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Document 32000D0536

2000/536/CE: Décision de la Commission du 2 juin 1999 relative à l'aide d'État octroyée par l'Italie à Seleco SpA [notifiée sous le numéro C(1999) 1524] (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (Le texte en langue italienne est le seul faisant foi.)

OJ L 227, 7.9.2000, p. 24–40 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

Legal status of the document In force

ELI: http://data.europa.eu/eli/dec/2000/536/oj

32000D0536

2000/536/CE: Décision de la Commission du 2 juin 1999 relative à l'aide d'État octroyée par l'Italie à Seleco SpA [notifiée sous le numéro C(1999) 1524] (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (Le texte en langue italienne est le seul faisant foi.)

Journal officiel n° L 227 du 07/09/2000 p. 0024 - 0040


Décision de la Commission

du 2 juin 1999

relative à l'aide d'État octroyée par l'Italie à Seleco SpA

[notifiée sous le numéro C(1999) 1524]

(Le texte en langue italienne est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

(2000/536/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément aux articles susmentionnés,

considérant ce qui suit:

I. PROCÉDURE

(1) Par lettre enregistrée le 30 mars 1994, la région autonome du Frioul-Vénétie Julienne a notifié à la Commission, conformément à l'article 88, paragraphe 3, du traité, le texte de la loi régionale no 47/94 relative aux interventions extraordinaires en faveur de l'entreprise Seleco SpA, sise à Pordenone (ci-après dénommée "Seleco").

(2) Par lettres des 12 avril et 26 juillet 1994, la Commission a demandé aux autorités italiennes de lui fournir des renseignements complémentaires. L'Italie n'a pas répondu à ces lettres. Par des informations recueillies dans la presse, la Commission a appris que l'opération notifiée avait été mise en oeuvre le 6 août 1994, avant même qu'elle ne puisse se prononcer à son sujet. Par conséquent, le 18 août 1994, l'aide a été retirée du registre des aides notifiées et inscrite dans celui des aides non notifiées sous le numéro NN 92/94. Par ailleurs, la Commission avait également appris que la société Ristrutturazione Elettronica SpA (ci-après dénommée "REL") avait partiellement renoncé aux créances qu'elle détenait sur Seleco sur la base d'un accord conclu en 1994 en vue de couvrir les pertes relatives à l'exercice 1993.

(3) Étant donné que les autorités italiennes ne lui ont pas transmis de renseignements complémentaires et qu'elle avait des doutes quant à la compatibilité des aides avec le marché commun, la Commission a décidé, le 27 septembre 1994, d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité.

(4) Les autorités italiennes ont été informées de l'ouverture de la procédure par lettre du 10 octobre 1994. L'ltalie a présenté ses observations par lettre du 27 mars 1995. La Commission a invité les intéressés à lui présenter leurs observations par la publication de cette lettre au Journal officiel des Communautés européennes(1). Cette publication n'a suscité aucune réaction de la part de tiers.

(5) Par lettres des 26 octobre 1994, 30 janvier 1995, 19 avril 1995, 7 juillet 1995, 25 août 1995 et 19 novembre 1996, la Commission a demandé aux autorités italiennes de lui fournir des précisions, qui lui sont parvenues les 10 novembre 1994, 31 mars 1995, 27 juin 1995, 19 décembre 1995, 22 janvier 1996, 5 décembre 1996 et 11 février 1997. Des explications complémentaires ont été fournies le 22 novembre 1995, lors d'une réunion entre des représentants de la Commission et des représentants du gouvernement italien.

(6) Alors qu'elle s'apprêtait à clôturer la procédure, la Commission, toujours par le biais d'informations recueillies dans la presse, a eu connaissance d'autres interventions publiques en faveur de Seleco. Par lettre du 19 novembre 1996, elle a demandé aux autorités italiennes un complément d'informations à ce sujet. Les réponses lui sont parvenues par lettres des 5 décembre 1996 et 11 février 1997. Les informations contenues dans ces lettres ont amené la Commission à étendre la procédure de l'article 88, paragraphe 2, du traité à ces nouvelles mesures, par décision du 3 février 1998.

(7) La lettre informant les autorités italiennes de l'extension de la procédure a été envoyée le 18 février 1998. L'ltalie n'a fait aucune observation sur cette extension dans le délai qui lui était imparti. La Commission a invité les tiers intéressés à lui présenter leurs observations concernant l'aide en question par la publication de la lettre au Journal officiel des Communautés européennes(2). Aucun tiers ne s'est manifesté.

(8) Comme les autorités italiennes n'ont pas réagi, un rappel leur a été envoyé le 15 juillet 1998, les menaçant d'une mise en demeure en l'absence de réponse. Le 30 juillet 1998, les autorités italiennes ont demandé à bénéficier d'un délai supplémentaire, qui a expiré le 4 septembre 1998.

(9) À la suite de plusieurs rappels formels et informels, les autorités italiennes, par lettre du 21 septembre 1998, ont informé la Commission que Seleco avait été déclarée en faillite le 17 avril 1997, soit dix mois avant la notification de l'extension de la procédure. La Commission a alors demandé, par lettre du 29 septembre 1998, un complément d'informations aux autorités italiennes concernant le processus de liquidation de la société. N'ayant reçu qu'une réponse incomplète le 17 novembre 1998, la Commission a arrêté une décision de mise en demeure(3) le 2 décembre 1998 afin d'obtenir les informations manquantes. La réponse des autorités italiennes à cette mise en demeure est parvenue à la Commission par lettre du 18 janvier 1999. Des éclaircissements supplémentaires ont été demandés par lettre du 28 avril 1999. La réponse du gouvernement italien est parvenue à la Commission le 21 mai 1999.

II. DESCRIPTION DE L'AIDE

II.1. Le bénéficiaire

(10) Seleco, société sise à Pordenone (Frioul-Vénétie Julienne), exerçait ses activités sur le marché de l'électronique grand public et, plus précisément, dans les trois secteurs suivants: les téléviseurs couleur, les décodeurs de programmes cryptés (télévision à péage) et les produits dits "professionnels" (vidéoprojecteurs et moniteurs). Comme d'autres entreprises de ce secteur en Italie, Seleco a régulièrement reçu au cours des dix dernières années des aides publiques par le biais de REL(4).

(11) L'activité du groupe Seleco (ci-après dénommé "le groupe") était principalement concentrée en Italie, avec des société apparentées à Malte, en Espagne (jusqu'à la fin de 1993), en Allemagne et aux Pays-Bas. Les ventes du groupe couvraient toute l'Union européenne ainsi que les pays de l'EEE.

(12) Le tableau qui suit indique le chiffre d'affaires du groupe, ainsi que ses bénéfices et son capital social (à partir de 1993):

>TABLE>

(13) Les résultats de 1996 n'ont pas été communiqués. Le chiffre d'affaires se ventilait comme suit en 1993: 75 % pour les téléviseurs couleur, 6 % pour les décodeurs et 4 % pour les vidéoprojecteurs.

(14) Le 17 avril 1997, le tribunal a déclaré Seleco en faillite. Le passif de la société s'élevait à environ 154 milliards de lires italiennes (ci-après dénommées "lires"), dont 43 % seulement étaient assortis de privilèges. Cette décision n'a été notifiée à la Commission que le 21 septembre 1998, à la suite des nombreuses demandes faites par cette dernière pour obtenir les renseignements requis dans le cadre de l'extension de la procédure.

II.1.1. La recapitalisation de 1994

(15) Le 31 décembre 1993, le capital de Seleco s'élevait à 54,48 milliards de lires et était détenu dans les proportions suivantes par SOFIN, REL et Friulia SpA (ci-après dénommée "Friulia"):

>TABLE>

(16) SOFIN SpA était une société privée. Friulia est une société financière entièrement contrôlée par la région du Frioul-Vénétie Julienne, chargée d'en promouvoir le développement économique. REL est une société constituée en 1982 et contrôlée par le ministère de l'industrie, du commerce et de l'artisanat, dont l'objectif était de réorganiser le secteur de l'électronique grand public grâce à la création de sociétés, à des prises de participations et à l'octroi de crédits en faveur d'entreprises dont elle détenait des participations.

(17) Dans le passé, la Commission a déjà eu l'occasion de se prononcer sur l'activité de REL. Par décision du 17 janvier 1984, elle avait en effet demandé au gouvernement italien de mettre fin au régime de restructuration du secteur électronique dont REL était le pivot.

(18) Par décision du 20 mai 1992(5) de clore la procédure ouverte le 16 juillet 1991, la Commission a demandé aux autorités italiennes de liquider REL et a pris acte de leur engagement de céder à des actionnaires privés les participations que cet organisme détenait dans les entreprises du secteur.

(19) L'exercice 1993 s'est révélé encore plus difficile pour le groupe Seleco que les précédents. Le résultat net s'est en effet soldé par une perte de 77,5 milliards de lires, soit un montant largement supérieur aux fonds propres de l'entreprise (60,6 milliards de lires). La loi italienne prévoit que, dans un tel cas de figure, les actionnaires doivent procéder soit à la liquidation de la société, soit à la réduction de son capital en couvrant les pertes et en recapitalisant la société en cas de non-liquidation. Il ressort du rapport annuel relatif à 1993 que les actionnaires avaient opté pour la première solution, à savoir la mise en liquidation de Seleco (décision du conseil d'administration du 1er février 1994).

