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Document 62012CJ0045

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 13 juin 2013.
Office national d’allocations familiales pour travailleurs salariés (ONAFTS) contre Radia Hadj Ahmed.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Cour du travail de Bruxelles.
Sécurité sociale des travailleurs migrants – Règlement (CEE) nº 1408/71 – Champ d’application personnel – Octroi de prestations familiales à une ressortissante d’un État tiers bénéficiant d’un droit de séjour dans un État membre – Règlement (CE) nº 859/2003 – Directive 2004/38/CE – Règlement (CEE) nº 1612/68 – Condition de durée de résidence.
Affaire C‑45/12.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2013:390

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

13 juin 2013 ( *1 )

«Sécurité sociale des travailleurs migrants — Règlement (CEE) no 1408/71 — Champ d’application personnel — Octroi de prestations familiales à une ressortissante d’un État tiers bénéficiant d’un droit de séjour dans un État membre — Règlement (CE) no 859/2003 — Directive 2004/38/CE — Règlement (CEE) no 1612/68 — Condition de durée de résidence»

Dans l’affaire C‑45/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la cour du travail de Bruxelles (Belgique), par décision du 19 janvier 2012, parvenue à la Cour le 30 janvier 2012, dans la procédure

Office national d’allocations familiales pour travailleurs salariés (ONAFTS)

contre

Radia Hadj Ahmed,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, MM. J. Malenovský, U. Lõhmus, M. Safjan et Mme A. Prechal (rapporteur), juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 février 2013,

considérant les observations présentées:

pour Mme Hadj Ahmed, par Mes I. de Viron et M. Hernandez Dispaux, avocates,

pour le gouvernement belge, par Mme C. Pochet et M. T. Materne, en qualité d’agents, assistés de Me J. Vanden Eynde, avocat,

pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par MM. M. Van Hoof et V. Kreuschitz, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 1992/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006 (JO L 392, p. 1, ci-après le «règlement no 1408/71»), des articles 13, paragraphe 2, et 14 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO L 158, p. 77), lus en combinaison avec l’article 18 TFUE, ainsi que des articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Office national d’allocations familiales pour travailleurs salariés (ONAFTS) à Mme Hadj Ahmed, au sujet de l’octroi des prestations familiales garanties.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 10 du règlement (CEE) no 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2), abrogé par la directive 2004/38, énonçait:

«1.   Ont le droit de s’installer avec le travailleur ressortissant d’un État membre employé sur le territoire d’un autre État membre, quelle que soit leur nationalité:

a)

son conjoint et leurs descendants de moins de vingt et un ans ou à charge;

[...]»

4

L’article 12 du règlement no 1612/68, abrogé par le règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union (JO L 141, p. 1), et dont le libellé a été repris à l’article 10 de ce dernier règlement, prévoyait à son premier alinéa:

«Les enfants d’un ressortissant d’un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d’un autre État membre sont admis aux cours d’enseignement général, d’apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, si ces enfants résident sur son territoire.»

5

L’article 1er du règlement no 1408/71, intitulé «Définitions», dispose:

«Aux fins de l’application du présent règlement:

[...]

f)

i)

le terme ‘membre de la famille’ désigne toute personne définie ou admise comme membre de la famille ou désignée comme membre du ménage par la législation au titre de laquelle les prestations sont servies [...]; toutefois, si ces législations ne considèrent comme membre de la famille ou du ménage qu’une personne vivant sous le toit du travailleur salarié ou non salarié ou de l’étudiant, cette condition est réputée remplie lorsque la personne en cause est principalement à la charge de ce dernier. [...]

[...]»

6

L’article 2 du règlement no 1408/71, intitulé «Personnes couvertes», énonce à son paragraphe 1:

«Le présent règlement s’applique aux travailleurs [...] ainsi qu’aux membres de leur famille [...]»

7

L’article 1er du règlement (CE) no 859/2003 du Conseil, du 14 mai 2003, visant à étendre les dispositions du règlement (CEE) no 1408/71 et du règlement (CEE) no 574/72 aux ressortissants de pays tiers qui ne sont pas déjà couverts par ces dispositions uniquement en raison de leur nationalité (JO L 124, p. 1), dispose:

«[...] [L]es dispositions du règlement (CEE) no 1408/71 [...] s’appliquent aux ressortissants de pays tiers qui ne sont pas déjà couverts par ces dispositions uniquement en raison de leur nationalité ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants, dès lors qu’ils se trouvent en situation de résidence légale dans un État membre et dans des situations dont tous les éléments ne se cantonnent pas à l’intérieur d’un seul État membre.»

8

L’article 13 de la directive 2004/38, intitulé «Maintien du droit de séjour des membres de la famille en cas de divorce, d’annulation du mariage ou de rupture d’un partenariat enregistré», prévoit, à son paragraphe 2, que, sous certaines conditions, le divorce, l’annulation du mariage ou la rupture d’un partenariat enregistré n’entraîne pas la perte du droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre.

9

L’article 14 de cette directive, intitulé «Maintien du droit de séjour», énonce à son paragraphe 2:

«Les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ont un droit de séjour tel que prévu [à l’article] 13 tant qu’ils répondent aux conditions énoncées dans [cet article].

[...]»

Le droit belge

10

L’article 1er de la loi du 20 juillet 1971 instituant des prestations familiales garanties (Moniteur belge du 7 août 1971, p. 9302, ci-après la «loi instituant des prestations familiales garanties»), dans sa version applicable au litige au principal, disposait:

«[...] [L]es prestations familiales sont accordées, dans les conditions fixées par ou en vertu de la présente loi, en faveur de l’enfant qui est exclusivement ou principalement à la charge d’une personne physique qui réside en Belgique.

[...]

La personne physique visée à l’alinéa 1er doit avoir résidé effectivement en Belgique de manière non interrompue pendant au moins les cinq dernières années qui précèdent l’introduction de la demande de prestations familiales garanties.

Sont dispensés de cette condition:

1o

la personne qui tombe sous l’application du [règlement no 1408/71];

2o

l’apatride;

3o

le réfugié au sens de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers [(Moniteur belge du 31 décembre 1980, p. 14584, ci-après la «loi du 15 décembre 1980»)];

4o

la personne non visée au 1° qui est ressortissante d’un État qui a ratifié la Charte sociale européenne ou la Charte sociale européenne révisée.

Si la personne physique visée à l’alinéa 1er est étrangère, elle doit être admise ou autorisée à séjourner en Belgique ou à s’y établir, conformément aux dispositions de la [loi du 15 décembre 1980] [...]».

11

Pendant la période concernée par le litige au principal, la loi du 30 décembre 2009 portant des dispositions diverses (Moniteur belge du 31 décembre 2009, p. 82925) a étendu la dispense de la condition de résidence de cinq ans en ajoutant à l’article 1er, alinéa 7, de la loi instituant des prestations familiales garanties un point 5, rédigé comme suit:

«la personne qui demande les prestations familiales garanties en faveur d’un enfant:

a)

ressortissant d’un État auquel s’applique le [règlement no 1408/71] ou, à défaut, ressortissant d’un État qui a ratifié la Charte sociale européenne ou la Charte sociale européenne (révisée);

b)

ou apatride ou réfugié au sens de la loi du 15 décembre 1980 [...]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12

Mme Hadj Ahmed, ressortissante algérienne, est inscrite en Belgique sur le registre de la population depuis le 18 janvier 2006 et est titulaire d’un titre l’autorisant, depuis cette date, à séjourner sur le territoire belge. Elle a obtenu ce titre de séjour en raison du fait qu’elle avait rejoint, en Belgique, un partenaire de nationalité française. Mme Hadj Ahmed et ce dernier ont un enfant commun, également de nationalité française, né le 18 décembre 2003. Au cours de l’année 2006, après avoir obtenu ledit titre de séjour, la défenderesse au principal a fait venir en Belgique sa fille, de nationalité algérienne, née le 28 janvier 1993.

