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Document 52005AE1503

Avis du Comité économique et social européen sur le Livre vert: Le crédit hypothécaire dans l'Union européenne [COM(2005) 327 final]

OJ C 65, 17.3.2006, p. 113–119 (ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, NL, PL, PT, SK, SL, FI, SV)

17.3.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 65/113


Avis du Comité économique et social européen sur le Livre vert: «Le crédit hypothécaire dans l'Union européenne»

[COM(2005) 327 final]

(2006/C 65/21)

Le 19 juillet 2005, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le: «Livre vert: Le crédit hypothécaire dans l'Union européenne»

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 novembre 2005 (rapporteur: M. BURANI).

Lors de sa 422e session plénière des 14 et 15 décembre 2005 (séance du 15 décembre 2005), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 97 voix pour et 1 abstention.

1.   Synthèse de la position adoptée

1.1

Le Livre vert sur le crédit hypothécaire au logement dans l'UE s'inscrit dans le cadre de la politique d'intégration des services financiers au niveau européen. Il est actuellement soumis à l'examen des secteurs concernés.

1.2

Bien qu'il approuve l'objectif final proposé par la Commission, le Comité estime qu'une intégration totale sera difficile à réaliser à court terme. En effet, le secteur européen du crédit hypothécaire est extrêmement hétérogène, chaque marché présentant des caractéristiques propres.

1.3

Dans son Livre vert, la Commission pose un certain nombre de questions auxquelles le Comité se propose de répondre. La première série de questions concerne la protection du consommateur: à cet égard, le CESE demande que les codes de conduite soient rédigés par les associations représentatives des institutions financières européennes, moyennant consultation des associations de consommateurs, et contrôlés par les médiateurs nationaux et enregistrés auprès des tribunaux ou des chambres de commerce. Il propose également de garantir l'information notamment précontractuelle grâce à des contenus clairs et transparents. Cette exigence devrait être appliquée peut-être même de manière plus stricte encore aux intermédiaires des opérations de crédit. En ce qui concerne le remboursement anticipé, le CESE estime qu'il faut utiliser les formules mathématiques tenant compte des coûts réels supportés par le prêteur. Concernant la nécessité ou non d'instaurer une norme européenne couvrant aussi bien la méthode de calcul que les éléments de coût, le CESE est d'avis qu'une telle norme devrait au minimum reprendre les éléments suivants: frais de dossier, coûts de constitution de l'hypothèque, frais administratifs clairement identifiables et coût de l'assurance. Il rappelle toutefois que la proposition de normalisation des contrats de crédit ne doit pas entraver l'offre de nouveaux produits, sous peine de freiner l'innovation. Le CESE est également favorable à l'instauration de structures de médiation mais pas d'arbitrage, dans la mesure où celles-ci sortent du domaine de la protection du consommateur.

1.4

La seconde série de questions a trait aux aspects juridiques. Le CESE souhaite s'exprimer brièvement à cet égard. Il signale toutefois que la règle du pays de résidence du consommateur limite sensiblement l'offre. En outre, il rappelle qu'il est nécessaire de définir clairement la langue du contrat, des contacts et de la correspondance.

1.5

La troisième série de questions concerne les sûretés hypothécaires. Le CESE estime que la Commission doit continuer à promouvoir la coopération entre propriétaires et contrôleurs des registres (notamment en élaborant un rapport annuel sur les résultats obtenus). D'une façon générale, le CESE estime que le projet relatif à l'«Eurohypothèque» mérite d'être encouragé.

1.6

La dernière série de questions concerne le financement du crédit hypothécaire. A cet égard, le CESE approuve l'idée d'un système paneuropéen de refinancement tel que celui proposé par la Commission, mais estime qu'il s'agit là d'un projet à long terme et se réserve de préciser ultérieurement sa position.

2.   Motivation

2.1

Dans le cadre de sa politique d'intégration des services financiers, la Commission examine le thème du crédit hypothécaire au logement dans l'Union européenne et se propose d'intervenir concrètement au moyen de mesures réglementaires si les études en cours et les contacts qui ont été pris devaient établir que ces mesures favoriseraient la création d'un marché intégré plus efficace et compétitif, pour le plus grand avantage de tous. Même s'il ne s'inscrit pas toujours nécessairement dans son sillage, le Livre vert à l'examen se fonde sur l'étude intitulée «L'intégration des marchés communautaires du crédit hypothécaire», qui a été réalisée pour le compte de la Commission par le Forum de discussion sur le crédit hypothécaire (Forum Group on Mortgage CreditFGMC).

