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Document 62000CJ0005

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 7 février 2002.
Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne.
Manquement d'Etat - Directive 89/391/CEE - Mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail - Articles 9, paragraphe 1, sous a), et 10, paragraphe 3, sous a) - Obligation pour l'employeur de disposer de documents contenant une évaluation des risques pour la sécurité et la santé au travail.
Affaire C-5/00.

European Court Reports 2002 I-01305

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2002:81

62000J0005

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 7 février 2002. - Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne. - Manquement d'Etat - Directive 89/391/CEE - Mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail - Articles 9, paragraphe 1, sous a), et 10, paragraphe 3, sous a) - Obligation pour l'employeur de disposer de documents contenant une évaluation des risques pour la sécurité et la santé au travail. - Affaire C-5/00.

Recueil de jurisprudence 2002 page I-01305


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


Politique sociale - Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs - Directive 89/391 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail - Évaluation des risques - Obligations des employeurs - Obligation de disposer d'une évaluation des risques sous la forme de documents - Législation nationale n'assurant pas, pour les employeurs de dix travailleurs ou moins, l'application de cette obligation en toutes circonstances - Inadmissibilité

irective du Conseil 89/391, art. 9, § 1, a), et 10, § 3, a))

Sommaire


$$L'article 9, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/391 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail comporte une obligation pour l'employeur de disposer de documents contenant une évaluation des risques pour la sécurité et la santé au travail, documents auxquels les travailleurs ou les représentants des travailleurs ayant une fonction spécifique en matière de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs doivent avoir accès en vertu de l'article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive.

Manque aux obligations lui incombant en vertu des dispositions précitées un État membre qui n'assure pas que l'obligation de disposer d'une évaluation desdits risques sous la forme de documents s'applique également, et en toutes circonstances, pour les employeurs de dix travailleurs ou moins.

( voir points 24, 37, disp. 1 )

Parties


Dans l'affaire C-5/00,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. W. Bogensberger, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République fédérale d'Allemagne, représentée par M. W.-D. Plessing et Mme B. Muttelsee-Schön, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, en libérant les employeurs de dix travailleurs ou moins, en vertu de l'article 6, paragraphe 1, du Gesetz über die Durchführung von Maßnahmen des Arbeitsschutzes zur Verbesserung der Sicherheit und des Gesundheitsschutzes der Beschäftigten bei der Arbeit (Arbeitsschutzgesetz) [loi concernant la mise en oeuvre de mesures de protection visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé du personnel au travail (loi sur la protection des travailleurs)], du 7 août 1996 (BGBl. 1996 I, p. 1246), de l'obligation de disposer de documents reprenant les résultats d'une évaluation des risques, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 5 et 189 du traité CE (devenus articles 10 CE et 249 CE), ainsi que des articles 9, paragraphe 1, sous a), et 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (JO L 183, p. 1),

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. S. von Bahr (rapporteur), président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la cinquième chambre, D. A. O. Edward, A. La Pergola, M. Wathelet et C. W. A. Timmermans, juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 28 juin 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 6 janvier 2000, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en libérant les employeurs de dix travailleurs ou moins, en vertu de l'article 6, paragraphe 1, du Gesetz über die Durchführung von Maßnahmen des Arbeitsschutzes zur Verbesserung der Sicherheit und des Gesundheitsschutzes der Beschäftigten bei der Arbeit (Arbeitsschutzgesetz) [loi concernant la mise en oeuvre de mesures de protection visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé du personnel au travail (loi sur la protection des travailleurs)], du 7 août 1996 (BGBl. 1996 I, p. 1246, ci-après l'«ArbSchG»), de l'obligation de disposer de documents reprenant les résultats d'une évaluation des risques, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 5 et 189 du traité CE (devenus articles 10 CE et 249 CE), ainsi que des articles 9, paragraphe 1, sous a), et 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (JO L 183, p. 1, ci-après la «directive»).

La réglementation communautaire

2 Ainsi qu'il ressort de son article 1er, paragraphe 2, la directive comporte des principes généraux concernant la prévention des risques professionnels et la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail, l'élimination des facteurs de risque et d'accident, l'information, la consultation et la participation équilibrée de ces derniers, ainsi que des lignes générales pour la mise en oeuvre desdits principes.

