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Document 52006DC0319

Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen - Vers un secteur vitivinicole européen durable {SEC(2006) 770 SEC(2006) 780}

/* COM/2006/0319 final */

52006DC0319

Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen - Vers un secteur vitivinicole européen durable {SEC(2006) 770 SEC(2006) 780} /* COM/2006/0319 final */


[pic] | COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES |

Bruxelles, le 22.06.2006

COM(2006) 319 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPÉEN

Vers un secteur vitivinicole européen durable{SEC(2006) 770SEC(2006) 780}

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPÉEN

Vers un secteur vitivinicole européen durable

Contexte

La présente communication est une initiative de la Commission qui s’inscrit dans le prolongement des réformes de la politique agricole commune (PAC) menées en 2003[1], 2004[2] et 2005[3], réformes portant sur l’ensemble des principaux secteurs à l’exception de ceux du vin et des fruits et légumes. Dans le secteur vitivinicole, la détérioration de l’équilibre entre l’offre et la demande et l’intensification des défis inhérents à un marché du vin européen et international exigent que l’on entreprenne une réforme. La politique communautaire relative au développement durable, arrêtée lors du Conseil européen de Göteborg[4], celle concernant le renforcement de la compétitivité avec le nouvel élan donné à la stratégie de Lisbonne[5] et celle définie pour simplifier et mieux légiférer dans le cadre de la PAC[6] vont également dans ce sens.

L’Union européenne est le plus grand producteur mondial de vin; elle occupe également la première place en matière de consommation, d’exportation et d’importation. Sur le plan de la qualité, elle jouit d’une renommée internationale, acquise au fil des siècles grâce à des pratiques de fabrication permettant d’offrir des produits d’excellente qualité aux consommateurs du monde entier. À cela s’ajoute la valeur donnée aux paysages et l’utilisation avantageuse de terres qui pourraient être laissées à l’abandon – deux atouts du point de vue écologique, pour autant que la production tienne dûment compte de l’environnement.

Le secteur vitivinicole de l’Union représente une activité économique vitale, notamment pour l’emploi et les recettes d’exportation. Avec plus de 1,5 million d’exploitations utilisant 3,4 millions d’hectares (soit 2 % de la superficie agricole de l’UE-25), la production vitivinicole représentait 5,4 % de la production agricole en 2004. Sa part dans la valeur de la production agricole est en France, en Italie, en Autriche, au Portugal, à Luxembourg et en Slovénie d’environ 10 %; en Espagne, elle est légèrement inférieure.

Le règlement (CE) n° 1493/1999 du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole (OCM du vin) a institué un régime communautaire complexe, notamment en ce qui concerne le potentiel de production, les mécanismes de marché, les pratiques œnologiques, le classement des vins, l’étiquetage et les échanges. Les couches réglementaires nationales et régionales qui se superposent ajoutent au manque de clarté. Cela est inhérent à la subsidiarité, mais la simplification et la transparence sont également des objectifs légitimes.

De nombreux régimes d’aide sont demeurés en l’état pendant des années, à l’instar du niveau d’aide qu’ils prévoyaient. Il est aujourd’hui impératif de revoir l’ensemble des mesures financées par le budget de la Communauté, notamment parce la distillation de crise gagne du terrain non seulement en ce qui concerne le vin de table mais aussi en ce qui concerne le vin de qualité produit dans des régions déterminées (v.q.p.r.d.). La distillation de crise, qui était autrefois l’exception, est pratiquée de plus en plus souvent. On y a d’ailleurs eu recours trois fois au cours des cinq dernières années. Plusieurs États membres l’ont demandée lors de la campagne 2005/2006, malgré une réduction de la production de 11 %, pour des quantités significatives de vin de table et de vin de qualité. Il faut donc veiller à ce que la future politique soit efficace sur le plan des coûts et à ce que les crédits soient utilisés à bon escient. De plus, en matière de santé publique, des inquiétudes ont été exprimées quant au fait que les subventions à la distillation alcool de bouche font baisser artificiellement les prix des eaux-de-vie de vin, dont le titre alcoométrique est plus élevé.

Une étude d’impact portant sur les options qui pourraient servir de base à l’élaboration d’une nouvelle politique communautaire dans le domaine vitivinicole a été réalisée afin de garantir une synergie avec les autres politiques communautaires. Elle est le fruit du travail de tous les services de la Commission concernés et est jointe à la présente communication.

