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Document 62004CJ0029

Arrêt de la Cour (première chambre) du 10 novembre 2005.
Commission des Communautés européennes contre République d'Autriche.
Manquement d'État - Articles 8, 11, paragraphe 1, et 15, paragraphe 2, de la directive 92/50/CEE - Procédure de passation des marchés publics de services - Contrat portant sur l'élimination des déchets - Absence d'appel d'offres.
Affaire C-29/04.

European Court Reports 2005 I-09705

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2005:670

Affaire C-29/04

Commission des Communautés européennes

contre

République d'Autriche

«Manquement d'État — Articles 8, 11, paragraphe 1, et 15, paragraphe 2, de la directive 92/50/CEE — Procédure de passation des marchés publics de services — Contrat portant sur l'élimination des déchets — Absence d'appel d'offres»

Conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 21 avril 2005 

Arrêt de la Cour (première chambre) du 10 novembre 2005 

Sommaire de l'arrêt

Rapprochement des législations — Procédures de passation des marchés publics de services — Directive 92/50 — Champ d'application — Pouvoir adjudicateur détenant une participation dans le capital d'une société juridiquement distincte de lui avec une ou plusieurs entreprises privées — Contrat conclu par le pouvoir adjudicateur avec ladite société — Inclusion — Cas d'espèce — Manquement

(Directive du Conseil 92/50, art. 8, 11, § 1, et 15, § 2)

Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 92/50, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, un État membre qui permet l'attribution, par une commune, d'un marché public de services relatif à l'élimination des déchets à une société juridiquement distincte de cette collectivité et détenue, à 49 %, par une entreprise privée, sans qu'aient été respectées les règles de procédure et de publicité prévues par les dispositions combinées des articles 8, 11, paragraphe 1, et 15, paragraphe 2, de cette directive.

En effet, dans l'hypothèse où un pouvoir adjudicateur a l'intention de conclure un contrat à titre onéreux portant sur des services qui relèvent du champ d'application matériel de la directive 92/50 avec une société juridiquement distincte de lui, dans le capital de laquelle il détient une participation avec une ou plusieurs entreprises privées, les procédures de passation de marchés publics prévues par cette directive doivent toujours être appliquées.

(cf. points 31, 46, 49-50 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

10 novembre 2005 (*)

«Manquement d’État – Articles 8, 11, paragraphe 1, et 15, paragraphe 2, de la directive 92/50/CEE – Procédure de passation des marchés publics de services – Contrat portant sur l’élimination des déchets – Absence d’appel d’offres»

Dans l’affaire C-29/04,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 28 janvier 2004,

Commission des Communautés européennes, représenté par M. K. Wiedner, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République d’Autriche, représentée par M. M. Fruhmann, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. K. Schiemann (rapporteur), J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts et M. Ilešič, juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 avril 2005,

rend le présent

Arrêt

1       Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, le contrat relatif à l’élimination des déchets de la ville de Mödling ayant été conclu sans qu’aient été respectées les règles de procédure et de publicité prévues par les dispositions combinées des articles 8, 11, paragraphe 1, et 15, paragraphe 2, de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1), la République d’Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

 Le cadre juridique

2       L’article 1er de la directive 92/50 énonce:

«a)      les ‘marchés publics de services’ sont des contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre un prestataire de services et un pouvoir adjudicateur, […]

         […]

b)      sont considérés comme ‘pouvoirs adjudicateurs’, l’État, les collectivités territoriales, les organismes de droit public, les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou de ces organismes de droit public.

         […]

c)      le ‘prestataire de services’ est toute personne physique ou morale, y inclus un organisme public, qui offre des services. […]

d)      les ‘procédures ouvertes’ sont les procédures nationales dans lesquelles tout prestataire de services intéressé peut présenter une offre;

e)      les ‘procédures restreintes’ sont les procédures nationales dans lesquelles seuls les prestataires de services invités par le pouvoir adjudicateur peuvent présenter une offre;

f)      les ‘procédures négociées’ sont les procédures nationales dans lesquelles les pouvoirs adjudicateurs consultent les prestataires de services de leur choix et négocient les conditions du marché avec un ou plusieurs d’entre eux;

         […]»

3       L’article 8 de cette directive dispose:

«Les marchés qui ont pour objet des services figurant à l’annexe I A sont passés conformément aux dispositions des titres III à VI.»