3 L'article 6, paragraphe 3, sous a), de la directive impose à l'employeur, «compte tenu de la nature des activités de l'entreprise et/ou de l'établissement», l'obligation d'«évaluer les risques pour la sécurité et la santé des travailleurs». À l'issue de cette évaluation, et en tant que de besoin, les activités de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production mises en oeuvre par l'employeur doivent garantir un meilleur niveau de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et être intégrées dans l'ensemble des activités de l'entreprise et/ou de l'établissement.

4 L'article 9 de la directive, intitulé «Obligations diverses des employeurs», prévoit, à son paragraphe 1, sous a):

«L'employeur doit:

a) disposer d'une évaluation des risques pour la sécurité et la santé au travail, y compris ceux concernant les groupes des travailleurs à risques particuliers».

5 L'article 10 de la directive, intitulé «Information des travailleurs», dispose, à son paragraphe 3:

«L'employeur prend les mesures appropriées pour que les travailleurs ayant une fonction spécifique en matière de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, ou les représentants des travailleurs, ayant une fonction spécifique en matière de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, aient accès, pour l'accomplissement de leur fonction et conformément aux législations et/ou pratiques nationales:

a) à l'évaluation des risques et aux mesures de protection, prévues à l'article 9 paragraphe 1 points a) et b);

[...]»

La réglementation nationale

6 L'article 5 de l'ArbSchG, intitulé «Appréciation des conditions de travail», prévoit, à son paragraphe 1, que l'employeur doit, au moyen d'une évaluation des risques liés au travail auxquels sont exposés les employés, déterminer les mesures nécessaires pour assurer la protection de ceux-ci.

7 L'article 6 de l'ArbSchG, intitulé «Documentation», dispose, à son paragraphe 1:

«L'employeur doit disposer des documents nécessaires en fonction de la nature des activités et de l'effectif de l'entreprise, indiquant le résultat de l'évaluation des risques, les mesures arrêtées par l'employeur et le résultat de leur contrôle. [...] Sauf disposition contraire prévue par une autre réglementation, la première phrase ne s'applique pas aux employeurs de dix travailleurs ou moins; en cas de risques spécifiques, les autorités compétentes peuvent prévoir la mise à disposition obligatoire de la documentation. [...]»

8 Selon l'article 2, paragraphe 4, de l'ArbSchG, il faut entendre par «autre réglementation», au sens de cette loi, les dispositions visant à protéger les travailleurs contenues dans d'autres textes à caractère législatif ou réglementaire, ainsi que dans les Unfallverhütungsvorschriften (normes de prévention des accidents, ci-après les «UVV»).

9 En vertu de l'article 1er du Gesetz über Betriebsärzte, Sicherheitsingenieure und andere Fachkräfte für Arbeitssicherheit (Arbeitssicherheitsgesetz) [loi relative aux médecins d'entreprise, ingénieurs de sécurité et autre personnel spécialisé en matière de sécurité du travail (loi sur la sécurité au travail)], du 12 décembre 1973 (BGBl. 1973 I, p. 1885), tel que modifié par l'article 10 de la loi du 25 septembre 1996 (BGBl. 1996 I, p. 1476, ci-après l'«ASiG»), l'employeur est tenu d'engager des médecins d'entreprise et du personnel spécialisé en matière de sécurité du travail, qui doivent l'assister dans la protection des travailleurs et la prévention des accidents, afin de garantir que les dispositions visant à assurer la protection des travailleurs et la prévention des accidents seront correctement appliquées, eu égard aux conditions de travail spécifiques à l'entreprise.

10 L'article 2, paragraphe 1, de l'ASiG prévoit que les employeurs doivent faire appel, par écrit, à des médecins d'entreprise et leur confier les missions décrites à l'article 3 de la même loi, dans la mesure où cela est nécessaire au regard, premièrement, de la nature de l'entreprise et des risques d'accident et de maladie auxquels sont exposés les travailleurs, deuxièmement, de l'effectif et de la structure du personnel et, troisièmement, de l'organisation de l'entreprise, eu égard notamment au nombre et à la nature des personnes responsables de la protection des travailleurs et de la prévention des accidents.

11 Conformément à l'article 3, paragraphe 1, de l'ASiG, les médecins d'entreprise doivent assister l'employeur lorsqu'il est confronté à tout problème mettant en jeu la protection de la santé des travailleurs et dans le cadre de la prévention des accidents. Ils doivent notamment, selon les termes de l'article 3, paragraphe 1, point 1, sous g), de ladite loi, conseiller l'employeur ainsi que les autres personnes responsables de la protection des travailleurs et de la prévention des accidents, en particulier dans l'appréciation des conditions de travail.

