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Document 62003CJ0153

Arrêt de la Cour (première chambre) du 7 juillet 2005.
Caisse nationale des prestations familiales contre Ursula Weide, épouse Schwarz.
Demande de décision préjudicielle: Cour de cassation - Luxembourg.
Prestations familiales - Allocation d'éducation - Suspension du droit aux prestations dans l'État d'emploi - Droit à des prestations de même nature dans l'État de résidence.
Affaire C-153/03.

European Court Reports 2005 I-06017

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2005:428

Affaire C-153/03

Caisse nationale des prestations familiales

contre

Ursula Weide, épouse Schwarz

(demande de décision préjudicielle, introduite par

la Cour de cassation (Luxembourg))

«Prestations familiales — Allocation d'éducation — Suspension du droit aux prestations dans l'État d'emploi — Droit à des prestations de même nature dans l'État de résidence»

Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 15 juillet 2004 

Arrêt de la Cour (première chambre) du 7 juillet 2005 

Sommaire de l'arrêt

Sécurité sociale des travailleurs migrants — Prestations familiales — Règles communautaires anticumul — Article 10, paragraphe 1, sous b), i), du règlement nº 574/72 — Travailleur ayant droit aux prestations dans l'État d'emploi pour un enfant ouvrant également droit aux prestations dans un autre État membre, lieu de sa résidence et d'emploi de son conjoint — Suspension du droit aux allocations dans l'État d'emploi jusqu'à concurrence du montant des allocations versées par l'État de résidence

(Règlement du Conseil nº 574/72, art. 10, § 1, b), i))

L'article 10, paragraphe 1, sous b), i), du règlement nº 574/72, fixant les modalités d'application du règlement nº 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement nº 118/97, doit être interprété en ce sens que l'exercice, par le conjoint du bénéficiaire d'une prestation familiale en application de l'article 73 du règlement nº 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement nº 118/97, d'une activité professionnelle dans l'État membre de résidence des enfants suspend le droit aux allocations prévues par cette dernière disposition jusqu'à concurrence du montant des allocations d'éducation prévu par la législation de l'État membre de résidence, et ce quel que soit le bénéficiaire direct des allocations familiales désigné par la législation de cet État membre.

(cf. points 33-34 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

7 juillet 2005 (*)

«Prestations familiales – Allocation d’éducation – Suspension du droit aux prestations dans l’État d’emploi – Droit à des prestations de même nature dans l’État de résidence»

Dans l’affaire C-153/03,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Cour de cassation (Luxembourg), par décision du 6 mars 2003, parvenue à la Cour le 3 avril 2003, dans la procédure

Caisse nationale des prestations familiales

contre

Ursula Weide, épouse Schwarz,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, Mme N. Colneric, MM. J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur), M. Ilešič et E. Levits, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme M. Múgica Arzamendi, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 juin 2004,

considérant les observations présentées:

–       pour la Caisse nationale des prestations familiales, par Mes D. Spielmann et H. Dupong, avocats,

–       pour le gouvernement luxembourgeois, par M. P. Gramegna, en qualité d’agent,

–       pour le gouvernement allemand, par M. W.-D. Plessing et Mme A. Tiemann, en qualité d’agents,

–       pour le gouvernement autrichien, par M. H. Dossi, en qualité d’agent,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par Mme H. Michard et M. D. Martin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 juillet 2004,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 76 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1, ci-après le «règlement n° 1408/71»).

2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours opposant la Caisse nationale des prestations familiales du Grand-Duché de Luxembourg (ci‑après la «CNPF») à Mme  Weide, de nationalité allemande, au sujet du versement de l’allocation d’éducation prévue par la réglementation luxembourgeoise.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3       Aux termes de l’article 1er, sous u), i), du règlement n° 1408/71:

«Aux fins de l’application du présent règlement:

[…]

u)      i)     le terme ‘prestations familiales’ désigne toutes les prestations en nature ou en espèces destinées à compenser les charges de famille dans le cadre d’une législation prévue à l’article 4 paragraphe 1 point h), à l’exclusion des allocations spéciales de naissance ou d’adoption mentionnées à l’annexe II».

