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Document 62007CJ0424

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 3 décembre 2009.
Commission européenne contre République fédérale d'Allemagne.
Manquement d’État - Communications électroniques - Directive 2002/19/CE - Directive 2002/21/CE - Directive 2002/22/CE - Réseaux et services - Réglementation nationale - Marchés nouveaux.
Affaire C-424/07.

European Court Reports 2009 I-11431

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2009:749

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

3 décembre 2009 ( *1 )

«Manquement d’État — Communications électroniques — Directive 2002/19/CE — Directive 2002/21/CE — Directive 2002/22/CE — Réseaux et services — Réglementation nationale — Marchés nouveaux»

Dans l’affaire C-424/07,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 13 septembre 2007,

Commission européenne, représentée par MM. G. Braun et A. Nijenhuis, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

République fédérale d’Allemagne, représentée par M. M. Lumma, en qualité d’agent, assisté de M. C. Koenig, professeur, et de Me S. Loetz, Rechtsanwalt,

partie défenderesse,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de la troisième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász, G. Arestis (rapporteur) et T. von Danwitz, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: Mme K. Sztranc-Sławiczek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 février 2009,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 avril 2009,

rend le présent

Arrêt

1

Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en adoptant les articles 3, point 12b, et 9a de la loi sur les télécommunications (Telekommunikationsgesetz), du 22 juin 2004 (BGBl. 2004 I, p. 1190, ci-après le «TKG»), introduits par la loi modifiant les dispositions en matière de télécommunications (Gesetz zur Änderung telekommunikationsrechtlicher Vorschriften), du 18 février 2007 (BGBl. 2007 I, p. 106), la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 8, paragraphe 4, de la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive «accès») (JO L 108, p. 7), des articles 6 à 8, paragraphes 1 et 2, 15, paragraphe 3, et 16 de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre») (JO L 108, p. 33), ainsi que de l’article 17, paragraphe 2, de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel») (JO L 108, p. 51).

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

2

L’article 8, paragraphe 4, de la directive «accès» dispose:

«Les obligations imposées conformément au présent article sont fondées sur la nature du problème constaté, proportionnées et justifiées au regard des objectifs énoncés à l’article 8 de la directive [‘cadre’]. Ces obligations ne peuvent être imposées qu’après la consultation prévue aux articles 6 et 7 de ladite directive.»

3

Conformément au vingt-septième considérant de la directive «cadre», «[i]l est essentiel que les obligations réglementaires ex ante ne soient imposées qu’en l’absence de concurrence effective c’est-à-dire sur les marchés où opèrent une ou plusieurs entreprises disposant d’une puissance significative sur le marché et lorsque les recours fondés sur le droit national ou le droit communautaire de la concurrence ne suffisent pas à résoudre le problème. Il est donc nécessaire que la Commission élabore, conformément aux principes du droit de la concurrence, des lignes directrices au niveau communautaire à l’intention des autorités réglementaires nationales [ci-après les ‘ARN’] pour qu’elles puissent évaluer le caractère effectif de la concurrence sur un marché donné et la puissance sur le marché des entreprises concernées. Il convient que les [ARN] déterminent, après analyse, si le marché, pour un produit ou service donné, est réellement concurrentiel dans une zone géographique donnée qui peut couvrir tout ou partie du territoire de l’État membre concerné ou dans un ensemble de zones proches de territoires appartenant à des États membres. Cette analyse du caractère effectif de la concurrence devrait notamment porter sur les perspectives que ce marché offre en termes de concurrence afin de déterminer si une éventuelle absence de concurrence effective est susceptible de perdurer. Ces lignes directrices aborderont également la question des nouveaux marchés émergents dans lesquels, de facto, l’entreprise qui domine le marché risque d’avoir une part de marché considérable mais ne doit pas pour autant être soumise à des obligations non justifiées. La Commission devrait réexaminer ces lignes directrices régulièrement afin de s’assurer qu’elles sont toujours adaptées à un marché en évolution rapide. Les [ARN] devront coopérer entre elles lorsque le marché pertinent s’avérera être transnational».

4

Aux termes du onzième considérant de la directive «cadre», «[c]onformément au principe de la séparation des fonctions de réglementation et d’exploitation, les États membres devraient garantir l’indépendance de la ou des [ARN], afin d’assurer l’impartialité de leurs décisions. […]».

5

L’article 1er, paragraphe 1, de la directive «cadre» précise:

«La présente directive crée un cadre harmonisé pour la réglementation des services de communications électroniques, des réseaux de communications électroniques et des ressources et services associés. Elle fixe les tâches incombant aux [ARN] et établit une série de procédures visant à garantir l’application harmonisée du cadre réglementaire dans l’ensemble de la Communauté.»

6

L’article 3, paragraphes 2 et 3, de cette directive prévoit:

«2.   Les États membres garantissent l’indépendance des [ARN] en faisant en sorte que celles-ci soient juridiquement distinctes et fonctionnellement indépendantes de toutes les organisations assurant la fourniture de réseaux, d’équipements ou de services de communications électroniques. Les États membres qui conservent la propriété ou le contrôle d’entreprises qui assurent la fourniture de réseaux et/ou de services de communications électroniques veillent à la séparation structurelle effective de la fonction de réglementation d’une part, et des activités inhérentes à la propriété ou à la direction de ces entreprises d’autre part.

3.   Les États membres veillent à ce que les [ARN] exercent leurs pouvoirs de manière impartiale et transparente.»

7

Aux termes de l’article 6 de la directive «cadre»:

«Sauf dans les cas relevant de l’article 7, paragraphe 6, ou des articles 20 ou 21, les États membres veillent à ce que les [ARN], lorsqu’elles ont l’intention, en application de la présente directive ou des directives particulières, de prendre des mesures ayant des incidences importantes sur le marché pertinent, donnent aux parties intéressées l’occasion de présenter leurs observations sur le projet de mesures dans un délai raisonnable. Les [ARN] publient les procédures de consultation nationales. Les États membres veillent à ce que soit mis en place un guichet d’information unique permettant l’accès à toutes les consultations en cours. Les résultats de la procédure de consultation sont rendus publics par l’[ARN], sauf s’il s’agit d’informations confidentielles au sens du droit communautaire et national sur le secret des affaires.»

8

L’article 7 de cette directive prévoit:

«1.   Dans l’accomplissement des tâches qui leur sont assignées en vertu de la présente directive et des directives particulières, les [ARN] tiennent le plus grand compte des objectifs énoncés à l’article 8, y compris ceux qui touchent au fonctionnement du marché intérieur.

2.   Les [ARN] contribuent au développement du marché intérieur en coopérant entre elles et avec la Commission, de manière transparente, afin de veiller à l’application cohérente, dans tous les États membres, des dispositions de la présente directive et des directives particulières. À cet effet, elles s’emploient en particulier à convenir des types d’instruments et des solutions les plus appropriés pour traiter des types particuliers de situations sur le marché.

