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Document 52022IE1057

Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Le rôle des technologies d’élimination du carbone pour la décarbonation de l’industrie européenne» (avis d’initiative)

EESC 2022/01057

OJ C 486, 21.12.2022, p. 53–58 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, GA, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

21.12.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 486/53


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Le rôle des technologies d’élimination du carbone pour la décarbonation de l’industrie européenne»

(avis d’initiative)

(2022/C 486/08)

Rapporteur:

Andrés BARCELÓ DELGADO

Corapporteure:

Monika SITÁROVÁ

Décision de l’assemblée plénière

18.1.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption en section

24.6.2022

Adoption en session plénière

21.9.2022

Session plénière no

572

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

229/0/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE réaffirme qu’il soutient pleinement les engagements pris dans le cadre du pacte vert ainsi que le renforcement de la primauté industrielle de l’UE et de son autonomie stratégique en matière de fourniture d’énergie.

1.2.

Les effets de la guerre qui sévit actuellement en Ukraine sur la disponibilité de l’énergie et des matières premières ne peuvent être négligés, et le Semestre européen doit suivre l’évolution de la situation.

1.3.

Le succès de la transition écologique dans l’industrie manufacturière repose sur un bouquet suffisant et approprié d’énergies renouvelables pour permettre l’électrification et la production d’hydrogène vert. Les technologies d’élimination du dioxyde de carbone (EDC), de captage et stockage du CO2 (CSC) et de captage et utilisation du CO2 (CUC) aideront l’industrie à atteindre la neutralité climatique. Pour atteindre les objectifs du pacte vert, il faut que les énergies renouvelables soient déployées dans toute l’Europe.

1.4.

La décarbonation nécessitera de transformer en profondeur les activités industrielles (au cours des 30 prochaines années). S’il existe déjà de nombreuses technologies à faible intensité de carbone, elles présentent un faible niveau de maturité technologique (NMT) (1). Des feuilles de route technologiques ambitieuses devront être élaborées pour développer et déployer à grande échelle ces technologies de pointe, et l’UE se doit de promouvoir l’innovation par l’intermédiaire des fonds pour le climat et pour l’innovation.

1.5.

Le développement des technologies ainsi que l’éducation et la reconversion professionnelle des travailleurs sont dès lors essentiels à la transition écologique dans l’industrie manufacturière. Le dialogue social, tant au niveau européen qu’au niveau des États membres et des régions, devrait contribuer à faire en sorte que la nécessité d’une transition écologique et juste dans le secteur soit reconnue, acceptée et soutenue. Le renforcement des capacités et les projets visant à définir les compétences clés seront primordiaux pour assurer une transition industrielle efficace qui ne laisse personne de côté.

1.6.

Un recours accru aux matières premières de substitution, et en particulier à la biomasse durable, est susceptible de contribuer à une élimination durable du carbone présent dans l’atmosphère en favorisant la gestion durable des terres productives (terres agricoles et forestières) et l’utilisation de la biomasse dans des produits à longue durée de vie qui prolongent encore l’effet bénéfique de l’élimination. Il contribuerait en outre à réduire la dépendance de l’UE à l’égard des matières premières et des ressources importées.

1.7.

Le CESE demande que soit préservée la compétitivité de l’industrie européenne: l’UE est une pionnière en ce qui concerne la réduction des émissions de CO2, mais il faut que d’autres acteurs se rallient à ses ambitions en matière de climat. Puisque la crise climatique affecte le monde entier, la diplomatie de l’Union européenne doit redoubler d’efforts pour convaincre efficacement les pays tiers de s’engager plus activement dans la lutte contre ce phénomène. Indépendamment des objectifs stratégiques ambitieux qu’affiche l’UE, son rôle pionnier en matière de décarbonation des industries ira en s’intensifiant, grâce au soutien politique qu’elle apporte à ce processus et aux connaissances pratiques dont disposent les entreprises et leurs travailleurs en ce qui concerne les capacités industrielles, les technologies nécessaires et la manière d’anticiper les changements, ce qui permettra d’adopter des mesures concrètes en conséquence.

1.8.

Le maintien d’une base industrielle solide au sein de l’UE assurera la prospérité, des emplois de qualité et la mobilisation de la société européenne dans la lutte contre le changement climatique. L’industrie européenne doit investir en Europe, que ce soit dans la recherche, le développement et l’innovation (RDI) ou dans les installations et les équipements, de manière à préserver sa position concurrentielle, et doit disposer pour ce faire d’un cadre réglementaire approprié.