13

Lorsqu’elle vivait avec son partenaire, Mme Hadj Ahmed, qui n’a jamais eu le statut de travailleur en Belgique, a pu bénéficier d’allocations familiales au taux ordinaire pour ses deux enfants, sur la base des périodes de travail accomplies en Belgique par son partenaire.

14

Mme Hadj Ahmed et son partenaire se sont séparés au cours du mois de juin 2007. Depuis le 15 mai 2007, l’intéressée, qui n’est pas à la charge de son ex-partenaire, dépend de l’aide sociale.

15

À partir du 1er octobre 2007, Mme Hadj Ahmed a cessé de percevoir les allocations familiales pour sa fille, alors qu’elle a continué à bénéficier de celles-ci pour son autre enfant. Une demande visant à obtenir, à partir de cette même date, des prestations familiales garanties pour cette fille a été introduite auprès de l’ONAFTS. Le 7 avril 2008, cet organisme a rejeté ladite demande au motif que l’intéressée ne répondait pas à la condition de résidence de cinq ans, prévue à l’article 1er de la loi instituant des prestations familiales garanties.

16

Par une requête du 3 juillet 2008, Mme Hadj Ahmed a introduit un recours contre la décision de refus de l’ONAFTS devant le tribunal du travail de Bruxelles, en se prévalant du bénéfice des dispositions du règlement no 1408/71. Dans le même temps et sur invitation de l’ONAFTS, elle a introduit auprès des autorités compétentes une demande de dérogation à la condition de durée de résidence en Belgique. Par suite de cette procédure, Mme Hadj Ahmed a obtenu les prestations familiales garanties pour sa fille, après quatre années de résidence, soit à partir du 18 janvier 2010. Par conséquent, la période pour laquelle ces prestations sont réclamées dans le cadre du litige au principal s’étend du 1er octobre 2007 au 18 janvier 2010.

17

Par un jugement du 23 août 2010, le tribunal du travail de Bruxelles a fait droit au recours introduit par Mme Hadj Ahmed. En se référant à l’arrêt du 7 septembre 2004, Trojani (C-456/02, Rec. p. I-7573), cette juridiction a considéré que, dès lors que l’intéressée avait été autorisée à s’établir en Belgique en qualité de membre de la famille d’un citoyen de l’Union, elle était assimilée à un tel citoyen et avait droit au même traitement que celui qui est réservé aux ressortissants de cet État membre.

18

L’ONAFTS a fait appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi. Selon lui, il ne saurait être considéré que la défenderesse au principal relève du champ d’application du règlement no 1408/71. Il émet des doutes quant au fait qu’il puisse être inféré de la directive 2004/38 qu’une personne qui n’a pas la qualité de citoyen de l’Union soit assimilée à un citoyen de l’Union dès lors qu’elle rejoint une personne ayant cette qualité. Il fait également valoir que l’arrêt Trojani, précité, vise une situation dans laquelle sont en cause un citoyen de l’Union et une prestation de sécurité sociale, soit un cas différent de celui de la défenderesse au principal.

19

La juridiction de renvoi considère que Mme Hadj Ahmed a un intérêt à se prévaloir de l’application du règlement no 1408/71, afin d’écarter la condition de résidence de cinq ans prévue à l’article 1er de la loi instituant des prestations familiales garanties.

20

Dans ces conditions, la cour du travail de Bruxelles a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Dans les circonstances où une ressortissante d’un État tiers (en l’espèce, de nationalité algérienne) a obtenu, moins de 5 ans auparavant, un titre de séjour dans un État membre (en l’espèce, en Belgique) pour rejoindre, hors mariage ou partenariat enregistré, un citoyen d’un autre État membre (en l’espèce, une personne de nationalité française), dont elle a un enfant (de nationalité française), cette ressortissante entre-t-elle dans le champ d’application personnel du règlement [no] 1408/71 au titre de membre de la famille d’un travailleur ressortissant d’un État membre, pour l’octroi, en tant qu’attributaire, de prestations familiales garanties au bénéfice d’un autre enfant ressortissant d’un pays tiers (en l’espèce, de nationalité algérienne) alors que sa cohabitation avec le père de l’enfant de nationalité française a entre-temps pris fin?

2)

En cas de réponse négative à la première question, dans les circonstances visées à la première question, et du fait de la présence dans son ménage de l’enfant de nationalité française, cette ressortissante d’un État tiers, ou son enfant ressortissant d’un État tiers, entrent-ils dans le champ d’application personnel du règlement [no] 1408/71 au titre de membre de la famille d’un travailleur ressortissant d’un État membre, pour l’octroi de prestations familiales garanties à l’enfant de nationalité algérienne?

3)

En cas de réponse négative aux questions qui précèdent, dans les circonstances visées à la première question, cette ressortissante d’un État tiers bénéficie-t-elle, en vertu [des articles 13, paragraphe 2, et 14] de la directive 2004/38 [...], lus conjointement avec l’article 12 CE (actuellement [article] 18 [...] TFUE), du même traitement juridique que les nationaux aussi longtemps que le droit au séjour ne lui a pas été retiré, en telle sorte qu’il est exclu que l’État belge lui impose une condition de durée de résidence pour l’octroi des prestations familiales garanties alors que cette condition n’est pas exigée des attributaires nationaux?

4)

En cas de réponse négative aux questions qui précèdent, dans les circonstances visées à la première question, et en tant que mère d’un citoyen de l’[Union], cette ressortissante d’un État tiers bénéficie-t-elle, en vertu des articles 20 et 21 de la [Charte] du principe d’égalité de traitement en telle sorte qu’il est exclu que l’État belge lui impose une condition de durée de résidence pour l’octroi des prestations familiales garanties à un autre de ses enfants, ressortissant d’un pays tiers, alors que cette condition de durée de résidence n’est pas exigée pour un enfant [qui a la nationalité d’un État membre]?»

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et deuxième questions

21

Par ses deux premières questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement no 1408/71 doit être interprété en ce sens que relèvent de son champ d’application une ressortissante d’un État tiers (ci-après la «mère») ou sa fille, qui est également ressortissante d’un État tiers (ci-après la «fille»), dès lors que celles-ci se trouvent dans la situation suivante:

la mère a obtenu, depuis moins de cinq ans, un titre de séjour dans un État membre pour rejoindre, hors mariage ou partenariat enregistré, un ressortissant d’un autre État membre (ci-après le «ressortissant d’un autre État membre»), dont elle a un enfant ayant la nationalité de ce dernier État membre (ci-après l’«enfant commun»);

seul le ressortissant d’un autre État membre a le statut de travailleur;

la cohabitation entre la mère et le ressortissant d’un autre État membre a entre-temps pris fin, et

la fille et l’enfant commun font partie du ménage de la mère.