3.   Outre la consultation visée à l’article 6, dans les cas où une [ARN] a l’intention de prendre une mesure:

a)

qui relève des articles 15 ou 16 de la présente directive, des articles 5 ou 8 de la directive [‘accès’] ou de l’article 16 de la directive [‘service universel’], et

b)

qui aurait des incidences sur les échanges entre les États membres,

elle met en même temps à disposition de la Commission et des [ARN] des autres États membres le projet de mesure ainsi que les motifs sur lesquels elle est fondée, conformément à l’article 5, paragraphe 3, et en informe la Commission et les autres [ARN]. Les [ARN] et la Commission ne peuvent adresser des observations à l’[ARN] concernée que dans un délai d’un mois ou dans le délai visé à l’article 6, si celui-ci est plus long. Le délai d’un mois ne peut pas être prolongé.

4.   Lorsque la mesure envisagée au paragraphe 3 vise:

a)

à définir un marché pertinent qui diffère de ceux recensés dans la recommandation adoptée conformément à l’article 15, paragraphe 1, ou

b)

à décider de désigner ou non une entreprise comme disposant, individuellement ou conjointement avec d’autres, d’une puissance significative sur le marché, conformément à l’article 16, paragraphes 3, 4 ou 5,

et aurait des incidences sur les échanges entre les États membres et que la Commission a indiqué à l’[ARN] qu’elle estime que le projet de mesure fera obstacle au marché unique ou si elle a de graves doutes quant à sa compatibilité avec le droit communautaire et en particulier avec les objectifs visés à l’article 8, l’adoption du projet de mesure est retardée de deux mois supplémentaires. Ce délai ne peut être prolongé. Dans ce délai, la Commission peut, conformément à la procédure visée à l’article 22, paragraphe 2, prendre la décision de demander à l’[ARN] concernée de retirer son projet de mesure. Cette décision est accompagnée d’une analyse circonstanciée et objective des raisons pour lesquelles la Commission estime que le projet de mesure ne doit pas être adopté, ainsi que de propositions précises relatives aux modifications à apporter au projet de mesure.

5.   L’[ARN] concernée tient le plus grand compte des observations formulées par les autres [ARN] et par la Commission et, à l’exception des cas visés au paragraphe 4, elle peut adopter le projet de mesure final et, le cas échéant, le communiquer à la Commission.

[…]»

9

Sous le titre «Objectifs généraux et principes réglementaires», l’article 8, paragraphes 1 et 2, de la directive «cadre» dispose:

«1.   Les États membres veillent, dans l’accomplissement des tâches de réglementation spécifiées dans la présente directive ainsi que dans les directives particulières, à ce que les [ARN] prennent toutes les mesures raisonnables visant à la réalisation des objectifs définis aux paragraphes 2, 3 et 4. Ces mesures sont proportionnées à ces objectifs.

Les États membres veillent à ce que les [ARN], dans l’accomplissement des tâches de réglementation spécifiées dans la présente directive ainsi que dans les directives particulières, notamment celles conçues pour assurer une concurrence effective, tiennent le plus grand compte du fait qu’il est souhaitable que la réglementation technologique soit neutre.

[…]

2.   Les [ARN] promeuvent la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques et des ressources et services associés, notamment:

a)

en veillant à ce que les utilisateurs, y compris les utilisateurs handicapés, retirent un bénéfice maximal en termes de choix, de prix et de qualité;

b)

en veillant à ce que la concurrence ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des communications électroniques;

c)

en encourageant des investissements efficaces en matière d’infrastructures, et en soutenant l’innovation, et

d)

en encourageant l’utilisation et la gestion efficaces des radiofréquences et des ressources de numérotation.»

10

L’article 15 de la directive «cadre» concerne la procédure de définition du marché. Son paragraphe 3 prévoit:

«Les [ARN] tiennent le plus grand compte de la recommandation et des lignes directrices pour la définition des marchés pertinents correspondant aux circonstances nationales, en particulier les marchés géographiques pertinents sur leur territoire, conformément aux principes du droit de la concurrence. Les [ARN] suivent les procédures prévues aux articles 6 et 7 avant de définir des marchés qui diffèrent de ceux figurant dans la recommandation.»

11

L’article 16 de cette directive qui vise la procédure d’analyse de marché dispose:

«1.   Dès que possible après l’adoption de la recommandation ou de sa mise à jour éventuelle, les [ARN] effectuent une analyse des marchés pertinents, en tenant le plus grand compte des lignes directrices. Les États membres veillent à ce que cette analyse soit effectuée, le cas échéant, en coopération avec les autorités nationales chargées de la concurrence.

2.   Lorsque, conformément aux articles 16, 17, 18 ou 19 de la directive [‘service universel’] ou aux articles 7 ou 8 de la directive [‘accès’], l’[ARN] est tenue de se prononcer sur l’imposition, le maintien, la modification, ou la suppression d’obligations à la charge des entreprises, elle détermine, sur la base de son analyse de marché visée au paragraphe 1 du présent article, si un marché pertinent est effectivement concurrentiel.

3.   Lorsqu’une [ARN] conclut que le marché est effectivement concurrentiel, elle n’impose ni ne maintient l’une quelconque des obligations réglementaires spécifiques visées au paragraphe 2. Dans les cas où des obligations réglementaires sectorielles s’appliquent déjà, elle supprime ces obligations pour les entreprises sur ce marché pertinent. Les parties concernées par cette suppression d’obligations en sont averties dans un délai approprié.

4.   Lorsqu’une [ARN] détermine qu’un marché pertinent n’est pas effectivement concurrentiel, elle identifie les entreprises puissantes sur ce marché conformément à l’article 14 et impose à ces entreprises les obligations réglementaires spécifiques appropriées visées au paragraphe 2 du présent article ou maintient ou modifie ces obligations si elles sont déjà appliquées.

5.   Dans le cas de marchés transnationaux recensés dans la décision visée à l’article 15, paragraphe 4, les [ARN] concernées effectuent conjointement l’analyse de marché en tenant le plus grand compte des lignes directrices, et se prononcent de manière concertée sur l’imposition, le maintien, la modification ou la suppression d’obligations réglementaires sectorielles visées au paragraphe 2 du présent article.

6.   Les mesures prises conformément aux paragraphes 3, 4 et 5 sont soumises aux procédures prévues aux articles 6 et 7.»

12

L’article 17, paragraphe 2, de la directive «service universel» dispose:

«Les obligations imposées au titre du paragraphe 1 sont fondées sur la nature du problème identifié et sont proportionnelles et justifiées à la lumière des objectifs établis à l’article 8 de la directive [‘cadre’]. Les obligations imposées peuvent inclure l’exigence que les entreprises visées ne pratiquent pas de prix excessifs, n’interdisent pas l’accès au marché ou ne restreignent pas la concurrence en fixant des prix d’éviction, ni ne privilégient de manière abusive certains utilisateurs finals ou groupent leurs services de façon déraisonnable. Les [ARN] peuvent appliquer à ces entreprises des mesures d’encadrement des tarifs de détail, des mesures visant à maîtriser certains tarifs ou des mesures visant à moduler les tarifs en fonction des coûts ou des prix sur des marchés comparables, afin de protéger les intérêts des utilisateurs finals tout en favorisant une concurrence réelle.»

