COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 24.7.2020
COM(2020) 607 final
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS
Stratégie de l'UE en faveur d'une lutte plus efficace contre les abus sexuels commis contre des enfants
INTRODUCTION
La charte des droits fondamentaux de l’UE reconnaît que les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être, entre autres dispositions. La convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant de 1989 établit le droit de l’enfant d’être protégé contre toute forme de violence.
Les abus sexuels commis contre des enfants constituent des crimes particulièrement graves, entraînant des conséquences graves et de grande ampleur, qui durent toute la vie pour les victimes. Comme ils touchent les enfants, ces crimes entraînent également d’importants dommages sociaux à long terme. Dans de nombreux cas, les enfants sont victimes d’abus sexuels commis par des individus qu’ils connaissent et en qui ils ont confiance, et dont ils dépendent. C’est pourquoi ces crimes sont particulièrement difficiles à prévenir et à déceler. Certains éléments indiquent que la crise de la COVID-19 a exacerbé le problème, en particulier pour les enfants qui vivent avec les auteurs d’abus. En outre, les enfants passent plus de temps qu’auparavant sur l’internet, potentiellement sans surveillance. Bien que cela leur ait permis de poursuivre leurs études et de rester en contact avec leurs amis, il semblerait que le risque que les enfants entrent en contact avec des prédateurs en ligne soit plus élevé. Les auteurs d’abus étant davantage isolés chez eux, la demande de contenus à caractère pédopornographique a augmenté (de 25 % dans certains États membres), entraînant une demande accrue de nouveaux contenus, et par conséquent de nouveaux abus.
Le Conseil de l’Europe estime qu’en Europe, un enfant sur cinq est victime d’une forme ou l’autre de violence sexuelle. Les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des enfants peuvent revêtir de nombreuses formes et se produire à la fois en ligne (par exemple, en forçant un enfant à se livrer à des activités sexuelles avec diffusion en direct ou en échangeant des contenus à caractère pédopornographique en ligne) et hors ligne (par exemple, en se livrant à des activités sexuelles avec un enfant ou en favorisant la participation d’un enfant à la prostitution enfantine). Lorsque l’abus est également enregistré et partagé en ligne, le préjudice se perpétue. Les victimes doivent vivre en sachant que des images et des vidéos des crimes montrant les pires moments de leur vie circulent et que n'importe qui, y compris leurs parents ou amis, est susceptible de les voir.
L’évolution exponentielle du monde numérique a été exploitée abusivement pour diffuser ces crimes à l’échelle mondiale, et a malheureusement facilité la création d’un marché mondial de la pédopornographie. Au cours des dernières années, on a constaté une augmentation considérable du nombre de signalements d’abus sexuels commis contre des enfants en ligne au sein de l’UE (par exemple, images échangées dans l’UE, victimes dans l’UE, etc.): de 23 000 signalements en 2010 à plus de 725 000 en 2019, impliquant plus de 3 millions d’images et de vidéos. Une hausse tout aussi importante s’est produite à l’échelle mondiale: de 1 million de signalements en 2010 à près de 17 millions en 2019, impliquant quelque 70 millions d’images et de vidéos. Les signalements indiquent que l’UE est devenue le plus grand hébergeur de contenus à caractère pédopornographique dans le monde (de plus de la moitié en 2016 à plus des deux tiers en 2019).
Récemment, une enquête portant sur des abus sexuels commis contre des enfants en Allemagne a donné lieu à la découverte de potentiellement plus de 30 000 suspects utilisant des groupes de discussion et des services de messagerie pour partager des contenus, s’inciter mutuellement à créer de nouveaux contenus et échanger des conseils et astuces pour gagner la confiance des victimes et dissimuler leurs actes. Le recours au chiffrement de bout en bout rend l’identification des auteurs d’abus plus difficile, voire impossible. Dans cet exemple précis, à ce jour, seuls 72 suspects en Allemagne ont été identifiés, ainsi que 44 victimes.
L’introduction du chiffrement de bout en bout, bien qu’elle permette de garantir la confidentialité et la sécurité des communications, facilite également l’accès à des canaux sécurisés pour les auteurs d’abus, où ils peuvent dissimuler leurs actes aux services répressifs, comme l’échange d’images et de vidéos. Il convient donc de s’attaquer immédiatement à la question de l’utilisation de la technologie de chiffrement à des fins criminelles grâce à des solutions pouvant permettre aux entreprises de détecter et signaler des abus sexuels commis contre des enfants dans des communications électroniques chiffrées de bout en bout. Toute solution devrait garantir la confidentialité des communications électroniques et la protection des enfants contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle, ainsi que la protection de la vie privée des enfants figurant dans les contenus à caractère pédopornographique.
La lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants constitue une priorité pour l’UE. Le Parlement européen et le Conseil ont tous deux demandé de nouvelles mesures concrètes. Des demandes similaires ont été formulées à l’échelle mondiale devant différentes instances, notamment par les médias, car il apparaît clairement que le monde entier perd la bataille contre ces crimes et ne parvient pas à protéger efficacement le droit de tout enfant de vivre à l’abri de la violence. Par conséquent, l’UE doit réévaluer et renforcer ses efforts.
L’objectif de la présente stratégie est d’apporter une réponse efficace, au niveau de l’UE, en vue de la lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants. Elle offre un cadre pour élaborer une réponse forte et globale à ces crimes, perpétrés tant en ligne que hors ligne. Elle décrit huit initiatives visant à mettre en application et à étoffer le cadre juridique adéquat, à renforcer la réaction des services répressifs et à susciter des actions coordonnées entreprises par plusieurs parties prenantes en matière de prévention, d’enquêtes et d’assistance aux victimes. Les initiatives utilisent tous les outils disponibles au niveau de l’UE, tant en matière de droit matériel de l’UE (section I) que de financement et de coopération, (section II). Cette stratégie doit être mise en œuvre au cours des cinq prochaines années (2020-2025).
I. APPLIQUER ET ÉTOFFER LE CADRE JURIDIQUE ADÉQUAT POUR PROTÉGER LES ENFANTS
En 2011, l’UE a franchi une étape importante avec l’adoption de la directive relative aux abus sexuels commis contre des enfants (2011/93/UE), dont l'application dans les États membres doit désormais être achevée de toute urgence. En parallèle, tous les vides juridiques recensés doivent être comblés par les moyens les plus appropriés.
1.Assurer l’application complète de la législation actuelle (directive 2011/93/UE)
La directive relative aux abus sexuels commis contre des enfants a été le premier instrument juridique global de l’UE établissant des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans le domaine des abus sexuels et de l’exploitation sexuelle des enfants, ainsi que de la pédopornographie. Elle couvre la prévention, les enquêtes et les poursuites concernant les infractions, ainsi que l’assistance et la protection des victimes.