2.2

Les réactions de tous les acteurs concernés au Livre vert sont attendues pour fin novembre 2005 et seront suivies par une audition au mois de décembre. La Commission évaluera ensuite s'il est opportun de prendre des mesures et, dans l'affirmative, lesquelles.

3.   Le Livre vert (LV): observations du Comité

3.1   Pertinence d'une intervention de la Commission (point I du LV)

3.1.1

La Commission souligne que le marché du crédit hypothécaire compte parmi les marchés financiers les plus complexes, tant en raison du nombre d'acteurs concernés que de la diversité de ses aspects techniques. Il existe en outre une relation directe entre le marché du crédit hypothécaire et la macroéconomie, en ce sens que toute variation des cycles économiques et des taux d'intérêt influence le volume et l'évolution du crédit hypothécaire. Concrètement, l'essor du crédit hypothécaire dans l'Union européenne a été favorisé par des facteurs macroéconomiques (la baisse des taux d'intérêt et la forte hausse des prix de l'immobilier dans de nombreux pays) et structurels (la libéralisation et l'intégration croissantes des marchés financiers).

3.1.2

En dépit de ces tendances communes, de profondes différences subsistent entre les marchés européens du crédit hypothécaire. Chaque marché présente en effet des caractéristiques propres en ce qui concerne les produits, le profil des emprunteurs, les structures de distribution, la durée des prêts, la fiscalité des immeubles et les mécanismes de financement. Ces différences reflètent l'attitude des États membres en matière de réglementation, mais aussi des aspects historiques, économiques et sociaux qui ne se laissent pas facilement réduire à dénominateur commun. D'autres facteurs qui varient d'un État membre à l'autre, tels que les interventions de l'État sur le logement social, la fiscalité, la réglementation prudentielle, le niveau de concurrence et les risques d'insolvabilité, compliquent encore la situation.

3.1.3

Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que les marchés ne soient pas très intégrés. Toutefois, il convient de tenir compte du fait que les achats transfrontaliers d'immeubles représentent à peine 1 % de l'ensemble du marché du logement. Selon la Commission, une intégration des marchés ferait baisser le coût des prêts hypothécaires, améliorerait le niveau de protection du consommateur garanti par les lois et augmenterait le nombre potentiel d'emprunteurs, grâce à la prise en compte d'emprunteurs ayant un profil de crédit faible ou incomplet.

3.1.4

Si le Comité souscrit aux objectifs que se pose la Commission, il considère toutefois que le nombre et la nature des différences entre les divers marchés énumérées par la Commission (ainsi que d'autres qui seront mises en lumière dans ce document) donnent à penser qu'une intégration totale sera très difficile à réaliser à court terme. Dans l'immédiat, il conviendra de prendre des mesures dans des secteurs où l'harmonisation ne présente pas de difficultés majeures, en se posant chaque fois la question de savoir si le jeu en vaut la chandelle et sans nourrir l'ambition d'imposer des règles — ou de les modifier — simplement pour satisfaire à des impératifs idéologiques ou de programme.

3.1.5

Un aspect surtout doit être pris en considération. Nous l'avons dit, les achats transfrontaliers d'immeubles représentent seulement 1 % du marché et concernent presque exclusivement les résidences secondaires et les immeubles situés en zone frontalière. Aussi cette petite fraction du marché ne constitue-t-elle vraisemblablement pas l'objectif principal de la Commission, mais plutôt son objectif stratégique mentionné au paragraphe 3.1.3 ci-dessus. En d'autres termes, la Commission envisage une intégration qui permette à tout citoyen de l'Union d'acquérir un immeuble, dans son pays ou dans un autre, en s'adressant à un intermédiaire financier de son pays, du pays où se trouve l'immeuble, voire d'un troisième pays.

3.2   Protection des consommateurs (point II du LV)

3.2.1

S'agissant de l'information, la Commission pose quatre questions. Concernant la première, qui a trait aux codes de conduite  (1), le CESE souligne que ces codes sont, par définition, volontaires. Le problème réside dans leur contenu. De l'avis du CESE, ces codes devraient être élaborés par les associations représentatives des institutions financières européennes en consultation avec les associations de consommateurs, et devraient inclure directement des mécanismes de sanction ou être contrôlés par les médiateurs nationaux et enregistrés auprès des tribunaux ou des chambres de commerce. Ils devraient être signés par tous les affiliés des associations professionnelles concernées et les documents d'information devraient mentionner expressément si le prêteur a adhéré au code de conduite.

