé de la politique de sécurité dans le domaine de la réduction des risques chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires (« Policy Officer – Security in the area of [Chemical, Biological, Radiological and Nuclear] Risk mitigation »).

12

Avant l’expiration de son détachement en tant qu’expert national détaché auprès du SEAE, le requérant a présenté sa candidature au poste faisant l’objet de l’avis de vacance EEAS/2012/AD/36 qui visait le recrutement au sein de la division « Politique de sécurité et sanctions » d’un agent chargé de la politique de sécurité dans le domaine de la réduction des risques chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires (« Policy Officer – Security in the area of [Chemical, Biological, Radiological and Nuclear] Risk mitigation ») (ci-après l’« avis de vacance »).

13

Il ressort de l’avis de vacance que les candidats devaient être soit des fonctionnaires de certaines institutions de l’Union européenne de grade AD 5 à AD 14, soit des agents temporaires engagés au titre de l’article 2, sous e), du RAA, soit des membres du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres. S’agissant des candidats membres du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres, l’avis de vacance indique que, outre le fait d’être titulaire de la nationalité d’un des États membres, ils devaient disposer d’un niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires sanctionné par un diplôme lorsque la durée normale desdites études est d’au moins trois ans. Il leur était également demandé d’avoir travaillé au moins deux ans auprès d’une administration nationale.

14

Il ressort également de l’avis de vacance que, si le choix devait se porter sur un fonctionnaire de l’Union, il serait nommé dans son grade. Si le candidat retenu appartenait au personnel du service diplomatique d’un des États membres, il se verrait offrir un contrat au titre de l’article 2, sous e), du RAA, dont la durée ne pourrait pas excéder quatre ans, et serait nommé au grade AD 5.

15

La candidature du requérant a été retenue et, le 1er avril 2013, il a signé un contrat d’engagement avec le SEAE. Il ressort du contrat que le requérant a été engagé à partir de cette date comme agent temporaire au sens de l’article 2, sous e), du RAA, au grade AD 5, échelon 2. Le lieu de travail a été fixé à Bruxelles (Belgique).

16

Considérant que le grade AD 5 ne correspondait ni aux fonctions prévues par l’avis de vacance ni à celles qu’il exerçait et qu’il avait fait l’objet d’une discrimination par rapport aux fonctionnaires de l’Union, le requérant a introduit une « [demande au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut] » le 27 juin 2013, avec pour objectif de redresser une erreur manifeste d’appréciation dans son classement.

17

L’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement du SEAE a considéré la demande du requérant comme une « réclamation au sens de l’article 90[, paragraphe] 2, du statut » et l’a rejetée par une décision datée du 28 octobre 2013.

Conclusions de la partie requérante et procédure

18

Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

«

[…] annuler la décision [contenue dans son contrat d’engagement] du 1er avril 2013 [prévoyant] son classement au grade AD 5 ;

[e]n tant que de besoin, […] annuler la décision du 28 octobre 2013 rejetant la réclamation […] ;

[…]

[…] ordonner le reclassement [de son] poste […] à un grade correspondant au niveau de ses responsabilités ;

[…] ordonner [au SEAE] de tirer toutes les conséquences, notamment pécuniaires, de ce reclassement, rétroactivement depuis son entrée en fonctions ;

[…] réparer le préjudice moral subi […], évalué ex æquo et bono à la somme de 5000 euros ;

[…]

[…] condamner [le SEAE] aux entiers dépens ».

19

En vertu de l’article 39, paragraphe 1, du règlement de procédure en vigueur à la date d’introduction de la requête, la partie défenderesse doit présenter son mémoire en défense dans les deux mois qui suivent la signification de la requête.

20

Ainsi qu’il ressort de l’accusé de réception de la signification de la requête, celle-ci a été régulièrement réceptionnée le 14 février 2014 à l’adresse du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité à Bruxelles, adresse qui avait été antérieurement communiquée au Tribunal par le SEAE aux fins de signification des actes de procédure.

21

Le délai de deux mois pour le dépôt du mémoire en défense a expiré le 24 avril 2014, délai de distance inclus, sans que le SEAE ne dépose de mémoire.

22

Le greffe du Tribunal a informé le requérant de l’absence de dépôt d’un mémoire en défense dans le délai prescrit et de la clôture de la procédure écrite, par lettre du 2 juillet 2014. À cette occasion, le greffe a rappelé au requérant la possibilité dont il disposait de demander au Tribunal, en application de l’article 116, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure alors en vigueur, de lui adjuger ses conclusions. Dans sa lettre, le greffe du Tribunal a également attiré l’attention du requérant sur le libellé du paragraphe 4 du même article, selon lequel un arrêt rendu par défaut est toutefois susceptible d’opposition. Par lettre du même 2 juillet 2014, le greffe du Tribunal a communiqué au SEAE la lettre adressée au requérant, en même temps qu’il informait le SEAE de la clôture de la procédure écrite.