13

Selon le quinzième considérant de la recommandation de la Commission du 11 février 2003 concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d’être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive 2002/21 (JO L 114, p. 45, ci-après la «recommandation de la Commission»), les marchés nouveaux et émergents, sur lesquels des entreprises peuvent être puissantes grâce aux «avantages du précurseur», ne devraient pas être soumis en principe à une réglementation ex ante.

14

Le point 1 de la recommandation de la Commission dispose:

«Il est recommandé aux [ARN] d’analyser les marchés de produits et de services énumérés en annexe avant de définir des marchés pertinents conformément à l’article 15, paragraphe 3, de la directive [‘cadre’].»

15

Aux termes du point 1 des lignes directrices de la Commission sur l’analyse du marché et l’évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et les services de communication électroniques (JO 2002, C 165, p. 6, ci-après les «lignes directrices»):

«Les présentes lignes énoncent les principes sur lesquels les [ARN] doivent fonder leur analyse des marchés et de la concurrence effective en application du nouveau cadre réglementaire pour les réseaux et les services de communications électroniques.»

16

Le point 6 de ces lignes directrices énonce:

«Les présentes lignes directrices ont pour but de guider les ARN dans l’exercice de leurs nouvelles responsabilités en matière de définition des marchés et d’évaluation de la puissance sur ces marchés. […]»

17

Conformément au point 32 des lignes directrices:

«En ce qui concerne les marchés émergents, le [vingt-septième] considérant de la directive ‘[c]adre’ indique que ces marchés, dans lesquels, de facto, l’entreprise qui domine le marché risque d’avoir une part de marché considérable, ne doivent pas pour autant être soumis à une réglementation ex ante inadaptée. En effet, l’imposition prématurée d’une réglementation ex ante peut altérer les facteurs de concurrence en germe sur un marché nouveau et émergent. […]»

La réglementation nationale

18

D’après l’article 2, paragraphe 2, du TKG, intitulé «Réglementation et objectifs»:

«Les objectifs de la réglementation consistent à:

1.

sauvegarder les intérêts des utilisateurs, en particulier des consommateurs, dans le domaine des télécommunications, ainsi que le secret des télécommunications,

2.

garantir une concurrence équitable et promouvoir des marchés des télécommunications concurrentiels durables dans le domaine des services et réseaux de télécommunications ainsi que des ressources et services associés, et ce aussi bien dans les zones rurales qu’urbaines,

3.

encourager des investissements efficaces en matière d’infrastructures et soutenir les innovations,

4.

promouvoir le développement du marché intérieur de l’Union européenne,

5.

garantir à des prix abordables une desserte de base en services de télécommunications sur l’ensemble du territoire (prestations de service universel),

6.

promouvoir les services de télécommunications au niveau des institutions publiques,

7.

garantir une utilisation de fréquences efficace et exempte de brouillages, également en considération des intérêts de la radiodiffusion,

8.

assurer une utilisation efficace des ressources de numérotation,

9.

sauvegarder les intérêts de la sécurité publique.»

19

Conformément à l’article 3, point 12b, du TKG, intitulé «Définitions»:

«Un ‘nouveau marché’ est un marché de services et de produits qui se distinguent de manière significative des services et produits disponibles jusqu’alors sur le plan de leur efficacité, de leur portée, de leur disponibilité pour un grand nombre d’utilisateurs (capacité d’un marché de masse), de leur prix ou de leur qualité du point de vue d’un acheteur avisé, et qui ne remplacent pas simplement ces produits; […]»

20

Aux termes de l’article 9a du TKG, intitulé «Nouveaux marchés»:

«1.   Sous réserve du paragraphe ci-après, les nouveaux marchés ne sont, en principe, pas soumis à la réglementation au sens de la partie 2.

2.   Lorsque certains faits laissent supposer qu’en l’absence de réglementation, le développement d’un marché concurrentiel durable dans le domaine des services ou des réseaux de télécommunications serait entravé à long terme, la ‘Bundesnetzagentur’ [autorité allemande de réglementation du secteur des télécommunications] peut, par dérogation au paragraphe 1 ci-dessus, soumettre un nouveau marché à la réglementation au sens de la partie 2, conformément aux dispositions des articles 9, 10, 11 et 12. Pour apprécier le besoin de réglementation et pour imposer des mesures, la ‘Bundesnetzagentur’ tient compte en particulier de l’objectif de promotion des investissements efficients dans les infrastructures et de soutien des innovations.»

La procédure précontentieuse

21

À la suite de contacts entre la Commission et la République fédérale d’Allemagne au sujet des réserves de cette première sur la conformité des nouvelles dispositions du TKG au regard du cadre réglementaire commun sur les communications électroniques, la Commission a, par lettre du 26 février 2007, engagé la procédure en manquement prévue à l’article 226 CE, en mettant la République fédérale d’Allemagne en demeure de présenter ses observations dans un délai de quinze jours. À la demande de cet État membre, ce délai a été prorogé de quinze jours supplémentaires.

22

Par lettre du 28 mars 2007, la République fédérale d’Allemagne a fait valoir que les nouvelles dispositions du TKG étaient en totale conformité avec le droit communautaire.

23

La Commission a émis, le 3 mai 2007, un avis motivé invitant cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai d’un mois à compter de sa réception. Par lettre du 4 juin 2007, la République fédérale d’Allemagne a défendu sa position et, le 5 juin 2007, elle a présenté à la Commission une disposition administrative de la Bundesnetzagentur, intitulée «Principes d’interprétation de la Bundesnetzagentur concernant l’article 9a du TKG».

24

Dans ces conditions, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

Sur le recours

Sur la recevabilité

Argumentation des parties

25

La République fédérale d’Allemagne considère le présent recours comme étant irrecevable au motif que la Commission n’a ni engagé, ni mené correctement la procédure précontentieuse, ni encore respecté ses droits de la défense.

26

D’une part, la Commission aurait décidé d’engager la procédure en manquement le 20 décembre 2006, alors qu’il n’existait pas encore de loi nationale susceptible de justifier un prétendu manquement, celle-ci ayant été publiée au Bundesgesetzblatt le 23 février 2007. Il ressortirait, d’autre part, de l’attitude de cette institution et, notamment, de ses communiqués de presse que celle-ci était décidée à rejeter les arguments invoqués par la République fédérale d’Allemagne sans un quelconque examen et à saisir la Cour le plus rapidement possible. Une telle attitude aurait empêché cet État membre de se défendre efficacement lors de la procédure précontentieuse.

27

Ledit État membre conclut également à l’irrecevabilité du recours dans la mesure où, afin de constater un manquement aux dispositions des directives en cause, la Commission aurait dû utiliser la procédure prévue à l’article 7 de la directive «cadre», qui vise la consolidation des décisions des ARN vis-à-vis de la Commission. Cette disposition prévoirait une procédure autonome, ayant le même objet qu’une procédure en manquement, destinée à garantir une application conforme et cohérente du cadre réglementaire commun dans tous les États membres afin de permettre la réalisation du marché intérieur des réseaux et services de communication.