Les infractions pénales concernent les situations hors ligne et en ligne, telles que la visualisation et la diffusion de pédopornographie en ligne, le pédopiégeage (c.-à-d. l’établissement d’un lien émotionnel avec l’enfant en ligne dans un but d’abus sexuel) et les abus sexuels par webcam. Au-delà du droit pénal matériel et procédural, la directive impose également aux États membres de mettre en place des mesures administratives (c.-à-d. non législatives) de grande portée, telles qu’une formation relative à l’échange de casiers judiciaires entre les États membres via le système européen d’information sur les casiers judiciaires (ECRIS) en tant que présélection lors du recrutement pour des fonctions impliquant des contacts directs et réguliers avec des enfants, ou la formation des professionnels susceptibles d’entrer en contact avec des enfants victimes d’abus sexuels. Ces mesures requièrent la participation et la coordination de multiples acteurs issus de différents domaines d’action publique (par exemple, services répressifs, soins de santé, éducation, services sociaux, autorités de protection de l’enfance, magistrats et professionnels du droit), ainsi que d’entités privées (par exemple, les entreprises et la société civile).
Les États membres ont réalisé des progrès importants quant à la mise en application de cette directive. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire pour que la directive atteigne son plein potentiel par l’application intégrale de toutes ses dispositions par tous les États membres. Des difficultés persistent dans les domaines de la prévention (notamment les programmes de prévention destinés aux auteurs d’abus et aux individus craignant de commettre des abus), du droit pénal (en particulier la définition des infractions et du niveau des sanctions) et des mesures d’assistance, d’aide et de protection pour les enfants victimes. En 2019, afin d’assurer une application complète, la Commission a ouvert des procédures d’infraction à l’encontre de 23 États membres.
La Commission continuera de collaborer étroitement avec les États membres pour résoudre en priorité toutes les questions en suspens et assurer l’application complète et le respect intégral de la directive dans l’ensemble de l’UE. La Commission aidera également les États membres à œuvrer dans ce domaine en continuant à encourager l’échange des bonnes pratiques et des enseignements tirés.
Action clé:
ðLes États membres doivent achever en priorité la mise en application de la directive relative aux abus sexuels commis contre des enfants. La Commission continuera de recourir aux pouvoirs d’exécution qui lui sont conférés par les traités au moyen de procédures d’infraction, dans la mesure nécessaire à une application rapide.
2.Garantir que la législation de l’UE permet une réaction efficace
La Commission évaluera si la directive relative aux abus sexuels commis contre des enfants nécessite une mise à jour, en tenant compte de l’étude visée dans la troisième initiative décrite ci-dessous. Outre la directive relative aux abus sexuels des enfants, il existe de nombreux instruments législatifs au niveau de l’UE qui soutiennent et façonnent la lutte contre les abus sexuels commis sur des enfants, notamment en ce qui concerne le rôle que joue le secteur privé dans la prévention et la lutte contre ce phénomène.
Les propositions relatives aux preuves électroniques, formulées par la Commission en avril 2018, jouent un rôle clé afin de faciliter l’accès rapide aux preuves essentielles détenues par le secteur privé, telles que l’identité des individus ayant téléchargé et partagé du matériel pédopornographique. La Commission réitère sa demande d’adoption rapide.
La Commission s’est engagée à formuler des propositions sur le cadre législatif applicable aux services numériques, ce qui aura des implications pour la lutte contre les contenus à caractère pédopornographique en ligne. Le paquet relatif aux services numériques, qui doit faire l’objet d’une proposition d’ici à la fin de l'année 2020, précisera et modernisera les règles en matière de responsabilité et de sécurité des services numériques. Dans ce contexte, la Commission examinera la nécessité d’éliminer les entraves aux actions volontaires destinées à lutter contre les contenus, biens ou services illégaux fournis par des intermédiaires en ligne, notamment en ce qui concerne les services de plateformes en ligne.
La Commission estime que la lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants en ligne exige des obligations claires quant à la détection et le signalement d’abus sexuels commis contre des enfants en ligne afin d’apporter davantage de clarté et de sécurité dans les travaux menés tant par les services répressifs que par les acteurs concernés du secteur privé pour combattre les abus en ligne. Elle commencera à préparer des dispositions législatives par secteur afin de lutter plus efficacement contre les abus sexuels commis contre des enfants en ligne, dans le respect intégral des droits fondamentaux, y compris notamment les droits à la liberté d’expression, à la protection des données à caractère personnel et à la vie privée. Les mécanismes visant à garantir la responsabilité et la transparence seront des éléments essentiels de la législation et le centre visé dans l’initiative n° 6 pourrait y être associé.
Le règlement Europol, qui détermine le champ d’application des activités d’Europol, est également pertinent. La Commission a annoncé dans son programme de travail 2020 une proposition législative destinée à renforcer le mandat d’Europol afin d’améliorer la coopération policière opérationnelle. Europol a rencontré des restrictions dans le soutien qu’elle peut offrir, en raison de l’évolution rapide du problème des abus sexuels commis sur des enfants. En outre, la capacité d’Europol à soutenir les États membres est entravée par son incapacité à recevoir des données à caractère personnel directement depuis le secteur privé, dont l’infrastructure est détournée par les auteurs d’abus pour héberger et partager du matériel pédopornographique. La Commission européenne évaluera ces questions de manière plus approfondie dans le cadre de la révision du mandat d’Europol à venir, dont l’adoption est prévue au dernier trimestre de 2020.
Ces modifications législatives éventuelles seront cohérentes avec la politique de l’UE en matière de lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants et devraient garantir l’existence d’un cadre législatif à même de permettre aux parties prenantes concernées de prévenir, détecter, signaler et agir efficacement afin de protéger les enfants dans tous les cas d’abus sexuels commis contre des enfants, et de les y aider.
Actions clés:
ðEn premier lieu, la Commission proposera en priorité les dispositions législatives nécessaires pour faire en sorte que les fournisseurs de services de communications électroniques puissent poursuivre après décembre 2020 leurs pratiques volontaires actuelles visant à détecter, dans leurs systèmes, les abus sexuels commis contre des enfants.
ðEn deuxième lieu, avant le deuxième trimestre 2021, la Commission proposera les dispositions législatives nécessaires pour lutter efficacement contre les abus sexuels commis contre des enfants en ligne, y compris des dispositions exigeant des fournisseurs de services en ligne concernés qu’ils détectent les contenus à caractère pédopornographique connus et signalent ces contenus aux autorités publiques.