3.2.2

La deuxième question concerne le contenu de l'information, qui est un élément crucial. Si tous les aspects du contrat (juridiques, techniques et comptables) doivent être clairs pour le consommateur, il n'est toutefois pas facile de trouver un compromis satisfaisant entre les impératifs de transparence, de précision et de facilité de compréhension. La nécessité d'expliquer les termes techniques allonge les textes et ne contribue pas nécessairement à leur clarté. L'étude des manquements aux obligations contractuelles et de leurs conséquences devrait faire partie des informations fournies: le CESE propose que les informations relatives aux cas de figure les plus fréquents apparaissent dans les codes de conduites sous la forme d'un texte normalisé.

3.2.3

Les réflexions ci-dessus s'appliquent également, du moins en partie, à la troisième question qui porte sur l'information précontractuelle. Ce type d'information pourrait certes permettre de comparer les offres entre elles et, partant, d'effectuer un choix en connaissance de cause au niveau national, mais, au stade actuel des choses, il ne serait pas d'une grande utilité en ce qui concerne la comparaison avec les crédits proposés dans d'autres pays. Une initiative européenne a cependant vu le jour en la matière, à savoir la «fiche européenne d'information», négociée par les fédérations du secteur concerné en coopération avec les associations de consommateurs. Bien que la majorité des institutions financières aient souscrit à cette initiative, il semblerait selon certains qu'elle ne soit mise en pratique qu'avec peu de conviction dans plusieurs pays. La Commission enquête à ce propos et pourrait adopter si nécessaire des mesures coercitives, le cas échéant en transformant en règlement le texte de l'accord.

3.2.4

S'agissant de la quatrième question, il est indubitable que les dispositions en matière d'information doivent s'appliquer, et peut-être même de manière plus stricte encore, aux intermédiaires des opérations de crédit (courtiers etc.).

3.2.5

S'agissant des conseils aux emprunteurs, la Commission pose deux questions. La première concerne un thème qui a déjà fait l'objet d'un long débat: la fourniture de conseils par le prêteur sur la meilleure forme de crédit, sa durée, son prix, etc. doit-elle ou non être obligatoire? La Commission fait observer que la fourniture de conseils par écrit — telle qu'elle est demandée par les consommateurs — expose le prêteur à des risques juridiques et à des demandes de réparation. Il est peu probable qu'un prêteur soit disposé à prendre de tels risques, surtout dans la mesure où il aurait du mal à prouver, a posteriori, qu'il n'était pas en possession de tous les éléments d'appréciation nécessaires ni en mesure de prévoir les circonstances futures éventuelles. Rendre la fourniture de conseils obligatoire réduirait sensiblement l'offre de crédit et n'est donc pas souhaitable. Il ne faut toutefois pas exclure que, sous la pression de la concurrence, certains prêteurs ou intermédiaires décident d'offrir ce service gratuitement ou contre rémunération.

3.2.6

S'agissant de la deuxième question, à savoir la responsabilité liée à la fourniture par écrit de tout conseil ou information, volontaire ou obligatoire, il convient d'établir une distinction entre conseil et information . S'agissant des conseils, la réponse figure dans la deuxième partie du paragraphe précédent. En revanche, toute information erronée ou non communiquée, que ce soit volontairement ou par négligence, engage la responsabilité du prêteur. Il convient toutefois de s'accorder clairement sur ce que recouvre cette information. Elle ne peut en effet se limiter à la simple présentation des aspects techniques, mais doit, ou devrait, être rédigée de manière à ce que le consommateur dispose de tous les éléments utiles pour opérer en fin de compte un choix en toute indépendance et en connaissance de cause. Les codes de conduite, ou au moins le code civil, devraient contenir des dispositions auxquelles recourir en cas de différend éventuel.

3.2.7

En matière de remboursement anticipé, la Commission pose trois questions. La première remet sur le tapis une question qui a déjà fait l'objet d'un long débat: la possibilité de remboursement anticipé doit-elle être un droit pour le consommateur ou laissée au libre choix des parties? En général, le remboursement anticipé est demandé par le consommateur lorsque les variations des taux d'intérêt lui sont défavorables, que ce soit dans le cas de prêts à taux fixe ou de prêts à taux variable, à l'instar de celles qui sont intervenues par le passé dans certains États à la suite d'une inflation importante. Dans tous les cas, le remboursement anticipé est toujours sollicité par le consommateur et très rarement refusé par le prêteur, qu'il soit ou non prévu par le contrat. Ce n'est pas tant la possibilité de bénéficier ou non du remboursement anticipé qui pose problème que la question suivante.

