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Document 62023CJ0026

Arrêt de la Cour (neuvième chambre) du 5 juin 2025.
Citizens’ Committee of the European Citizens’ Initiative « Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe » contre Commission européenne.
Pourvoi – Droit institutionnel – Règlement (UE) n° 211/2011 – Initiative citoyenne “Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe” – Communication de la Commission européenne présentant les raisons de ne pas adopter les propositions d’actes juridiques figurant dans cette initiative citoyenne – Obligation de motivation.
Affaire C-26/23 P.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2025:407

ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

5 juin 2025 (*)

« Pourvoi – Droit institutionnel – Règlement (UE) n° 211/2011 – Initiative citoyenne “Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe” – Communication de la Commission européenne présentant les raisons de ne pas adopter les propositions d’actes juridiques figurant dans cette initiative citoyenne – Obligation de motivation »

Dans l’affaire C‑26/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 21 janvier 2023,

Citizens’ Committee of the European Citizens’ Initiative « Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe », représentée par Me T. Hieber, Rechtsanwalt,

partie requérante,

soutenu par :

Deutschsprachige Gemeinschaft Belgiens, représentée par Me S. Gröss, Rechtsanwalt,

Autonome Provinz Bozen Südtirol  Provincia Autonoma di Bolzano Alto Adige, représentée par Me J. A. Walther von Herbstenburg, avvocato,

parties intervenantes au pourvoi,

les autres parties à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par Mmes I. Rubene, E. A. Stamate et M. C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

Hongrie, représentée par M. M. Z. Fehér et Mme K. Szíjjártó, en qualité d’agents,

République hellénique,

République slovaque,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. I. Jarukaitis, président de chambre, M. S. Rodin (rapporteur) et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,

avocat général : M. A. M. Collins,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, le Citizens’ Committee of the European Citizens’ Initiative « Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe » (ci-après le « CC ») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 novembre 2022, Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe/Commission (T‑158/21, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:696), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la communication C (2021) 171 de la Commission, du 14 janvier 2021, relative à l’initiative citoyenne européenne intitulée « Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe » (ci-après la « communication litigieuse »).

 Le cadre juridique

 Le droit primaire

 Le traité UE

2        L’article 2 TUE dispose :

« L’Union [européenne] est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes. »

3        L’article 10 TUE prévoit :

« 1.      Le fonctionnement de l’Union est fondé sur la démocratie représentative.

[...]

3.      Tout citoyen a le droit de participer à la vie démocratique de l’Union. Les décisions sont prises aussi ouvertement et aussi près que possible des citoyens.

[...] »

4        L’article 11, paragraphe 4, TUE dispose :

« Des citoyens de l’Union, au nombre d’un million au moins, ressortissants d’un nombre significatif d’États membres, peuvent prendre l’initiative d’inviter la Commission européenne, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application des traités. »

5        Aux termes de l’article 17, paragraphes 1 et 2, TUE :

« 1.      La Commission promeut l’intérêt général de l’Union et prend les initiatives appropriées à cette fin. Elle veille à l’application des traités ainsi que des mesures adoptées par les institutions en vertu de ceux-ci. Elle surveille l’application du droit de l’Union sous le contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle exécute le budget et gère les programmes. Elle exerce des fonctions de coordination, d’exécution et de gestion conformément aux conditions prévues par les traités. À l’exception de la politique étrangère et de sécurité commune et des autres cas prévus par les traités, elle assure la représentation extérieure de l’Union. Elle prend les initiatives de la programmation annuelle et pluriannuelle de l’Union pour parvenir à des accords interinstitutionnels.

2.      Un acte législatif de l’Union ne peut être adopté que sur proposition de la Commission, sauf dans les cas où les traités en disposent autrement. Les autres actes sont adoptés sur proposition de la Commission lorsque les traités le prévoient. »

 Le traité FUE

6        L’article 165 TFUE prévoit :

« 1.      L’Union contribue au développement d’une éducation de qualité en encourageant la coopération entre États membres et, si nécessaire, en appuyant et en complétant leur action tout en respectant pleinement la responsabilité des États membres pour le contenu de l’enseignement et l’organisation du système éducatif ainsi que leur diversité culturelle et linguistique.

[...]

4.      Pour contribuer à la réalisation des objectifs visés au présent article :

[...]

–        le Conseil [de l’Union européenne] adopte, sur proposition de la Commission, des recommandations. »

7        Aux termes de l’article 167 TFUE :

« 1.      L’Union contribue à l’épanouissement des cultures des États membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l’héritage culturel commun.

[...]

5.      Pour contribuer à la réalisation des objectifs visés au présent article :

[...]

–        le Conseil adopte, sur proposition de la Commission, des recommandations. »

 Le droit dérivé

 Le règlement (UE) nº 211/2011

8        Le considérant 1 du règlement (UE) nº 211/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, relatif à l’initiative citoyenne (JO 2011, L 65, p. 1, et rectificatif JO 2012, L 94, p. 49), était ainsi libellé :

« Le traité sur l’Union européenne renforce la citoyenneté de l’Union et améliore encore le fonctionnement démocratique de l’Union en prévoyant notamment que tout citoyen a le droit de participer à la vie démocratique de l’Union par l’intermédiaire d’une initiative citoyenne européenne. Cette procédure donne aux citoyens la possibilité de s’adresser directement à la Commission, pour lui présenter une demande l’invitant à soumettre une proposition d’acte juridique de l’Union aux fins de l’application des traités à l’instar du droit conféré au Parlement européen en vertu de l’article 225 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et au Conseil en vertu de l’article 241 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. »

9        Le considérant 20 de ce règlement énonçait :

« La Commission devrait examiner une initiative citoyenne et présenter ses conclusions juridiques et politiques séparément. Elle devrait également exposer les actions qu’elle a l’intention d’entreprendre pour y donner suite, dans un délai de trois mois. Afin de prouver qu’une initiative citoyenne soutenue par au moins un million de citoyens de l’Union et son suivi éventuel sont examinés avec soin, la Commission devrait exposer d’une manière claire, compréhensible et circonstanciée les raisons pour lesquelles elle envisage d’entreprendre une action et, de la même manière, les raisons pour lesquelles elle a l’intention de n’entreprendre aucune action. Lorsque la Commission a reçu une initiative citoyenne soutenue par le nombre requis de signataires et conforme aux autres exigences du présent règlement, les organisateurs devraient pouvoir présenter l’initiative lors d’une audition publique au niveau de l’Union. »

10      Aux termes de l’article 2 dudit règlement :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

1)      “initiative citoyenne” : une initiative présentée à la Commission conformément au présent règlement, invitant la Commission à soumettre, dans le cadre de ses attributions, une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles des citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application des traités, et ayant recueilli le soutien d’au moins un million de signataires admissibles provenant d’au moins un quart de l’ensemble des États membres ;

2)      “signataire” : tout citoyen de l’Union qui soutient une initiative citoyenne donnée en remplissant une déclaration de soutien à cette initiative ;

3)      “organisateurs” : des personnes physiques réunies au sein d’un comité des citoyens, se chargeant de l’élaboration d’une initiative citoyenne et de sa présentation à la Commission. »

11      L’article 4 du même règlement, intitulé « Enregistrement d’une proposition d’initiative citoyenne », prévoyait, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.      Avant d’entamer la collecte des déclarations de soutien à une proposition d’initiative citoyenne auprès des signataires, les organisateurs sont tenus de l’enregistrer auprès de la Commission, en fournissant les informations décrites à l’annexe II, notamment en ce qui concerne l’objet et les objectifs de la proposition d’initiative citoyenne.