3.Recenser les vides juridiques, les bonnes pratiques et les actions prioritaires
Les mesures de transposition que les États membres ont communiquées à la Commission comprennent des mesures qui ne sont pas spécifiquement requises par la directive relative aux abus sexuels commis contre des enfants, mais qui ont été considérées comme nécessaires dans la lutte contre ces abus par les États membres. Il se peut donc qu’il existe des questions pertinentes que la directive ne traite pas suffisamment. La Commission a organisé un atelier spécialisé en septembre 2019 afin de collecter davantage d’informations sur ces vides juridiques potentiels et a conclu que de nouveaux travaux étaient nécessaires pour recueillir des preuves supplémentaires.
La directive ayant été adoptée en 2011, elle devrait également faire l’objet d’une évaluation de son application dans la pratique, en ce qui concerne l’efficacité, l’efficience, la pertinence, la cohérence et la valeur ajoutée européenne, entre autres critères. Cette évaluation devrait prendre en considération, en particulier, les aspects en ligne de ces crimes, lorsque des doutes existent quant au fait que le cadre actuel soit encore approprié neuf ans après son adoption. En effet, l’on a assisté durant cette période à des évolutions technologiques significatives et à une croissance exponentielle du partage en ligne. La technologie rend plus que jamais la tâche facile aux auteurs d’abus pour entrer en contact avec les enfants, partager des images d’abus, dissimuler leur identité et les revenus qu’ils tirent de leurs crimes, et conspirer pour éviter de rendre des comptes et pour commettre d’autres crimes.
En outre, les auteurs d’abus ne cessent de perfectionner leur utilisation des technologies et leurs capacités techniques, notamment en matière de chiffrement et d’anonymat (par exemple, échange de fichiers de poste à poste et utilisation du darknet). Cette activité criminelle crée des problèmes pour la société en général et pour les services répressifs, notamment dans leur rôle de protection de la société.
Au vu de ce qui précède, la Commission lancera en priorité une étude destinée à recenser les vides juridiques et les lacunes dans la mise en œuvre, les bonnes pratiques et les actions prioritaires au niveau de l’UE, en évaluant:
·si la législation actuelle de l’UE résout les questions pour lesquelles elle a été mise en place, et
·s’il existe de nouvelles questions en rapport avec les crimes concernés que la législation actuelle n’aborde que partiellement, voire pas du tout.
L’étude prendra en considération les travaux en cours du Conseil de l’Union européenne afin de garantir une mise en œuvre effective de ses conclusions d’octobre 2019 sur la lutte contre les abus sexuels à l’encontre des enfants, ce qui mènerait à la création ou à la mise à jour de plans d’action nationaux visant à coordonner les mesures au niveau national. Elle tiendra également compte de la résolution du Parlement européen de novembre 2019, du rapport du Parlement européen de décembre 2017 sur la mise en application de la directive 2011/93/UE relative à la lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des enfants, ainsi que la pédopornographie, et des travaux du Comité de Lanzarote du Conseil de l’Europe.
Action clé:
ðD’ici à la fin de l’année 2020, la Commission lancera une vaste étude afin de recenser les vides juridiques, les bonnes pratiques et les actions prioritaires au niveau de l’UE dans le cadre de la lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants en ligne et hors ligne.
II. RENFORCER LA RÉACTION DES SERVICES RÉPRESSIFS ET LA COOPÉRATION ENTRE TOUTES LES PARTIES PRENANTES
La lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants doit être menée sur de nombreux fronts, notamment par la société dans son ensemble. Un réel progrès ne peut être réalisé que lorsque les travaux s’intensifient en matière de prévention, de signalement, d’orientation, d’enquête, de protection et d’identification, de traitement et de suivi pour chaque affaire. Les professionnels des services sociaux et des soins de santé, les universitaires, les chercheurs, les éducateurs, le système judiciaire, les services répressifs, les enfants, les familles, les ONG, les médias et la société au sens large ont chacun un rôle à jouer, au sein d’une approche réellement multipartite et pluridisciplinaire.
4.Renforcer les efforts en matière d’application de la loi aux niveaux national et de l’UE
Les abus sexuels d’enfants requièrent une réponse compétente et globale des services répressifs, aux niveaux national et européen. La crise de la COVID-19 a mis au jour la nécessité d’améliorer les capacités numériques des services répressifs et des autorités judiciaires afin de préserver leur aptitude à protéger efficacement les citoyens, comme le souligne le plan de relance de mai 2020.
Les services répressifs des États membres ont des structures différentes pour lutter contre les abus sexuels commis contre des enfants. Afin d’assurer la protection des enfants au sein de leurs frontières et au-delà, il est important que les États membres puissent compter sur des unités spécialisées dotées des équipements adéquats et d’agents formés de manière appropriée au sein des structures nationales de maintien de l’ordre. En réponse à une vague récente d’affaires de grande envergure, un certain nombre d’États membres ont choisi d’accroître les effectifs chargés de la prévention et de la lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants, ce dont la Commission se félicite vivement.
Outre ces unités, les États membres devraient envisager la mise en place d’équipes nationales spécialisées dans l’identification des victimes. Si de telles équipes existent d’ores et déjà, les États membres devraient envisager d’étendre les capacités du niveau national aux équipes locales et régionales pertinentes.
Pour lutter efficacement contre ces crimes, les États membres devraient également être en mesure de participer aux efforts collaboratifs au niveau de l’UE et à l’échelle internationale pour identifier les enfants avec le Centre européen de lutte contre la cybercriminalité (EC3) d’Europol ou au moyen de la base de données internationale sur l’exploitation sexuelle des enfants hébergée par Interpol. Les ressources que chaque État membre alloue afin de lutter contre la menace des abus sexuels d’enfants tiennent également compte de la capacité de l’État à soutenir la collaboration internationale dans ce domaine.
Les affaires d’abus sexuels d’enfants, en particulier celles impliquant du matériel numérique, se limitent rarement à un État membre. Par conséquent, outre la tenue à jour des bases de données nationales de renseignement, les États membres devraient investir dans la transmission systématique des renseignements pertinents à Europol, en tant que pôle central des informations de police criminelle dans l’UE, afin d’aider chaque État à traiter les affaires transfrontières.