28

La Commission rétorque, tout d’abord, qu’elle a notifié la lettre de mise en demeure à la République fédérale d’Allemagne après la publication de la loi litigieuse au Bundesgesetzblatt. La Commission relève, également, qu’elle n’est pas tenue d’attendre toutes les formalités prévues par le droit national avant de décider d’engager une procédure en manquement.

29

Elle considère, ensuite, qu’elle a examiné les arguments de la République fédérale d’Allemagne lors de la procédure précontentieuse, mais n’a pu s’y rallier. En tout état de cause, cet État membre n’invoquerait pas là une question de recevabilité, mais contesterait le bien-fondé du recours.

30

Enfin, la Commission soutient que la Cour a déjà jugé qu’il ne peut être dérogé à la compétence générale dévolue à la Commission au titre de l’article 226 CE par une procédure particulière prévue par une directive.

Appréciation de la Cour

31

Premièrement, il y a lieu de relever que les nouvelles dispositions du TKG ont été publiées au Bundesgesetzblatt, le 23 février 2007, et sont entrées en vigueur le jour après leur publication. Si, certes, le 20 décembre 2006, la Commission a chargé le commissaire responsable d’ouvrir une procédure en manquement contre la République fédérale d’Allemagne, il n’en reste pas moins que cette procédure n’a été engagée contre ledit État membre que par l’envoi de la lettre de mise en demeure, le 26 février 2007, postérieurement à la publication et à l’entrée en vigueur des dispositions concernées. Les manquements allégués étaient donc en tout état de cause préalables à l’émission de la lettre de mise en demeure.

32

Deuxièmement, la République fédérale d’Allemagne soutient qu’il ressort de l’attitude de la Commission que celle-ci était décidée à rejeter les arguments invoqués par cet État membre sans un quelconque examen.

33

À cet égard, il convient de relever, d’abord, que le communiqué de presse de la Commission du 26 février 2007, auquel se réfère la République fédérale d’Allemagne, ne fait pas apparaître que la Commission n’aurait pas respecté les droits de la défense de l’État membre concerné. En effet, la circonstance que la Commission a annoncé dans ce communiqué le lancement d’une procédure accélérée à l’encontre dudit État membre n’implique pas pour autant que la Commission aurait eu l’intention de ne pas prendre en considération l’argumentation que l’État membre allait développer au cours de la procédure précontentieuse.

34

Ensuite, il doit être constaté, d’une part, que la République fédérale d’Allemagne a pu utilement faire valoir son point de vue au cours de la procédure précontentieuse et, d’autre part, que la Commission a effectivement pris en compte la position défendue par cet État membre. À cet effet, il doit être rappelé que, dans la lettre de mise en demeure du 26 février 2007, la République fédérale d’Allemagne a été invitée à déposer des observations dans un délai de quinze jours, qui a ultérieurement été porté à un mois à la demande dudit État membre. Ce dernier a communiqué sa réponse à la lettre de mise en demeure le 28 mars 2007. Il ressort de l’avis motivé, et notamment de son point 4, intitulé «arguments de l’Allemagne et la réponse de la Commission», que la Commission a dûment pris en compte l’argumentation développée par cet État membre dans sa réponse à la lettre de mise en demeure.

35

Dans ces conditions, le grief tiré d’une violation des droits de la défense doit être rejeté. Dans la mesure où la Commission aurait fait une analyse erronée de la réponse de la République fédérale d’Allemagne à la lettre de mise en demeure, il convient de rappeler que, même à supposer cette allégation fondée, celle-ci constitue non pas une cause d’irrecevabilité, mais un élément qu’il incombe à la Cour, le cas échéant, de prendre en considération dans l’appréciation du fond de l’affaire (arrêt du 14 juin 2007, Commission/Irlande, C-148/05, point 39).

36

S’agissant, troisièmement, de l’argument selon lequel la Commission aurait dû utiliser la procédure prévue à l’article 7 de la directive «cadre» afin de constater un manquement aux dispositions des directives en cause dans le présent recours, il importe de rappeler que des procédures particulières d’une directive ne peuvent déroger ni se substituer aux compétences de la Commission au titre de l’article 226 CE (voir, notamment, arrêt du 24 janvier 1995, C-359/93, Commission/Pays-Bas, Rec. p. I-157, point 13).

37

Il ressort des considérations qui précèdent que le recours doit être déclaré recevable.

Sur le fond

38

À l’appui de son recours, la Commission invoque, en substance, deux griefs. Le premier est tiré de ce que la République fédérale d’Allemagne a, en violation des articles 8, paragraphes 1 et 2, 15 et 16 de la directive «cadre», de l’article 8, paragraphe 4, de la directive «accès» et de l’article 17, paragraphe 2, de la directive «service universel», limité le pouvoir discrétionnaire de l’ARN en définissant dans les nouvelles dispositions du TKG la notion de «nouveaux marchés», en y prévoyant le principe de non-réglementation de ces marchés, en y imposant des conditions plus restrictives que celles prévues par le cadre réglementaire commun lorsque, à titre exceptionnel, ces marchés sont susceptibles d’être soumis à une réglementation, et en privilégiant un objectif réglementaire particulier lors de l’analyse desdits marchés. Le second grief est tiré du non-respect des procédures de consultation et de consolidation, prévues aux articles 6 et 7 de la directive «cadre».

39

La République fédérale d’Allemagne conteste le manquement qui lui est reproché.

Sur le grief tiré de la limitation du pouvoir discrétionnaire de l’ARN

Argumentations des parties

40

La Commission fait valoir que les nouvelles règles introduites par les articles 3, point 12b, et 9a du TKG réduisent le pouvoir discrétionnaire de l’ARN. Ces dispositions contourneraient les procédures de définition et d’analyse du marché, ainsi que celles d’imposition de mesures réglementaires correctives, qui ont été mises en place par le cadre réglementaire commun sur les communications électroniques.

41

En adoptant les articles 3, point 12b, et 9a du TKG, le législateur allemand aurait défini la notion de nouveaux marchés, aurait énoncé le principe de non-réglementation de ces marchés, aurait fixé au préalable les conditions restrictives dans lesquelles l’ARN serait autorisée, à titre exceptionnel, à réglementer ceux-ci et aurait exigé que celle-ci soit particulièrement attentive à un objectif réglementaire spécifique. Lesdites dispositions du TKG iraient à l’encontre des dispositions du cadre réglementaire communautaire qui portent sur l’étendue du pouvoir des ARN, tels que les articles 8 de la directive «accès», 8, 15 et 16 de la directive «cadre» ainsi que 17 de la directive «service universel».

42

La Commission considère, tout d’abord, que, en définissant les nouveaux marchés, l’article 3, point 12b, du TKG limite le pouvoir discrétionnaire de l’ARN allemande prévu à l’article 15, paragraphe 3, de la directive «cadre». En effet, en vertu de cette disposition, les ARN définiraient les marchés pertinents correspondant aux circonstances nationales, en particulier les marchés géographiques pertinents sur leur territoire, conformément aux principes du droit de la concurrence.

43

La Commission soutient, ensuite, que, contrairement aux procédures de définition et d’analyse du marché, prévues par le cadre réglementaire commun, l’article 9a, paragraphe 1, du TKG prévoit que, en principe, les nouveaux marchés ne sont pas soumis à la «réglementation», au sens de la partie 2 du TKG.