(20) L'annonce de ces mesures a toutefois provoqué un vif mécontentement parmi les salariés, qui ont empêché la poursuite de la procédure de liquidation. Ces événements ont amené les autorités publiques nationales et locales à intervenir afin d'obtenir des actionnaires qu'ils reviennent sur leur décision. Le rapport annuel de 1993, qui couvre aussi les événements intervenus lors des premiers mois de 1994, montre que, à la suite de l'intervention des pouvoirs publics, les actionnaires étaient convenus de recapitaliser la société après en avoir essuyé les pertes. Il convient de signaler que cet accord avait été formalisé par une directive du Conseil des ministres italien avant d'être communiqué à la société.

(21) Selon cet accord, REL devait couvrir le montant des pertes excédant le capital social, y compris la part qui aurait dû être épongée par les autres actionnaires, en abandonnant partiellement les créances qu'elle avait sur Seleco (16,8 milliards de lires sur un total de 82 milliards). Cet abandon partiel de REL était lié à la condition que les autres actionnaires reconstituent le capital de Seleco à hauteur de 45 milliards de lires. Friulia devait apporter 13 milliards de lires et SOFIN, 19 milliards. Le solde, soit 10,5 milliards de lires, était souscrit par un consortium de banques, en grande partie privées, proportionnellement aux créances qu'elles détenaient sur Seleco (162 milliards de lires, soit 40 % de la dette totale).

(22) Le nouveau capital se répartissait donc comme suit:

>TABLE>

II.1.2. La recapitalisation de 1996

(23) L'exercice 1994 a été aussi difficile pour la société que le précédent. En raison du retard pris par la recapitalisation (fin août), l'activité de production s'est interrompue pendant huit semaines, les effectifs ont diminué de 336 unités (en tombant de 1424 à 1088) et cinq sociétés apparentées ont fait faillite. Seleco a enregistré des pertes d'un montant de 39,2 milliards de lires.

(24) À la fin de l'exercice 1995, Seleco a enregistré de nouvelles pertes, d'un montant de 64,2 milliards de lires, qui ont entraîné une nouvelle fois une diminution du capital social (3,9 milliards de lires) au-dessous de la limite légale. Ces mauvais résultats étaient imputables à une nouvelle interruption de l'activité de production pendant une période de cinquante jours et à la fermeture définitive de trois filiales en faillite. Les effectifs étaient tombés à 821 salariés.

(25) Les actionnaires se sont donc retrouvés dans la même situation qu'en 1994. Contraints de nouveau de choisir entre la liquidation de la société et sa recapitalisation, ils ont décidé de reconstituer le capital social à concurrence de 32,7 milliards de lires, un nouvel actionnaire, la société privée SOREC, apportant les 28,8 milliards de lires nécessaires.

(26) En février 1996, le capital de Seleco présentait donc la structure suivante:

>TABLE>

(27) L'intervention du nouvel actionnaire privé s'accompagnait d'une intervention publique supplémentaire de REL en juin de la même année. Il s'agissait du rachat, pour un montant de 20 milliards de lires, de la dette de 65,2 milliards de lires que la société devait encore à REL. Cette opération se traduisait pour Seleco par un gain exceptionnel de 48,5 milliards de lires. Cependant, malgré ces deux opérations, le capital social continuait à être inférieur à la limite légale en raison des pertes accumulées.

(28) Ces interventions ne suffisant pas à permettre, du point de vue juridique, la poursuite de l'activité, d'autres ont été indispensables. Elles ont pris les formes suivantes: i) un emprunt obligataire de 12 milliards de lires lancé par Seleco et souscrit par un consortium de banques, en majorité privées; ii) un prêt convertible de 12 milliards de lires accordé par Friulia; iii) la vente des actions Seleco Multimedia Srl (ci-après dénommée "Multimedia") pour un montant de 20 milliards de lires.

(29) Il ressort du rapport annuel de 1995, qui couvre également une bonne partie de 1996, que, en dépit de la recapitalisation effectuée en février 1996 et des opérations extraordinaires susmentionnées, la situation de Seleco a continué d'être très délicate. Le résultat net de l'exercice 1996, encore négatif, n'a pas été communiqué à la Commission. Le 17 avril 1997, le tribunal a prononcé la faillite de Seleco.

II.1.3. La constitution de Multimedia

(30) La sociéte Multimedia a été constituée avec un capital de 20 millions de lires en 1995 par M. Rossignolo, l'actionnaire privé de référence de Seleco. En mars 1996, Seleco, dont l'actionnaire majoritaire (87,9 % des actions) était SOREC, société privée qui avait pour administrateur unique M. Rossignolo, a regroupé au sein de Multimedia ses activités les plus rentables (moniteurs et vidéoprojecteurs) en y apportant 29 milliards de lires de capital et en en devenant le propriétaire unique. Multimedia est ainsi devenue Seleco Multimedia Srl. En juillet 1996, Seleco, neuf mois avant de faire faillite, a vendu 33,33 % des actions qu'elle détenait dans Multimedia Srl à Italtel (société dont le capital est pour moitié public et pour moitié privé), qui est la seule autre entreprise italienne à fabriquer ce type de produits, et 33,33 % à Friulia. Le prix de vente s'est élevé à 10 milliards de lires pour chacun de ces deux lots d'actions. Seleco a transféré les 33,33 % restants à Finanziaria Elettronica Srl, société écran qu'elle contrôlait à 99 %. Les actions (33,33 % du capital) de Multimedia que Seleco contrôlait par le biais de la société Finanziaria Elettronica Srl ont été vendues à la société privée Formenti SpA au cours d'une vente publique judiciaire qui a eu lieu le 20 décembre 1997 dans le cadre de la liquidation de Seleco.

II.2. Les mesures faisant l'objet de la présente procédure

(31) Les mesures qui font l'objet de la présente procédure sont les suivantes:

- l'abandon partiel en 1994 des créances que REL détenait sur Seleco (16,8 milliards de lires sur un total de 82 milliards),

- la conversion du prêt de 6 milliards de lires en actions de Seleco et l'apport par Friulia de 7 milliards de lires de capital neuf (d'origine publique) dans le cadre de la recapitalisation intervenue en 1994,

- la participation, à concurrence de 10,5 milliards de lires, d'un consortium de banques, en majorité privées, dans la recapitalisation de Seleco intervenue en 1994,

- le rachat par Seleco, en juin 1996, de la dette de 66 milliards de lires qu'elle avait encore envers REL, pour un montant de 20 milliards de lires,

- le prêt convertible de 12 milliards de lires octroyé en avril 1996 par Friulia, garanti par les quatre marques industrielles de Seleco (Seleco, Brionvea, Elbe et Tandberg) et accordé pour une période de cinq ans au taux de 7 %,

- le prêt obligataire convertible de 12 milliards de lires accordé en 1996 par un consortium de banques, en majorité privées, pour une période de quatre ans et dix mois au taux de 5 %,

- l'achat par Friulia et Italtel, respectivement, d'un tiers des actions de la société Multimedia pour un montant de 10 milliards de lires chacun.

III.1. Doutes soulevés par la Commission lors de l'ouverture et de l'extension de la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2

(32) Dans sa décision d'ouvrir la procédure du 27 septembre 1994, la Commission a exprimé des doutes quant à l'applicabilité du principe de l'investisseur privé aux interventions publiques et à la compatibilité des aides en cause avec le marché commun. Il est possible de résumer comme suit les motifs qui ont amené la Commission à engager la procédure.

(33) En ce qui concerne les interventions effectuées en 1994, la Commission a observé que le gouvernement italien s'engageait à faire en sorte que REL cède sa participation dans Seleco à des actionnaires privés avant le 20 décembre 1995, conformément à la décision du 20 mai 1992. Elle a constaté que la recapitalisation avait eu pour effet de remplacer un actionnaire public (REL) par un autre actionnaire public (Friulia). Les informations en sa possession ne permettaient pas à la Commission d'affirmer que Friulia SpA et les banques publiques concernées sortiraient du capital de Seleco avant le 20 décembre 1995. La Commission a, en outre, rappelé que, dans cette même décision du 20 mai 1992, elle avait affirmé "qu'elle adopterait par principe une position négative pour toute autre nouvelle intervention mise en place par les autorités italiennes dans un secteur qui a bénéficié d'aides pendant une si longue période". Or, la renonciation partielle de REL aux créances qu'elle détenait sur Seleco équivalait à l'octroi d'une nouvelle aide, car elle permettait de facto l'opération de recapitalisation de Seleco par Friulia, Sofin et les banques.

(34) En raison du caractère temporaire de la participation actionnariale de Friulia et des banques, la Commission doutait à la fois de la rentabilité de l'investissement et du respect des lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté(6).

