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Document 62008CJ0297

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 4 mars 2010.
Commission européenne contre République italienne.
Manquement d’État - Environnement - Directive 2006/12/CE - Articles 4 et 5 - Gestion des déchets - Plan de gestion - Réseau adéquat et intégré d’installations d’élimination - Danger pour la santé humaine ou l’environnement - Force majeure - Troubles à l’ordre public - Criminalité organisée.
Affaire C-297/08.

European Court Reports 2010 I-01749

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2010:115

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

4 mars 2010 ( *1 )

«Manquement d’État — Environnement — Directive 2006/12/CE — Articles 4 et 5 — Gestion des déchets — Plan de gestion — Réseau adéquat et intégré d’installations d’élimination — Danger pour la santé humaine ou l’environnement — Force majeure — Troubles à l’ordre public — Criminalité organisée»

Dans l’affaire C-297/08,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 3 juillet 2008,

Commission européenne, représentée par Mme D. Recchia, MM. C. Zadra et J.-B. Laignelot, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Aiello, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par:

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par M. S. Ossowski, en qualité d’agent, assisté de Me K. Bacon, barrister,

partie intervenante,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, Mme C. Toader (rapporteur), MM. K. Schiemann, P. Kūris et L. Bay Larsen, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: Mme R. Șereș, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 décembre 2009,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

Par son recours, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas adopté, pour la région de Campanie, toutes les mesures nécessaires pour garantir que les déchets soient valorisés et éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans porter préjudice à l’environnement, et en particulier en n’ayant pas établi un réseau adéquat et intégré d’installations d’élimination, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 4 et 5 de la directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, relative aux déchets (JO L 114, p. 9).

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

2

La directive 2006/12 a procédé, dans un souci de clarté et de rationalité, à une codification de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39).

3

Les deuxième, sixième ainsi que huitième à dixième considérants de la directive 2006/12 se lisent comme suit:

«(2)

Toute réglementation en matière de gestion des déchets doit avoir comme objectif essentiel la protection de la santé de l’homme et de l’environnement contre les effets préjudiciables causés par le ramassage, le transport, le traitement, le stockage et le dépôt des déchets.

[…]

(6)

Pour atteindre un haut niveau de protection de l’environnement, il est nécessaire que les États membres non seulement veillent de manière responsable à l’élimination et à la valorisation des déchets, mais aussi qu’ils prennent des mesures visant à limiter la production de déchets, notamment en promouvant des technologies propres et des produits recyclables et réutilisables, en prenant en considération les débouchés existants ou potentiels des déchets valorisés.

[…]

(8)

Il importe que la Communauté, dans son ensemble, soit capable d’assurer elle-même l’élimination de ses déchets et il est souhaitable que chaque État membre tende individuellement vers ce but.

(9)

Pour atteindre ces objectifs, des plans de gestion des déchets devraient être établis dans les États membres.

(10)

Il convient de réduire les mouvements de déchets, et, à cette fin, les États membres peuvent prendre les mesures nécessaires dans le cadre de leurs plans de gestion.»

4

L’article 4 de la directive 2006/12 dispose:

«1.   Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les déchets seront valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans que soient utilisés des procédés ou méthodes susceptibles de porter préjudice à l’environnement, et notamment:

a)

sans créer de risque pour l’eau, l’air ou le sol, ni pour la faune et la flore;

b)

sans provoquer d’incommodités par le bruit ou les odeurs;

c)

sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier.

2.   Les États membres prennent les mesures nécessaires pour interdire l’abandon, le rejet et l’élimination incontrôlée des déchets.»

5

L’article 5 de cette directive prévoit:

«1.   Les États membres prennent les mesures appropriées, en coopération avec d’autres États membres lorsque cela s’avère nécessaire ou opportun, en vue de l’établissement d’un réseau intégré et adéquat d’installations d’élimination, en tenant compte des meilleures technologies disponibles qui n’entraînent pas de coûts excessifs. Ce réseau doit permettre à la Communauté dans son ensemble d’assurer elle-même l’élimination de ses déchets et aux États membres de tendre individuellement vers ce but, en tenant compte des conditions géographiques ou du besoin d’installations spécialisées pour certains types de déchets.

2.   Le réseau visé au paragraphe 1 doit permettre l’élimination des déchets dans l’une des installations appropriées les plus proches, grâce à l’utilisation des méthodes et technologies les plus appropriées pour garantir un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé publique.»

6

L’article 7 de la directive 2006/12 dispose:

«1.   Pour réaliser les objectifs visés aux articles 3, 4 et 5, les autorités compétentes visées à l’article 6 sont tenues d’établir dès que possible un ou plusieurs plans de gestion des déchets. Ces plans portent notamment sur:

a)

les types, les quantités et les origines des déchets à valoriser ou à éliminer;

b)

les prescriptions techniques générales;

c)

toutes les dispositions spéciales concernant des déchets particuliers;

d)

les sites et installations appropriés pour l’élimination.

2.   Les plans visés au paragraphe 1 peuvent, par exemple, inclure:

[…]

c)

les mesures appropriées pour encourager la rationalisation de la collecte, du tri et du traitement des déchets.

3.   Les États membres collaborent, le cas échéant, avec les autres États membres et la Commission, à l’établissement de ces plans. Ils les communiquent à la Commission.

[…]»

La réglementation nationale

7

Les articles 4 et 5 de la directive 2006/12 ont été transposés dans l’ordre juridique italien par le décret législatif no 152, du 3 avril 2006, relatif aux normes environnementales (supplément ordinaire à la GURI no 96, du 14 avril 2006).

8

L’article 178, paragraphe 2, de ce décret dispose:

«Il convient de valoriser ou d’éliminer les déchets sans mettre en danger la santé de l’homme ni d’utiliser de procédés ou méthodes susceptibles de porter préjudice à l’environnement, notamment:

a)

sans causer de risque pour l’eau, l’air ou le sol, ni pour la faune et la flore;

b)

sans provoquer de gênes dues au bruit ou aux odeurs;

c)

sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier, protégés par la législation en vigueur.»

9

L’article 182, paragraphe 3, dudit décret prévoit:

«L’élimination des déchets s’effectue grâce à un réseau intégré et adéquat d’installations d’élimination, en appliquant les meilleures techniques disponibles et en tenant compte du rapport entre coûts et bénéfices globaux, afin de

a)

parvenir à l’autosuffisance dans l’élimination des déchets urbains non dangereux dans des cadres territoriaux optimaux;

b)

permettre l’élimination des déchets dans l’une des installations convenant à cet effet la plus proche possible des lieux de production et de ramassage pour réduire les mouvements de déchets, en tenant compte des conditions géographiques ou du besoin d’installations spécialisées pour certains types de déchets;

c)

utiliser les méthodes et technologies les mieux à même de garantir un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé publique».

10

La loi régionale de la région de Campanie no 10/93, du 10 février 1993, sur les normes et procédures pour l’élimination des déchets en Campanie («Norme e procedure per lo smaltimento dei rifiuti in Campania»), a défini 18 zones territoriales homogènes dans lesquelles, à travers la participation obligatoire des communes relevant desdites zones, il devait être procédé à la gestion de l’élimination des déchets urbains produits dans les bassins respectifs.

