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Document 61990CC0202

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 4 juin 1991.
Ayuntamiento de Sevilla contre Recaudadores de Tributos de las Zonas primera y segunda.
Demande de décision préjudicielle: Tribunal Superior de Justicia de Andalucía - Espagne.
Assujettis à la TVA - Organismes de droit public.
Affaire C-202/90.

European Court Reports 1991 I-04247

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1991:237

61990C0202

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 4 juin 1991. - Ayuntamiento de Sevilla contre Recaudadores de Tributos de las Zonas primera y segunda. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal Superior de Justicia de Andalucía - Espagne. - Assujettis à la TVA - Organismes de droit public. - Affaire C-202/90.

Recueil de jurisprudence 1991 page I-04247
édition spéciale suédoise page I-00385
édition spéciale finnoise page I-00401


Conclusions de l'avocat général


++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Les questions préjudicielles qui ont été soumises à la Cour par le Tribunal Superior de Justicia de Andalucia portent sur l' interprétation de l' article 4, paragraphes 1, 4 et 5, de la directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme ( 1 ) ( ci-après "sixième directive TVA "). Le juge de renvoi demande en particulier si, en vertu de la réglementation communautaire précitée, il y a lieu de considérer l' activité de percepteur d' impôts comme un travail subordonné ou autonome et si, dans cette dernière hypothèse, elle est en tout état de cause exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée dans la mesure où il s' agit d' une activité accomplie en tant qu' "autorité publique ".

Tout en renvoyant au rapport d' audience pour les détails, nous résumons comme suit les éléments essentiels du litige .

2 . Une réforme récente du système fiscal espagnol ( 2 ) a placé, en substance, sous la responsabilité des administrations des finances de l' État le service de recouvrement des impôts, tant de l' État que des collectivités autonomes, avec pour conséquence la suppression des activités de recouvrement confiées à des tiers ( 3 ). Toutefois, les collectivités locales, et notamment les communes, peuvent prendre en charge le recouvrement de certains impôts et aussi nommer, à cette fin, des percepteurs et agents d' exécution ( 4 ).

Le régime applicable aux percepteurs est contenu dans les dispositions citées relatives à l' organisation fiscale ainsi que dans le statut organique de la fonction de recouvrement et des agents de recouvrement de l' impôt ( 5 ), dispositions qui aboutissent à un tableau plutôt articulé quant à la nature de l' activité en question . En effet, d' une part, les percepteurs sont nommés par les collectivités locales après concours, exercent leur activité sous le contrôle des trésoreries des collectivités locales qui les ont désignés et bénéficient de certains droits et prérogatives propres aux officiers publics et ministériels . D' autre part, ils sont toutefois tenus de fournir le cautionnement fixé par les collectivités locales pour lesquelles ils exercent l' activité de recouvrement, procèdent de façon autonome au recrutement du personnel auxiliaire de leur zone respective et, d' un point de vue plus général, à l' organisation de leur entreprise, perçoivent à titre de rémunération une prime de recouvrement, consistant en un pourcentage sur les sommes recouvrées de même qu' en une partie des majorations appliquées en cas de paiement tardif .

3 . Les percepteurs des première et deuxième zones de la commune de Séville, lors de la liquidation de la prime de recouvrement, ont augmenté son montant de celui de la taxe sur la valeur ajoutée . Cette répercussion d' impôt a été contestée par la commune devant le Tribunal Económico Administrativo Provincial de Sévilla qui, compte tenu des directives administratives données par la direction générale des impôts, a rejeté le recours au motif que les percepteurs doivent être considérés comme des professionnels indépendants puisqu' ils réalisent leurs opérations d' une façon habituelle et indépendante, et à titre onéreux : ils seraient donc assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée .

La commune de Séville a introduit un recours contre cette décision devant le Tribunal Superior de Justicia de Andalucia, lequel a décidé de saisir la Cour à titre préjudiciel .

4 . Par la première question, le juge a quo vous demande d' interpréter l' article 4, paragraphes 1 et 4, de la sixième directive TVA, en vue d' établir si l' activité des percepteurs est accomplie d' une façon indépendante et constitue par conséquent une activité imposable .

