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Document 61998TJ0010

Arrêt du Tribunal de première instance (deuxième chambre) du 10 juin 1999.
E-Quattro Snc contre Commission des Communautés européennes.
Clause compromissoire - Obligation de paiement - Inexécution.
Affaire T-10/98.

European Court Reports 1999 II-01811

ECLI identifier: ECLI:EU:T:1999:123

61998A0010

Arrêt du Tribunal de première instance (deuxième chambre) du 10 juin 1999. - E-Quattro Snc contre Commission des Communautés européennes. - Clause compromissoire - Obligation de paiement - Inexécution. - Affaire T-10/98.

Recueil de jurisprudence 1999 page II-01811


Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


Marchés publics des Communautés européennes - Clause compromissoire attribuant compétence à la Cour - Contrat de prestations de services - Obligation de paiement - Inexécution - Demande de paiement de dommages-intérêts

(Traité CEEA, art. 153)

Parties


Dans l'affaire T-10/98,

E-Quattro Snc, société de droit italien, établie à Laveno-Mombello (Italie), représentée par Me Giuseppe Marchesini, avocat près la Corte di Cassazione, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Ernest Arendt, 8-10 rue Mathias Hardt,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. José Luis Iglesias Buhigues, conseiller juridique, et Barry Doherty, membre du service juridique, en qualité d'agents, assistés de Me Alberto Dal Ferro, avocat au barreau de Vicence, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande, au titre de l'article 153 du traité CEEA, de réparation du préjudice prétendument subi dans le cadre d'un contrat conclu avec la Communauté,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

(deuxième chambre),

composé de MM. A. Potocki, président, C. W. Bellamy et A. W. H. Meij, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 3 décembre 1998,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


Faits à l'origine du recours et déroulement de la procédure

1 Le 28 mars 1996, la requérante et la Communauté européenne, représentée par la Commission, représentée à cette fin par le directeur de l'Institut de l'environnement du Centre commun de recherche à Ispra, (ci-après «CCR»), ont conclu un contrat relatif à des services de consultant pour un soutien technique et logistique au Bureau européen des substances chimiques (ci-après «BESC»), qui fait partie de cet institut.

2 Conformément à son article 9, ce contrat est soumis au droit italien. En vertu de l'article 10 de son annexe 2, la Cour de justice des Communautés européennes est seule compétente pour connaître des différends entre les parties.

3 Le contrat comportait deux phases. Les prestations prévues pour la première phase, soit pour la période du 28 mars 1996 au 27 mars 1997, consistaient dans l'assistance en vue de la préparation de réunions scientifiques et la création d'une base de données informatique à caractère scientifique (annexe 1 du contrat).

4 La rémunération prévue pour ces prestations s'élevait à 190 400 écus (article 6.1 du contrat). En avril et en juillet 1996, conformément à l'article 7.1 du contrat, la Commission a procédé à deux versements pour un montant total de 133 280 écus. Le solde, soit 30 % du prix global, devait être payé après acceptation, par l'Institut de l'environnement, du rapport final préparé par la requérante. La facture correspondant au solde de 57 120 écus pour l'assistance technique et logistique a été établie par la requérante le 6 mars 1997 et adressée à la Commission par lettre du 10 mars 1997. Le paiement devait être effectué dans les 60 jours à compter de la réception de la demande de paiement (article 7.2 du contrat).

5 Par lettre du 18 mars 1997, reçue le 22 mars suivant, la Commission a informé la requérante qu'il avait été décidé de ne pas autoriser l'ouverture de la seconde phase du contrat.

6 Par lettre du 20 mai 1997, la requérante a insisté pour qu'il soit procédé au paiement du solde afférent à la première phase du contrat.

7 Dans le cadre de l'article 12 du contrat, la direction générale du contrôle financier de la Commission a effectué un contrôle sur place auprès de la requérante le 10 juin 1997. Un rapport à ce sujet a été établi par cette direction générale le 23 juin 1997.

8 C'est dans ces conditions que, par acte enregistré au greffe de la Cour le 16 juillet 1997, la requérante a déposé le présent recours, enregistré sous le numéro C-257/97.