22

À cet égard, il y a lieu de rappeler que la notion de «membre de la famille» d’un travailleur, au sens du règlement no 1408/71, est définie à l’article 1er, sous f), i), dudit règlement comme désignant «toute personne définie ou admise comme membre de la famille ou désignée comme membre du ménage par la législation au titre de laquelle les prestations sont servies [...]; toutefois, si ces législations ne considèrent comme membre de la famille ou du ménage qu’une personne vivant sous le toit du travailleur salarié ou non salarié [...], cette condition est réputée remplie lorsque la personne en cause est principalement à la charge de ce dernier».

23

Ainsi, dans un premier temps, cette disposition renvoie expressément à la réglementation nationale en désignant comme «membre de la famille»«toute personne définie ou admise comme membre de la famille ou désignée comme membre du ménage par la législation au titre de laquelle les prestations sont servies» (arrêt du 26 novembre 2009, Slanina, C-363/08, Rec. p. I-11111, point 25).

24

Dans un second temps, l’article 1er, sous f), i), du règlement no 1408/71 introduit le correctif selon lequel, «toutefois, si ces législations [nationales] ne considèrent comme membre de la famille ou du ménage qu’une personne vivant sous le toit du travailleur salarié ou non salarié, cette condition est réputée remplie lorsque la personne en cause est principalement à la charge de ce dernier» (arrêt Slanina, précité, point 26).

25

La condition posée à l’article 1er, sous f), i), du règlement no 1408/71 serait donc remplie, comme le relèvent à bon droit le gouvernement tchèque et la Commission européenne, si, dans les circonstances de l’affaire au principal, la mère ou la fille peuvent être considérées, au sens de la loi nationale et pour l’application de celle-ci, comme «membres de la famille» du ressortissant d’un autre État membre et, dans la négative, si elles peuvent être regardées comme étant «principalement à la charge» de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt Slanina, précité, point 27).

26

Même si le dossier dont dispose la Cour contient des indices selon lesquels cette condition n’est pas remplie dans l’affaire au principal, il appartient à la juridiction de renvoi de le vérifier.

27

En revanche, ainsi que le fait valoir à bon droit le gouvernement belge, il ressort de l’article 1er, sous f), i), du règlement no 1408/71, tel qu’interprété au point 25 du présent arrêt, que la seule circonstance que l’enfant commun fasse partie du ménage de la mère n’est pas pertinente, en tant que telle, aux fins de la qualification de la mère ou de la fille de «membre de la famille», au sens de cette disposition, du ressortissant d’un autre État membre.

28

S’agissant d’une éventuelle application du règlement no 859/2003, auquel se réfère également la juridiction de renvoi, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 1er dudit règlement, celui-ci étend le champ d’application personnel du règlement no 1408/71 à des ressortissants d’États tiers pour autant que ceux-ci ne relèvent pas déjà du champ d’application personnel de ce dernier règlement uniquement en raison de leur nationalité.

29

Or, la non-application éventuelle du règlement no 1408/71 à la mère ou à la fille dépend non pas de la nationalité de ces dernières, mais du fait qu’elles ne puissent être considérées comme des membres de la famille, au sens de l’article 1er, sous f), i), de ce règlement, du ressortissant d’un autre État membre.

30

En outre, en vertu de l’article 1er du règlement no 859/2003, un ressortissant d’un État tiers doit remplir deux conditions pour que les dispositions du règlement no 1408/71 lui soient applicables et le soient également aux membres de sa famille. Ainsi, ce ressortissant doit, d’une part, résider légalement dans un État membre et, d’autre part, ne pas se trouver dans une situation dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre. Tel est notamment le cas lorsque la situation d’un ressortissant d’un État tiers présente des rattachements uniquement avec un État tiers et un seul État membre (voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2010, Xhymshiti, C-247/09, Rec. p. I-11845, point 28).

31

S’agissant de la première de ces conditions, il convient de constater que, eu égard aux informations figurant dans la décision de renvoi, tant la mère que la fille, pendant la période pertinente aux fins de l’affaire au principal, résidaient légalement en Belgique.

32

S’agissant de la seconde condition, la situation de la mère et celle de la fille présentent, ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, des rattachements uniquement avec un État tiers et un seul État membre, à savoir respectivement la République algérienne démocratique et populaire et le Royaume de Belgique.

33

Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que le règlement no 859/2003 étend le champ d’application du règlement no 1408/71 à des personnes telles que la mère ou la fille.

34

Par conséquent, il convient de répondre aux première et deuxième questions que le règlement no 1408/71 doit être interprété en ce sens que la mère ou la fille, dès lors qu’elles se trouvent dans la situation visée au point 21 du présent arrêt, ne relèvent pas du champ d’application personnel de ce règlement, sauf si elles peuvent être considérées, au sens de la loi nationale et pour l’application de celle-ci, comme «membres de la famille» du ressortissant d’un autre État membre ou, dans la négative, si elles peuvent être regardées comme étant «principalement à la charge» de celui-ci.

Sur la troisième question

35

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 13, paragraphe 2, et 14 de la directive 2004/38, lus en combinaison avec l’article 18 TFUE, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre par laquelle celui-ci impose à la mère, dès lors qu’elle se trouve dans la situation visée au point 21 du présent arrêt, une condition de durée de résidence de cinq ans pour l’octroi des prestations familiales garanties, alors qu’il ne l’impose pas à ses propres ressortissants.

36

À cet égard, ainsi que le relèvent à bon droit les gouvernements belge et tchèque ainsi que la Commission, il ressort expressément du libellé de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 que le droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre n’est maintenu, en vertu de cette disposition et sous certaines conditions, qu’en cas de divorce, d’annulation du mariage ou de rupture d’un partenariat enregistré.

37

Or, ainsi que le confirme le libellé même de la première question, les circonstances en cause dans l’affaire au principal ne révèlent pas l’existence d’un mariage ou d’un partenariat enregistré entre la mère et le ressortissant d’un autre État membre. Dans ces conditions, cette dernière ne saurait invoquer un droit de séjour en vertu de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38, non plus qu’en vertu de l’article 14 de cette directive, lequel, à son paragraphe 2, se limite à rappeler la nécessité pour les personnes concernées de répondre aux conditions énoncées, notamment, à l’article 13 de ladite directive pour pouvoir bénéficier du maintien d’un droit de séjour.

38

La prise en compte de l’article 18 TFUE, auquel se réfère la juridiction de renvoi dans sa troisième question, ne saurait remettre en cause cette conclusion.

39

En effet, la circonstance qu’une personne telle que la défenderesse au principal disposait, durant la période pertinente aux fins de l’affaire au principal, d’un titre l’autorisant à séjourner en Belgique n’a pas pour conséquence de la faire bénéficier, en vertu de l’article 18 TFUE, du principe de non-discrimination en raison de la nationalité.

40

Certes, au point 46 de son arrêt Trojani, précité, la Cour a jugé, en substance, que, dès lors qu’un citoyen de l’Union dispose d’une carte de séjour dans un État membre, il peut se prévaloir de l’article 18 TFUE afin de se voir accorder le bénéfice d’une prestation sociale, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État membre.

41

Toutefois, cette interprétation de l’article 18 TFUE, dont le contexte est celui de la citoyenneté de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2005, Bidar, C-209/03, Rec. p. I-2119, points 37 et 39), ne saurait être transposée, telle quelle, à une situation dans laquelle un ressortissant d’un État tiers dispose d’une carte de séjour dans un État membre.