23

Par une lettre datée du 10 juillet 2014, le requérant a demandé au Tribunal de bien vouloir lui adjuger ses conclusions, telles qu’elles ressortaient de sa requête. Cette demande a été signifiée au SEAE.

24

Le 11 juillet 2014, le SEAE s’est adressé au Tribunal pour solliciter, conformément à l’article 116, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement de procédure alors en vigueur, l’ouverture de la phase orale de la procédure sur la demande du requérant du 10 juillet 2014 et la communication d’une copie de la requête. Le Tribunal a transmis une copie de la requête au SEAE et, par une décision du 24 novembre 2014, n’a pas fait droit à la demande d’ouverture de la phase orale de la procédure sur ladite demande.

En droit

25

En vertu des dispositions de l’article 121, paragraphe 2, du règlement de procédure, lesquelles reprennent celles de l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure en vigueur jusqu’au 30 septembre 2014, avant de rendre un arrêt par défaut, le Tribunal examine la recevabilité de la requête et vérifie si les formalités ont été régulièrement accomplies et si les conclusions du requérant paraissent fondées. Il peut prendre des mesures d’organisation de la procédure ou ordonner des mesures d’instruction.

26

En l’espèce, il ressort du dossier que le recours devant le Tribunal a été introduit dans le délai statutaire de trois mois augmenté du délai de distance forfaitaire de dix jours à compter de la notification au requérant du rejet de la réclamation ; que le requérant conteste l’acte de classement lors de son engagement comme agent temporaire, qu’il considère comme lui faisant grief, et qu’il a intérêt à agir dans la mesure où il conteste une décision administrative de portée individuelle produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement ses intérêts.

27

Il ressort également du dossier que la requête a été régulièrement signifiée au SEAE à l’adresse à Bruxelles que ce dernier avait fournie au greffe du Tribunal aux fins de signification des actes de procédure et que le SEAE n’a pas introduit de mémoire en défense dans les délais.

28

Il s’ensuit que, en l’espèce, la recevabilité de la requête ne fait aucun doute et que les formalités ont été régulièrement accomplies.

29

Il appartient à présent au Tribunal de vérifier si, à la lumière de la requête et de ses annexes, les conclusions du requérant paraissent fondées. À cet effet, le Tribunal n’a pas considéré nécessaire d’adopter de mesure d’organisation de la procédure ni d’ordonner de mesure d’instruction.

Sur les conclusions en annulation de la décision de rejet de la réclamation

30

Le requérant demande, en tant que de besoin, l’annulation de la décision du 28 octobre 2013, portant rejet de la réclamation.

31

Il ressort d’une jurisprudence constante que la réclamation administrative et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, le recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée. Il a été jugé, à plusieurs reprises, qu’une décision explicite de rejet d’une réclamation pouvait, eu égard à son contenu, ne pas avoir un caractère confirmatif de l’acte contesté par le requérant. Tel est le cas lorsque la décision de rejet de la réclamation contient un réexamen de la situation du requérant, en fonction d’éléments de droit et de fait nouveaux, ou lorsqu’elle modifie ou complète la décision initiale. Dans ces hypothèses, le rejet de la réclamation constitue un acte soumis au contrôle du juge, qui le prend en considération dans l’appréciation de la légalité de l’acte contesté, voire le considère comme un acte faisant grief se substituant à ce dernier (arrêt Adjemian e.a./Commission, T‑325/09 P, EU:T:2011:506, point 32).

32

Étant donné que, dans le système du statut, l’intéressé doit présenter une réclamation contre la décision qu’il conteste et introduire un recours contre la décision portant rejet de cette réclamation, le juge de l’Union a jugé le recours recevable qu’il soit dirigé contre la seule décision objet de la réclamation, contre la décision portant rejet de la réclamation ou contre ces deux décisions conjointement, dans la mesure où la réclamation et le recours ont été formés dans les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut. Toutefois, conformément au principe d’économie de la procédure, le juge peut décider qu’il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur les conclusions dirigées contre la décision portant rejet de la réclamation lorsqu’il constate que celles-ci sont dépourvues de contenu autonome et se confondent, en réalité, avec celles dirigées contre la décision contre laquelle la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêt Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, points 7 et 8). Il peut, notamment, en être ainsi lorsque le juge de l’Union constate que la décision portant rejet de la réclamation, le cas échéant parce qu’elle est implicite, est purement confirmative de la décision objet de la réclamation et que, partant, l’annulation de celle-là ne produirait sur la situation juridique de la personne intéressée aucun effet distinct de celui découlant de l’annulation de celle-ci (arrêt Adjemian e.a./Commission, EU:T:2011:506, point 33).

33

En l’espèce, il est constant que la décision portant rejet de la réclamation ne contient pas de réexamen de la situation du requérant en fonction d’éléments de droit ou de fait nouveaux, mais confirme la décision de classement au grade AD 5, échelon 2, qui figure dans le contrat d’engagement du requérant, et se limite à aborder les moyens et arguments soulevés par le requérant et à apporter certaines précisions sur la motivation de ladite décision de classement. En pareille hypothèse, c’est bien la légalité de l’acte initial faisant grief qui doit être examinée en prenant en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec cet acte (voir, en ce sens, arrêt Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 58 et 59, et la jurisprudence citée).