12 Parallèlement, l'article 5, paragraphe 1, de l'ASiG prévoit que les employeurs doivent faire appel par écrit à du personnel spécialisé en matière de sécurité du travail (ingénieurs de sécurité, techniciens et contremaîtres chargés de la sécurité) et lui confier les missions décrites à l'article 6 de la même loi. La mission du personnel spécialisé en matière de sécurité du travail ayant trait à l'appréciation des conditions de travail, prévue à l'article 6, point 1, sous e), de l'ASiG, est formulée dans les mêmes termes que celle qui incombe aux médecins d'entreprise aux termes de l'article 3, paragraphe 1, point 1, sous g), de la même loi.

13 Les articles 3, paragraphe 1, point 1, sous g), et 6, point 1, sous e), de l'ASiG ont été introduits par l'article 2 du Gesetz zur Umsetzung der EG-Rahmenrichtlinie Arbeitsschutz und weiterer Arbeitsschutz-Richtlinien (loi transposant la directive-cadre communautaire relative à la protection des travailleurs ainsi que d'autres directives y relatives), du 7 août 1996 (BGBl. 1996 I, p. 1246), qui a transposé la directive en droit allemand et dont l'article 1er contient l'ArbSchG.

14 L'article 14 de l'ASiG, intitulé «Possibilité d'arrêter des règlements», prévoit, à son paragraphe 1:

«Le ministre fédéral du Travail et de la Sécurité sociale peut, avec l'accord du Bundesrat, arrêter par voie réglementaire les mesures que les employeurs doivent prendre pour se conformer aux obligations qui résultent pour eux de la présente loi. Lorsque les organismes d'assurance légale contre les accidents sont habilités à préciser davantage les obligations légales par des UVV, le ministre fédéral du Travail et de la Sécurité sociale exerce cette faculté si, à l'expiration d'un délai approprié, l'organisme d'assurance légale contre les accidents n'a pas adopté d'UVV adéquate ou n'a pas modifié une UVV devenue insuffisante.»

15 Aux termes de l'article 14, paragraphe 2, de l'ASiG:

«Le ministre fédéral du Travail et de la Sécurité sociale peut, par voie réglementaire, et avec l'accord du Bundesrat:

1. prévoir que, pour certains types d'entreprises et dans les circonstances mentionnées aux articles 2, paragraphe 1, points 2 et 3, et 5, paragraphe 1, points 2 et 3, les obligations prévues aux articles 3 et 6 n'ont pas besoin d'être respectées en totalité ou en partie,

2. prévoir que les obligations mentionnées aux articles 3 et 6 n'ont pas besoin d'être respectées en tout ou en partie, lorsque cela est inévitable parce que le personnel spécialisé en matière de sécurité du travail ou les médecins d'entreprise ne sont pas disponibles en nombre suffisant.»

16 L'article 15, paragraphe 1, point 6, du Sozialgesetzbuch VII (code social, livre VII, BGBl. 1996 I, p. 1254, ci-après le «SGB VII») prévoit que les organismes d'assurance légale contre les accidents (Unfallversicherungsträger) (ci-après les «organismes d'assurance contre les accidents») arrêtent des UVV en tant que normes de droit autonomes, définissant les mesures que le chef d'entreprise doit prendre pour s'acquitter des obligations résultant de l'ASiG.

17 L'article 15, paragraphe 4, du SGB VII dispose:

«Les normes prévues au paragraphe 1 requièrent l'approbation du ministère fédéral du Travail et de la Sécurité sociale. La décision à cet effet est prise de concert avec les autorités administratives suprêmes des Länder. Si des normes sont adoptées par un organisme d'assurance contre les accidents soumis à la tutelle du Land, l'approbation est donnée par les autorités administratives supérieures du Land de concert avec le ministère fédéral du Travail et de la Sécurité sociale.»

La procédure précontentieuse

18 Considérant que la directive n'avait pas été transposée en droit allemand de façon satisfaisante, la Commission a engagé la procédure en manquement. Après avoir mis la République fédérale d'Allemagne en mesure de présenter ses observations, la Commission a, par lettre du 19 octobre 1998, adressé un avis motivé à cet État membre l'invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à ses obligations résultant de la directive dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet avis.

19 N'ayant pas été satisfaite de la réponse du gouvernement allemand à l'avis motivé, la Commission a introduit le présent recours.

