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Document 61998CJ0408

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 22 février 2001.
Abbey National plc contre Commissioners of Customs & Excise.
Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division (Divisional Court) - Royaume-Uni.
TVA - Article 5, paragraphe 8, et 17, paragraphes 2, sous a), et 5, de la sixième directive TVA - Transmission d'une universalité de biens - Déduction de la taxe acquittée en amont pour les services utilisés par le cédant pour les besoins de la transmission - Biens et services utilisés pour les besoins des opérations taxées de l'assujetti.
Affaire C-408/98.

Recueil de jurisprudence 2001 I-01361

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2001:110

61998J0408

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 22 février 2001. - Abbey National plc contre Commissioners of Customs & Excise. - Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division (Divisional Court) - Royaume-Uni. - TVA - Article 5, paragraphe 8, et 17, paragraphes 2, sous a), et 5, de la sixième directive TVA - Transmission d'une universalité de biens - Déduction de la taxe acquittée en amont pour les services utilisés par le cédant pour les besoins de la transmission - Biens et services utilisés pour les besoins des opérations taxées de l'assujetti. - Affaire C-408/98.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-01361


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Déduction de la taxe payée en amont - Assujetti effectuant à la fois des opérations taxées et des opérations exonérées - Taxe afférente à des services acquis afin de réaliser une transmission d'une universalité totale ou partielle de biens - État membre ne considérant pas une telle transmission comme une livraison de biens - Droit à déduction - Conditions

irective du Conseil 77/388, art. 5, § 8, et 17, § 5)

Sommaire


$$Lorsqu'un État membre a fait usage de la faculté accordée par l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, de sorte que la transmission d'une universalité totale ou partielle de biens est considérée comme n'étant pas une livraison de biens, les dépenses exposées par le cédant pour les services acquis afin de réaliser cette transmission font partie des frais généraux de cet assujetti et entretiennent donc en principe un lien direct et immédiat avec l'ensemble de l'activité économique dudit assujetti. Dès lors, si le cédant effectue à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n'y ouvrant pas droit, il résulte de l'article 17, paragraphe 5, de la sixième directive 77/388 qu'il peut uniquement déduire la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations. Toutefois, si les différents services acquis par le cédant afin de réaliser la transmission présentent un lien direct et immédiat avec une partie clairement délimitée de ses activités économiques, de sorte que les coûts desdits services font partie des frais généraux afférents à ladite partie de l'entreprise, et que toutes les opérations relevant de cette partie de l'entreprise sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, cet assujetti peut déduire la totalité de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les dépenses qu'il a exposées pour acquérir lesdits services.

( voir point 42 et disp. )

Parties


Dans l'affaire C-408/98,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par la High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division (Divisional Court) (Royaume-Uni), et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Abbey National plc

et

Commissioners of Customs & Excise,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 5, paragraphe 8, et 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1),

LA COUR (cinquième chambre),

composée de MM. D. A. O. Edward, faisant fonction de président de la cinquième chambre, P. Jann et L. Sevón (rapporteur), juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Abbey National plc, par MM. R. Cordora, QC, et D. Southern, barrister, mandatés par M. S. Rose, solicitor,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme R. Magrill, en qualité d'agent, assistée de M. K. Parker, QC, et de Mme M. Hall, barrister,

- pour le gouvernement néerlandais, par M. M. A. Fierstra, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. E. Traversa et Mme F. Riddy, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales d'Abbey National plc, du gouvernement du Royaume-Uni et de la Commission, représentée par M. R. Lyal, en qualité d'agent, à l'audience du 23 février 2000,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 13 avril 2000,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 2 novembre 1998, parvenue à la Cour le 17 novembre suivant, la High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division (Divisional Court), a posé, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), trois questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 5, paragraphe 8, et 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Abbey National plc (ci-après «Abbey National») aux Commissioners of Customs & Excise (administration des contributions indirectes, ci-après les «Commissioners») au sujet du droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») payée sur les honoraires supportés pour différents services acquis afin de réaliser la transmission d'un immeuble avec continuité d'exploitation («as a going concern»).

Le cadre juridique

Réglementation communautaire

3 L'article 2, deuxième alinéa, de la première directive 67/227/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (JO 1967, 71, p. 1301, ci-après la «première directive»), dispose que, «[à] chaque transaction, la taxe sur la valeur ajoutée, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix».