La Commission a lancé un débat public sur la future politique le 16 février 2006, à l’occasion d’un séminaire sur le vin réunissant les parties prenantes. Les documents relatifs à ce séminaire peuvent être consultés sur le site web de la Commission européenne[7]. Le groupe consultatif vitivinicole a également examiné les scénarios de réforme possibles. Par ailleurs, de nombreuses réunions bilatérales ont été organisées avec un large éventail de parties concernées.

Marché du vin: situation actuelle et prévisions à moyen terme

Depuis 1975/76, le problème européen de la surproduction a été traité par la mise en œuvre d’une politique consistant à limiter le potentiel de production et à encourager l’abandon définitif des zones de production, ce qui a ramené leur superficie de 4,5 millions d’hectares en 1976 à 3,2 millions d’hectares en 2005. Cependant, depuis 1996, la mise en œuvre facultative du programme d’arrachage par les États membres a entraîné une baisse de l’utilisation effective qui, avec l’attribution de nouveaux droits de plantation, a presque annulé le bénéfice acquis antérieurement. Au cours des cinq dernières campagnes, la production vitivinicole[8] de l’UE-25 a varié entre 166 et 196 millions d’hectolitres. La part des v.q.p.r.d. dans la production totale de vin de l’Union a augmenté et est aujourd’hui presque égale à celle des vins de table.

La consommation de vin a reculé de manière considérable et constante dans l’Union au cours de ces dernières décennies. Cette tendance a particulièrement touché le vin de table. La consommation de v.q.p.r.d. est au contraire en augmentation, de sorte que sa part est presque équivalente à celle du vin de table.

Depuis 1996, le volume des importation s de vin dans l’UE-25 a augmenté à un rythme de 10 % par an, atteignant près de 11,8 millions d’hectolitres en 2005. Les vins dits «du nouveau monde» ont gagné une part de marché considérable au détriment des vins de l’Union. Le volume de vin exporté en provenance de la Communauté augmente depuis 1996, mais à un rythme bien moins rapide que les importations; il se chiffrait à environ 13,2 millions d’hectolitres en 2005. Globalement, l’Union reste un exportateur net de vin.

Dans l’hypothèse où l’OCM du vin ne subirait aucune modification, sur la base de l’évolution prévue de la situation en matière de production, de consommation et de dynamique des échanges, les perspectives à moyen terme (2010/2011) pour le secteur vitivinicole de l’Union sont que les excédents de vin seront portés à 27 millions d’hectolitres (15 % de la production), ou 15 millions d’hectolitres (8,4 % de la production) si les quantités distillées grâce à l’aide au secteur de l’alcool de bouche ne sont pas considérées comme excédentaires. Si les excédents constituent un problème particulièrement préoccupant pour le vin de table, la situation des v.q.p.r.d. s’est aussi détériorée. Le bilan du vin pour l’UE-27 est présenté dans l’étude d’impact.

L’OCM du vin aujourd’hui

L’OCM du vin est organisée autour d’un ensemble très complet d’instruments, ensemble néanmoins complexe. Trois mesures visent à gérer le potentiel de production par une limitation des droits de plantation et par un soutien à l’amélioration structurelle au moyen, d’une part, de l’arrachage définitif et, d’autre part, de programmes de restructuration/reconversion axés sur l’adaptation de la qualité et de la quantité en fonction de la demande des consommateurs. Les restrictions relatives aux droits de plantation, y compris l’interdiction des nouvelles plantations, s’appliquent jusqu’au 31 juillet 2010.

Parmi les mesures concernant le marché intérieur, on compte les mesures traditionnelles telles que la distillation de crise des excédents de vin et la distillation des excédents de vins issus des variétés à double classement. L’objectif est de limiter les baisses de prix. Il existe également la distillation des lies et marcs, sous-produits de la vinification, qui vise à éviter le surpressurage des raisins et à améliorer la qualité du vin. Enfin, la distillation du vin de table en alcool de bouche destiné à l’industrie des spiritueux a pour but de pérenniser certains segments du secteur de l’alcool de bouche en tant que débouché traditionnel du vin.

Afin d’éviter toute perturbation du marché et les conséquences qu’une telle perturbation pourrait avoir, une aide est versée au stockage privé temporaire de vin et de moût de raisin. Une aide est également prévue pour encourager d’autres utilisations du moût de raisin (enrichissement et fabrication de jus de raisin notamment). L’OCM repose aussi sur des mécanismes des échanges traditionnels, comme les droits, les restitutions et les certificats. Des accords ont également été conclus avec des pays ne faisant pas partie de l’Union.