34

Par conséquent, les conclusions en annulation dirigées contre la décision de rejet de la réclamation sont dépourvues de contenu autonome et le recours doit être regardé comme dirigé contre la décision, contenue dans le contrat d’engagement du requérant du 1er avril 2013, fixant son classement au grade AD 5 (ci-après la « décision de classement attaquée ») et dont la motivation est précisée par la décision de rejet de la réclamation du 28 octobre 2013 (voir, en ce sens, arrêts Eveillard/Commission, T‑258/01, EU:T:2004:177, points 31 et 32, et Buxton/Parlement, F‑50/11, EU:F:2012:51, point 21).

35

Il n’y a donc pas lieu de statuer séparément sur les conclusions en annulation de la décision de rejet de la réclamation.

Sur les conclusions visant au reclassement du poste du requérant et à ce que le SEAE tire rétroactivement toutes les conséquences du reclassement

36

S’agissant des demandes tendant à ce que le Tribunal, d’une part, ordonne le reclassement du poste du requérant à un grade correspondant au niveau de ses responsabilités et, d’autre part, ordonne au SEAE de tirer toutes les conséquences, notamment pécuniaires, de ce reclassement, rétroactivement depuis l’entrée en fonctions du requérant, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d’un recours introduit au titre de l’article 91 du statut, le juge ne saurait, sans empiéter sur les prérogatives de l’autorité administrative, faire des déclarations ou des constatations de principe ni adresser des injonctions à une institution (voir ordonnance Caminiti/Commission, F‑71/09, EU:F:2011:53, point 23, et la jurisprudence citée). Tout au plus l’institution pourrait-elle être amenée à prendre des mesures, telles que celles demandées par le requérant, en exécution d’un arrêt accueillant les prétentions en annulation du requérant.

37

Il s’ensuit que les conclusions tendant à ce que le Tribunal ordonne le reclassement du poste du requérant à un grade correspondant au niveau de ses responsabilités et ordonne au SEAE de tirer toutes les conséquences, notamment pécuniaires, de ce reclassement, rétroactivement depuis l’entrée en fonctions du requérant, ne sont pas recevables.

Sur les conclusions en annulation de la décision de classement attaquée

38

À l’appui de la demande d’annulation de la décision de classement attaquée, le requérant soulève un moyen unique, tiré de l’illégalité de l’avis de vacance sur la base duquel il a été recruté, divisé en trois branches. La première branche est fondée sur la violation du principe de la correspondance entre le grade et l’emploi ainsi que sur la violation de l’article 5 du statut et de l’annexe I, point A, du statut. La deuxième branche est déduite d’une erreur manifeste d’appréciation. La troisième branche est tirée de la violation du principe d’égalité de traitement et de l’interdiction de toute discrimination, ainsi que de la violation de l’article 6, paragraphe 7, de la décision 2010/427.

39

Le Tribunal constate que, dans sa requête, le requérant ne développe son argumentation qu’à l’égard des première et troisième branches du moyen unique. La deuxième branche du moyen unique de la requête, déduite de l’erreur manifeste d’appréciation, n’est aucunement étayée par une quelconque argumentation, contrairement à la règle prévue à l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure en vigueur lors de l’introduction du recours et reprise à l’article 50, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure. Il y a donc lieu de déclarer irrecevable la deuxième branche du moyen unique de la requête.

Sur la première branche du moyen, fondée sur la violation du principe de la correspondance entre le grade et l’emploi ainsi que sur la violation de l’article 5 du statut et de l’annexe I, point A, du statut

40

Le requérant excipe de l’illégalité de l’avis de vacance en ce qu’il prévoyait une nomination au grade AD 5 uniquement pour les candidats qui étaient membres du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres. Or, ce grade, auquel il a été classé en tant qu’agent temporaire, ne correspondrait pas aux tâches que le requérant est appelé à exécuter et ne refléterait pas leur importance ni les responsabilités qui lui reviennent. En effet, la gestion des dossiers « sensibles » qui lui sont attribués nécessiterait impérativement une longue expérience dans le domaine d’expertise qui est le sien et, en tout état de cause, ne pourrait pas être assurée par un fonctionnaire en début de carrière, ne possédant que deux années d’expérience, tel que requis par l’avis de vacance. Il ajoute que, sur vingt-cinq ans d’expérience professionnelle, il a travaillé pendant quinze ans dans le domaine d’expertise visé par l’avis de vacance et que le poste qu’il occupait en tant qu’expert national détaché avait été considéré comme « sensible » du fait des compétences requises. Or, ses fonctions seraient restées strictement identiques lorsqu’il a été nommé agent temporaire de grade AD 5.

