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Document 61999CJ0067

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 11 septembre 2001.
Commission des Communautés européennes contre Irlande.
Manquement d'Etat - Directive 92/43/CEE - Conservation des habitats naturels - Conservation de la faune et de la flore sauvages - Article 4, paragraphe 1 - Liste de sites - Informations relatives aux sites.
Affaire C-67/99.

European Court Reports 2001 I-05757

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2001:432

61999J0067

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 11 septembre 2001. - Commission des Communautés européennes contre Irlande. - Manquement d'Etat - Directive 92/43/CEE - Conservation des habitats naturels - Conservation de la faune et de la flore sauvages - Article 4, paragraphe 1 - Liste de sites - Informations relatives aux sites. - Affaire C-67/99.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-05757


Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1. Recours en manquement - Objet du litige - Détermination au cours de la procédure précontentieuse - Précision dans la requête introductive d'instance des griefs initiaux - Admissibilité

(Traité CE, art. 169 (devenu art. 226 CE); règlement de procédure de la Cour, art. 38, § 1, c), et 42)

2. Recours en manquement - Examen du bien-fondé par la Cour - Situation à prendre en considération - Situation à l'expiration du délai fixé par l'avis motivé

(Traité CE, art. 169 (devenu art. 226 CE))

3. États membres - Obligations - Exécution des directives - Manquement - Justification tirée du retard pris par la Commission dans l'établissement d'un formulaire prévu pour la transmission de certaines données par les États membres - Inadmissibilité

(Traité CE, art. 169 (devenu art. 226 CE))

Parties


Dans l'affaire C-67/99,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. R. Wainwright et P. Stancanelli, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Irlande, représentée par M. M. A. Buckley, en qualité d'agent, assisté de MM. H. A. Whelehan, SC, et A. M. Collins, BL, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, en ne transmettant pas à la Commission la liste complète de sites mentionnée à l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7), et les informations relatives à ces sites exigées par l'article 4, paragraphe 1, second alinéa, de la même directive, l'Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. C. Gulmann (rapporteur), président de chambre, MM. V. Skouris, R. Schintgen, Mme F. Macken et M. J. N. Cunha Rodrigues, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 18 janvier 2001,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 3 mai 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 25 février 1999, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), un recours visant à faire constater que, en ne transmettant pas à la Commission la liste complète de sites mentionnée à l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7, ci-après la «directive»), et les informations relatives à ces sites exigées par l'article 4, paragraphe 1, second alinéa, de la même directive, l'Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive.

Le droit communautaire

2 La directive a, selon son article 2, pour objet de contribuer à assurer la biodiversité par la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages sur le territoire européen des États membres où le traité CE s'applique.

3 L'article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive dispose:

«1. Un réseau écologique européen cohérent de zones spéciales de conservation, dénommé Natura 2000, est constitué. Ce réseau, formé par des sites abritant des types d'habitats naturels figurant à l'annexe I et des habitats des espèces figurant à l'annexe II, doit assurer le maintien ou, le cas échéant, le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des types d'habitats naturels et des habitats d'espèces concernés dans leur aire de répartition naturelle.

Le réseau Natura 2000 comprend également les zones de protection spéciale classées par les États membres en vertu des dispositions de la directive 79/409/CEE.

2. Chaque État membre contribue à la constitution de Natura 2000 en fonction de la représentation, sur son territoire, des types d'habitats naturels et des habitats d'espèces visés au paragraphe 1. Il désigne à cet effet, conformément à l'article 4, des sites en tant que zones spéciales de conservation, et tenant compte des objectifs visés au paragraphe 1.»

4 Aux termes de l'article 1er, sous j), de la directive, on entend par «site» une aire géographiquement définie, dont la surface est clairement délimitée. Selon l'article 1er, sous k), de la directive, on entend par «site d'importance communautaire» un site qui, dans la ou les régions biogéographiques auxquelles il appartient, contribue de manière significative à maintenir ou à rétablir un type d'habitat naturel de l'annexe I ou une espèce de l'annexe II dans un état de conservation favorable et peut aussi contribuer de manière significative à la cohérence de «Natura 2000», et/ou contribue de manière significative au maintien de la diversité biologique dans la ou les régions biogéographiques concernées. Pour les espèces animales qui occupent de vastes territoires, les sites d'importance communautaire correspondent aux lieux, au sein de l'aire de répartition naturelle de ces espèces, qui présentent les éléments physiques ou biologiques essentiels à leur vie et reproduction.

