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Document 52021AE3630

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’utilisation de carburants renouvelables et bas carbone dans le transport maritime et modifiant la directive 2009/16/CE [COM(2021) 562 final — 2021/0210 (COD)]

EESC 2021/03630

OJ C 152, 6.4.2022, p. 145–151 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

6.4.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 152/145


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’utilisation de carburants renouvelables et bas carbone dans le transport maritime et modifiant la directive 2009/16/CE

[COM(2021) 562 final — 2021/0210 (COD)]

(2022/C 152/24)

Rapporteur:

Constantine CATSAMBIS

Consultation

Parlement européen, 13.9.2021 Conseil de l’Union européenne, 20.9.2021

Base juridique

Article 100, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section

9.11.2021

Adoption en session plénière

8.12.2021

Session plénière no

565

Résultat du vote

 

(pour/contre/abstentions)

225/2/12

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement la proposition de règlement relatif à l’adoption de carburants renouvelables et à faibles émissions de carbone dans le transport maritime et modifiant la directive 2009/16/CE (la «proposition de règlement FuelEU Maritime») (1). La proposition à l’examen vise à contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union européenne en matière de neutralité climatique d’ici à 2050 en établissant une norme européenne en matière de carburants assortie d’exigences croissantes en matière d’intensité de gaz à effet de serre (GES) et en accélérant la demande de carburants renouvelables et à faibles émissions de carbone dans le secteur du transport maritime.

1.2.

Le CESE estime que la proposition de règlement de la Commission européenne devrait être harmonisée avec le règlement de l’Organisation maritime internationale, en raison de la nature internationale du transport maritime, y compris en ce qui concerne la sûreté des combustibles utilisés par les navires. À l’heure actuelle, le transport maritime international est entièrement dépendant des combustibles fossiles. La décarbonation totale nécessite que des carburants marins de substitution, à faibles émissions de carbone ou à émissions nulles, ou encore des technologies de propulsion révolutionnaires, soient largement disponibles. Une coopération étroite avec toutes les parties prenantes du pôle maritime et de la chaîne d’approvisionnement est nécessaire pour atteindre cet objectif à terme.

1.3.

Les objectifs de neutralité carbone du pacte vert et l’ambitieux paquet législatif «Ajustement à l’objectif 55» sont souhaitables dans le contexte des efforts visant à «écologiser» et, à terme, à décarboner le secteur maritime au même titre que d’autres secteurs, tout en respectant la dimension sociale de cette transition dans l’intérêt du public. En d’autres termes, cette transformation énergétique et ce processus de transition vers la décarbonation du transport maritime ne peuvent être menés à bien que s’il existe une acceptation sociale, et si le mode opératoire du transport maritime et des autres secteurs est préservé.

1.4.

Le CESE constate que l’impact de la proposition de règlement FuelEU Maritime sur le transport maritime est disproportionné par rapport à d’autres secteurs: les mesures à court terme à l’horizon 2030 sont décrites de manière adéquate, mais les changements à long terme censés être l’élément clef de la réduction des émissions de gaz à effet de serre entre 2030 et 2050 relèvent encore pour une bonne part de la pure spéculation, car ils supposent l’existence de technologies qui ne sont pas encore disponibles, et qui sont encore loin d’être arrivées à maturité. Par conséquent, un certain degré de flexibilité devrait être intégré dans les parties réglementaires de la présente proposition afin que le secteur puisse s’y adapter. Il est urgent d’apporter un soutien ciblé à la recherche-développement afin d’accélérer le renforcement des connaissances, et par conséquent de réduire les risques.

1.5.