(35) Dans le cadre de l'extension de la procédure décidée le 3 février 1998, la Commission s'est interrogée sur la pertinence des taux choisis pour le rachat par Seleco de la dette restante qu'elle avait envers REL ainsi que du prêt convertible accordé par Friulia. En effet, pour ce qui est de la première opération, les autorités italiennes estimaient que le taux de 19 % reflétait exactement les risques économiques élevés liés à la situation économique de la société (Seleco en l'occurrence). En ce qui concerne la seconde opération, elles soutenaient qu'un taux de 7 % correspondait au taux pratiqué sur le marché pour une entreprise placée dans les mêmes conditions que Seleco.

(36) Toujours dans le cadre de l'extension de la procédure, la Commission a également émis des doutes quant à l'applicabilité du principe de l'investisseur privé à l'acquisition, par Friulia et Italtel, des deux lots d'actions de la société Multimedia.

III.2. La position des autorités italiennes

(37) Les autorités italiennes estiment que le fait pour REL de renoncer au remboursement d'une partie de ses créances (16 milliards de lires sur un total de 82 milliards) est conforme au principe de l'investisseur privé opérant dans des conditions normales de marché.

(38) En effet, la décision de la Commission du 20 mai 1992 faisait obligation à REL de sortir du capital de Seleco. En outre, selon la loi italienne, REL, en liquidation depuis le 9 décembre 1992, était uniquement tenue de payer ses dettes et de chercher à récupérer dans toute la mesure du possible les créances qu'elle avait sur d'autres sociétés du secteur électronique. Or, à la suite des très mauvais résultats enregistrés en 1993, le choix de REL, comme du reste celui de tous les autres actionnaires, se résumait soit à provoquer la faillite de Seleco, soit à assurer la poursuite de l'activité de la société. Compte tenu de la décision susmentionnée de la Commission, REL ne pouvait pas participer à la recapitalisation de la société, mais seulement à la couverture des pertes relatives à l'exercice 1993 en abandonnant une partie de ses créances. Cette solution lui permettait de récupérer autant de créances que possible.

(39) Par ailleurs, les autorités italiennes affirment que REL n'a pas renoncé à ses créances sans obtenir de contrepartie de la part des autres actionnaires. Ces derniers s'étaient en effet engagés à souscrire à la recapitalisation à concurrence de 45 milliards de lires et à rembourser par la suite à REL la dette restante (65,2 milliards de lires).

(40) La contribution de Friulia à la recapitalisation de Seleco en 1994 s'est élevée à 13 milliards de lires, dont 6 milliards correspondaient à la conversion en actions d'un prêt du même montant et 7 milliards constituaient du capital neuf. Les autorités italiennes justifient cette opération par le risque de ne pas pouvoir récupérer le prêt en intégralité en cas de faillite de Seleco. Afin de vérifier la rentabilité de l'investissement et de connaître les perspectives d'évolution économique de Seleco entre 1994 et 1998, Friulia avait commandé une étude à un consultant indépendant (Peat Marwick). Sur la base des éléments en sa possession, Friulia a conclu que la situation de l'entreprise allait s'améliorer progressivement grâce au plan de restructuration élaboré par l'actionnaire privé pour la période 1993-1996. Les autorités italiennes estiment, par conséquent, que Friulia s'est comportée comme un investisseur privé et soulignent de surcroît que l'actionnaire privé de Seleco (SOFIN) était prêt à réinvestir dans la société, car il était convaincu de sa viabilité économique et financière.

(41) Un consortium de banques, en majorité privées, convaincues, selon les autorités italiennes, de la viabilité économique et financière à court terme de la société, a également participé à la recapitalisation de Seleco à hauteur de 10,5 milliards de lires.

(42) Le prêt convertible de 12 milliards de lires au taux annuel de 7 % octroyé le 19 avril 1996 par Friulia est garanti par un gage sur les quatre marques industrielles de Seleco (Seleco, Brionvega, Elbe et Tandberg). Selon les autorités italiennes, ce prêt est tout à fait justifié, étant donné qu'un consortium de banques, en majorité privées, avait souscrit en faveur de Seleco un prêt obligataire convertible du même montant au taux de 5 %.

(43) Le rachat par Seleco, en juin 1996, de la dette restante de 66 milliards de lires qu'elle avait envers REL, pour un montant de 20 milliards de lires, se justifie, selon les autorités italiennes, par l'application d'un taux d'actualisation de 19 %. Ce taux est obtenu par l'addition d'un taux de base de 13-14 % - qui correspond au taux pratiqué à l'époque par les banques pour les prêts immobiliers garantis par une hypothèque et pour les crédits à moyen terme dotés de garanties - et d'un spread de 5-7 %, reflétant les difficultés du groupe Seleco et du secteur où il exerçait ses activités.

(44) En ce qui concerne la décision d'Italtel d'acquérir 33,33 % des actions de Multimedia, les autorités italiennes affirment qu'elle n'a pas pu être prise sans l'approbation explicite de l'actionnaire privé de cette société (Siemens AG).

(45) Les autorités italiennes ont signalé que SOREC, actionnaire qui détenait 87 % de Seleco après la recapitalisation de 1996, est une société privée. Il convient de noter que cette société est en liquidation volontaire depuis le 28 juillet 1997.

(46) L'échec du plan de restructuration relatif à la période 1993-1996 serait dû, entre autres, à la situation difficile prévalant dans le secteur de l'électronique grand public, où le groupe exerçait ses activités.

(47) Seleco aurait créé Multimedia avant tout pour s'associer à la seule autre entreprise italienne fabriquant le même genre de produits (vidéoprojecteurs, moniteurs et décodeurs), à savoir Italtel, et profiter ainsi de la mise en commun du savoir-faire technique et de la clientèle que Seleco avait sur ce marché. La vente des actions de Multimedia permettait par ailleurs à Seleco de se procurer une partie des liquidités dont le groupe avait besoin pour couvrir les pertes de 1995.

(48) La faillite de Seleco a eu lieu au début de 1997. Ses dettes s'élèvent à quelque 154 milliards de lires, dont 43 % sont assortis de privilèges. Ont été admis à la première répartition partielle des actifs représentant un montant de 40 milliards de lires, effectuée avant la fin de 1998, les créanciers privilégiés suivants: les salariés, qui ont obtenu 28,2 milliards de lires, Medio Credito (banque publique), qui a obtenu 8,5 milliards de lires plus 1 milliard d'intérêts, et Banca Antoniana (banque privée), qui a reçu 1,1 milliard de lires.

(49) Enfin, l'administrateur judiciaire a entamé une action révocatoire à l'encontre du rachat de la dette restante de 65,2 milliards de lires que Seleco avait envers REL pour un montant de 20 milliards de lires. Le tribunal a supprimé le caractère privilégié de la dette de 13 milliards que Seleco avait contractée auprès de Friulia. Cette dernière a reçu 1 milliard de lires à titre de compensation pour la perte du gage sur les quatre marques industrielles de Seleco qui lui avaient été données en garantie.

IV. APPRÉCIATION DE L'AIDE

(50) L'article 87, paragraphe 1, du traité et l'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE disposent que, sauf dérogations, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

(51) Pour les raisons exposées ci-après, la Commission estime qu'une partie des mesures faisant l'objet de la présente procédure constituent des aides d'État incompatibles avec l'article 87, paragraphe 1, du traité CE et l'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE. En effet, il s'agit de mesures financées au moyen de ressources d'État, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence, car elles constituent un avantage économique dont d'autres producteurs n'ont pas pu bénéficier. Cet avantage a permis au bénéficiaire de se maintenir artificiellement sur le marché sans avoir à supporter une partie importante des charges financières nécessaires à cette fin. Les mesures en cause affectent également les échanges intracommunautaires, puisque l'entreprise bénéficiaire avait des sociétés apparentées dans de nombreux États membres et que la production était aussi destinée à d'autres pays de l'EEE.

(52) Après des années de croissance, le secteur européen de l'électronique grand public a commencé à décliner en 1992. La consommation a diminué de 4 milliards d'écus et la production de 2,5 milliards d'écus. Les effectifs ont chuté beaucoup plus sensiblement que dans le secteur manufacturier, tandis que le coût du travail a augmenté plus rapidement que la productivité (44 % contre 33 %)(7).

(53) La récession économique a provoqué un ralentissement de la croissance, un renforcement de la concurrence et une baisse sensible des prix. Le marché s'est retrouvé excédentaire, car la chute des prix avait favorisé la diffusion des produits électroniques. Selon le Panorama de l'industrie de l'Union européenne, la demande pouvait, en 1994, être divisée en deux segments: le haut de gamme et le bas de gamme. Les clés du succès sont devenues, pour le premier segment, le prix, le service après-vente et la qualité de la distribution et, pour le second, l'amélioration de l'image commerciale et l'extension des réseaux de distribution en faveur des grandes surfaces.

(54) 1993 a été la deuxième année de déclin pour le secteur italien(8) de l'électronique grand public (baisse des ventes de 11,6 % en valeur). Cette chute s'explique par les mêmes raisons qu'au niveau européen, mais l'érosion des prix a été plus rapide en Italie que dans les autres États membres. Sur le marché italien, les concurrents de Seleco ont investi des sommes plus importantes dans la publicité et la recherche et le développement, et certains d'entre eux (Thomson, Grundig et Blaupunkt) ont même lancé de nouveaux produits. La distribution se faisait principalement par le biais du petit commerce, mais, comme ailleurs en Europe, les grandes surfaces ont commencé à s'imposer comme le principal réseau de vente.