3.2.8

Comment les pénalités en cas de remboursement anticipé devraient-elles être calculées? Si les techniques de financement du crédit hypothécaire varient d'un État membre à l'autre, en règle générale toutefois le prêteur obtient des fonds grâce à l'émission d'obligations garanties par des hypothèques sur des immeubles qu'il vend sur le marché primaire ou secondaire. Les techniques et les produits, parmi lesquels la nouvelle hypothèque rechargeable, varient toutefois sensiblement en fonction de la durée du prêt, du type de taux (fixe ou variable), de la rémunération, des techniques et des usages des marchés. S'il présente un avantage pour le consommateur, un remboursement anticipé implique des coûts pour le prêteur qui doit, pour décrire les choses d'une manière très approximative et simplifiée, réutiliser la somme reçue à l'avance pour racheter les obligations non garanties. Les mathématiques financières fournissent les formules qui permettent de calculer les coûts supportés par le prêteur, ceux-ci variant en fonction de la période qui reste à courir, de l'évolution des taux et de la situation du marché. Le CESE considère que l'application du principe d'équité peut constituer une réponse à cette question: il convient de calculer les coûts que le remboursement anticipé implique effectivement pour le prêteur au regard du bénéfice qu'il représente pour le consommateur.

3.2.9

Les règles de calcul devraient figurer dans le code de conduite ou, mieux encore, dans chaque contrat individuel. Les seules règles normalisées possibles dans ce domaine sont celles de la mathématique financière: il n'y a pas de difficulté particulière à calculer les avantages et les inconvénients sur la base de la période écoulée et de celle qui reste à courir, des taux appliqués et des taux du marché. Le résultat — purement mathématique — devrait être complété par le calcul des bénéfices ou désavantages qui découlent pour l'institution financière et durant la période étudiée, du réinvestissement des liquidités acquises à l'avance. En tout cas, le versement de pénalités devrait être exclu.

3.2.10

Une réponse à la troisième question (comment le consommateur devrait-il être informé des possibilités de remboursement anticipé?), a été donnée dans la dernière partie du paragraphe précédent. En effet, le CESE ne voit pas pourquoi la possibilité d'un remboursement anticipé ne pourrait pas figurer parmi les informations fournies au préalable ou ponctuellement et, mieux encore, également dans le contrat.

3.2.11

Quatre questions ont trait au taux annuel ( taux annuel effectif global– TAEG ). La première porte sur un thème déjà largement débattu lors des étapes qui ont précédé l'adoption de la directive concernée: la finalité du TAEG est-elle d'informer, de comparer ou les deux? Le fait que la Commission repose la question plusieurs années après semble indiquer que des interrogations subsistent à ce sujet. La formule adoptée pour calculer le TAEG répond à une logique mathématique et économique précise et, pour le législateur, doit satisfaire également à des exigences en matière d'information, de transparence et de possibilité de comparaison. En pratique toutefois, le consommateur qui n'est pas un expert en mathématique financière n'a d'autre choix que de prendre note du chiffre qui lui est communiqué. Aussi les exigences en matière d'information et de transparence ne sont-elles respectées que formellement. En ce qui concerne la comparaison avec d'autres offres, celle-ci est possible à condition que les différentes propositions portent exactement sur le même produit, aient été élaborées sur la base des mêmes méthodes de calcul et que les chiffres utilisés pour les calculs soient précisés de manière détaillée.

3.2.12

La deuxième question (devrait-il y avoir une norme européenne couvrant aussi bien la méthode de calcul que les éléments de coût?) appelle en principe une réponse positive. Dans la pratique toutefois, cette norme ne pourra être définie tant qu'il n'existera pas des systèmes harmonisés, des produits exactement comparables et des procédures administratives normalisées. Un objectif difficile à atteindre à court terme.

3.2.13

S'agissant de la troisième question (quels types d'éléments de coût devraient être pris en compte par une norme européenne?), le CESE considère que ces éléments pourraient comporter au moins les frais de dossier, les coûts de constitution de l'hypothèque, les frais administratifs clairement identifiables et le coût de l'assurance. En première approximation, ceci devrait suffire pour permettre au consommateur de comparer les différentes offres. Toutefois, chaque prêteur devrait mettre les consommateurs clairement en garde contre un choix trop facile basé uniquement sur un TAEG calculé sur la base de ces éléments.

3.2.14

La dernière question de la Commission (est-il souhaitable que le prêteur fournisse des informations séparées sur les coûts non pris en compte dans le calcul du TAEG et qu'il présente concrètement sa signification, par exemple le coût mensuel ou global du prêt?) appelle deux réponses distinctes. Le CESE répond par l'affirmative à la première partie de la question, notamment parce que la communication des coûts non pris en compte dans le TAEG permettrait de lever la réserve sur la comparaison des conditions dont il est question au paragraphe précédent. Concernant la présentation de la signification du TAEG en termes «concrets» au sens où l'entend la Commission, le CESE est d'avis qu'elle est tout à fait possible et qu'il existe des programmes informatiques en mesure de satisfaire à cette exigence — pour autant qu'il s'agisse vraiment d'une exigence. Un doute surgit cependant pour les raisons évoquées au paragraphe 3.2.11: le consommateur risque d'être encore plus désorienté s'il est confronté dans le même temps à un plan financier de remboursement qui lui est vraiment utile et à un autre plan qui, bien qu'il soit juste du point de vue de la mathématique financière, s'écarte du premier.