Les antécédents du litige

11

Le présent recours concerne la région de Campanie, comprenant 551 communes dont la ville de Naples. Cette région est confrontée à des problèmes de gestion et d’élimination des déchets urbains.

12

Selon les indications de la République italienne contenues dans son mémoire en défense, dès l’année 1994, l’état d’urgence a été décrété dans ladite région et un commissaire délégué, cumulant les fonctions et les compétences ordinairement dévolues à d’autres organismes publics, a été nommé afin de mettre en œuvre rapidement les mesures nécessaires pour surmonter ce qui a été communément appelé la «crise des déchets».

13

Un plan de gestion des déchets urbains a été approuvé en 1997. Celui-ci prévoyait un système d’installations industrielles de valorisation thermique des déchets alimenté grâce à un système de collecte différenciée organisée au niveau de la région de Campanie.

14

Par ordonnance ministérielle no 2774, du 31 mars 1998, il a été décidé d’organiser une procédure d’appel d’offres afin de confier, pour une durée de dix ans, le traitement des déchets à des opérateurs privés capables de réaliser des installations de production de combustible dérivé de déchets (ci-après «CDD») ainsi que des installations d’incinération et des usines de thermovalorisation.

15

Les marchés en question ont été adjugés au cours de l’année 2000 aux sociétés Fibe SpA et Fibe Campania SpA, appartenant au groupe Impregilo. Ces sociétés devaient réaliser et gérer sept établissements de production de CDD et deux usines de thermovalorisation localisées respectivement à Acerra et à Santa Maria La Fossa. Les communes de la région de Campanie étaient tenues de confier le traitement de leurs déchets auxdites sociétés.

16

Cependant, l’exécution du plan a rencontré des difficultés en raison, d’une part, de l’opposition de certaines populations résidentes quant aux sites sélectionnés ainsi que, d’autre part, de la faible quantité de déchets collectée et remise au service régional. En outre, la construction des usines a pris du retard et des carences dans la conception desdites usines ont été constatées, si bien que, faute de pouvoir être traités par les infrastructures en question, les déchets se sont accumulés dans les décharges et aires de stockage disponibles jusqu’à saturation.

17

Le ministère public de Naples a également ouvert une enquête tendant à démontrer des délits de fraude dans les marchés publics. Les usines de production de CDD de la région de Campanie ont ainsi été placées sous administration judiciaire, rendant impossible l’adaptation des équipements en question. Finalement, les contrats liant l’administration à Fibe SpA et Fibe Campania SpA ont été résolus, mais la réattribution par appel d’offres de ces marchés portant sur l’élimination des déchets dans cette région aurait échoué à plusieurs reprises, notamment en raison du nombre insuffisant d’offres recevables.

La procédure précontentieuse

18

La situation de la région de Campanie a fait l’objet de discussions entre les services de la Commission et les autorités italiennes. Ainsi, le commissaire délégué à la situation de crise des déchets a, par note du 16 mai 2007, expliqué à la Commission les raisons qui avaient conduit à l’adoption du décret-loi no 61, du 11 mai 2007, prévoyant «des mesures extraordinaires pour surmonter la situation de crise dans le secteur de l’élimination des déchets en région de Campanie», comprenant notamment la construction de quatre nouvelles décharges dans les communes de Serre, de Savignano Irpino, de Tezigno et de Sant’Arcangelo Trimonte.

19

Selon cette note, les mesures exceptionnelles prévues se justifiaient «afin d’écarter le danger d’épidémies ou autres situations de crise sanitaire et afin de protéger la santé de la population». Ce document reconnaissait que «l’état de crise a été dernièrement accentué par l’absence de sites de décharge convenant à l’élimination finale des déchets» et qualifiait cet état d’«alarme sociale, de danger pour les droits fondamentaux des citoyens de Campanie et de préoccupation extrême également sous l’angle environnemental», car «les décharges illégales réalisées sans le contrôle des organismes publics compétents, les incendies spontanés ou volontaires de déchets abandonnés sont en train de compromettre l’intégrité environnementale du fait de l’émission dans l’atmosphère de substances polluantes (notamment de la dioxine) et dans le sol, ce qui fait courir le danger de dommages irréparables aux nappes aquifères».

20

Considérant que les mesures adoptées par la République italienne n’étaient pas suffisantes pour assurer un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé publique, en particulier pour établir un réseau adéquat d’installations d’élimination des déchets, et que, par conséquent, cet État membre manquait aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 4 et 5 de la directive 2006/12, la Commission a, le 29 juin 2007, transmis audit État membre une lettre de mise en demeure l’invitant à présenter ses observations dans un délai d’un mois à compter de la réception de ladite lettre.

21

Faisant suite à une invitation de la République italienne, une délégation de la Commission s’est rendue à Naples au mois de juillet 2007 pour rencontrer les autorités et constater sur place la réalité de la situation.

22

Par lettre du 3 août 2007, la République italienne a répondu à la mise en demeure, en annexant une note du directeur général du ministère de l’Environnement et de la Protection du Territoire — direction pour la qualité de la vie, datée du 2 août 2007. Compte tenu des informations reçues, la Commission a jugé opportun d’étendre les griefs à la violation des articles 3 et 7 de la directive 2006/12 et, ce faisant, elle a adressé à cet État membre, le 23 octobre 2007, une lettre de mise en demeure complémentaire l’invitant à transmettre ses observations dans un délai de deux mois à compter de sa réception.

23

Le 20 novembre 2007, une nouvelle réunion s’est tenue à Bruxelles au cours de laquelle la République italienne a présenté un nouveau projet de plan de gestion des déchets pour la région de Campanie et a fait un compte rendu de l’évolution de la situation, notamment en ce qui concerne l’avancement des constructions de certaines infrastructures, telles que des décharges. Ce plan a été adopté le 28 décembre 2007.

24

Par lettre du 24 décembre 2007, la République italienne a répondu à la mise en demeure complémentaire et a annexé à sa réponse une note du ministère de l’Environnement et de la Protection du Territoire du 21 décembre 2007.

25

Le 28 janvier 2008, une «réunion paquet» s’est tenue à Rome entre la République italienne et la Commission au cours de laquelle, s’agissant de la question de la gestion des déchets en Campanie, cet État membre a exposé le contenu d’un nouveau plan ambitionnant de résoudre la situation de crise avant la fin du mois de novembre 2008.

26

Considérant les informations fournies par la République italienne dans ces diverses correspondances ainsi que celles provenant d’autres sources, telles que les médias, des associations, des organisations et des particuliers, la Commission a, le 1er février 2008, adressé à cet État membre un avis motivé l’invitant à s’y conformer dans un délai d’un mois, étant donné l’urgence de la situation. Celui-ci a répondu audit avis par lettre transmise le 4 mars 2008 à la Commission et à laquelle étaient annexées trois notes émanant de responsables régionaux.

27

Compte tenu des informations ainsi recueillies, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

28

Par ordonnance du président de la Cour du 2 décembre 2008, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a été admis à intervenir à l’appui des conclusions de la République italienne.

Sur le recours

29

À l’appui de son recours, la Commission reproche à la République italienne une violation des articles 4 et 5 de la directive 2006/12 en ce que, d’une part, elle n’a pas établi un réseau intégré et adéquat d’installations d’élimination susceptible d’assurer l’autosuffisance en matière d’élimination des déchets sur la base du critère de proximité géographique et que, d’autre part, cette situation a engendré un danger pour la santé humaine et pour l’environnement.