42

Cela étant dit, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. En conséquence, même si, sur le plan formel, la juridiction de renvoi a limité sa troisième question à l’interprétation de la directive 2004/38, une telle circonstance ne fait pas obstacle à ce que la Cour lui fournisse tous les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, que cette juridiction y ait fait référence ou non dans l’énoncé de ses questions. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments dudit droit qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2010, Fuß, C-243/09, Rec. p. I-9849, points 39 et 40 ainsi que jurisprudence citée).

43

Or, la Commission fait valoir que la mère pourrait invoquer, afin d’éviter qu’une condition de durée de résidence de cinq ans pour l’octroi des prestations familiales garanties lui soit imposée, le principe de non-discrimination en raison de la nationalité, en se fondant sur un droit de séjour résultant de l’article 12 du règlement no 1612/68.

44

À cet égard, il convient de rappeler que l’objectif du règlement no 1612/68, à savoir la libre circulation des travailleurs, exige, pour que celle-ci soit assurée dans le respect de la liberté et de la dignité, des conditions optimales d’intégration de la famille d’un travailleur migrant dans le milieu de l’État membre d’accueil (voir arrêts du 13 novembre 1990, di Leo, C-308/89, Rec. p. I-4185, point 13, ainsi que du 17 septembre 2002, Baumbast et R, C-413/99, Rec. p. I-7091, point 50).

45

Pour qu’une telle intégration puisse réussir, il est indispensable que l’enfant d’un travailleur migrant ait la possibilité d’entreprendre sa scolarité et ses études dans l’État membre d’accueil, comme le prévoit explicitement l’article 12 du règlement no 1612/68, en vue de les terminer avec succès (arrêts du 15 mars 1989, Echternach et Moritz, 389/87 et 390/87, Rec. p. 723, point 21, ainsi que Baumbast et R, précité, point 51).

46

Selon la jurisprudence, ce droit d’accès à l’enseignement implique un droit de séjour autonome de l’enfant d’un travailleur migrant ou d’un ancien travailleur migrant, lorsque cet enfant souhaite poursuivre ses études dans l’État membre d’accueil, ainsi qu’un droit de séjour correspondant en faveur du parent assurant effectivement la garde de cet enfant (voir arrêt du 23 février 2010, Teixeira, C-480/08, Rec. p. I-1107, points 36 et 53).

47

Selon la Commission, tant la fille que l’enfant commun et, par conséquent, également la mère, dès lors que celle-ci assure effectivement la garde de ces enfants, bénéficient d’un tel droit de séjour fondé sur l’article 12 du règlement no 1612/68.

48

Dans des circonstances telles que celles en cause au principal, cette interprétation ne saurait cependant être retenue s’agissant de la fille.

49

En effet, d’une part, il est constant que la fille n’est pas l’enfant du ressortissant d’un autre État membre. Par rapport à cette personne, elle n’a donc pas la qualité d’enfant d’un ressortissant d’un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d’un autre État membre, au sens de l’article 12 du règlement no 1612/68.

50

D’autre part, il est certes vrai, ainsi que le fait valoir la Commission, que le droit de s’installer avec le travailleur migrant, dont bénéficient, aux termes de l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1612/68, «son conjoint et leurs descendants de moins de vingt et un ans ou à charge», doit être interprété en ce sens qu’il bénéficie tant aux descendants de ce travailleur qu’à ceux de son conjoint (arrêt Baumbast et R, précité, point 57).

51

À cet égard, il suffit cependant de relever que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, la mère n’est pas le conjoint du ressortissant d’un autre État membre, et ne l’a pas été, le partenaire dans le cadre d’une simple cohabitation ne pouvant être considéré comme étant un «conjoint», au sens de l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1612/68 (voir, en ce sens, arrêt du 17 avril 1986, Reed, 59/85, Rec. p. 1283, point 16). La fille ne peut donc être regardée comme l’enfant du conjoint d’un travailleur migrant ou d’un ancien travailleur migrant.

52

En revanche, s’agissant de l’enfant commun, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, cet enfant est effectivement l’enfant d’un ressortissant d’un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d’un autre État membre, au sens de l’article 12 du règlement no 1612/68. Toutefois, pour que la mère, en tant que parent qui assure effectivement la garde de ce même enfant, puisse bénéficier d’un droit de séjour fondé sur cette disposition, il faut que l’enfant commun ait commencé à fréquenter le système éducatif de l’État membre d’accueil (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2012, Czop et Punakova, C‑147/11 et C‑148/11, point 29).

53

Or, la Cour ne dispose pas d’informations suffisantes au sujet de la situation de l’enfant commun et, plus particulièrement, en ce qui concerne la scolarité de ce dernier, ce qui confère, à ce stade de la procédure devant la Cour, un caractère hypothétique à une interprétation des conséquences que pourrait avoir pour le litige au principal l’existence d’un droit de séjour de la mère fondé sur l’article 12 du règlement no 1612/68.

54

Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que les articles 13, paragraphe 2, et 14 de la directive 2004/38, lus en combinaison avec l’article 18 TFUE, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre, par laquelle celui-ci impose à la mère, dès lors qu’elle se trouve dans la situation visée au point 21 du présent arrêt, une condition de durée de résidence de cinq ans pour l’octroi des prestations familiales garanties, alors qu’il ne l’impose pas à ses propres ressortissants.

Sur la quatrième question

55

Compte tenu de la réponse apportée aux questions précédentes, il n’y a pas lieu de répondre à la quatrième question.

56

En effet, il y a lieu de rappeler que les droits fondamentaux garantis par l’ordre juridique de l’Union, y compris par la Charte, ont vocation à être appliqués dans toutes les situations régies par le droit de l’Union, mais pas en dehors de telles situations (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson, C‑617/10, point 19 et jurisprudence citée).

57

Or, ainsi qu’il résulte de la réponse aux questions précédentes, la Cour ne dispose pas d’informations permettant de conclure qu’une situation telle que celle en cause au principal est effectivement régie par le droit de l’Union.

Sur les dépens

58

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

 

1)

Le règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) no 1992/2006 du Parlement européen et du Conseil, du18 décembre 2006, doit être interprété en ce sens qu’une ressortissante d’un État tiers ou sa fille, qui est également ressortissante d’un État tiers, dès lors que celles-ci se trouvent dans la situation suivante:

cette ressortissante d’un État tiers a obtenu, depuis moins de cinq ans, un titre de séjour dans un État membre pour rejoindre, hors mariage ou partenariat enregistré, un ressortissant d’un autre État membre, dont elle a un enfant ayant la nationalité de ce dernier État membre;

seul ce ressortissant d’un autre État membre a le statut de travailleur;

la cohabitation entre ladite ressortissante d’un État tiers et ledit ressortissant d’un autre État membre a entre-temps pris fin, et

les deux enfants font partie du ménage de leur mère,

ne relèvent pas du champ d’application personnel de ce règlement, sauf si cette ressortissante d’un État tiers ou sa fille peuvent être considérées, au sens de la loi nationale et pour l’application de celle-ci, comme «membres de la famille» de ce ressortissant d’un autre État membre ou, dans la négative, si elles peuvent être regardées comme étant «principalement à la charge» de celui-ci.