Appréciation de la Cour

20 La Commission fait valoir que l'article 6 de l'ArbSchG, qui exonère les employeurs de dix travailleurs ou moins de l'obligation de disposer des documents faisant ressortir le résultat de l'évaluation des risques, pour les employés, liés à leur travail, est contraire aux articles 9, paragraphe 1, sous a), de la directive, obligeant tous les employeurs à disposer d'une telle évaluation, et 10, paragraphe 3, sous a), de la même directive, garantissant l'accès à cette évaluation à certaines personnes.

21 Le gouvernement allemand affirme que, en vertu de l'ASiG, lu en combinaison avec l'article 15, paragraphe 1, point 6, du SGB VII et avec les UVV arrêtées, pour chaque branche d'activité, par les organismes d'assurance contre les accidents, toutes les entreprises, y compris celles employant dix salariés ou moins, sont tenues de désigner des médecins d'entreprise et du personnel spécialisé en matière de sécurité du travail, ceux-ci étant eux-mêmes soumis à l'obligation d'établir des rapports contenant une évaluation des risques au travail, de sorte que l'obligation prévue à l'article 9, paragraphe 1, sous a), de la directive est pleinement remplie.

22 La Commission soulève deux objections à l'encontre des dispositions invoquées par le gouvernement allemand.

23 En premier lieu, la Commission fait valoir que l'obligation pour les médecins d'entreprise et le personnel spécialisé en matière de sécurité du travail d'établir des rapports sur l'accomplissement de leur mission, qui résulte de l'ASiG, lu en combinaison avec l'article 15, paragraphe 1, point 6, du SGB VII et avec les UVV, n'est pas équivalente à l'obligation qui pèse sur l'employeur de disposer d'une évaluation des risques sous la forme de documents, prévue à l'article 9, paragraphe 1, sous a), de la directive. D'une part, l'obligation d'établir des rapports n'incomberait pas à l'employeur mais aux médecins d'entreprise ainsi qu'au personnel spécialisé en matière de sécurité du travail et l'employeur ne serait pas tenu de se conformer aux recommandations contenues dans ces rapports. D'autre part, le contenu des rapports établis par les médecins d'entreprise et par le personnel spécialisé en matière de sécurité du travail ne serait pas équivalent au contenu des documents exigés par la directive.

24 À titre liminaire, il convient de relever que l'article 9, paragraphe 1, sous a), de la directive comporte une obligation pour l'employeur de disposer de documents contenant une évaluation des risques pour la sécurité et la santé au travail, documents auxquels les travailleurs ou les représentants des travailleurs ayant une fonction spécifique en matière de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs doivent avoir accès en vertu de l'article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive.

25 Ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 60 de ses conclusions, l'article 9, paragraphe 1, sous a), de la directive n'impose en revanche aucune condition quant à l'auteur des documents contenant le résultat de l'évaluation des risques.

26 En outre, l'obligation pour l'employeur d'adopter des mesures en fonction du résultat de l'évaluation des risques ne résulte pas de cette disposition mais de l'article 6 de la directive qui ne fait pas l'objet de la présente affaire.

27 Dès lors, la question est de savoir si les rapports des médecins d'entreprise et du personnel spécialisé en matière de sécurité du travail sur l'accomplissement de leur mission, prévus par les dispositions invoquées par le gouvernement allemand, à savoir l'ASiG, l'article 15, paragraphe 1, point 6, du SGB VII et les UVV, ont le même objet que les documents contenant une évaluation des risques, exigés par l'article 9, paragraphe 1, sous a), de la directive, de sorte que les uns et les autres ont un contenu similaire.

28 À cet égard, il y a lieu de constater, d'une part, que les rapports établis par les médecins d'entreprise et le personnel spécialisé en matière de sécurité du travail conformément à l'ASiG, lu en combinaison avec l'article 15, paragraphe 1, point 6, du SGB VII et avec les UVV, doivent, selon les informations découlant du dossier, contenir le résultat d'une appréciation des conditions de travail. D'autre part, il y a lieu de relever que l'article 5 de l'ArbSchG, intitulé «Appréciation des conditions de travail», édicte l'obligation d'évaluer les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs au travail.

29 Ainsi, l'objet des rapports des médecins d'entreprise et du personnel spécialisé en matière de sécurité du travail, prévus par l'ASiG, lu en combinaison avec l'article 15, paragraphe 1, point 6, du SGB VII et avec les UVV, ne semble pas s'écarter de celui des documents faisant ressortir le résultat de l'évaluation des risques prévus à l'article 6, paragraphe 1, de l'ArbSchG.