4       Conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement n°  1408/71, ce dernier s’applique aux législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent «les prestations familiales».

5       L’article 13 dudit règlement dispose:

«1.      Sous réserve de l’article 14 quater, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre.

2.      Sous réserve des dispositions des articles 14 à 17:

a)      la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d’un autre État membre ou si l’entreprise ou l’employeur qui l’occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d’un autre État membre;

[...]»

6       L’article 73 du règlement n° 1408/71 prévoit:

«Le travailleur salarié ou non salarié soumis à la législation d’un État membre a droit, pour les membres de sa famille qui résident sur le territoire d’un autre État membre, aux prestations familiales prévues par la législation du premier État, comme s’ils résidaient sur le territoire de celui-ci, sous réserve des dispositions de l’annexe VI.»

7       L’article 76 du même règlement, intitulé «Règles de priorité en cas de cumul de droits à prestations familiales en vertu de la législation de l’État compétent et en vertu de la législation du pays de résidence des membres de la famille», dispose:

«1.      Lorsque des prestations familiales sont, au cours de la même période, pour le même membre de la famille et au titre de l’exercice d’une activité professionnelle, prévues par la législation de l’État membre sur le territoire duquel les membres de la famille résident, le droit aux prestations familiales dues en vertu de la législation d’un autre État membre, le cas échéant en application des articles 73 ou 74, est suspendu jusqu’à concurrence du montant prévu par la législation du premier État membre.

2.      Si une demande de prestations n’est pas introduite dans l’État membre sur le territoire duquel les membres de la famille résident, l’institution compétente de l’autre État membre peut appliquer les dispositions du paragraphe 1 comme si des prestations étaient octroyées dans le premier État membre.»

8       En vertu de l’article 10, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 118/97 (ci-après le «règlement n° 574/72»), article intitulé «Règles applicables aux travailleurs salariés ou non salariés en cas de cumul de droits à prestations ou allocations familiales»:

«a)      Le droit aux prestations ou allocations familiales dues en vertu de la législation d’un État membre selon laquelle l’acquisition du droit à ces prestations ou allocations n’est pas subordonnée à des conditions d’assurance, d’emploi ou d’activité non salariée est suspendu lorsque, au cours d’une même période et pour le même membre de la famille, des prestations sont dues soit en vertu de la seule législation nationale d’un autre État membre, soit en application des articles 73, 74, 77 ou 78 du règlement, et ce jusqu’à concurrence du montant de ces prestations.

b)      Toutefois, si une activité professionnelle est exercée sur le territoire du premier État membre:

i)      dans le cas des prestations dues, soit en vertu de la seule législation nationale d’un autre État membre, soit en vertu des articles 73 ou 74 du règlement, par la personne ayant droit aux prestations familiales ou par la personne à qui elles sont servies, le droit aux prestations familiales dues, soit en vertu de la seule législation nationale de cet autre État membre, soit en vertu de ces articles, est suspendu jusqu’à concurrence du montant des prestations familiales prévu par la législation de l’État membre sur le territoire duquel réside le membre de la famille. Les prestations versées par l’État membre sur le territoire duquel réside le membre de la famille sont à la charge de cet État membre;

[…]»

9       Conformément à l’article 114 du règlement n° 574/72, intitulé «Versements provisoires de prestations en cas de contestation de la législation applicable ou de l’institution appelée à servir les prestations»:

«En cas de contestation entre les institutions ou les autorités compétentes de deux ou plusieurs États membres au sujet soit de la législation applicable en vertu du titre II du règlement, soit de la détermination de l’institution appelée à servir des prestations, l’intéressé qui pourrait prétendre à des prestations s’il n’y avait pas de contestation bénéficie à titre provisoire des prestations prévues par la législation qu’applique l’institution du lieu de résidence ou, si l’intéressé ne réside pas sur le territoire de l’un des États membres en cause, des prestations prévues par la législation qu’applique l’institution en cause à laquelle la demande a été présentée en premier lieu.»