4       L’article 11, paragraphe 1, de la même directive prévoit:

«Pour passer leurs marchés publics de services, les pouvoirs adjudicateurs appliquent les procédures définies à l’article 1er points d), e) et f), adaptées aux fins de la présente directive.»

5       Selon l’article 15, paragraphe 2, de la directive 92/50:

«Les pouvoirs adjudicateurs désireux de passer un marché public de services en recourant à une procédure ouverte, restreinte ou, dans les conditions prévues à l’article 11, à une procédure négociée font connaître leur intention au moyen d’un avis.»

 Les faits et la procédure précontentieuse

6       Le 21 mai 1999, lors de la réunion de son conseil municipal, la ville de Mödling a décidé de créer un organisme juridiquement indépendant pour remplir les obligations lui incombant en vertu de la loi du Land de Basse‑Autriche sur la gestion des déchets (Niederösterreichisches Abfallwirtschaftsgesetz) de 1992 (LGB1. 8240) en vue, notamment, de fournir des prestations de services dans le domaine de la gestion écologique des déchets et de réaliser les opérations commerciales y afférentes, en particulier dans le domaine de l’élimination des déchets.

7       Par conséquent, le 16 juin 1999, a été rédigée une déclaration d’établissement relative à la création de la société Stadtgemeinde Mödling AbfallwirtschaftsgmbH (ci-après la «société Abfall»), dont le capital social était intégralement détenu par la ville de Mödling. Le 25 juin 1999, le conseil municipal de Mödling a décidé de charger à titre exclusif la société Abfall de la gestion des déchets sur le territoire communal.

8       Le 15 septembre 1999, par un contrat conclu pour une durée illimitée et entré en vigueur rétroactivement le 1er juillet 1999, la ville de Mödling a confié à titre exclusif à la société Abfall la collecte et le traitement de ses déchets. Ce contrat stipulait le montant de la rémunération, à savoir une somme fixe par poubelle ou par conteneur, que la ville de Mödling devait verser à la société Abfall.

9       Lors de sa réunion du 1er octobre 1999, le conseil municipal de Mödling a décidé de céder 49 % des parts de la société Abfall à la société Saubermacher Dienstleistungs-Aktiengesellschaft (ci-après la «société Saubermacher»). Selon le document de séance relatif à cette réunion, consécutivement à la décision prise le 25 juin 1999, de nombreux entretiens avaient eu lieu avec les représentants de sociétés intéressées par l’établissement d’un partenariat dans le domaine d’activité de la société Abfall, notamment avec la société Saubermacher.

10     Le 6 octobre 1999, la déclaration d’établissement de la société Abfall a été modifiée afin de permettre l’adoption, par l’assemblée générale, de la plupart des décisions à la majorité simple et de fixer le quorum à 51 % du capital social. Il a également été décidé que la représentation de cette société, dans ses relations internes et externes, serait assurée par deux gérants, chacun nommé par un associé, qui ensemble détiendraient le pouvoir de signature.

11     La cession de parts susmentionnée a été effectivement réalisée le 13 octobre 1999. La société Abfall n’a cependant démarré ses activités opérationnelles que le 1er décembre suivant, soit à une date à laquelle la société Saubermacher détenait déjà une partie des parts de cette société.

12     Du 1er décembre 1999 au 31 mars 2000, la société Abfall a exercé son activité exclusivement pour le compte de la ville de Mödling. Par la suite, après la mise en service d’un centre de transfert, elle a également fourni des prestations à des tiers, principalement d’autres communes du district.

13     Après avoir mis la République d’Autriche en demeure de présenter ses observations, la Commission a émis, le 2 avril 2003, un avis motivé dans lequel elle a fait état de la violation des dispositions de la directive 92/50 résultant du fait que la ville de Mödling n’avait pas procédé à un appel d’offres en vue de l’attribution du contrat d’élimination des déchets en cause, alors que ce contrat devait être considéré comme un marché public de services au sens de cette directive.