L’OCM du vin, contrairement à la plupart des autres OCM, fournit un ensemble complet de règles concernant les définitions, les v.q.p.r.d. et les vins de table avec indication géographique (IG), les pratiques œnologiques et l’étiquetage, règles qui garantissent un niveau de qualité équitable et transparent pour les consommateurs.

Problèmes posés par l’actuelle OCM et évolution des circonstances

Situation du marché

- Dans l’Union, la consommation de vin baisse de quelque 750 000 hectolitres par an (soit environ 0,65 %).

- D’une manière générale et pour le vin en particulier, les habitudes de consommation évoluent, de même que les modes de vie.

- D’après les estimations, les excédents structurels s’élèvent à quelque 15 millions d’hectolitres, soit près de 8,4 % de la production vitivinicole de l’UE-27.

- Une intervention sous la forme de mesures de distillation est nécessaire pour éliminer environ 15 % de la production de vin chaque année.

- Les stocks de vin dépassant l’équivalent d’une année de production sont en augmentation; il est peu probable qu’ils puissent être écoulés. Cette situation exerce une pression à la baisse sur les prix et les revenus des producteurs.

- Les importations s’accroissent à un rythme plus soutenu que les exportations. L’écart se resserrant, les importations pourraient prochainement devancer les exportations. Les échanges mondiaux de vin sont déjà fortement libéralisés, les droits à l’importation de vin étant réduits dans l’Union.

- La montée en flèche de la production et des ventes de vin du nouveau monde met en évidence le fait que les producteurs de vin de l’Union doivent accroître leur compétitivité.

Réguler le potentiel de production

- L’efficacité de l’interdiction des nouvelles plantations en matière de réduction du potentiel de production est limitée par l’octroi de nouveaux droits de plantation supplémentaires et par l’accroissement des rendements dans certains États membres.

- Les droits de plantation font augmenter le coût de la production et constituent un frein à la rationalisation de la structure des exploitations, réduisant ainsi la compétitivité.

- Les pays non membres de l’Union n’appliquent pas ce type de restrictions en matière de plantation.

- Le régime de restructuration et de reconversion a permis aux producteurs de passer à la production de vin de qualité, mais il pourrait aussi entraîner une augmentation de la production. Il peut parfois couvrir le remplacement normal des vignobles, ce qui irait à l’encontre du but recherché.

- L’arrachage n’est pour ainsi dire plus pratiqué depuis 1996.

- Bien que de nombreuses années se soient écoulées, certains États membres n’ont toujours pas résolu le problème des vignobles «irréguliers» (plantés avant le 1er septembre 1998) ni celui de l’arrachage des vignobles «illicites» (plantés après le 1er septembre 1998). Les zones pour lesquelles une régularisation a été refusée et qui font encore l’objet d’un examen représentent une superficie d’environ 68 100 hectares, soit près de 2 % de la surface totale de l’UE-25 plantée en vignobles.

Mesures de soutien du marché

- Les mesures de soutien du marché par la distillation sont loin d’être efficaces en matière de garantie des revenus pour les viticulteurs et font office de débouché permanent entretenant la production d’excédents invendables.

- La distillation de crise, destinée à prendre en charge les excédents conjoncturels, est utilisée en tant que mesure structurelle et couvre maintenant aussi les vins de qualité.

- Les aides au stockage privé sont devenues des aides structurelles. Il conviendrait que les coûts de stockage du vin soient supportés par l’industrie.

Pratiques œnologiques, indications géographiques et étiquetage

- La rigidité des procédures d’adoption et d’adaptation des pratiques œnologiques constitue un frein à la compétitivité.

- La réglementation de l’Union est trop complexe, notamment en ce qui concerne les définitions, les pratiques œnologiques et le classement (v.q.p.r.d., vins de table avec IG et vins de table).

- Concernant les v.q.p.r.d., il n’existe pas de concept de «qualité» au niveau international et on ne trouve aucune référence dans la législation communautaire au concept de l’«indication géographique» au sens de l’accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). Par ailleurs, on constate depuis plusieurs dizaines d’années une augmentation du nombre de v.q.p.r.d. et de vins de table avec IG, augmentation qui suscite la confusion chez les consommateurs, affaiblit la politique de la Communauté en matière d’IG dans l’Union et à l’étranger et contribue à la dégradation de la situation du marché.