3.2.15

La Commission pose quatre questions concernant la réglementation sur l'usure et la variation des taux d'intérêt. S'agissant de la première question (quelles sont les implications de la réglementation sur l'usure (qui existe dans certains États membres) sur l'intégration du marché?), il convient tout d'abord d'apporter la précision suivante: dans les États membres dont la législation impose des plafonds aux taux d'intérêt, il semble que ceux-ci sont fixés en tenant compte du crédit à la consommation, des découverts sur les comptes courants et des crédits personnels, mais pas — de l'avis du CESE — du crédit hypothécaire. Le problème est en tout cas délicat: un État membre qui aurait fixé un plafond pourrait vouloir poursuivre le prêteur d'un autre pays qui a enfreint une règle à laquelle ce prêteur n'est pas soumis mais qui concerne un contrat valable sur son territoire. Les règles nationales en matière d'usure constituent en tout cas une entrave à l'intégration des marchés.

3.2.16

La deuxième question concerne l'opportunité d'examiner la question des taux d'usure dans un contexte plus large, sans lien spécifique avec le crédit hypothécaire. Le CESE répond par l'affirmative: si un examen plus approfondi en révélait la nécessité, une législation communautaire pourrait remplacer les différentes réglementations nationales en vigueur actuellement. Le CESE met toutefois en garde contre toute solution simpliste: un taux d'usure uniforme risquerait de ne pas prendre en compte les caractéristiques spécifiques des marchés. Plus particulièrement, la définition d'un taux unique n'aurait pas de sens. Chaque État membre devrait être libre de définir un taux, une fois le problème évoqué dans la dernière partie du paragraphe 3.2.15 résolu.

3.2.17

La Commission se demande ensuite si les restrictions qui existent dans certains États membres concernant l'application des taux d'intérêt composés constituent ou non un obstacle à l'intégration des marchés. La réponse du CESE est identique à celle donnée au paragraphe précédent concernant les taux d'usure. La Commission devrait en outre contrôler le niveau des taux d'intérêt simples dans les États qui n'appliquent pas le principe des intérêts composés: si ceux-ci sont en moyenne supérieurs à ceux appliqués par d'autres pays pour des opérations comparables, il se pourrait que la perte des intérêts composés ait été compensée par une augmentation des intérêts simples, ce qui correspond à une logique du marché non transparente et ne présente aucun avantage pour le consommateur.

3.2.18.

La quatrième question porte sur l'impact des restrictions aux taux d'intérêts composés sur le développement des hypothèques rechargeables. Étant donné qu'il s'agit d'un nouveau produit, pour lequel on ne dispose pas encore d'expériences approfondies, le CESE préfère ne pas prendre position et laisse aux experts disposant d'une expérience spécifique du marché le soin de répondre.

3.2.19

En ce qui concerne la normalisation des contrats de crédit, la Commission fait observer que ce thème s'inscrit dans le cadre plus général de l'initiative en matière de droit européen des contrats. La normalisation pourrait passer par une harmonisation classique ou par ce qu'il est convenu d'appeler le «26e régime», un instrument juridique parallèle aux législations nationales et pouvant être utilisé, moyennant l'accord des parties, comme alternative à ces législations. Le CESE est d'avis que la première solution est pour l'heure prématurée et que la deuxième pourrait constituer une véritable option seulement après qu'il aura été vérifié, au moyen d'une étude approfondie des législations et des contrats des vingt-cinq États membres, que l'instrument «parallèle» n'enfreint ni leurs réglementations ni leurs législations. En tout état de cause, les règles de normalisation ne doivent pas entraver l'offre de nouveaux produits, sous peine de freiner l'innovation. En attendant que les différents problèmes soient résolus, il ne devrait pas être difficile de parvenir à un accord entre institutions financières, consommateurs et Commission, basé sur un contrat-type qui comporte au moins les clauses les plus courantes et communes à ce genre de document.