14     En réponse audit avis motivé, la République d’Autriche a fait valoir que la conclusion dudit contrat avec la société Abfall n’entrait pas dans le champ des directives en matière de marchés publics au motif qu’il s’agissait d’une opération interne entre la municipalité de Mödling et la société Abfall.

15     N’étant pas satisfaite de cette réponse, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

16     La Commission soutient que les conditions d’application de la directive 92/50 étant remplies, les règles de procédure définies à l’article 11, paragraphe 1, de cette directive et les règles de publicité figurant à l’article 15, paragraphe 2, de celle-ci sont pleinement applicables.

17     Selon la Commission, contrairement à ce qu’a fait valoir le gouvernement autrichien dans le cadre de la procédure précontentieuse, aucun élément n’établit l’existence d’un rapport interne entre la municipalité de Mödling et la société Abfall. À cet égard, la Commission se réfère à l’arrêt du 18 novembre 1999, Teckal (C‑107/98, Rec. p. I‑8121, point 50), dans lequel la Cour a jugé que l’appel à la concurrence n’est pas obligatoire dans l’hypothèse où l’autorité publique, qui est un pouvoir adjudicateur, exerce sur l’entité distincte en question un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services et où cette entité réalise l’essentiel de son activité avec la ou les autorités publiques qui la détiennent.

18     La Commission soutient que même si ledit arrêt a été rendu en ce qui concerne l’article 1er, sous a), de la directive 93/36/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures (JO L 199, p. 1), la position prise par la Cour est transposable à toutes les directives communautaires en matière de marchés publics. La Commission invoque l’arrêt Teckal, précité, afin d’étayer son argumentation selon laquelle c’est uniquement dans le cas où le pouvoir adjudicateur exerce un contrôle illimité sur l’adjudicataire que les directives sur les marchés publics ne s’appliquent pas. Dès lors qu’une entreprise privée détient des parts dans la société adjudicataire, il convient, selon la Commission, de présumer que le pouvoir adjudicateur ne peut pas exercer sur cette société «un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services» au sens dudit arrêt. Une participation minoritaire d’une entreprise privée suffirait ainsi à exclure l’existence d’une opération interne.

19     En outre, la Commission fait observer que, en l’occurrence, la participation minoritaire de la société Saubermacher implique l’existence au profit de cette dernière de droits de veto et du pouvoir de nommer l’un des deux gérants bénéficiant de droits identiques, ce qui exclut que la ville de Mödling puisse exercer sur la société Abfall un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services.

20     En défense, le gouvernement autrichien conteste, en premier lieu, la recevabilité du recours de la Commission.

21     Il soutient que la création de la société Abfall, la conclusion du contrat portant sur l’élimination des déchets ainsi que la cession des parts constituent trois opérations distinctes qui n’auraient pas dû être examinées au regard des dispositions de la directive 92/50, mais directement au regard de celles du traité CE. Une violation de cette directive ne serait donc envisageable que dans l’hypothèse où lesdites opérations auraient été décidées en vue de contourner l’application de la directive 92/50 ou dans l’hypothèse où la cession de parts en cause pourrait donner lieu à une opération relevant des dispositions en matière d’attribution de marchés publics.

22     Or, au cours de la procédure en manquement, la Commission n’aurait formulé aucune observation sur ces hypothèses. Elle n’aurait, ni dans le cadre de la procédure précontentieuse, ni dans la requête, délimité l’objet du litige et n’aurait pas non plus démontré que le contrat en cause aurait été conclu en violation de la directive 92/50 ni exposé les raisons pour lesquelles elle considère que l’existence d’une opération interne est essentielle dans la présente affaire.

23     En second lieu, sur le fond, le gouvernement autrichien reproche à la Commission d’ignorer le fait que, lors de la conclusion du contrat relatif à l’élimination des déchets avec la société Abfall, les parts de cette dernière étaient détenues à hauteur de 100 % par la ville de Mödling. Ainsi, en présence d’une opération interne, un appel d’offres n’aurait pas été exigé.