Le CESE estime que, dans le cadre du paquet législatif «Ajustement à l’objectif 55», l’initiative FuelEU Maritime doit fournir des synergies, une cohérence et une concordance entre l’offre, la distribution et la demande. Or le projet de règlement FuelEU Maritime prescrit à ce stade certains carburants à faible teneur en carbone, sans en évaluer au préalable ni la disponibilité ni le coût au niveau mondial, et ce alors que tous les carburants de substitution doivent être autorisés. À terme, cela pourrait entraîner des distorsions de concurrence, alors même que ces carburants, que ce soit à l’heure actuelle ou dans un avenir proche, ne sont disponibles qu’en quantité négligeable. La responsabilité du développement et de la mise à disposition de carburants de substitution renouvelables incombe aux fournisseurs de carburants, et il y a lieu d’encourager l’adoption de carburants plus propres. Pour ce faire, il s’impose de combler l’écart de prix entre les combustibles fossiles et les carburants de substitution, et de rendre les carburants propres plus abordables et plus largement disponibles. Des efforts sont nécessaires, impliquant la contribution active de tous les acteurs de la chaîne de valeur maritime, en particulier les fournisseurs de carburants et d’énergie, les constructeurs de moteurs, ou encore les ports, les affréteurs, et les représentants des travailleurs de tous les secteurs concernés. Cela pourrait entraîner une augmentation de la demande de carburants de substitution, comme le prévoit le règlement FuelEU.

2.   Introduction

2.1.

Le CESE estime que le transport maritime a une incidence sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, étant donné que près de 90 % des marchandises mondiales sont transportées par voie maritime. Il constitue donc un actif stratégique qui permet à l’Union européenne de préserver son indépendance géopolitique et d’accroître sa résilience économique et industrielle ainsi que sa souveraineté. En 2019, quelque 46 % des exportations extra-UE et 56 % des importations extra-UE de biens ont été acheminées par voie maritime (Eurostat, 2021).

2.2.

La flotte européenne de transport maritime s’élève à 810 millions de tonnes de port en lourd, compte 23 400 navires, ce qui représentait 39,5 % de la flotte mondiale en 2020. Si l’on considère son impact économique total, le secteur maritime contribue à hauteur de 149 milliards d’EUR au PIB de l’Union et représente quelque deux millions d’emplois. Il convient de noter que pour chaque tranche d’un million d’EUR de PIB créée par le secteur du transport maritime, 1,8 million d’EUR supplémentaire est fourni par d’autres secteurs de l’économie européenne. (2) Selon les estimations les plus récentes (3), la part des émissions du transport maritime dans les émissions anthropiques mondiales de GES est passée de 2,76 % en 2012 à 2,89 % en 2018.

2.3.

Le CESE reconnaît que le transport maritime européen est engagé en faveur de la sécurité maritime et de la protection de l’environnement marin, et qu’il contribue aux efforts de décarbonation tant au niveau international qu’européen. Il reconnaît également que le transport maritime européen relève ces défis, et qu’il s’est engagé à prendre l’initiative en matière de transport maritime vert.

2.4.

Le règlement maritime FuelEU introduit des normes en vue d’une réduction progressive de l’intensité moyenne en gaz à effet de serre du combustible utilisé à bord des navires à quai, à l’arrivée ou au départ des ports de l’UE. Le non-respect de ces normes entraînera, pour les compagnies maritimes, des amendes administratives qui seront officiellement utilisées pour soutenir des projets visant à accélérer l’utilisation de carburants renouvelables et à faibles émissions de carbone dans le secteur maritime, et, en particulier, dans celui des biocarburants. La proposition à l’examen aura également, de manière unilatérale, une application extraterritoriale au transport maritime international, son champ d’application étant identique à celui de la proposition relative au système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (SEQE de l’UE) (4). Elle impose également, à compter du 1er janvier 2030, l’utilisation de l’alimentation électrique terrestre pour deux types de navires: les navires de passagers et les porte-conteneurs.

2.5.

Le CESE note que conformément au principe du pollueur-payeur, le projet de règlement FuelEU a reconnu le rôle structurel de l’affréteur du navire, lequel est normalement responsable du choix du carburant, de l’itinéraire, de la cargaison et de la vitesse du navire, ainsi que du coût correspondant du carburant consommé (considérant 6). Il y a lieu de s’en féliciter. Toutefois, la reconnaissance de la responsabilité des affréteurs est une disposition importante pour les délibérations qui auront lieu au cours de la prochaine phase du processus réglementaire, qui impliquera également le Parlement européen et le Conseil de l’UE.

3.   Observations générales

3.1.