3.2.20

Les deux dernières questions concernent les structures juridiques relatives à la protection des droits du consommateur. Chaque État dispose de structures de médiation ou d'arbitrage à titre d'alternative aux structures judiciaires, souvent trop lentes et coûteuses pour le consommateur: La Commission demande tout d'abord aux parties intéressées de lui présenter leur point de vue sur la possibilité d'imposer aux États membres la mise en place de structures de médiation ou d'arbitrage spécifiques pour le crédit hypothécaire. Le CESE est d'une manière générale favorable aux structures de médiation mais pas d'arbitrage, dans la mesure où celles-ci sortent du domaine de la protection du consommateur. Il souligne toutefois que le droit du crédit hypothécaire est, de par sa nature, lié à une série d'autres normes législatives ou réglementaires sur la procédure civile, la succession, la faillite, la propriété, les règles foncières et fiscales. Un organe autre que les tribunaux, dont les décisions résistent à des recours faciles, pourrait avoir besoin de se doter de structures et de ressources analogues à celles des tribunaux eux-mêmes. Mais étant donné que certains États membres semblent ouverts à cette possibilité, ils pourraient, à l'issue d'une période d'essai appropriée, faire état de leurs observations ou fournir des informations utiles en vue de l'adoption généralisée d'un tel système.

3.2.21

La Commission demande ensuite qu'on lui transmette des propositions sur les moyens de renforcer la crédibilité des autres moyens de recours existants, notamment dans le domaine du crédit hypothécaire. À la connaissance du CESE, les systèmes existants donnent d'assez bons résultats qui pourraient, dans de nombreux cas, être améliorés en accélérant le processus décisionnel. S'agissant plus particulièrement du crédit hypothécaire, et compte tenu du paragraphe précédent, le CESE souligne que les structures de médiation ou d'arbitrage devraient être crédibles pour les deux parties, pas seulement pour le consommateur: le coût assez élevé de tout litige exige que les décisions soient équitables et inattaquables notamment sous l'angle juridique pour éviter un recours ultérieur aux tribunaux.

3.3   Questions juridiques (point III du LV)

3.3.1

La Commission juge approprié que les aspects juridiques ayant trait au secteur du crédit hypothécaire soient examinés dans le cadre du processus de révision de la convention de Rome de 1980, qui est actuellement en cours et vise à la transformer en règlement européen. En ce qui concerne le droit applicable, trois solutions sont à l'examen:

établir un régime spécifique régissant le droit applicable aux contrats hypothécaires: on pourrait aligner le droit applicable sur celui du pays où est situé le bien;

continuer à soumettre ces contrats aux principes généraux consacrés par la convention de Rome, et laisser les parties libres de décider du droit applicable, sous réserve du respect des règles contraignantes en vigueur dans le pays de résidence du consommateur;

exclure l'application, aux contrats hypothécaires, des règles contraignantes en vigueur dans le pays de résidence du consommateur, sous réserve qu'un haut niveau de protection de ce dernier soit garanti au plan européen;

en ce qui concerne la «sûreté» (le bien hypothéqué), la Commission ne voit aucune raison de s'écarter du principe bien établi selon lequel est applicable le droit de l'État membre dans lequel ce bien est situé, point de vue auquel le CESE souscrit pleinement.

3.3.1.1

Les trois solutions exposées ci-dessus mériteraient chacune l'élaboration d'un avis séparé. Il s'agit en effet d'un sujet complexe et toute solution présente des avantages comme des inconvénients. Le CESE se bornera donc à formuler brièvement quelques observations fondamentales:

a)

aucune des trois solutions ne peut être appliquée sans inconvénients dans le cas d'un consommateur qui réside dans un pays A, d'un prêteur qui réside dans un pays B et d'un bien situé dans un pays C (qui pourrait également se trouver en dehors de l'UE);

b)

la règle du pays de résidence du consommateur limite sensiblement l'offre ou, pour être plus exact, la possibilité d'accès du consommateur aux services d'un prêteur qui réside dans un autre pays: le prêteur est en général réticent à signer un contrat auquel s'appliquent des lois qu'il ne connaît pas, sachant qu'en cas de litige il devra se doter d'une assistance juridique à l'étranger et utiliser une langue qui n'est pas la sienne;

c)

il est nécessaire de définir clairement la langue du contrat, des contacts et de la correspondance. Si les parties décident de choisir la langue du consommateur, cela constituerait un élément dissuasif supplémentaire pour le prêteur, qui viendrait s'ajouter à celui déjà évoqué au point b) ci-dessus.

3.3.2

S'agissant de la question de l'appréciation de la qualité de la signature du client, la Commission évoque divers problèmes, déjà traités dans le cadre d'un secteur analogue (le crédit à la consommation), et considère que le problème le plus urgent est de garantir un accès transfrontalier non discriminatoire aux bases de données. De l'avis du CESE, le droit d'accès est indispensable mais, pour le garantir, il faudra adopter des règles appropriées déterminant qui bénéficie de ce droit, à quelles conditions et avec quelles garanties pour le consommateur. Le CESE attire également l'attention sur un aspect qui n'a jamais été évoqué: souvent, l'acquéreur d'un bien, qu'il s'agisse de sa résidence principale ou d'une résidence secondaire, ne figure dans aucune base de données parce qu'il n'a jamais demandé de crédit. Dans ce cas, la recherche d'informations fiables devient problématique, longue et coûteuse.

