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Document 61988CJ0265

Arrêt de la Cour (première chambre) du 12 décembre 1989.
Procédure pénale contre Lothar Messner.
Demande de décision préjudicielle: Pretura di Volterra - Italie.
Libre circulation des personnes - Déclaration de séjour.
Affaire C-265/88.

European Court Reports 1989 -04209

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1989:632

61988J0265

Arrêt de la Cour (première chambre) du 12 décembre 1989. - Procédure pénale contre Lothar Messner. - Demande de décision préjudicielle: Pretura di Volterra - Italie. - Libre circulation des personnes - Déclaration de séjour. - Affaire C-265/88.

Recueil de jurisprudence 1989 page 04209
édition spéciale suédoise page 00281
édition spéciale finnoise page 00297


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

Libre circulation des personnes - Droit d' entrée et de séjour des ressortissants des États membres - Formalités administratives - Admissibilité - Conditions - Inobservation - Sanctions - Limites

( Traité CEE, art . 48 et suiv .)

Sommaire


L' obligation, imposée par les autorités compétentes des États membres aux ressortissants des autres États membres exerçant leur droit à la libre circulation, de signaler leur présence aux autorités de l' État concerné ne saurait être considérée en soi comme portant atteinte aux règles relatives à la libre circulation des personnes . Toutefois, une telle atteinte peut résulter des formalités légales si celles-ci sont conçues de manière à restreindre la liberté de circulation voulue par le traité ou à limiter le droit conféré aux ressortissants des États membres d' entrer et de séjourner sur le territoire de tout autre État membre aux fins voulues par le droit communautaire . Tel est notamment le cas lorsque le délai imposé pour la déclaration d' arrivée des étrangers n' est pas raisonnable ou lorsque les sanctions attachées à l' inobservation de cette obligation sont disproportionnées par rapport à la gravité de l' infraction, par exemple parce qu' elles comportent une peine d' emprisonnement .

C' est pourquoi le fait pour un État membre d' imposer l' obligation, assortie d' une sanction pénale en cas d' inobservation, d' effectuer une déclaration de séjour dans les trois jours à partir de l' entrée sur le territoire n' est pas compatible avec les dispositions du droit communautaire relatives à la libre circulation des personnes .

Parties


Dans l' affaire C-265/88,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour en application de l' article 177 du traité CEE par la Pretura di Volterra, tendant à obtenir dans la procédure pénale engagée contre

Lothar Messner

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation des articles 3, sous c ), et 56, paragraphe 1, du traité CEE,

LA COUR ( première chambre ),

composée de Sir Gordon Slynn, président de chambre, MM . R . Joliet et G . C . Rodríguez Iglesias, juges,

avocat général : M . J . Mischo

greffier : Mme D . Louterman, administrateur principal

considérant les observations présentées :

- pour le gouvernement de la République italienne, par M . Ivo Braguglia, avvocato dello Stato,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M . Guido Berardis, membre de son service juridique,

vu le rapport d' audience tel que modifié à la suite de la procédure orale du 29 juin 1989,

ayant entendu les conclusions de l' avocat général présentées à l' audience du 12 octobre 1989,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 14 septembre 1988, parvenue à la Cour le 28 du même mois, la Pretura di Volterra a posé, en vertu de l' article 177 du traité CEE, une question préjudicielle relative à l' interprétation des articles 3, sous c ), et 56, paragraphe 1, du traité, relatifs à la libre circulation des personnes .

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d' une procédure pénale engagée contre M . Lothar Messner, ressortissant allemand, à qui il est reproché de ne pas avoir effectué, dans les trois jours à compter de son entrée sur le territoire italien, la déclaration de séjour prescrite par la législation italienne . En ce qui concerne les ressortissants des États membres, cette obligation est imposée aux travailleurs salariés et aux prestataires et destinataires de services qui ont l' intention de ne rester en Italie que pour une durée n' excédant pas trois mois . L' inobservation de cette obligation est sanctionnée par un emprisonnement de trois mois au maximum ou par une amende de 400 000 LIT au maximum .

3 Ayant des doutes sur la compatibilité de cette législation avec le droit communautaire, la juridiction nationale a sursis à statuer et a posé à la Cour la question préjudicielle suivante :

"Les dispositions combinées des articles 3, sous c ), et 56, paragraphe 1, du traité peuvent-elles être interprétées en ce sens qu' il est légitime que l' Italie impose aux ressortissants d' un autre État membre de la CEE, l' obligation d' effectuer la déclaration de séjour, dans les trois jours à partir de l' entrée sur le territoire, en en faisant découler, à défaut, la condamnation à une sanction pénale, compte tenu du fait qu' aucun motif concret d' ordre public, de sécurité ou de santé ne semble imposer une telle obligation d' un autre âge dont la nature et l' objectif sont manifestement vexatoires et dont l' inspiration est nettement xénophobe?"

4 Pour un plus ample exposé des faits, du déroulement de la procédure et des observations écrites présentées devant la Cour, il est renvoyé au rapport d' audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .

5 La question posée par la juridiction nationale vise, en substance, à savoir si le fait, pour un État membre, d' imposer à des ressortissants des autres États membres exerçant leur droit à la libre circulation, l' obligation, assortie d' une sanction pénale en cas d' inobservation, d' effectuer une déclaration de séjour dans les trois jours à partir de leur entrée sur le territoire est compatible avec les dispositions du droit communautaire relatives à la libre circulation des personnes .

6 Dans l' arrêt du 7 juillet 1976, Watson et Belmann ( 118/75, Rec . p . 1185 ), la Cour a déjà jugé que le droit communautaire, en établissant la libre circulation des personnes et en conférant à toutes celles qui relèvent de son champ d' application le droit d' accéder au territoire des États membres, dans un but prévu par le traité, n' avait pas écarté la compétence de ces États en ce qui concerne les mesures destinées à leur assurer la connaissance exacte des mouvements de population affectant leur territoire .

7 La Cour a rappelé que, selon l' article 8, paragraphe 2, de la directive 68/360/CEE du Conseil, du 15 octobre 1968, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l' intérieur de la Communauté ( JO L 257, p . 13 ), et selon l' article 4, paragraphe 2, de la directive 73/148/CEE du Conseil, du 21 mai 1973, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l' intérieur de la Communauté en matière d' établissement et de prestation de services ( JO L 172, p . 14 ), les autorités compétentes des États membres pouvaient imposer aux ressortissants des autres États membres l' obligation de signaler leur présence aux autorités de l' État concerné .

8 La Cour en a tiré la conséquence qu' une telle obligation ne saurait être considérée en soi comme portant atteinte aux règles relatives à la libre circulation des personnes . Elle a toutefois relevé qu' une telle atteinte pourrait résulter des formalités légales si celles-ci étaient conçues de manière à restreindre la liberté de circulation voulue par le traité ou à limiter le droit conféré aux ressortissants des États membres d' entrer et de séjourner sur le territoire de tout autre État membre aux fins voulues par le droit communautaire ( arrêt du 7 juillet 1976, précité, point 18 ).

9 Il résulte du même arrêt que tel est notamment le cas lorsque le délai imposé pour la déclaration d' arrivée des étrangers n' est pas raisonnable ou lorsque les sanctions attachées à l' inobservation de cette obligation sont disproportionnées par rapport à la gravité de l' infraction .

10 Il y a lieu de relever à cet égard que le délai de trois jours visé par la question préjudicielle apparaît comme excessivement contraignant, compte tenu de la nécessité, pour les intéressés, de disposer d' un laps de temps suffisant pour se déplacer de la frontière jusqu' au lieu de leur destination ainsi que pour s' y renseigner sur l' autorité compétente et sur les formalités administratives requises .

11 Imposer un tel délai n' apparaît pas indispensable pour préserver l' intérêt qu' a l' État d' accueil à obtenir une connaissance exacte des mouvements de population sur son territoire . En effet, rien ne permet de supposer que cet intérêt serait compromis en cas d' octroi d' un délai plus long . Cette appréciation est d' ailleurs confirmée par le fait que la plupart des États membres de la Communauté qui imposent une obligation pareille accordent aux intéressés des délais sensiblement plus longs .

12 Il s' ensuit qu' un délai de trois jours ne saurait être considéré comme raisonnable .

13 En ce qui concerne les sanctions d' emprisonnement ou d' amende prévues en cas d' inobservation de la législation en cause, il convient de relever qu' aucune sanction n' est admissible dès lors que le délai imposé pour effectuer la déclaration de séjour n' est pas raisonnable .

14 Par ailleurs, il convient d' ajouter que, ainsi que la Cour l' a déjà jugé dans l' arrêt du 3 juillet 1980, Pieck, point 19 ( 157/79, Rec . p . 2171 ) à propos de l' inobservation de formalités requises pour la constatation du droit de séjour d' un travailleur protégé par le droit communautaire, les autorités nationales peuvent certes soumettre le non-respect de telles dispositions à des sanctions comparables à celles qui s' appliquent à des infractions nationales de moindre importance, mais qu' il ne serait pas justifié de prévoir une sanction disproportionnée qui créerait une entrave à la libre circulation des travailleurs . Tel est notamment le cas d' une peine d' emprisonnement .

15 Il convient donc de répondre à la juridiction nationale que le fait, pour un État membre, d' imposer à des ressortissants des autres États membres exerçant leur droit à la libre circulation l' obligation, assortie d' une sanction pénale en cas d' inobservation, d' effectuer une déclaration de séjour dans les trois jours à partir de l' entrée sur le territoire n' est pas compatible avec les dispositions du droit communautaire relatives à la libre circulation des personnes .

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

16 Les frais exposés par le gouvernement italien et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement . La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens .

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR ( première chambre ),

statuant sur la question à elle soumise par la Pretura di Volterra, par ordonnance du 14 septembre 1988, dit pour droit :

Le fait, pour un État membre, d' imposer à des ressortissants des autres États membres exerçant leur droit à la libre circulation l' obligation, assortie d' une sanction pénale en cas d' inobservation, d' effectuer une déclaration de séjour dans les trois jours à partir de l' entrée sur le territoire n' est pas compatible avec les dispositions du droit communautaire relatives à la libre circulation des personnes .

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