24     En outre, ledit gouvernement considère que la notion de «contrôle analogue à celui exercé sur ses propres services» au sens de l’arrêt Teckal, précité, implique non pas un contrôle identique mais un contrôle comparable. La ville de Mödling aurait, même après la cession de 49 % des parts de la société Abfall, conservé un tel contrôle.

 Appréciation de la Cour

 Sur la recevabilité

25     Selon une jurisprudence constante, la procédure précontentieuse a pour but de donner à l’État membre concerné l’occasion, d’une part, de se conformer à ses obligations découlant du droit communautaire et, d’autre part, de faire utilement valoir ses moyens de défense à l’encontre des griefs formulés par la Commission (voir, notamment, arrêts du 10 mai 2001, Commission/Pays-Bas, C-152/98, Rec. p. I-3463, point 23, et du 15 janvier 2002, Commission/Italie, C-439/99, Rec. p. I‑305, point 10).

26     Il s’ensuit, premièrement, que l’objet d’un recours intenté en application de l’article 226 CE est circonscrit par la procédure précontentieuse prévue à cette disposition et que, par conséquent, l’avis motivé et le recours doivent être fondés sur des griefs identiques. Pour autant qu’un grief n’a pas été formulé dans l’avis motivé, il est irrecevable au stade de la procédure devant la Cour (voir, notamment, arrêt Commission/Italie, précité, point 11).

27     Deuxièmement, l’avis motivé doit contenir un exposé cohérent et détaillé des raisons ayant amené la Commission à la conviction que l’État intéressé a manqué à l’une des obligations qui lui incombent en vertu du traité (voir, notamment, arrêts du 4 décembre 1997, Commission/Italie, C-207/96, Rec. p. I-6869, point 18, et du 15 janvier 2002, Commission/Italie, précité, point 12).

28     En l’espèce, au point 16 de son avis motivé ainsi qu’au point 13 de sa lettre de mise en demeure, la Commission a fait valoir que la chronologie des événements, depuis la décision du conseil municipal de Mödling de charger à titre exclusif la société Abfall de la gestion des déchets de cette commune jusqu’à la cession de 49 % des parts de cette société à la société Saubermacher, démontrait que la période pendant laquelle la ville de Mödling détenait 100 % des parts de la société Abfall ne constituait en réalité qu’une phase intermédiaire menant à la prise de participation d’une entreprise privée dans cette société. La Commission a donc clairement indiqué au cours de la procédure précontentieuse qu’elle réfutait la thèse de la ville de Mödling fondée sur l’existence de trois opérations distinctes.

29     La Commission a donc exposé de manière cohérente et détaillée les raisons pour lesquelles, estimant que les dispositions de la directive 92/50 étaient applicables, la conclusion du contrat confiant à titre exclusif à la société Abfall la collecte et le traitement des déchets de la ville de Mödling ne pouvait être considérée comme une opération interne et aurait dû faire objet d’une procédure d’appel d’offres public.

30     Dans ces conditions, force est de constater que l’objet du recours était clairement délimité et que l’exception d’irrecevabilité soulevée par le gouvernement autrichien doit être écartée.

 Sur le fond

31     Dans le cadre du présent recours, la Commission reproche, en substance, aux autorités autrichiennes d’avoir permis l’attribution, par une commune, d’un marché public de services à une société juridiquement distincte de cette collectivité et détenue, à 49 %, par une entreprise privée, sans qu’ait été mise en œuvre la procédure d’appel d’offres public prévue par la directive 92/50.

32     Il convient, à titre liminaire, de constater que les conditions de l’application de cette directive étaient réunies en l’espèce. En effet, la ville de Mödling est considérée, en tant que collectivité territoriale, comme un «pouvoir adjudicateur», au sens de l’article 1er, sous b), de la directive 92/50, qui a conclu un contrat à titre onéreux avec la société Abfall, laquelle est un «prestataire de services», au sens de l’article 1er, sous c), de la même directive. Les services de collecte et de traitement des déchets constituent des services au sens de l’article 8 et de l’annexe I A de cette directive. En outre, selon les constatations de la Commission, lesquelles n’ont pas été contestées par le gouvernement autrichien, le seuil fixé à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 92/50, tel que modifié par la directive 97/52/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1997 (JO L 328, p. 1), était en l’espèce dépassé.