2.   Observations générales

2.1.

La loi européenne sur le climat a défini un objectif ambitieux de réduction des émissions à l’horizon 2030 tout en confirmant l’objectif de neutralité climatique d’ici à 2050. Cela exige d’analyser toutes les activités émettrices de gaz à effet de serre et de définir des trajectoires permettant de réduire à zéro les émissions nettes aux alentours de 2050.

2.2.

Les industries manufacturières sont responsables de 20 % (2) des émissions européennes. Sur notre continent, celles qui émettent le plus de CO2 sont les industries du fer et de l’acier, du ciment, de la chimie et de la pétrochimie, de la pâte à papier et du papier, des engrais, du verre, de la céramique, du raffinage du pétrole et des métaux non ferreux (principalement l’aluminium). Les émissions de gaz à effet de serre du secteur industriel comprennent le dioxyde de carbone (CO2) résultant de la consommation d’énergie, des utilisations non énergétiques des combustibles fossiles et de sources autres que les combustibles fossiles, ainsi que des gaz autres que le CO2.

2.3.

La transition écologique de l’industrie manufacturière est essentielle pour se conformer à la loi européenne sur le climat. La transition interviendra d’abord dans les technologies et sera suivie de modifications des méthodes de travail, des qualifications et des compétences au niveau des industries. Toutefois, il sera également nécessaire de prendre des mesures axées sur la demande afin de promouvoir l’adoption des produits à faible intensité de carbone et de nouveaux modèles industriels (symbiose industrielle, circularité, modulation de la consommation).

3.   L’industrie manufacturière sur la voie de la neutralité climatique

3.1.

Le présent avis d’initiative se concentre sur les secteurs industriels relevant du système d’échange de quotas d’émission. Il ne couvre donc pas les entreprises publiques du secteur de l’énergie, les transports et les bâtiments.

3.2.

Outre le défi de la décarbonation, il est impératif pour chaque secteur industriel d’améliorer son efficacité énergétique. Si elle ne suffira pas à décarboner l’industrie européenne, l’efficacité énergétique peut réduire sensiblement les émissions dues à la consommation d’énergie. L’on assistera à une transition des combustibles fossiles vers des technologies non émettrices de gaz à effet de serre, à savoir principalement les énergies renouvelables. Les services publics et les pouvoirs publics sont responsables de la transition énergétique des combustibles fossiles vers des technologies non émettrices.

3.3.

En ce qui concerne le défi de la décarbonation, les industries peuvent être classées comme suit:

les secteurs qui doivent revoir en profondeur leur processus de production, à savoir ceux de l’acier (filière intégrée), des engrais et des produits chimiques,

les secteurs qui doivent changer de vecteur énergétique dans leur processus de production, à savoir ceux de l’acier (fours électriques à arc), du verre, de la céramique, du papier, etc.,

«les secteurs dont il est difficile de réduire les émissions», tels que celui du ciment, qui doivent capter et stocker (ou utiliser) le CO2 émis au cours du processus de fabrication pour atteindre la neutralité climatique,

les secteurs susceptibles de tirer parti des technologies de captage et d’utilisation du carbone pour développer des produits à haute valeur ajoutée, tels que les raffineries de pétrole et les industries chimique et pétrochimique.

3.4.

La cogénération industrielle à haut rendement (CHP (3)) contribuera certainement à accroître l’efficacité énergétique, mais elle ne permettra pas de décarboner l’industrie. L’utilisation de la chaleur à basse enthalpie issue de l’industrie pour le chauffage urbain constituerait un autre moyen d’accroître l’efficacité énergétique globale et constitue une piste à envisager dans le cadre de la transition vers une décarbonation complète.

3.5.

Les technologies EDC éliminent le CO2 déjà émis dans l’atmosphère, générant ainsi des émissions «négatives». Les technologies CSC, telles que la bioénergie avec captage et stockage du carbone («bioenergy with carbon capture and storage» ou BECCS) et le captage direct dans l’air et stockage («direct air capture and storage» ou DACCS), constituent une part importante de la palette de technologies à émissions négatives. Toutefois, malgré leur potentiel d’atténuation du changement climatique, ces technologies n’en sont actuellement qu’au stade de la démonstration. Les autres technologies EDC, parmi lesquelles les activités qui renforcent les puits naturels de CO2, telles que le boisement et le reboisement, ne relèvent pas du champ d’application du présent avis.