4 L'article 2, point 1, de la sixième directive soumet à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel.

5 En vertu de l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive:

«Les États membres peuvent considérer que, à l'occasion de la transmission, à titre onéreux ou à titre gratuit ou sous forme d'apport à une société, d'une universalité totale ou partielle de biens, aucune livraison de biens n'est intervenue et que le bénéficiaire continue la personne du cédant. Les États membres peuvent prendre, le cas échéant, les dispositions nécessaires pour éviter des distorsions de concurrence dans le cas où le bénéficiaire n'est pas un assujetti total.»

6 Aux termes de l'article 13, C, premier alinéa, sous a), «[l]es États membres peuvent accorder à leurs assujettis le droit d'opter pour la taxation [...] de l'affermage et de la location de biens immeubles».

7 L'article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive dispose:

«Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti».

8 En ce qui concerne les biens et les services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n'ouvrant pas droit à déduction, l'article 17, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive précise que «la déduction n'est admise que pour la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations». Aux termes de l'article 17, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la même directive, «[c]e prorata est déterminé pour l'ensemble des opérations effectuées par l'assujetti conformément à l'article 19».

Réglementation nationale

9 Il ressort de l'ordonnance de renvoi que le Royaume-Uni, faisant usage de la faculté prévue à l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive, a notamment adopté l'article 5, paragraphe 1, du Value Added Tax (Special Provisions) Order (règlement portant dispositions spéciales en matière de TVA, SI 1995, p. 1268, ci-après le «VAT Order»), qui a remplacé l'article 5, paragraphe 1, du Value Added Tax (Special Provisions) Order (SI 1992, p. 3129). Ladite disposition énonce que, lorsqu'une personne transmet une entreprise, ou une partie d'une entreprise, et qu'il y a continuité d'exploitation («as a going concern»), la transmission n'est considérée ni comme une livraison de biens ni comme une prestation de services. Cette disposition précise que le cessionnaire doit utiliser les biens pour exploiter le même type d'entreprise que le cédant et doit être, ou immédiatement devenir, un assujetti et que, en cas de transmission d'une partie d'une entreprise, cette partie doit pouvoir faire l'objet d'une exploitation séparée.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10 Scottish Mutual Assurance plc (ci-après «Scottish Mutual»), une société d'assurance vie, est une filiale à 100 % d'Abbey National, que celle-ci représente aux fins de la TVA.

11 Outre son activité dans le domaine de l'assurance, Scottish Mutual exerce une activité de location de locaux à usage professionnel ou commercial. Dans le cadre de cette dernière activité, elle était titulaire d'un bail de 125 ans sur l'immeuble à usage professionnel et commercial Atholl House, à Aberdeen, qu'elle sous-louait à des locataires commerciaux. Scottish Mutual avait opté pour la facturation de la TVA sur les loyers qu'elle percevait pour Atholl House, conformément à la législation du Royaume-Uni transposant l'article 13, C, premier alinéa, sous a), de la sixième directive, et a ainsi pu récupérer la totalité de la TVA acquittée en amont sur les frais afférents à la possession de l'immeuble.

12 Par contrat du 16 décembre 1992, Scottish Mutual a vendu ses droits dans le bail de 125 ans, ainsi que ceux relatifs à la sous-location, pour 5,4 millions de GBP à une société n'appartenant pas au même groupe. Les Commissioners ont estimé que la vente constituait une transmission avec continuité d'exploitation au sens de l'article 5, paragraphe 1, du VAT Order, que les autres conditions dudit article étaient remplies et que, dès lors, aucune TVA n'était due sur le prix de vente.

13 Toutefois, afin de réaliser ladite transmission, Scottish Mutual a eu recours à différents services et a ainsi supporté des honoraires sur lesquels elle a dû payer un montant de 4 365 GBP au titre de la TVA.

14 Les Commissioners ayant considéré qu'une fraction seulement de la TVA payée en amont sur ces dépenses pouvait être récupérée, Abbey National, qui s'estimait en droit de récupérer la totalité de cette TVA, a introduit un recours devant le VAT and Duties Tribunal, London (Royaume-Uni). Ce recours a été rejeté par décision du 9 juin 1997. Abbey National a alors fait appel devant la High Court of Justice.

