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Document 61994TJ0138

Arrêt du Tribunal de première instance (deuxième chambre élargie) du 11 mars 1999.
COCKERILL-SAMBRE SA contre Commission des Communautés européennes.
Traité CECA - Concurrence - Accords entre entreprises, décisions d'associations d'entreprises et pratiques concertées - Fixation des prix - Répartition des marchés - Systèmes d'échange d'informations.
Affaire T-138/94.

European Court Reports 1999 II-00333

ECLI identifier: ECLI:EU:T:1999:47

61994A0138

Arrêt du Tribunal de première instance (deuxième chambre élargie) du 11 mars 1999. - COCKERILL-SAMBRE SA contre Commission des Communautés européennes. - Traité CECA - Concurrence - Accords entre entreprises, décisions d'associations d'entreprises et pratiques concertées - Fixation des prix - Répartition des marchés - Systèmes d'échange d'informations. - Affaire T-138/94.

Recueil de jurisprudence 1999 page II-00333
Pub.RJ page Pub ext


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1 CECA - Ententes - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité des infractions - Circonstances atténuantes - Comportement divergent de celui convenu au sein de l'entente - Appréciation

(Traité CECA, art. 65, § 5)

2 CECA - Ententes - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Attitude de l'entreprise durant la procédure administrative

(Traité CECA, art. 65, § 5)

3 CECA - Ententes - Amendes - Montant - Détermination - Fixation de l'amende par le juge communautaire - Pouvoir de pleine juridiction

(Traité CECA, art. 36, alinéa 2)

Sommaire


1 Le fait qu'une entreprise, dont la participation à une concertation avec ses concurrents en matière de prix est établie, ne se soit pas comportée sur le marché d'une manière conforme à celle convenue avec ses concurrents ne constitue pas nécessairement un élément devant être pris en compte, en tant que circonstance atténuante, lors de la détermination du montant de l'amende à infliger. En effet, une entreprise qui poursuit, malgré la concertation avec ses concurrents, une politique plus ou moins indépendante sur le marché peut simplement tenter d'utiliser l'entente à son profit.

2 Une réduction du montant de l'amende au titre d'une coopération au cours de la procédure administrative n'est justifiée que si le comportement de l'entreprise incriminée a permis à la Commission de constater une infraction aux règles de concurrence avec moins de difficulté et, le cas échéant, d'y mettre fin.

3 Par nature, la fixation d'une amende par le Tribunal, dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, n'est pas un exercice arithmétique précis. Par ailleurs, le Tribunal n'est pas lié par les calculs de la Commission, mais doit effectuer sa propre appréciation, en tenant compte de toutes les circonstances de l'espèce.

Parties


Dans l'affaire T-138/94,

Cockerill-Sambre SA, société de droit belge, établie à Bruxelles, représentée par Me Alexandre Vandencasteele, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Ernest Arendt, 8-10, rue Mathias Hardt,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. Julian Currall, membre du service juridique, et Géraud de Bergues, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, puis par MM. Jean-Louis Dewost, directeur général du service juridique, Julian Currall, et Guy Charrier, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, en qualité d'agents, assistés de Me Jean-Yves Art, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet principal une demande d'annulation de la décision 94/215/CECA de la Commission, du 16 février 1994, relative à une procédure d'application de l'article 65 du traité CECA concernant des accords et pratiques concertées impliquant des producteurs européens de poutrelles (JO L 116, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

(deuxième chambre élargie),

composé de MM. C. W. Bellamy, faisant fonction de président, A. Potocki et J. Pirrung, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale des 23, 24, 25, 26 et 27 mars 1998,

rend le présent

Arrêt (1)

Motifs de l'arrêt


Faits à l'origine du recours

A - Observations liminaires

1 Le présent recours tend à l'annulation de la décision 94/215/CECA de la Commission, du 16 février 1994, relative à une procédure d'application de l'article 65 du traité CECA concernant des accords et pratiques concertées impliquant des producteurs européens de poutrelles (JO L 116, p. 1, ci-après «Décision»), par laquelle elle a constaté la participation de 17 entreprises sidérurgiques européennes et d'une de leurs associations professionnelles à une série d'accords, de décisions et de pratiques concertées de fixation des prix, de répartition des marchés et d'échange d'informations confidentielles sur le marché communautaire des poutrelles, en violation de l'article 65, paragraphe 1, du traité CECA, et a infligé des amendes à quatorze entreprises de ce secteur pour des infractions commises entre le 1er juillet 1988 et le 31 décembre 1990.

2 D'après la Décision (point 13), Cockerill-Sambre SA (ci-après «Cockerill-Sambre») est le principal producteur belge d'acier. Au cours de la période visée par la Décision, la SA Steelinter (ci-après «Steelinter») était le principal distributeur de Cockerill-Sambre qui détenait, directement ou indirectement, la totalité de son capital. Steelinter a été absorbée par Cockerill-Sambre le 30 décembre 1989 (requête, point 6). En 1990, le chiffre d'affaires du groupe Cockerill-Sambre s'est élevé à 203 milliards de BFR. En 1989, dernière année pour laquelle Cockerill-Sambre a produit des poutrelles, celles-ci ont représenté un montant de 5,74 milliards de BFR, soit 132 millions d'écus, dans son chiffre d'affaires communautaire.