33     Par conséquent, la passation du marché relatif auxdits services ne pouvait, en vertu de l’article 8 de la directive 92/50, intervenir que dans le respect des règles édictées aux titres III à VI de cette directive, notamment aux articles 11 et 15, paragraphe 2, de celle‑ci. Or, en vertu de cette dernière disposition, il incombait au pouvoir adjudicateur concerné de publier un avis de marché.

34     Toutefois, selon la jurisprudence de la Cour, l’appel à la concurrence n’est pas obligatoire, même si le cocontractant est une entité juridiquement distincte du pouvoir adjudicateur, dans l’hypothèse où l’autorité publique, qui est un pouvoir adjudicateur, exerce sur l’entité distincte en question un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services et où cette entité réalise l’essentiel de son activité avec la ou les autorités publiques qui la détiennent (arrêts Teckal, précité, point 50, et du 11 janvier 2005, Stadt Halle et RPL Lochau, C‑26/03, Rec. p. I‑1, point 49).

35     Le gouvernement autrichien soutient que tel était le cas en l’espèce, de sorte qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer les procédures de passation de marchés publics de services prévues par la directive 92/50.

36     Premièrement, ledit gouvernement fait valoir que la conclusion du contrat relatif à l’élimination des déchets avec la société Abfall, qui est intervenue alors que les parts de cette société étaient encore intégralement détenues par la ville de Mödling, n’a pas eu pour objet l’établissement d’un rapport entre personnes juridiques autonomes, étant donné que cette collectivité pouvait exercer sur la société Abfall un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services. Par conséquent, ce contrat n’entrerait pas dans le champ d’application de la directive 92/50 et aucune obligation de procéder à un appel d’offres public ne serait imposée à la ville de Mödling.

37     Cet argument ne saurait être retenu.

38     Sans qu’il soit nécessaire de trancher la question de savoir si la détention, par la municipalité de Mödling, de l’intégralité du capital de la société Abfall à la date de l’attribution du marché public de services suffisait à établir que cette collectivité exerçait sur la société Abfall un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services, il y a lieu de relever que la date pertinente en l’espèce pour apprécier si les dispositions de la directive 92/50 devaient être appliquées n’est pas la date effective de l’attribution du marché public en cause. Même s’il est vrai que pour des raisons de sécurité juridique il convient en général d’examiner l’éventuelle obligation pour le pouvoir adjudicateur de procéder à un appel d’offres public au vu des conditions prévalant à la date de l’attribution du marché public en cause, les circonstances particulières de la présente affaire requièrent la prise en considération des événements survenus ultérieurement.

39     Il convient de rappeler que la cession de 49 % des parts de la société Abfall est intervenue peu après que cette société a été chargée, à titre exclusif et pour une durée indéterminée, de la collecte et du traitement des déchets de la ville de Mödling. En outre, la société Abfall n’est devenue opérationnelle qu’après que la société Saubermacher a repris une partie de ses parts.

40     Ainsi, il est constant que, par le biais d’une construction artificielle comprenant plusieurs phases distinctes, à savoir la création de la société Abfall, la conclusion avec celle‑ci du contrat d’élimination des déchets et la cession de 49 % des parts de cette société à la société Saubermacher, un marché public de services a été attribué à une entreprise d’économie mixte dont 49 % des parts sont détenus par une entreprise privée.

41     Dès lors, l’attribution de ce marché doit être examinée en tenant compte de l’ensemble de ces phases ainsi que de leur finalité et non pas en fonction du déroulement strictement chronologique de celles-ci, comme le propose le gouvernement autrichien.