15 Dans ces circonstances, la High Court of Justice a décidé de surseoir à statuer et de soumettre à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Eu égard aux termes de l'article 17, paragraphe 2, de la sixième directive TVA, l'expression de l'article 5, paragraphe 8, de cette directive selon laquelle le bénéficiaire continue la personne du cédant exige-t-elle que les livraisons du bénéficiaire soient considérées de la même façon que si elles avaient été effectuées par le cédant, aux fins de la détermination de la déduction de la taxe en amont du cédant?

2) À l'occasion de la transmission [...] d'une universalité totale ou partielle de biens au sens de l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive TVA, lorsque l'État membre, en vertu de dispositions nationales adoptées en application de cet article, considère qu'aucune livraison de biens ou de services n'est intervenue, l'assujetti peut-il, selon l'interprétation correcte des articles 5, paragraphe 8, et 17, paragraphe 2, déduire la totalité de la taxe en amont supportée sur des frais afférents à la transmission, dans le cas où l'assujetti aurait été redevable de la taxe en aval relative à la transmission si l'article 5, paragraphe 8, ne s'était pas appliqué?

3) Lorsque l'activité économique du cédant antérieure à l'opération relevant de l'article 5, paragraphe 8, a été entièrement taxée, la taxe en amont est-elle déductible pour un paiement effectué dans le cadre de la cessation de cette activité?»

Sur les questions préjudicielles

16 Par ces trois questions, qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, lorsqu'un État membre a fait usage de la faculté accordée par l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive, de sorte que la transmission d'une universalité totale ou partielle de biens est considérée comme n'étant pas une livraison de biens, le cédant peut déduire la TVA grevant les dépenses exposées pour les services acquis afin de réaliser cette transmission.

Arguments des parties

17 Abbey National considère que, lors de la transmission d'une universalité totale ou partielle des biens, le cédant est en droit de déduire la TVA en amont grevant les dépenses qu'il a exposées pour les services acquis afin de réaliser cette transmission.

18 À cet égard, elle fait notamment valoir que, aux fins de la TVA, lorsque le cédant et le cessionnaire utilisent tous les deux, l'un avant, l'autre après la cession, les actifs de l'entreprise transmise pour réaliser des livraisons imposables en totalité, le cédant peut, en vertu de l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive, prendre en considération les livraisons imposables du cessionnaire de façon à récupérer la totalité de la TVA acquittée en amont. En d'autres termes, bien qu'il n'y ait pas d'opération imposable en soi, aux fins de la TVA acquittée en amont, il resterait toujours un lien direct et immédiat avec les activités économiques imposables du cessionnaire relatives aux actifs transmis.

19 Le gouvernement néerlandais relève que, lorsqu'un État membre a opté pour l'application de l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive, il est fait «abstraction» des livraisons de biens et des prestations de services, taxables par nature, fournies dans le cadre de la transmission d'une universalité totale ou partielle de biens. Une telle substitution «neutre» d'un assujetti à un autre, aux fins de l'application de la TVA, pourrait uniquement être mise en rapport avec les activités économiques ordinaires du cédant. Ces activités économiques devraient aussi déterminer le droit à déduction de la TVA sur les dépenses qu'il a exposées afin de réaliser la transmission. Si l'assujetti effectue uniquement des opérations exonérées, il n'existerait pas de droit à déduction. S'il effectue aussi bien des opérations taxées que des opérations exonérées, la règle du prorata, visée aux articles 17, paragraphe 5, et 19 de la sixième directive, s'appliquerait. Lorsque les activités économiques ordinaires du cédant, antérieures à une transmission relevant de l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive, ont été entièrement taxées, la TVA en amont acquittée sur les dépenses exposées pour les besoins de la cessation de ces activités serait déductible.

20 Le gouvernement du Royaume-Uni fait valoir que, puisque les dépenses exposées afin de réaliser la transmission ont été utilisées pour les besoins d'une opération qui n'était pas taxée, il n'existe aucun droit à déduction de la TVA en amont payée sur ces dépenses. La solution inverse compromettrait la neutralité de la TVA, car l'assujetti bénéficierait alors, pour la même opération, de l'avantage financier d'une déduction de la TVA en amont sans obligation correspondante de facturer la TVA en aval.