30 L'objet des documents faisant ressortir le résultat de l'évaluation des risques prévus par l'ArbSchG n'a nullement été critiqué par la Commission et apparaît, à première vue, comme conforme à l'objet des documents contenant une évaluation des risques exigés par la directive.

31 Dans ces circonstances, il convient de constater que la Commission n'est pas parvenue à démontrer que les rapports des médecins d'entreprise et du personnel spécialisé en matière de sécurité du travail, prévus par l'ASiG, lu en combinaison avec l'article 15, paragraphe 1, point 6, du SGB VII et avec les UVV, ont un objet autre que celui des documents contenant une évaluation des risques exigés par l'article 9, paragraphe 1, sous a), de la directive et que leur contenu diffère.

32 Dès lors, la première objection de la Commission doit être rejetée comme étant non fondée.

33 En second lieu, la Commission affirme que, en vertu de l'article 14, paragraphe 2, de l'ASiG, le ministre fédéral du Travail et de la Sécurité sociale - avec l'accord du Bundesrat - peut, pour certains types d'entreprises, notamment en fonction du nombre de travailleurs qu'elles emploient, exonérer les médecins d'entreprise et le personnel spécialisé en matière de sécurité du travail de tout ou partie des obligations prévues aux articles 3 et 6 de ladite loi, parmi lesquelles figure l'établissement des rapports, et, partant, dispenser les entreprises concernées de l'obligation de disposer desdits rapports, de sorte que des exceptions à l'obligation prévue à l'article 9, paragraphe 1, sous a), de la directive seraient permises.

34 Selon le gouvernement allemand, le ministre fédéral du Travail et de la Sécurité sociale pourrait uniquement utiliser son pouvoir d'exonération en vertu de l'article 14, paragraphe 2, de l'ASiG, lorsque les organismes d'assurance contre les accidents n'ont pas adopté des UVV ou n'ont pas modifié des UVV devenues insuffisantes, c'est-à-dire dans les mêmes conditions que celles prévues pour l'adoption de mesures réglementaires par le ministre en vertu de l'article 14, paragraphe 1, de la même loi. Étant donné que des UVV adéquates auraient été adoptées par tous les organismes d'assurance contre les accidents, aucune exonération de l'obligation d'établir des rapports ne serait plus possible.

35 À cet égard, il y a lieu de constater qu'une disposition qui, pour certains types d'entreprises, notamment en fonction du nombre de travailleurs qu'elles emploient, donne au ministre fédéral compétent le pouvoir d'exonérer les médecins d'entreprise et le personnel spécialisé en matière de sécurité du travail de l'établissement de rapports sur l'appréciation des conditions de travail apparaît clairement comme contraire aux articles 9, paragraphe 1, sous a), et 10, paragraphe 3, sous a), de la directive, dès lors que des entreprises employant dix travailleurs ou moins pourraient ainsi se voir dispensées de l'obligation de disposer d'une évaluation des risques sous la forme de documents.

36 En outre, il ne ressort ni des termes de l'article 14, paragraphe 1, de l'ASiG, ni de ceux de l'article 14, paragraphe 2, de la même loi, ni d'aucune circonstance de la présente affaire que le pouvoir d'exonération prévu par cette dernière disposition serait subordonné à la condition que les organismes d'assurance contre les accidents n'aient pas adopté des UVV ou n'aient pas modifié des UVV devenues insuffisantes.

37 Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en n'assurant pas que l'obligation de disposer d'une évaluation des risques pour la sécurité et la santé au travail sous la forme de documents, prévue par la directive, s'applique en toutes circonstances pour les employeurs de dix travailleurs ou moins, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 9, paragraphe 1, sous a), et 10, paragraphe 3, sous a), de la directive.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

38 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République fédérale d'Allemagne et cette dernière ayant succombé en sa défense, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(cinquième chambre)

déclare et arrête:

39 En n'assurant pas que l'obligation de disposer d'une évaluation des risques pour la sécurité et la santé au travail sous la forme de documents, prévue par la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail, s'applique en toutes circonstances pour les employeurs de dix travailleurs ou moins, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 9, paragraphe 1, sous a), et 10, paragraphe 3, sous a), de la directive.

40 La République fédérale d'Allemagne est condamnée aux dépens.

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