30

La Commission estime que la République italienne reconnaît le manquement reproché. Elle en tient notamment pour preuve le contenu des réponses fournies par celui-ci lors de la procédure précontentieuse. Ainsi, dans sa réponse à la mise en demeure initiale, le gouvernement italien avait exposé le plan régional de gestion des déchets approuvé en 1997, tout en reconnaissant que, «même s’il a été correctement défini dans le plan régional, le système intégré de gestion des déchets ne constitue toujours pas, à l’heure actuelle, une réalité concrète», en raison notamment de retards accumulés dans la construction des deux incinérateurs prévus à Acerra et à Santa Maria La Fossa ainsi que de la fermeture de décharges. Les autorités italiennes auraient ainsi reconnu la «paralysie du système» ainsi que l’abandon illégal ou non contrôlé des déchets, qualifié par elles de «phénomène répandu en Campanie et dirigé par des secteurs de la criminalité organisée, au sujet duquel les autorités judiciaires ont ouvert différentes enquêtes».

31

Dans sa réponse à l’avis motivé, la République italienne aurait confirmé que la situation n’était pas résolue et, selon la Commission, il ressort des réponses fournies par cet État membre, et notamment des délais nécessaires à la mise en œuvre des infrastructures prévues par le dernier plan de gestion, ainsi que de la presse nationale, que, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, ledit État était encore loin d’avoir créé un réseau intégré et adéquat d’installations d’élimination reposant sur le critère de proximité.

32

En outre, certaines informations, reçues après le délai fixé dans l’avis motivé, confirmeraient la persistance du manquement. Ainsi, dans des communications datées des 21 et 28 avril 2008, transmises à la Présidence du Conseil de l’Union européenne, la République italienne aurait reconnu que les décharges prévues sur les sites de Savignano Irpino et de Sant’Arcangelo Trimonte n’entreraient en fonction, dans le meilleur des cas, qu’au mois de juillet de l’année 2008 et que, ainsi, jusqu’à cette date, seule la décharge de Macchia Soprana, située dans la commune de Serre, serait en fonction pour toute la région de Campanie.

33

La Commission s’appuie également sur une note transmise le 4 juin 2008 par laquelle la République italienne lui a notifié le décret-loi no 90 du 23 mai 2008 (supplément ordinaire à la GURI no 120, du 23 mai 2008, ci-après le «décret-loi no 90»). Le texte même dudit décret-loi constituerait un aveu des défaillances du système d’élimination des déchets dans la région de Campanie. La Commission souligne également que l’«état d’urgence» concernant la crise des déchets n’était pas levé à la date d’introduction du présent recours et devait être maintenu jusqu’au 31 décembre 2009.

34

Cependant, force est de constater que, contrairement à ce que soutient la Commission, la République italienne se défend d’avoir manqué à ses obligations lui incombant en vertu des articles 4 et 5 de la directive 2006/12. Par conséquent, il convient d’examiner le bien-fondé des griefs invoqués par la Commission à l’appui de son recours.

Sur la violation de l’article 5 de la directive 2006/12

Argumentation des parties

35

La Commission soutient que, pour considérer qu’un État membre a mis en place un réseau intégré et adéquat d’installations d’élimination tel que requis par l’article 5 de la directive 2006/12, il faut que celui-ci dispose d’un ensemble de structures techniques visant à permettre, d’une part, que les déchets impossibles à valoriser et/ou à réutiliser soient éliminés sans danger pour l’environnement et pour la santé publique et, d’autre part, que, aux fins du respect des principes d’autosuffisance et de proximité, les capacités d’absorption des établissements destinés à l’élimination des déchets, tels que les incinérateurs et les décharges, correspondent aux quantités de déchets susceptibles de devoir être éliminées dans la région concernée.

36

Or, à cet égard, le système mis en place dans la région de Campanie présenterait des défaillances certaines. Ainsi, la collecte différenciée ne couvrirait que 10,6% des déchets produits contre une moyenne communautaire de 33% et une moyenne nationale oscillant entre 19,4% pour les régions centrales d’Italie et 38,1% pour les régions du nord de cet État membre.

37

Ensuite, alors même que les décharges devraient être utilisées le moins possible, car elles constituent la pire option pour l’environnement, la majeure partie des déchets de la région de Campanie serait mise en décharge ou abandonnée illégalement. De plus, les installations de production de CDD censées les éliminer seraient déficientes et se limiteraient en réalité à les traiter, si bien qu’ils doivent ensuite être envoyés vers une autre structure aux fins de leur élimination définitive.

38

Les incinérateurs prévus dans les communes d’Acerra et de Santa Maria La Fossa ne seraient toujours pas entrés en fonction et l’ensemble de la région ne disposerait que d’une seule décharge légale en activité, celle de Serre, dont les capacités d’accueil seraient bien inférieures aux besoins réels. Enfin, de nombreuses tonnes de déchets auraient été transportées en Allemagne et dans d’autres régions d’Italie en vue de leur élimination et un accord prévoyant des envois supplémentaires aurait été signé avec la République fédérale d’Allemagne.

39

Selon la Commission, au 2 mars 2008, les déchets jonchant la voie publique s’élevaient à 55000 tonnes, s’ajoutant aux 110000 à 120000 tonnes de déchets en attente de traitement dans les sites municipaux de stockage. Or, la Cour aurait dit pour droit, dans l’arrêt du 26 avril 2005, Commission/Irlande (C-494/01, Rec. p. I-3331), qu’un système de décharges proches de la saturation et la présence de dépôts illégaux à travers le pays constituaient une violation de l’article 5 de la directive 2006/12.

40

La République italienne conclut au rejet du recours. Selon elle, le grief tiré d’une violation de l’article 5 de la directive 2006/12 procède d’une analyse insuffisante des causes historiques de la situation grave sévissant dans la région de Campanie. En outre, cet État membre aurait fait tous les efforts possibles pour endiguer cette crise, qu’il s’agisse de la mise en œuvre de considérables moyens administratifs et militaires, que des importants investissements financiers qui ont été réalisés (400 millions d’euros entre l’année 2003 et l’année 2008).

41

S’agissant de la collecte des déchets, si la République italienne reconnaît que les chiffres avancés par la Commission en moyenne régionale sont exacts, elle souligne, toutefois, que des initiatives de collecte extraordinaires ont été entreprises et que, d’une manière générale, on assiste à une augmentation du niveau de collecte différenciée dans la région de Campanie, laquelle devrait être renforcée par la mise en application de l’ordonnance du président du Conseil no 3639/08. Ainsi, entre le 14 janvier et le 1er mars 2008, 348000 tonnes de déchets auraient été collectés, notamment dans les rues, et mis en sécurité. À ce jour, la capacité totale d’élimination des déchets serait supérieure à la production journalière dans la région. 530 communes auraient mis en œuvre les premières mesures pour procéder à la collecte différenciée, 73 communes (environ 370000 habitants) auraient atteint des pourcentages de 50% à 90% tandis que 134 communes (environ un million d’habitants) avoisineraient les 25% à 50%.