Les objectifs de neutralité carbone du pacte vert et l’ambitieux paquet législatif «Ajustement à l’objectif 55» sont souhaitables dans le contexte des efforts visant à écologiser et, à terme, à décarboner le secteur maritime dans d’autres secteurs, tout en respectant la dimension sociale de cette transition dans l’intérêt du grand public. En d’autres termes, cette transformation énergétique et ce processus de transition vers la décarbonation du transport maritime ne peuvent être menés à bien que s’il existe une acceptation et une assistance sociale, et si le mode opératoire du transport maritime et d’autres secteurs est préservé. Cet objectif ne peut être atteint que par des mesures spécifiques telles que la création d’emplois, l’obtention de meilleurs résultats en matière de santé publique et l’adoption de mesures d’atténuation plus efficaces en matière d’action pour le climat et de protection de l’environnement. Ces efforts supposent que soit mobilisée la contribution active de tous les acteurs de la chaîne de valeur maritime, en particulier les fournisseurs de carburants et d’énergie, les constructeurs de moteurs, ou encore les ports, les affréteurs, et les représentants des travailleurs de tous les secteurs concernés. Une communication bien ciblée, claire, cyclique et transparente est essentielle pour gagner la participation et le soutien de la société.

3.2.

Le CESE constate que l’impact de la proposition de règlement FuelEU maritime sur le transport maritime est inégal par rapport à d’autres secteurs: les mesures à court terme à l’horizon 2030 sont décrites de manière adéquate, mais les changements à long terme censés être l’élément clef de la réduction des émissions de gaz à effet de serre entre 2030 et 2050 relèvent encore pour une bonne part de la pure spéculation, car ils supposent l’existence de technologies qui ne sont pas encore disponibles, et encore moins arrivées à maturité. En d’autres termes, la voie vers la neutralité climatique du secteur du transport maritime à l’horizon 2050 demeure incertaine et suppose un large éventail d’options technologiques. En outre, d’importantes questions relatives à l’approvisionnement, à la sécurité, à la distribution et aux coûts de ces solutions de remplacement ne sont pas résolues. Par conséquent, un certain degré de flexibilité devrait être intégré dans les parties réglementaires de la présente proposition afin que le secteur puisse s’y adapter. En outre, la pression de l’urgence découle de la durée trop longue du délai de mise en œuvre ainsi que de la lourdeur du cycle d’investissement initial du secteur au sens large, qui couvre toutes les parties prenantes.

3.3.

D’une part, la trajectoire des émissions vers une décarbonation totale dépend de l’introduction et de l’adoption par le marché de carburants et de technologies à émissions nulles économiquement viables et sûres. D’autre part, parvenir à terme à une décarbonation totale suppose de disposer, partout dans le monde, de nouveaux moyens de propulsion et de nouveaux carburants à faible intensité de carbone ou sans carbone, et de lancer une action conjointe de collaboration avec tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement.

3.4.

Dans le cadre du paquet législatif «Ajustement à l’objectif 55», l’initiative FuelEU Maritime doit fournir des synergies, une cohérence et une concordance entre l’offre, la distribution et la demande. Cet objectif devrait être atteint en complétant de manière appropriée la directive sur les énergies renouvelables (DER) (5) en visant en particulier l’approvisionnement en énergie produite à partir de sources renouvelables, ainsi que le règlement relatif aux infrastructures de carburants de substitution, en ciblant les infrastructures de distribution dans les ports de l’Union (6).

3.5.

À cette fin, il s’impose également de prévoir des incitations adéquates entre l’offre et la demande. Or le projet de règlement FuelEU prescrit à ce stade certains carburants à faible teneur en carbone, sachant que tous les carburants de substitution doivent être autorisés, sans en évaluer au préalable ni la disponibilité ni le coût au niveau mondial. À terme, cela pourrait entraîner des distorsions de concurrence, alors même que ces carburants, que ce soit à l’heure actuelle ou dans un avenir proche, ne sont disponibles qu’en quantité négligeable. La responsabilité du développement et de la mise à disposition de carburants de substitution renouvelables incombe aux fournisseurs de carburants, et il y a lieu d’encourager l’adoption de carburants plus propres. Pour ce faire, il s’impose de combler l’écart de prix entre les combustibles fossiles et les carburants de substitution, et de rendre les carburants propres plus abordables et plus largement disponibles. Des efforts sont nécessaires, impliquant la contribution active de tous les acteurs de la chaîne de valeur maritime, en particulier les fournisseurs de carburants et d’énergie, les constructeurs de moteurs, ou encore les ports, les affréteurs, et les représentants des travailleurs de tous les secteurs concernés. Cela pourrait entraîner une augmentation de la demande de carburants de substitution, comme le prévoit le règlement FuelEU.