5 La procédure de désignation des zones spéciales de conservation (ci-après les «ZSC»), fixée à l'article 4 de la directive, se déroule en quatre étapes. En premier lieu, chaque État membre propose une liste de sites indiquant les types d'habitats naturels de l'annexe I et les espèces indigènes de l'annexe II de la directive qu'ils abritent (article 4, paragraphe 1). En deuxième lieu, la Commission établit, à partir des listes des États membres et en accord avec chacun d'eux, un projet de liste des sites d'importance communautaire (article 4, paragraphe 2, premier et deuxième alinéas). En troisième lieu, la liste des sites sélectionnés comme sites d'importance communautaire est arrêtée par la Commission selon la procédure visée à l'article 21 de la directive (article 4, paragraphes 2, troisième alinéa, et 3). En quatrième lieu, les États membres désignent les sites d'importance communautaire comme ZSC (article 4, paragraphe 4).

6 En ce qui concerne plus particulièrement la première étape, l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive dispose que les États membres proposent la liste de sites y mentionnée sur la base des critères établis à l'annexe III (étape 1) de la directive et des informations scientifiques pertinentes.

7 L'annexe III (étape 1), points A et B, de la directive énumère les critères suivants:

«A. Critères d'évaluation du site pour un type d'habitat naturel donné de l'annexe I

a) Degré de représentativité du type d'habitat naturel sur le site.

b) Superficie du site couverte par le type d'habitat naturel par rapport à la superficie totale couverte par ce type d'habitat naturel sur le territoire national.

c) Degré de conservation de la structure et des fonctions du type d'habitat naturel concerné et possibilité de restauration.

d) Évaluation globale de la valeur du site pour la conservation du type d'habitat naturel concerné.

B. Critères d'évaluation du site pour une espèce donnée de l'annexe II

a) Taille et densité de la population de l'espèce présente sur le site par rapport aux populations présentes sur le territoire national.

b) Degré de conservation des éléments de l'habitat importants pour l'espèce concernée et possibilité de restauration.

c) Degré d'isolement de la population présente sur le site par rapport à l'aire de répartition naturelle de l'espèce.

d) Évaluation globale de la valeur du site pour la conservation de l'espèce concernée.»

8 Conformément à l'annexe III (étape 1), point C, de la directive, les États membres classent, suivant les critères figurant à l'annexe III (étape 1), points A et B, les sites qu'ils proposent sur la liste nationale comme sites susceptibles d'être identifiés en tant que d'importance communautaire selon leur valeur relative pour la conservation de chaque type d'habitat naturel ou de chaque espèce figurant respectivement à l'annexe I ou II de la directive qui les concernent.

9 Aux termes de l'article 4, paragraphe 1, second alinéa, de la directive, la liste des sites proposés doit être transmise à la Commission, dans les trois ans suivant la notification de la directive, en même temps que les informations relatives à chaque site. Ces informations comprennent une carte du site, son appellation, sa localisation, son étendue ainsi que les données résultant de l'application des critères spécifiés à l'annexe III (étape 1) et sont fournies sur la base d'un formulaire établi par la Commission selon la procédure visée à l'article 21 de la directive (ci-après le «formulaire»).

10 La directive ayant été notifiée le 10 juin 1992, les États membres auraient dû transmettre la liste des sites proposés et les informations relatives aux sites à la Commission avant le 11 juin 1995.

11 Le formulaire n'a été établi que par la décision 97/266/CE de la Commission, du 18 décembre 1996, concernant le formulaire d'information d'un site proposé comme site Natura 2000 (JO 1997, L 107, p. 1). Cette décision a été notifiée aux États membres le 19 décembre 1996 et a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes le 24 avril 1997.

La procédure précontentieuse

12 Considérant qu'elle n'avait reçu des autorités irlandaises ni la liste complète des sites abritant les types d'habitats naturels de l'annexe I et les espèces indigènes de l'annexe II de la directive ni les informations relatives à ces sites, et en l'absence d'autres éléments d'information lui permettant de conclure que l'Irlande avait pris les dispositions nécessaires pour se conformer aux obligations lui incombant en vertu de l'article 4 de la directive, la Commission a, le 24 avril 1996, conformément à la procédure prévue à l'article 169 du traité, mis en demeure le gouvernement irlandais de présenter ses observations à ce sujet dans un délai de deux mois.