9 Par ordonnance du 9 décembre 1997, la Cour, constatant son incompétence manifeste pour connaître du litige dont elle était saisie, a renvoyé l'affaire devant le Tribunal, conformément à l'article 48 du statut (CEEA) de la Cour, et a réservé les dépens.

10 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, les parties ont été invitées à répondre à certaines questions et à produire certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes.

11 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 3 décembre 1998.

12 A cette occasion, la requérante a indiqué qu'elle retirait sa demande de condamnation de la Commission à la réparation du préjudice subi en raison de la prétendue résiliation du rapport contractuel, ce dont le Tribunal a pris acte.

Conclusions des parties

13 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- condamner la Commission à l'indemniser du préjudice qu'elle a subi et subit en raison du retard persistant dans le paiement du solde des prestations décrites dans la facture qui n'a pas été honorée;

- condamner la Commission au paiement des intérêts à compter des échéances et jusqu'à apurement du solde;

- condamner la Commission aux dépens.

14 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours;

- condamner la requérante aux dépens.

Sur le fond

Argumentation des parties

15 La requérante observe que, selon les termes du contrat, la Commission doit effectuer le paiement dans les deux mois à compter de la présentation d'une facture. Ce délai ne peut être dépassé qu'en cas de contestation à propos des prestations visées dans la facture ou lorsque la facture et la documentation sont incomplètes (article 7.2 du contrat).

16 En l'espèce, la facture a été établie le 6 mars 1997. Pourtant, au jour du dépôt du présent recours, le paiement n'avait toujours pas été effectué, alors qu'aucune contestation du type de celle énoncée à l'article 7.2 du contrat n'avait été émise.

17 A défaut d'exécution des obligations contractuelles de la part de la Commission et d'une explication officielle du retard constaté, la requérante demande qu'il lui soit accordé l'indemnisation du préjudice subi, correspondant au montant de la facture restée impayée, assorti des intérêts à compter de l'échéance du délai de deux mois après réception de la facture.

18 La requérante souligne que l'on ne saurait lui reprocher de prétendues violations au stade de la préparation du contrat; elle avait alors produit une documentation complète et conforme à la vérité, tant en ce qui concerne la date de sa constitution, sa situation patrimoniale que les antécédents professionnels de ses administrateurs.

19 En ce qui concerne l'exécution du contrat, la requérante ne conteste pas que la création d'une base de données informatique, qui constituait l'un des objets du contrat, n'a pas été réalisée. Toutefois, ceci serait le résultat de la demande expresse du cocontractant. Les tâches à caractère scientifique auraient ainsi été reportées, à la demande expresse des fonctionnaires du BESC, à la seconde phase du contrat. De façon corrélative, la requérante aurait été chargée de tâches administratives toujours plus absorbantes, ainsi que l'illustrerait une lettre de la Commission du 28 mai 1996 intitulée «note à l'intention du personnel du [BESC]». Il ne s'agirait donc pas d'inexécution partielle du contrat par la requérante, mais de l'exécution d'autres tâches voulues par le cocontractant.

20 Dans ces conditions, selon la requérante, le paiement du solde des prestations afférentes à la première phase du contrat apparaît justifié et légitime, parce qu'il correspond à une activité de substitution que la requérante a poursuivie à la demande expresse du cocontractant. La requérante invoque à cet égard une note manuscrite qui constituerait le compte rendu d'une réunion du 27 janvier 1997, à laquelle assistait le chef d'unité du BESC, et déterminerait le programme de collaboration pour les mois à venir.

21 Dès lors, l'unique question qui pourrait se poser concernerait l'équivalence, sous l'angle économique, entre les prestations administratives réellement effectuées et les prestations informatiques prévues à l'origine dans le contrat.

22 La Commission soutient qu'elle a relevé un certain nombre d'irrégularités en relation avec le contrat en cause. La requérante n'aurait pas effectué une partie des prestations prévues par le contrat et, contrairement à ce qu'elle prétend, aucune modification du contrat n'aurait été convenue. Dans ces conditions, la conduite de la Commission serait légale et la demande de la requérante devrait être rejetée.

Appréciation du Tribunal

23 Aux termes de l'article 13 du contrat signé entre les parties le 28 mars 1996, les annexes à celui-ci en font partie intégrante.

24 L'annexe 1 au contrat énonce les prestations qui devaient être effectuées par la requérante durant la première phase du contrat.