3.6.

En imposant l’adoption de carburants et, en particulier, de biocarburants plus propres, la Commission semble ignorer le fait que ces carburants pourraient en réalité ne jamais être disponibles en quantité suffisante pour le transport maritime international, et ne pas constituer une solution de rechange vraiment viable aux combustibles fossiles. L’imposition d’amendes administratives dans une situation où il n’existe pas de solution de rechange viable est, davantage qu’une mesure de réduction des émissions — une mesure punitive visant à générer des recettes.

3.7.

Les carburants zéro carbone ou à faibles émissions de carbone nécessaires à la décarbonation du transport maritime sont actuellement indisponibles, en particulier pour le transport maritime en eau profonde, et ils le resteront dans un avenir proche. Des investissements considérables sont nécessaires pour produire et rendre disponibles à l’échelle du monde ces carburants qui devront être élaborés par des acteurs extérieurs au secteur, à savoir les compagnies pétrolières et, plus généralement, les fournisseurs d’énergie. En outre, les carburants de substitution tels que l’ammoniac, le méthanol ou l’hydrogène nécessitent une nouvelle génération de moteurs à combustion interne et des progrès dans les technologies de conception et de propulsion des navires, deux aspects qui relèvent de la compétence des constructeurs de moteurs et des chantiers navals, dont la plupart sont situés en Extrême-Orient.

3.8.

Tant que ces carburants de substitution ne seront pas disponibles, les objectifs à long terme de la stratégie initiale approuvée par l’Organisation maritime internationale (OMI) pour la décarbonation et les objectifs ambitieux du «pacte vert» et du paquet «Ajustement à l’objectif 55» ne pourront être atteints. Il convient de disposer à un stade plus précoce de connaissances approfondies fondées sur des données scientifiques afin de réduire les risques au cours du processus décisionnel et de flécher les bons investissements. C’est la raison pour laquelle les acteurs de la branche, ainsi que plusieurs États membres ayant des intérêts maritimes importants, ont proposé à l’OMI de créer un conseil et un fonds de recherche et développement [la proposition de créer un Conseil maritime international de recherche et développement (IMRB) et un Fonds maritime international pour la recherche (IMRF)] qui seraient financés, dans un premier temps, par une contribution obligatoire de chaque navire de plus de 5 000 tonnes brutes par tonne de combustible consommée. Cette initiative a pour objectif d’accélérer le développement des carburants de substitution dont le secteur du transport maritime a besoin, mais qu’il ne peut pas produire. C’est l’urgence de la situation qui est à l’origine de cette initiative ainsi que la volonté du secteur du transport maritime d’y contribuer. Il est vivement souhaitable que cette initiative bénéficie d’un soutien plus important au sein de l’OMI.

3.9.

Les considérations de sécurité devraient également demeurer un paramètre crucial en matière de recherche et de développement de carburants de substitution, un processus très exigeant, à forte intensité de capital et extrêmement chronophage. Il conviendra, pour relever les défis en matière de sécurité posés par ces nouveaux combustibles, d’élaborer de nouvelles réglementations et règles techniques pour leur conception et leur utilisation sûres à bord des navires.

3.10.

Exiger des navires qu’ils se conforment à une norme européenne en matière de combustible sans garantir que des quantités sûres et suffisantes de carbone à zéro ou à faibles émissions seront disponibles dans les ports du monde entier susciterait de vives préoccupations. Le document de travail des services de la Commission publié en décembre 2020 qui accompagne la stratégie pour une mobilité intelligente et durable (7) prévoit que les carburants renouvelables et à faibles émissions de carbone représenteront de 5,5 % à 13,5 % du bouquet énergétique du transport maritime d’ici à 2030. L’intensité des émissions de gaz à effet de serre est déterminée sur la base de la «production du carburant jusqu’au navire («puits-au-sillage») [article 3 — Définitions, point p)] selon les méthodes et les critères de durabilité définis dans la proposition de directive révisée sur les énergies renouvelables (RED), qui prévoit qu’un coefficient multiplicateur de 1,2 pour les biocarburants avancés et les biogaz produits à partir de matières premières et pour les carburants renouvelables d’origine non biologique est retenu uniquement pour le transport maritime et l’aviation. Par ailleurs, comme mis en avant dans la proposition, il est raisonnable de rediriger les biocarburants d’origine biologique dans le secteur des transports qui sont difficiles à électrifier tels que le maritime, les trajets longue distance ou encore l’aérien (8).