 Les réglementations nationales

 La réglementation luxembourgeoise

10     Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la loi portant création d’une allocation d’éducation, du 1er août 1988, dans sa version modifiée applicable en l’espèce au principal (ci-après la «loi de 1988»):

«Peut prétendre à l’allocation d’éducation toute personne qui:

a)      est domiciliée au Grand-duché de Luxembourg et y réside effectivement;

b)      élève dans son foyer un ou plusieurs enfants pour lesquels sont versées au requérant ou à son conjoint non séparé des allocations familiales et qui remplissent à son égard les conditions prévues à l’article 2 de la loi modifiée du 19 juin 1985 concernant les allocations familiales et portant création de la caisse nationale des prestations familiales;

c)      s’adonne principalement à l’éducation des enfants au foyer familial et n’exerce pas d’activité professionnelle ou ne bénéficie pas d’un revenu de remplacement.

[…]»

 La réglementation allemande

11     Selon l’article 1er, paragraphe 1, de la loi relative à l’allocation d’éducation et au congé d’éducation (Bundeserziehungsgeldgesetz), dans sa version du 31 janvier 1994 (BGBl. 1994 I, p. 180), tel que modifié par la loi du 24 mars 1997 (BGBl. 1997 I, p. 594, ci-après le «BErzGG»)], toute personne ayant son domicile ou son lieu de résidence ordinaire sur le territoire relevant de cette loi, ayant dans son ménage un enfant dont elle a la charge, assurant la garde ainsi que l’éducation de cet enfant et n’exerçant pas d’activité ou d’activité professionnelle à plein temps, peut prétendre à l’allocation d’éducation.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

12     Mme Weide a travaillé au Luxembourg à partir du mois d’octobre 1993 jusqu’au mois de mai 1998, tout en résidant en Allemagne avec son mari et son premier enfant. À la suite d’un congé de maternité consécutif à la naissance, le 11 mai 1998, de son deuxième enfant et d’une brève période de congé sans solde, l’intéressée a décidé de se consacrer à l’éducation de son deuxième enfant à partir du 1er octobre 1998 jusqu’au 15 mai 2000. Au cours de cette dernière période, Mme Weide est restée affiliée dans l’État membre d’emploi conformément à l’article 171 du code des assurances sociales luxembourgeois. Il ressort également du dossier que l’intéressée a travaillé de nouveau auprès de son ancien employeur, au Luxembourg, du 16 mai au 30 septembre 2000.

13     La demande de Mme Weide, du mois de juin 1998, tendant au bénéfice de l’allocation d’éducation prévue par le BErzGG, a été rejetée par l’institution allemande compétente. Tant le Sozialgericht für das Saarland que le Landessozialgericht für das Saarland (Allemagne), saisis respectivement en première et en deuxième instance, ont confirmé cette décision de rejet.

14     Selon ces juridictions, Mme Weide remplit bien les conditions d’octroi de l’allocation d’éducation en vertu du BErzGG, mais, conformément aux articles 13 et 73 du règlement n° 1408/71, il appartient au Grand-Duché de Luxembourg, en sa qualité d’État membre d’emploi de l’intéressée, de verser l’allocation d’éducation prévue par sa propre réglementation. En effet, les conditions d’application de l’article 76 du règlement n° 1408/71 ne seraient pas réunies en l’occurrence. Le Sozialgericht für das Saarland relève à cet égard que le droit de Mme Weide au bénéfice de l’allocation d’éducation allemande résulte de sa résidence en Allemagne et non pas de l’exercice d’une activité professionnelle par l’intéressée dans ce même État membre, contrairement aux exigences de cette dernière disposition, qui envisage l’hypothèse dans laquelle les prestations sont prévues au titre de l’exercice d’une activité professionnelle. Le Landessozialgericht für das Saarland relève que le conjoint de Mme Weide ne satisfait pas aux conditions d’octroi de l’allocation allemande, ne serait-ce que dans la mesure où il exerce une activité professionnelle. L’article 76 du règlement n° 1408/71 ne trouverait dès lors pas application en l’espèce.