 

2)

Les articles 13, paragraphe 2, et 14 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, lus en combinaison avec l’article 18 TFUE, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre, par laquelle celui-ci impose à une ressortissante d’un État tiers, dès lors que celle-ci se trouve dans la situation visée au point 1 du dispositif du présent arrêt, une condition de durée de résidence de cinq ans pour l’octroi des prestations familiales garanties, alors qu’il ne l’impose pas à ses propres ressortissants.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le français.

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Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Parties

Dans l’affaire C-45/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la cour du travail de Bruxelles (Belgique), par décision du 19 janvier 2012, parvenue à la Cour le 30 janvier 2012, dans la procédure

Office national d’allocations familiales pour travailleurs salariés (ONAFTS)

contre

Radia Hadj Ahmed,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, MM. J. Malenovský, U. Lõhmus, M. Safjan et M me  A. Prechal (rapporteur), juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 février 2013,

considérant les observations présentées:

– pour M me  Hadj Ahmed, par M es  I. de Viron et M. Hernandez Dispaux, avocates,

– pour le gouvernement belge, par M me  C. Pochet et M. T. Materne, en qualité d’agents, assistés de M e J. Vanden Eynde, avocat,

– pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par MM. M. Van Hoof et V. Kreuschitz, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (CEE) nº 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) nº 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) nº 1992/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006 (JO L 392, p. 1, ci-après le «règlement nº 1408/71»), des articles 13, paragraphe 2, et 14 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO L 158, p. 77), lus en combinaison avec l’article 18 TFUE, ainsi que des articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Office national d’allocations familiales pour travailleurs salariés (ONAFTS) à M me  Hadj Ahmed, au sujet de l’octroi des prestations familiales garanties.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3. L’article 10 du règlement (CEE) nº 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2), abrogé par la directive 2004/38, énonçait:

«1. Ont le droit de s’installer avec le travailleur ressortissant d’un État membre employé sur le territoire d’un autre État membre, quelle que soit leur nationalité:

a) son conjoint et leurs descendants de moins de vingt et un ans ou à charge;

[...]»

4. L’article 12 du règlement nº 1612/68, abrogé par le règlement (UE) nº 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union (JO L 141, p. 1), et dont le libellé a été repris à l’article 10 de ce dernier règlement, prévoyait à son premier alinéa:

«Les enfants d’un ressortissant d’un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d’un autre État membre sont admis aux cours d’enseignement général, d’apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, si ces enfants résident sur son territoire.»

5. L’article 1 er du règlement nº 1408/71, intitulé «Définitions», dispose:

«Aux fins de l’application du présent règlement:

[...]

f) i) le terme ‘membre de la famille’ désigne toute personne définie ou admise comme membre de la famille ou désignée comme membre du ménage par la législation au titre de laquelle les prestations sont servies [...]; toutefois, si ces législations ne considèrent comme membre de la famille ou du ménage qu’une personne vivant sous le toit du travailleur salarié ou non salarié ou de l’étudiant, cette condition est réputée remplie lorsque la personne en cause est principalement à la charge de ce dernier. [...]

[...]»

6. L’article 2 du règlement nº 1408/71, intitulé «Personnes couvertes», énonce à son paragraphe 1:

«Le présent règlement s’applique aux travailleurs [...] ainsi qu’aux membres de leur famille [...]»

7. L’article 1 er du règlement (CE) nº 859/2003 du Conseil, du 14 mai 2003, visant à étendre les dispositions du règlement (CEE) nº 1408/71 et du règlement (CEE) nº 574/72 aux ressortissants de pays tiers qui ne sont pas déjà couverts par ces dispositions uniquement en raison de leur nationalité (JO L 124, p. 1), dispose:

«[...] [L]es dispositions du règlement (CEE) nº 1408/71 [...] s’appliquent aux ressortissants de pays tiers qui ne sont pas déjà couverts par ces dispositions uniquement en raison de leur nationalité ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants, dès lors qu’ils se trouvent en situation de résidence légale dans un État membre et dans des situations dont tous les éléments ne se cantonnent pas à l’intérieur d’un seul État membre.»

8. L’article 13 de la directive 2004/38, intitulé «Maintien du droit de séjour des membres de la famille en cas de divorce, d’annulation du mariage ou de rupture d’un partenariat enregistré», prévoit, à son paragraphe 2, que, sous certaines conditions, le divorce, l’annulation du mariage ou la rupture d’un partenariat enregistré n’entraîne pas la perte du droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre.

9. L’article 14 de cette directive, intitulé «Maintien du droit de séjour», énonce à son paragraphe 2:

«Les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ont un droit de séjour tel que prévu [à l’article] 13 tant qu’ils répondent aux conditions énoncées dans [cet article].

[...]»

Le droit belge

10. L’article 1 er de la loi du 20 juillet 1971 instituant des prestations familiales garanties ( Moniteur belge du 7 août 1971, p. 9302, ci-après la «loi instituant des prestations familiales garanties»), dans sa version applicable au litige au principal, disposait:

«[...] [L]es prestations familiales sont accordées, dans les conditions fixées par ou en vertu de la présente loi, en faveur de l’enfant qui est exclusivement ou principalement à la charge d’une personne physique qui réside en Belgique.

[...]

La personne physique visée à l’alinéa 1 er doit avoir résidé effectivement en Belgique de manière non interrompue pendant au moins les cinq dernières années qui précèdent l’introduction de la demande de prestations familiales garanties.

Sont dispensés de cette condition:

1° la personne qui tombe sous l’application du [règlement nº 1408/71];

2° l’apatride;

3° le réfugié au sens de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers [( Moniteur belge du 31 décembre 1980, p. 14584, ci-après la «loi du 15 décembre 1980»)];

4° la personne non visée au 1° qui est ressortissante d’un État qui a ratifié la Charte sociale européenne ou la Charte sociale européenne révisée.

Si la personne physique visée à l’alinéa 1 er est étrangère, elle doit être admise ou autorisée à séjourner en Belgique ou à s’y établir, conformément aux dispositions de la [loi du 15 décembre 1980] [...]».

11. Pendant la période concernée par le litige au principal, la loi du 30 décembre 2009 portant des dispositions diverses ( Moniteur belge du 31 décembre 2009, p. 82925) a étendu la dispense de la condition de résidence de cinq ans en ajoutant à l’article 1 er , alinéa 7, de la loi instituant des prestations familiales garanties un point 5, rédigé comme suit:

«la personne qui demande les prestations familiales garanties en faveur d’un enfant:

a) ressortissant d’un État auquel s’applique le [règlement nº 1408/71] ou, à défaut, ressortissant d’un État qui a ratifié la Charte sociale européenne ou la Charte sociale européenne (révisée);

b) ou apatride ou réfugié au sens de la loi du 15 décembre 1980 [...]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12. M me  Hadj Ahmed, ressortissante algérienne, est inscrite en Belgique sur le registre de la population depuis le 18 janvier 2006 et est titulaire d’un titre l’autorisant, depuis cette date, à séjourner sur le territoire belge. Elle a obtenu ce titre de séjour en raison du fait qu’elle avait rejoint, en Belgique, un partenaire de nationalité française. M me Hadj Ahmed et ce dernier ont un enfant commun, également de nationalité française, né le 18 décembre 2003. Au cours de l’année 2006, après avoir obtenu ledit titre de séjour, la défenderesse au principal a fait venir en Belgique sa fille, de nationalité algérienne, née le 28 janvier 1993.