Ces informations sont fournies dans une des langues officielles de l’Union, dans un registre mis en ligne par la Commission à cet effet (ci-après dénommé “registre”).

Les organisateurs fournissent, aux fins du registre et, s’il y a lieu, sur leur site [I]nternet, des informations régulièrement mises à jour sur les sources de soutien et de financement de la proposition d’initiative citoyenne.

Après confirmation de l’enregistrement conformément au paragraphe 2, les organisateurs peuvent fournir la proposition d’initiative citoyenne dans d’autres langues officielles de l’Union aux fins d’inclusion dans le registre. La traduction de la proposition d’initiative citoyenne dans d’autres langues officielles de l’Union relève de la responsabilité des organisateurs.

La Commission établit un point de contact fournissant informations et assistance.

2.      Dans les deux mois qui suivent la réception des informations décrites à l’annexe II, la Commission enregistre la proposition d’initiative citoyenne sous un numéro d’enregistrement unique et transmet une confirmation aux organisateurs, pour autant que les conditions suivantes soient remplies :

a)      le comité des citoyens a été constitué et les personnes de contact ont été désignées conformément à l’article 3, paragraphe 2 ;

b)      la proposition d’initiative citoyenne n’est pas manifestement en dehors du cadre des attributions de la Commission en vertu desquelles elle peut présenter une proposition d’acte juridique de l’Union aux fins de l’application des traités ;

c)      la proposition d’initiative citoyenne n’est pas manifestement abusive, fantaisiste ou vexatoire ; et

d)      la proposition d’initiative citoyenne n’est pas manifestement contraire aux valeurs de l’Union telles qu’énoncées à l’article 2 du traité sur l’Union européenne. »

12      L’article 9 du règlement nº 211/2011, intitulé « Présentation d’une initiative citoyenne à la Commission », disposait, à son premier alinéa :

« Après avoir obtenu les certificats prévus à l’article 8, paragraphe 2, et pour autant que l’ensemble des procédures et conditions pertinentes prévues dans le présent règlement ait été respecté, les organisateurs peuvent présenter l’initiative citoyenne à la Commission, en lui adjoignant des informations relatives à tout soutien et tout financement obtenu pour cette initiative. Ces informations sont publiées dans le registre. »

13      L’article 10 de ce règlement, intitulé « Procédure d’examen d’une initiative citoyenne par la Commission », prévoyait :

« 1.      Lorsque la Commission reçoit une initiative citoyenne conformément à l’article 9 :

a)      elle la publie sans tarder dans le registre ;

b)      elle reçoit les organisateurs à un niveau approprié afin de leur permettre d’exposer dans le détail les questions soulevées par l’initiative citoyenne ;

c)      elle présente, dans un délai de trois mois, au moyen d’une communication, ses conclusions juridiques et politiques sur l’initiative citoyenne, l’action qu’elle compte entreprendre, le cas échéant, ainsi que les raisons qu’elle a d’entreprendre ou de ne pas entreprendre cette action.

2.      La communication visée au paragraphe 1, point c), est notifiée aux organisateurs ainsi qu’au Parlement européen et au Conseil, et elle est rendue publique. »

14      L’article 11 dudit règlement, intitulé « Audition publique », disposait :

« Lorsque les conditions énoncées à l’article 10, paragraphe 1, points a) et b), sont remplies, et dans le délai prévu à l’article 10, paragraphe 1, point c), les organisateurs se voient accorder la possibilité de présenter l’initiative citoyenne lors d’une audition publique. La Commission et le Parlement européen veillent à ce que cette audition soit organisée au Parlement européen, le cas échéant en liaison avec les autres institutions et organes de l’Union souhaitant participer, et à ce que la Commission soit représentée à un niveau approprié. »

15      Le même règlement a été abrogé, avec effet au 1er janvier 2020, par le règlement (UE) 2019/788 du Parlement européen et du Conseil, du 17 avril 2019, relatif à l’initiative citoyenne européenne (JO 2019, L 130, p. 55). Conformément à l’article 27 de ce dernier règlement, les articles 5 à 9 du règlement no 211/2011 continuaient de s’appliquer après le 1er janvier 2020 aux initiatives citoyennes européennes enregistrées avant le 1er janvier 2020.

 Le règlement 2019/788

16      L’article 14 du règlement 2019/788, intitulé « Publication et audition publique », dispose :

« 1.      Lorsque la Commission reçoit une initiative valable, dont les déclarations de soutien ont été collectées et certifiées conformément aux dispositions des articles 8 à 12, elle publie sans tarder un avis à cet effet dans le registre et transmet l’initiative au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen, au Comité des régions ainsi qu’aux parlements nationaux.

2.      Dans un délai de trois mois à compter de la présentation de l’initiative, le groupe d’organisateurs se voit accorder la possibilité de présenter l’initiative lors d’une audition publique organisée par le Parlement européen.

Le Parlement européen organise l’audition publique dans ses locaux.

La Commission est représentée à l’audition à un niveau approprié.

Le Conseil, d’autres institutions et organes consultatifs de l’Union, les parlements nationaux, ainsi que la société civile, se voient accorder la possibilité d’assister aux auditions.

Le Parlement européen veille à une représentation équilibrée des intérêts publics et privés en présence.

3.      À la suite de l’audition publique, le Parlement européen évalue le soutien politique de cette initiative. »

17      Aux termes de l’article 15 de ce règlement, intitulé « Examen par la Commission » :

« 1.      Dans un délai d’un mois à compter de la présentation de l’initiative conformément à l’article 13, la Commission reçoit le groupe d’organisateurs à un niveau approprié afin de lui permettre d’exposer dans le détail les objectifs de l’initiative.

2.      Dans un délai de six mois à compter de la publication de l’initiative, conformément à l’article 14, paragraphe 1, et à l’issue de l’audition publique visée à l’article 14, paragraphe 2, la Commission présente, dans une communication, ses conclusions juridiques et politiques sur l’initiative, l’action qu’elle compte entreprendre, le cas échéant, ainsi que les raisons qu’elle a d’entreprendre ou de ne pas entreprendre cette action.

Lorsque la Commission a l’intention de donner suite à l’initiative, y compris, le cas échéant, en adoptant une ou plusieurs propositions d’acte juridique de l’Union, la communication expose aussi le calendrier prévu pour les mettre en œuvre.

La communication est notifiée au groupe d’organisateurs ainsi qu’au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, et est rendue publique.

3.      La Commission et le groupe d’organisateurs informent les signataires des suites données à l’initiative conformément à l’article 18, paragraphes 2 et 3.