15     Mme Weide a alors introduit devant la CNPF une demande de versement de l’allocation d’éducation au titre de la loi de 1988, demande qui a été rejetée par décision du 30 novembre 2000. La CNPF a cependant alloué à l’intéressée le supplément correspondant à la différence entre le montant de la prestation d’éducation qu’elle aurait dû percevoir en Allemagne et celui, plus élevé, de l’allocation d’éducation prévue par la loi de 1988.

16     Mme Weide ayant contesté cette décision devant le Conseil arbitral des assurances sociales (Luxembourg), ce dernier a réformé celle-ci par jugement du 7 décembre 2001 et fait droit à la demande tendant à l’octroi de l’allocation d’éducation prévue par la loi de 1988. Sur appel de la CNPF, ce jugement a été confirmé par arrêt du 27 mai 2002 du Conseil supérieur des assurances sociales (Luxembourg). Suivant cet arrêt, l’article 76 du règlement n° 1408/71 ne serait applicable que si Mme Weide avait droit à des prestations familiales en Allemagne, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, puisque l’intéressée n’y a jamais travaillé ni cotisé. En conséquence, l’allocation d’éducation devrait, conformément aux articles 13 et 73 du règlement n° 1408/71, être versée par l’État membre d’emploi.

17     La CNPF s’est alors pourvue devant la Cour de cassation qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 76 du règlement […] n°  1408/71 […] doit-il être interprété en ce sens qu’il vise uniquement l’hypothèse où le travailleur migrant a droit à des prestations familiales en vertu de la législation de l’État d’emploi et en vertu de la législation de l’État de résidence des membres de la famille?

2)      En cas de réponse affirmative à cette question, les organismes de l’État d’emploi peuvent-ils procéder à une suspension du droit aux prestations familiales s’ils considèrent que le refus d’octroyer des prestations familiales dans l’État de résidence n’est pas conforme au droit communautaire?

3)      Dans l’hypothèse d’une réponse négative à la première question, l’article 76, précité, permet-il à l’État d’emploi d’appliquer la règle de non-cumul des prestations au cas où le conjoint du travailleur migrant touche ou a droit, au titre de la loi de l’État de résidence des membres de la famille, à des prestations familiales de même nature?»

 Sur les questions préjudicielles

18     Il convient de relever d’emblée que tant l’allocation d’éducation prévue par le BErzGG (arrêt du 10 octobre 1996, Hoever et Zachow, C‑245/94 et C‑312/94, Rec. p. I-4895, points 18 à 27) que l’allocation d’éducation en vertu de la loi de 1988, qui présente des caractéristiques analogues à celles de l’allocation d’éducation allemande, remplissent les conditions pour être considérées comme des «prestations familiales» au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement n° 1408/71.

19     Par ailleurs, la Cour a déjà jugé que la règle de la soumission à la législation du seul État membre d’emploi, édictée par l’article 13 du règlement n° 1408/71, n’exclut pas que des prestations déterminées soient régies par des règles plus spécifiques du même règlement (voir, notamment, arrêt du 9 décembre 1992, McMenamin, C‑119/91, Rec. p. I-6393, point 14).

20     S’agissant des prestations familiales, l’article 73 du règlement n° 1408/71 énonce que le travailleur soumis à la législation d’un État membre a droit, pour les membres de sa famille qui résident dans un autre État membre, aux prestations familiales prévues par la législation du premier État, comme s’ils résidaient sur le territoire de celui-ci.