Rappelons, tout d' abord, que l' article 4, paragraphe 1, définit comme assujetti quiconque accomplit "d' une façon indépendante" une activité économique, les buts ou les résultats de cette activité étant sans importance à cet égard . Ajoutons que la notion d' activité économique comprend toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services . L' expression "d' une façon indépendante" est ensuite définie négativement, au paragraphe 4 du même article, en ce sens que sont exclus de la taxation "les salariés et autres personnes dans la mesure où ils sont liés à leur employeur par un contrat de louage de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail et de rémunération et la responsabilité de l' employeur ".

5 . Or, il nous paraît clair qu' il y a lieu d' exclure que les percepteurs sont des salariés ou sont en tout état de cause liés à l' administration par un contrat de louage de travail stricto sensu . Aux fins d' établir si une activité ayant lesdites caractéristiques peut être considérée comme exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée, il faut par conséquent vérifier si le rapport entre le percepteur et l' administration se concrétise dans un rapport juridique qui, en tout état de cause, crée des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail, les modalités de rémunération et la responsabilité .

Il appartient au juge national de procéder à cette constatation sur la base de l' interprétation, fournie par la Cour, des dispositions pertinentes en l' espèce et, partant, des critères à prendre en considération pour déterminer si une activité donnée est ou non accomplie d' une façon indépendante .

6 . Pour ce qui concerne les conditions de travail, il convient en premier lieu d' examiner si le travailleur en question est intégré dans l' organisation mise en place par l' employeur, à savoir en l' espèce s' il fait partie de l' administration communale, ou bien si et dans quelle mesure il peut organiser librement son activité . En effet, il est clair que la possibilité de s' organiser librement ( choix de ses collaborateurs, des structures nécessaires à l' accomplissement de ses tâches et des horaires de travail ), en même temps que l' absence d' une intégration organique dans une entreprise ou administration, sont des éléments typiques d' une activité accomplie dans le cadre d' un régime d' autonomie .

En revanche, la soumission à certaines directives ainsi qu' à un certain contrôle et pouvoir disciplinaire de l' employeur, bien qu' on la retrouve dans le rapport de travail subordonné, n' est pas incompatible avec le caractère autonome d' une activité . En effet, l' assujettissement aux directives d' autrui se manifeste très nettement même dans le cadre de rapports ayant pour objet une activité assurément autonome, comme par exemple dans le contrat d' entreprise, et, ainsi que la Cour a déjà eu l' occasion de le déclarer en ce qui concerne les professions de notaire et d' huissier de justice, le fait d' être soumis "à un contrôle disciplinaire sous la surveillance de l' autorité publique, situation qui peut se retrouver dans d' autres professions réglementées, ... ne ( suffit ) pas à les faire considérer ( les notaires et les huissiers de justice ) comme se trouvant vis-à-vis d' un employeur dans un rapport juridique de subordination au sens de l' article 4, paragraphe 4" ( 6 ).

Pour ce qui concerne le système de rémunération, la circonstance que les rémunérations ( même déterminées par la loi ( 7 )) soient proportionnées aux différentes prestations et le caractère aléatoire qui en découle constituent des indices clairs de l' existence d' un rapport de travail autonome . Il ne fait pas de doute, en effet, que le risque économique, dans le cadre d' un rapport de travail subordonné, ne peut que peser exclusivement sur l' employeur . Or, en l' espèce, le risque économique est supporté entièrement par le percepteur, c' est-à-dire que le non-recouvrement des impôts entraîne un manque à gagner, ce qui ne se produirait pas s' il y avait un lien de subordination avec la commune, car en pareille hypothèse le percepteur recevrait de toute façon sa rémunération, qu' il ait ou non recouvré les impôts .

Abordons enfin l' élément de la responsabilité . Il convient de faire la distinction, en l' espèce, entre la responsabilité résultant des comportements du percepteur lui-même et la responsabilité résultant de l' imposition, c' est-à-dire concernant l' assiette même de l' impôt . Il est clair que le percepteur peut seulement être appelé à assumer la première et que, partant, il conviendra d' examiner, sur la base de la réglementation nationale pertinente, si le travailleur en question est responsable à l' égard des tiers pour les actes et les comportements qui lui sont propres .

Il résulte des considérations qui précèdent que l' expression "d' une façon indépendante", utilisée à l' article 4, paragraphe 4, de la sixième directive TVA, doit être interprétée en ce sens qu' il y a lieu de considérer comme travailleur indépendant un travailleur qui n' est pas intégré organiquement dans une entreprise, qui dispose d' une liberté d' organisation appropriée en ce qui concerne les ressources humaines et matérielles à mettre en oeuvre dans l' exercice de l' activité en question, et qui supporte le risque économique inhérent à cette activité .