[...]

D - Décision

3 La Décision, qui est parvenue à la requérante sous couvert d'une lettre de M. Van Miert datée du 28 février 1994 (ci-après «lettre»), comporte le dispositif suivant:

«Article premier

Les entreprises suivantes ont pris part, dans la mesure décrite dans la présente décision, aux pratiques anticoncurrentielles indiquées sous leur nom, qui empêchaient, restreignaient et faussaient le jeu normal de la concurrence dans le marché commun. Lorsque des amendes sont infligées, la durée de l'infraction est indiquée en mois, sauf dans le cas de l'harmonisation des suppléments, où la participation à l'infraction est indiquée par `X'.

[...]

Cockerill-Sambre

a) Échange d'informations confidentielles par l'intermédiaire de la commission poutrelles (18)

b) Fixation des prix à la commission poutrelles (18)

c) Fixation des prix sur le marché danois (12)

d) Répartition des marchés, `système Traverso' (3)

e) Répartition des marchés, France (3)

f) Répartition des marchés, Italie (3)

g) Harmonisation des suppléments (x)

h) Fixation des prix sur le marché français

i) Fixation des prix sur le marché italien

[...]

Article 4

Pour les infractions décrites à l'article 1er commises après le 30 juin 1988 (après le 31 décembre 1989 (2) dans le cas d'Aristrain et d'Ensidesa), les amendes suivantes sont infligées:

[...]

Cockerill-Sambre SA 4 000 000 écus

[...]

Article 6

Sont destinataires de la présente décision:

[...]

- Cockerill-Sambre SA

[...]»

Sur la demande subsidiaire, tendant à l'annulation de l'article 4 de la Décision ou, à tout le moins, à la réduction du montant de l'amende

[...]

Sur l'appréciation de la gravité des infractions

[...]

4 Quant à l'argument que la requérante tire de son comportement prétendument concurrentiel, voire agressif sur le marché, il convient de rappeler que le fait qu'une entreprise, dont la participation à une concertation avec ses concurrents en matière de prix est établie, ne se soit pas comportée sur le marché d'une manière conforme à celle convenue avec ses concurrents ne constitue pas nécessairement un élément devant être pris en compte, en tant que circonstance atténuante, lors de la détermination du montant de l'amende à infliger (voir arrêts du Tribunal Petrofina/Commission, précité, point 173, et du 14 mai 1998, Cascades/Commission, T-308/94, Rec. p. II-925, point 230). En effet, une entreprise qui poursuit, malgré la concertation avec ses concurrents, une politique plus ou moins indépendante sur le marché peut simplement tenter d'utiliser l'entente à son profit. En l'espèce, les éléments fournis par la requérante ne permettent pas de considérer que son comportement réel sur le marché a été susceptible de contrarier les effets anticoncurrentiels des infractions constatées.

[...]

Sur la prétendue coopération de la requérante avec la Commission au cours de la procédure administrative

5 S'agissant de la prétendue «totale et particulière coopération» dont la requérante aurait fait preuve au cours de l'enquête menée par la Commission, il y a tout d'abord lieu de relever que, dans leur réponse du 7 novembre 1991 à une demande de renseignements qui leur avait été adressée au titre de l'article 47 du traité, tant la requérante que Steelinter ont affirmé ne disposer d'aucune liste des participants aux réunions de la commission poutrelles et du groupe Eurofer/Scandinavie, ni d'aucun des comptes rendus, procès-verbaux ou rapports relatifs à un certain nombre de ces réunions, visés par la demande de la Commission, alors qu'il est attesté par les éléments du dossier qu'elles recevaient régulièrement de tels documents.

6 Il y a lieu de rappeler également que, hormis sa participation à certaines des réunions en cause, la requérante n'a admis le bien-fondé d'aucune des allégations de fait dirigées contre elle.

7 La Commission a estimé à bon droit que, en répondant de la sorte, la requérante ne s'est pas comportée d'une manière justifiant la réduction de l'amende au titre d'une coopération lors de la procédure administrative. En effet, une réduction à ce titre n'est justifiée que si le comportement a permis à la Commission de constater une infraction avec moins de difficulté et, le cas échéant, d'y mettre fin (voir arrêt Cascades/Commission, précité, points 255 et suivants).

[...]

Sur l'exercice par le Tribunal de son pouvoir de pleine juridiction

8 Il convient de rappeler que le Tribunal a déjà annulé l'article 1er de la Décision en ce qu'il constate la participation de la requérante à un accord de répartition du marché italien (voir point 364 ci-dessus). L'amende infligée par la Commission pour cette infraction a été évaluée à 59 400 écus.

9 Pour les raisons exposées aux points 402 et 411 (3) ci-dessus, il y a par ailleurs lieu d'exclure la période comprise entre le 1er juillet et le 31 décembre 1988 aux fins du calcul de l'amende relative à l'infraction de fixation de prix sur le marché danois, ce qui implique, dans le cas de la requérante, une réduction de l'amende de 13 200 écus, selon la méthodologie suivie par la Commission.