(55) Selon le Panorama de l'industrie de l'Union européenne de 1994, les prévisions pour les années suivantes (1994-1997) étaient encore très sombres. À court terme, les opérateurs misaient sur la baisse des prix, la rationalisation de la production, l'amélioration de la qualité des produits existants et le lancement de nouveaux produits. À long terme, la stratégie gagnante consistait à faire porter ses efforts sur la recherche et le développement.

(56) Les prévisions pour le marché italien étaient similaires. Selon Euromonitor de février 1994, l'économie italienne devait continuer à décroître et la récession économique à faire sentir ses effets tout au long de l'année 1994. Toujours d'après Euromonitor de février 1994, le secteur des téléviseurs devait connaître l'évolution suivante en termes de volume:

>TABLE>

(57) Les aides en question n'ont pas été octroyées sur la base d'un régime approuvé par la Commission et, en violation de l'article 88, paragraphe 3, elles ont été accordées sans notification préalable. Elles sont donc illégales. Cette conclusion vaut également pour la contribution - à concurrence de 13 milliards de lires - de Friulia à la recapitalisation de Seleco en 1994, qui, bien qu'elle ait été notifiée, a été mise en oeuvre avant que la Commission ne se soit prononcée à son sujet.

(58) Comme il s'agit d'apports de capitaux publics, la Commission doit vérifier si les autorités publiques se sont comportées comme l'aurait fait un investisseur privé opérant dans les conditions normales d'une économie de marché.

(59) Conformément aux lignes directrices relatives aux apports en capital réalisés par l'État(9), une prise de participation des pouvoirs publics au capital d'une entreprise ne constitue pas, en général, une aide d'État lorsque cette opération se réalise dans des circonstances qui seraient acceptables pour un investisseur privé opérant dans les conditions normales d'une économie de marché (point 3.2). En application de ce principe, l'examen de la situation financière de l'entreprise et de ses perspectives de rentabilité à terme permettent d'établir si l'intervention publique constitue ou non une aide d'État.

IV.1. L'abandon de créances partiel de REL en 1994

(60) En 1994, REL a abandonné une partie de ses créances sur Seleco (16,8 milliards de lires sur un total de 82 milliards) pour permettre à l'entreprise de poursuivre ses activités. Selon les autorités italiennes, REL préservait ainsi l'essentiel de ses créances, qu'elle aurait récupérées ultérieurement, lorsque la situation financière de Seleco se serait améliorée.

(61) La Commission constate toutefois que, comme l'observe le rapport annuel de la société relatif à 1993, les actionnaires de Seleco, dont le plus important était REL, avaient décidé au début de 1994 de procéder à la liquidation de la société au vu des résultats financiers particulièrement mauvais de l'exercice. Les pertes étaient en effet une fois et demie supérieures au capital social. Toujours selon ce rapport, la décision de liquider Seleco n'a pas été mise en oeuvre en raison des actions menées par les salariés et de l'intervention subséquente des autorités publiques, en particulier de la présidence du Conseil des ministres, afin de faire revenir les actionnaires sur leur décision. Suite à cette intervention, les actionnaires, contrairement à leur décision initiale, ont procédé à une nouvelle recapitalisation de Seleco et REL a couvert les pertes de la société en abandonnant en partie les créances qu'elle avait sur elle (16,8 milliards de lires sur un total de 82 milliards).

(62) Par conséquent, l'argument des autorités italiennes selon lequel REL, comme l'aurait fait tout autre créancier privé, était intervenue pour éviter la mise en liquidation de Seleco et préserver la plus grande partie de ses créances sur la société ne saurait être accepté par la Commission. En effet, même si la réglementation italienne permettait aux actionnaires d'éviter la liquidation et de recapitaliser la société en essuyant les pertes, il est évident que, sans l'intervention politique des autorités italiennes et celle subséquente et contrainte de REL, les autres actionnaires n'auraient pas investi une nouvelle fois dans une société qui, alors qu'elle avait bénéficié d'aides publiques pendant plus de dix ans, n'avait pas cessé d'enregistrer des résultats négatifs tout au long de la période (si l'on excepte des profits très bas lors des exercices 1991 et 1992). La décision de procéder à la liquidation de la société prise par tous les actionnaires en 1994, y compris REL, actionnaire de référence (59 %) à cette époque, ne peut s'expliquer que par la conviction de ceux-ci, qui étaient les mieux placés pour se prononcer sur la situation réelle de leur entreprise, que la survie de Seleco leur coûterait beaucoup plus cher que sa liquidation définitive et que, de toute façon, la société n'était pas viable à long terme. La liquidation de Seleco devait, en particulier, permettre à REL, qui devait sortir de son capital à partir de l'exercice 1994 et était à l'époque le principal créancier de la société, de récupérer la plus grande partie de ses créances.

(63) Il ressort donc des considérations qui précèdent que les opérations de REL - tant celle de 1994, qui était contraire à son intention initiale et qui a consisté, pour elle, à renoncer partiellement à ses créances (16,8 milliards de lires sur un total de 82 milliards), que celle de 1996, à savoir le rachat par Seleco de la dette restante de 65,2 milliards de lires pour un montant de 20 milliards de lires - ne sont que la conséquence directe de l'intervention des autorités politiques en 1994, dont l'objectif était d'éviter à tout prix la liquidation de Seleco. Dans ces conditions, le fait que REL ait accepté de renoncer à 16,8 milliards de lires en 1994 et d'attendre jusqu'à 2015 pour récupérer le solde équivaut à un abandon total de sa créance (de 82 milliards de lires) et donc à une aide de ce montant. En effet, le comportement de REL non seulement est contraire au principe de l'investisseur privé, mais doit aussi être considéré a priori comme une aide d'État, conformément aux lignes directrices relatives aux apports en capital réalisés par l'État (point 3.3), la situation financière de l'entreprise et le volume de l'endettement étant tels que les autres investisseurs de Seleco (tant privés que publics) n'étaient pas prêts à investir une nouvelle fois dans dette dernière. La décision des autres investisseurs (privés à hauteur de 37 % du capital) de procéder à la recapitalisation de la société, après que REL en eut essuyé les pertes, alors que cette obligation leur incombait à eux également, ne modifie en rien les conclusions présentées ci-dessus(10). La Commission considère que la recapitalisation de Seleco en 1994 n'aurait pas eu lieu sans l'engagement préalable de REL de couvrir la totalité des pertes par le biais de l'abandon partiel de ses créances sur la société. Cet engagement équivalait de facto à une renonciation totale, étant donné qu'il était très probable que la société serait définitivement liquidée à brève échéance. Cette liquidation est d'ailleurs effectivement intervenue trois ans plus tard. La circonstance que REL ait essayé en 1996 de récupérer une partie du solde (20 milliards de lires sur un total de 65,2 milliards), opération contre laquelle l'administrateur judiciaire a engagé une action révocatoire sur la base de l'article 67 du RD no 267 du 16 mars 1942(11) (ci-après dénommé "la loi sur la faillite"), au motif que REL, au moment de la conclusion de l'accord, devait forcément connaître l'état d'insolvabilité de Seleco, ne fait que confirmer le bien-fondé de la position de la Commission.

IV.2. La conversion d'une créance en actions de Seleco et l'apport de capitaux par Friulia en 1994

(64) Dans le cadre de la recapitalisation de Seleco intervenue en 1994, Friulia a converti en actions le prêt de 6 milliards de lires qu'elle avait concédé en 1992 pour une période de cinq ans au taux de 9,55 % et a apporté de nouveaux capitaux pour un montant de 7 milliards de lires. Grâce à ces interventions, sa participation dans le capital de Seleco est passée de 3,7 à 28,8 %. Les autorités italiennes justifient cette intervention en invoquant le principe de l'investisseur privé. D'une part, Friulia aurait agi ainsi pour ne pas compromettre le remboursement de sa créance, qui, contrairement à celle de REL, était garantie à hauteur de 3 milliards de lires par la banque (privée) Friuladria, laquelle avait à son tour une garantie de Seleco pour un montant de 2 milliards de lires. D'autre part, Friulia était convaincue, sur la base de l'expertise du plan de restructuration relatif à la période 1993-1996 effectuée par une société indépendante, que son investissement serait rentable. Les autorités italiennes soutiennent donc que le comportement de Friulia serait cohérent, car l'actionnaire privé s'était une nouvelle fois montré disposé à investir 19 milliards de lires dans Seleco.

(65) La Commission estime que ses conclusions quant à la qualification d'aide d'État de la renonciation partielle de REL à ses créances sur Seleco s'appliquent également à l'intervention de Friulia. Cette dernière comptait au nombre des actionnaires de Seleco qui, selon le rapport annuel de 1993, avaient décidé de mettre la société en liquidation. Par ailleurs, Friulia était aussi créancier de Seleco, mais, contrairement à REL, une grande partie de sa créance, dix fois moins élevée que celle de REL, était garantie. En cas de liquidation, Friulia aurait récupéré une partie proportionnellement plus importante de sa créance que REL. L'argument de la sauvegarde d'une créance existante ne saurait donc être retenu par la Commission.