21     L’article 76 du même règlement, sur lequel portent les questions préjudicielles, comporte, aux termes mêmes de son intitulé, des «[r]ègles de priorité en cas de cumul de droits à prestations familiales en vertu de la législation de l’État compétent et en vertu de la législation du pays de résidence des membres de la famille».

22     Cette disposition vise plus précisément la situation dans laquelle «des prestations familiales sont, au cours de la même période, pour le même membre de la famille et au titre de l’exercice d’une activité professionnelle, prévues par la législation de l’État membre sur le territoire duquel les membres de la famille résident». Son application suppose dès lors que des prestations familiales soient dues par l’État membre de résidence au titre de l’exercice d’une activité professionnelle par l’intéressé.

23     Or, il ressort tant du dossier que des observations soumises à la Cour qu’une personne se trouvant dans la situation de Mme Weide peut, conformément à l’article 73 du règlement n° 1408/71, prétendre au bénéfice de l’allocation d’éducation prévue par la loi de 1988 en sa qualité de travailleur salarié au Luxembourg, qualité qui subsiste tant que l’intéressée est affiliée à une branche du régime de sécurité sociale luxembourgeois (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2005, Dodl et Oberhollenzer, C-543/03, non encore publié au Recueil, point 30) et remplit parallèlement les conditions d’octroi de l’allocation d’éducation en vertu de la législation de l’État membre de résidence, à savoir la République fédérale d’Allemagne, qui fait dépendre le bénéfice d’une telle allocation non pas de l’exercice préalable d’une activité professionnelle, mais de la résidence dans cet État.

24     Cette dernière hypothèse, dans laquelle le droit aux prestations familiales dans l’État membre de résidence ne dépend pas de conditions d’assurance, d’emploi ou d’activité non salariée, mais d’une condition de résidence, est, pour sa part, visée à l’article 10 du règlement n° 574/72.

25     Selon une jurisprudence constante, en vue de fournir une réponse utile à la juridiction qui est à l’origine d’un renvoi préjudiciel, la Cour peut être amenée à prendre en considération des normes de droit communautaire auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans ses questions préjudicielles (voir, notamment, arrêt du 12 octobre 2004, Wolff & Muller, C-60/03, non encore publié au Recueil, point 24).

26     Dans ces conditions, il convient d’examiner la présente affaire en prenant en considération les règles anti-cumul énoncées à l’article 10 du règlement n° 574/72.

27     À titre liminaire, il importe de rappeler que, quelle que soit la réponse aux questions posées, dans un cas comme celui de l’affaire au principal, l’institution de l’État membre de résidence saisie à cet effet doit, en tout état de cause, verser, conformément à l’article 114 du règlement n° 574/72, à titre provisoire l’allocation prévue par la législation qu’elle applique, à savoir, dans ladite affaire, l’allocation d’éducation prévue par le BErzGG, en attendant l’issue définitive du litige qui oppose cette institution à celle de l’État membre d’emploi.

28     Ainsi que la Cour l’a relevé aux points 17 et 18 de l’arrêt McMenamin, précité, si, suivant la règle anti-cumul énoncée à l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 574/72, les allocations versées par l’État membre d’emploi priment sur les allocations versées par l’État membre de résidence, qui sont, de ce fait, suspendues, en revanche, au cas où une activité professionnelle est exercée dans ce dernier État, l’article 10, paragraphe 1, sous b), i), du même règlement prescrit la solution inverse, à savoir que le droit aux allocations versées par l’État membre de résidence l’emporte sur le droit aux allocations versées par l’État membre d’emploi, qui sont ainsi suspendues.

29     Au point 19 du même arrêt, la Cour a souligné que, selon cette dernière disposition, l’activité professionnelle, qui a pour effet de provoquer ce renversement des priorités, doit être exercée dans l’État membre de résidence «par la personne ayant droit aux prestations ou allocations familiales ou par la personne à qui elles sont servies».