13 Par lettre du 28 avril 1997, les autorités irlandaises ont communiqué une liste de 207 sites, couvrant 5 530 km2, ayant été publiquement proposés pour la désignation comme ZSC et abritant des habitats naturels prioritaires.

14 Tenant compte du fait que le formulaire n'avait été disponible qu'à partir du 19 décembre 1996, la Commission a, le 11 juillet 1997, adressé au gouvernement irlandais une lettre de mise en demeure complémentaire par laquelle elle lui a de nouveau reproché de ne pas avoir transmis la liste complète des sites et les informations relatives à ceux-ci et l'a invité à faire connaître ses observations au sujet de cette infraction à l'article 4, paragraphe 1, de la directive dans un délai de un mois. La Commission soulignait, en particulier, la nécessité d'utiliser le formulaire pour la communication des données pertinentes.

15 Par lettre du 5 septembre 1997, les autorités irlandaises ont annoncé à la Commission leur intention d'appliquer les dispositions de l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive en établissant la liste requise en trois tranches regroupant, la première, les sites abritant des types d'habitats naturels prioritaires, la deuxième, les sites abritant des habitats naturels et des espèces non prioritaires et, la troisième, les sites marins. S'agissant de la liste transmise le 28 avril 1997, qui concernait la première des trois tranches, les autorités irlandaises ont précisé qu'il n'avait jamais été prévu qu'elle remplace ou supprime la nécessité du mécanisme formel de transmission.

16 Estimant que sa correspondance avec les autorités irlandaises ne lui permettait pas de conclure que l'Irlande avait transmis une liste complète des sites abritant les types d'habitats naturels de l'annexe I et les espèces indigènes de l'annexe II de la directive ainsi que les informations relatives à ces sites, la Commission, conformément à l'article 169 du traité, a, le 19 décembre 1997, adressé à cet État membre un avis motivé, l'invitant à se conformer audit avis dans un délai de deux mois à compter de la notification de celui-ci.

17 Par lettre du 23 février 1998, les autorités irlandaises ont fait savoir à la Commission que la non-transmission de la liste de sites et des informations relatives à ces sites était due aux retards liés à la procédure de consultation publique en Irlande et ont indiqué qu'elles pensaient être en mesure de lui transmettre une liste pour le milieu de l'année 1998. Par lettre du 30 septembre 1998, les autorités irlandaises ont transmis une première liste définitive partielle de 39 sites en application de l'article 4, paragraphe 1, de la directive. Les informations relatives aux 39 sites contenus dans cette première liste définitive partielle avaient été transmises par lettre séparée du 6 août 1998. Par lettre du 12 octobre 1998, les autorités irlandaises ont transmis une deuxième liste définitive partielle de 9 sites en application de l'article 4, paragraphe 1, de la directive. Les informations relatives aux sites contenus dans cette deuxième liste avaient été transmises par lettre séparée du 6 octobre 1998.

18 Considérant que ces communications ne lui permettaient pas de conclure que l'Irlande avait mis fin à la violation en cause, la Commission a décidé de saisir la Cour du présent recours.

Sur la recevabilité

19 Le gouvernement irlandais soutient que le recours doit être déclaré irrecevable dans son ensemble. Selon lui, l'avis motivé ne répond pas aux exigences de la jurisprudence de la Cour. En effet, il ne contiendrait pas un exposé cohérent et détaillé des raisons qui ont amené la Commission à la conviction que l'Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité.

20 De plus, ledit avis ne viserait pas les mêmes motifs et les mêmes griefs que ceux qui figurent dans le recours. À cet égard, le gouvernement irlandais prétend que l'avis motivé ne fait état que du retard pris par l'Irlande pour se conformer aux dispositions de l'article 4, paragraphe 1, de la directive, mais n'évoque pas les griefs spécifiques contenus dans la requête selon lesquels l'Irlande ne se serait pas conformée aux exigences de fond de cette disposition.

21 À cet égard, il convient de rappeler que l'avis motivé doit contenir un exposé cohérent et détaillé des raisons ayant amené la Commission à la conviction que l'État intéressé a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire (voir, notamment, arrêt du 16 septembre 1997, Commission/Italie, C-279/94, Rec. p. I-4743, point 15).