42

Par ailleurs, au mois de juin 2008, la décharge de Savignano Irpino aurait été ouverte, suivie de celle de San Arcangelo Trimonte. Concernant les incinérateurs, le nouveau plan prévu dans le décret-loi no 90 prévoirait la construction de deux autres incinérateurs à Naples et à Salerno qui viendraient s’ajouter à ceux d’Acerra et de Santa Maria La Fossa. D’autres infrastructures seraient également en cours de réalisation telles que les décharges de Chiaiano, de Terzigno, de Sant Tammaro et d’Andretta ou encore les thermovalorisateurs d’Acerra et de Salerno.

43

S’agissant des sept usines de production de CDD dont la Commission souligne qu’elles ne sont pas encore opérationnelles, la République italienne fait valoir que les dysfonctionnements constatés dans ces usines sont dus à des inexécutions contractuelles, voire à des comportements délictueux ou criminels, qui seraient indépendants de sa volonté.

44

S’agissant des décharges, si la République italienne reconnaît qu’à la date impartie dans l’avis motivé, seule la décharge de Macchia Soprana à Serre était en fonction, elle souligne toutefois que l’ouverture d’autres aires de décharges aurait été entravée par les actions de protestation de la population qui auraient même rendu nécessaire l’intervention des forces armées.

45

Or, toutes ces circonstances seraient de nature à constituer des cas de force majeure au sens de la jurisprudence.

46

Par conséquent, la République italienne estime que la violation de l’article 5 de la directive 2006/12 ne peut être imputée à son inertie et souligne, par ailleurs, que les déversements illicites de déchets sur le territoire de la région de Campanie font l’objet d’une constante activité de bonification et n’ont jamais représenté une alternative proposée, suggérée ou avalisée par les autorités nationales, celles-ci ayant fait tout leur possible pour assurer l’enlèvement de ces déchets, y compris à travers le recours à la force publique.

47

S’agissant de la possibilité de reconnaître un cas de force majeure, la Commission rappelle, dans sa réplique, que cette notion exige que le fait en cause ou sa non-réalisation «soit dû à des circonstances étrangères à celui qui l’invoque, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées» (arrêt du 8 mars 1988, McNicholl e.a., 296/86, Rec. p. 1491, point 11 ainsi que jurisprudence citée).

48

En outre, dans le cas où un fait a pu constituer un cas de force majeure, ses effets ne peuvent durer que pendant une certaine période, à savoir pendant le temps matériellement nécessaire à une administration faisant preuve d’une diligence normale pour mettre fin à la situation de crise indépendante de sa volonté (arrêt du 11 juillet 1985, Commission/Italie, 101/84, Rec. p. 2629, point 16).

49

Or, la Commission rappelle que l’inadaptation du système d’élimination des déchets dans la région de Campanie remonte à l’année 1994. S’agissant des protestations et des troubles à l’ordre public causés par les populations locales, ces phénomènes auraient été prévisibles et ne revêtiraient aucun caractère exceptionnel dans la mesure où la situation de crise et les protestations qu’elle a suscitées résultent précisément du manquement persistant des autorités nationales aux obligations prévues par la directive 2006/12.

50

Quant à la présence d’associations criminelles, la Commission rappelle que cette circonstance, à la supposer établie, ne saurait justifier la méconnaissance par l’État membre de ses obligations découlant de la directive 2006/12 (voir arrêt du 18 décembre 2007, Commission/Italie, C-263/05, Rec. p. I-11745, point 51).

51

S’agissant enfin de la circonstance que les entreprises adjudicataires n’ont pas respecté leurs engagements contractuels de mettre en service les installations de traitement des déchets, la Commission estime qu’elle ne saurait constituer une circonstance anormale et imprévisible, notamment parce que, contrairement à ce que fait valoir la République italienne, les autorités auraient pu prévoir des clauses spécifiques pour s’en prémunir.

52

En ce qui concerne les poursuites pénales diligentées par le ministère public contre certains responsables de ces entreprises et la difficulté pour les autorités de trouver un autre soumissionnaire pour reprendre les activités en cause, la Commission soutient que, conformément à une jurisprudence constante, un État membre ne saurait exciper de dispositions, de pratiques ou de situations de son ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations et délais prescrits par une directive (voir arrêt du 18 décembre 2007, Commission/Italie, précité, point 51).

53

Le Royaume-Uni limite ses observations à l’interprétation de l’article 5 de la directive 2006/12. Selon cet État membre, contrairement à ce que suggère la Commission par l’introduction du présent recours, les obligations incombant aux États membres en vertu de cette disposition sont applicables au niveau national et non au niveau régional. Ainsi les principes d’autosuffisance et de proximité, selon lesquels le réseau intégré et adéquat d’installations d’élimination «doit permettre à la Communauté dans son ensemble d’assurer elle-même l’élimination de ses déchets et aux États membres de tendre individuellement vers ce but», et ce «dans l’une des installations appropriées les plus proches», devraient s’entendre sur une base territoriale communautaire ou nationale, mais non régionale.

54

Par conséquent, cet État membre ne partage pas le point de vue de la Commission selon lequel il y aurait une violation de l’article 5 de la directive 2006/12 lorsque, au sein d’une région donnée d’un État membre, les installations d’élimination des déchets ne sont pas suffisantes pour répondre aux besoins d’élimination de cette région. En effet, à l’instar du Royaume-Uni qui s’est organisé ainsi s’agissant des déchets dangereux, les États membres pourraient faire le choix de transporter certains types de déchets d’une région pour les faire traiter et éliminer dans des installations situées dans d’autres régions, pour autant que l’ensemble de la demande nationale est assurée par le réseau national d’installations d’élimination des déchets.

55

La jurisprudence de la Cour confirmerait également cette approche nationale du principe d’autosuffisance et, en outre, le libellé de l’article 16, paragraphe 4, de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO L 312, p. 3), corroborerait une telle interprétation, puisque cet article de la nouvelle directive sur les déchets dispose que «[l]es principes de proximité et d’autosuffisance ne signifient pas que chaque État membre doit posséder la panoplie complète d’installations de valorisation finale sur son territoire».

56

La République italienne partage le point de vue du Royaume-Uni et relève que l’influence de la région de Campanie sur sa production nationale de déchets est limitée.

57

La Commission, tout en estimant que les questions d’interprétation soulevées par le Royaume-Uni ne sont pas pertinentes dans le cadre du présent recours, concède que les États membres sont libres de déterminer le niveau administratif adéquat pour la gestion des déchets. Ainsi, aux fins du respect de l’article 5 de la directive 2006/12, un État membre pourrait ne disposer que d’une seule installation nationale, si celle-ci couvre le traitement des déchets produits, ou seulement de quelques installations spécialisées, par exemple celles traitant les déchets dangereux que l’on retrouve au Royaume-Uni.

58

La Commission souligne cependant que, pour déterminer comment interpréter et appliquer les principes d’autosuffisance et de proximité, il est également nécessaire de prendre en considération la nature des déchets ainsi que la quantité de déchets produite. Or, les déchets ménagers seraient produits localement et quotidiennement, nécessitant par principe une collecte et un traitement presque immédiats et à proximité.