10 Enfin, pour les raisons exposées aux points 561 et suivants (4) ci-dessus, le Tribunal estime qu'il y a lieu de réduire de 15 % le montant total de l'amende infligée pour les accords et pratiques concertées de fixation de prix, en raison du fait que la Commission a, dans une certaine mesure, exagéré les effets anticoncurrentiels des infractions constatées. En tenant compte des réductions déjà évoquées en ce qui concerne les accords de prix sur le marché danois, cette réduction s'élève à 338 600 écus, selon la méthode de calcul utilisée par la Commission.

11 En application de la méthodologie de la Commission, l'amende infligée à la requérante devrait donc être réduite de 411 200 écus.

12 Par nature, la fixation d'une amende par le Tribunal, dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, n'est pas un exercice arithmétique précis. Par ailleurs, le Tribunal n'est pas lié par les calculs de la Commission, mais doit effectuer sa propre appréciation, en tenant compte de toutes les circonstances de l'espèce.

13 Le Tribunal estime que l'approche générale retenue par la Commission pour déterminer le niveau des amendes (points 522 et suivants ci-dessus) (5) est justifiée par les circonstances de l'espèce. En effet, les infractions consistant à fixer des prix et à répartir des marchés, qui sont expressément interdites par l'article 65, paragraphe 1, du traité, doivent être considérées comme particulièrement graves dès lors qu'elles comportent une intervention directe dans les paramètres essentiels de la concurrence sur le marché concerné. De même, les systèmes d'échange d'informations confidentielles reprochés à la requérante ont eu un objet analogue à une répartition des marchés selon les flux traditionnels. Toutes les infractions prises en compte aux fins de l'amende ont été commises, après la fin du régime de crise, après que les entreprises eurent reçu des avertissements pertinents. Comme le Tribunal l'a constaté, l'objectif général des accords et pratiques en cause était précisément d'empêcher ou de fausser le retour au jeu normal de la concurrence, qui était inhérent à la disparition du régime de crise manifeste. En outre, les entreprises avaient connaissance de leur caractère illégal et les ont sciemment cachés à la Commission.

14 Compte tenu de tout ce qui précède, d'une part, et de la prise d'effet, à compter du 1er janvier 1999, du règlement (CE) n_ 1103/97 du Conseil, du 17 juin 1997, fixant certaines dispositions relatives à l'introduction de l'euro (JO L 162, p. 1), d'autre part, le montant de l'amende doit être fixé à 3 580 000 euros.

[...]

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens 612 Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Le recours n'ayant été que partiellement accueilli, le Tribunal fera une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la partie requérante supportera ses propres dépens et les quatre cinquièmes des dépens de la partie défenderesse.

Dispositif


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL

(deuxième chambre élargie)

déclare et arrête:

1) L'article 1er de la décision 94/215/CECA de la Commission, du 16 février 1994, relative à une procédure d'application de l'article 65 du traité CECA concernant des accords et pratiques concertées impliquant des producteurs européens de poutrelles, est annulé pour autant qu'il retient à charge de la requérante sa participation, d'une part, à un accord de répartition du marché italien d'une durée de trois mois et, d'autre part, à une infraction de fixation de prix sur le marché danois, pour la période comprise entre le 1er juillet et le 3 novembre 1988.

2) Le montant de l'amende infligée à la requérante par l'article 4 de la décision 94/215/CECA est fixé à 3 580 000 euros.

3) Le recours est rejeté pour le surplus.

4) La partie requérante supportera ses propres dépens ainsi que les quatre cinquièmes des dépens de la partie défenderesse. La partie défenderesse supportera le cinquième de ses propres dépens.

(1) - Ne sont reproduits que les points des motifs du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile. Sous réserve de ce que les infractions reprochées à la requérante dans la présente affaire ont pris fin le 31 décembre 1989, les autres points sont largement identiques ou semblables à ceux de l'arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen/Commission (T-141/94, Rec. p. II-0000), à l'exception, notamment, des points 74 à 120, 413 à 422, 566 à 574 et 614 à 625 dudit arrêt, qui n'ont pas d'équivalent dans le présent arrêt. De même, les infractions à l'article 65, paragraphe 1, du traité reprochées à la requérante sur certains marchés nationaux ne sont pas identiques à celles reprochées à la requérante dans l'affaire Thyssen/Commission. En l'espèce, l'annulation partielle de l'article 1er de la Décision est motivée, en substance, par l'absence de preuve de la participation de la requérante aux infractions visées au point 1 du dispositif du présent arrêt.

(2) - Date mentionnée dans les versions française et espagnole de la Décision. Les versions allemande et anglaise indiquent la date du 31 décembre 1988.

(3) - Voir arrêt Thyssen/Commission, point 451.

(4) - Voir arrêt Thyssen/Commission, points 640 et suivants.

(5) - Voir arrêt Thyssen/Commission, points 577 et suivants.

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