13. Lorsqu’elle vivait avec son partenaire, M me  Hadj Ahmed, qui n’a jamais eu le statut de travailleur en Belgique, a pu bénéficier d’allocations familiales au taux ordinaire pour ses deux enfants, sur la base des périodes de travail accomplies en Belgique par son partenaire.

14. M me Hadj Ahmed et son partenaire se sont séparés au cours du mois de juin 2007. Depuis le 15 mai 2007, l’intéressée, qui n’est pas à la charge de son ex-partenaire, dépend de l’aide sociale.

15. À partir du 1 er  octobre 2007, M me  Hadj Ahmed a cessé de percevoir les allocations familiales pour sa fille, alors qu’elle a continué à bénéficier de celles-ci pour son autre enfant. Une demande visant à obtenir, à partir de cette même date, des prestations familiales garanties pour cette fille a été introduite auprès de l’ONAFTS. Le 7 avril 2008, cet organisme a rejeté ladite demande au motif que l’intéressée ne répondait pas à la condition de résidence de cinq ans, prévue à l’article 1 er de la loi instituant des prestations familiales garanties.

16. Par une requête du 3 juillet 2008, M me Hadj Ahmed a introduit un recours contre la décision de refus de l’ONAFTS devant le tribunal du travail de Bruxelles, en se prévalant du bénéfice des dispositions du règlement nº 1408/71. Dans le même temps et sur invitation de l’ONAFTS, elle a introduit auprès des autorités compétentes une demande de dérogation à la condition de durée de résidence en Belgique. Par suite de cette procédure, M me  Hadj Ahmed a obtenu les prestations familiales garanties pour sa fille, après quatre années de résidence, soit à partir du 18 janvier 2010. Par conséquent, la période pour laquelle ces prestations sont réclamées dans le cadre du litige au principal s’étend du 1 er  octobre 2007 au 18 janvier 2010.

17. Par un jugement du 23 août 2010, le tribunal du travail de Bruxelles a fait droit au recours introduit par M me Hadj Ahmed. En se référant à l’arrêt du 7 septembre 2004, Trojani (C-456/02, Rec. p. I-7573), cette juridiction a considéré que, dès lors que l’intéressée avait été autorisée à s’établir en Belgique en qualité de membre de la famille d’un citoyen de l’Union, elle était assimilée à un tel citoyen et avait droit au même traitement que celui qui est réservé aux ressortissants de cet État membre.

18. L’ONAFTS a fait appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi. Selon lui, il ne saurait être considéré que la défenderesse au principal relève du champ d’application du règlement nº 1408/71. Il émet des doutes quant au fait qu’il puisse être inféré de la directive 2004/38 qu’une personne qui n’a pas la qualité de citoyen de l’Union soit assimilée à un citoyen de l’Union dès lors qu’elle rejoint une personne ayant cette qualité. Il fait également valoir que l’arrêt Trojani, précité, vise une situation dans laquelle sont en cause un citoyen de l’Union et une prestation de sécurité sociale, soit un cas différent de celui de la défenderesse au principal.

19. La juridiction de renvoi considère que M me  Hadj Ahmed a un intérêt à se prévaloir de l’application du règlement nº 1408/71, afin d’écarter la condition de résidence de cinq ans prévue à l’article 1 er de la loi instituant des prestations familiales garanties.

20. Dans ces conditions, la cour du travail de Bruxelles a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Dans les circonstances où une ressortissante d’un État tiers (en l’espèce, de nationalité algérienne) a obtenu, moins de 5 ans auparavant, un titre de séjour dans un État membre (en l’espèce, en Belgique) pour rejoindre, hors mariage ou partenariat enregistré, un citoyen d’un autre État membre (en l’espèce, une personne de nationalité française), dont elle a un enfant (de nationalité française), cette ressortissante entre-t-elle dans le champ d’application personnel du règlement [nº] 1408/71 au titre de membre de la famille d’un travailleur ressortissant d’un État membre, pour l’octroi, en tant qu’attributaire, de prestations familiales garanties au bénéfice d’un autre enfant ressortissant d’un pays tiers (en l’espèce, de nationalité algérienne) alors que sa cohabitation avec le père de l’enfant de nationalité française a entre-temps pris fin?

2) En cas de réponse négative à la première question, dans les circonstances visées à la première question, et du fait de la présence dans son ménage de l’enfant de nationalité française, cette ressortissante d’un État tiers, ou son enfant ressortissant d’un État tiers, entrent-ils dans le champ d’application personnel du règlement [nº] 1408/71 au titre de membre de la famille d’un travailleur ressortissant d’un État membre, pour l’octroi de prestations familiales garanties à l’enfant de nationalité algérienne?

3) En cas de réponse négative aux questions qui précèdent, dans les circonstances visées à la première question, cette ressortissante d’un État tiers bénéficie-t-elle, en vertu [des articles 13, paragraphe 2, et 14] de la directive 2004/38 [...], lus conjointement avec l’article 12 CE (actuellement [article] 18 [...] TFUE), du même traitement juridique que les nationaux aussi longtemps que le droit au séjour ne lui a pas été retiré, en telle sorte qu’il est exclu que l’État belge lui impose une condition de durée de résidence pour l’octroi des prestations familiales garanties alors que cette condition n’est pas exigée des attributaires nationaux?

4) En cas de réponse négative aux questions qui précèdent, dans les circonstances visées à la première question, et en tant que mère d’un citoyen de l’[Union], cette ressortissante d’un État tiers bénéficie-t-elle, en vertu des articles 20 et 21 de la [Charte] du principe d’égalité de traitement en telle sorte qu’il est exclu que l’État belge lui impose une condition de durée de résidence pour l’octroi des prestations familiales garanties à un autre de ses enfants, ressortissant d’un pays tiers, alors que cette condition de durée de résidence n’est pas exigée pour un enfant [qui a la nationalité d’un État membre]?»

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et deuxième questions

21. Par ses deux premières questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement nº 1408/71 doit être interprété en ce sens que relèvent de son champ d’application une ressortissante d’un État tiers (ci-après la «mère») ou sa fille, qui est également ressortissante d’un État tiers (ci-après la «fille»), dès lors que celles-ci se trouvent dans la situation suivante:

– la mère a obtenu, depuis moins de cinq ans, un titre de séjour dans un État membre pour rejoindre, hors mariage ou partenariat enregistré, un ressortissant d’un autre État membre (ci-après le «ressortissant d’un autre État membre»), dont elle a un enfant ayant la nationalité de ce dernier État membre (ci-après l’«enfant commun»);

– seul le ressortissant d’un autre État membre a le statut de travailleur;

– la cohabitation entre la mère et le ressortissant d’un autre État membre a entre-temps pris fin, et

– la fille et l’enfant commun font partie du ménage de la mère.

22. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la notion de «membre de la famille» d’un travailleur, au sens du règlement nº 1408/71, est définie à l’article 1 er , sous f), i), dudit règlement comme désignant «toute personne définie ou admise comme membre de la famille ou désignée comme membre du ménage par la législation au titre de laquelle les prestations sont servies [...]; toutefois, si ces législations ne considèrent comme membre de la famille ou du ménage qu’une personne vivant sous le toit du travailleur salarié ou non salarié [...], cette condition est réputée remplie lorsque la personne en cause est principalement à la charge de ce dernier».