21 À titre subsidiaire, le gouvernement du Royaume-uni soutient que les dépenses supportées du fait de la cessation d'une activité taxée dans le cadre d'une activité économique principale, comprenant à la fois des livraisons taxées et des livraisons exonérées, peuvent être qualifiées de frais généraux. En tant que taxe en amont ne pouvant pas recevoir d'affectation, la partie déductible de cette taxe devrait dès lors être déterminée par une méthode autorisée par l'article 17, paragraphe 5, de la sixième directive.

22 La Commission fait valoir qu'il est nécessaire d'examiner si les services acquis par le cédant afin de réaliser la transmission présentent un lien suffisamment direct et immédiat avec une activité économique taxée. À cet égard, il ressortirait de l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive que, lors de la transmission d'une universalité totale ou partielle de biens, aucune livraison de biens n'intervient et que la même activité économique continue. Dès lors, les dépenses exposées pour acquérir lesdits services seraient des frais exposés pour les besoins de cette activité économique, c'est-à-dire des frais généraux de l'activité transmise.

23 Néanmoins, en ce qui concerne l'application de l'article 17, paragraphe 5, de la sixième directive, la Commission se borne à observer que les dépenses exposées pour lesdits services peuvent être considérées soit comme des frais généraux de l'activité économique qui a été transmise, auquel cas le cédant pourrait déduire la totalité de la TVA les grevant, soit comme des frais généraux de l'ensemble de l'activité économique du cédant.

Appréciation de la Cour

24 À titre liminaire, il convient de rappeler que le régime des déductions vise à soulager entièrement l'entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de TVA garantit, par conséquent, la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (voir, en ce sens, arrêts du 14 février 1985, Rompelman, 268/83, Rec. p. 655, point 19; du 15 janvier 1998, Ghent Coal Terminal, C-37/95, Rec. p. I-1, point 15; du 21 mars 2000, Gabalfrisa e.a., C-110/98 à C-147/98, Rec. p. I-1577, point 44, et du 8 juin 2000, Midland Bank, C-98/98, Rec. p. I-4177, point 19).

25 L'article 17, paragraphe 5, de la sixième directive, à la lumière duquel le paragraphe 2 de cette disposition doit être interprété, établit le régime applicable au droit à déduction de la TVA, lorsque celle-ci se rapporte à des opérations en amont utilisées par l'assujetti «pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction visées aux paragraphes 2 et 3 et des opérations n'ouvrant pas droit à déduction». Dans cette disposition, l'utilisation des termes «pour effectuer» montre que, pour ouvrir le droit à déduction prévu par le paragraphe 2, les biens ou services acquis doivent présenter un lien direct et immédiat avec les opérations en aval ouvrant droit à déduction et que, à cet égard, le but ultime poursuivi par l'assujetti est indifférent (voir arrêts du 6 avril 1995, BLP Group, C-4/94, Rec. p. I-983, points 18 et 19, et Midland Bank, précité, point 20).

26 Ainsi que la Cour l'a jugé au point 24 de l'arrêt Midland Bank, précité, les articles 2 de la première directive et 17, paragraphes 2, 3 et 5, de la sixième directive doivent être interprétés en ce sens que, en principe, l'existence d'un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est nécessaire pour qu'un droit à déduction de la TVA en amont soit reconnu à l'assujetti et pour déterminer l'étendue d'un tel droit.

27 Il convient en outre de rappeler que, selon le principe fondamental inhérent au système de TVA et résultant des articles 2 des première et sixième directives, la TVA s'applique à chaque transaction de production ou de distribution, déduction faite de la TVA qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix (arrêt Midland Bank, précité, point 29).

28 Il découle de ce principe ainsi que de la règle selon laquelle, pour ouvrir droit à déduction, les biens ou services acquis doivent présenter un lien direct et immédiat avec les opérations taxées que le droit à déduction de la TVA qui a grevé ces biens ou services présuppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci doivent avoir fait partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées. Lesdites dépenses doivent donc faire partie des coûts de ces opérations en aval qui utilisent les biens et services acquis. Partant, ces éléments du coût doivent normalement avoir pris naissance avant que l'assujetti n'ait effectué les opérations taxées auxquelles ils se rapportent (voir arrêt Midland Bank, précité, point 30).