La Commission fournit, dans le registre et sur le site [I]nternet public de l’initiative citoyenne européenne, des informations actualisées sur la mise en œuvre des mesures énoncées dans la communication qui sont adoptées pour donner suite à l’initiative. »

 Les antécédents du litige

18      Les antécédents du litige, tels qu’ils ressortent des points 2 à 10 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.

19      Le CC a présenté à la Commission une demande d’enregistrement de la proposition d’initiative citoyenne européenne intitulée « Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe » (ci-après la « proposition Minority SafePack »), sur le fondement de l’article 11, paragraphe 4, TUE et du règlement no 211/2011.

20      La proposition Minority SafePack avait pour but d’inciter l’Union à adopter une série d’actes en vue d’améliorer la protection des personnes appartenant à des minorités nationales et linguistiques ainsi qu’à renforcer la diversité culturelle et linguistique dans l’Union.

21      À la suite de cette proposition, la Commission a adopté la décision (UE) 2017/652, du 29 mars 2017, relative à la proposition d’initiative citoyenne intitulée « Minority SafePack – One million signatures for diversity in Europe » (JO 2017, L 92, p. 100), par laquelle elle a déclaré, à l’article 1er, paragraphe 1, de celle-ci, que ladite proposition était enregistrée et, au paragraphe 2 de cet article, que les déclarations de soutien en faveur de la même proposition pouvaient être recueillies sur la base du constat que cette dernière portait sur la présentation, par la Commission, des neufs propositions suivantes :

–        une recommandation du Conseil « relative à la protection et à la promotion de la diversité culturelle et linguistique au sein de l’Union » (ci-après la « première proposition ») ;

–        une décision ou un règlement du Parlement et du Conseil ayant pour objet d’adapter « les programmes de financement afin d’en faciliter l’accès aux petites langues régionales et minoritaires » (ci-après la « deuxième proposition ») ;

–        une décision ou un règlement du Parlement et du Conseil ayant pour objet de « créer un centre de la diversité linguistique qui renforcera la conscience de l’importance des langues régionales et minoritaires et promouvra la diversité à tous les niveaux et qui sera essentiellement financé par l’Union » (ci-après la « troisième proposition ») ;

–        un règlement adaptant les règles générales applicables aux missions, aux objectifs prioritaires et à l’organisation des fonds structurels, de façon à ce qu’il soit tenu compte de la protection des minorités et de la promotion de la diversité culturelle et linguistique, pour autant que les actions à financer tendent au renforcement de la cohésion économique, sociale et territoriale de l’Union (ci-après la « quatrième proposition ») ;

–        un règlement du Parlement et du Conseil ayant pour objet de modifier le règlement relatif au programme « Horizon 2020 » aux fins d’améliorer la recherche sur la valeur ajoutée que les minorités nationales et la diversité culturelle et linguistique peuvent apporter au développement social et économique dans les régions de l’Union ;

–        une modification de la législation de l’Union afin de garantir une quasi-égalité de traitement entre les apatrides et les citoyens de l’Union (ci-après la « sixième proposition ») ;

–        un règlement du Parlement et du Conseil afin d’introduire un droit d’auteur uniforme qui permettrait de considérer l’ensemble de l’Union comme un marché intérieur en matière de droits d’auteur ;

–        une modification de la directive 2010/13/UE du Parlement et du Conseil, du 10 mars 2010, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels ») (JO 2010, L 95, p. 1), en vue d’assurer la libre prestation de services et la réception de contenus audiovisuels dans les régions où résident des minorités nationales (ci-après la « huitième proposition ») ;

–        un règlement ou une décision du Conseil en vue d’une exemption par catégorie des projets promouvant les minorités nationales et leur culture de la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

22      Au 10 janvier 2020, le CC avait recueilli plus de 1 300 000 déclarations de soutien dans le délai imparti, dont, selon la communication litigieuse, 1 128 422 déclarations validées par les autorités compétentes de onze États membres. Par conséquent, il a présenté l’initiative citoyenne européenne concernée (ci-après l’« initiative Minority SafePack ») à la Commission.

23      Le 5 février 2020, le CC a exposé, lors d’une réunion avec la Commission , les propositions de l’initiative Minority SafePack, conformément à l’article 15, paragraphe 1, du règlement 2019/788, et a, par la suite, communiqué à cette institution, dans un document explicatif, les propositions législatives les concernant.

24      Le 15 octobre 2020, l’initiative Minority SafePack a été présentée au Parlement lors d’une audition publique conformément à l’article 14, paragraphe 2, du règlement 2019/788.

25      Le 17 décembre 2020, le Parlement a adopté la résolution (2020)2846(RSP), P9_TA-PROV (2020)0370, invitant notamment la Commission à donner suite à cette initiative, en présentant des propositions de textes législatifs sur la base des traités et du règlement 2019/788 dans le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

26      Le 14 janvier 2021, la Commission a adopté la communication litigieuse, par laquelle elle a décidé de ne donner suite ni à la résolution (2020)2846(RSP), P9_TA-PROV (2020)0370, ni aux neuf propositions de l’initiative Minority SafePack.

 Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

27      Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 24 mars 2021, le CC a introduit un recours tendant à l’annulation de la communication litigieuse.

28      À l’appui de ce recours, le CC avait soulevé trois moyens. Le premier était tiré d’une violation de l’obligation de motivation. Le deuxième était pris d’une erreur de droit et de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne les première, troisième, sixième et huitième propositions. Le troisième, soulevé au stade de la réplique, était tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, eu égard au traitement que la Commission aurait accordé à l’initiative citoyenne européenne « End the Cage Age ».

29      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté ce recours. À cet égard, s’agissant du premier moyen, que la Hongrie soutenait, le Tribunal a notamment relevé que la Commission avait suffisamment motivé la communication litigieuse, en ce qu’elle avait exposé les conclusions de nature juridique et politique qui l’avaient conduite à considérer qu’il n’y avait pas lieu d’entreprendre les actions demandées dans l’initiative Minority SafePack, conformément à l’article 15, paragraphe 2, du règlement 2019/788, étant donné le nombre d’actions déjà entreprises par les institutions de l’Union dans le domaine de cette initiative, et cela bien qu’elle n’ait pas expressément pris position sur chacune des explications écrites et orales formulées par le CC.

30      S’agissant du troisième moyen, le Tribunal a constaté que le CC n’avait ni démontré en quoi l’initiative Minority SafePack et l’initiative citoyenne européenne « End the Cage Age » étaient comparables ni prétendu que la Commission n’avait pas respecté ses obligations découlant des articles 14 et 15 du règlement 2019/788 lors de la procédure relative à l’initiative Minority SafePack. Le Tribunal a donc écarté ce moyen sans examiner la recevabilité de ce dernier.

31      S’agissant du deuxième moyen, le Tribunal a considéré qu’aucune des erreurs de droit et erreurs manifestes d’appréciation invoquées par le CC, soutenu par la Hongrie, n’était établie, compte tenu notamment du large pouvoir d’appréciation de la Commission en la matière et des instruments déjà existants contribuant à la réalisation des objectifs poursuivis par les première, troisième, sixième et huitième propositions.