- En matière d’étiquetage:

- les consommateurs sont désorientés par les étiquettes des vins, qui procèdent d’un système juridique complexe fondé sur divers instruments qui traitent des catégories de vins de manière différente et de certaines mentions en fonction du produit,

- certaines règles d’étiquetage rigides entravent la commercialisation des vins européens. L’interdiction d’indiquer l’année de récolte et la variété de vigne pour les vins de table sans IG constitue à cet égard un inconvénient majeur,

- les pays non membres de l’Union critiquent régulièrement la politique européenne en matière d’étiquetage en ce qui concerne les dénominations de vente (v.q.p.r.d., vin de table avec IG et vin de table, par exemple), l’utilisation de mentions facultatives, la protection juridique des formes de bouteille et la politique relative aux mentions traditionnelles. Dans ce contexte, il convient que le réexamen des règles d’étiquetage tienne compte de leur incidence sur les importations en provenance des pays tiers et sur les obligations internationales de la Communauté.

- Il ressort d’une étude indépendante qu’une libéralisation appropriée des pratiques œnologiques, conforme aux règles de l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV), et un étiquetage orienté davantage vers le consommateur permettraient aux producteurs de vin de l’Union d’élargir leurs débouchés, d’améliorer la commercialisation de leurs produits et, partant, d’accroître leur compétitivité tout en réduisant le déséquilibre structurel.

Santé et mode de vie

L’inquiétude grandit depuis ces dernières années quant à l’évolution à la hausse de la consommation dangereuse d’alcool chez les jeunes. On constaterait cependant des effets bénéfiques sur la santé des personnes âgées. Il faut que toutes les personnes concernées soient informées tant des avantages et bienfaits de la consommation modérée et responsable de vin que des méfaits de l’alcool. Il convient que la politique communautaire tienne compte de ces éléments.

Objectifs de la nouvelle politique vitivinicole de l’Union

Dans ce contexte, il convient que le futur régime garantisse la durabilité pour les producteurs et prévoie les dispositions nécessaires pour que la Bulgarie et la Roumanie soient intégrées en douceur et que nos obligations internationales soient pleinement respectées. Le secteur vitivinicole de l’Union produit le meilleur vin du monde et dispose d’un énorme potentiel qu’il convient de développer plus avant de manière durable. La future politique doit également tenir compte de l’évolution des circonstances en vue:

- de renforcer la compétitivité des producteurs de vin de l’Union, d’asseoir la réputation dont jouissent les vins de qualité de l’Union en tant que meilleurs vins du monde, de reconquérir les anciens marchés et d’en gagner de nouveaux dans l’Union et partout dans le monde,

- d’établir un régime vitivinicole qui s’appuie sur des règles claires et simples, des règles efficaces qui permettent d’équilibrer l’offre et la demande,

- d’établir un régime vitivinicole qui préserve les meilleures traditions de la production vitivinicole européenne, qui renforce le tissu social dans de nombreuses zones rurales et qui garantisse que l’ensemble de la production respecte l’environnement.

Il convient également que la nouvelle politique vitivinicole de l’Union tienne dûment compte des préoccupations croissantes de la société en matière de santé et de protection des consommateurs.

Options évaluées dans l’étude d’impact qui ne constituent pas une solution adéquate

Tenant compte de la situation du secteur et des objectifs à atteindre, la Commission a examiné quatre options possibles pour réformer l’OCM du vin. Trois de ces options, à savoir le statu quo, la réforme de l’OCM du vin selon les principes de la réforme de la PAC et la déréglementation totale, n’apportent pas de réponse satisfaisante aux problèmes, aux besoins et aux particularités du secteur vitivinicole.

Statu quo assorti de quelques adaptations mineures, le cas échéant

Compte tenu des difficultés considérables que connaît l’actuelle OCM pour:

- améliorer l’équilibre du marché,

- faire dûment appliquer les règles dans certains États membres, en particulier les restrictions en matière de plantation, et

- s’intégrer dans la nouvelle PAC,

une modification de pure forme ne serait ni économiquement ni politiquement viable.

L’actuelle OCM n’a pas résorbé les excédents ni apporté de solution aux autres problèmes, en particulier à la perte de compétitivité mise en lumière par les demandes de distillation de crise et par la part croissante des vins non communautaires sur les marchés de l’Union. Les diverses parties prenantes s’accordent pour dire que de profonds changements sont nécessaires.