Une lutte efficace contre les abus sexuels commis contre des enfants nécessite également des capacités techniques de pointe. Certaines équipes d’enquête nationales ne disposent pas des connaissances et/ou des instruments nécessaires, par exemple pour détecter les contenus à caractère pédopornographique dans un grand nombre de photos ou vidéos saisies, pour localiser les victimes ou les auteurs d’abus, ou encore pour mener des enquêtes sur le darknet ou sur des réseaux de poste à poste. Afin de contribuer au renforcement des capacités nationales pour suivre les avancées technologiques, la Commission propose un financement aux États membres par l’intermédiaire du Fonds pour la sécurité intérieure (FSI-Police). En outre, la Commission alloue également des fonds au titre du FSI-Police dans le cadre d'actions de l'Union comprenant, par exemple, des appels à propositions et des marchés publics visant à lutter contre les aspects en ligne et hors ligne des abus sexuels commis contre des enfants. Un nouvel appel à propositions dans le domaine de la lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants aura lieu d'ici à la fin de l'année 2020. La Commission finance également des projets de recherche dans le cadre du programme Horizon 2020 afin de contribuer au renforcement des capacités nationales (en matière répressive et dans d’autres domaines) pour lutter contre les abus sexuels commis contre des enfants. Les futurs appels à propositions visant à lutter contre ces crimes seront ouverts au titre du nouveau programme-cadre pour la recherche et l'innovation, Horizon Europe.
Le recours à des techniques d'enquête sous pseudonyme en ligne constitue un atout important pour infiltrer les réseaux dissimulés derrière ce type de technologie. Ces méthodes se sont révélées très efficaces pour comprendre le comportement des auteurs d’abus et leur interaction sur les plateformes de services en ligne et ont en définitive facilité la fermeture de canaux de communication utilisés par ces auteurs d’abus, ainsi que les poursuites à leur encontre. Pour l’action répressive dans ces espaces, il est de plus en plus important d’avoir la capacité d’infiltrer efficacement des groupes d’auteurs d’abus en ligne particulièrement dangereux. Cette action peut être menée selon un certain nombre de méthodes différentes, dont seul un petit nombre d’États membres et de partenaires non européens dispose actuellement. Il faudrait envisager de disposer de cette capacité dans l’ensemble de l’UE afin de cibler plus efficacement ces auteurs d’abus sans dépendre d’autres partenaires. Les valeurs et les droits fondamentaux de l’UE doivent rester au cœur de toutes les futures mesures.
Europol mettra en place un pôle et laboratoire d’innovation afin de faciliter l’accès, pour les États membres, aux outils et connaissances techniques élaborés au niveau de l’UE. Cette initiative permettra également de recenser les besoins des États membres afin de remédier aux difficultés des enquêtes numériques, contribuant ainsi à déterminer la manière dont il convient d’allouer les fonds pour la recherche, l’innovation et le renforcement des capacités policières.
Le pôle et laboratoire d’innovation facilitera encore l’accès, pour les États membres, aux ressources et à l’expérience du Centre européen de lutte contre la cybercriminalité (EC3) d’Europol. Depuis sa création, l’EC3 joue un rôle important afin de soutenir les États membres dans la lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants. Ce soutien revêt différentes formes, notamment:
·l’EC3 contribue à l’identification des victimes depuis 2014. Des actions de collaboration avec les États membres et les partenaires d’accords opérationnels, par l’intermédiaire du groupe de travail d'Europol sur l’identification des victimes, et l’utilisation de diverses méthodes d’enquête incluant la base de données internationale sur l’exploitation sexuelle des enfants ont permis l’identification de près de 360 enfants et 150 auteurs d’abus;
·Europol (souvent en coopération avec Eurojust) a aidé à coordonner de nombreuses enquêtes ayant abouti;
·des plans d’action opérationnels (PAO) spécifiques en matière de lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des enfants sont mis en œuvre chaque année dans le cadre du cycle politique de l’UE/EMPACT pour lutter contre la grande criminalité internationale organisée, avec le soutien d’Europol
;
·Europol a apporté une contribution importante à la collecte de données et à l’établissement et à la publication de rapports tels que l’évaluation de la menace que représente la grande criminalité organisée (SOCTA) et l’évaluation de la menace que représente la criminalité organisée sur l’internet (iOCTA), qui comprennent des sections spécialement consacrées à la lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants;
·Europol a également collaboré avec ses partenaires internationaux pour fournir des conseils sur la sécurité en ligne aux parents et aux personnes s’occupant d’enfants afin de les aider à protéger les enfants en ligne pendant la crise de la COVID-19, outre la rédaction de trois rapports de renseignement hebdomadaires destinés à un public ciblé.
ðEuropol mettra en place un pôle et laboratoire d’innovation et la Commission fournira des fonds afin de contribuer au renforcement des capacités nationales pour suivre les avancées technologiques et garantir une réaction efficace des services répressifs face aux crimes concernés.
5.Permettre aux États membres de mieux protéger les enfants grâce à la prévention
Certains des articles de la directive relative aux abus sexuels commis contre des enfants pour lesquels les États membres ont le plus de retard quant à leur mise en application complète sont ceux qui nécessitent la mise en place de programmes de prévention, pour lesquels plusieurs types de parties prenantes doivent prendre des mesures.
En ce qui concerne la prévention visant plus particulièrement les auteurs d’abus (potentiels), les difficultés des États membres ont trait à toutes les étapes des programmes: avant qu’un individu commette un abus pour la première fois, au cours ou après la procédure pénale, et en prison ou hors de prison.
La recherche concernant ce qui incite les individus à commettre des abus est insuffisante et fragmentée, et la communication entre les spécialistes et les chercheurs est médiocre:
·le manque de recherches actuel rend difficiles l’élaboration et la mise en place de programmes efficaces à toutes les étapes. L’efficacité des quelques programmes mis en place est rarement évaluée;
·en outre, les différents types de spécialistes dans ce domaine (par exemple, les autorités chargées des programmes de prévention aux individus craignant de commettre des abus, les autorités publiques chargées des programmes de prévention dans les prisons, les ONG proposant des programmes de prévention afin de contribuer à la réintégration de délinquants sexuels au sein de la communauté) ne communiquent pas suffisamment entre eux sur l’efficacité des programmes, y compris les enseignements tirés et les bonnes pratiques.