7 . Par la seconde question, le juge a quo demande si l' activité de percepteur doit être considérée comme exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée, en vertu de l' article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive, dans la mesure où il s' agit d' une activité accomplie "en tant qu' autorité publique ". Ladite disposition prévoit en effet l' exonération en faveur des organismes de droit public pour les activités qu' ils accomplissent en tant qu' autorités publiques .

Rappelons tout d' abord que, comme la Cour l' a elle-même itérativement déclaré, la sixième directive se caractérise par la généralité de son champ d' application et par le fait que toutes les exonérations doivent être expresses et précises . En particulier, l' analyse de la disposition en cause met en évidence que deux conditions doivent être remplies pour que l' exonération joue, à savoir l' exercice d' activités par un organisme public et l' exercice d' une certaine activité en tant qu' autorité publique ( 8 ).

Or, ainsi que la Cour l' a jugé dans l' arrêt Commission/Pays-Bas, précité, la constatation qui précède implique qu' "une activité exercée par un particulier n' est pas exonérée par la TVA du seul fait qu' elle consiste dans l' accomplissement d' actes relevant de prérogatives de l' autorité publique" ( 9 ). Une pareille affirmation est assurément applicable au cas dont il s' agit ici . D' autre part, le fait de confier le recouvrement des impôts à un tiers, qui fournit ce service à titre onéreux et d' une façon indépendante au profit de l' organisme taxateur, donne lieu à une prestation de services qui, en tant que telle, est imposable au sens de l' article 4, paragraphe 1, de la sixième directive TVA .

En définitive, même lorsque, comme en l' espèce, il est incontesté qu' une activité donnée relève, en principe, des prérogatives de l' autorité publique, elle ne saurait cependant bénéficier de l' exonération visée à l' article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive, quand, au lieu d' être exercée directement par un organisme de droit public, elle est confiée à un prestataire de services, qui est un tiers par rapport à l' organisme en question .

8 . A la lumière des considérations qui précèdent, nous concluons donc en suggérant à la Cour de répondre comme suit aux questions posées par le Tribunal Superior de Justicia de Andalucia :

"- l' expression 'd' une façon indépendante' utilisée à l' article 4, paragraphe 4, de la sixième directive TVA doit être interprétée en ce sens que l' on peut considérer comme une activité autonome celle exercée par une personne qui n' est pas intégrée organiquement dans une entreprise ou administration, qui dispose d' une liberté d' organisation appropriée en ce qui concerne les ressources humaines et matérielles utilisées dans l' exercice de l' activité en question, et qui supporte le risque économique inhérent à cette activité;

- l' article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive TVA doit être interprété en ce sens qu' une activité économique, même si elle consiste en l' accomplissement d' actes qui relèvent des prérogatives de l' autorité publique, n' est pas exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu' elle n' est pas exercée directement par un organisme public mais est confiée à un prestataire de services, qui est un tiers par rapport à l' organisme en question ."

(*) Langue originale : l' italien .

( 1 ) JO L 145, p . 1 .

( 2 ) Décret royal n 1327, du 13 juin 1986 ( BOE du 2 juillet ).

( 3 ) Décret royal n 1451, du 27 novembre 1987 ( BOE du 28 novembre ).

( 4 ) Article 193 du texte remanié relatif aux autonomies locales, décret royal n 781, du 18 avril 1986 ( BOE des 22 et 23 avril ).

( 5 ) Décret n 3286, du 19 décembre 1969 ( BO du ministère des Finances espagnol du 30 décembre ).

( 6 ) Arrêt du 26 mars 1987, Commission/Pays-Bas, point 14 ( 235/85, Rec . p . 1471 ).

( 7 ) Voir à cet égard l' arrêt du 26 mars 1987, précité, point 14 .

( 8 ) Voir arrêt du 11 juillet 1985, Commission/Allemagne, point 11, 107/84, Rec . p . 2655; arrêt du 26 mars 1987, 235/85, précité, point 21; ainsi que l' arrêt du 17 octobre 1989, Comune di Carpaneto Piacentino e.a ., point 12, 231/87 et 129/88, Rec . p . 3233 .

( 9 ) Arrêt du 26 mars 1987, 235/85, précité, point 21 .

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