Réforme selon les principes de la réforme de la PAC

La principale nouveauté issue de la réforme de la PAC concerne le découplage entre les paiements directs et le type de production et la mise en place du régime de paiement unique (RPU). Les grands avantages qui en découlent sont la flexibilité en matière de production, l’orientation vers le marché et la cohérence avec les principes de l’OMC grâce à un classement dans la catégorie verte. L’un des grands axes de la réforme pourrait être de transférer tout ou partie du budget de l’OCM du vin vers les paiements directs relatifs aux vignobles, qui pourraient être inclus dans le RPU. Cette option de réforme aurait aussi l’avantage de simplifier considérablement les choses et de soumettre l’ensemble des viticulteurs à la conditionnalité. Toutefois, contrairement aux autres secteurs, il n’y a pas de moyen évident de répartir équitablement les droits RPU.

Compte tenu du budget disponible, le montant potentiel de l’aide découplée serait très faible pour les cultures permanentes et ne compenserait probablement pas la perte du soutien au marché pour nombre de producteurs.

L’abolition des mesures de marché assortie d’un appui découplé aux revenus transfère aux seuls producteurs la tâche de s’adapter à la nouvelle donne du marché. Si ce seul système est mis en œuvre, il devrait être possible d’équilibrer le marché, mais uniquement à moyen ou long terme, et probablement au prix d’une crise majeure dans le secteur, débouchant sur un processus d’adaptation de grande ampleur.

Déréglementation du marché vitivinicole

L’option de la déréglementation totale impliquerait que l’on abandonne l’ensemble des instruments de gestion du potentiel de production et du marché. Des instruments comme l’interdiction des nouvelles plantations et l’arrachage, la politique de restructuration et de reconversion et toutes les mesures de marché seraient abolis, ce qui aboutirait à une libéralisation complète du secteur. Le budget serait soit supprimé, soit transféré au deuxième pilier, en faveur de la politique de développement durable.

La difficile adaptation requise par l’application immédiate de cette politique et l’absence de mesures structurelles d’accompagnement engendreraient à court terme des effets extrêmement négatifs sur les plans économique et social dans les régions concernées.

Réforme en profondeur de l’OCM du vin

Face aux problèmes que connaît assurément le secteur, à son potentiel et à ses particularités incontestables, à la lumière de l’analyse détaillée menée dans le cadre de l’étude d’impact, force est de constater qu’il faut maintenir une OCM spécifique pour le vin, laquelle doit indubitablement être réformée en profondeur.

Le défi consiste à adapter le cadre réglementaire et la structure de production de manière à doter l’Union d’un secteur vitivinicole durable et compétitif, dont l’avenir s’inscrirait dans le long terme, tout en garantissant que les crédits budgétaires soient utilisés de la manière la plus efficace sur le plan des coûts.

La Commission estime que cette option est la réponse la plus appropriée aux défis à relever. Il existe deux variantes possibles. La première apporterait une réponse immédiate aux difficultés actuelles, mais nécessite une adaptation rapide et difficile du secteur. La seconde permettrait d’arriver au même résultat, mais s’étalerait dans le temps, ce qui autoriserait une adaptation plus en douceur de l’économie rurale et du tissu social.

Réforme en profondeur de l’OCM – Variante A (une seule phase)

Abolition des droits de plantation et du régime d’arrachage

Soit on laisserait le système des restrictions en matière de droits de plantation venir à expiration le 1er août 2010, soit il serait aboli immédiatement. Cependant, les règles relatives à l’accès aux IG limiteraient de facto le nombre d’hectares.

L’actuel régime d’arrachage serait aussi supprimé en même temps.

Tous les hectares de vigne arrachés aux frais de l’exploitant feraient partie de la zone éligible au RPU.

Réforme en profondeur de l’OCM – Variante B (deux phases)

Cette approche est analogue à celle adoptée pour le secteur du sucre: la première phase consiste à rétablir l’équilibre du marché et la seconde à accroître la compétitivité, notamment avec la suppression des droits de plantation. L’élément central de la variante B serait l’adaptation structurelle, autrement dit la réactivation provisoire du régime d’arrachage. Le système des restrictions en matière de droits de plantation serait prorogé jusqu’en 2013, qui serait l’année de son expiration. Les producteurs de vin les moins compétitifs seraient fortement encouragés à vendre leurs droits de plantation. On peut s’attendre à ce que les producteurs compétitifs placent rapidement la compétitivité de leur entreprise au cœur de leurs préoccupations, étant donné que les droits de plantation n’existeront plus pour freiner leur expansion. À moyen ou long terme, cela représenterait une réduction de leurs coûts de production fixes.