Pour pallier ces difficultés, la Commission s’efforcera d’établir un réseau de prévention composé de spécialistes et de chercheurs pertinents et renommés afin d’aider les États membres à mettre en place des mesures de prévention exploitables, rigoureusement évaluées et efficaces en vue de réduire la prévalence des abus sexuels commis contre des enfants dans l’UE et de favoriser l’échange de bonnes pratiques. Plus particulièrement, le réseau devrait:
1.enclencher un cycle vertueux de la pratique à la recherche et de la recherche à la pratique:
·les chercheurs proposeraient aux spécialistes des initiatives testées scientifiquement, et les spécialistes proposeraient aux chercheurs des retours d’information continus sur les initiatives de prévention afin de contribuer davantage à renforcer la base d’informations factuelles. Les perspectives et opinions des victimes devraient également être intégrées dans les travaux du réseau,
·bien que les travaux du réseau couvriraient tous les domaines liés à la prévention des abus sexuels d’enfants, ils mettraient fortement l’accent sur les programmes de prévention pour les auteurs d’abus et pour les individus craignant de commettre un abus, car il s’agit du domaine où les États membres rencontrent le plus de difficultés,
·on sait que les auteurs d’abus ne présentent pas tous un trouble d’ordre pédophile (parmi les autres motivations à commettre un abus figure notamment l’exploitation pour en retirer un bénéfice financier) et tous ceux qui présentent un trouble d’ordre pédophile ne finissent pas par commettre un abus (certains sollicitent de l’aide pour lutter contre leur pédophilie). Des recherches approfondies sont requises afin de comprendre le processus conduisant un individu à commettre un abus, notamment les facteurs de risque et les éléments déclencheurs. Selon certaines statistiques, 85 % de ceux qui visionnent des images d’abus sexuels commis contre des enfants agressent aussi physiquement des enfants. La visualisation d’images pédopornographiques constitue également une infraction pénale, elle engendre également une demande de nouveaux contenus et par conséquent de nouveaux abus physiques,
·le réseau suivrait une méthode scientifique dans le cadre de la prévention. Bien que les données sur la prévalence soient lacunaires, des études indiquent que près de 3 % de la population masculine pourraient être sexuellement attirés par les enfants. Les spécialistes admettent que traiter le problème à sa racine en reconnaissant cette réalité difficile et en mettant en place des mesures de prévention est la manière la plus efficace de protéger les victimes et d’alléger la charge de travail des services répressifs;
2.contribuer aux travaux des États membres en matière de sensibilisation en créant des campagnes médiatiques et des supports de formation ciblés:
·cela faciliterait l’échange d’informations sur les supports de formation et le renforcement des capacités ainsi que la collecte d’exemples de «bonnes pratiques» afin d’inspirer les campagnes médiatiques et la formation dans tous les États membres. Cette collaboration permettrait d’éviter le chevauchement des efforts, notamment en facilitant l’adaptation et la transposition dans le contexte national de supports créés dans d’autres États membres,
·la Commission, avec l’aide du réseau, lancerait et soutiendrait des campagnes de sensibilisation destinées aux enfants, aux parents, à l'entourage et aux éducateurs sur les risques et sur les mécanismes et procédures de prévention. Ces campagnes seraient élaborées avec le réseau,
·des efforts de prévention sont nécessaires dans les organisations travaillant avec des enfants – clubs et centres sportifs, institutions religieuses, services de soins de santé, établissements scolaires, activités périscolaires – afin d’en sensibiliser les intervenants et de les informer sur les manières de prévenir les abus, par exemple en proposant une formation ciblée, en s’assurant de l’application de procédures appropriées et en utilisant leur habilitation juridique en vertu du droit de l’Union à demander les casiers judiciaires à l’échelle internationale via le système ECRIS. Ce système européen très efficace est un outil essentiel pour prévenir les abus sexuels puisqu’il permet de vérifier les antécédents d’une personne par la consultation de son éventuel casier judiciaire lors de son recrutement pour des activités professionnelles ou des activités bénévoles organisées impliquant des contacts directs et réguliers avec des enfants. Les professionnels de tous les secteurs susceptibles d’entrer en contact avec des enfants doivent être formés et dotés des outils appropriés afin de prévenir et détecter des signes précoces de violence et d’abus sexuels potentiels, et afin d’interagir avec les enfants et leurs familles de manière adéquate, en étant centrés sur les besoins particuliers et l’intérêt supérieur de l’enfant. Sont également concernés les services répressifs et le système judiciaire lorsque des enfants victimes sont impliqués dans des enquêtes judiciaires contre leurs agresseurs. Les familles et l’entourage, ainsi que les professionnels et la société au sens large, doivent comprendre la gravité de ces crimes et leur effet dévastateur sur les enfants, et bénéficier de l’aide nécessaire pour signaler ces crimes et soutenir les enfants victimes. Cela nécessite des informations, des campagnes médiatiques et une formation spécialisées,
·les enfants eux-mêmes doivent disposer des connaissances et outils susceptibles de les aider à ne pas être confrontés aux abus lorsque cela est possible (par exemple, sur la façon d’utiliser l’internet en toute sécurité), et doivent être informés du fait que certains comportements sont inacceptables. Le réseau des centres pour un internet plus sûr, financé par la Commission, sensibilise sur la sécurité en ligne et fournit des informations, des ressources et une assistance via des lignes d’assistance téléphonique sur un large éventail de sujets liés à la sécurité numérique, notamment le pédopiégeage et la textopornographie. La campagne UN sur CINQ du Conseil de l’Europe et l’initiative «#SayNo»
d’Europol sont d’autres exemples de mesures dans ce domaine. Lorsque des abus surviennent, les enfants ont besoin de se sentir en sécurité et d’être encouragés à parler, à réagir et à dénoncer l’agression, et ce même lorsque les abus sont commis au sein de leur cercle de confiance (c.-à-d. par des proches ou des personnes qu’ils connaissent et en qui ils ont confiance), comme c’est souvent le cas. Ils doivent également avoir à leur disposition des moyens sûrs, accessibles et adaptés à leur âge pour signaler l’agression sans crainte. Les efforts de prévention doivent également prendre en considération les circonstances et besoins particuliers de différents groupes d’enfants, tels que les enfants handicapés, les enfants migrants (notamment les mineurs non accompagnés) et les enfants victimes de la traite (dont la majorité sont des filles), qui sont particulièrement exposés aux risques d’abus sexuels.
L’objectif est d’organiser le réseau en groupes de travail qui faciliteront l’échange de bonnes pratiques et les travaux sur des initiatives concrètes afin de produire des effets tangibles. Les groupes de travail pourraient être organisés par pratique (c.-à-d. par profession, par ex. les professionnels des soins de santé, les travailleurs sociaux, les professionnels de l’éducation, les services répressifs, les autorités judiciaires, les autorités pénitentiaires, les décideurs politiques et les chercheurs) et par programme (c.-à-d. par type de groupe cible du programme de prévention, par ex. les auteurs d’abus et les personnes craignant de commettre un abus, ou les programmes de formation et de sensibilisation destinés aux enfants, aux familles et à la collectivité).
L’optimisation des travaux destinés à prévenir les abus sexuels commis contre des enfants est fondamentale. Les services répressifs sont dépassés par la hausse exponentielle des signalements d’abus sexuels contre des enfants dans l’UE et à l’échelle mondiale, réaffirmant le consensus au sein des spécialistes (y compris les services répressifs) selon lequel ce problème est impossible à résoudre uniquement par les mesures prises par les services répressifs et requiert la coordination des différents acteurs.