59

La République italienne aurait fait le choix d’une gestion au niveau des aires territoriales optimales («ambito territoriale ottimale») comme paramètre géographique d’autosuffisance et de proximité. À cet égard, la Commission souligne qu’elle ne reproche pas à cet État membre le niveau administratif retenu pour la mise en place d’un système intégré de gestion et d’élimination des déchets. En revanche, elle lui reproche de ne pas avoir mis en place un tel système dans la région de Campanie où, concrètement, les déchets ne sont pas éliminés dans des installations situées à proximité de leur lieu de production et où les expéditions de déchets vers d’autres régions ou d’autres États membres n’ont constitué que des solutions ponctuelles ad hoc à la crise sanitaire et environnementale et, par conséquent, ne font pas partie d’un système intégré d’installations d’élimination.

Appréciation de la Cour

60

Ainsi qu’il ressort des arguments invoqués par la Commission lors de la procédure précontentieuse ainsi que des mémoires déposés dans le cadre de la procédure devant la Cour, il y a lieu de constater que, par son recours, la Commission vise, d’une manière générale, la question de l’élimination des déchets dans la région de Campanie et, plus particulièrement, ainsi que cela résulte de sa réponse au mémoire en intervention déposé par le Royaume-Uni, l’élimination des déchets urbains. Par conséquent, nonobstant la réponse fournie par cette institution à une question posée lors de l’audience, elle ne demande pas à la Cour de constater un manquement de la République italienne en ce qui concerne la catégorie spécifique des déchets dangereux, lesquels relèvent en partie de la directive 91/689/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, relative aux déchets dangereux (JO L 377, p. 20).

61

Conformément à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2006/12, les États membres doivent prendre les mesures appropriées en vue de l’établissement d’un réseau intégré et adéquat d’installations d’élimination des déchets devant permettre, d’une part, à la Communauté dans son ensemble d’assurer elle-même l’élimination de ses déchets et, d’autre part, aux États membres de tendre individuellement vers ce but. À cette fin, les États membres doivent tenir compte des conditions géographiques ou du besoin d’installations spécialisées pour certains types de déchets.

62

Aux fins de l’établissement d’un tel réseau intégré, les États membres disposent d’une marge d’appréciation quant au choix de la base territoriale qu’ils jugent appropriée pour atteindre une autosuffisance nationale en termes de capacité d’élimination des déchets, et ainsi permettre à la Communauté d’assurer elle-même l’élimination de ses déchets.

63

Ainsi que l’a relevé à juste titre le Royaume-Uni, certains types de déchets peuvent présenter une telle spécificité, comme par exemple les déchets dangereux, que leur traitement peut être utilement regroupé aux fins de leur élimination au sein d’une ou de quelques structures à l’échelle nationale, voire, ainsi que le prévoient expressément les articles 5, paragraphe 1, et 7, paragraphe 3, de la directive 2006/12, dans le cadre d’une coopération avec d’autres États membres.

64

Cependant, la Cour a déjà eu l’occasion de souligner que l’une des plus importantes mesures devant être adoptées par les États membres dans le cadre de l’obligation qui leur incombe, en vertu de la directive 2006/12, d’établir des plans de gestion pouvant inclure, en particulier, des mesures appropriées pour encourager la rationalisation de la collecte, du tri et du traitement des déchets, est celle, prévue à l’article 5, paragraphe 2, de cette directive, consistant à rechercher un traitement des déchets dans l’installation la plus proche possible (voir arrêt du 9 juin 2009, Commission/Allemagne, C-480/06, Rec. p. I-4747, point 37).

65

La Cour a ainsi dit pour droit que les critères de localisation des sites d’élimination des déchets doivent être choisis à la lumière des objectifs poursuivis par la directive 2006/12 au rang desquels figurent notamment la protection de la santé et de l’environnement ainsi que l’établissement d’un réseau intégré et adéquat d’installations d’élimination, ledit réseau devant permettre en particulier l’élimination des déchets dans l’une des installations appropriées les plus proches. Ainsi de tels critères de localisation devraient porter, notamment, sur la distance de tels sites par rapport aux habitats où sont produits les déchets, l’interdiction de réaliser des installations à proximité de zones sensibles et l’existence d’infrastructures adéquates pour l’acheminement des déchets, telles que le raccordement à des réseaux de transport (voir arrêt du 1er avril 2004, Commune de Braine-le-Château e.a., C-53/02 et C-217/02, Rec. p. I-3251, point 34).

66

S’agissant de déchets urbains non dangereux, lesquels ne nécessitent pas, en principe, d’installations spécialisées telles que celles requises pour le traitement des déchets dangereux, les États membres doivent donc s’efforcer de disposer d’un réseau permettant de répondre aux besoins d’installations d’élimination des déchets au plus près des lieux de production, sans préjudice de la possibilité d’organiser un tel réseau dans le cadre de coopérations interrégionales, voire transfrontalières, qui répondent au principe de proximité.

67

Il s’ensuit que, ainsi que l’a souligné la Commission, lorsqu’un État membre a singulièrement fait le choix dans le cadre du ou de ses «plans de gestion des déchets», au sens de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2006/12, d’organiser la couverture de son territoire sur une base régionale, il convient d’en déduire que chaque région dotée d’un plan régional devra assurer, en principe, le traitement et l’élimination de ses déchets au plus près du lieu de leur production. En effet, le principe de correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement, principe établi pour l’action de la Communauté en matière d’environnement à l’article 191 TFUE, implique qu’il appartient à chaque région, commune ou autre entité locale de prendre les mesures appropriées afin d’assurer la réception, le traitement et l’élimination de ses propres déchets et que ceux-ci doivent donc être éliminés aussi près que possible du lieu de leur production, en vue de limiter leur transport autant que faire se peut (voir arrêt du 17 mars 1993, Commission/Conseil, C-155/91, Rec. p. I-939, point 13 et jurisprudence citée).

68

Par conséquent, dans un tel réseau national défini par l’État membre, si l’une des régions ne dispose pas, dans une mesure et sur une durée significatives, d’infrastructures suffisantes pour couvrir ses besoins en termes d’élimination des déchets, il peut être déduit que de telles insuffisances graves au niveau régional sont susceptibles d’affecter ledit réseau national d’installations d’élimination des déchets, lequel ne présentera plus le caractère intégré et adéquat requis par la directive 2006/12 et devant permettre à l’État membre concerné de tendre individuellement vers l’objectif d’autosuffisance tel que défini à l’article 5, paragraphe 1, de cette directive.

69

En l’espèce, il convient de relever, ainsi que l’a souligné la Commission, que la République italienne a fait elle-même le choix d’une gestion des déchets au niveau de la région de Campanie en tant qu’«aire territoriale optimale». En effet, ainsi qu’il ressort de la loi régionale de 1993 et du plan régional de gestion des déchets de 1997, tel que modifié par celui de 2007, il a été décidé, afin d’atteindre une autosuffisance régionale, d’obliger les communes de la région de Campanie à remettre les déchets collectés sur leurs territoires au service régional, une telle obligation pouvant au demeurant se justifier par la nécessité de garantir un niveau d’activité indispensable à la viabilité des installations de traitement afin de préserver l’existence de capacités de traitement concourrant à la réalisation du principe d’autosuffisance au niveau national (voir arrêt du 13 décembre 2001, DaimlerChrysler, C-324/99, Rec. p. I-9897, point 62).