La prime à l’arrachage sera fixée à un niveau attrayant. Pour inciter les producteurs à recourir à cette solution dès la première année, un barème dégressif serait établi pour le reste de la période de validité des droits de plantation. L’objectif est que 400 000 hectares soient arrachés sur une période de cinq ans, le montant total de l’aide devant être de l’ordre de 2 400 millions EUR.

Il convient que les viticulteurs aient le choix de recourir ou non à l’arrachage.

La superficie agricole anciennement utilisée pour la production de vin pourrait prétendre, une fois arrachée, au statut de zone éligible au titre du RPU et donnerait lieu au paiement du montant moyen régional de l’aide directe découplée.

L’enveloppe des États membres pourrait être complétée par un certain montant pour chaque hectare arraché.

Les primes à l’arrachage seraient assorties de l’obligation de respecter des exigences fondamentales en matière d’environnement afin d’éviter toute dégradation des terres.

CARACTÉRISTIQUES COMMUNES DES VARIANTES A ET B

Les deux variantes ont en commun certaines mesures, décrites ci-après.

Suppression des mesures de gestion du marché et introduction de mesures tournées davantage vers l’avenir

Les instruments de gestion du marché seraient supprimés dès le premier jour. Il s’agit:

- du soutien à la distillation des sous-produits,

- de la distillation alcool de bouche et de la distillation des vins issus des variétés à double classement,

- de l’aide au stockage privé,

- de l’aide relative aux moûts, visant l’enrichissement ou la fabrication de jus de raisin.

La distillation de crise serait abandonnée ou remplacée par un autre dispositif de sécurité à l’aide de l’enveloppe nationale.

Enveloppe nationale

Une enveloppe budgétaire serait mise à la disposition des États membres producteurs de vin et serait calculée sur la base de critères objectifs. Chaque État l’utiliserait pour financer des mesures qu’il choisirait en fonction de ses préférences dans une liste donnée. Au départ, la variante A offrirait, il est vrai, davantage de ressources étant donné l’absence de dépenses d’arrachage.

Les États membres pourraient notamment utiliser cette enveloppe pour mettre en œuvre certaines mesures de gestion des crises, telles que les assurances contre les catastrophes naturelles, pour fournir une couverture de base contre les crises de revenus, pour faire face aux coûts administratifs liés à l’instauration d’un fonds de mutualisation propre au secteur[9] et pour appliquer des mesures comme les «vendanges en vert». Son utilisation serait subordonnée au respect de certaines règles communes (y compris d’exigences fondamentales en matière d’environnement) afin d’éviter toute distorsion de la concurrence, ainsi qu’à l’approbation par la Commission du programme national concerné.

Le régime de restructuration/reconversion des vignobles serait maintenu dans le cadre de l’enveloppe nationale.

Développement rural

De nombreuses mesures pourraient figurer dans les plans de développement rural adoptés par les États membres. La retraite anticipée et le soutien agroenvironnemental pourraient apporter des encouragements et des bénéfices considérables aux viticulteurs. Les exploitants qui décident de cesser définitivement toute activité agricole commerciale dans le but de transférer leur exploitation à d’autres exploitants peuvent bénéficier au plus de 18 000 EUR par an et de 180 000 EUR sur une période pouvant aller jusqu’à quinze ans. Les aides agroenvironnementales destinées à couvrir les frais supplémentaires et les pertes de revenus découlant de la création et de l’entretien de paysages viticoles/culturels peuvent atteindre 900 EUR par hectare et être versées pendant une durée de cinq à sept ans. Le processus de planification du développement rural pour la période 2007–2013 étant en cours, il serait nécessaire, en vue de favoriser ces mesures, de procéder à un transfert de crédits entre lignes budgétaires (marché et aides directes d’une part et développement rural d’autre part), crédits qui seraient affectés aux régions vitivinicoles, à l’instar de ce qui a été fait pour les secteurs du tabac et du coton. De tels programmes de développement pourraient à l’avenir jouer un rôle important dans le bien-être économique des professionnels du secteur vitivinicole, ainsi que dans la préservation de l'environnement dans les régions vitivinicoles.