Le réseau aurait pour objet de renforcer les capacités au sein de l’UE en matière de prévention des abus sexuels commis contre des enfants et aurait une portée mondiale afin de s’appuyer sur toutes les compétences utiles au sein de l’UE et au-delà. Il aurait également une importante présence en ligne pour faciliter le partage de ses travaux au sein de l’UE et à l’échelle mondiale, de sorte que tous les pays puissent bénéficier de recherches et de méthodes d’avant-garde.
En résumé, le réseau de prévention devrait permettre: a) une action plus efficace dans la lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants (en ligne et hors ligne) au sein de l’Union; b) une utilisation plus efficace et efficiente des ressources (limitées) existantes allouées au sein de l’Union afin de prévenir les abus sexuels commis contre des enfants; et c) une coopération plus efficace avec les partenaires à l’échelle mondiale, de sorte que l’Union puisse bénéficier de l’expertise mondiale sans chevauchement des efforts.
Action clé:
ðLa Commission commencera immédiatement à préparer l’établissement d’un réseau de prévention au niveau de l’UE afin de faciliter l’échange de bonnes pratiques et d’aider les États membres à mettre en place des mesures de prévention exploitables, rigoureusement évaluées et efficaces en vue de réduire la prévalence des abus sexuels commis sur des enfants dans l’UE.
6.Un centre européen pour prévenir et combattre les abus sexuels commis contre des enfants
La Commission commencera à travailler à la création possible d’un centre européen destiné à prévenir et combattre les abus sexuels commis contre des enfants, sur la base d’une étude approfondie et d’une analyse d’impact. Le centre pourrait fournir un soutien global aux États membres dans la lutte contre les abus sexuels d’enfants, en ligne et hors ligne, en assurant une coordination afin d’optimiser l’utilisation efficace des ressources et d’éviter le chevauchement des efforts.
Le Parlement européen a demandé la création d’un centre dans sa résolution de novembre 2019 et les États membres ont souligné, dans les conclusions du Conseil d’octobre 2019, la nécessité d’une approche coordonnée et multipartite. Le centre pourrait s’appuyer sur les bonnes pratiques et les enseignements tirés de centres similaires dans le monde, tels que le National Centre for Missing and Exploited Children (NCMEC) aux États-Unis, le Centre canadien de protection de l’enfance et l’Australian Centre to Counter Child Exploitation.
Afin d’assurer un soutien global aux États membres dans la lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants, et sous réserve d’une évaluation ultérieure, les fonctions du centre pourraient couvrir trois domaines:
1.L’application de la loi: Europol est un acteur clé dans la lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants, notamment grâce à l’analyse et la transmission de signalements d’abus communiqués par les États-Unis. En s’appuyant sur le rôle et l’expérience d’Europol, le centre pourrait travailler avec les services répressifs de l’Union et de pays tiers afin de s’assurer que les victimes sont identifiées et soutenues dès que possible, et que les auteurs d’abus sont traduits en justice. Il pourrait soutenir les États membres en recevant des signalements d’abus sexuels contre des enfants dans l’Union provenant d’entreprises proposant leurs services au sein de l’Union, s’assurer de leur pertinence et les transmettre aux services répressifs en vue de l’application de mesures. Le centre pourrait également aider les entreprises, par exemple en tenant à jour une base de données unique au sein de l’Union de contenus à caractère pédopornographique connu afin de faciliter sa détection dans les systèmes des entreprises, conformément aux règles en matière de protection des données de l’Union européenne. En outre, le centre pourrait également contribuer à l’application de la loi en coordonnant et en facilitant le retrait de contenus à caractère pédopornographique en ligne repérés grâce aux lignes d’assistance téléphonique.
Le centre pourrait agir selon des mécanismes de contrôle stricts afin de garantir les principes de responsabilité et de transparence. Notamment, le centre pourrait contribuer à veiller à ce qu’il n’y ait pas de retrait erroné ni d’utilisation abusive des outils de recherche afin de signaler du contenu légitime (y compris une mauvaise utilisation des outils à des fins différentes de celles de la lutte contre les abus sexuels d’enfants), et jouer un rôle dans la réception des plaintes provenant d’utilisateurs ayant le sentiment que leur contenu a été retiré par erreur. La responsabilité et la transparence seront des éléments essentiels de la législation visée dans les actions clés de l’initiative n° 2.
2.La prévention: en s’appuyant sur les travaux du réseau de prévention, le centre pourrait soutenir les États membres en mettant en place des mesures de prévention pluridisciplinaires exploitables, rigoureusement évaluées et efficaces afin de réduire la prévalence des abus sexuels commis contre des enfants dans l’Union européenne, en tenant compte des vulnérabilités différentes des enfants selon leur âge, leur genre, leur développement et leur situation particulière. Il pourrait faciliter la coordination afin de favoriser l’utilisation la plus efficace des ressources investies et des compétences disponibles dans le cadre de la prévention au sein de l’UE, en évitant le chevauchement des efforts. En tant que plateforme permettant de relier, élargir et diffuser les recherches et les compétences, le centre pourrait faciliter et encourager le dialogue entre toutes les parties prenantes pertinentes et contribuer au développement de recherches et de connaissances d’avant-garde, y compris de données de meilleure qualité. Il pourrait également fournir des informations aux décideurs politiques aux niveaux national et européen sur les lacunes en matière de prévention et les solutions possibles pour les combler.
3.L’assistance aux victimes: le centre pourrait travailler en étroite collaboration avec les autorités nationales et les experts à l’échelle mondiale afin de veiller à ce que les victimes reçoivent le soutien approprié et global, conformément à la directive relative aux abus sexuels commis contre des enfants et à la directive sur les droits des victimes. Il pourrait également œuvrer en faveur de l’échange de bonnes pratiques sur les mesures de protection pour les enfants victimes, mais aussi soutenir les États membres en menant des activités de recherche (par exemple sur les effets à court et à long terme des abus sexuels d’enfants sur les victimes) pour soutenir une stratégie fondée sur les faits relative à l’assistance et au soutien aux victimes, et intervenir en tant que pôle d’expertise afin de contribuer à une meilleure coordination et d’éviter le chevauchement des efforts. Le centre pourrait également soutenir les victimes en retirant leurs images et vidéos afin de protéger leur vie privée, notamment en recherchant de manière proactive le matériel en ligne et en informant les entreprises.