44

De plus, la Commission relève que, lorsque l’article 9a, paragraphe 2, du TKG prévoit de soumettre, à titre exceptionnel, un nouveau marché à la réglementation, les conditions prévues à cet effet sont plus restrictives que celles de l’article 16 de la directive «cadre». En effet, ce dernier article exigerait uniquement l’absence d’une concurrence effective dans le marché pertinent et non pas, comme le ferait la disposition susmentionnée du TKG, une entrave à long terme au développement d’un marché concurrentiel durable.

45

Enfin, de l’avis de la Commission, l’article 9a, paragraphe 2, du TKG enfreint l’article 8, paragraphes 1 et 2, de la directive «cadre». Cette disposition insisterait spécifiquement sur un seul des objectifs réglementaires, à savoir la promotion des investissements efficaces dans les infrastructures et le soutien des innovations. Or, l’article 8, paragraphe 2, de la directive «cadre» n’établirait aucune hiérarchisation de ces objectifs et les articles 8, paragraphe 4, de la directive «accès» et 17, paragraphe 2, de la directive «service universel» disposeraient clairement que les ARN imposent des mesures correctives proportionnées et justifiées au regard des objectifs de l’article 8 de la directive «cadre», sans qu’une priorité particulière ne soit attribuée à l’un desdits objectifs.

46

La République fédérale d’Allemagne considère que les articles 3, point 12b, et 9a du TKG sont conformes au cadre réglementaire commun sur les communications électroniques.

47

Cet État membre fait valoir que les directives de ce cadre réglementaire visent l’harmonisation des législations des États membres et laissent, de ce fait, une marge de manœuvre suffisante à ceux-ci afin de préciser les notions abstraites utilisées par ces directives et de garantir l’effet utile des objectifs visés par celles-ci. Les griefs de la Commission seraient fondés sur une interprétation extensive du cadre réglementaire sur les télécommunications ainsi que sur une évaluation incorrecte des effets des dispositions du TKG.

48

La République fédérale d’Allemagne relève que les articles 3, point 12b, et 9a du TKG réalisent une préstructuration du pouvoir discrétionnaire de l’ARN, visant à assurer un niveau plus élevé de sécurité juridique, conformément aux objectifs de l’article 4 de la directive «cadre». La Commission, à cet égard, n’indiquerait ni quelle disposition des directives du cadre réglementaire commun sur les communications électroniques permettrait de conclure à l’existence d’un tel pouvoir discrétionnaire ni, en tout état de cause, quelle disposition du TKG limiterait ce pouvoir. En effet, l’utilisation du mot «peut» à l’article 9a, paragraphe 2, du TKG indiquerait que l’ARN doit faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour examiner le besoin de réglementation d’un nouveau marché. La Commission exigerait donc une transposition textuelle des dispositions desdites directives, comme s’il s’agissait d’un règlement, tendant ainsi vers une uniformisation plutôt que vers une harmonisation du droit des États membres.

49

Selon la République fédérale d’Allemagne, il ressort du vingt-septième considérant de la directive «cadre», du point 32 des lignes directrices ainsi que du quinzième considérant de la recommandation de la Commission que, en règle générale, les nouveaux marchés ne devraient pas être soumis à une réglementation ex ante. À cet égard, l’article 9a du TKG n’aurait pas pour effet d’introduire une nouvelle procédure de vérification isolée, mais préciserait, s’agissant des nouveaux marchés, les dispositions relatives à la procédure de réglementation générale du marché, prévues aux articles 10 et 11 du TKG. Ainsi, le besoin de réglementation d’un marché serait examiné dans tous les cas, mais la prise de mesures de réglementation par l’ARN serait exclue, en vertu de l’article 9a, paragraphe 1, du TKG, lorsqu’un tel besoin ne serait pas identifié.

50

S’agissant de la définition du marché pertinent, la République fédérale d’Allemagne affirme que le cadre réglementaire commun ne s’oppose pas à une réglementation de la définition du marché par le législateur national. Elle relève que, en tout état de cause, l’article 3, point 12b, du TKG ne constitue pas une définition de marché, mais prévoit des critères abstraits permettant, à la suite d’une définition du marché, de déterminer s’il s’agit d’un nouveau marché ou non. Ainsi, les articles 3, point 12b, et 9a du TKG permettraient à l’ARN de définir, au cas par cas, le marché pertinent en accord avec les principes du droit de la concurrence et n’entraîneraient pas une divergence par rapport à la procédure habituelle de définition du marché.

51

En outre, la République fédérale d’Allemagne soutient que le critère du marché concurrentiel durable ainsi que l’exigence d’une entrave à long terme dans le marché en cause, prévus à l’article 9a, paragraphe 2, du TKG, ne sont pas des conditions plus restrictives que celles imposées par les directives du cadre réglementaire commun et ne modifient pas la procédure de définition et d’analyse résultant des articles 10 et 11 du TKG. Il s’agirait de conditions reconnues dans le vingt-septième considérant de la directive «cadre» ainsi que dans la recommandation de la Commission, qui préciseraient la notion de «concurrence effective» dans le contexte des nouveaux marchés.

52

Cet État membre estime, enfin, que le législateur national peut, en vertu de sa marge de manœuvre, accorder une attention particulière à l’un des objectifs réglementaires reconnus par les directives du cadre réglementaire commun sur les communications électroniques. L’utilisation du terme «en particulier» dans la seconde phrase du paragraphe 2 de l’article 9a du TKG indiquerait, de plus, que l’objectif qui y est mentionné n’est pas le seul à être pris en considération.

Appréciation de la Cour

53

À titre liminaire, il convient de relever que, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive «cadre», celle-ci crée un cadre harmonisé pour la réglementation des services de communications électroniques, des réseaux de communications électroniques et des ressources et services associés. Cette directive fixe les tâches incombant aux ARN et établit une série de procédures visant à garantir l’application harmonisée du cadre réglementaire dans l’ensemble de la Communauté.

54

Aux termes de l’article 3, paragraphes 2 et 3, de la directive «cadre», ainsi que du onzième considérant de celle-ci, les États membres doivent, conformément au principe de la séparation des fonctions de réglementation et d’exploitation, garantir l’indépendance des ARN afin que celles-ci puissent exercer leurs pouvoirs de manière impartiale et transparente.

55

La directive «cadre» confère aux ARN des tâches spécifiques de réglementation des marchés de communications électroniques. Conformément à l’article 15 de la directive «cadre», et notamment à son paragraphe 3, les ARN sont tenues, en étroite collaboration avec la Commission, de définir les marchés pertinents dans le secteur des communications électroniques.

56

Conformément à l’article 16 de la directive «cadre», les ARN procèdent ensuite à l’analyse des marchés ainsi définis et apprécient si ces marchés sont effectivement concurrentiels. Si un marché n’est pas effectivement concurrentiel, l’ARN concernée impose des obligations réglementaires ex ante aux entreprises puissantes sur ce marché.

57

L’article 15, paragraphe 3, de la directive «cadre» précise que les ARN, aux fins de la définition des marchés pertinents, tiennent le plus grand compte de la recommandation de la Commission et des lignes directrices.