22 En outre, l'objet du recours introduit en vertu de l'article 169 du traité est circonscrit par la procédure précontentieuse prévue par cette disposition et, par conséquent, l'avis motivé de la Commission et le recours doivent être fondés sur des griefs identiques (voir, notamment, arrêt Commission/Italie, précité, point 24).

23 Mais, cette règle ne fait pas obstacle à ce que la Commission précise dans sa requête ses griefs initiaux, à la condition, toutefois, que la Commission ne modifie pas l'objet du litige (voir, en ce sens, arrêt du 6 avril 2000, Commission/France, C-256/98, Rec. p. I-2487, points 30 et 31).

24 Il y a lieu de relever que, dans son avis motivé, la Commission a reproché à l'Irlande de n'avoir transmis ni la liste définitive et complète des sites susceptibles d'être désignés comme ZSC ni les informations y afférentes, telles que prévues à l'article 4, paragraphe 1, premier et second alinéas, de la directive. À cet égard, la Commission a observé que la liste indicative et partielle transmise par les autorités irlandaises le 28 avril 1997 ne pouvait être considérée comme une liste complète ni d'un point de vue géographique ni pour ce qui est des types d'habitats naturels et des habitats d'espèces devant être couverts, et que les informations relatives aux sites communiquées ne concernaient pas tous les sites en question.

25 Dans sa requête, la Commission a formulé les mêmes conclusions que dans l'avis motivé. Elle a indiqué que, au vu des sources de référence scientifiques, la liste de sites définitive et partielle proposée par l'Irlande était insuffisante. Elle a précisé, d'une part, que l'Irlande n'avait fait aucune proposition de sites pour 26 types d'habitats naturels d'intérêt communautaire - dont 7 habitats naturels prioritaires largement représentés sur son territoire, à savoir les lagunes côtières, les dunes fixées décalcifiées atlantiques (Calluno-Ulicetea), les dunes fixées décalcifiées à Empetrum nigrum, les tourbières hautes actives, les tourbières boisées, les bois des îles Britanniques à Taxus baccata - ni pour 20 espèces d'intérêt communautaire - comme Rhinolophus hipposideros, Phoca vitulina, Alosa fallax, Geomalacus maculosus et Margaritifera margaritifera, dont elle abrite des populations importantes. D'autre part, la Commission a relevé que, pour certains types d'habitats naturels et certaines espèces, le nombre de sites définitivement proposés par l'Irlande était insuffisant.

26 Il ressort, en premier lieu, de ce qui précède que, en l'espèce, l'avis motivé répond aux exigences de la jurisprudence de la Cour rappelée au point 21 du présent arrêt.

27 En second lieu, ces développements permettent de constater que la Commission n'a pas, dans sa requête, modifié l'objet du litige, mais s'est limitée à illustrer le grief formulé dans son avis motivé, relatif à la non-transmission d'une liste de tous les sites susceptibles d'être désignés comme ZSC, en fournissant des exemples précis des carences que présentaient les listes déjà communiquées par l'Irlande.

28 Par conséquent, l'exception d'irrecevabilité soulevée par l'Irlande doit être rejetée.

Sur le fond

Sur le premier moyen

29 S'agissant de l'obligation de transmettre la liste de sites mentionnée à l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, la Commission rappelle que chaque État membre contribue à la constitution d'un réseau écologique européen cohérent en fonction de l'existence, sur son territoire, des types d'habitats naturels et des habitats des espèces figurant respectivement aux annexes I et II de la directive. Les dispositions combinées de l'article 4, paragraphe 1, et de l'annexe III de la directive montreraient que les États membres disposent d'une certaine marge d'appréciation pour sélectionner les sites à inclure dans la liste. Cependant, la Commission souligne que la marge d'appréciation des États membres est soumise au respect des trois conditions suivantes:

- seuls des critères à caractère scientifique doivent présider à la sélection des sites à proposer;

- les sites proposés doivent assurer une couverture géographique homogène et représentative de la totalité de territoire de chaque État membre afin de garantir la cohérence et l'équilibre du réseau qui en résulte. La liste que propose l'État membre doit donc refléter la diversité écologique (et, dans le cas des espèces, génétique) des habitats naturels et des espèces présents sur son territoire;

- la liste doit être complète, c'est-à-dire que chaque État membre doit proposer un nombre de sites permettant d'inclure de manière suffisamment représentative tous les types d'habitats naturels de l'annexe I ainsi que tous les habitats des espèces de l'annexe II de la directive qui se trouvent sur son territoire.