Le centre pourrait réunir toutes les initiatives de la présente stratégie en permettant une coopération plus efficace entre les autorités publiques (y compris les services répressifs), les entreprises et la société civile au sein de l’UE et à l’échelle mondiale, et en devenant l’entité de référence dans l’UE en matière d’expertise dans ce domaine:
·initiatives axées sur la législation: le centre pourrait apporter son expertise à la Commission et l'aider dans son rôle de soutien aux États membres dans la mise en application de la directive relative aux abus sexuels commis contre des enfants. Cette expertise, qui grandirait au fur et à mesure que le centre continuera à recenser les lacunes et les bonnes pratiques dans l’UE et au-delà, faciliterait la stratégie fondée sur les faits de la Commission, qui pourrait également garantir que la législation de l’UE soit à jour pour permettre une réponse efficace;
·initiatives axées sur la coopération et le financement: en collaborant étroitement avec la Commission et des centres similaires dans d’autres pays, et avec l’Alliance mondiale WePROTECT visant à mettre fin à l’exploitation sexuelle des enfants, le centre pourrait veiller à ce que tous les États membres disposent d’un accès immédiat et centralisé aux bonnes pratiques à l’échelle mondiale, et à ce que les enfants du monde entier puissent bénéficier des bonnes pratiques de l’UE. Le centre pourrait également s’appuyer sur les résultats du réseau de prévention et sur l’expérience des centres pour un internet plus sûr.
La Commission travaillera étroitement avec le Parlement européen et les États membres pour explorer les différentes options de mise en application, notamment en utilisant les structures existantes pour les fonctions du centre, le cas échéant, en vue d’optimiser la valeur ajoutée, l’efficacité et la durabilité du centre. La Commission réalisera une analyse d’impact et lancera immédiatement une étude afin de déterminer la meilleure voie à suivre, y compris les meilleurs mécanismes de financement et la meilleure forme juridique que ce centre devrait adopter.
Action clé:
ðLa Commission commandera immédiatement une étude en vue de la création d’un centre européen pour prévenir et combattre les abus sexuels commis contre des enfants, afin de permettre une réponse globale et efficace de l’UE aux abus sexuels commis contre des enfants en ligne et hors ligne.
7.Galvaniser les efforts des entreprises afin d’assurer la protection des enfants dans leurs produits
Les fournisseurs de certains services en ligne sont particulièrement bien placés pour prévenir, détecter et signaler les abus sexuels commis contre des enfants survenant en utilisant leur infrastructure ou leurs services.
À ce jour, un certain nombre d’entreprises détectent volontairement les abus sexuels commis contre des enfants. Le NCMEC a reçu près de 17 millions de signalements d’abus sexuels commis contre des enfants de la part de ces entreprises rien qu’en 2019. Ces signalements comprennent non seulement des images et vidéos d’abus, mais également des situations qui constituent un danger imminent pour les enfants (par exemple, des méthodes détaillées pour rencontrer les enfants en vue d’abus physiques ou des menaces de suicide de la part de l’enfant à la suite d’un chantage par l’agresseur). Ces signalements contribuent depuis des années à sauver des enfants d’abus persistants au sein de l’UE. Ils ont notamment permis:
·le sauvetage de 11 enfants, dont certains âgés de seulement deux ans, qui étaient exploités par un réseau d’auteurs d’abus en Suède;
·la plus grande opération de tous les temps contre les abus sexuels commis contre des enfants au Danemark;
·le sauvetage d’une fillette de neuf ans en Roumanie, abusée par son père pendant plus d’un an;
·le sauvetage d’une fillette de quatre ans et de son frère de dix ans en Allemagne, abusés par leur père;
·l’arrestation d’un agresseur en France ayant piégé 100 enfants pour obtenir d’eux des contenus à caractère pédopornographique;
·le sauvetage de deux fillettes en Tchéquie, abusées par un homme de 52 ans ayant enregistré et diffusé l’agression en ligne.
Les efforts déployés par les entreprises pour détecter et signaler les abus sexuels d’enfants varient considérablement. En 2019, une seule entreprise, Facebook, a envoyé près de 16 millions de signalements (représentant 94 % du total des signalements cette année), tandis que d’autres entreprises basées aux États-Unis ont envoyé moins de 1 000 signalements, et certaines moins de dix.
L’année dernière, Facebook a annoncé qu’il prévoyait de mettre en œuvre le chiffrement de bout en bout par défaut dans son service de messagerie instantanée. En l’absence de mesures d’accompagnement, on estime que cette technologie pourrait réduire le nombre total de signalements d’abus sexuels commis contre des enfants dans l’UE (et dans le monde) de plus de la moitié à deux tiers, car les outils de détection actuellement utilisés ne fonctionnent pas sur les communications chiffrées de bout en bout.
Compte tenu du rôle clé que certains services en ligne jouent dans la diffusion de contenus à caractère pédopornographique, et de l’importance réelle et potentielle des entreprises dans la lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants, il est essentiel que celles-ci s’engagent à protéger les enfants dans leurs produits, dans le respect des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment en matière de protection de la vie privée et des données à caractère personnel.
En 2020, la Commission a entamé des travaux afin de soutenir les efforts des entreprises dans la lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants en ligne dans le cadre du forum de l’UE sur l’internet. Le forum, qui réunit tous les ministres des affaires intérieures de l’UE, les représentants de haut niveau des grands acteurs de l’internet, le Parlement européen et Europol, existe depuis 2015 et fait figure de modèle d’une collaboration intersectorielle réussie dans la lutte contre le contenu terroriste en ligne. Il a dorénavant élargi ses activités aux abus sexuels commis contre des enfants en ligne.
Outre la poursuite du soutien à la lutte contre le contenu terroriste en ligne, le forum de l’UE sur l’internet offrira un espace commun pour partager les bonnes pratiques et les défis auxquels sont confrontés les acteurs privés et publics dans leur lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants en ligne afin d’accroître la compréhension mutuelle et de trouver des solutions ensemble. Il permettra également une coordination politique de haut niveau afin d’optimiser l’efficacité et l’efficience des actions au sein de l’Union.
L’une des initiatives spécifiques entreprises dans le cadre du forum de l’UE sur l’internet en 2020 est la création d’un processus d’experts techniques destiné à recenser et évaluer les solutions pouvant permettre aux entreprises de détecter et signaler les abus sexuels commis contre des enfants dans les communications électroniques chiffrées de bout en bout, en respectant pleinement les droits fondamentaux et sans créer de nouvelles vulnérabilités que les criminels pourraient exploiter. Des experts techniques issus du milieu universitaire, des entreprises, des autorités publiques et des organisations de la société civile examineront les solutions possibles axées sur les dispositifs, les serveurs et les protocoles de chiffrement pouvant assurer la confidentialité et la sécurité des communications électroniques ainsi que la protection des enfants contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle.
Action clé:
ðDans le cadre du forum de l’UE sur l’internet, la Commission a amorcé un processus d’experts avec les entreprises dans le but de procéder à un recensement et à une évaluation préliminaire, d’ici à la fin de 2020, des solutions techniques éventuelles permettant de détecter et de signaler les abus sexuels commis contre des enfants dans les communications électroniques chiffrées de bout en bout, et de se pencher sur les défis et possibilités d’ordre réglementaire et opérationnel caractérisant la lutte contre ces crimes.