 La procédure devant la Cour et les conclusions des parties au pourvoi

32      Par ordonnances du président de la Cour du 27 juillet 2023, Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe/Commission (C‑26/23 P, EU:C:2023:616), et Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe/Commission (C‑26/23 P, EU:C:2023:618), l’Autonome Provinz Bozen Südtirol – Provincia Autonoma di Bolzano Alto Adige (Province autonome de Bolzano – Tyrol du Sud/Haut-Adige) et la Deutschsprachige Gemeinschaft Belgiens (Communauté germanophone de Belgique) ont respectivement été admises à intervenir au soutien des conclusions du CC.

33      Par son pourvoi, le CC demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        d’annuler la communication litigieuse ;

–        ou, à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

34      La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner le CC aux dépens.

35      La Hongrie, l’Autonome Provinz Bozen Südtirol – Provincia Autonoma di Bolzano Alto Adige (Province autonome de Bolzano – Tyrol du Sud/Haut-Adige) et la Deutschsprachige Gemeinschaft Belgiens (Communauté germanophone de Belgique) présentent chacune à la Cour les mêmes conclusions que le CC.

 Sur le pourvoi

36      Au soutien de son pourvoi, le CC soulève neuf moyens. Le premier moyen de pourvoi est tiré d’une violation du droit à un procès équitable consacré à l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Le deuxième moyen de pourvoi est tiré d’une violation du principe de l’égalité de traitement, consacré à l’article 9 TUE. Le troisième moyen de pourvoi est tiré d’une méconnaissance de la compétence de la Commission en ce qui concerne la première proposition. Le quatrième moyen de pourvoi est tiré d’une interprétation erronée de la notion d’« erreur manifeste d’appréciation » dans le cadre de l’examen d’une initiative citoyenne européenne. Les cinquième et sixième moyens de pourvoi sont tirés de plusieurs erreurs de droit commises par le Tribunal lorsqu’il a écarté l’argumentation du CC selon laquelle la Commission aurait commis des erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne, respectivement, la première et la troisième proposition. Le septième moyen de pourvoi est tiré d’une violation de la charge de la preuve en ce qui concerne la huitième proposition. Le huitième moyen de pourvoi est tiré d’une violation de l’obligation de motivation concernant les informations écrites et orales fournies à la Commission dans le cadre de la procédure relative à une initiative citoyenne européenne et concerne les première, deuxième, quatrième et sixième propositions. Enfin, le neuvième moyen de pourvoi est tiré d’une violation des articles 36 et 54 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne en raison de motifs contradictoires sur la question de la compétence de la Commission pour la mise en œuvre de la première proposition et d’une insuffisance de motivation concernant l’examen d’une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre du rejet de la sixième proposition.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

37      Le CC soutient que la désignation, par le président du Tribunal, d’un autre juge rapporteur et la réattribution de l’affaire à une autre chambre du Tribunal, effectuée en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, a été décidée en violation de l’article 47 de Charte, lequel prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi et devrait être interprété par la Cour d’une manière assurant un niveau de protection suffisant, qui ne méconnaisse pas l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »).

38      Or, tout d’abord, l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal ne répondrait pas aux exigences découlant de cet article 47, cette disposition ne prévoyant pas de critères clairs et objectifs en vertu desquels un autre juge rapporteur peut être désigné.

39      Ensuite, le président du Tribunal aurait, en l’espèce, omis de motiver sa décision de réattribuer l’affaire, en violation de ce que cet article 27, paragraphe 3, impose et, par suite, également en violation dudit article 47.

40      Enfin, la décision de désignation d’un autre juge rapporteur aurait, en l’espèce, d’une part, abouti à la désignation d’un juge rapporteur moins expérimenté en matière de litiges relatifs aux initiatives citoyennes européennes que celui précédemment désigné et, d’autre part, entraîné la participation d’un juge dont les fonctions antérieures permettraient de douter de son indépendance et de son impartialité.

41      La Commission fait valoir que le premier moyen de pourvoi n’est pas fondé.

 Appréciation de la Cour

42      S’agissant, en premier lieu, du grief selon lequel l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal ne répond pas aux exigences de l’article 47 de la Charte, il convient de rappeler que, aux termes du deuxième alinéa, première phrase, de cet article, « [t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi ».

43      À cet égard, l’article 47, deuxième alinéa, première phrase, de la Charte correspondant à l’article 6, paragraphe 1, première phrase, de la CEDH, son sens et sa portée sont, en vertu de l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, les mêmes que ceux que leur confère la CEDH. La Cour doit, dès lors, veiller à ce que l’interprétation qu’elle effectue de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte assure un niveau de protection qui ne méconnaît pas celui garanti à l’article 6 de la CEDH, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme [arrêt du 26 mars 2020, Réexamen Simpson/Conseil et HG/Commission, C‑542/18 RX‑II et C‑543/18 RX‑II, EU:C:2020:232, point 72 ainsi que jurisprudence citée].

44      La Cour a ainsi déjà constaté que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, l’introduction de l’expression « établi par la loi » à l’article 6, paragraphe 1, première phrase, de la CEDH a pour objet d’éviter que l’organisation du système judiciaire ne soit laissée à la discrétion du pouvoir exécutif et de faire en sorte que cette matière soit régie par une loi adoptée par le pouvoir législatif d’une manière conforme aux règles encadrant l’exercice de sa compétence. Cette expression reflète notamment le principe de l’État de droit et concerne non seulement la base légale de l’existence même du tribunal, mais encore la composition du siège dans chaque affaire ainsi que toute autre disposition du droit interne dont le non-respect rend irrégulière la participation d’un ou de plusieurs juges à l’examen de l’affaire, ce qui inclut, en particulier, des dispositions concernant l’indépendance et l’impartialité des membres de la juridiction visée (arrêt du 26 mars 2020, Réexamen Simpson/Conseil et HG/Commission, C‑542/18 RX‑II et C‑543/18 RX‑II, EU:C:2020:232, point 73 ainsi que jurisprudence citée).

45      Pour ce qui est de la répartition des affaires au sein du Tribunal, l’article 25 du règlement de procédure de ce dernier prévoit notamment que le Tribunal fixe les critères selon lesquels les affaires sont réparties entre les chambres et que la décision relative à ces critères est publiée au Journal officiel de l’Union européenne. L’article 26 de ce règlement de procédure régit, pour sa part, l’attribution initiale d’une affaire et la désignation du juge rapporteur.

46      Quant à la désignation d’un nouveau juge rapporteur et à la réattribution d’une affaire, seules en cause dans la présente affaire, les règles relatives à celles-ci sont prévues par l’article 27 dudit règlement de procédure. D’une part, cet article énonce trois cas de figure dans lesquels le président du Tribunal peut désigner un autre juge rapporteur que celui initialement désigné en vertu de l’article 26 du règlement de procédure du Tribunal et, de ce fait, réattribuer une affaire : le premier cas de figure (article 27, paragraphe 1, de ce règlement de procédure) est celui de l’empêchement du juge rapporteur, le deuxième cas de figure (article 27, paragraphe 2, dudit règlement de procédure) est celui de la connexité d’objet de certaines affaires et le troisième cas de figure (article 27, paragraphe 3, du même règlement de procédure) est fondé sur des considérations de bonne administration de la justice.