Politique de qualité/indications géographiques

La politique de qualité pourrait gagner en clarté, en simplicité, en transparence et, partant, en efficacité, si les mesures exposées ci-après étaient prises:

a) l’actuel cadre réglementaire en matière de qualité devrait être profondément remanié en vue de renforcer la conformité de la politique de qualité de l’Union au regard des règles internationales. Il conviendrait en particulier qu’elle soit clairement mise en adéquation avec les dispositions de l’accord ADPIC. De plus, la politique de qualité du vin incorporée dans l’OCM serait alignée sur la politique de qualité horizontale (relative aux indications géographiques protégées (IGP) et aux appellations d’origine protégées (AOP). La Commission propose d’instaurer deux catégories de vins: la catégorie des vins sans IG et celle des vins avec IG. La catégorie des vins avec IG serait elle-même divisée en deux sous-catégories, celle des vins avec IGP et celle des vins avec AOP. Il faudrait mettre en place une procédure d’enregistrement et de protection des IG;

b) le concept de vin de qualité de l’Union repose sur l’origine géographique (vin de qualité produit dans une région déterminée). L’Union veut confirmer, adapter, promouvoir et valoriser ce concept partout dans le monde;

c) le rôle des organisations interprofessionnelles devrait être renforcé pour que la qualité des vins produits sur le territoire qu’elles couvrent puisse être gérée et contrôlée. Il conviendrait également de renforcer les instruments de contrôle, notamment en ce qui concerne la production de vins de cépage.

Pratiques œnologiques

Concernant les pratiques œnologiques, la Commission propose:

- de conférer à la Commission la tâche, jusqu’alors dévolue au Conseil, d’approuver les nouvelles pratiques œnologiques ou de modifier celles existantes (y compris de reprendre l’acquis),

- de reconnaître les pratiques œnologiques de l’OIV et de vérifier, au niveau de la Commission, dans quelle mesure elles peuvent être incorporées dans un règlement de la Commission,

- d’autoriser l’utilisation dans l’Union de pratiques œnologiques déjà approuvées au niveau international pour la fabrication de vins à exporter vers les destinations concernées,

- de supprimer l’exigence relative au titre alcoométrique naturel minimal des vins, qui n’a plus lieu d’être du fait de la limitation proposée en ce qui concerne l’enrichissement; de plus, il existe un titre alcoométrique volumique minimal pour le vin commercialisé,

- de garantir un niveau minimal de protection de l’environnement lors du processus de production.

Enrichissement

La réforme du sucre accentue le problème de l’utilisation du sucre en remplacement du moût pour élever le titre alcoométrique des vins. Deux trois choses l’une: soit on majore l’aide relative aux moûts, afin de compenser la réduction du prix du sucre, soit on ne modifie pas le niveau de l’aide, au risque de provoquer un déséquilibre, soit on supprime l’aide tout en interdisant l’utilisation de sucre. Tout bien pesé, la Commission considère cette dernière possibilité comme la plus avantageuse car elle permettrait de réaliser des économies budgétaires significatives et d’accroître les débouchés du moût.

Par ailleurs, la Commission propose de réduire le taux maximal d’enrichissement (par addition de moût de raisin) à 2 %, sauf dans la zone viticole C (à savoir certaines régions de France, d’Espagne, du Portugal, de Slovaquie, d’Italie, de Hongrie, de Slovénie, de Grèce, de Chypre et de Malte), pour laquelle il devrait être de 1 %.

Étiquetage

La Commission propose de simplifier les règles d’étiquetage en instaurant un cadre juridique unique applicable à l’ensemble des différentes catégories de vins et aux mentions y afférentes. Ce cadre serait défini en fonction des besoins exprimés par les consommateurs et concorderait davantage avec la politique de qualité des vins. Cela supposerait notamment:

- un transfert de compétence du Conseil à la Commission,

- l’utilisation d’un instrument juridique unique pour tous les vins, qui impliquerait que l’on complète les règles prévues dans la directive horizontale sur l’étiquetage (directive 2000/13/CE) de façon à tenir compte des besoins particuliers du secteur vitivinicole en matière de mentions obligatoires et de mentions facultatives,

- une amélioration de la flexibilité de la politique relative à l’étiquetage par la prise en compte des politiques de l’OMC, prise en compte qui passe par: 1) l’abandon de la distinction entre règles d’étiquetage des vins avec IG et règles d’étiquetage des vins sans IG et, chose plus importante, l’indication plus facile de la variété de vigne et de l’année de récolte pour les vins sans IG, en vue de permettre aux producteurs de vin de l’Union de commercialiser des vins de type «nouveau monde» (variété de vigne unique) et, partant, de les placer sur un pied d’égalité avec leurs concurrents externes, 2) le maintien et l’amélioration du système des mentions traditionnelles, 3) l’adaptation de la politique concernant les marques, 4) la modification des règles linguistiques applicables au secteur vitivinicole pour permettre une plus grande souplesse dans l’utilisation des langues, 5) l’information et la protection du consommateur en matière de santé, 6) la communication au consommateur d’informations complètes sur l’origine du produit par l’application de règles d’étiquetage et de traçabilité appropriées et 7) l’information du consommateur quant aux aspects environnementaux des pratiques de production.