25 Outre l'assistance à apporter à l'Institut de l'environnement en vue de l'organisation d'environ 55 réunions prévues à Ispra ou en dehors d'Ispra [article 3, sous a), de l'annexe 1 au contrat], il était prévu la mise en place d'une base de données informatique à caractère scientifique.

26 Dans la «proposition de coûts» élaborée par la requérante dans le cadre de la procédure d'attribution du contrat, le budget alloué à la réalisation de cette base de données s'élevait à 44 300 écus, auxquels il convient d'ajouter des frais de personnel spécialisé.

27 La requérante, dans ses écritures, n'a pas contesté que cette base de données informatique n'a pas été mise en place. Elle ne l'a pas non plus prétendu lors de la procédure orale.

28 Certes, la requérante a produit à l'audience un document, intitulé «rapport final», signé par un agent du CCR. Ce document comporte, en son point 2, plusieurs développements sur le système informatisé à caractère scientifique, et notamment la phrase suivante: «Le système a été amélioré et est désormais totalement opérationnel.»

29 Toutefois, la requérante a admis à l'audience que la base de données informatique visée au point 2 du rapport final n'est pas celle prévue à l'article 3, sous b), de l'annexe 1 au contrat, mais un fichier de noms et d'adresses préparé dans le cadre de l'organisation des réunions prévues à l'article 3, sous a), de l'annexe 1 au contrat.

30 Il est ainsi constant que la base de données à caractère informatique prévue dans le contrat du 28 mars 1996 n'a pas été réalisée.

31 Au demeurant, le Tribunal souligne que le fichier de noms et d'adresses auquel se réfère la requérante est visé au dernier alinéa du point 1 du document intitulé «rapport final». Le point 2 de ce document est en revanche spécifiquement consacré au système informatique à caractère scientifique. La mention de ce que ce système est opérationnel apparaît en conséquence fausse. La requérante a d'ailleurs indiqué à l'audience que, si le rapport final élaboré par la requérante n'avait pas contenu ces développements sur la base de données informatique, elle aurait eu des difficultés à obtenir le paiement du solde.

32 La proposition de coûts élaborée par la requérante prévoyait également l'embauche de deux ingénieurs informaticiens en vue du développement de la base de données et d'un consultant scientifique, pour un montant, respectivement, de 28 000 et de 12 000 écus. La requérante a notamment produit devant le Tribunal deux contrats de prestation de services conclus entre elle et deux personnes physiques. Elle soutient que ces contrats sont ceux correspondant à l'embauche des deux ingénieurs informaticiens initialement prévus. Toutefois, sans qu'il y ait lieu d'examiner la réalité de cette prétention, il suffit de relever que les ingénieurs informaticiens avaient pour fonction de mettre en place la base de données informatique à caractère scientifique. Or, celle-ci n'a précisément pas été mise en oeuvre. Les services qui ont pu être apportés par les deux personnes en question ne peuvent dès lors correspondre à ceux initialement convenus, pour lesquels une rémunération de 28 000 écus était prévue.

33 La requérante soutient toutefois que, si les prestations en cause n'ont pas été effectuées, c'est que, à la demande du CCR, la requérante a concentré ses efforts sur la première partie des prestations contractuelles, à savoir l'organisation des réunions, qui s'était avérée représenter une charge plus lourde que prévue.

34 A cet égard, il y a lieu de relever que, aux termes de l'article 11 de l'annexe 2 du contrat, celui-ci ou ses annexes ne pouvaient être modifiés ou complétés que par un accord additionnel signé par un représentant dûment autorisé de chacune des parties. Le contrat du 28 mars 1996 a été conclu au nom de la Communauté, représentée par la Commission, représentée aux fins de la signature du contrat par le directeur de l'Institut de l'environnement du CCR.

35 Il ressort du dossier qu'aucun élément ne permet de conclure que le contrat aurait été modifié dans les conditions prévues par l'article 11 de son annexe 2.