23. Ainsi, dans un premier temps, cette disposition renvoie expressément à la réglementation nationale en désignant comme «membre de la famille» «toute personne définie ou admise comme membre de la famille ou désignée comme membre du ménage par la législation au titre de laquelle les prestations sont servies» (arrêt du 26 novembre 2009, Slanina, C-363/08, Rec. p. I-11111, point 25).

24. Dans un second temps, l’article 1 er , sous f), i), du règlement nº 1408/71 introduit le correctif selon lequel, «toutefois, si ces législations [nationales] ne considèrent comme membre de la famille ou du ménage qu’une personne vivant sous le toit du travailleur salarié ou non salarié, cette condition est réputée remplie lorsque la personne en cause est principalement à la charge de ce dernier» (arrêt Slanina, précité, point 26).

25. La condition posée à l’article 1 er , sous f), i), du règlement nº 1408/71 serait donc remplie, comme le relèvent à bon droit le gouvernement tchèque et la Commission européenne, si, dans les circonstances de l’affaire au principal, la mère ou la fille peuvent être considérées, au sens de la loi nationale et pour l’application de celle-ci, comme «membres de la famille» du ressortissant d’un autre État membre et, dans la négative, si elles peuvent être regardées comme étant «principalement à la charge» de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt Slanina, précité, point 27).

26. Même si le dossier dont dispose la Cour contient des indices selon lesquels cette condition n’est pas remplie dans l’affaire au principal, il appartient à la juridiction de renvoi de le vérifier.

27. En revanche, ainsi que le fait valoir à bon droit le gouvernement belge, il ressort de l’article 1 er , sous f), i), du règlement nº 1408/71, tel qu’interprété au point 25 du présent arrêt, que la seule circonstance que l’enfant commun fasse partie du ménage de la mère n’est pas pertinente, en tant que telle, aux fins de la qualification de la mère ou de la fille de «membre de la famille», au sens de cette disposition, du ressortissant d’un autre État membre.

28. S’agissant d’une éventuelle application du règlement nº 859/2003, auquel se réfère également la juridiction de renvoi, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 1 er dudit règlement, celui-ci étend le champ d’application personnel du règlement nº 1408/71 à des ressortissants d’États tiers pour autant que ceux-ci ne relèvent pas déjà du champ d’application personnel de ce dernier règlement uniquement en raison de leur nationalité.

29. Or, la non-application éventuelle du règlement nº 1408/71 à la mère ou à la fille dépend non pas de la nationalité de ces dernières, mais du fait qu’elles ne puissent être considérées comme des membres de la famille, au sens de l’article 1 er , sous f), i), de ce règlement, du ressortissant d’un autre État membre.

30. En outre, en vertu de l’article 1 er du règlement nº 859/2003, un ressortissant d’un État tiers doit remplir deux conditions pour que les dispositions du règlement nº 1408/71 lui soient applicables et le soient également aux membres de sa famille. Ainsi, ce ressortissant doit, d’une part, résider légalement dans un État membre et, d’autre part, ne pas se trouver dans une situation dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre. Tel est notamment le cas lorsque la situation d’un ressortissant d’un État tiers présente des rattachements uniquement avec un État tiers et un seul État membre (voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2010, Xhymshiti, C-247/09, Rec. p. I-11845, point 28).

31. S’agissant de la première de ces conditions, il convient de constater que, eu égard aux informations figurant dans la décision de renvoi, tant la mère que la fille, pendant la période pertinente aux fins de l’affaire au principal, résidaient légalement en Belgique.

32. S’agissant de la seconde condition, la situation de la mère et celle de la fille présentent, ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, des rattachements uniquement avec un État tiers et un seul État membre, à savoir respectivement la République algérienne démocratique et populaire et le Royaume de Belgique.

33. Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que le règlement nº 859/2003 étend le champ d’application du règlement nº 1408/71 à des personnes telles que la mère ou la fille.

34. Par conséquent, il convient de répondre aux première et deuxième questions que le règlement nº 1408/71 doit être interprété en ce sens que la mère ou la fille, dès lors qu’elles se trouvent dans la situation visée au point 21 du présent arrêt, ne relèvent pas du champ d’application personnel de ce règlement, sauf si elles peuvent être considérées, au sens de la loi nationale et pour l’application de celle-ci, comme «membres de la famille» du ressortissant d’un autre État membre ou, dans la négative, si elles peuvent être regardées comme étant «principalement à la charge» de celui-ci.

Sur la troisième question

35. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 13, paragraphe 2, et 14 de la directive 2004/38, lus en combinaison avec l’article 18 TFUE, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre par laquelle celui-ci impose à la mère, dès lors qu’elle se trouve dans la situation visée au point 21 du présent arrêt, une condition de durée de résidence de cinq ans pour l’octroi des prestations familiales garanties, alors qu’il ne l’impose pas à ses propres ressortissants.

36. À cet égard, ainsi que le relèvent à bon droit les gouvernements belge et tchèque ainsi que la Commission, il ressort expressément du libellé de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 que le droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre n’est maintenu, en vertu de cette disposition et sous certaines conditions, qu’en cas de divorce, d’annulation du mariage ou de rupture d’un partenariat enregistré.

37. Or, ainsi que le confirme le libellé même de la première question, les circonstances en cause dans l’affaire au principal ne révèlent pas l’existence d’un mariage ou d’un partenariat enregistré entre la mère et le ressortissant d’un autre État membre. Dans ces conditions, cette dernière ne saurait invoquer un droit de séjour en vertu de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38, non plus qu’en vertu de l’article 14 de cette directive, lequel, à son paragraphe 2, se limite à rappeler la nécessité pour les personnes concernées de répondre aux conditions énoncées, notamment, à l’article 13 de ladite directive pour pouvoir bénéficier du maintien d’un droit de séjour.

38. La prise en compte de l’article 18 TFUE, auquel se réfère la juridiction de renvoi dans sa troisième question, ne saurait remettre en cause cette conclusion.

39. En effet, la circonstance qu’une personne telle que la défenderesse au principal disposait, durant la période pertinente aux fins de l’affaire au principal, d’un titre l’autorisant à séjourner en Belgique n’a pas pour conséquence de la faire bénéficier, en vertu de l’article 18 TFUE, du principe de non-discrimination en raison de la nationalité.

40. Certes, au point 46 de son arrêt Trojani, précité, la Cour a jugé, en substance, que, dès lors qu’un citoyen de l’Union dispose d’une carte de séjour dans un État membre, il peut se prévaloir de l’article 18 TFUE afin de se voir accorder le bénéfice d’une prestation sociale, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État membre.

41. Toutefois, cette interprétation de l’article 18 TFUE, dont le contexte est celui de la citoyenneté de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2005, Bidar, C-209/03, Rec. p. I-2119, points 37 et 39), ne saurait être transposée, telle quelle, à une situation dans laquelle un ressortissant d’un État tiers dispose d’une carte de séjour dans un État membre.

42. Cela étant dit, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. En conséquence, même si, sur le plan formel, la juridiction de renvoi a limité sa troisième question à l’interprétation de la directive 2004/38, une telle circonstance ne fait pas obstacle à ce que la Cour lui fournisse tous les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, que cette juridiction y ait fait référence ou non dans l’énoncé de ses questions. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments dudit droit qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2010, Fuß, C-243/09, Rec. p. I-9849, points 39 et 40 ainsi que jurisprudence citée).