Le défi de l’avenir de l’EDC dans l’industrie manufacturière est de trouver un équilibre dans le cadre duquel le captage et stockage du carbone constituerait une possibilité d’atténuation aux côtés d’autres technologies de réduction et d’élimination du carbone. Les réductions et l’élimination des gaz à effet de serre doivent être conformes à l’accord de Paris et à la loi européenne sur le climat. Si le CSC peut permettre à l’UE de progresser au rythme nécessaire en matière d’élimination des gaz à effet de serre, l’objectif à long terme doit être d’éviter le stockage du carbone.

3.6.

L’hydrogène produit à partir d’énergies renouvelables (hydrogène vert) semble être la réponse transsectorielle aux processus de décarbonation. Il existe ainsi, en Suède, un projet visant à éliminer les émissions de gaz à effet de serre imputables à la production d’acier en recourant à l’hydrogène renouvelable. En Finlande, un projet montrera comment produire de l’hydrogène bleu, puis vert, et capter le CO2 pour le stocker ensuite de manière permanente dans la mer Baltique.

4.   L’industrie manufacturière sur la voie de la décarbonation

4.1.

Parmi toutes les industries européennes, nous nous concentrerons sur les secteurs qui présentent un fort potentiel d’amélioration et sont les plus susceptibles de contribuer à la réduction des émissions de CO2 en Europe. Dans l’industrie manufacturière, l’accent est mis sur les secteurs qui ont davantage de difficultés à surmonter pour se décarboner. Le présent avis se concentre sur les secteurs de l’acier, du ciment, de la chimie et pétrochimie, du raffinage du pétrole, de la pâte à papier et du papier, des engrais, du verre et de la céramique.

4.2.

Avant de décrire les technologies susceptibles d’avoir une incidence sur la réduction et l’élimination des émissions de dioxyde de carbone, nous devons envisager de passer des sources d’énergie dérivées des combustibles fossiles à d’autres sources d’énergie ne générant pas d’émissions et d’autres sources renouvelables. Ces sources pourraient être l’éolien, l’énergie photovoltaïque et thermosolaire, l’énergie hydroélectrique, l’énergie géothermique, la biomasse et les biocarburants.

4.3.

Certaines industries devraient intégrer dans leurs processus des technologies existantes ou nouvelles pour ramener à zéro leurs émissions de gaz à effet de serre, de façon à permettre l’avènement d’une société neutre pour le climat. Selon les secteurs et leurs émissions actuelles de gaz à effet de serre, le changement devra intervenir en une seule ou en plusieurs étapes.

4.4.

Ce premier pas pourrait sembler être une «simple» adaptation du volet production ou approvisionnement du processus. Dans de nombreuses autres situations, il peut être nécessaire de pousser plus loin la recherche et le développement, par exemple en vue d’adapter les brûleurs au gaz naturel actuels à l’hydrogène ou d’utiliser des pompes à chaleur. Les considérations relatives à l’interaction entre l’hydrogène et les différents matériaux ou produits devraient elles aussi être prises en considération.

4.5.

Sidérurgie

Le défi qui se pose à l’industrie sidérurgique traditionnelle (filière intégrée, qui nécessite une réduction du minerai de fer) s’est déjà traduit par l’introduction de plusieurs nouvelles approches technologiques, qui se concentrent à présent sur le remplacement des hauts fourneaux par des fours électriques à arc alimentés par du fer préréduit produit à partir d’hydrogène vert. D’autres solutions déjà étudiées reposent sur les technologies CSC, mais elles ne permettent pas d’atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’électrolyse du minerai de fer pourrait émettre jusqu’à 87 % de CO2 en moins que la filière intégrée actuelle (pour peu que l’alimentation électrique soit entièrement décarbonée). La réduction par plasma d’hydrogène devait permettre de réduire à zéro les émissions de CO2. En réalité, la production d’acier à l’aide de l’hydrogène pourrait émettre jusqu’à 95 % de CO2 en moins que la filière intégrée actuelle (pour peu qu’elle s’appuie sur une électricité entièrement décarbonée), mais la perte d’énergie encourue au moment de produire l’hydrogène augmenterait la consommation d’énergie du secteur.

La production d’acier dans des fours électriques à arc ne produit que 14 % des émissions de gaz à effet de serre de la filière intégrée; le principal défi consiste à remplacer le gaz naturel dans les fours de laminage par de l’hydrogène vert ou de l’électricité d’induction.