3.3.3

La Commission aborde ensuite la question de l'évaluation de la valeur du bien immobilier, et se demande si une norme européenne est envisageable ou s'il convient d'engager une action visant à garantir la reconnaissance mutuelle des normes nationales. Le CESE considère que la première hypothèse doit être écartée a priori, sans autre forme d'examen. Quant à la seconde, les experts estiment que des normes nationales, voire régionales, sont une utopie dont il faut se garder: les facteurs déterminant les marchés immobiliers sont trop nombreux et donnent lieu à des réalités éminemment locales. Toute tentative d'harmonisation risquerait de créer un climat de confusion. LE CESE soutient cette position.

3.3.4

Un autre aspect à l'examen est la vente forcée du bien hypothéqué. Le Livre vert constate qu'il existe dans ce domaine une grande diversité en termes de procédures, de délais et de coûts et que ceci constitue un obstacle aux activités transfrontalières de crédit. Il propose donc une approche graduelle pour promouvoir l'amélioration des procédures de vente forcée: dans un premier temps, collecter des informations sur le coût et la durée des procédures, de manière à présenter un tableau de bord qui sera régulièrement actualisé et, si cette mesure devait se révéler inefficace, envisager ensuite la possibilité de prendre des mesures plus strictes. Le CESE considère que la collecte d'informations et la présentation d'un tableau de bord exerceraient une sorte de «pression morale» sur les États membres dont les procédures sont peu efficaces ou coûteuses. Cela pourrait donner aux prêteurs et aux associations de consommateurs un excellent motif pour faire pression sur leurs autorités nationales afin qu'elles prennent des mesures adéquates en vue d'améliorer la situation. Toutefois, aller plus loin en brandissant la menace de mesures plus strictes est irréaliste. Une initiative de ce type aurait en effet bien peu de chances de recevoir l'aval des États membres. En outre, la proposition d'ébranler des systèmes d'exécution judiciaire entiers dans le seul but d'encourager le crédit hypothécaire transfrontalier (qui ne représente aujourd'hui que 1 % de l'ensemble du crédit européen, et qui, selon les prévisions les plus optimistes, ne dépassera pas 5 % à l'avenir) revient à ignorer le sens des proportions.

3.3.5

Un autre obstacle à la pleine intégration des marchés qui, pour le moment, reste insurmontable, est le problème de la fiscalité. De manière très réaliste, la Commission ne projette aucune mesure d'harmonisation dans ce domaine. Toutefois, d'autres obstacles existent qui peuvent être levés. Divers États membres n'autorisent pas la déductibilité fiscale des intérêts payés par leurs contribuables sur des crédits hypothécaires octroyés par des prêteurs étrangers; dans d'autres cas, les intérêts perçus par les prêteurs nationaux sont taxés hors intérêts payés pour le refinancement des prêts alors que les prêteurs étrangers sont soumis au paiement brut des intérêts à charge des débiteurs nationaux. Ces deux cas de figure constituent une infraction aux traités ou au droit communautaire: le premier est contraire aux articles 49 et 56 du traité, comme le confirment deux arrêts de la Cour de justice, et le deuxième fera l'objet d'une action directe de la Commission, dont le CESE appuie fermement la position.

3.4   Sûretés hypothécaires (point IV du LV)

3.4.1

Les registres fonciers sont un élément essentiel pour établir avec certitude le droit de propriété. Il semble toutefois que les enregistrements ne font pas toujours apparaître les droits de tiers sur la propriété. Pour que le crédit hypothécaire transfrontalier (y compris le refinancement) fonctionne correctement, une bonne compréhension du contenu et du fonctionnement des registres fonciers est nécessaire. La Commission a financé un projet-pilote (EULIS) qui vise à renforcer la coopération entre propriétaires et contrôleurs des registres, projet qui pourrait notamment s'avérer très utile pour bon nombre de nouveaux États membres. À présent, la Commission s'interroge sur l'opportunité de continuer à prendre une part active à cette initiative et se demande si, compte tenu de l'intérêt que présentent les registres pour les emprunteurs et les investisseurs, ceux-ci ne devraient pas y apporter leur contribution et y investir. Le CESE estime que la Commission doit continuer de promouvoir la coopération en élaborant un rapport annuel sur les résultats obtenus. En revanche, il est d'avis que le financement des projets de coopération ne doit pas incomber à une seule catégorie d'utilisateurs (qui n'est même pas la principale), étant donné que la tenue des registres fonciers est de l'intérêt de l'État et de la collectivité et que l'enregistrement et l'accès sont déjà payants.