8.Améliorer la protection des enfants dans le monde grâce à une coopération multipartite
Les abus sexuels commis contre des enfants sont une réalité mondiale, ils surviennent dans tous les pays et groupes sociaux, hors ligne et en ligne. Selon des estimations, à tout moment dans le monde plus de 750 000 prédateurs en ligne échangent des contenus à caractère pédopornographique, diffusent en direct des abus commis contre des enfants et piègent des enfants afin de produire des contenus à caractère sexuel ou en vue de futurs abus sexuels.
La carte suivante indique les téléchargements en temps réel au cours d’une journée donnée d’un exemple de contenu à caractère pédopornographique:
Il est également prouvé que les auteurs d’abus voyagent dans des pays tiers pour tirer profit de cadres législatifs plus souples ou de capacités répressives plus faibles et commettre des abus sans craindre l’application de la loi. La capacité d’exiger des auteurs d’abus sexuels commis contre des enfants de s’enregistrer et de respecter certaines conditions imposées par une juridiction ou les services de probation après leur libération de prison joue un rôle important dans la protection des enfants.
La Commission soutient les efforts à l’échelle mondiale par une coopération multipartite depuis des années, bien consciente qu’un réseau est indispensable pour démanteler un réseau. Citons par exemple la base de données internationale sur l’exploitation des enfants, financée par la Commission et hébergée par Interpol, qui contient plus de 1,5 million d’images et vidéos et qui a permis d’identifier 20 000 victimes dans le monde, grâce à la collaboration de plus de 60 pays (et d’Europol) qui y sont connectés. La Commission cofinance également le réseau INHOPE de lignes d’assistance téléphonique dans plus de 40 pays afin de faciliter le retrait de contenus à caractère pédopornographique en ligne signalés anonymement par le public. La Commission continuera de soutenir des actions mondiales par des financements en vue de renforcer la coopération internationale. L’UE continuera plus particulièrement à soutenir l’initiative Spotlight de l’UE et des Nations unies, qui vise à prévenir et éliminer toutes les formes de violence contre les femmes et les filles dans cinq régions du monde.
En 2012, la Commission a cofinancé, avec les autorités américaines compétentes, l’Alliance mondiale contre les abus sexuels commis contre des enfants en ligne, qui réunissait 54 pays pour renforcer la protection des victimes, identifier et poursuivre les auteurs d’abus, sensibiliser et réduire la disponibilité de contenus à caractère pédopornographique en ligne. Cette initiative a fusionné avec une initiative similaire du Royaume-Uni, WePROTECT, créée en 2014, qui réunissait autorités publiques, entreprises et ONG. En 2016, les deux initiatives ont rassemblé leurs forces et formé l’Alliance mondiale WePROTECT visant à mettre fin à l’exploitation sexuelle des enfants en ligne, qui comprend actuellement 97 autorités publiques, 32 entreprises de technologies mondiales, 33 organisations de la société civile et institutions internationales et 5 organisations régionales. Fin 2019, l’organisation est devenue une entité juridique indépendante sous la forme d’une fondation à responsabilité limitée, basée aux Pays-Bas.
L’Alliance mondiale WePROTECT a fait progresser l’engagement des pays vers une réponse mieux coordonnée dans le cadre de la lutte mondiale contre les abus sexuels commis contre des enfants, fondée sur une évaluation de la menace mondiale et sur un modèle de réponse nationale. Ces éléments ont contribué à clarifier les défis et à aider les pays membres à définir des objectifs pratiques réalisables.
La Commission continuera de soutenir l’Alliance en tant que membre de son conseil de direction, compte tenu de son statut de cofondateur, notamment par des financements. Cela permettra à la Commission de veiller à la cohérence avec les initiatives à l’échelle mondiale (notamment les initiatives réglementaires), qui soutiendront et renforceront l’efficacité des actions au sein de l’UE en fournissant aux États membres l’accès aux bonnes pratiques mondiales. Plus particulièrement, en participant au conseil de direction de l’Alliance mondiale WePROTECT, la Commission contribue activement à l’amélioration des normes relatives à la protection des enfants, à l’identification des auteurs d’abus et au soutien des enfants victimes dans le monde entier. Cette participation de la Commission facilite les efforts déployés par l’UE pour échanger les meilleures pratiques avec les autorités nationales des pays tiers et les soutenir dans la mise en œuvre des normes internationales dans l’espace en ligne (c’est-à-dire la protection des enfants), conformément au plan d’action de l’UE en faveur des droits humains et de la démocratie pour la période 2020-2024. La Commission défend ce type de coopération mondiale depuis des années et estime que l’Alliance mondiale WePROTECT est l’organisation centrale pour la coordination et la modernisation des efforts mondiaux et des améliorations réglementaires, et pour l’apport d’une réponse plus efficace à l’échelle mondiale.
Action clé:
ðLa Commission poursuivra sa contribution à l’amélioration des normes mondiales relatives à la protection des enfants contre les abus sexuels en encourageant une coopération multipartite par l’intermédiaire de l’Alliance mondiale WePROTECT et un financement spécifique.
PROCHAINES ÉTAPES
La présente stratégie propose un cadre visant à répondre de manière complète à la menace croissante que constituent les abus sexuels commis contre des enfants, tant en ligne que hors ligne. Elle constituera le cadre de référence de l’action de l’UE dans la lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants pour la période 2020-2025. Elle contribuera également à des initiatives connexes de la Commission, comme la stratégie de l’UE sur les droits de l’enfant, qui doit être adoptée début 2021.
La Commission collaborera étroitement avec les entreprises, les organisations de la société civile, le milieu universitaire, les spécialistes, les chercheurs, les services répressifs et d’autres autorités publiques, ainsi que d’autres parties prenantes pertinentes, dans l’UE (y compris le Parlement européen et le Conseil) et à l’échelle mondiale, pendant les mois et années à venir, afin de garantir une étude et une mise en application efficace des huit initiatives présentées dans la stratégie.
Le cadre juridique adéquat devrait être mis en œuvre afin de permettre une réponse efficace, y compris en matière d’enquête, de prévention et d’assistance aux victimes, de la part des acteurs pertinents, notamment les entreprises.
Les abus sexuels commis contre des enfants constituent un problème complexe, qui exige une coopération maximale de toutes les parties prenantes qui doivent être capables, disposées et prêtes à agir. La Commission ne ménagera pas aucun effort pour veiller à ce que cela soit le cas, étant donné le besoin urgent de prendre des mesures efficaces.
Nos enfants sont notre présent et notre avenir. La Commission continuera d’utiliser l’ensemble des outils disponibles pour garantir que rien ne les prive de cet avenir.