41

Le requérant fait valoir également que les fiches de poste des deux autres membres de l’équipe à laquelle il appartient, qu’il joint en annexe à la requête, sont identiques à celle du poste qu’il occupe, alors, d’une part, que les deux fonctionnaires occupant ces postes sont classés l’un au grade AD 12, l’autre au grade AD 13 et, d’autre part, qu’il a été nommé au grade AD 5 en remplacement d’un fonctionnaire de grade AD 13 et pour exercer les mêmes fonctions. Ces circonstances mettraient en exergue l’inadéquation du grade auquel il a été classé avec ses fonctions et ses responsabilités.

42

Le requérant ajoute que l’annexe I, point A, du statut prévoit que le grade AD 5 correspond à des postes d’adjoint alors qu’il ne travaille comme l’adjoint de personne et qu’il fait preuve d’une grande indépendance dans l’exécution de ses fonctions. Le requérant fait valoir, en outre, que la fiche de poste qu’il joint en annexe à la requête, relative à l’emploi de l’expert national détaché qui l’a remplacé à partir d’octobre 2013, exige au moins huit ans d’expérience dans son domaine de spécialisation et que, dans la pratique, dans l’équipe à laquelle il appartient, aucun de ses collègues n’a été recruté au grade AD 5.

43

Enfin, le requérant affirme que la décision de classement attaquée a été une conséquence des contraintes budgétaires, alors que, par application de l’article 6, paragraphe 8, de la décision 2010/427, la sélection du personnel doit se faire sur une base objective et viser à assurer le concours d’un personnel présentant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité. Le requérant est d’avis que l’argument relatif à des contraintes budgétaires de la part du SEAE serait mal fondé étant donné que, si le candidat classé en deuxième position lors de la sélection qui a suivi l’avis de vacance avait été choisi, celui-ci étant fonctionnaire, son traitement mensuel correspondrait à celui d’un fonctionnaire classé au grade AD 13.

44

Le Tribunal constate, en premier lieu, que l’affirmation du requérant selon laquelle l’avis de vacance prévoyait une nomination au grade AD 5 uniquement pour les candidats provenant des services diplomatiques des États membres repose sur une lecture erronée du libellé de l’avis de vacance.

45

En effet, il ressort du point 1 du premier groupe de conditions d’admission de l’avis de vacance que, conformément à l’article 98 du statut, les candidats devaient être soit des fonctionnaires du secrétariat général du Conseil de l’Union européenne, de la Commission ou du SEAE, soit des agents temporaires auxquels s’applique l’article 2, sous e), du RAA, à savoir des membres du personnel détaché des services diplomatiques nationaux des États membres engagés pour occuper temporairement un poste permanent au SEAE, soit des membres du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres.

46

Partant, alors qu’il y avait trois catégories possibles de candidats, à savoir ceux qui étaient des fonctionnaires de l’Union, ceux qui avaient déjà été recrutés au SEAE en tant qu’agents temporaires au sens de l’article 2, sous e), du RAA et ceux qui, comme le requérant, ne rentraient ni dans l’une ni dans l’autre de ces catégories, l’avis de vacance a prévu que le classement en grade du candidat retenu se ferait, pour les fonctionnaires de l’Union, au grade qu’ils détenaient et, pour les autres, c’est-à-dire pour les membres du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres, au grade AD 5.

47

S’il est vrai que l’avis de vacance permettait à des fonctionnaires de grade AD 5 à AD 14 de présenter leur candidature au poste, il n’en demeure pas moins que, si le candidat retenu avait été un fonctionnaire de grade AD 5, il aurait été classé dans ce même grade. Partant, l’argument du requérant selon lequel l’avis de vacance serait illégal du fait qu’il prévoyait que seuls les membres du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres recrutés pour le poste auraient été nommés au grade AD 5 ne saurait prospérer.

48

Il y a lieu de relever, en outre, que les conditions exigées des candidats membres du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres, au point 2 du second groupe de conditions d’admission, à savoir posséder un niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires de trois années au moins, sanctionné par un diplôme, coïncident avec la condition exigée à l’article 5, paragraphe 3, sous b), i), du statut pour une nomination aux grades 5 et 6 du groupe de fonctions des administrateurs (AD), condition qui diffère nettement de celle exigée à l’article 5, paragraphe 3, sous c), du statut pour une nomination aux grades 7 à 16 du même groupe de fonctions.

49

Il s’ensuit que, au vu du niveau d’enseignement supérieur exigé par l’avis de vacance pour les candidats membres du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres, à savoir celui prévu à l’article 5, paragraphe 3, sous b), i), du statut pour une nomination aux grades 5 et 6 du groupe de fonctions AD, ainsi que du nombre d’années d’expérience professionnelle minimale demandées, qui n’était que de deux, les candidats membres du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres, parmi lesquels se trouvait le requérant, ne pouvaient pas se méprendre sur le grade qui correspondait au poste à pourvoir. En effet, si le SEAE avait souhaité pourvoir le poste aux grades AD 7 et supérieurs, l’avis de vacance aurait demandé le niveau d’enseignement prévu à l’article 5, paragraphe 3, sous c), du statut et, en tout état de cause, davantage d’années d’expérience professionnelle.