Le CUC (qui utilise les gaz résiduaires des hauts fourneaux) peut entraîner une baisse des émissions pouvant atteindre 65 % s’il est intégralement déployé (la réduction des émissions de CO2 dépend également du cycle de vie complet des produits chimiques qui en résultent). Plusieurs projets en sont à un stade de développement avancé: l’usine de démonstration de Steelanol (actuellement en construction — NMT 9) utilise des gaz résiduaires pour produire du bioéthanol, et le projet Carbon2Chem (NMT 7-8) vise à utiliser les gaz résiduaires comme matière première pour la fabrication de produits chimiques.

4.6.

Industrie du ciment

Seules 37 % des émissions de l’industrie du ciment proviennent des combustibles, les 63 % restants étant le résultat d’une réaction chimique de la matière première (qui génère ce qu’on appelle les «émissions de procédé»). Le recours à des combustibles issus de sources renouvelables (biomasse ou hydrogène) ne réduira donc l’émissivité que de 35 % au maximum. Des technologies actuellement à l’essai pourraient permettre à l’avenir de capter et de gérer ou stocker le CO2 (méthode fondée sur les amines et boucle calcium). Un autre moyen de réduire les émissions est de développer ce que l’on appelle les ciments pauvres en clinker, qui affichent actuellement un NMT compris entre 5 et 7. L’émissivité de ces ciments est jusqu’à 30 % inférieure à celle des ciments Portland purs.

4.7.

Industrie chimique

Dans l’industrie chimique, l’électrification des processus de production, notamment par le recours au vapocraquage, vise à réduire de 90 % les émissions de CO2 par four de craquage. Le secteur de la chimie joue un rôle important dans le rétablissement de cycles du carbone durables. Les produits chimiques constituent un réservoir massif de carbone capable de fixer le carbone pendant 10 à 40 ans. Aujourd’hui, le volume de carbone incorporé dans les produits chimiques est comparable aux émissions totales générées par l’industrie pour la fabrication de ces produits. Même si la majeure partie de ce carbone finit dans l’atmosphère lorsque les produits sont incinérés après utilisation, il est indispensable de déployer une stratégie ambitieuse au service de l’économie circulaire pour parvenir à des cycles du carbone qui soient durables et à l’épreuve du changement climatique en maintenant le carbone «dans le circuit». Le secteur de la chimie peut contribuer à la réduction des émissions dans d’autres secteurs en «absorbant» le carbone et en le stockant dans des produits.

4.8.

Industrie de la pâte à papier et du papier

Dans l’industrie de la pâte à papier et du papier, une combinaison d’améliorations des processus, y compris la transition vers l’industrie 4.0, et d’investissements dans des technologies de production de pointe devrait permettre de réduire de 7 millions de tonnes les émissions de CO2 à l’horizon 2050. En s’appuyant sur ses installations de cogénération sur site, l’industrie est en mesure de s’engager sur le marché de l’énergie en utilisant les excédents issus des énergies renouvelables intermittentes. Les avantages qui en résulteraient en matière de décarbonation pourraient atteindre jusqu’à 2 millions de tonnes. Poursuivre la conversion énergétique des installations industrielles au profit de sources à émissions de carbone faibles ou nulles doit permettre de réduire de 8 millions de tonnes les émissions de CO2. À certains des concepts révolutionnaires recensés dans le cadre du projet «Two Team» (4), tels que la technologie «Deep Eutectic Solvents» en cours de développement, s’ajoutent d’autres solutions innovantes et disruptives qui pourraient compléter l’effort de réduction des émissions de CO2 en réduisant celles-ci de quelque 5 millions de tonnes supplémentaires.

4.9.

Raffineries de pétrole

Les raffineries de pétrole sont susceptibles de contribuer à la transition énergétique et climatique de l’économie européenne de deux façons: i) en réduisant sensiblement l’empreinte carbone de leur processus de production, et ii) en remplaçant progressivement les combustibles et autres produits d’origine fossile par des combustibles et autres produits à base de carbone d’origine biologique ou recyclé. Associé aux technologies CUC et CSC, le remplacement graduel de l’énergie fossile par la bioénergie se traduira même par des émissions de gaz à effet de serre négatives. Les émissions nettes de gaz à effet de serre générées lors de l’utilisation des combustibles et autres produits du raffinage peuvent être considérablement réduites en remplaçant pas à pas le pétrole brut utilisé comme matière première par la biomasse durable et le CO2 recyclé. Les émissions nettes de CO2 dans l’atmosphère induites par l’utilisation de ces combustibles seront nulles ou extrêmement faibles, contribuant ainsi à la décarbonation des modes de transport, et notamment de ceux pour lesquels le passage à l’électrique est plus difficile à mener. Des investissements et de nouveaux projets sont en cours dans ces domaines. Trois des quelque 80 grandes raffineries que compte l’UE ont ainsi été converties en bioraffineries, remplaçant complètement le pétrole brut par de la biomasse durable (5). Cette stratégie de transition climatique nécessite moins de ressources financières que d’autres, étant donné que les raffineries elles-mêmes et le système logistique de distribution des produits peuvent, dans une large mesure, être adaptés et réutilisés.