30     La Cour a interprété ce membre de phrase au regard de l’intention de son auteur en ce sens que l’exercice par une personne ayant la garde des enfants, et plus spécialement par le conjoint du bénéficiaire visé à l’article 73 du règlement n° 1408/71, d’une activité professionnelle dans l’État membre de résidence des enfants suspend, par application de l’article 10 du règlement n° 574/72, le droit aux allocations prévues par ledit article 73, jusqu’à concurrence du montant des allocations de même nature effectivement versées par l’État membre de résidence, et ce quel que soit le bénéficiaire direct des allocations familiales désigné par la législation de l’État membre de résidence (arrêt McMenamin, précité, points 20 à 27).

31     Comme Mme l’avocat général l’a relevé au point 39 de ses conclusions et ainsi qu’il ressort notamment du point 60 de l’arrêt Dodl et Oberhollenzer, précité, les modifications apportées à l’article 10 du règlement n° 574/72 par rapport au libellé de cette disposition dans sa version applicable dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt McMenamin, précité, ne sont pas de nature à remettre en cause cette interprétation.

32     Ainsi, la Cour a jugé au point 64 de l’arrêt Dodl et Oberhollenzer, précité, que lorsqu’une personne ayant la garde des enfants, en particulier le conjoint ou le compagnon d’un travailleur qui bénéficie, en vertu de la législation de l’État membre d’emploi et celle de l’État membre de résidence, des droits à prestations familiales pour le même membre de sa famille et pour la même période, exerce une activité professionnelle dans l’État membre de résidence, les prestations familiales doivent être versées, en vertu de l’article 10, paragraphe 1, sous b), i), du règlement n° 574/72, par cet État membre, quel que soit le bénéficiaire direct de ces prestations désigné par la législation dudit État. Dans cette hypothèse, le versement des prestations familiales par l’État membre d’emploi est suspendu jusqu’à concurrence du montant des prestations familiales prévu par la législation de l’État membre de résidence.

33     Il en résulte que, dans un cas comme celui de l’affaire au principal, l’article 10, paragraphe 1, sous b), i), du règlement n° 574/72 implique que l’exercice, par le conjoint de la personne qui bénéficie de l’allocation d’éducation prévue par la loi de 1988 en application de l’article 73 du règlement n° 1408/71, d’une activité professionnelle dans l’État membre de résidence des enfants, en l’occurrence la République fédérale d’Allemagne, suspend le droit aux allocations prévues par cette dernière disposition jusqu’à concurrence du montant des allocations d’éducation prévu par la législation de l’État membre de résidence, même si ces dernières sont dues au bénéficiaire de l’allocation luxembourgeoise et non pas au conjoint de celui-ci.

34     Il convient dès lors de répondre aux questions posées que l’article 10, paragraphe 1, sous b), i), du règlement n° 574/72 doit être interprété en ce sens que l’exercice, par le conjoint du bénéficiaire d’une prestation familiale en application de l’article 73 du règlement n° 1408/71, d’une activité professionnelle dans l’État membre de résidence des enfants suspend le droit aux allocations prévues par cette dernière disposition jusqu’à concurrence du montant des allocations d’éducation prévu par la législation de l’État membre de résidence, et ce quel que soit le bénéficiaire direct des allocations familiales désigné par la législation de cet État.

 Sur les dépens

35     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

L’article 10, paragraphe 1, sous b), i), du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement (CEE) n° 1408/71 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, doit être interprété en ce sens que l’exercice, par le conjoint du bénéficiaire d’une prestation familiale en application de l’article 73 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 118/97, d’une activité professionnelle dans l’État membre de résidence des enfants suspend le droit aux allocations prévues par cette dernière disposition jusqu’à concurrence du montant des allocations d’éducation prévu par la législation de l’État membre de résidence, et ce quel que soit le bénéficiaire direct des allocations familiales désigné par la législation de cet État.

Signatures


* Langue de procédure: le français.

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