30 En ce qui concerne la liste nationale irlandaise, la Commission relève que, à l'expiration du délai fixé dans l'avis motivé, soit le 19 février 1998, l'Irlande lui avait transmis une liste de 207 sites, mais qu'il ne s'agissait que d'une liste indicative; que, à la date d'introduction du recours devant la Cour, le 25 février 1999, l'Irlande n'avait pas confirmé cette liste indicative, mais avait uniquement transmis une liste partielle définitive de 48 sites et les informations y afférentes, et que, à la date de l'audience, le 18 janvier 2001, l'Irlande avait transmis au total une liste de 362 sites.

31 La Commission expose qu'elle a engagé la présente procédure dans le but de faire constater l'insuffisance manifeste de la liste nationale irlandaise, qui excéderait largement la marge d'appréciation laissée aux États membres. En effet, non seulement une telle insuffisance serait évidente au regard de la situation qui existait à l'expiration du délai imparti dans l'avis motivé, mais toute une série de réserves concernant la liste de 362 sites devraient encore être formulées. La liste nationale irlandaise ne serait donc pas conforme aux critères mentionnés à l'article 4, paragraphe 1, lu en combinaison avec l'annexe III de la directive.

32 Le gouvernement irlandais reconnaît que, à l'expiration du délai fixé dans l'avis motivé, il n'avait pas communiqué à la Commission une quelconque liste de sites susceptibles d'être désignés comme ZSC. Il fait valoir que ce retard est dû à des difficultés d'ordre interne. En effet, afin d'obtenir l'adhésion de la population aux objectifs ambitieux poursuivis par la directive, il aurait jugé nécessaire de lancer un vaste programme de consultation populaire. Il souligne que les 362 sites irlandais officiellement notifiés jusqu'au mois de janvier 2001 sont protégés en droit irlandais, ce qui va beaucoup plus loin que ce qu'exige la directive.

33 Il convient de relever que, s'il ressort des règles relatives à la procédure d'identification des sites susceptibles d'être désignés comme ZSC, prévues à l'article 4, paragraphe 1, de la directive, que les États membres jouissent d'une certaine marge d'appréciation pour effectuer leurs propositions de sites, il n'en demeure pas moins qu'ils doivent, ainsi que l'a relevé la Commission, effectuer cette opération dans le respect des critères fixés par la directive.

34 À cet égard, il convient de rappeler que, pour établir un projet de liste des sites d'importance communautaire, de nature à aboutir à la constitution d'un réseau écologique européen cohérent de ZSC, la Commission doit disposer d'un inventaire exhaustif des sites revêtant, au niveau national, un intérêt écologique pertinent au regard de l'objectif de conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages visé par la directive. À cette fin, ledit inventaire est établi sur la base des critères fixés à l'annexe III (étape 1) de la directive (arrêt du 7 novembre 2000, First Corporate Shipping, C-371/98, Rec. p. I-9235, point 22).

35 Au demeurant, ce n'est que de cette manière qu'il est possible de réaliser l'objectif, visé à l'article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, du maintien ou du rétablissement, dans un état de conservation favorable, des types d'habitats naturels et des habitats d'espèces concernés dans leur aire de répartition naturelle, laquelle peut être située de part et d'autre d'une ou de plusieurs frontières intérieures de la Communauté. En effet, il ressort de l'article 1er, sous e) et i), de la directive, lu en combinaison avec l'article 2, paragraphe 1, de la même directive, que l'état de conservation favorable d'un habitat naturel ou d'une espèce doit être apprécié par rapport à l'ensemble du territoire européen des États membres où le traité s'applique (arrêt First Corporate Shipping, précité, point 23).

36 Par ailleurs, il convient de rappeler que l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé dans l'avis motivé. Les changements intervenus par la suite ne sauraient donc être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêt du 8 mars 2001, Commission/France, C-266/99, non encore publié au Recueil, point 38).

37 Or, il y a lieu de constater que, à l'expiration du délai fixé dans l'avis motivé, soit le 19 février 1998, le contenu de la liste nationale irlandaise transmise à la Commission était manifestement insuffisant, excédant largement la marge d'appréciation dont disposent les États membres aux fins d'établir la liste de sites mentionnée à l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive. Conformément à la jurisprudence citée au point précédent du présent arrêt, les listes de sites communiquées à la Commission après l'expiration de ce délai ne sont pas pertinentes dans le cadre du présent recours.