50

En deuxième lieu, le Tribunal ne saurait accueillir l’argument du requérant relatif au décalage entre les responsabilités qui lui reviennent, et dont il affirme ne pouvoir s’acquitter que grâce à sa longue expérience dans le domaine d’expertise visé dans l’avis de vacance, et le grade AD 5 auquel il a été nommé.

51

En effet, il ressort de la lecture de la description des tâches principales que le candidat retenu serait appelé à réaliser, telles que reprises à l’avis de vacance, qu’elles correspondent tout à fait à celles que l’on confie à un fonctionnaire en début de carrière. Ainsi, ces tâches sont décrites, à plusieurs reprises, de la façon suivante : « [c]ontribuer » à la préparation de documents, en coopération étroite notamment avec d’autres institutions, États membres ou organisations internationales ; « [c]ontribuer » à l’élaboration de la législation de base ; « [c]hercher à assurer » la coordination ; « [p]articiper [à] et/ou représenter la [d]ivision [‘Politique de sécurité et sanctions’] » notamment dans des réunions avec des institutions de l’Union, des États membres ou des pays tiers, fonctions qui n’exigent pas de disposer d’une longue expérience préalable pour leur accomplissement.

52

Il y a lieu d’ajouter que l’argument du requérant selon lequel les fonctions d’un administrateur classé au grade AD 5, telles que reprises à l’annexe I, point A, du statut, correspondent notamment à celles de juriste adjoint, économiste adjoint, scientifique adjoint, ce qui s’accorderait mal avec les responsabilités qu’il assume tout seul, sans être l’adjoint d’un autre fonctionnaire ou agent, ne tient manifestement pas compte de la description des fonctions figurant dans l’avis de vacance, lequel indique, comme une des tâches principales, celle de « [p]réparer des briefings, des notes et d’autres documents […] à l’intention des fonctionnaires d’encadrement ou du niveau politique ».

53

En troisième lieu, ne sauraient prospérer non plus les arguments avancés par le requérant à l’appui de sa thèse, selon laquelle il aurait dû être classé à un grade plus élevé, à savoir, premièrement, que le poste qu’il occupait en tant qu’expert national détaché était considéré comme « sensible » au vu de sa fiche de poste en raison des compétences particulières requises, ses fonctions étant restées strictement identiques lorsqu’il a été nommé agent temporaire de grade AD 5 ; deuxièmement, qu’en décembre 2012 cette fiche de poste coïncidait avec celles de deux autres membres de la même équipe, lesquels étaient des fonctionnaires, l’un classé au grade AD 12 et l’autre au grade AD 13 ; et, troisièmement, qu’il aurait été engagé comme agent temporaire et classé au grade AD 5, alors que son prédécesseur était un fonctionnaire de grade AD 13.

54

Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la règle de la correspondance entre le grade et l’emploi implique une comparaison entre les fonctions exercées par le fonctionnaire ou agent et son grade dans la hiérarchie, compte tenu de leur nature, de leur importance et de leur ampleur (arrêt Michail/Commission, F‑100/09, EU:F:2011:132, point 65). En l’espèce, il ressort des points 48, 51 et 52 du présent arrêt que tant les tâches telles qu’elles sont décrites dans l’avis de vacance que la condition relative au niveau d’enseignement exigé des candidats au poste à pourvoir équivalent, les premières, aux tâches typiquement confiées à des fonctionnaires et agents de grade AD 5 et, la seconde, au niveau d’enseignement minimal nécessaire pour être nommé fonctionnaire ou agent audit grade.

55

En ce qui concerne le premier argument du requérant, le Tribunal constate qu’il résulte d’une simple comparaison entre l’énumération des fonctions qui devaient être exercées par l’agent temporaire de grade AD 5 qui serait recruté, telle qu’elle ressort de l’avis de vacance, et celle figurant dans la fiche correspondant au poste occupé par le requérant lorsqu’il était expert national détaché que cet argument manque en fait. En effet, le premier groupe de fonctions figurant dans la fiche relative au poste occupé par le requérant en tant qu’expert national détaché n’apparaît pas dans la description des fonctions de l’avis de vacance. Il en va de même des quatrième et cinquième tâches du troisième groupe de fonctions figurant dans la fiche de poste susmentionnée, ainsi que des première, troisième et quatrième tâches du quatrième groupe de fonctions figurant dans la fiche de poste susmentionnée.

56

Pour ce qui est du deuxième argument du requérant, qui s’appuie sur les fiches de poste de deux autres membres de son équipe, tous deux fonctionnaires, classés l’un au grade AD 12 et l’autre au grade AD 13, il convient de relever que les tâches qui y figurent coïncident bien avec l’énumération des fonctions du poste d’expert national détaché que le requérant avait occupé, mais diffèrent considérablement de celles énumérées dans l’avis de vacance.