(66) Comme il a été indiqué lors de l'ouverture de la procédure, la participation de Friulia revêtait un caractère temporaire. De plus, le prix d'achat des actions de Friulia avait été convenu avec Sofin et, selon les autorités italiennes, il ne dépendait pas "des variations de la valeur ou du nombre des actions achetées par Friulia". La rémunération convenue était égale au prix d'achat payé par Friulia, actualisé a 75 % de la moyenne des taux de référence du ministère du Trésor, plus 1 %. Or, conformément au point 3.3 des lignes directrices relatives aux apports en capital réalisés par l'État, la prise de participation temporaire de l'État dont la durée et le prix de cession sont fixés d'avance, de telle sorte que le rendement qui en résulte pour l'apporteur de capital est sensiblement inférieur à la rétribution qu'il aurait été en droit d'attendre d'un placement pour une durée comparable sur le marché des capitaux, constitue a priori une aide d'État. Dans la présente procédure, les autorités italiennes n'ont jamais soutenu ni démontré que la rémunération de la participation de Friulia était supérieure ou égale à celle qu'elle aurait été en droit d'attendre d'un placement pour une durée comparable sur le marché des capitaux. Il s'ensuit que cette participation est une aide d'État.

IV.2.1. Évaluation par la Commission de l'étude commandée par Friulia et du plan de restructuration de Seleco pour la période 1993-1996

(67) La Commission estime avoir déjà fait la preuve que la participation de Friulia à la recapitalisation de Seleco intervenue en 1994 ne correspond pas à la logique d'un investisseur privé. Elle doit cependant analyser aussi l'argument des autorités italiennes selon lequel Friulia, comme aurait pu l'être tout investisseur privé, était convaincue de la rentabilité de son investissement. Cette société avait en effet commandé une étude du plan de restructuration de Seleco et avait décidé de participer à l'opération de recapitalisation sur la base de l'appréciation qu'elle avait faite de la viabilité de l'entreprise.

(68) Le plan de restructuration portant sur la période 1993-1996 est le deuxième depuis le début de la décennie. Le premier, qui couvrait les années 1990-1993, prévoyait un retour à un bénéfice significatif en 1993. S'appuyant sur l'hypothèse d'une recapitalisation de 45 milliards de lires, ce second plan envisageait un retour à la profitabilité dès 1995, c'est-à-dire après résorption des coûts de restructuration résiduels pendant l'exercice 1994. Ce plan avait pour grandes lignes d'action une concentration du processus de production, une diminution des coûts, une réorganisation et une réduction des effectifs ainsi qu'un investissement dans la recherche et le développement. De façon générale, le plan prévoyait de réduire de 20 % la production des téléviseurs couleur ainsi que d'augmenter de 75 % celle des décodeurs (qui devaient être vendus sur d'autres marchés européens) et de 33 % celle des moniteurs et des vidéoprojecteurs (qui devaient être écoulés sur des marchés non européens, comme les États-Unis d'Amérique ou la Chine). Le plan prévoyait aussi une diminution des effectifs de 267 unités dans l'établissement de Pordenone.

(69) À la demande de Friulia, ce plan de restructuration a été examiné par une société d'expertise indépendante (KPMG Peat Marwick Corporate Finance), qui a conclu que le plan de restructuration de Seleco était trop ambitieux en raison tant de la situation de l'entreprise que des hypothèses sur lesquelles il s'appuyait.

(70) Cette étude indépendante indique, en outre, que la structure commerciale, économique et financière de Seleco présentait de grandes faiblesses structurelles. En premier lieu, dans un secteur à haute intensité de main-d'oeuvre, la structure des effectifs était inadaptée, la proportion de cadres étant trop élevée, et ce principalement en raison de la structure complexe du groupe (dix sociétés apparentées en activité et six en liquidation).

(71) La société ne parvenait pas à faire aboutir ses projets de recherche et de développement dans un secteur où cet élément est fondamental pour garantir la pérennité de l'activité. À titre d'exemple, l'entreprise n'avait pas réussi à réaliser de nouveaux boîtiers pour téléviseurs depuis plus de deux ans, alors qu'il était impératif de renouveler régulièrement cette partie du produit. L'étude souligne que Seleco n'avait développé aucune stratégie pour la phase de conception et de commercialisation des nouveaux produits. À cela s'ajoute le fait que la société était totalement tributaire des autres grands producteurs du secteur en ce qui concerne les composants de base de ses produits, ce qui l'exposait aux variations de production et aux variations financières.

(72) L'étude met en évidence la lourde influence de REL dans le financement du groupe, surtout entre 1991 (52 % de la position financière dépendaient des prêts de REL) et 1993 (42 %). Les crédits de REL se caractérisaient par un coût extrêmement bas, largement inférieur aux taux pratiqués sur le marché. On peut donc se demander quelles auraient été les conséquences du désengagement prévisible de REL de Seleco et dans quelle mesure cette dernière aurait pu recourir au marché des capitaux pour ses besoins de financement.

(73) Les hypothèses sur lesquelles le plan reposait ne tenaient pas compte des faiblesses du groupe. Avant tout, le plan misait sur une baisse des coûts de production, ce qui supposait une diminution du coût du travail. L'étude souligne que, à la fin de 1993, Seleco avait diminué le coût du travail grâce à des licenciements. Le plan prévoyait d'adopter la même stratégie (contrats de solidarité) pour l'avenir. Ces prévisions n'étaient pas réalistes, car Seleco donnait pour acquis que ces contrats seraient conclus au niveau national, ce qui, selon l'étude, était fort improbable.

(74) La stratégie du groupe était axée sur l'amélioration de l'image de la société, qui s'était détériorée à la suite des mauvais résultats enregistrés les années précédentes. Ces investissements avaient un caractère stratégique, le changement du canal de distribution au profit des grandes surfaces ne pouvant pas améliorer la façon dont les produits étaient perçus par les consommateurs. Ces derniers ont toujours attaché une grande importance au service après-vente de bonne qualité que leur offraient les commerces spécialisés. L'étude souligne qu'il aurait fallu des investissements considérables en publicité, sans pouvoir pour autant compter sur des résultats immédiats.

(75) Le succès du plan reposait donc sur l'importance des moyens financiers engagés et sur des facteurs externes sur lesquels la société n'avait aucun contrôle, comme le fort pouvoir contractuel des grands magasins et le recours aux contrats de solidarité.

(76) En guise de conclusion, l'étude précisait ce qui suit:

- les prévisions selon lesquelles la contraction significative du volume des ventes serait compensée par une hausse des prix de 8 % à compter de la seconde moitié de 1994 étaient infondées,

- Seleco n'avait pas les moyens de lancer ses produits en les présentant comme des produits "technologiques de qualité",

- l'hypothèse liée à l'augmentation des prix ne tenait pas compte de la force contractuelle des grandes surfaces et donc de la diminution subséquente des marges bénéficiaires de Seleco, point faible de la société depuis toujours. En effet, le positionnement de Seleco sur le moyen de gamme ne lui a jamais permis de s'affirmer ni au niveau des marges (prix élevés) ni au niveau des quantités (parts de marché insuffisantes),

- le développement du seul secteur effectivement rentable de Seleco (produits professionnels), dont la croissance devait être de 21 % en 1995, risquait d'être ralenti par la crise financière du groupe.

(77) La Commission constate que la stratégie de Seleco n'était pas adaptée à la situation. En 1994, il fallait se positionner soit sur le très haut de gamme, soit sur le très bas de gamme, et choisir, en fonction du produit, le réseau de distribution le plus approprié. Or, Seleco, qui fabriquait des produits bas de gamme et milieu de gamme, voulait concurrencer les produits haut de gamme dans les grandes surfaces. Cela ne répondait à aucune logique commerciale, car ses produits ne se différenciaient pas de ceux de la concurrence et ils n'auraient que difficilement pu attirer l'attention du consommateur, du fait qu'ils n'étaient pas mis en valeur comme dans un magasin spécialisé.

(78) La stratégie de Seleco se fondait sur des hypothèses incorrectes en matière d'évolution des prix. Toutes les études, y compris celle commandée par Friulia, s'accordaient à juger une augmentation de cette envergure impossible et estimaient, au contraire, que les prix allaient continuer à baisser jusqu'à la fin de l'année avant de recommencer à augmenter à un rythme légèrement inférieur à celui indiqué dans le plan (2 %). Pour résorber les coûts de restructuration résiduels au cours de l'exercice 1994, comme le prévoyait le plan, il aurait fallu une augmentation spectaculaire du chiffre d'affaires, ce qui n'était pas probable compte tenu du passé, des perspectives d'évolution de Seleco et du marché dans lequel elle était active.