58

Aux termes de l’article 16, paragraphe 1, de ladite directive, les ARN tiennent également le plus grand compte des lignes directrices, lorsqu’elles procèdent à l’analyse des marchés pertinents afin de déterminer si ceux-ci doivent être soumis à une réglementation ex ante.

59

Dans l’exercice de leurs tâches, les ARN sont tenues, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la directive «cadre», de tenir le plus grand compte des objectifs de l’article 8 de cette directive. Conformément audit article 8, paragraphe 1, de cette même directive, il appartient aux États membres de veiller à ce que les ARN prennent toutes les mesures raisonnables visant à la réalisation des objectifs dudit article 8. Cette dernière disposition précise, par ailleurs, que les mesures prises par les ARN doivent être proportionnées à ces objectifs.

60

De même, les articles 8, paragraphe 4, de la directive «accès» ainsi que 17, paragraphe 2, de la directive «service universel» disposent que les ARN, lorsqu’elles adoptent des obligations réglementaires ex ante sur la base desdites directives, doivent tenir compte des objectifs énoncés à l’article 8 de la directive «cadre». Les obligations réglementaires ex ante doivent être proportionnelles et justifiées au regard desdits objectifs.

61

Dans l’exercice de ces fonctions de réglementation, les ARN disposent d’un pouvoir étendu, afin qu’elles puissent apprécier le besoin de réglementation d’un marché en fonction de chaque situation au cas par cas (voir, en ce sens, arrêt du 24 avril 2008, Arcor, C-55/06, Rec. p. I-2931, points 153 à 156).

62

C’est à la lumière de ces considérations que la Cour doit apprécier le bien-fondé du présent recours.

63

En premier lieu, la Cour estime opportun d’examiner si, comme le prétend la Commission, la République d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 16 de la directive «cadre», en imposant à l’article 9a du TKG un principe de non-réglementation des nouveaux marchés.

64

À cet égard, il doit être rappelé d’abord que, conformément à l’article 16 de la directive «cadre», les ARN procèdent à l’analyse des marchés pertinents définis conformément à l’article 15 de ladite directive, afin d’apprécier si ces marchés doivent être soumis à une réglementation ex ante. Ces articles se rapportent au secteur des communications électroniques en général et n’excluent pas les nouveaux marchés, ni d’ailleurs aucun autre marché, de leur champ d’application.

65

Il convient de rappeler ensuite, à cet égard, que l’article 9a, paragraphe 1, du TKG précise que, sous réserve de son paragraphe 2, les nouveaux marchés ne sont, en principe, pas soumis à la «réglementation», au sens de la partie 2 du TKG. Conformément au paragraphe 2 de cet article 9a, lorsque certains faits laissent supposer que, en l’absence de réglementation, le développement d’un marché concurrentiel durable dans le domaine des services ou des réseaux de télécommunications serait entravé à long terme, l’ARN peut, par dérogation au paragraphe 1 dudit article, soumettre un nouveau marché à la réglementation, au sens de la partie 2 du TKG.

66

Le libellé de l’article 9a, paragraphes 1 et 2, du TKG prescrit de manière expresse que les nouveaux marchés ne devraient pas être réglementés à moins que certains éléments, tels que l’absence d’une concurrence durable sur le marché, ne démontrent la nécessité de les réglementer. Ainsi, une telle disposition légale générale impose, tout d’abord à son paragraphe 1er, un principe de non-réglementation des nouveaux marchés, puis prévoit, à son paragraphe 2, des exceptions à ce principe.

67

Or, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que le principe de non-réglementation des nouveaux marchés est inscrit dans le cadre réglementaire commun sur les communications électroniques. Cet État membre s’appuie, à cet égard, sur le vingt-septième considérant de la directive «cadre», sur le point 32 des lignes directrices ainsi que sur le quinzième considérant de la recommandation de la Commission, selon lesquels, en règle générale, les nouveaux marchés ne seraient pas soumis à une réglementation ex ante.

68

Toutefois, un tel argument ne saurait être retenu.

69

Tout d’abord, le vingt-septième considérant de la directive «cadre» précise que les lignes directrices aborderont la question des nouveaux marchés dans lesquels, de facto, l’entreprise qui domine le marché risque d’avoir une part de marché considérable, mais ne doit pas pour autant être soumise à des obligations non justifiées. Ce considérant envisage que la réglementation des nouveaux marchés prenne en compte les spécificités de ceux-ci. Par conséquent, force est de constater qu’une telle disposition ne peut être comprise comme imposant un principe de non-réglementation desdits marchés.

70

Ensuite, conformément au point 32 des lignes directrices, le vingt-septième considérant de la directive «cadre» indique que les marchés émergents, dans lesquels, de facto, l’entreprise qui domine le marché risque d’avoir une part de marché considérable, ne doivent pas pour autant être soumis à une réglementation ex ante inadaptée. En effet, selon cette disposition des lignes directrices, l’imposition prématurée d’une réglementation ex ante peut altérer les facteurs de concurrence en germe sur un marché nouveau et émergent.

71

Ladite disposition se limite donc à reprendre le contenu du vingt-septième considérant de la directive «cadre» en interdisant l’imposition d’obligations ex ante inadaptées. Ainsi, les lignes directrices ne prévoient pas non plus de règle générale de non-réglementation des nouveaux marchés. Ce constat est d’ailleurs confirmé par le libellé des deux dernières phrases dudit point 32 des lignes directrices, qui indique qu’il convient d’empêcher que les entreprises dominantes ne barrent l’accès aux marchés émergents et que les ARN doivent veiller à ce que toute forme d’intervention ex ante précoce sur un marché émergent soit totalement justifiée.

72

Enfin, le quinzième considérant de la recommandation de la Commission indique que les marchés nouveaux et émergents, sur lesquels des entreprises peuvent être puissantes grâce aux «avantages du précurseur», ne devraient pas être soumis en principe à une réglementation ex ante. Une telle disposition prévoit la non-réglementation des nouveaux marchés lorsque, eu égard aux avantages du précurseur, il existe des entreprises puissantes sur ces marchés. Dès lors, ladite disposition nécessite, si besoin, la vérification au cas par cas des conditions requises de la part de l’ARN pour pouvoir conclure à la non-réglementation d’un nouveau marché.

73

Il ressort de tout ce qui précède que, si le vingt-septième considérant de la directive «cadre», le point 32 des lignes directrices et le quinzième considérant de la recommandation de la Commission suggèrent que, s’agissant des marchés nouveaux, les ARN doivent opérer de manière prudente, il n’en demeure pas moins que ces dispositions n’édictent aucun principe de non-réglementation desdits marchés.

74

Il convient d’ajouter que, en tout état de cause, ainsi qu’il ressort des points 53 à 61 du présent arrêt, la directive «cadre» confère à l’ARN, et non au législateur national, l’appréciation du besoin de réglementation des marchés.