57

S’agissant du troisième argument du requérant, à supposer même qu’il ait été engagé sur un poste occupé précédemment par un fonctionnaire de grade AD 13, cette circonstance ne serait pas de nature à affecter la légalité de la décision de classement attaquée, laquelle a classé le requérant au grade de base du groupe de fonctions AD suivant l’avis de vacance auquel il avait postulé (voir, en ce sens, arrêt BV/Commission, F‑133/11, EU:F:2013:199, points 64 à 67).

58

En tout état de cause, les fonctions exercées par le requérant en tant qu’expert national détaché auprès du SEAE, avant d’être engagé comme agent temporaire du SEAE, ne sauraient être prises en considération aux fins d’une comparaison avec les fonctions exercées dans le poste qu’il occupe en vertu du contrat d’engagement litigieux, car, en tant qu’expert national détaché, le requérant ne pouvait pas se prévaloir d’un classement en grade par application du statut.

59

En quatrième et dernier lieu, sont également voués à l’échec les arguments du requérant à l’appui de l’illégalité de la décision de classement attaquée, tirés, le premier, de ce que l’avis de vacance permettait à des fonctionnaires classés dans un éventail de grades allant du grade AD 5 au grade AD 14 de postuler et, le second, de ce que des fonctionnaires travaillant ou ayant travaillé dans le même service que le requérant et ayant supposément exercé les mêmes fonctions étaient classés à un grade plus élevé que celui auquel il a été classé.

60

En effet, depuis la modification du statut intervenue le 1er mai 2004, à l’exception des grades AD 15 et AD 16, réservés aux emplois de directeur et/ou de directeur général, le statut n’établissait pas de correspondance entre les fonctions exercées et un grade déterminé, mais permettait la dissociation entre le grade et la fonction (arrêt Bouillez e.a./Conseil, F‑53/08, EU:F:2010:37, point 54), avec pour conséquence que les fonctionnaires relevant du groupe de fonctions AD suivaient une carrière linéaire, laquelle pouvait progresser du grade AD 5 au grade AD 14, par promotion.

61

En l’espèce, la description des tâches, reprise à l’avis de vacance, correspondant à des fonctions de conception et d’étude, fonctions qui, en vertu de l’article 5, paragraphe 2, du statut, sont exercées par le personnel du groupe de fonctions AD à partir du grade AD 5, c’est à bon droit que l’avis de vacance a prévu que les fonctionnaires pouvaient postuler au poste en cause à partir du grade AD 5 et jusqu’au grade AD 14 et que le candidat sélectionné serait nommé dans son grade.

62

Il a déjà été jugé que des fonctions identiques ou similaires peuvent être exercées par des personnes de grades différents, ainsi qu’il ressort de l’annexe I, point A, du statut, laquelle prévoit, pour la plupart des fonctions qui y sont énumérées, que celles-ci peuvent être exercées par des fonctionnaires de grades différents. Ainsi, la règle de la correspondance entre le grade et l’emploi n’est enfreinte que si les fonctions exercées sont, dans leur ensemble, nettement en deçà de celles correspondant aux grade et emploi du fonctionnaire concerné (arrêt Z/Cour de justice, F‑88/09 et F‑48/10, EU:F:2012:171, point 138, faisant l’objet d’un pourvoi devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑88/13 P). Cette jurisprudence, dégagée à propos des fonctionnaires, trouve à s’appliquer également s’agissant d’agents temporaires.

63

En ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel son classement au grade AD 5 serait une conséquence des contraintes budgétaires, il suffit de constater qu’il ne ressort pas du dossier que le SEAE se soit fondé sur de telles raisons lorsqu’il a décidé que le poste à pourvoir, objet de l’avis de vacance, serait de grade AD 5.

64

Il s’ensuit que le requérant reste en défaut de démontrer l’inadéquation entre le grade AD 5 et les fonctions décrites dans l’avis de vacance, voire que l’emploi qu’il occupe ne correspond pas au grade auquel il a été classé, car il s’est limité, à cet égard, à avancer de simples affirmations sur les responsabilités qu’il exerce et sur le grade détenu par certains de ses collègues fonctionnaires.

65

Partant, la première branche du moyen, fondée sur la violation du principe de la correspondance entre le grade et l’emploi ainsi que sur la violation de l’article 5 du statut et de l’annexe I, point A, du statut, doit être rejetée.

Sur la troisième branche du moyen, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement et de l’interdiction de toute discrimination, ainsi que de la violation de l’article 6, paragraphe 7, de la décision 2010/427

66

Le requérant se prévaut de l’article 21, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de l’article 1er quinquies du statut et de l’article 6, paragraphe 7, de la décision 2010/427 pour revendiquer l’égalité de traitement entre agents temporaires et fonctionnaires. En l’espèce, il ressortirait de l’avis de vacance que, pour le poste auquel le requérant a été nommé, les agents temporaires provenant des services diplomatiques nationaux des États membres ne pouvaient être recrutés qu’au grade AD 5, alors que, s’agissant des fonctionnaires, ils pouvaient être nommés du grade AD 5 au grade AD 14.