(79) Il ressort de ce qui précède que, même si Seleco avait eu les moyens de réaliser les objectifs fixés par le plan, il aurait fallu pour cela beaucoup plus de temps que prévu. Compte tenu des prévisions concernant ses résultats, des apports supplémentaires auraient été nécessaires de la part des actionnaires. Aucun élément ne montre (et les autorités italiennes ne l'ont pas soutenu) que Seleco avait les ressources requises pour permettre sa survie pendant la mise en oeuvre du plan. L'étude commandée par Friulia ne se prononce pas non plus à ce sujet.

(80) Étant donné que le plan d'entreprise reposait sur des hypothèses irréalistes et des stratégies inadaptées, la même remarque vaut aussi pour les prévisions relatives au bilan.

(81) La Commission estime que l'étude commandée par Friulia était appropriée et raisonnable et que l'expert, sur la base du plan de restructuration et des conditions et perspectives d'évolution du marché, a présenté les conclusions qui s'imposaient concernant la viabilité future de l'entreprise. La Commission constate que le bien-fondé de cette expertise se trouve corroboré par l'évaluation qu'elle a elle-même effectuée.

(82) L'évolution de la société pendant les deux années qui ont suivi confirme cette appréciation. Plus de la moitié des téléviseurs couleur et des décodeurs produits par Seleco sont restés invendus, et seul le secteur des moniteurs et des vidéoprojecteurs a connu une croissance.

(83) Dans ces conditions, la Commission conclut que Friulia ne pouvait pas s'attendre, pour son investissement, à un rendement acceptable pour un investisseur privé dans les conditions normales de marché. Par conséquent, l'apport de 13 milliards de lires de Friulia dans le capital de Seleco constitue, dans sa totalité, une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

IV.3. L'intervention des banques publiques en 1994

(84) Un consortium de banques, en majorité privées, a participé pour un montant de 10,5 milliards de lires à la recapitalisation de Seleco. Le protocole d'accord entre ces banques et les anciens actionnaires de Seleco confirme clairement que l'intervention des banques avait un caractère purement complémentaire. Les banques en question ont en effet accepté de participer au capital de Seleco après avoir obtenu l'engagement ferme des anciens actionnaires de la société (REL, Sofin et Friulia) que les pertes de l'exercice précédent seraient couvertes par REL et que les autres actionnaires apporteraient 35 milliards de lires. Elles ont aussi accepté de renégocier le remboursement des dettes de Seleco, proportionnellement aux créances qu'elles détenaient.

(85) Comme les différentes banques, tant publiques que privées, ont souscrit une augmentation de capital proportionnelle à leurs créances sur Seleco ( 162 milliards de lires, soit environ 40 % de l'endettement total de la société au 31 décembre 1993), la Commission conclut que leur intervention était inévitable et visait surtout à la sauvegarde desdites créances. Il y a donc lieu de conclure que l'intervention des banques ne relève pas du champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

IV.4. Le rachat de la dette restante contractée auprès de REL en 1996

(86) En 1996, Seleco a racheté à REL la dette de 65,2 milliards de lires qu'elle avait encore à son endroit pour un montant de 20 milliards de lires.

(87) Une analyse de cette opération sur la base de ses propres caractéristiques pourrait amener à conclure que le bénéfice tiré par Seleco est égal à la différence entre le taux choisi pour actualiser la dette (19 %), qui, comme il a été affirmé dans le cadre de l'extension de la procédure, tient doublement compte du risque, et le taux qui aurait été appliqué par un investisseur privé, à savoir le taux réel du marché majoré d'une prime de risque raisonnable. Toutefois, pour les raisons exposées au point IV.1, la Commission considère que cette deuxième opération n'est que le prolongement dans le temps de la première et qu'elle est tout aussi incompatible que celle-ci avec le principe de l'investisseur privé.

(88) En tout état de cause, la Commission remarque que la date d'échéance (2015) de la dette restante (65,2 milliards de lires) et la période au cours de laquelle le rachat de cette dernière a eu lieu, soit environ dix mois avant la faillite de Seleco, a conduit les administrateurs judiciaires à engager une action révocatoire contre l'opération (sur la base de l'article 67 de la loi sur la faillite), car ils étaient convaincus que REL, actionnaire de Seleco jusqu'en 1994, ne pouvait pas ignorer en 1996 l'état d'insolvabilité de la société.

(89) Par conséquent et eu égard aux considérations présentées au point IV.1, la totalité des créances (non récupérées ou récupérées sub judice de REL sur Seleco doivent être considérées comme des aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

IV.5. Le prêt convertible concédé par Friulia en 1996

(90) Il s'agissait d'un prêt de 12 milliards de lires, d'une durée de cinq ans et au taux de 7 %. Quatre marques industrielles qui étaient la propriété de Seleco ont été données en garantie à Friulia. Selon les autorités italiennes, Friulia se serait comportée comme un investisseur privé, puisqu'un consortium de banques, privées pour la plupart, avait concédé à Seleco, probablement la même année - les autorités n'ont jamais précisé le moment de cette intervention, un prêt obligataire de 12 milliards de lires au taux de 5 %.

(91) La Commission estime que la comparaison entre le comportement de Friulia et celui des banques n'est pas pertinente. Tout d'abord, contrairement à la société de développement régional, les banques qui ont acheté les obligations de Seleco avaient 20,5 milliards de lires de créances sur cette société, dont une petite partie seulement était garantie. Friulia, en revanche, n'avait aucune créance sur Seleco. Ensuite, la nature du prêt est différente (les autorités italiennes n'ont jamais démontré le contraire): les banques ont accordé un prêt obligataire et Friulia, un prêt convertible. À ce propos, la Commission remarque que, selon la loi italienne, lors de la liquidation d'une société en faillite, les créances relatives à un prêt obligataire sont prioritaires par rapport aux autres créances chirographaires. Par ailleurs, même si Friulia avait obtenu des garanties pour son prêt, celles-ci ont été annulées par le juge, puisque, conformément aux dispositions de l'article 67 de la loi sur la faillite, il a pu être démontré que Friulia connaissait, un an avant la faillite de Seleco, l'état d'insolvabilité de cette société. Contrairement à Friulia, les banques sont intervenues pour défendre leurs créances et parce que le secteur public (REL et Friulia) était intervenu pour un montant beaucoup plus élevé (60,5 milliards de lires contre 12 milliards).

(92) La Commission doute également du caractère adéquat des garanties. Comme il ressort de l'étude commandée en 1994 par Friulia (voir point IV.2.1 ), au cours des dernières années, l'image de Seleco s'était dégradée à un point tel que seuls des investissements publicitaires considérables auraient pu l'améliorer à long terme. La faible valeur des marques industrielles de Seleco a été confirmée par le prix auquel trois d'entre elles (Elbe exceptée) ont été vendues lors de la reprise des actifs de la société en liquidation: un peu plus de 1 milliard de lires. Par conséquent, même si la Commission ne peut pas fonder ses conclusions sur des analyses a posteriori, elle constate que, bien que leur valeur comptable soit beaucoup plus élevée, la valeur réelle de ces marques semble être très inférieure aux 12 milliards de lires prêtés. Aussi le taux d'intérêt aurait-il dû tenir compte non seulement de la situation précaire de Seleco (prime de risque), mais aussi de l'insuffisance des garanties réelles accordées par la société.

(93) Par ailleurs, la Commission remarque que, selon les informations fournies par les autorités italiennes elles-mêmes, le taux du marché variait à l'époque entre 13 et 14 pour des prêts similaires à celui octroyé par Friulia. En effet, lorsque ces autorités ont justifié le taux d'actualisation utilisé dans le cadre de l'opération de rachat par Seleco en 1996 de la dette qu'elle avait encore vis-à-vis de REL, elles ont affirmé que le taux de 19 % était l'addition d'un taux de base de 13-14 % - qui, en 1996, était le taux appliqué aux emprunts à moyen terme munis de garanties adéquates - et d'une prime de risque de 5 à 7 %, reflétant la situation de la société. La Commission en conclut que le taux utilisé par Friulia ne correspond pas au taux du marché.

(94) La Commission remarque de surcroît que Friulia n'a pas agi comme l'aurait fait un investisseur privé. Comme le montre clairement l'annulation de la garantie par le juge, Friulia savait pertinemment, au moment où elle a octroyé le prêt et compte tenu de la situation financière de Seleco, que son investissement ne serait jamais rentable. La Commission observe de plus que, au moment de l'octroi du prêt, Friulia, actionnaire de Seleco, ne pouvait pas ignorer que les seules activités rentables de cette dernière avaient déjà été regroupées au sein de Multimedia, un mois auparavant. Trois mois après l'octroi du prêt, Friulia a d'ailleurs acheté un tiers des actions de cette société.

(95) Il s'ensuit qu'un investisseur privé n'aurait pas octroyé le prêt en question et que la totalité des 12 milliards de lires constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

IV.6. Le prêt obligataire octroyé par un consortium bancaire en 1996

(96) En 1996, un consortium de banques, en majorité privées (71 %), a accordé à Seleco un prêt obligataire au taux de 5 %. Comme il s'agit de banques en majorité privées, dont le comportement échappe au champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité et que les banques publiques, minoritaires, ont appliqué les mêmes conditions que les banques privées, il y a lieu de conclure que cette intervention ne relève pas de l'article 87, paragraphe 1, du traité. Par ailleurs, la Commission constate que les banques du consortium, au moment de la faillite, détenaient sur Seleco des créances pour un montant de 20,5 milliards de lires. Elle peut donc admettre que leur intervention était forcée et visait principalement à la sauvegarde desdites créances.