36 Dans le cadre de la procédure écrite, la requérante a invoqué deux pièces.

37 La première est une note du BESC du 28 mai 1996 adressée au personnel de ce service. Après avoir mentionné la signature du contrat avec la requérante, l'auteur du document rappelle au personnel du BESC les procédures internes à respecter, tant en ce qui concerne l'organisation des réunions que les procédures administratives à suivre. Rien dans ce document, élaboré deux mois à peine après la conclusion du contrat, ne peut être regardé comme emportant modification de celui-ci.

38 La seconde pièce est une note manuscrite qui constituerait le «compte rendu» d'une réunion du 27 janvier 1997, à laquelle aurait assisté le chef d'unité du BESC, fixant le programme de collaboration pour les mois à venir. Tout d'abord, rien ne confirme l'authenticité de ce document: celui-ci n'est pas daté, l'auteur en est inconnu et rien ne permet même de conclure qu'il se référerait à une réunion du 27 janvier 1997, ni que le chef d'unité du BESC y aurait participé. En toute hypothèse, ce document manuscrit de quelques lignes ne comporte que l'indication de noms et de périodes, sans la moindre phrase cohérente. Il ne peut en être conclu que le contrat aurait été valablement modifié sur un de ces points essentiels.

39 Lors de l'audience, la requérante a produit deux documents supplémentaires en vue d'établir l'accord qui serait intervenu entre les parties pour modifier le contrat initial et reporter, en conséquence, les travaux liés à la mise en place de la base de données informatique.

40 Le premier document est une note de la Commission du 5 août 1997. Il y est indiqué que l'annexe technique au contrat, qui définit les prestations à entreprendre par la requérante, a été «modifiée verbalement».

41 Le Tribunal relève tout d'abord que cette note est un document interne de la Commission, rédigée dans le cadre de la préparation des mémoires de la partie défenderesse dans la présente affaire. Il résulte des éléments recueillis à l'audience que le conseil de la requérante a eu connaissance de cette note à l'occasion d'une procédure disciplinaire engagée contre certains agents du CCR, en relation avec le contrat du 28 mars 1996, procédure dans laquelle il représentait également les agents en question. Il a pris copie de cette note interne dans le cadre de cette procédure disciplinaire.

42 Il demeure en toute hypothèse que cette note ne traduit pas une modification du contrat dans les formes prévues par l'article 11 de l'annexe 2 au contrat.

43 Le second document est celui intitulé «rapport final».

44 Il convient de relever tout d'abord que la requérante n'a pas pu établir les conditions dans lesquelles elle est entrée en possession de ce document. Au vu de l'audience, il est acquis que ce document n'a pas été remis par le CCR à la requérante dans le cadre de leurs relations contractuelles. D'ailleurs, si tel avait été le cas, la requérante aurait été en mesure de le produire dès la requête. Il apparaît en réalité que ce document, signé par un agent du CCR, n'a été porté à la connaissance du conseil de la requérante, comme la pièce analysée ci-dessus au point 40, qu'à l'occasion d'une procédure disciplinaire diligentée par la Commission à l'encontre de certains agents du CCR, en relation avec le contrat du 28 mars 1996, procédure dans laquelle le conseil de la requérante était également conseil des agents concernés.

45 En outre, ce document ne fait aucune référence à une modification des termes du contrat. S'il décrit les tâches effectuées par la requérante en matière d'organisations des réunions, il ne fait pas apparaître que ces réalisations seraient allées au-delà de ce qui était prévu dans le contrat initial. En outre, par son point 2 relatif à la base de données informatique à caractère scientifique, le rapport final confirme au contraire que la requérante était consciente que, pour obtenir le paiement du solde, il lui fallait prétendre avoir effectué également ces travaux, alors qu'ils ne l'ont pas été.

46 En conséquence, aucun document ne permet d'établir que le contrat aurait été modifié dans les conditions prévues par celui-ci.

47 La demande tendant à ce que la Commission soit condamnée à indemniser la requérante du préjudice subi du fait du retard dans le paiement du solde du prix doit dès lors être rejetée. Par voie de conséquence, la demande de paiement des intérêts à compter des échéances et jusqu'à apurement du solde doit également être rejetée.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

48 Selon l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

49 La Cour, dans son ordonnance du 9 décembre 1997, précitée, ayant réservé les dépens, la présente condamnation inclut les dépens afférents à la procédure devant la Cour.

Dispositif


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL

(deuxième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) La requérante est condamnée aux dépens.

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