29 Il convient donc d'examiner s'il existe un lien direct et immédiat entre les différents services acquis par le cédant afin de réaliser la transmission d'une universalité totale ou partielle de biens et une ou plusieurs opérations taxées en aval.

30 À cet égard, l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive prévoit que les États membres peuvent considérer que, à l'occasion de la transmission d'une universalité totale ou partielle de biens, aucune livraison de biens n'est intervenue et que le bénéficiaire continue la personne du cédant. Il s'ensuit que, lorsqu'un État membre a fait usage de cette faculté, la transmission d'une universalité totale ou partielle de biens n'est pas considérée comme une livraison de biens aux fins de la sixième directive. Conformément à l'article 2 de la sixième directive, une telle transmission n'est donc pas soumise à la TVA et, partant, ne saurait constituer une opération taxée au sens de l'article 17, paragraphe 2, de la sixième directive.

31 Toutefois, selon Abbey National, étant donné que, en vertu de l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive, le cessionnaire continue la personne du cédant, ce dernier peut prendre en considération les livraisons imposables du cessionnaire afin de pouvoir déduire la totalité de la TVA grevant les dépenses exposées pour les services acquis afin de réaliser la transmission.

32 Cet argument ne saurait être retenu. En effet, d'une part, il ressort de l'article 17, paragraphe 2, de la sixième directive qu'un assujetti peut uniquement déduire la TVA grevant les biens et services qui sont utilisés pour les besoins de ses propres opérations taxées. D'autre part, en tout état de cause, le montant de la TVA payée par le cédant sur les dépenses exposées pour les services acquis afin de réaliser la transmission d'une universalité totale ou partielle de biens ne grève pas directement les divers éléments constitutifs du prix des opérations taxées du cessionnaire, ainsi que l'exige l'article 2 de la première directive. En effet, lesdites dépenses ne font pas partie des coûts des opérations en aval qui utilisent les biens et services acquis.

33 Il convient également de rejeter l'argument d'Abbey National tiré du fait que, si la transaction avait été une cession ordinaire d'actifs d'entreprise et donc une opération taxée, Scottish Mutual aurait pu déduire la TVA grevant les dépenses exposées pour acquérir les différents services acquis afin de réaliser cette cession en vertu de l'article 17, paragraphe 2, de la sixième directive. Le fait que la transmission d'une universalité totale ou partielle de biens ne constitue pas une opération taxée pour les besoins dudit article n'est que la conséquence inéluctable du fait que l'État membre concerné a opté pour l'application de l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive et que, dès lors, la transmission n'est pas considérée comme une livraison de biens. Par conséquent, il est sans pertinence de savoir si la cession d'actifs d'entreprise aurait constitué une opération taxée ouvrant droit à la déduction desdites dépenses dans l'hypothèse où ledit État membre n'aurait pas fait usage de la faculté offerte par cet article.

34 Il résulte de ce qui précède que les différents services acquis par le cédant afin de réaliser la transmission d'une universalité totale ou partielle de biens ne présentent pas de lien direct et immédiat avec une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction.

35 Toutefois, les coûts de ces services font partie des frais généraux de l'assujetti et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des produits d'une entreprise. En effet, même dans le cas d'une transmission d'une universalité totale de biens, lorsque l'assujetti ne réalise plus d'opérations après l'utilisation desdits services, les coûts de ces derniers doivent être considérés comme inhérents à l'ensemble de l'activité économique de l'entreprise avant la transmission. Toute autre interprétation de l'article 17 de la sixième directive serait contraire au principe qui exige que le système de TVA soit d'une parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques de l'entreprise, à condition que celles-ci soient elles-mêmes soumises à la TVA, et mettrait à la charge de l'opérateur économique le coût de la TVA dans le cadre de son activité économique sans lui donner la possibilité de la déduire (voir, en ce sens, arrêt Gabalfrisa e.a., précité, point 45). Ainsi, il serait procédé à une distinction arbitraire entre, d'une part, les dépenses effectuées pour les besoins d'une entreprise avant l'exploitation effective de celle-ci et celles effectuées au cours de ladite exploitation et, d'autre part, les dépenses effectuées pour mettre fin à cette exploitation.