IV.7. L'investissement de Friulia et d'Italtel dans Multimedia

(97) Vu les conditions dans lesquelles Multimedia a été constituée, les investissements d'ltaltel (qui a dû obtenir l'accord de son actionnaire privé, Siemens, pour pouvoir acquérir une participation dans Multimedia) et de Friulia ne contenaient pas en soi d'éléments d'aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité. En effet, il s'agit de prises de participation dans une entreprise qui devait exercer ses activités dans un segment particulièrement dynamique et porteur, comme l'indique le point II.1.3.

V. COMPATIBILITÉ DES AIDES AVEC LE MARCHÉ COMMUN

(98) Les aides octroyées en 1994 et en 1996 par REL et Friulia ne peuvent pas être considérées comme compatibles avec le marché commun sur la base des dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 2, du traité, car elles ne constituent ni des aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels ni des aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires. Elles ne peuvent pas non plus bénéficier de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 2, point c), ni des dérogations de l'article 87, paragraphe 3, points a), b) et d). Le bénéficiaire ne se trouve pas dans une région assistée au sens de l'article 87, paragraphe 3, points a) ou c), étant donné que les aides ne sont pas destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun, à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre ou à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine.

(99) La Commission doit donc se limiter à examiner si les aides susmentionnées peuvent bénéficier de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point c), et, en particulier, si elles peuvent être considérées comme des aides au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté. En effet, compte tenu de sa situation économique, Seleco est une entreprise en difficulté.

(100) Pour que la Commission puisse approuver une aide à la restructuration, il convient de démontrer que le bénéficiaire est une entreprise en difficulté remplissant les critères fixés dans les lignes directrices communautaires pertinentes (voir considérant 34 de la présente décision). En outre, il est indispensable qu'il y ait un plan de restructuration conforme aux conditions générales définies au point 3.2.2 des lignes directrices pertinentes. La Commission doit d'abord être convaincue que le rétablissement de la rentabilité économique et financière de Seleco était probable en 1994 et que le plan de restructuration reposait sur des hypothèses réalistes. Elle doit, ensuite, s'assurer que l'aide n'ait pas provoqué de distorsions de concurrence et qu'elle ait été proportionnée aux coûts et avantages de la restructuration.

(101) Selon les lignes directrices, il convient d'entendre par "entreprise en difficulté" une entreprise incapable d'assurer son redressement avec ses propres ressources ou avec des fonds obtenus auprès de ses actionnaires. La fragilité financière est généralement imputable aux mauvais résultats enregistrés dans le passé et à des perspectives d'avenir assez sombres. Les signes habituels en sont la baisse de rentabilité ou le niveau croissant des pertes, la diminution du chiffre d'affaires et l'endettement croissant. Il ressort du point II de la présente décision que Seleco doit être considérée comme une entreprise en difficulté au sens des lignes directrices.

(102) Pour les raisons exposées au point IV.2.1, la Commission considère que le plan de restructuration de Seleco reposait sur des hypothèses irréalistes et une stratégie inadaptée et incohérente en ce qui concerne le positionnement de la société. Les prévisions relatives aux conditions d'exploitation futures s'appuyaient pour une partie significative sur des éléments extérieurs à l'entreprise, sur lesquels cette dernière n'exerçait aucun contrôle. Alors même qu'elle était active sur certains segments en croissance (produits professionnels et magnétoscopes), Seleco a concentré ses efforts sur le seul secteur parvenu à son niveau de saturation, à savoir celui des téléviseurs couleur.

(103) Comme le critère du retour à la viabilité prévu par les lignes directrices applicables n'est pas respecté dans le cas de Seleco, il est inutile de procéder à l'examen des autres critères. La Commission souhaite cependant faire quelques observations à ce sujet.

(104) La compatibilité des aides à la restructuration avec le marché commun suppose l'adoption de mesures destinées à en atténuer autant que possible les conséquences défavorables pour les concurrents. Or, Seleco a bénéficié d'aides publiques pendant une dizaine d'années, sans que sa situation se soit significativement améliorée. Cette dépendance par rapport aux aides publiques avait d'ailleurs amené la Commission à mettre en garde les autorités italiennes contre l'octroi de toute nouvelle aide d'État à la société. Dans sa décision du 20 mai 1992, la Commission avait, en effet, averti ces autorités que toute nouvelle aide ferait l'objet d'une décision négative de sa part. Il convient donc de considérer que ce critère n'a pas été rempli.

(105) Selon les lignes directrices, le montant et l'intensité de l'aide doivent être limités au strict minimum nécessaire pour permettre la restructuration et doivent être en rapport avec les avantages escomptés du point de vue communautaire. Pour ces raisons, les bénéficiaires de l'aide doivent normalement contribuer de manière importante au plan de restructuration sur leurs propres ressources ou par un financement extérieur obtenu aux conditions du marché. En l'espèce, lors de la recapitalisation de 1994, la contribution du secteur public s'est élevée à 49 %, contre 51 % pour le secteur privé. Or, sans la contribution publique, les actionnaires privés n'auraient pas accepté une nouvelle recapitalisation de la société, les actionnaires ayant déjà conclu que la liquidation de Seleco était la meilleure solution.

(106) Suite à l'échec du plan de restructuration, qui était prévisible pour les raisons exposées au point IV.2 ci-dessus, seules de nouvelles injections de capital pouvaient maintenir la société en activité. Ces apports ont été effectués en 1996 lors de la deuxième opération de recapitalisation et d'assainissement financier de la société. Dans ce cas, la contribution du secteur privé s'est élevée à 30,8 milliards de lires, contre 60,5 milliards de lires pour le secteur public. Si l'on tient compte des deux opérations de recapitalisation (1994 et 1996), la part des fonds publics représente 55,4 % du total, contre 44,6 % pour les fonds privés.

(107) La Commission doit considérer que, même si lors de la première opération les fonds ont été majoritairement apportés par les investisseurs privés, cet apport n'est majoritaire qu'en théorie. En effet, pour les raisons exposées aux points IV.1 et IV.4 de la présente décision, la façon dont REL a procédé à la récupération de la créance de 82 milliards de lires qu'elle détenait sur Seleco s'est traduite par une renonciation presque totale à ce montant dès 1994. Le caractère de facto majoritaire de l'intervention publique en 1994 se voit confirmé par le fait que, comme il est expliqué au point II.1.1 de la présente décision, tous les actionnaires de Seleco, tant publics que privés, étaient prêts à ce moment à liquider la société et que cette solution a été évitée seulement grâce à l'intervention des autorités italiennes. De surcroît, l'évolution de Seleco en 1994 (41,6 milliards de lires de pertes) et 1995 (64,2 milliards de lires de pertes) confirme que la liquidation de la société en 1994 était la seule option viable. En effet, lors de la deuxième opération de recapitalisation/financement, l'apport public représentait 60 % des fonds investis. La Commission conclut, par conséquent, que le principe de proportionnalité n'a été respecté à l'occasion d'aucune des deux opérations de recapitalisation.

(108) Le plan de restructuration relatif à la période 1993-1996 ne permettait pas, pour les raisons exposées au point IV.2.1, de rétablir dans un délai raisonnable la viabilité de l'entreprise sur la base d'hypothèses réalistes en ce qui concerne les conditions d'exploitation futures de celle-ci. Pour ce qui est de l'opération de recapitalisation/refinancement effectuée en 1996, la Commission observe que les autorités italiennes n'ont communiqué aucun autre plan de restructuration lui permettant de justifier le caractère acceptable de cette seconde intervention.

(109) À la lumière de ce qui précède, la Commission conclut que les critères prévus par les lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté ne sont pas respectés. Comme la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point c), ne peut pas être appliquée, il convient de considérer que ces aides sont incompatibles avec le marché commun.

VI. CONCLUSIONS

(110) L'Italie a mis en oeuvre la conversion en actions d'un prêt de 6 milliards de lires et l'apport de capitaux neufs pour un montant de 7 milliards de lires par Friulia en faveur de Seleco - opérations qu'elle a notifiées le 30 mars 1994 -, avant que la Commission ne se soit prononcée à leur sujet. La Commission constate également que les autres aides ont été mises à exécution en violation de l'article 88, paragraphe 3, du traité.

Sont plus particulièrement visées les aides suivantes:

- la renonciation par REL en 1994 à 16,8 milliards de lires sur une créance de 82 milliards de lires et le rachat des 65,2 milliards restants pour un montant de 20 milliards en 1996,

- l'octroi par Friulia en 1996 d'un prêt convertible de 12 milliards de lires au taux annuel de 7 % garanti par quatre marques industrielles de Seleco.

(111) Ces aides sont par conséquent illégales. Pour les raisons déjà exposées, ces aides sont, en outre, incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles ne peuvent bénéficier d'aucune des dérogations prévues à l'article 87, paragraphes 2 et 3, du traité.