4.10.

Engrais

L’industrie des engrais étudie actuellement les possibilités de remplacer le gaz naturel en tant que matière première par de l’hydrogène vert. Plusieurs projets pilotes (6) sont en préparation dans l’ensemble de l’UE et, une fois que l’hydrogène vert sera disponible et que la question de son coût sera réglée, l’industrie s’engagera sur la voie d’une décarbonation totale.

4.11.

En conclusion, l’industrie manufacturière affiche un potentiel de décarbonation fondé sur l’efficacité énergétique, l’optimisation des processus et la conversion aux énergies renouvelables. Des investissements dans les activités de recherche, développement et innovation seront nécessaires pour atteindre l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. Les technologies CSC et CUC sont également importantes pour les industries manufacturières telles que l’industrie du ciment et celles qui utilisent la biomasse comme source d’énergie.

5.   Aptitudes et compétences dans l’industrie manufacturière de demain

5.1.

Les nouveaux processus industriels nécessiteront sans aucun doute de nouvelles méthodes de travail. Les industries et les travailleurs devront adapter leur mode de fonctionnement, en mettant l’accent sur la réduction des émissions de CO2 dès les premières étapes des processus de fabrication.

5.2.

La transition écologique de l’industrie manufacturière modifiera la production à bien des égards, que ce soit par le déploiement généralisé de nouvelles technologies de production ou le recours à la numérisation. De nouvelles aptitudes, ainsi qu’une reconversion et un perfectionnement professionnels, seront nécessaires pour parvenir à une transition juste dans laquelle personne n’est laissé de côté. Il convient de veiller tout particulièrement à inviter les citoyens, travailleurs, PME, entreprises sociales et experts régionaux de l’UE à jouer localement un rôle proactif dans les changements inévitables qui s’annoncent.

5.3.

L’UE doit faire en sorte que les connaissances relatives aux nouvelles technologies et à la manière de les mettre en œuvre dans les industries actuelles parviennent aux travailleurs de ces secteurs. Les pouvoirs publics et les entreprises doivent également s’atteler à mobiliser les compétences existantes, dans le respect du dialogue social, en vue d’atteindre les objectifs de décarbonation.

5.4.

La généralisation du recours à l’hydrogène vert dans l’industrie sera capitale pour de nombreux secteurs d’activité. La mise en œuvre des technologies d’élimination du dioxyde de carbone aura, toutefois, également une incidence sur les aptitudes et les compétences dans l’industrie manufacturière et, dans une large mesure, au niveau de la chaîne d’approvisionnement.

6.   Action de l’UE et conditions-cadres

6.1.

Le cadre juridique de l’Union européenne et les réglementations nationales doivent contribuer à la décarbonation de l’industrie. Ils devraient tenir compte du fait que les possibilités qu’offre la transition et/ou les ressources à investir dans cette dernière varieront considérablement d’un État membre et d’une région à l’autre en Europe.

6.2.

Le Fonds pour une transition juste, qui vise à soutenir les régions très dépendantes des industries à forte intensité de carbone, constitue un premier pas dans la bonne direction. Son champ d’application, limité aux régions largement dépendantes du charbon, du lignite, de la tourbe, du schiste bitumineux et des industries à forte intensité de carbone, est cependant trop restreint. Le CESE propose, à l’instar du Parlement européen, d’augmenter considérablement le budget du Fonds pour une transition juste afin de soutenir les autres secteurs touchés par la décarbonation de l’industrie. Des ressources budgétaires supplémentaires devraient être affectées aux initiatives visant à assurer la transition d’un emploi à l’autre, la création d’emplois de substitution de bonne qualité dans les mêmes régions que les précédents, ainsi qu’une formation, une reconversion et un perfectionnement professionnels adéquats des travailleurs.

6.3.