75

À cet égard, il y a lieu de relever que les articles 15 et 16 de la directive «cadre», qui s’adressent expressément aux ARN, constituent la base juridique sur laquelle sont fondées les lignes directrices et la recommandation de la Commission, et que ces deux instruments juridiques orientent les ARN lors de la définition et de l’analyse des marchés pertinents afin de déterminer s’ils doivent être soumis à une réglementation ex ante.

76

En effet, selon le point 1 des lignes directrices, celles-ci énoncent les principes sur lesquels les ARN doivent fonder leur analyse des marchés et de la concurrence effective en application du cadre réglementaire commun sur les communications électroniques. Le point 6 de ces lignes directrices indique également qu’elles ont pour but de guider les ARN dans l’exercice de leurs nouvelles responsabilités en matière de définition des marchés et d’évaluation de la puissance sur ces marchés.

77

Conformément au point 1 de la recommandation de la Commission, il est recommandé aux ARN d’analyser les marchés de produits et de services énumérés en annexe de celle-ci avant de définir des marchés pertinents conformément à l’article 15, paragraphe 3, de la directive «cadre».

78

Par conséquent, en prévoyant une disposition légale, selon laquelle, en règle générale, la réglementation des nouveaux marchés par l’ARN est exclue, l’article 9a du TKG empiète sur les pouvoirs étendus accordés à celle-ci en vertu du cadre réglementaire communautaire, l’empêchant de prendre des mesures de réglementation adaptées à chaque cas particulier. Or, ainsi qu’il ressort du point 54 des conclusions de M. l’avocat général, le législateur allemand ne peut modifier la décision du législateur communautaire et ne peut, à titre de règle générale, exempter les nouveaux marchés de la réglementation.

79

Il s’ensuit que l’article 9a, paragraphe 1, du TKG, en établissant un principe de non-réglementation des nouveaux marchés, n’est pas conforme à l’article 16 de la directive «cadre».

80

En deuxième lieu, la Commission considère que, en définissant à l’article 3, point 12b, du TKG la notion de nouveau marché, la République fédérale d’Allemagne a limité le pouvoir discrétionnaire de l’ARN et a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 15, paragraphe 3, de la directive «cadre».

81

À cet égard, il doit être relevé que la procédure de définition du marché prévue à l’article 15 de la directive «cadre» a pour objectif de permettre aux ARN de mener une analyse du marché pertinent, conformément à l’article 16 de ladite directive, et, en particulier, de vérifier si certaines des entreprises présentes sur le marché en cause exercent un pouvoir de marché significatif. La définition du marché constitue donc le point de départ de l’analyse concurrentielle effectuée en vertu de l’article 16 de la directive «cadre».

82

À ce sujet, il convient de constater que la définition de la notion de nouveau marché à l’article 3, point 12b, du TKG, qui se réfère à «un marché de services et de produits», ne constitue pas une «délimitation d’un marché pertinent», au sens de l’article 15, paragraphe 3, de la directive «cadre», qui pourrait faire l’objet de l’analyse concurrentielle de l’article 16 de ladite directive. Il s’ensuit que l’article 3, point 12b, du TKG ne peut pas être considéré comme limitant le pouvoir de définition du marché, qui incombe à l’ARN en vertu de l’article 15, paragraphe 3, de la directive «cadre».

83

En revanche, il doit être constaté que la limitation du pouvoir discrétionnaire de l’ARN allemande résultant de l’article 9a, paragraphe 1, du TKG affecte nécessairement le pouvoir de définition du marché de l’ARN. À cet égard, il doit être rappelé que la recommandation de la Commission identifie, dans une annexe, les marchés qui doivent faire l’objet d’un examen au titre de l’article 15, paragraphe 3, de la directive «cadre». Or, eu égard au principe de non-réglementation des nouveaux marchés de l’article 9a, paragraphe 1, du TKG, l’ARN ne sera plus amenée à procéder à la définition des marchés pertinents, conformément à l’article 15, paragraphe 3, de la directive «cadre», dans la mesure où les marchés identifiés dans l’annexe à la recommandation de la Commission relèvent de la définition de l’article 3, point 12b, du TKG.

84

Dans ces conditions, l’article 9a, paragraphe 1, du TKG n’est pas non plus conforme à l’article 15, paragraphe 3, de la directive «cadre».

85

En troisième lieu, la Commission fait valoir que l’article 9a, paragraphe 2, du TKG instaure une hiérarchisation des objectifs, prévus à l’article 8 de la directive «cadre», contraire à cette disposition.

86

Selon l’article 9a, paragraphe 2, du TKG, pour apprécier le besoin de réglementation et pour imposer des mesures, l’ARN tient compte, en particulier, de l’objectif de promotion des investissements efficients dans les infrastructures et de soutien des innovations. Les autres objectifs dont tient compte l’ARN sont énumérés à l’article 2 du TKG.

87

La République fédérale d’Allemagne allègue que les nouvelles dispositions du TKG procèdent à une préstructuration de l’intervention de l’ARN sur les nouveaux marchés. Cet État membre considère que, eu égard à sa marge de manœuvre dans la transposition du cadre réglementaire commun sur les communications électroniques, il peut accorder une attention particulière à l’un des objectifs reconnus par la directive «cadre» lorsqu’il existe un lien évident entre cet objectif et un certain type de marché, ainsi qu’il ressort des motifs de la recommandation de la Commission.

88

Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, aux termes de l’article 8, paragraphe 2, de la directive «cadre», les ARN promeuvent la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques et des ressources et services associés, notamment, en veillant à ce que les utilisateurs retirent un bénéfice maximal en termes de choix, de prix et de qualité, en veillant à ce que la concurrence ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des communications électroniques, en encourageant des investissements efficaces en matière d’infrastructures et en soutenant l’innovation, ainsi qu’en encourageant l’utilisation et la gestion efficaces des radiofréquences et des ressources de numérotation.

89

Conformément à l’article 8, paragraphe 1, de la directive «cadre», il appartient aux États membres de veiller à ce que les ARN, dans l’accomplissement des tâches de réglementation spécifiées dans la directive «cadre» ainsi que dans les directives particulières, prennent toutes les mesures raisonnables visant à la réalisation des objectifs dudit article 8.

90

De plus, il résulte des articles 8, paragraphe 4, de la directive «accès» et 17, paragraphe 2, de la directive «service universel» que les obligations imposées conformément auxdits articles sont fondées sur la nature du problème constaté, proportionnées et justifiées au regard des objectifs énoncés à l’article 8 de la directive «cadre».

91

Il ressort de ces dispositions que les ARN sont tenues de promouvoir les objectifs réglementaires visés à l’article 8 de la directive «cadre» lors de l’accomplissement des tâches de réglementation spécifiées dans le cadre réglementaire commun. Par conséquent, ainsi que le relève M. l’avocat général au point 64 de ses conclusions, il appartient également aux ARN, et non aux législateurs nationaux, d’effectuer la pondération de ces objectifs lors de la définition et de l’analyse d’un marché pertinent susceptible de réglementation.