42     Examiner, ainsi que le suggère le gouvernement autrichien, l’attribution du marché public en cause en se plaçant uniquement à la date à laquelle celle-ci est intervenue, sans tenir compte des effets de la cession dans des délais très brefs de 49 % des parts de la société Abfall à la société Saubermacher, porterait atteinte à l’effet utile de la directive 92/50. La réalisation de l’objectif poursuivi par cette dernière, à savoir la libre circulation des services et l’ouverture à la concurrence non faussée dans tous les États membres, serait compromise s’il était loisible aux pouvoirs adjudicateurs de recourir à des manœuvres visant à masquer l’attribution de marchés publics de services à des entreprises d’économie mixte.

43     Deuxièmement, le gouvernement autrichien soutient que, même après avoir cédé 49 % des parts de la société Abfall à la société Saubermacher, la ville de Mödling avait conservé un contrôle identique à celui exercé sur ses propres services. Cette circonstance, à la lumière de l’arrêt Teckal, précité, l’aurait dispensée de procéder à un appel d’offres public au motif que la conclusion du contrat relatif à l’élimination des déchets constituait une opération interne.

44     À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en l’espèce, le contrat en cause, portant sur des services relevant du champ d’application matériel de la directive 92/50, a été conclu à titre onéreux entre un pouvoir adjudicateur et une société de droit privé juridiquement distincte de celui-ci, dans le capital de laquelle ce pouvoir adjudicateur détient une participation majoritaire.

45     Dans l’arrêt Stadt Halle et RPL Lochau, précité, la Cour a déjà examiné la question de savoir si, dans de telles circonstances, le pouvoir adjudicateur est tenu d’appliquer les procédures d’appel d’offres public prévues par la directive 92/50 en raison du seul fait qu’une entreprise privée détient une participation, même minoritaire, dans le capital de la société cocontractante.

46     Elle a jugé que la participation, fût‑elle minoritaire, d’une entreprise privée dans le capital d’une société à laquelle participe également le pouvoir adjudicateur concerné exclut en tout état de cause que ce pouvoir adjudicateur puisse exercer sur cette société un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services (arrêt Stadt Halle et RPL Lochau, précité, point 49).

47     Le rapport entre une autorité publique, qui est un pouvoir adjudicateur, et ses propres services est régi par des considérations et des exigences propres à la poursuite d’objectifs d’intérêt public. En revanche, tout placement de capital privé dans une entreprise obéit à des considérations propres aux intérêts privés et poursuit des objectifs de nature différente (arrêt Stadt Halle et RPL Lochau, précité, point 50).

48     L’attribution d’un marché public à une entreprise d’économie mixte sans appel à la concurrence porterait atteinte à l’objectif de concurrence libre et non faussée et au principe d’égalité de traitement des intéressés visé par la directive 92/50, dans la mesure où une telle procédure offrirait à une entreprise privée présente dans le capital de cette entreprise un avantage par rapport à ses concurrents (arrêt Stadt Halle et RPL Lochau, précité, point 51).

49     La Cour a jugé que dans l’hypothèse où un pouvoir adjudicateur a l’intention de conclure un contrat à titre onéreux portant sur des services qui relèvent du champ d’application matériel de la directive 92/50 avec une société juridiquement distincte de lui, dans le capital de laquelle il détient une participation avec une ou plusieurs entreprises privées, les procédures de passation de marchés publics prévues par cette directive doivent toujours être appliquées (arrêt Stadt Halle et RPL Lochau, précité, point 52).

50     Ainsi, eu égard à ce qui précède, il convient de constater que le contrat relatif à l’élimination des déchets de la ville de Mödling ayant été conclu sans qu’aient été respectées les règles de procédure et de publicité prévues par les dispositions combinées des articles 8, 11, paragraphe 1, et 15, paragraphe 2, de la directive 92/50, la République d’Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

 Sur les dépens

51     Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République d’Autriche et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1)      Le contrat relatif à l’élimination des déchets de la ville de Mödling ayant été conclu sans qu’aient été respectées les règles de procédure et de publicité prévues par les dispositions combinées des articles 8, 11, paragraphe 1, et 15, paragraphe 2, de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, la République d’Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

2)      La République d’Autriche est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l'allemand.

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