(112) Lorsqu'elle constate qu'une aide illégale est incompatible avec le marché commun en application de l'article 88, paragraphe 2, du traité CE, la Commission enjoint l'État membre de récupérer cette aide auprès du bénéficiaire, comme l'a confirmé la Cour de justice des Communauté européennes dans les arrêts du 12 juillet 1973 [affaire 70/72, Commission contre Allemagne(12)], du 24 février 1987 [affaire 310/85, Deufil contre Commission(13)] et du 20 septembre 1990 [affaire C-5/89, Commission contre Allemagne(14)].

(113) En conséquence, les autorités italiennes doivent adopter toutes les mesures nécessaires pour rétablir la situation économique dans laquelle se trouverait l'entreprise sans octroi de l'aide incompatible. Elles doivent donc procéder auprès de l'entreprise bénéficiaire Seleco, actuellement en phase de liquidation, à la récupération des aides illégales et incompatibles, majorées des intérêts à compter de la date à laquelle ces aides ont été mises à la disposition du bénéficiaire jusqu'au jour de leur récupération effective. Aux fins d'exécuter correctement la décision de la Commission, l'État membre est invité à adopter le comportement d'un créancier privé (et à agir avec au moins autant de diligence que pour récupérer ses propres créances, telles que les dettes fiscales ou de sécurité sociale) et à récupérer l'aide sans délai en recourant à toutes les voies de droit disponibles, y compris la saisie des actifs de l'entreprise et, au besoin, la mise en liquidation de celle-ci, si elle n'est pas en mesure de procéder au remboursement en question. Les résultats de la vente des actifs permettraient de rembourser les différents créanciers, dont l'État membre, même s'il est possible qu'ils ne suffisent pas à couvrir la totalité des dettes contractées par l'entreprise et, partant, que l'aide ne soit pas intégralement récupérée. C'est pourquoi la liquidation de l'entreprise n'en demeure pas moins importante sous l'angle de la concurrence, car elle libère la part de marché occupée par l'entreprise liquidée et la met à la disposition des créanciers, offrant ainsi à ceux-ci également la possibilité d'acquérir les actifs et de les employer plus efficacement.

(114) Toutefois, certaines circonstances peuvent contrecarrer ce processus, nuire à l'efficacité de la décision de récupération et mettre en échec les règles relatives aux aides d'État. Tel serait le cas si, à la suite de l'enquête ou de la décision de la Commission, les actifs et les passifs de l'entreprise étaient transférés à une autre société, contrôlée par les mêmes personnes, à des conditions plus avantageuses que celles du marché ou moyennant des procédures non transparentes. L'objectif d'une telle opération peut être de mettre les actifs en question à l'abri de la décision de la Commission et de permettre la poursuite de l'activité économique en cause.

(115) Comme dans toute autre procédure de recouvrement, l'État membre, pour agir en créancier diligent, doit épuiser toutes les voies de droit disponibles dans son ordre juridique, par exemple celles relatives aux comportements frauduleux dont sont victimes les créanciers et prenant la forme d'actes de l'entreprise en liquidation exécutés pendant la période suspecte précédant la faillite, qui permettent d'obtenir l'inopposabilité de ces actes.

(116) De surcroît, pour éviter que la décision ne perde son effet utile et que la distorsion de concurrence ne continue, la Commission peut être amenée à exiger que la récupération ne se limite pas à l'entreprise de départ, mais qu'elle s'étende à l'entreprise qui en assure la pérennité grâce aux moyens de production qui lui ont été transférés, lorsque certains éléments du transfert permettent de constater une continuité économique entre les deux entités.

(117) C'est ainsi que la Commission examine les éléments suivants: l'objet du transfert (actifs et passifs, maintien de la force de travail, actifs groupés), le prix du transfert, l'identité des actionnaires ou des propriétaires de l'entreprise repreneur et de l'entreprise de départ, le moment où le transfert a lieu (après le début de l'enquête, l'ouverture de la procédure ou la décision finale) ou encore la logique économique de l'opération.

(118) En l'espèce, Seleco a regroupé, en mars 1996, ses activités les plus rentables (vidéoprojecteurs et moniteurs) au sein de la société Multimedia (créée l'année précédente par son actionnaire privé de référence, M. Rossignolo); elle a apporté 29 milliards de lires au capital de cette société dont elle est l'unique propriétaire. Cette opération, qui a ainsi contribué à vider Seleco de sa substance à double titre (activités et capital), est intervenue après la décision du 10 octobre 1994 par laquelle la Commission a ouvert la procédure de l'article 88, paragraphe 2, du traité. Multimedia est entièrement contrôlée par Seleco, qui en est le seul propriétaire. Il est, en outre, vraisemblable que cette opération ne se soit pas limitée à un transfert d'actifs et que le transfert des principales activités de Seleco se soit accompagné du transfert du personnel correspondant (ou d'une partie de celui-ci) vers Multimedia et donc d'un transfert de dettes sociales à tout le moins.

(119) Quatre mois après cette opération (et neuf mois avant sa faillite), Seleco a vendu les deux tiers de ses actions dans Multimedia, qu'elle détenait alors en totalité, chacun des actionnaires, Italtel, Friulia et Seleco, ayant alors un tiers du capital. En fait, Multimedia restait sous le contrôle de Seleco (qui a transféré ses parts à une société écran, Finanziaria Elettronica, qu'elle contrôle à 99 %) et/ou de son actionnaire Friulia (troisième actionnaire de Seleco, à hauteur de 3,49 % en février 1996 avec un capital social de 32,759 milliards de lires, mais qui allait lui accorder un prêt convertible de 12 milliards de lires).

(120) En conséquence, pour que la décision de récupération des aides illégales et incompatibles soit bien exécutée, les autorités italiennes doivent prendre des mesures à l'encontre non seulement de Seleco, mais aussi de Multimedia et de toute autre entreprise au profit de laquelle les actifs en cause auraient été transférés de sorte à contrer les effets de la présente décision,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

Les aides d'État suivantes, mises en oeuvre par l'Italie en faveur de Seleco SpA, sont incompatibles avec le marché commun:

a) la renonciation en 1994 de la part de Ristrutturazione Elettronica SpA à 16,8 milliards sur une créance de 82 milliards de lires;

b) le rachat par Seleco SpA en 1996 de la créance de 65,2 milliards de lires que Ritrutturazione Elettronica SpA détenait encore sur elle, pour un montant de 20 milliards de lires;

c) la conversion en actions, par Friulia SpA, d'un prêt de 6 milliards de lires que cette société avait octroyé en 1992;

d) l'apport de 7 milliards de lires en capital effectué par Friulia SpA en 1994;

e) l'octroi par Friulia SpA en 1996 d'un prêt convertible de 12 milliards de lires au taux de 7 %, garanti par quatre marques industrielles de Seleco SpA.

Article 2

1. L'Italie prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer les aides visées à l'article 1er et déjà mises illégalement à la disposition des bénéficiaires, auprès de Seleco SpA et, pour la partie qui ne pourrait pas être récupérée auprès de Seleco SpA, auprès de la société Seleco Multimedia Srl et de toute autre entreprise au profit de laquelle ont été transférés des actifs de sorte à priver la présente décision de ses effets.

2. La récupération se fait conformément aux procédures du droit national. Les sommes à récupérer produisent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition du bénéficiaire jusqu'au jour de leur récupération effective. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale au moment de l'octroi des aides.

Article 3

L'Italie informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures qu'elle a prises pour s'y conformer.

Article 4

La République italienne est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 2 juin 1999.

Par la Commission

Karel Van Miert

Membre de la Commission

(1) JO C 373 du 29.12.1994, p. 5.

(2) JO C 155 du 20.5.1998, p. 10.

(3) Non encore publiée au Journal officiel.

(4) Organisme public de l'État pour la restructuration du secteur de l'électronique grand public en Italie, dont l'activité avait fait l'objet des décisions des 17 janvier 1984 et 17 septembre 1985. Par décision du 20 mai 1992 (JO C 166 du 3.7.1992, p. 6), la Commission a approuvé les aides octroyées par REL à une douzaine d'entreprises appartenant au secteur de l'électronique grand public, dont la plus importante était Seleco SpA.

(5) Voir note 4 de bas de page.

(6) JO C 368 du 23.12.1994, p. 12.

(7) Source:

Panorama de l'industrie de l'Union européenne de 1994, Eurostat.

(8) Source:

Euromonitor, février 1994. Télévision et produits vidéo en Italie.

(9) Bulletin des CE 9-1984.

(10) On pourrait donc conclure que l'opération de REL revient à octroyer une aide aux autres actionnaires de Seleco dans une mesure qui correspond à la part qui leur incombe dans la couverture des pertes. La Commission estime, toutefois, que cet effet est indirect, marginal et, en tout état de cause, périphérique par rapport à celui, direct et sélectif, dont bénéficie Seleco.

(11) Journal officiel de la République italienne (GURI) no 81 du 6 avril 1942.

(12) Recueil 1973, p. 813.

(13) Recueil 1987, p. 901.

(14) Recueil 1990, p. I-3437.

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