70

En outre, dans la mesure où, selon les affirmations de la République italienne, d’une part, la production en déchets urbains de la région de Campanie représente 7% de la production nationale, c’est-à-dire une part non négligeable de cette production, et, d’autre part, la population de ladite région représente environ 9% de la population nationale, une déficience importante dans la capacité de cette région à éliminer ses déchets est de nature à compromettre sérieusement la capacité de l’État membre en cause à tendre vers l’objectif d’une autosuffisance nationale.

71

Dans ces conditions, il convient d’examiner si, à l’intérieur du réseau national italien d’installations d’élimination des déchets, ladite région dispose d’installations suffisantes permettant une élimination des déchets urbains à proximité du lieu de leur production.

72

À cet égard, la République italienne a reconnu que les installations en service, qu’il s’agisse des décharges, des incinérateurs ou des centrales de thermovalorisation, n’étaient pas en nombre suffisant pour permettre de couvrir les besoins d’élimination des déchets de la région de Campanie.

73

En effet, elle a admis que, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, une seule décharge était en service pour toute la région de Campanie, que les installations de production de CDD de ladite région ne permettaient pas d’assurer l’élimination définitive des déchets et que les incinérateurs prévus à Acerra et à Santa Maria La Fossa n’étaient toujours pas en fonction.

74

Ainsi qu’il ressort du plan régional de gestion des déchets approuvé en 1997 et des plans subséquents adoptés par les autorités italiennes pour remédier à la crise des déchets, lesdites autorités ont notamment estimé que, pour atteindre une couverture des besoins d’élimination des déchets urbains dans la région de Campanie, d’autres décharges devaient entrer en service, telles que celles de Savignano Irpino et de Sant’Arcangelo Trimonte, deux autres incinérateurs devaient s’ajouter à ceux prévus à Acerra et à Santa Maria La Fossa, et que les installations de production de CDD devraient être rendues véritablement opérationnelles.

75

Si l’article 5 de la directive 2006/12 permet une coopération interrégionale dans la gestion et l’élimination des déchets, voire une coopération entre États membres, il n’en reste pas moins que, dans la présente affaire, même avec l’assistance d’autres régions italiennes et des autorités allemandes, il n’a pas été possible de remédier au déficit structurel en termes d’installations nécessaires à l’élimination des déchets urbains produits dans la région de Campanie. En témoignent, à cet égard, les quantités importantes de déchets s’étant amoncelées sur les voies publiques de cette région.

76

En outre, le faible taux de collecte différenciée des ordures dans la région de Campanie, par rapport aux moyennes nationale et communautaire, n’a fait qu’aggraver la situation.

77

La République italienne a fait valoir devant la Cour qu’elle s’efforçait de remédier à la situation dans la région de Campanie et l’a informé de la mise en service effective, postérieure au 2 mai 2008, des décharges de Savignano Irpino et de San Arcangelo Trimonte ainsi que des mesures prévues dans le nouveau plan du 23 mai 2008, incluant la réalisation de quatre autres décharges, la construction de deux autres incinérateurs et la réalisation des thermovalorisateurs d’Acerra et de Salerno. En outre, le taux de collecte différenciée serait en nette amélioration et les capacités d’élimination journalière des déchets dans la région seraient supérieures à la production si bien que la situation de crise des déchets devrait se résorber.

78

Si de telles mesures démontrent que certaines initiatives sont entreprises pour surmonter les difficultés de la région de Campanie, il n’en reste pas moins que, ce faisant, la République italienne reconnaît clairement que, au terme du délai fixé dans l’avis motivé, les installations existantes et fonctionnelles dans la région de Campanie étaient loin de couvrir les besoins réels de cette région en terme d’élimination des déchets.

79

Par ailleurs et en tout état de cause, il convient de rappeler que la Cour a jugé à maintes reprises que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêts du 14 septembre 2004, Commission/Espagne, C-168/03, Rec. p. I-8227, point 24, et du 27 octobre 2005, Commission/Luxembourg, C-23/05, Rec. p. I-9535, point 9).

80

La République italienne fait encore valoir que le manquement reproché ne lui est pas imputable, mais est, au contraire, imputable à certains évènements constitutifs de cas de force majeure tels que l’opposition de la population à l’installation de décharges sur le territoire de leurs communes, l’existence d’activités criminelles dans la région ainsi que l’inexécution par des cocontractants de l’administration de leurs obligations en ce qui concernait la réalisation de certaines installations nécessaires à la région.

81

À cet égard, il y a lieu de relever que la procédure visée à l’article 258 TFUE repose sur la constatation objective du non-respect par un État membre des obligations que lui imposent le traité ou un acte de droit dérivé (voir arrêts du 1er mars 1983, Commission/Belgique, 301/81, Rec. p. 467, point 8, et du 4 mai 2006, Commission/Royaume-Uni, C-508/03, Rec. p. I-3969, point 67).

82

Dès lors qu’un tel constat a, comme en l’espèce, été établi, il est sans pertinence que le manquement résulte de la volonté de l’État membre auquel il est imputable, de sa négligence ou bien encore de difficultés techniques auxquelles celui-ci aurait été confronté (arrêt du 1er octobre 1998, Commission/Espagne, C-71/97, Rec. p. I-5991, point 15).

83

S’agissant de l’opposition manifestée par la population locale à l’égard de l’implantation de certaines installations d’élimination, il résulte d’une jurisprudence constante qu’un État membre ne saurait exciper de situations internes, telles que les difficultés d’application apparues au stade de l’exécution d’un acte communautaire, y compris celles liées à la résistance de particuliers, pour justifier le non-respect des obligations et délais résultant des normes du droit communautaire (voir arrêts du 7 avril 1992, Commission/Grèce, C-45/91, Rec. p. I-2509, points 20 et 21, ainsi que du 9 décembre 2008, Commission/France, C-121/07, Rec. p. I-9159, point 72).

84

Concernant la présence d’activités criminelles ou de personnes présentées comme agissant «à la limite de la légalité» qui seraient actives dans le secteur de la gestion des déchets, il suffit de relever que cette circonstance, à la supposer établie, ne saurait justifier la méconnaissance, par cet État membre, de ses obligations découlant de la directive 2006/12 (arrêt du 18 décembre 2007, Commission/Italie, précité, point 51).

85

S’agissant des inexécutions contractuelles de la part des entreprises en charge de la réalisation de certaines infrastructures d’élimination des déchets, il suffit également de rappeler que, même si la notion de force majeure ne présuppose pas une impossibilité absolue, elle exige néanmoins que la non-réalisation du fait en cause soit due à des circonstances étrangères à celui qui l’invoque, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées (arrêt McNicholl e.a., précité, point 11).

86

Or, une administration diligente aurait dû prendre les mesures nécessaires soit pour se prémunir contre les inexécutions contractuelles en question dans la région de Campanie, soit pour s’assurer que, malgré lesdites défaillances, la réalisation effective et en temps voulu des infrastructures nécessaires à l’élimination des déchets de la région soit assurée.