92

Dans ce contexte, la Cour a interprété l’article 8 de la directive «cadre» comme assignant aux États membres l’obligation de s’assurer que les ARN prennent toutes les mesures raisonnables visant à promouvoir la concurrence dans la fourniture des services de communications électroniques, en veillant à ce que la concurrence ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des communications électroniques et en supprimant les derniers obstacles à la fourniture desdits services au niveau européen (voir arrêts du 31 janvier 2008, Centro Europa 7, C-380/05, Rec. p. I-349, point 81, et du 13 novembre 2008, Commission/Pologne, C-227/07, Rec. p. I-8403, point 63).

93

Or, une disposition nationale, telle que l’article 9a, paragraphe 2, du TKG, qui privilégie un seul des objectifs reconnus par la directive «cadre» lors de l’analyse, par l’ARN, du besoin de réglementation d’un nouveau marché, effectue une pondération desdits objectifs, alors qu’une telle pondération appartient à l’ARN lors de l’accomplissement des tâches réglementaires qui lui sont dévolues.

94

Il s’ensuit que l’article 9a, paragraphe 2, du TKG, qui privilégie un objectif réglementaire particulier, enfreint les articles 8, paragraphe 4, de la directive «accès», 8, paragraphes 1 et 2, de la directive «cadre» ainsi que 17, paragraphe 2, de la directive «service universel» et limite de manière non conforme auxdites directives le pouvoir discrétionnaire de l’ARN.

95

S’agissant, en quatrième lieu, du reproche de la Commission selon lequel l’article 9a, paragraphe 2, du TKG impose des conditions plus restrictives que celles prévues par la directive «cadre» lors de l’analyse des marchés, il y a lieu de rappeler que cette disposition prévoit que, lorsque certains faits laissent supposer que, en l’absence de réglementation, le développement d’un marché concurrentiel durable dans le domaine des services ou des réseaux de télécommunications serait entravé à long terme, l’ARN peut, par dérogation au paragraphe 1 de ladite disposition, soumettre un nouveau marché à la réglementation, au sens de la partie 2 du TKG, conformément aux dispositions des articles 9 à 12 du TKG.

96

Ainsi, il ressort de l’article 9a, paragraphe 2, du TKG que l’ARN est tenue d’analyser le besoin de réglementation sur les nouveaux marchés lorsqu’il y a un risque que le développement d’une concurrence durable sur ceux-ci soit empêché à long terme.

97

Il doit être rappelé que, conformément à l’article 16 de la directive «cadre», les ARN sont tenues d’apprécier si les marchés pertinents sont effectivement concurrentiels. Si un marché n’est pas effectivement concurrentiel, l’ARN concernée impose des obligations réglementaires ex ante aux entreprises puissantes sur ce marché.

98

Les critères énoncés par l’article 9a, paragraphe 2, du TKG pour qu’un marché nouveau puisse, à titre exceptionnel, être soumis à une réglementation ex ante, à savoir le risque d’une entrave à long terme au développement d’une concurrence durable, sont plus restrictifs que ceux de l’article 16 de la directive «cadre» qui font uniquement dépendre la réglementation ex ante du constat selon lequel le marché concerné n’est pas effectivement concurrentiel.

99

Par conséquent, l’article 9a, paragraphe 2, du TKG, en imposant des conditions plus restrictives que celles prévues par la directive «cadre» pour l’analyse des marchés pertinents susceptibles de réglementation, enfreint l’article 16 de la directive «cadre» et limite le pouvoir discrétionnaire de l’ARN.

100

Il résulte des considérations qui précèdent que le grief tiré d’une limitation du pouvoir discrétionnaire de l’ARN doit être accueilli.

Sur le grief tiré d’une violation des procédures de consultation et de consolidation prévues aux articles 6 et 7 de la directive «cadre»

Argumentation des parties

101

La Commission soutient que, en application de l’article 9a du TKG, l’ARN est tenue de suivre les procédures de consultation et de consolidation uniquement lorsque celle-ci estime qu’une réglementation ex ante est nécessaire. Ainsi, l’ARN pourrait définir et analyser un «marché», au sens de l’article 15, paragraphe 3, de la directive «cadre», et prendre la décision de ne pas le réglementer, conformément à l’article 16 de cette directive, sans que les procédures prévues par le cadre réglementaire commun ne soient suivies.

102

Or, une telle limitation de la procédure de consultation serait contraire aux articles 6 et 7 de la directive «cadre». La Commission relève que la République fédérale d’Allemagne, en considérant que l’obligation de suivre lesdites procédures n’existe que lorsqu’une obligation de réglementation ex ante est constatée, mélange la définition du marché et son identification comme marché susceptible de faire l’objet de cette réglementation.

103

La République fédérale d’Allemagne fait valoir qu’elle a déjà informé la Commission que, selon les critères d’interprétation de la Bundesnetzagentur, les procédures de consultation et de consolidation des nouveaux marchés seront menées conformément aux exigences des directives du cadre réglementaire commun sur les communications électroniques.

104

Cet État membre considère, en outre, que l’article 9a du TKG assure le respect des procédures de consultation et de consolidation. D’une part, cette disposition s’appliquerait dans le cadre de la procédure normale de définition et d’analyse du marché et, d’autre part, son paragraphe 2 présupposerait l’existence d’un marché délimité dans le cadre de la procédure de définition du marché, conformément à l’article 10, paragraphe 2, du TKG, qui respecterait les principes du droit de la concurrence. À cet égard, la République fédérale d’Allemagne aurait totalement rempli ses obligations en matière de consultation et de consolidation, résultant des articles 6 et 7 de la directive «cadre». Or, la Commission n’établirait aucune violation de ces obligations et fonderait le manquement reproché sur de simples présomptions.

Appréciation de la Cour

105

Il convient de relever que tant l’article 15, paragraphe 3, de la directive «cadre» que l’article 16, paragraphe 6, de celle-ci renvoient, pour ce qui concerne la définition et l’analyse de marché, aux procédures prévues aux articles 6 et 7 de ladite directive.

106

À cet égard, il a déjà été constaté que le principe de non-réglementation des nouveaux marchés, prévu à l’article 9a, paragraphe 1, du TKG, limite le pouvoir discrétionnaire de l’ARN découlant des articles 15, paragraphe 3, et 16 de la directive «cadre». Or, la limitation du pouvoir de l’ARN de soumettre des marchés nouveaux à la définition et à l’analyse de marché implique nécessairement le non-respect dans certaines circonstances des procédures prévues aux articles 6 et 7 de la directive «cadre».

107

Par conséquent, il convient également d’accueillir le second grief de la Commission.

108

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, en adoptant l’article 9a du TKG, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 8, paragraphe 4, de la directive «accès», des articles 6 à 8, paragraphes 1 et 2, 15, paragraphe 3, et 16 de la directive «cadre» ainsi que de l’article 17, paragraphe 2, de la directive «service universel».

Sur les dépens

109

Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République fédérale d’Allemagne et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête:

 

1)

En adoptant l’article 9a de la loi sur les télécommunications (Telekommunikationsgesetz), du 22 juin 2004, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 8, paragraphe 4, de la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive «accès»), des articles 6 à 8, paragraphes 1 et 2, 15, paragraphe 3, et 16 de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre»), ainsi que de l’article 17, paragraphe 2, de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel»).

 

2)

La République fédérale d’Allemagne est condamnée aux dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.

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