3.4.2

L'idée d'une «Eurohypothèque» n'est pas nouvelle mais n'a pas encore été expérimentée sur le marché, pas même à titre de projet-pilote. D'une manière générale, l'objectif de l'Eurohypothèque serait d'affaiblir le lien entre crédit et garantie hypothécaire: cette dernière ferait partie d'un pool européen de garanties destinées à couvrir des titres émis sur le marché . Le projet semble attrayant et répondre à l'idée d'un marché immobilier européen intégré. Le CESE estime que ce projet mérite d'être encouragé, dans la mesure où il constituerait, s'il aboutit, un premier pas vers l'intégration des marchés, une intégration qui serait le fait du marché lui-même et non le résultat d'une initiative réglementaire.

3.5   Financement du crédit hypothécaire (point V du LV)

3.5.1

Si les systèmes de refinancement varient d'un pays à l'autre, ils reposent toutefois en substance sur des obligations garanties pour l'investisseur par les immeubles grevés d'une hypothèque. L'idée que la création d'un marché paneuropéen de ces titres faciliterait une intégration plus poussée des marchés fait son chemin dans les milieux concernés. La Commission partage ce point de vue mais souligne toutefois que la question doit faire l'objet d'une analyse plus approfondie. Un système paneuropéen de refinancement aurait, d'après elle, le mérite d'augmenter les sources de financement, d'accroître la liquidité des marchés et, plus généralement, de diversifier les risques. En outre, il faciliterait l'intégration des marchés secondaires, intégration qui dépend de toute façon de celle des marchés primaires. Le CESE est de cet avis mais partage le point de vue de ceux qui pensent qu'il s'agit d'un objectif à long terme.

3.5.2

La transférabilité des prêts hypothécaires est une condition préalable essentielle. La Commission a l'intention de créer un groupe de travail ad hoc représentatif des parties intéressées qui sera chargé d'examiner l'opportunité d'une action sur les questions de refinancement et ses modalités. Elle souhaiterait également apprécier la mesure dans laquelle la création d'un marché paneuropéen de financement du crédit hypothécaire pourrait être favorisée par les forces du marché (par exemple en établissant des normes en matière de documentation et des modèles pour la définition des activités transfrontalières de financement). Le CESE laisse aux opérateurs du marché le soin de répondre à cette question, dans la mesure où ils sont les seuls à disposer des connaissances nécessaires pour fournir des éléments d'appréciation reposant sur l'expérience.

3.6

La dernière question de la Commission soulève un problème d'une importance capitale pour l'avenir des marchés. Elle demande en effet si l'activité d'octroi de prêts hypothécaires devrait être réservée aux établissements de crédit ou si, et à quelles conditions, elle pourrait être également exercée par des établissements qui ne prennent pas d'argent sous forme de dépôts ou autres sommes remboursables et ne relèvent dès lors pas de la définition communautaire de l'établissement de crédit ni des règles prudentielles. Le CESE souligne tout d'abord que pour assurer la stabilité et la solidité des marchés, le contrôle effectué par les autorités chargées des marchés mobiliers ne suffit pas et qu'une surveillance efficace de tous les établissements financiers qui participent à ce marché est impérative. Des règles prudentielles ont été élaborées pour protéger le consommateur, et c'est dans cet esprit qu'il convient d'examiner toute nouvelle proposition.

3.6.1

Les établissements du type envisagé par la Commission devraient opérer uniquement avec leurs propres ressources, ce qui est difficilement réalisable et nécessiterait un contrôle continu pour s'assurer que les conditions de départ sont respectées par la suite également. Dans toute autre hypothèse, un recours à des fonds extérieurs — quelle que soit la forme technique de ce recours — est inévitable. Le CES en conclut que les établissements du type décrit par la Commission doivent être soumis à des contrôles prudentiels, qu'il s'agisse d'établissements bancaires ou autres. Par ailleurs, il est essentiel de maintenir l'égalité des conditions de concurrence, raison pour laquelle les règles appliquées aux établissements de crédit, en particulier en matière de solvabilité et de liquidité, doivent également l'être à ces autres établissements. Si les principes qui inspirent le contrôle prudentiel ont encore un sens, le CESE ne voit pas pourquoi ils devraient souffrir des exceptions.

Bruxelles, le 15 décembre 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  JO C 221 du 8.9.2005.


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