47      Il y a donc lieu de constater que c’est en vain que le CC prétend que cet article 27, paragraphe 3, n’est pas conforme à l’article 47 de la Charte au motif qu’il ne contient pas de critère clair et objectif en vertu duquel un nouveau juge rapporteur peut être désigné, cette allégation étant réfutée par le libellé même de ce paragraphe 3. En outre, il est constant que c’est bien dans l’intérêt de la bonne administration de la justice qu’un nouveau juge rapporteur a été désigné en première instance. Or, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, la réattribution d’une affaire dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice permet notamment d’assurer une répartition équilibrée de la charge de travail et poursuit ainsi l’objectif de traiter les affaires dans un délai raisonnable, conformément à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte (voir, par analogie, arrêt du 2 octobre 2014, Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, points 51 et 52).

48      D’autre part, ledit paragraphe 3 précise encore que, si le nouveau juge rapporteur n’est pas affecté à la chambre à laquelle l’affaire a été initialement attribuée, l’affaire est jugée par la chambre dans laquelle siège le nouveau juge rapporteur. Ainsi, l’éventuelle conséquence, en termes de composition de la formation de jugement qui aura à connaître de l’affaire, de la désignation d’un nouveau juge rapporteur est également prévue par la disposition en cause, de sorte que, à cet égard également, le CC ne saurait utilement prétendre qu’une telle réattribution s’effectue de manière arbitraire, en violation de l’article 47 de la Charte.

49      Au demeurant, en prévoyant que le président du Tribunal peut désigner un nouveau juge rapporteur et réattribuer l’affaire dans l’intérêt de la bonne administration de la justice et à titre exceptionnel, l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal vise à assurer qu’une telle décision ne peut intervenir qu’à un stade relativement précoce de la procédure, puisque cette disposition prévoit expressément qu’une telle décision ne peut être prise qu’avant la présentation du rapport préalable.

50      Le premier grief du premier moyen de pourvoi doit, par conséquent, être écarté comme étant non fondé.

51      En deuxième lieu, quant à la prétendue absence de motivation de la décision de réattribuer l’affaire, il y a lieu de rappeler que celle-ci a été motivée par l’intérêt de la bonne administration de la justice. Force est donc de constater que, sous couvert d’une allégation de violation de l’obligation de motivation, le CC conteste la pertinence, au regard de l’article 47, deuxième alinéa, première phrase, de la Charte, de ce critère établi à l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal. Or, il résulte de la jurisprudence déjà rappelée au point 47 du présent arrêt qu’une telle critique est infondée. Ce grief doit, par conséquent, être écarté.

52      En troisième lieu, il suffit, d’une part, de constater que la prétendue expérience ou inexpérience d’un juge dans une matière donnée n’est, ainsi qu’il découle des termes mêmes de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, aucunement pertinente afin d’apprécier si la décision de lui réattribuer une affaire en qualité de juge rapporteur est conforme à cette disposition. Partant, l’argumentation du CC relative à la prétendue inexpérience en la matière du juge rapporteur doit être écartée comme étant inopérante.

53      D’autre part, quant à la participation d’un juge dont les fonctions antérieures permettraient, selon le CC, de douter de son indépendance et de son impartialité et, par suite, de celles de la formation de jugement qui a rendu l’arrêt attaqué, il suffit aussi de relever que, outre que sa participation à la formation de jugement en première instance résulte de l’application de la règle énoncée à l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, dont, ainsi qu’il résulte des points 47 et 48 du présent arrêt, le CC n’est pas parvenu à établir qu’elle n’est pas conforme à l’article 47 de la Charte, la Cour a déjà jugé que le seul fait qu’un membre de la formation de jugement travaillait au service de la Commission, partie défenderesse en première instance, avant d’exercer ses fonctions de juge au Tribunal ne suffit pas pour soulever un doute légitime quant à son impartialité objective ainsi que celle de cette formation (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2022, Wagenknecht/Commission, C‑130/21 P, EU:C:2022:226, point 18 et jurisprudence citée). Par ailleurs, l’impartialité personnelle se présume jusqu’à preuve du contraire (arrêt du 24 mars 2022, Wagenknecht/Commission, C‑130/21 P, EU:C:2022:226, point 16 et jurisprudence citée).

54      Or, au soutien de son argumentation, le CC n’invoque aucun élément autre que la circonstance générale selon laquelle ce juge a exercé des fonctions au sein de la Commission avant d’être nommé juge au Tribunal. Cette argumentation est donc dénuée de fondement.

55      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le premier moyen de pourvoi doit être écarté comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

56      Le CC soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit aux points 32 à 41 de l’arrêt attaqué, en écartant toute violation du principe d’égalité de traitement. Ce principe exigerait que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié.

57      Contrairement à l’initiative Minority SafePack, l’initiative citoyenne européenne « End the Cage Age » aurait fait l’objet de sept réunions entre les organisateurs de cette dernière et la Commission, alors que rien n’aurait justifié une telle différence de traitement entre ces deux initiatives citoyennes. En effet, pour toutes les initiatives citoyennes européennes qui ont satisfait aux exigences prévues en la matière, les citoyens auraient le droit de participer, par leur intermédiaire, à la vie démocratique de l’Union, conformément à l’article 11, paragraphe 4, TUE et au règlement 2019/788. La Commission ne saurait être fondée à les traiter différemment qu’en vertu de critères objectifs et raisonnables.

58      Or, la Commission n’aurait pas indiqué les critères selon lesquels elle avait décidé de recevoir les organisateurs de certaines initiatives citoyennes européennes, en plus de l’audition publique prévue à l’article 14, paragraphe 2, du règlement 2019/788. De plus, elle n’aurait fourni aucune information permettant de vérifier l’existence de ces critères. Compte tenu de la complexité des sujets tels que la protection des minorités et la diversité linguistique, du nombre de questions politiques et d’articles du traité concernés, il ne serait « ni crédible ni plausible » qu’aucun autre échange concernant l’initiative Minority SafePack ne fût nécessaire en l’espèce.

59      En réplique, le CC ajoute que le deuxième moyen de pourvoi est recevable, dès lors qu’il invoque une erreur de droit dans l’application, par le Tribunal, du principe d’égalité de traitement. Il indique faire valoir, comme lors de la procédure devant le Tribunal, que l’initiative citoyenne européenne « End the Cage Age » et l’initiative Minority SafePack sont suffisamment comparables. En exigeant que celles-ci soient comparables au regard de leurs objectifs respectifs et des difficultés politiques ou juridiques qu’elles présentent, le Tribunal aurait imposé des exigences excessives, commettant ainsi une erreur de droit.

60      La Commission soutient que le deuxième moyen de pourvoi doit être écarté comme étant irrecevable, le CC se contentant de répéter les arguments invoqués et examinés devant le Tribunal sans contester l’arrêt attaqué, et, en tout état de cause, comme étant non fondé.