67

Le requérant est d’avis qu’une telle différence de classement pour exercer les mêmes fonctions ne répond pas à l’impératif d’accès aux postes dans des conditions équivalentes posé à l’article 6, paragraphe 7, de la décision 2010/427. Le requérant fait valoir, à cet égard, que l’éventail de grades proposé pour le recrutement de fonctionnaires leur permet de conserver et de faire valoir leur ancienneté alors que les membres du personnel appartenant aux services diplomatiques des États membres sont empêchés de se prévaloir de leur expérience, ce qui aboutit à une inégalité de traitement en raison de leur origine en ce qui concerne les conditions de recrutement et d’emploi, alors même que les uns et les autres sont soumis à une procédure de sélection commune.

68

Ces arguments du requérant ne sauraient prospérer.

69

Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, le principe de non-discrimination ne s’applique qu’à des personnes se trouvant dans des situations identiques ou comparables et requiert, par ailleurs, que les différences de traitement entre différentes catégories de fonctionnaires ou d’agents temporaires soient justifiées sur la base d’un critère objectif et raisonnable et que cette différence soit proportionnée au but poursuivi par cette différenciation (arrêt Afari/BCE, T‑11/03, EU:T:2004:77, point 65, et la jurisprudence citée). Il y a violation du principe d’égalité de traitement lorsque deux catégories de personnes dont les situations factuelles et juridiques ne présentent pas de différence essentielle se voient appliquer un traitement différent et lorsque des situations différentes sont traitées de façon identique (arrêt Schönberger/Parlement, F‑7/08, EU:F:2009:10, point 45, et la jurisprudence citée).

70

En l’espèce, il est vrai que, en vertu de l’article 6, paragraphe 7, de la décision 2010/427, les fonctionnaires de l’Union et les membres du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres ont les mêmes droits et obligations et bénéficient de l’égalité de traitement, en particulier en termes d’accès à tous les postes dans des conditions équivalentes.

71

Il ressort du libellé de l’avis de vacance que tant la liste des conditions d’admission prévues que les critères de sélection étaient les mêmes pour les fonctionnaires de l’Union et pour les membres du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres, la seule différence consistant à exiger de ces derniers des conditions relatives à la nationalité et au niveau d’enseignement que les fonctionnaires du groupe de fonctions AD sont censés remplir lors de leur recrutement. Partant, il y a lieu d’affirmer que l’avis de vacance n’a pas établi de distinction quant à l’accès au poste selon la provenance des candidats.

72

En ce qui concerne le grade de classement, le Tribunal a déjà constaté, au point 47 du présent arrêt, que si le candidat retenu avait été un fonctionnaire de grade AD 5 il aurait été muté et aurait conservé ce même grade, qui est celui auquel le requérant a été classé en tant qu’agent temporaire. Partant, l’avis de vacance n’établit pas de différence quant au classement au grade de base du groupe de fonctions AD selon que le candidat retenu soit fonctionnaire de l’Union ou membre du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres.

73

Le requérant se considère, toutefois, victime d’une discrimination du fait qu’un fonctionnaire titulaire d’un grade supérieur au grade AD 5 aurait conservé son grade au cas où il aurait été nommé au poste objet de l’avis de vacance, alors que, avec un classement possible pour les agents temporaires uniquement au grade AD 5, il a été empêché de faire valoir son ancienneté.

74

Cet argument est voué à l’échec, car les fonctionnaires de l’Union et les membres du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres qui sont détachés auprès du SEAE ne se trouvent pas, du point de vue du cadre dans lequel leur carrière est censée évoluer, voire de la manière dans laquelle leur administration d’origine apprécie leur ancienneté, dans une situation identique ni similaire.

75

En effet, d’une part, les membres du personnel du secrétariat général du Conseil, de la Commission ou du SEAE, qui pouvaient postuler au poste objet de l’avis de vacance s’ils remplissaient la condition de classement en grade, étaient des fonctionnaires du groupe de fonctions AD, lesquels, en tant que tels, ont vocation à poursuivre leur carrière au sein des institutions de l’Union, en exerçant notamment des fonctions de conception et d’étude, du grade AD 5 au grade AD 14.

76

En revanche, il ressort de l’article 50 ter du RAA que les membres du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres, même s’ils sont engagés en qualité d’agents temporaires en vertu de l’article 2, sous e), du RAA, sont censés poursuivre leur carrière dans leur administration d’origine par la suite, dans la mesure où ils ne peuvent être engagés par le SEAE que pour une période maximale de quatre ans, renouvelable une seule fois pour une deuxième période maximale de quatre ans, avec possibilité exceptionnelle de prorogation supplémentaire du contrat pour deux ans, ce qui signifie en tout un détachement maximal de dix ans avec une garantie de réintégration immédiate de la part des États membres au terme de leur période d’activité au SEAE.