38 Il convient donc de conclure que, en ne transmettant pas à la Commission, dans le délai prescrit, la liste de sites mentionnée à l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, l'Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

Sur le second moyen

39 S'agissant de l'obligation de transmettre des informations relatives aux sites susceptibles d'être désignés comme ZSC, le gouvernement irlandais reconnaît ne pas avoir envoyé ces informations à l'expiration du délai fixé dans l'avis motivé, mais soutient que, étant donné que le formulaire n'a été adopté qu'en décembre 1996 et que la Commission a insisté sur le fait que les informations en cause devraient être transmises au moyen de ce formulaire, ce travail important n'a pas pu être fait dans ce délai.

40 La Commission soutient que l'obligation de transmission des informations relatives aux sites devait être exécutée avant le 11 juin 1995. À supposer que certains États membres disposant de la liste des sites proposés ainsi que des informations pertinentes avant le 11 juin 1995 aient voulu attendre l'adoption du formulaire, ils auraient pu, après la notification du formulaire le 19 décembre 1996, faire rapidement figurer ces informations dans celui-ci et les notifier à la Commission.

41 La Commission ajoute que, pour tenir compte de l'adoption tardive du formulaire, elle a rallongé la procédure précontentieuse en adressant une lettre de mise en demeure complémentaire à l'Irlande, le 11 juillet 1997, soit bien après la date de la notification du formulaire. Dès lors, les autorités irlandaises auraient été pleinement en mesure de remplir leur obligation de transmission des informations relatives à chaque site. Or, à l'expiration du délai fixé dans l'avis motivé, soit le 19 février 1998, l'Irlande n'aurait pas envoyé à la Commission les informations afférentes aux sites devant être proposés.

42 Il convient d'abord de préciser que, même si la Commission a dans un premier temps envoyé au gouvernement irlandais une lettre de mise en demeure, le 24 avril 1996, c'est-à-dire avant la notification du formulaire, elle lui a, après la notification de celui-ci, adressé une nouvelle lettre de mise en demeure lui donnant un nouveau délai pour se conformer à l'article 4, paragraphe 1, second alinéa, de la directive.

En43 Ensuite, il y a lieu de relever que, dès la notification de la directive, le 10 juin 1992, les États membres savaient quels types d'informations il leur faudrait réunir en vue d'une transmission dans le délai de trois ans à compter de ladite notification, soit avant le 11 juin 1995. Ils savaient, en outre, que ces informations devraient être fournies sur la base du formulaire, une fois celui-ci établi par la Commission. En effet, l'article 4, paragraphe 1, second alinéa, de la directive précise expressément que les informations à transmettre, sur la base d'un formulaire établi par la Commission, comprennent une carte du site, son appellation, sa localisation, son étendue ainsi que les données résultant de l'application des critères spécifiés à l'annexe III (étape 1).

44 Dès lors, le délai accordé au gouvernement irlandais par la Commission pour s'acquitter de l'obligation de reporter sur le formulaire les informations relatives aux sites, qu'il devait détenir dès avant le 11 juin 1995, doit être considéré comme raisonnable. En effet, ce gouvernement a, du 19 décembre 1996, date de la notification du formulaire, au 19 février 1998, date d'expiration du délai fixé dans l'avis motivé, bénéficié de plus de un an pour exécuter cette obligation spécifique.

45 Le gouvernement irlandais reconnaissant que, à l'expiration du délai fixé dans l'avis motivé, il n'avait pas transmis à la Commission, sur la base du formulaire, les informations relatives aux sites devant être proposés, il y a lieu de constater que, en ne transmettant pas à la Commission, dans le délai prescrit, les informations relatives aux sites figurant dans la liste mentionnée à l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, conformément au second alinéa de la même disposition, l'Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

46 En vertu de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de l'Irlande et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre)

déclare et arrête:

1) En ne transmettant pas à la Commission, dans le délai prescrit, la liste de sites mentionnée à l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, et les informations relatives à ces sites conformément à l'article 4, paragraphe 1, second alinéa, de la même directive, l'Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive.

2) L'Irlande est condamnée aux dépens.

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