 Appréciation de la Cour

61      Il convient de rappeler que, conformément à l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi qu’à l’article 168, paragraphe 1, sous d), et à l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné. Ainsi, les éléments du pourvoi qui ne contiennent aucune argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué ne répondent pas à cette exigence et doivent être écartés comme étant irrecevables (arrêt du 4 octobre 2024, Ferriere Nord/Commission, C‑31/23 P, EU:C:2024:851, points 51 et 52 ainsi que jurisprudence citée).

62      Sont également irrecevables, en vertu de ces exigences, les arguments d’un pourvoi qui critiquent non pas l’arrêt rendu par le Tribunal à la suite d’une demande d’annulation d’une décision, mais la décision dont l’annulation a été demandée devant le Tribunal (arrêt du 29 juin 2023, TUIfly/Commission, C‑763/21 P, EU:C:2023:528, point 53 et jurisprudence citée).

63      En l’espèce, il y a lieu de constater que, si par son argumentation exposée aux points 56 à 58 du présent arrêt, le CC prétend que le Tribunal a commis une erreur de droit en écartant son moyen tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, il se limite, afin de démontrer cette prétendue erreur de droit, à reprocher à la Commission de ne pas avoir justifié les raisons pour lesquelles elle avait décidé de recevoir les organisateurs de certaines initiatives citoyennes européennes davantage que les organisateurs de l’initiative Minority SafePack, sans présenter d’arguments juridiques soutenant de manière spécifique ce moyen et sans même viser l’arrêt attaqué, son argumentation contestant le comportement qui aurait été adopté par la Commission. Cette argumentation est, par conséquent, irrecevable, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 61 et 62 du présent arrêt.

64      Par ailleurs, à supposer même que l’argumentation présentée par le CC dans son mémoire en réplique soit recevable en tant qu’elle constituerait une ampliation du troisième moyen soulevé dans la requête en pourvoi, il suffit de relever que, au point 38 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est limité à indiquer que, outre le fait que l’initiative Minority SafePack et l’initiative citoyenne « End the Cage Age » avaient toutes deux atteint le seuil de soutiens exigés, le requérant n’avait aucunement exposé en quoi la première serait comparable à la seconde, « notamment » au regard de leurs objectifs respectifs et des difficultés politiques ou juridiques qu’elles présentent.

65      Le Tribunal n’a donc pas exigé que celles-ci soient comparables au regard de ces éléments, mais a seulement constaté que le CC s’était limité à affirmer, de manière générale, que ces deux initiatives citoyennes étaient comparables au regard du soutien qu’elles avaient reçu, et qu’une telle affirmation générale était insuffisante afin d’établir leur comparabilité. Il ressort d’ailleurs de l’argumentation que le CC avait présentée au Tribunal, exposée aux points 32 à 34 de l’arrêt attaqué, que le CC se limitait à mettre en exergue la différence de traitement qu’il alléguait, sans expliquer en quoi lesdites initiatives étaient effectivement comparables. Cette argumentation est donc, en toute hypothèse, dénuée de fondement.

66      Il s’ensuit que le deuxième moyen de pourvoi doit être écarté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

67      Le CC soutient que, en affirmant, aux points 42 à 45 de l’arrêt attaqué, que c’était au regard des bases juridiques visées dans la décision 2017/652 au soutien de la première proposition qu’il convenait d’apprécier si, en l’espèce, la communication litigieuse était entachée d’une erreur de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation, le Tribunal n’a pas tenu compte du large pouvoir d’appréciation et des compétences de la Commission.

68      Le CC estime que cette institution était libre de recourir à d’autres bases juridiques que l’article 165, paragraphe 4, second tiret, et l’article 167, paragraphe 5, second tiret, TFUE, notamment l’article 2, l’article 3, paragraphe 3, quatrième alinéa, TUE, les articles 19, 165, l’article 166, paragraphe 4, l’article 167, paragraphes 4 et 5, les articles 168, 169, 173 et l’article 352, paragraphe 1, TFUE.

69      Le gouvernement hongrois ajoute que la Commission aurait dû examiner les autres domaines qui ne relevaient pas de l’éducation et de la culture, au sens strict, puisque l’initiative Minority SafePack n’était pas limitée à ces deux seuls derniers domaines.

70       Selon le gouvernement hongrois, le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 43, 79 et 80 de l’arrêt attaqué, en jugeant que la première proposition s’inscrivait uniquement dans les domaines de la culture et de l’éducation et que l’utilisation des langues régionales et minoritaires dans d’autres « domaines de la vie » échappait à la compétence de la Commission. L’article 167, paragraphe 4, TFUE établirait un lien entre la politique culturelle et les autres politiques de l’Union. Par conséquent, les organisateurs de l’initiative Minority SafePack auraient été en droit de supposer que la Commission examinerait également les propositions formulées dans le domaine de la culture au regard des autres domaines expressément désignés dans cette initiative citoyenne, à savoir l’administration publique, les services publics, la justice, les médias, les soins de santé, le commerce et la protection des consommateurs.

71      Selon ce gouvernement, les attributions de la Commission lui permettent uniquement d’exclure les points au sujet desquels son analyse préalable révèle qu’ils sont manifestement en dehors du cadre de celles-ci. Or, ce ne serait pas le cas des éléments énumérés par les organisateurs de l’initiative Minority SafePack en ce qui concerne les services publics, les médias, les soins de santé, le commerce et la protection des consommateurs. De plus, la Commission n’aurait pas indiqué, dans la décision 2017/652, qu’elle entendait s’écarter de la position de ces organisateurs en ce qui concerne la base juridique et qu’elle considérait que les domaines qui relevaient aussi d’autres dispositions du traité FUE ne faisaient pas partie de l’initiative Minority SafePack.

72      De même, la position du Tribunal, à l’instar de celle de la Commission, serait incompatible avec la jurisprudence selon laquelle la première analyse effectuée lors de l’enregistrement d’une initiative citoyenne européenne est sans préjudice de l’examen du choix de la base juridique d’un acte, le cas échéant adopté du fait de cette initiative citoyenne et sur proposition de la Commission. Il en résulterait que, en l’espèce, la Commission aurait dû procéder à un nouvel examen portant sur les neuf propositions enregistrées.

73      La Communauté germanophone de Belgique affirme que l’appréciation du Tribunal, selon laquelle la référence figurant au considérant 4, point a), de la décision 2017/652 lierait la Commission dans le cadre de son appréciation, est dénuée de fondement. Le règlement 2019/788 ne permettrait pas de tirer une telle conclusion. En outre, reconnaître un effet contraignant à une décision d’enregistrement serait inconciliable avec le large pouvoir d’appréciation dont jouit la Commission pour prendre des mesures spécifiques, à la suite de l’enregistrement d’une initiative citoyenne européenne valable. En outre, le règlement 2019/788 ne saurait, selon les termes du considérant 5 de celui-ci, « réaliser pleinement son potentiel en tant qu’outil permettant de renforcer le débat » que si la Commission procède à une analyse globale des bases juridiques et ne limite pas son appréciation à la base juridique identifiée dans la décision d’enregistrement concernée.