3.11.

Ce système de surveillance, de déclaration et de vérification supplémentaire expose une méthode d’analyse du cycle de vie des carburants qui figure à l’annexe de la proposition de règlement. Si une entreprise entend s’écarter des valeurs par défaut prévues par la directive sur les énergies renouvelables (RED), elle aura le droit de s’écarter de celles qui sont établies pour les facteurs d’émission de gaz «de la cuve au sillage», sous réserve que ces valeurs puissent être certifiées par l’un des régimes volontaires reconnus au titre de la directive RED (pour les valeurs «du puits au réservoir») ou au moyen d’essais en laboratoire ou de mesures directes des émissions («de la cuve au sillage»). La méthode de calcul de l’intensité de carbone et les facteurs d’émission sont des questions cruciales qui devront faire l’objet d’un examen approfondi.

3.12.

Le CESE juge que la proposition de règlement en tant de mesure régionale risque de compromettre les discussions en cours sur la stratégie initiale de l’OMI pour la décarbonation du transport maritime international, qui se déroulent de manière satisfaisante, produisent des résultats concrets et sont les seules à avoir une perspective mondiale. Les gouvernements membres de l’OMI sont également convenus d’entamer des pourparlers sur des mesures à moyen et à long terme, y compris des mesures fondées sur le marché, dès octobre 2021, conformément au plan de travail de l’OMI pour les mesures à moyen et à long terme. L’axe de travail connexe de l’OMI qui reste encore à terminer concerne les lignes directrices relatives aux émissions de gaz à effet de serre et à l’intensité de carbone sur l’ensemble du cycle de vie pour tous les types de combustibles. Tant que ces travaux ne seront pas menés à bien dans le cadre de l’OMI, il convient d’éviter les deux poids deux mesures.

3.13.

Le CESE juge pertinente l’initiative, prise récemment par les gouvernements des États membres, de proposer une norme mondiale pour les carburants à faible taux d’émission de gaz à effet de serre applicable au transport maritime international, qui sera examinée lors de la 10e réunion du groupe de travail intersessions sur les gaz à effet de serre (9). Cette proposition montre notamment comment les navires peuvent respecter la mesure en apportant la preuve qu’ils ont utilisé exclusivement des combustibles dont l’intensité des émissions de GES est égale ou inférieure à la valeur limite pendant la période de mise en conformité (par exemple, des mélanges de combustibles traditionnels et de combustibles renouvelables); cette approche est similaire à celle de l’annexe VI de la convention Marpol de l’Organisation maritime internationale (règle 14, paragraphe 1), qui soumet depuis 2020 les carburants de soute au plafond de teneur en soufre de l’OMI. Le document soumis propose également un système de certification «du puits au sillage» (WtW) qui sera élaboré et validé par l’OMI. Par ailleurs, compte tenu des discussions en cours au sein de l’OMI sur l’évaluation du cycle de vie des GES, dès lors qu’un accord sur une approche globale aura été conclu au niveau de l’OMI sur des questions présentant un intérêt pour le projet de règlement FuelEU, la législation de l’Union devra être pleinement alignée sur les règles internationales, conformément au considérant 42 de la proposition de règlement.

3.14.

La stratégie de décarbonation de l’OMI comporte une liste de mesures à prendre à court, moyen et long terme pour réduire les émissions de CO2. À l’occasion de la 76e session du Comité de la protection du milieu marin (MEPC) de l’Organisation maritime internationale (OMI), qui s’est tenue du 10 au 17 juin 2021, les gouvernements membres de l’OMI, parmi lesquels tous les États membres de l’Union européenne, ont adopté un ensemble complet de mesures techniques et opérationnelles à court terme juridiquement contraignantes pour réduire les émissions de CO2 des navires, qui entrera en vigueur le 1er novembre 2022.