43. Or, la Commission fait valoir que la mère pourrait invoquer, afin d’éviter qu’une condition de durée de résidence de cinq ans pour l’octroi des prestations familiales garanties lui soit imposée, le principe de non-discrimination en raison de la nationalité, en se fondant sur un droit de séjour résultant de l’article 12 du règlement nº 1612/68.

44. À cet égard, il convient de rappeler que l’objectif du règlement nº 1612/68, à savoir la libre circulation des travailleurs, exige, pour que celle-ci soit assurée dans le respect de la liberté et de la dignité, des conditions optimales d’intégration de la famille d’un travailleur migrant dans le milieu de l’État membre d’accueil (voir arrêts du 13 novembre 1990, di Leo, C-308/89, Rec. p. I-4185, point 13, ainsi que du 17 septembre 2002, Baumbast et R, C-413/99, Rec. p. I-7091, point 50).

45. Pour qu’une telle intégration puisse réussir, il est indispensable que l’enfant d’un travailleur migrant ait la possibilité d’entreprendre sa scolarité et ses études dans l’État membre d’accueil, comme le prévoit explicitement l’article 12 du règlement nº 1612/68, en vue de les terminer avec succès (arrêts du 15 mars 1989, Echternach et Moritz, 389/87 et 390/87, Rec. p. 723, point 21, ainsi que Baumbast et R, précité, point 51).

46. Selon la jurisprudence, ce droit d’accès à l’enseignement implique un droit de séjour autonome de l’enfant d’un travailleur migrant ou d’un ancien travailleur migrant, lorsque cet enfant souhaite poursuivre ses études dans l’État membre d’accueil, ainsi qu’un droit de séjour correspondant en faveur du parent assurant effectivement la garde de cet enfant (voir arrêt du 23 février 2010, Teixeira, C-480/08, Rec. p. I-1107, points 36 et 53).

47. Selon la Commission, tant la fille que l’enfant commun et, par conséquent, également la mère, dès lors que celle-ci assure effectivement la garde de ces enfants, bénéficient d’un tel droit de séjour fondé sur l’article 12 du règlement nº 1612/68.

48. Dans des circonstances telles que celles en cause au principal, cette interprétation ne saurait cependant être retenue s’agissant de la fille.

49. En effet, d’une part, il est constant que la fille n’est pas l’enfant du ressortissant d’un autre État membre. Par rapport à cette personne, elle n’a donc pas la qualité d’enfant d’un ressortissant d’un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d’un autre État membre, au sens de l’article 12 du règlement nº 1612/68.

50. D’autre part, il est certes vrai, ainsi que le fait valoir la Commission, que le droit de s’installer avec le travailleur migrant, dont bénéficient, aux termes de l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 1612/68, «son conjoint et leurs descendants de moins de vingt et un ans ou à charge», doit être interprété en ce sens qu’il bénéficie tant aux descendants de ce travailleur qu’à ceux de son conjoint (arrêt Baumbast et R, précité, point 57).

51. À cet égard, il suffit cependant de relever que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, la mère n’est pas le conjoint du ressortissant d’un autre État membre, et ne l’a pas été, le partenaire dans le cadre d’une simple cohabitation ne pouvant être considéré comme étant un «conjoint», au sens de l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 1612/68 (voir, en ce sens, arrêt du 17 avril 1986, Reed, 59/85, Rec. p. 1283, point 16). La fille ne peut donc être regardée comme l’enfant du conjoint d’un travailleur migrant ou d’un ancien travailleur migrant.

52. En revanche, s’agissant de l’enfant commun, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, cet enfant est effectivement l’enfant d’un ressortissant d’un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d’un autre État membre, au sens de l’article 12 du règlement nº 1612/68. Toutefois, pour que la mère, en tant que parent qui assure effectivement la garde de ce même enfant, puisse bénéficier d’un droit de séjour fondé sur cette disposition, il faut que l’enfant commun ait commencé à fréquenter le système éducatif de l’État membre d’accueil (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2012, Czop et Punakova, C-147/11 et C-148/11, point 29).

53. Or, la Cour ne dispose pas d’informations suffisantes au sujet de la situation de l’enfant commun et, plus particulièrement, en ce qui concerne la scolarité de ce dernier, ce qui confère, à ce stade de la procédure devant la Cour, un caractère hypothétique à une interprétation des conséquences que pourrait avoir pour le litige au principal l’existence d’un droit de séjour de la mère fondé sur l’article 12 du règlement nº 1612/68.

54. Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que les articles 13, paragraphe 2, et 14 de la directive 2004/38, lus en combinaison avec l’article 18 TFUE, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre, par laquelle celui-ci impose à la mère, dès lors qu’elle se trouve dans la situation visée au point 21 du présent arrêt, une condition de durée de résidence de cinq ans pour l’octroi des prestations familiales garanties, alors qu’il ne l’impose pas à ses propres ressortissants.

Sur la quatrième question

55. Compte tenu de la réponse apportée aux questions précédentes, il n’y a pas lieu de répondre à la quatrième question.

56. En effet, il y a lieu de rappeler que les droits fondamentaux garantis par l’ordre juridique de l’Union, y compris par la Charte, ont vocation à être appliqués dans toutes les situations régies par le droit de l’Union, mais pas en dehors de telles situations (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson, C-617/10, point 19 et jurisprudence citée).

57. Or, ainsi qu’il résulte de la réponse aux questions précédentes, la Cour ne dispose pas d’informations permettant de conclure qu’une situa tion telle que celle en cause au principal est effectivement régie par le droit de l’Union.

Sur les dépens

58. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Dispositif

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

1) Le règlement (CEE) nº 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) nº 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) nº 1992/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, doit être interprété en ce sens qu’une ressortissante d’un État tiers ou sa fille, qui est également ressortissante d’un État tiers, dès lors que celles-ci se trouvent dans la situation suivante:

– cette ressortissante d’un État tiers a obtenu, depuis moins de cinq ans, un titre de séjour dans un État membre pour rejoindre, hors mariage ou partenariat enregistré, un ressortissant d’un autre État membre, dont elle a un enfant ayant la nationalité de ce dernier État membre;

– seul ce ressortissant d’un autre État membre a le statut de travailleur;

– la cohabitation entre ladite ressortissante d’un État tiers et ledit ressortissant d’un autre État membre a entre-temps pris fin, et

– les deux enfants font partie du ménage de leur mère,

ne relèvent pas du champ d’application personnel de ce règlement, sauf si cette ressortissante d’un État tiers ou sa fille peuvent être considérées, au sens de la loi nationale et pour l’application de celle-ci, comme «membres de la famille» de ce ressortissant d’un autre État membre ou, dans la négative, si elles peuvent être regardées comme étant «principalement à la charge» de celui-ci.

2) Les articles 13, paragraphe 2, et 14 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, lus en combinaison avec l’article 18 TFUE, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre, par laquelle celui-ci impose à une ressortissante d’un État tiers, dès lors que celle-ci se trouve dans la situation visée au point 1 du dispositif du présent arrêt, une condition de durée de résidence de cinq ans pour l’octroi des prestations familiales garanties, alors qu’il ne l’impose pas à ses propres ressortissants.

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