87

Quant au reproche de la République italienne adressé à la Commission, tendant à critiquer le fait que celle-ci a introduit le présent recours des années après la survenance de la crise des déchets et au moment même où cet État membre a adopté les mesures permettant une sortie de crise, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les règles édictées à l’article 258 TFUE doivent trouver application sans que la Commission soit tenue au respect d’un délai déterminé (voir, notamment, arrêts du 16 mai 1991, Commission/Pays-Bas, C-96/89, Rec. p. I-2461, point 15, et du 24 avril 2007, Commission/Pays-Bas, C-523/04, Rec. p. I-3267, point 38). Celle-ci dispose ainsi du pouvoir d’apprécier à quelle date il peut y avoir lieu d’introduire un recours, et il n’appartient donc pas à la Cour, en principe, de contrôler une telle appréciation (arrêt du 10 mai 1995, Commission/Allemagne, C-422/92, Rec. p. I-1097, point 18).

88

Compte tenu de ce qui précède, il convient de constater que, en ne s’étant pas assurée que, dans le cadre de la gestion régionale des déchets dans la région de Campanie, cette dernière dispose à suffisance d’installations lui permettant d’éliminer ses déchets urbains à proximité de leur lieu de production, la République italienne a failli à son obligation d’établir un réseau adéquat et intégré d’installations d’élimination lui permettant de tendre vers le but d’assurer l’élimination de ses déchets, et a, par conséquent, manqué à ses obligations lui incombant en vertu de l’article 5 de la directive 2006/12.

Sur la violation de l’article 4 de la directive 2006/12

Argumentation des parties

89

La Commission souligne que la République italienne n’a jamais nié l’existence d’une situation extrêmement grave pour l’environnement et pour la santé humaine, découlant de l’absence de réseau intégré et adéquat d’installations d’élimination des déchets. Cet État membre l’aurait au contraire reconnue explicitement.

90

S’appuyant notamment sur les arrêts du 26 avril 2007, Commission/Italie (C-135/05, Rec. p. I-3475), et du 24 mai 2007, Commission/Espagne (C-361/05), la Commission estime qu’il est incontestable que les déchets jonchant la voie publique ainsi que ceux en attente de traitement dans les sites de stockage constituent une dégradation significative de l’environnement et du paysage ainsi qu’une menace réelle tant pour l’environnement que pour la santé humaine. En effet, de tels amoncellements seraient susceptibles d’engendrer une contamination du sol et des nappes aquifères, des émissions de substances polluantes dans l’atmosphère à la suite de l’autocombustion des déchets et des incendies provoqués par la population, des pollutions subséquentes des produits agricoles et de l’eau potable ou encore des émanations malodorantes.

91

La République italienne soutient, en s’appuyant sur une étude des services du commissaire délégué, que la situation dans la région de Campanie du point de vue de la gestion des déchets n’a pas eu de conséquence dommageable pour la sécurité publique ni pour la santé humaine. Elle estime également que le grief soulevé par la Commission est trop général, dans la mesure où il ne précise pas à laquelle des trois hypothèses visées aux points a) à c) de l’article 4 de la directive 2006/12 le présent recours se réfère.

92

Par ailleurs, la République italienne estime que la Commission n’apporte aucune preuve au soutien de ses allégations. Elle se contenterait de s’appuyer sur les constatations de la Cour, dans l’arrêt du 26 avril 2007, Commission/Italie, précité, relatives à l’existence de décharges abusives sur le territoire italien. Par ailleurs, elle tenterait de déduire automatiquement de la violation de l’article 5 de la directive 2006/12 un manquement à l’article 4 de cette directive.

93

Enfin, les autorités italiennes auraient surveillé de près l’impact sur la santé des personnes des déchets laissés à l’abandon sur les routes, mais aucune augmentation du nombre de maladies infectieuses ni de celui de la mortalité due à des tumeurs ou à des malformations congénitales n’aurait été observée en lien avec la présence de décharges sauvages. Quant à la pollution des nappes, si l’on excepte deux dépassements sporadiques dans des zones limitées, les nappes et eaux phréatiques n’auraient pas présenté d’anomalies chimiques ou biologiques. Il en irait de même s’agissant de l’exposition de la population aux fumées des incendies causés par les amas de déchets où, à l’exception d’un cas, aucun risque n’aurait été constaté.

94

S’agissant de l’étude sur laquelle s’appuie la République italienne et selon laquelle «même dans la phase la plus aiguë de la crise en Campanie, aucune conséquence préjudiciable à la sécurité publique et à la santé publique en particulier n’a été constatée», la Commission souligne que les résultats de ladite étude, cosignée par l’Organisation mondiale de la santé, «corroborent la notion d’anomalie relevée dans la zone située au nord-est de la province de Naples et au sud-ouest de la province de Caserte; cette zone est également celle où les pratiques illégales d’élimination et d’incinération des déchets solides urbains et dangereux sont les plus fréquentes». Cette étude aurait également confirmé «l’hypothèse selon laquelle des taux excessifs de mortalité et de malformations tendent à se concentrer dans les zones où la présence de sites connus d’élimination de déchets est la plus forte» et, en tout état de cause, indiquerait que «[…] la résolution basse des données sanitaires et […] l’insuffisance des données environnementales […] conduisent vraisemblablement à une sous-estimation du risque».

95

L’affirmation de la République italienne quant à l’absence de conséquences préjudiciables à la santé non seulement ne serait pas étayée par des preuves scientifiques produites par cet État membre lui-même, mais en plus elle semblerait conditionner la violation de l’article 4 de la directive 2006/12 à l’existence effective de problèmes de santé directement imputables à la crise des déchets. Cependant, la Commission estime au contraire que les obligations découlant dudit article 4 sont de nature préventive. Ainsi, les États membres devraient prendre les mesures appropriées pour éviter les situations de danger. Or, en l’espèce, les situations de danger pour l’environnement et la santé publique seraient plus qu’attestées, dureraient depuis longtemps et seraient le résultat du comportement ou plutôt de l’inaction des autorités italiennes compétentes.

Appréciation de la Cour

96

À titre liminaire, il convient de rappeler que, si l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2006/12 ne précise pas le contenu concret des mesures qui doivent être prises pour assurer que les déchets soient éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans porter préjudice à l’environnement, il n’en reste pas moins que cette disposition lie les États membres quant à l’objectif à atteindre, tout en laissant aux États membres une marge d’appréciation dans l’évaluation de la nécessité de telles mesures (arrêts du 9 novembre 1999, Commission/Italie, C-365/97, Rec. p. I-7773, point 67, et du 18 novembre 2004, Commission/Grèce, C-420/02, Rec. p. I-11175, point 21).

97

Il n’est donc, en principe, pas possible de déduire directement de la non-conformité d’une situation de fait avec les objectifs fixés à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2006/12 que l’État membre concerné a nécessairement manqué aux obligations imposées par cette disposition, à savoir prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les déchets soient éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans porter préjudice à l’environnement. Toutefois, la persistance d’une telle situation de fait, notamment lorsqu’elle entraîne une dégradation significative de l’environnement pendant une période prolongée sans intervention des autorités compétentes, peut révéler que les États membres ont outrepassé la marge d’appréciation que leur confère cette disposition (arrêts précités du 9 novembre 1999, Commission/Italie, point 68, et du 18 novembre 2004, Commission/Grèce, point 22).