3.15.

Plus précisément, les mesures adoptées lors de cette 76e session du MEPC imposent aux navires d’une jauge brute supérieure ou égale à 400 de calculer leur indice d’efficacité énergétique (EEXI) en utilisant des moyens techniques pour améliorer leur efficacité énergétique, et à tous les navires d’une jauge brute supérieure à 5 000 d’établir leur indice annuel d’intensité de carbone (CII) et leur classification CII. L’intensité de carbone lie les émissions de GES à la quantité de cargaison transportée sur la distance parcourue. L’OMI examinera l’efficacité de la mise en œuvre des exigences CII et EEXI d’ici au 1er janvier 2026 afin de déterminer si d’autres modifications sont nécessaires.

3.16.

Le transport maritime international pris dans son ensemble est le plus grand transporteur au monde; il achemine entre pays tiers pour plus de 90 % de sa capacité commerciale du fret essentiel à l’économie mondiale tels que le pétrole et les produits pétroliers, du gaz, des produits chimiques, du fer et d’autres minerais, du charbon et des engrais. Il est dès lors indispensable que des carburants correspondant aux spécifications de l’Union européenne requises soient disponibles dans les ports partout dans le monde afin de garantir le bon fonctionnement du commerce international.

3.17.

Le transport maritime international est avant tout une industrie axée sur les PME qui, pour le transport en vrac ou le transport à la demande (tramp), est un secteur véritablement entrepreneurial qui présente les caractéristiques d’un marché parfaitement concurrentiel. En effet, le secteur compte des milliers d’entreprises dans le monde entier, et il n’est pas dominé par un nombre limité de très grandes entreprises ou d’alliances, comme c’est le cas dans le transport maritime de ligne et dans la plupart des principaux secteurs industriels et des services à l’échelle mondiale. C’est pourquoi les compagnies maritimes de la taille d’une PME n’ont pas le pouvoir de négociation pour distribuer et couvrir de nouveaux combustibles dans les ports du monde entier.

3.18.

L’analyse d’impact de la Commission sur le projet de règlement FuelEU Maritime envisage une augmentation de la demande en carburants renouvelables et à faibles émissions de carbone dans le secteur du transport maritime, insistant notamment sur les biocarburants liquides, le gaz décarboné (y compris le biogaz naturel liquéfié), les carburants de synthèse, les carburants décarbonés dérivés de l’hydrogène (méthanol et ammoniac) et l’électricité décarbonée. L’analyse d’impact prévoit une augmentation de l’utilisation des biocarburants dont l’importance est également reconnue, en particulier pour les secteurs difficiles à décarboner tels que l’aviation ou le transport maritime.

3.19.

Le défi consiste à développer à l’échelle planétaire la production et les infrastructures d’approvisionnement nécessaires pour les carburants de synthèse. La proposition de directive révisée sur les énergies renouvelables fixe un nouvel objectif à l’Union européenne visant à porter à au moins 40 % d’ici 2030 la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables. Toutefois, il est reconnu que le transport maritime est confronté à des défis en matière de décarbonation plus importants que dans d’autres secteurs, en raison de l’absence actuelle de technologies à émissions nulles prêtes à être commercialisées. En effet, les carburants pour le transport maritime à teneur en carbone faible ou nulle ne sont pas actuellement disponibles sur le marché. En outre, les investissements en capital nécessaires au développement de la production, par exemple l’ammoniac vert (ammoniac de synthèse), en fonction des méthodes de production et des filières spécifiques de production de carburant, sont estimés à environ 1,2 à 1,65 milliard de dollars (UMAS, 2020), et n’incluent pas les investissements nécessaires pour les infrastructures d’approvisionnement à l’échelle mondiale.

3.20.

Par conséquent, l’objectif de réduire en moyenne de 75 % l’intensité des émissions de gaz à effet de serre provenant de l’énergie utilisée à bord des navires d’ici à 2050 est surestimé. L’un des principaux obstacles à la décarbonation du secteur maritime sera la difficulté de mettre en place, dans les ports du monde entier, les nouvelles infrastructures de soutage nécessaires permettant de fournir aux navires des carburants de substitution en toute sécurité. Il est dans l’intérêt du secteur du transport maritime que ces infrastructures soient développées rapidement, de manière que de nouveaux carburants puissent être facilement disponibles à l’échelle mondiale et dans le plus grand nombre possible de ports, car cela réduira le prix des carburants à émissions nulles de carbone, et donc facilitera le respect des objectifs énoncés dans la proposition de règlement.