La transition écologique de l’industrie nécessitera de pouvoir accéder à une énergie et à des matières premières neutres en carbone en quantités suffisantes et à un prix abordable, stable et compétitif. Des investissements importants, y compris dans les infrastructures énergétiques, devront être réalisés en Europe pour faire face aux grandes quantités d’énergies renouvelables dont l’industrie aura besoin.

6.4.

Le cadre réglementaire de l’UE doit mener l’économie de l’Union à l’objectif de neutralité climatique nette d’ici à 2050 en créant les conditions requises pour libérer les ressources considérables, qu’elles soient financières, technologiques ou intellectuelles, nécessaires pour investir rapidement dans les technologies à faible intensité de carbone, y compris les technologies d’élimination du carbone.

6.5.

Des incitations régulières sont nécessaires pour favoriser le déploiement du captage du carbone dans les industries manufacturières, que ce soit au niveau européen — par l’intermédiaire du Fonds pour l’innovation — ou de chaque État membre, sans toutefois démanteler le marché unique, qui constitue l’une des pierres angulaires de l’UE. L’Union devra entreprendre des initiatives supplémentaires pour attirer et mobiliser les investissements privés.

6.6.

Des alliances stratégiques doivent être nouées au niveau européen afin d’accélérer le développement de cette industrie, pour permettre à l’UE de jouer un rôle moteur dans ce domaine. Les règles actuelles en matière d’aides d’État pourraient être adaptées à cette fin.

6.7.

Il convient d’accorder une attention particulière aux activités de recherche et développement, en menant un dialogue à ce sujet au niveau européen. Le Fonds pour l’innovation doit être le véhicule privilégié pour canaliser ces activités.

6.8.

Les politiques en matière de marchés publics devraient être utilisées pour stimuler les marchés des produits verts, dont les producteurs réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre par rapport aux produits dits «bruns».

6.9.

Le retard constaté dans la lutte contre le changement climatique et les contraintes de temps signifient que les rapports du Semestre européen et les recommandations adressées à chaque État membre doivent inclure certains indicateurs clés de performance pour contribuer à la nécessaire décarbonation de l’industrie.

6.10.

Le rapport de prospective stratégique devrait examiner périodiquement les progrès accomplis, les scénarios et options les plus prometteurs ainsi que les points faibles des efforts déployés pour atteindre les objectifs climatiques. Cette démarche est d’autant plus importante qu’elle peut fournir des orientations pour les investissements urgents et à haut risque, mais aussi pour une mise en commun raisonnable des ressources, tant verticalement qu’horizontalement.

6.11.

Différents signaux mènent au constat préoccupant que les conditions de concurrence ne sont pas équitables et qu’il existe un risque de «fuite de carbone» vers les pays tiers, entravant la transition vers des industries à émissions de carbone nulles. Cela souligne une fois de plus l’importance d’introduire le contrôle de la compétitivité en tant qu’outil de filtrage des risques et d’orientation.

6.12.

Il existe des divergences clairement documentées entre les concentrations d’émissions selon les États membres, les émissions par habitant, les secteurs économiques et les régions. Compte tenu des contraintes de temps, il convient de se concentrer en priorité sur l’obtention des résultats les plus rapides et les plus importants sur la voie de la décarbonation. La métallurgie, les matières minérales, les produits chimiques et l’industrie des combustibles renouvelables doivent donc être au cœur de toutes les attentions.

La capacité d’innover et la volonté d’utiliser et de commercialiser les innovations les plus récentes diffèrent en fonction de la taille des entreprises, les très grands groupes bénéficiant d’un avantage lorsqu’il s’agit de développer de nouveaux produits tandis que les PME affichent la volonté la plus forte de les utiliser. Il convient donc d’encourager et de faciliter le transfert de connaissances, qu’il soit intersectoriel ou vertical, en créant un environnement favorable aux entreprises.

Bruxelles, le 21 septembre 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Les niveaux de maturité technologique (NMT) correspondent aux différents degrés d’une échelle utilisée pour mesurer les progrès ou le niveau de maturité d’une technologie.

(2)  Agence européenne pour l’environnement.

(3)  «Combined heat and power» ou production combinée de chaleur et d’électricité.

(4)  https://www.cepi.org/two-team-project-report/.

(5)  Gela, la bioraffinerie de Venise (eni.com) et La Mède (TotalEnergies.com).

(6)  Fertiberia a lancé une usine d’engrais «impact zéro» à Puertollano, en Espagne.


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