98

S’agissant de l’étendue territoriale du prétendu manquement, le fait que le recours de la Commission vise à faire constater que la République italienne a manqué à son obligation de prendre les mesures nécessaires dans la seule région de Campanie ne saurait avoir une incidence sur la constatation éventuelle d’un manquement (voir arrêt du 9 novembre 1999, Commission/Italie, précité, point 69).

99

En effet, les conséquences du non-respect de l’obligation résultant de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2006/12 risquent, par la nature même de cette obligation, de mettre en danger la santé de l’homme et de porter préjudice à l’environnement même dans une partie réduite du territoire d’un État membre (arrêt du 9 novembre 1999, Commission/Italie, précité, point 70), tel que c’était également le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 avril 1992, Commission/Grèce, précité.

100

Il convient donc d’examiner si la Commission a établi à suffisance de droit que, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, la République italienne avait omis, pendant une période prolongée, de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les déchets produits dans la région de Campanie soient valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans que soient utilisés des procédés ou des méthodes susceptibles de porter préjudice à l’environnement.

101

Si, dans le cadre d’une procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué en apportant à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque (arrêt du 22 janvier 2009, Commission/Portugal, C-150/07, point 65 et jurisprudence citée), il convient de tenir compte du fait que, s’agissant de vérifier l’application correcte en pratique des dispositions nationales destinées à assurer la mise en œuvre effective de la directive 2006/12, la Commission, qui ne dispose pas de pouvoirs propres d’investigation en la matière, est largement tributaire des éléments fournis par d’éventuels plaignants, des organismes publics ou privés, de la presse ainsi que par l’État membre concerné lui-même (voir, en ce sens, arrêts du 26 avril 2005, Commission/Irlande, C-494/01, Rec. p. I-3331, point 43, et du 26 avril 2007, Commission/Italie, précité, point 28).

102

Il s’ensuit notamment que, lorsque la Commission a fourni suffisamment d’éléments faisant apparaître certains faits situés sur le territoire de l’État membre défendeur, il incombe à celui-ci de contester de manière substantielle et détaillée les données ainsi présentées et les conséquences qui en découlent (voir, en ce sens, arrêts du 9 novembre 1999, Commission/Italie, précité, points 84 et 86, ainsi que du 22 décembre 2008, Commission/Espagne, C-189/07, point 82).

103

À cet égard, il convient tout d’abord de relever que la République italienne ne conteste pas que, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, les déchets jonchant la voie publique s’élevaient à 55000 tonnes, s’ajoutant aux 110000 à 120000 tonnes de déchets en attente de traitement dans les sites municipaux de stockage. En tout état de cause, ces données ressortent de la note du commissaire délégué du 2 mars 2008, annexée à la réponse de cet État membre à l’avis motivé. En outre, selon les indications fournies par ledit État, les populations exaspérées par un tel amoncellement ont pris l’initiative, préjudiciable à l’environnement et à leur propre santé, de déclencher des incendies dans les tas d’immondices.

104

Il ressort donc de manière patente de ce qui précède que, dans la région de Campanie, cet État membre n’a pas été en mesure de satisfaire à l’obligation qui lui incombe, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2006/12, de prendre les mesures nécessaires pour interdire l’abandon, le rejet et l’élimination incontrôlée des déchets.

105

Ensuite, il convient de rappeler que les déchets ont une nature particulière, si bien que leur accumulation, avant même qu’ils ne deviennent dangereux pour la santé, constitue, compte tenu notamment de la capacité limitée de chaque région ou localité à les recevoir, un danger pour l’environnement (arrêt du 9 juillet 1992, Commission/Belgique, C-2/90, Rec. p. I-4431, point 30).

106

Un tel amoncellement sur la voie publique et sur des aires de stockage temporaires de quantités si importantes de déchets, tel que cela était le cas dans la région de Campanie au terme du délai fixé dans l’avis motivé, a donc indubitablement créé un «risque pour l’eau, l’air, le sol» ainsi que «pour la faune et la flore» au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/12. En outre, de telles quantités de déchets provoquent inévitablement des «incommodités par les odeurs» au sens du paragraphe 1, sous b), de cet article, en particulier lorsque les déchets demeurent, sur une longue période, entreposés à ciel ouvert dans les rues et sur les routes.

107

Par ailleurs, compte tenu de l’absence de disponibilité de décharges suffisantes, la présence de telles quantités de déchets hors de lieux de stockage appropriés et autorisés est susceptible de porter «atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier» au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/12.

108

Eu égard au caractère circonstancié des éléments produits par la Commission, notamment les différents rapports établis par les autorités italiennes elles-mêmes et communiqués aux institutions européennes ainsi que les coupures de presse annexées à sa requête, et compte tenu de la jurisprudence rappelée aux points 80 et 81 du présent arrêt, la République italienne ne saurait se borner à soutenir que les faits reprochés ne sont pas établis ou que les déversements de déchets dans les rues, notamment de Naples, ne sont pas le fait de la volonté de cet État membre.

109

En outre, ainsi que le soutient à juste titre la Commission, l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2006/12 a une fonction préventive en ce sens que les États membres ne doivent pas exposer la santé de l’homme à un danger lors des opérations de valorisation et d’élimination des déchets.

110

Or, la République italienne elle-même a reconnu la dangerosité de la situation dans la région de Campanie pour la santé de l’homme, notamment dans les rapports et notes transmis aux institutions européennes. À cet égard, les considérants du décret-loi no 90, notifié par la République italienne à la Présidence du Conseil de l’Union européenne, se réfèrent explicitement à «la gravité des conditions sociales, économiques et environnementales découlant de la situation d’urgence [en matière de gestion des déchets], qui sont susceptibles de compromettre gravement les droits fondamentaux de la population de la région de Campanie, exposée […] à des risques d’ordre hygiénique, sanitaire et environnemental».

111

Il en résulte que les éléments invoqués par la République italienne dans le cadre du présent recours pour démontrer que ladite situation n’a eu en pratique aucune conséquence ou, à tout le moins, n’a eu que de faibles répercussions sur la santé des personnes ne sont pas de nature à infirmer le constat selon lequel la situation préoccupante d’accumulation de déchets sur les voies publiques a exposé la santé des populations à un danger certain, et ce en méconnaissance de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2006/12.

112

Par conséquent, le grief soulevé par la Commission tiré d’une violation de l’article 4 de la directive 2006/12 doit être déclaré fondé.

113

Compte tenu de tout ce qui précède, il convient de constater que, en n’ayant pas adopté, pour la région de Campanie, toutes les mesures nécessaires pour garantir que les déchets soient valorisés et éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans porter préjudice à l’environnement, et en particulier en n’ayant pas établi un réseau adéquat et intégré d’installations d’élimination, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 4 et 5 de la directive 2006/12.

Sur les dépens

114

Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République italienne et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. En application de l’article 69, paragraphe 4, du règlement de procédure, le Royaume-Uni supportera pour sa part ses propres dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête:

 

1)

En n’ayant pas adopté, pour la région de Campanie, toutes les mesures nécessaires pour garantir que les déchets soient valorisés et éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans porter préjudice à l’environnement, et en particulier en n’ayant pas établi un réseau adéquat et intégré d’installations d’élimination, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 4 et 5 de la directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, relative aux déchets.

 

2)

La République italienne est condamnée aux dépens.

 

3)

Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supporte ses propres dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’italien.

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