36 Les différents services utilisés par le cédant pour les besoins de la transmission d'une universalité totale ou partielle de biens entretiennent donc en principe un lien direct et immédiat avec l'ensemble de l'activité économique de cet assujetti.

37 À cet égard, il résulte de l'article 17, paragraphe 5, de la sixième directive qu'un assujetti qui effectue à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n'y ouvrant pas droit peut uniquement déduire la partie de la TVA qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations.

38 Toutefois, ainsi que la Cour l'a constaté au point 26 de l'arrêt Midland Bank, précité, un assujetti qui effectue à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n'y ouvrant pas droit peut cependant déduire la TVA qui a grevé les biens ou services acquis par lui, dès lors que ceux-ci présentent un lien direct et immédiat avec les opérations en aval ouvrant droit à déduction, sans qu'il y ait lieu de faire une différence selon que s'appliquent les paragraphes 2, 3 ou 5 de l'article 17 de la sixième directive.

39 Cette règle doit également s'appliquer aux coûts des biens et services qui font partie des frais généraux afférents à une partie des activités économiques d'un assujetti qui est clairement délimitée et dont toutes les opérations sont soumises à la TVA, de tels biens et services présentant ainsi un lien direct et immédiat avec cette partie de ses activités économiques.

40 Dès lors, si les différents services acquis par le cédant afin de réaliser la transmission d'une universalité totale ou partielle de biens présentent un lien direct et immédiat avec une partie clairement délimitée de ses activités économiques, de sorte que les coûts desdits services font partie des frais généraux de ladite partie de l'entreprise, et que toutes les opérations relevant de cette partie sont soumises à la TVA, il peut déduire la totalité de la TVA qui a grevé les dépenses qu'il a exposées pour acquérir lesdits services.

41 Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si ces critères sont remplis dans l'affaire au principal.

42 Il y a donc lieu de répondre aux questions posées que, lorsqu'un État membre a fait usage de la faculté accordée par l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive, de sorte que la transmission d'une universalité totale ou partielle de biens est considérée comme n'étant pas une livraison de biens, les dépenses exposées par le cédant pour les services acquis afin de réaliser cette transmission font partie des frais généraux de cet assujetti et entretiennent donc en principe un lien direct et immédiat avec l'ensemble de l'activité économique dudit assujetti. Dès lors, si le cédant effectue à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n'y ouvrant pas droit, il résulte de l'article 17, paragraphe 5, de la sixième directive qu'il peut uniquement déduire la partie de la TVA qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations. Toutefois, si les différents services acquis par le cédant afin de réaliser la transmission présentent un lien direct et immédiat avec une partie clairement délimitée de ses activités économiques, de sorte que les coûts desdits services font partie des frais généraux afférents à ladite partie de l'entreprise, et que toutes les opérations relevant de cette partie de l'entreprise sont soumises à la TVA, cet assujetti peut déduire la totalité de la TVA qui a grevé les dépenses qu'il a exposées pour acquérir lesdits services.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

43 Les frais exposés par les gouvernements du Royaume-Uni et néerlandais ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par la High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division (Divisional Court), par ordonnance du 2 novembre 1998, dit pour droit:

Lorsqu'un État membre a fait usage de la faculté accordée par l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, de sorte que la transmission d'une universalité totale ou partielle de biens est considérée comme n'étant pas une livraison de biens, les dépenses exposées par le cédant pour les services acquis afin de réaliser cette transmission font partie des frais généraux de cet assujetti et entretiennent donc en principe un lien direct et immédiat avec l'ensemble de l'activité économique dudit assujetti. Dès lors, si le cédant effectue à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n'y ouvrant pas droit, il résulte de l'article 17, paragraphe 5, de la sixième directive 77/388 qu'il peut uniquement déduire la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations. Toutefois, si les différents services acquis par le cédant afin de réaliser la transmission présentent un lien direct et immédiat avec une partie clairement délimitée de ses activités économiques, de sorte que les coûts desdits services font partie des frais généraux afférents à ladite partie de l'entreprise, et que toutes les opérations relevant de cette partie de l'entreprise sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, cet assujetti peut déduire la totalité de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les dépenses qu'il a exposées pour acquérir lesdits services.

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