3.21.

Les carburants de substitution tels que les biocarburants avancés, comme par exemple les huiles végétales hydrotraitées (HVO), qui ont une compatibilité limitée avec tous les moteurs de navires modernes (tous types de navires, quel que soit le commerce) et qui peuvent brûler des biocarburants sans nécessiter d’adaptations techniques, de sécurité ou de conception, pourraient constituer un début de solution, au moins dans le secteur du vrac et du tramp. Toutefois, il incombe aux fournisseurs de carburants de veiller à ce que les mélanges spécifiés, lorsqu’ils sont mélangés à des combustibles fossiles, soient adaptés à l’usage prévu à bord des navires et soient mis à disposition en quantités suffisantes dans les ports de l’Union. Les biocarburants importés sur le marché européen doivent satisfaire aux critères de durabilité fixés par l’Union tels que définis dans la directive RED II révisée (annexe IX, parties A et B). Le projet de règlement FuelEU Maritime transfère aux navires la responsabilité du respect des critères de durabilité de la directive RED. Par ailleurs, encourager l’adoption de mélanges de biocarburants de la qualité spécifiée lorsqu’ils sont achetés dans des pays tiers pourrait poser des problèmes de mise en œuvre et mettre en péril la réalisation des objectifs de réduction des émissions.

3.22.

Tous les combustibles potentiels tels que l’ammoniac de synthèse ou l’hydrogène vert (10) présentent un certain nombre de barrières commerciales (économiques, technologiques, réglementaires) qui empêchent leur utilisation en tant que combustibles marins de substitution dans un avenir prévisible. Le paysage des carburants marins de substitution est non seulement fragmenté, mais également non développé, de sorte que la recherche-développement en la matière devrait être renforcée et accélérée.

3.23.

La méthode de calcul de l’intensité de carbone et les facteurs d’émission sont des questions cruciales qui devront faire l’objet d’un examen approfondi. Il convient d’accorder une attention particulière à l’échappement de méthane et aux effets du changement indirect d’affectation des sols (ou facteur CIAS), notamment en ce qui concerne l’adoption et l’utilisation des biocarburants et du GNL. Les biocarburants de première génération ne peuvent être considérés comme des matériaux durables à long terme du fait de leur utilisation des sols, qui concurrence la production alimentaire, et de l’épuisement des sols.

3.24.

En définitive, le transport maritime étant une industrie véritablement mondiale, une réglementation au niveau mondial est la voie la plus efficace et la plus efficiente pour aller de l’avant. Toute mesure mise en œuvre au niveau de l’Union européenne doit être compatible avec les réglementations adoptées par l’OMI et trouver un équilibre entre les réglementations internationales et les initiatives législatives de l’Union.

4.   Observations particulières

4.1.

L’entité responsable (le fournisseur de combustible au lieu du propriétaire du navire): les exploitants de navires ne peuvent être tenus responsables ni de la qualité ni de la disponibilité de combustibles spécifiés. L’intensité de carbone des combustibles marins devrait être réglementée à l’échelle mondiale et subordonnée à la disponibilité adéquate de solutions de substitution non fossiles. Ces dernières ne sont pas disponibles actuellement pour le transport maritime en eau profonde et ne le seront pas dans un avenir proche. Les navires ne peuvent être tenus pour responsables de l’avitaillement en combustibles qui sont technologiquement immatures ou qui ne sont disponibles que dans des quantités très limitées ou dans des zones géographiques limitées. Cela reviendrait à demander aux automobilistes d’utiliser une combinaison de carburants spécifique alors même que celle-ci n’est pas largement disponible sur le marché.

4.2.