74      La Commission conteste cette argumentation.

 Appréciation de la Cour

75      Aux points 42 à 45 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que l’argumentation par laquelle le CC soutenait que la Commission avait, à tort, considéré que l’Union était dépourvue de compétence pour adopter la première proposition visant à protéger et à promouvoir la diversité culturelle et linguistique, devait être examinée à la lumière de ces objectifs et des bases juridiques visées par le CC à l’appui de cette proposition.

76      Par le troisième moyen de pourvoi, le CC soutient que, ce faisant, le Tribunal a commis une erreur de droit, puisque la Commission aurait pu atteindre les objectifs de la première proposition sur le fondement d’autres bases juridiques que celles visées dans l’initiative Minority SafePack.

77      La décision de la Commission de ne pas entreprendre d’action à la suite d’une initiative citoyenne européenne qui a été enregistrée et a recueilli le soutien requis relève de l’exercice, par cette institution, de son pouvoir d’initiative législative consacré à l’article 17 TUE. La Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans l’exercice de ce pouvoir, de telle sorte que cette décision est soumise à un contrôle juridictionnel restreint, visant à vérifier, notamment, le caractère suffisant de sa motivation et l’absence d’erreurs manifestes d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Puppinck e.a./Commission, C‑418/18 P, EU:C:2019:1113, points 88, 89 et 96).

78      À cet égard, il convient de relever qu’il ressort du libellé de l’article 11, paragraphe 4, TUE qu’une initiative citoyenne européenne vise à « inviter » la Commission à soumettre une proposition appropriée aux fins de l’application des traités, et non pas à obliger cette institution à entreprendre l’action ou les actions envisagées par l’initiative citoyenne concernée. Cette interprétation textuelle est corroborée par le libellé de l’article 2, point 1, du règlement n° 211/2011, qui définissait l’« initiative citoyenne » comme une initiative présentée à la Commission, conformément à ce règlement, « invitant » cette institution à soumettre une proposition telle que celle visée à l’article 11, paragraphe 4, TUE. Il ressort par ailleurs des termes de l’article 15, paragraphe 2, du règlement 2019/788 que, lorsqu’elle reçoit une initiative citoyenne européenne, la Commission présente l’action qu’elle compte, le cas échéant, entreprendre, ainsi que les raisons qu’elle a d’entreprendre ou de ne pas entreprendre d’action, ce qui confirme que la présentation par la Commission d’une proposition d’acte de l’Union à la suite d’une initiative citoyenne revêt un caractère facultatif (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Puppinck e.a./Commission, C‑418/18 P, EU:C:2019:1113, point 57).

79      Si la Commission estime opportun, juridiquement et politiquement, d’entreprendre une telle action, elle est alors libre de définir les voies et les moyens destinés à assurer la mise en œuvre de cette action, notamment, la base juridique de celle-ci, laquelle dépend de la finalité de ladite action et des règles définies par le traité FUE.

80      En revanche, lorsque la Commission décide de ne pas entreprendre d’action à la suite d’une initiative citoyenne européenne, l’article 15, paragraphe 2, du règlement 2019/788 lui impose non pas d’identifier de manière exhaustive les bases juridiques sur lesquelles une telle action aurait pu reposer, mais d’exposer les raisons pour lesquelles elle a décidé de ne pas faire usage de son pouvoir d’initiative législative.

81      En l’espèce, aux points 42 et 43 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a souligné que l’objectif de la première proposition est l’adoption d’une recommandation du Conseil relative à la protection et à la promotion de la diversité culturelle et linguistique au sein de l’Union définissant des moyens de protéger et de promouvoir la diversité culturelle et linguistique. Les organisateurs de l’initiative Minority SafePack ont proposé que cette recommandation soit adoptée sur le fondement de l’article 165, paragraphe 4, et de l’article 167, paragraphe 5, TFUE, alors que seuls les domaines de l’éducation et de la culture sont visés par ces bases juridiques.

82      Contrairement à ce que prétend le CC, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, au point 45 de l’arrêt attaqué, que c’est à l’aune de l’objectif poursuivi par la première proposition et des bases juridiques visées par le CC en ce qui concerne cette proposition qu’il convenait d’apprécier si la communication litigieuse était entachée d’une erreur de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation.

83      Le troisième moyen de pourvoi étant non fondé, il doit, dès lors, être écarté.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation des parties

84      Selon le CC, le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a jugé, au point 53 de l’arrêt attaqué, d’une part, qu’une erreur ne pouvait être qualifiée de manifeste que lorsqu’elle peut être détectée de façon évidente et, d’autre part, que les preuves apportées par les parties devaient être suffisantes pour priver de plausibilité les appréciations effectuées par la Commission. De telles exigences imposeraient une charge supplémentaire aux parties requérantes et ne ressortiraient pas de la jurisprudence issue de l’arrêt du 19 décembre 2019, Puppinck e.a./Commission (C‑418/18 P, EU:C:2019:1113).

85      La Communauté germanophone de Belgique fait valoir que l’interprétation du Tribunal permettrait à la Commission de prendre des décisions sur le fond de manière arbitraire, pourvu qu’elle puisse fournir une quelconque explication. Cette interprétation serait d’autant moins acceptable que l’obligation pour la Commission d’examiner avec soin les objectifs spécifiques d’une initiative citoyenne européenne, lorsqu’elle prend des décisions en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement 2019/788, découle également du droit à une bonne administration, consacré à l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, lequel s’applique explicitement, en vertu du considérant 28 du règlement 2019/788.

86      La Commission soutient que le quatrième moyen de pourvoi est inopérant, le CC n’ayant pas démontré que l’erreur de droit alléguée avait eu une influence sur le dispositif de l’arrêt attaqué.

87      En tout état de cause, ce quatrième moyen serait non fondé.

 Appréciation de la Cour

88      Lorsque les institutions de l’Union disposent, comme la Commission en l’espèce, d’un large pouvoir d’appréciation et, en particulier, lorsqu’elles sont amenées à opérer des choix de nature, notamment, politique et des appréciations complexes, le contrôle juridictionnel des appréciations sous-tendant l’exercice de ce pouvoir doit consister à vérifier l’absence d’erreurs manifestes (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, points 123 et 124 ainsi que jurisprudence citée, et arrêt du 19 décembre 2019, Puppinck e.a./Commission, C‑418/18 P, EU:C:2019:1113, point 95).

89      Partant, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, aux points 52 à 89 de l’arrêt attaqué, que la communication litigieuse relevait de l’exercice d’un large pouvoir d’appréciation de la Commission et devait, en conséquence, faire l’objet d’un contrôle juridictionnel visant à vérifier, outre le caractère suffisant de sa motivation, l’absence d’erreurs manifestes d’appréciation.

90      Il s’ensuit que le quatrième moyen de pourvoi doit être écarté comme étant non fondé.

 Sur le cinquième moyen

 Argumentation des parties

91      Le CC conteste les appréciations par lesquelles le Tribunal a jugé, aux points 54 à 87 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que les actes mentionnés dans la communication litigieuse permettaient, pris dans leur ensemble, d’atteindre l’objectif poursuivi par la première proposition.