Promotion et information

Plusieurs parties prenantes, notamment lors du séminaire tenu le 16 février, ont souligné la nécessité de mettre davantage l’accent sur la commercialisation des vins. La Commission entend mener avec détermination une politique de promotion et d’information responsable. Il convient que toutes les possibilités qu’offre la législation communautaire existante soient mises à profit pour réaliser des projets de promotion ambitieux en dehors de l’Union.

On pourrait également envisager au sein de l’UE la mise en œuvre de campagnes d’information sur la consommation responsable/modérée de vin.

Environnement

La Commission entend s’assurer que la réforme du régime vitivinicole améliore l’incidence sur l’environnement de la viticulture et de la production de vin. En particulier, elle a l’intention d’incorporer des exigences fondamentales de respect de l’environnement par le secteur vitivinicole, exigences qui couvriraient les principales pressions qu’il exerce (notamment, érosion et contamination du sol, utilisation de produits phytopharmaceutiques et gestion des déchets).

OMC

Une caractéristique importante de la réforme en profondeur de l’OCM sera de rendre la nouvelle OCM du vin compatible avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce. Dans cette optique, les mesures d'intervention actuelles faussant les échanges («boîte jaune») seront éliminées et, là où des mesures internes de soutien existent encore, la préférence ira vers des mesures relevant de la «boîte verte». L’interdiction existante de vinifier les moûts importés et de mélanger les vins communautaires avec des vins non communautaires sera analysée dans le même esprit.

PLANTATIONS «IRRÉGULIÈRES» ET PLANTATIONS «ILLICITES»

Indépendamment de la levée de l’interdiction de plantation, les opérateurs économiques et les États membres sont tenus de se conformer à la législation communautaire en vigueur concernant les vignobles dits «irréguliers» et les vignobles dits «illicites». Le respect des règles considérées est essentiel au bon fonctionnement de l’OCM existante. Si elles ne sont pas observées, la Commission prendra (continuera de prendre) les mesures qui s’imposent dans le cadre des procédures d’apurement des comptes et, si nécessaire, engagera des procédures d’infraction au titre de l’article 226 du traité.

Incidence budgétaire

Une estimation précise de l’incidence budgétaire des mesures décrites ci-dessus sera établie lors de la présentation des propositions législatives formelles. Néanmoins, l’incidence financière n’excédera pas les niveaux de dépenses des dernières années.

Remarques finales

La Commission estime qu’il est nécessaire de réformer en profondeur l’OCM du vin.

La mise en œuvre des modifications concernées devrait permettre une simplification et une meilleure réglementation, qui engendreraient des effets positifs, avec la limitation des coûts de gestion et de suivi statistique, une mise en œuvre et des contrôles plus aisés et, partant, une limitation du risque de fraude et d’utilisation abusive des fonds publics. De plus, elle renforcerait l’efficacité en matière de gestion par un niveau accru de subsidiarité accordé aux États membres pour la détermination du type de mesures propres à répondre à leur situation particulière. Enfin, si la réforme est menée selon ces principes, la Commission se trouvera dans une position considérablement renforcée pour défendre sa politique dans toutes les enceintes internationales, politique qu’elle entend poursuivre avec détermination.

Par la présente communication, la Commission invite l’ensemble des parties intéressées à participer à un débat ouvert sur la future OCM du vin, débat sur lequel elle s’appuiera pour élaborer des propositions avant la fin de l’année.

[1] Réforme générale de la PAC.

[2] Coton, houblon, huile d'olive, tabac.

[3] Sucre.

[4] Conclusions de la Présidence, 15 et 16 juin 2001.

[5] COM(2005) 24 final.

[6] COM(2005) 509 final.

[7] http://europa.eu.int/comm/agriculture/capreform/wine/index_fr.htm.

[8] Production vitivinicole totale = production vinifiée + production de moûts et de jus de raisin.

[9] COM(2005) 74 final.

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