La responsabilité des affréteurs, bien que reconnue par les initiatives législatives de la Commission en la matière (SEQE-UE, FuelEU Maritime), n’oblige pas expressément les affréteurs à assumer leurs responsabilités. Si le propriétaire du navire est tenu pour seul responsable des émissions d’un navire, ces dernières seront grevées par des émissions de dioxyde de carbone (CO2) plus élevées résultant de l’analyse coûts-avantages purement économique effectuée par l’affréteur, lequel ne tiendra pas compte des externalités environnementales négatives. Une telle situation serait non seulement injuste, mais aussi contre-productive. Tant que l’affréteur n’aura pas de responsabilité légale, il continuera à fonder toutes les décisions opérationnelles uniquement sur des considérations de coût et il sera exempté du principe du «pollueur-payeur», qui doit dûment s’appliquer au transport maritime comme à tous les autres secteurs.

4.3.

Éviter le double comptage ou les doubles exigences: cette proposition introduit un deuxième système de surveillance, de déclaration et de vérification (MRV) de l’Union aux fins du règlement proposé. S’il est de la plus haute importance de préserver la flexibilité, il convient d’éviter autant que possible l’introduction de doubles comptage ou de doubles exigences, en procédant à une harmonisation des méthodes de MRV.

4.4.

Éviter la création d’un mécanisme de conformité impraticable: le projet de proposition à l’examen crée aussi un mécanisme complexe de mise en commun de conformité des crédits d’intensité de carbone des carburants utilisés par les navires satisfaisant à tous les critères de conformité. Ce mécanisme suppose un accord de mise en commun prévoyant des sanctions harmonisées en cas de non-conformité et le transfert de crédits entre différentes compagnies, ainsi que la certification, par le même vérificateur, des navires qui outrepassent les objectifs fixés et de ceux qui sont en deçà. Au lieu de cela, il est proposé d’inclure un mécanisme souple dans la proposition de règlement, qui s’appliquerait dans un premier temps uniquement aux carburants de synthèse (11) utilisés par les navires dont le calendrier de mise en œuvre est progressif [similaire au déploiement de l’alimentation électrique terrestre (OPS) — article 5 du règlement proposé]. En cas d’acceptation, les exigences seront progressivement étendues à tous les carburants renouvelables et à faibles émissions de carbone (sous réserve d’une clause de réexamen et d’une analyse d’impact ultérieure, en tenant compte également de la disponibilité de ces carburants pour le secteur maritime et des questions de concurrence entre ces derniers et d’autres modes de transport, par exemple). Progressivement, des partenariats seront encouragés entre les acteurs du marché qui ont investi dans des carburants «verts» désireux de regrouper leurs services chargés de la conformité et de procéder à des notifications conjointes auprès du même vérificateur accrédité.

4.5.

Extension des exemptions pour le déploiement de l’alimentation électrique terrestre après 2034: Tout en reconnaissant la nécessité de donner la priorité au déploiement de l’alimentation électrique terrestre pour parvenir à une réduction tangible et rentable des émissions de gaz à effet de serre et de la pollution atmosphérique à quai, en mettant l’accent sur les navires porte-conteneurs et les navires de passagers, il y aurait lieu après 2034 de ne pas limiter l’exemption de l’obligation de recourir à l’alimentation électrique terrestre pour les segments de transport susmentionnés, lorsque l’infrastructure n’est pas disponible dans le port et lorsque l’équipement d’un navire en matière d’alimentation électrique à bord et à quai est incompatible avec l’installation du port.

Bruxelles, le 8 décembre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  COM(2021) 562 final.

(2)  Association européenne des armateurs, 2021

(3)  Quatrième étude de l’OMI sur les gaz à effet de serre (2020)

(4)  COM(2021) 551 final.

(5)  COM(2021) 557 final.

(6)  COM(2021) 559 final.

(7)  SWD(2020) 331 final.

(8)  TEN/748, avis sur la «Révision de la directive sur les sources d’énergie renouvelables» (voir page 127 du présent JO), paragraphe 4.17.

(9)  Document du groupe de travail intercessions sur la réduction des gaz à effet de serre 10/5/3 (Autriche et autres) du 3.10.2021.

(10)  Tel que défini dans le document TEN/718 sur la «Stratégie de l’hydrogène» (JO C 123 du 9.4.2021, p. 30).

(11)  Les carburants de synthèse regroupent notamment l’ammoniac, le méthanol, le diesel de synthèse, le fioul de synthèse et le gaz de synthèse [COM(2021) 562 final, p. 7].


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