77

D’autre part, lorsqu’elles exercent leur large marge d’appréciation pour décider de la correspondance entre emplois et grades, en considération de l’importance des tâches conférées aux fonctions en cause et au regard du seul intérêt du service, les institutions de l’Union doivent tenir compte du fait que, en vertu du statut, des fonctions identiques ou similaires peuvent être exercées par des personnes de grades différents, ainsi qu’il ressort de l’annexe I, point A, du statut, laquelle prévoit, pour la plupart des fonctions qui y sont énumérées, que celles-ci peuvent être exercées par des fonctionnaires de grades différents.

78

En outre, il ressort des données fournies par le requérant lui-même que, pour l’exercice de promotion 2013, 15 fonctionnaires du SEAE étaient promouvables au grade AD 6 ; 18 fonctionnaires étaient promouvables au grade AD 7 ; 15 fonctionnaires étaient promouvables au grade AD 8 ; 26 fonctionnaires étaient promouvables au grade AD 9 et le même nombre était promouvable au grade AD 10 ; 47 fonctionnaires étaient promouvables au grade AD 11 ; 33 fonctionnaires étaient promouvables au grade AD 12 ; 130 fonctionnaires étaient promouvables au grade AD 13 et 102 fonctionnaires étaient promouvables au grade AD 14. S’il est vrai que ces chiffres ne coïncident pas exactement avec le nombre de fonctionnaires du SEAE classés dans chaque grade, puisque certains de ces fonctionnaires n’étaient pas promouvables lors dudit exercice de promotion, ils prouvent à suffisance de droit que, si l’avis de vacance avait limité aux seuls fonctionnaires du SEAE de grade AD 5 la possibilité de présenter leur candidature au poste à pourvoir, la presque totalité des fonctionnaires du SEAE aurait été exclue de la procédure de sélection, au vu du grade élevé auquel tous ces fonctionnaires sont classés.

79

Dans ces conditions, c’est à bon droit et sans violer le principe d’égalité de traitement en ce qui concerne tant l’accès au poste dans des conditions équivalentes entre les fonctionnaires de l’Union et les membres du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres que le classement en grade du candidat retenu que l’avis de vacance a pu prévoir que le recrutement d’un agent temporaire se ferait au grade AD 5 tout en prévoyant qu’un fonctionnaire de l’Union classé du grade AD 5 au grade AD 14 serait nommé dans son grade.

80

Par suite, la troisième branche du moyen, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement et de l’interdiction de toute discrimination, ainsi que de la violation de l’article 6, paragraphe 7, de la décision 2010/427, doit également être rejetée.

81

Il découle de ce qui précède que le moyen unique tiré de l’illégalité de l’avis de vacance est, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.

82

Il s’ensuit que les conclusions en annulation de la décision de classement attaquée doivent être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires

83

Le requérant considère avoir été victime d’un préjudice matériel et moral. Le premier découlerait du fait que sa rémunération est directement liée à son grade : s’il avait été classé, par exemple, au grade AD 12, il aurait eu droit au double du salaire qu’il perçoit. De même, son classement au grade AD 5 est de nature à avoir des répercussions négatives sur ses perspectives de carrière au sein du SEAE, en particulier au regard de sa mobilité, ses possibilités étant limitées à d’autres postes de même grade, et ce malgré son expérience qui lui permettrait de postuler à des postes de grade bien plus élevé.

84

Enfin, le classement au grade AD 5 aurait occasionné un préjudice moral au requérant au regard de la confiance légitime qu’il était en droit d’avoir envers son employeur, alors qu’il avait choisi volontairement de maintenir son éloignement de son administration nationale d’origine pour rester en fonction auprès du SEAE.

85

Selon une jurisprudence constante, lorsque le préjudice dont un requérant se prévaut trouve son origine dans l’adoption d’une décision faisant l’objet de conclusions en annulation, le rejet de ces conclusions en annulation entraîne, par principe, le rejet des conclusions indemnitaires, ces dernières leur étant étroitement liées (arrêt Arguelles Arias/Conseil, F‑122/12, EU:F:2013:185, point 127).

86

En l’espèce, il doit être relevé que le préjudice matériel et moral dont le requérant se prévaut trouve son origine dans le comportement décisionnel du SEAE, qui l’a classé au grade AD 5, contrairement aux souhaits et aux attentes du requérant. Or, dès lors que les conclusions en annulation de la décision de classement attaquée ont été rejetées sans que le Tribunal constate d’irrégularité dans le comportement décisionnel du SEAE, il convient de rejeter les conclusions indemnitaires du requérant.

87

Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

88

Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 103, paragraphe 3, du règlement de procédure, à défaut de conclusions sur les dépens, chaque partie supporte ses propres dépens.

89

Le SEAE, régulièrement mis en cause, n’a pas introduit de mémoire en défense et n’a pas conclu sur les dépens. Dans ces conditions, conformément à l’article 103, paragraphe 3, du règlement de procédure, il y lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (deuxième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

Chaque partie supporte ses propres dépens.

 

Bradley

Kreppel

Rofes i Pujol

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 mai 2015.

Le greffier

W. Hakenberg

Le président

K. Bradley


( *1 ) Langue de procédure : le français.

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