92      Selon le gouvernement hongrois, le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a estimé qu’aucun acte juridique supplémentaire n’était nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi par la première proposition dès lors que cet objectif était susceptible d’être réalisé par l’ensemble des actes mentionnés dans la communication litigieuse. Or, ni la Commission ni le Tribunal n’auraient analysé l’effet combiné des instruments juridiques et des actions décrits dans l’initiative Minority SafePack. Ils auraient uniquement examiné ceux-ci un par un pour vérifier qu’ils présentaient un lien avec l’objectif poursuivi par cette initiative, alors qu’aucun des instruments juridiques de l’Union visés dans l’initiative Minority SafePack n’avait comme élément central et essentiel l’objectif proprement dit de ladite initiative, qui est l’utilisation des langues régionales et minoritaires dans ce contexte.

93      Le gouvernement hongrois estime que le fait qu’une mesure vise explicitement un objectif, ce qui implique une manifestation de volonté, et le fait que cet objectif ne soit pas exclu du champ d’application d’une mesure, ce qui ne constitue qu’une simple possibilité, sont deux choses bien différentes. Or, si les instruments juridiques énumérés dans la communication litigieuse n’étaient pas en eux-mêmes susceptibles de parvenir à l’effet explicitement souhaité par les organisateurs de l’initiative Minority SafePack, il serait difficile d’affirmer que, pris conjointement, ils pourraient y parvenir.

94      La Commission conteste cette argumentation.

 Appréciation de la Cour

95      Par le cinquième moyen de pourvoi, le CC conteste les motifs exposés aux points 54 à 87 de l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal a écarté, au point 88 de cet arrêt, l’argumentation selon laquelle la Commission avait, à tort, considéré que l’adoption d’actes juridiques supplémentaires n’était pas nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi par la première proposition, cet objectif pouvant être réalisé par l’ensemble des actes mentionnés dans la communication litigieuse.

96      Dans la communication litigieuse, la Commission a dressé une liste d’instruments existants qui, pris ensemble, permettaient d’atteindre les objectifs de la première proposition.

97      Le Tribunal, aux points 58, 83 et 87 de l’arrêt attaqué, a considéré qu’il importait peu qu’un acte, pris isolément, ne permette pas d’atteindre pleinement l’objectif poursuivi par la première proposition, si l’ensemble des actes mentionnés dans la communication litigieuse étaient susceptibles, conjointement, de permettre la réalisation de cet objectif.

98      En premier lieu, le CC soutient que les actes mentionnés par la Commission dans la communication litigieuse ne constituent qu’un ensemble disparate de mesures isolées et dépourvues d’effets contraignants. Or, il résulte de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169 du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. Le CC n’ayant invoqué aucun raisonnement juridique permettant d’identifier une erreur de droit commise par le Tribunal, son premier argument doit être écarté.

99      En second lieu, le CC conteste les appréciations portées par le Tribunal sur les actes juridiques que la Commission a estimé comme étant propres à atteindre les objectifs poursuivis par la première proposition.

100    Premièrement, le CC prétend que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, la référence à la charte du Conseil de l’Europe est manifestement inappropriée pour atteindre ces objectifs et qu’aucun des documents mentionnés dans la communication litigieuse ne fait référence à cette charte. Toutefois, le CC ne fait ainsi que répéter un argument invoqué et examiné devant le Tribunal, notamment au point 55 de l’arrêt attaqué, sans expliquer en quoi le Tribunal aurait commis une dénaturation des faits ou une erreur de droit à cet égard, de sorte que cet argument doit être écarté comme étant irrecevable. En effet, ne répond pas aux exigences de motivation résultant des dispositions visées au point 61 du présent arrêt un pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué, se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont été présentés devant le Tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément écartés par cette juridiction. Un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (arrêt du 4 octobre 2024, García Fernández e.a./Commission et CRU, C‑541/22 P, EU:C:2024:820, point 140 ainsi que jurisprudence citée).

101    Deuxièmement, le CC soutient que les mesures adoptées par la Commission dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 7 de la convention de l’Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, adoptée lors de la Conférence générale de l’Unesco tenue le 20 octobre 2005 à Paris et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2006/515/CE du Conseil, du 18 mai 2006 (JO 2006, L 201, p. 15), ne poursuivent que l’objectif d’inclusion sociale. Or, comme le Tribunal l’a indiqué à bon droit aux points 62 à 66 de l’arrêt attaqué, cette convention rappelle que la diversité linguistique est un élément fondamental de la diversité culturelle et réaffirme le rôle fondamental que joue l’éducation dans la protection et dans la promotion des expressions culturelles. Cet argument doit donc être écarté comme étant non fondé.

102    Troisièmement, le CC fait valoir que le programme de travail 2019-2022 en faveur de la culture et le groupe d’experts « Multilinguisme et traduction » établi dans le cadre de ce programme de travail ne peuvent contribuer aux objectifs de la première proposition, dès lors que ledit programme de travail ne comporte pas de référence spécifique aux langues minoritaires et que ces langues ne peuvent être traitées de la même manière que les autres. Or, ainsi que le Tribunal l’a expliqué aux points 68 à 71 de l’arrêt attaqué, les principes directeurs des conclusions du Conseil sur le programme de travail 2019-2022 en faveur de la culture (JO 2018, C 460, p. 12) précisent que la diversité culturelle et linguistique est un atout essentiel de l’Union comme sa protection et sa promotion sont au cœur de la politique culturelle menée au niveau européen. En outre, ce groupe de travail est composé de différents experts des États membres qui ont pour mission de promouvoir les œuvres littéraires rédigées dans leur langue nationale, mais aussi dans les langues minoritaires. Cet argument doit donc également être écarté comme étant non fondé.

103    Quatrièmement, la recommandation du Conseil, du 22 mai 2018, relative à la promotion de valeurs communes, à l’éducation inclusive et à la dimension européenne de l’enseignement (JO 2018, C 195, p. 1) vise, notamment, à promouvoir les valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée, et ce dès le plus jeune âge et à tous les niveaux de l’éducation. Par ailleurs, le respect des droits des minorités, tel que celui-ci est prévu à l’article 2 TUE, figure parmi ces valeurs. Dans ces conditions, le Tribunal a valablement pu considérer, au point 74 de l’arrêt attaqué, que cette recommandation pouvait contribuer, ne fût-ce que partiellement, à la réalisation de l’objectif poursuivi par la première proposition.

104    Cinquièmement, le CC soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en écartant l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne la recommandation du Conseil, du 22 mai 2019, relative à une approche globale de l’enseignement et de l’apprentissage des langues (JO 2019, C 189, p. 15). Or, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a constaté, aux points 75 à 78 de l’arrêt attaqué, que non seulement les langues minoritaires n’étaient pas exclues du champ d’application de cette recommandation, mais aussi que la « diversité » était mentionnée parmi les objectifs sous-jacents de celle‑ci.

105    Sixièmement, le CC fait valoir que le Tribunal a fait une appréciation erronée de la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, du 7 octobre 2020, intitulée « Une Union de l’égalité : cadre stratégique de l’UE pour l’égalité, l’inclusion et la participation des Roms » [COM(2020) 620 final], et de la proposition de recommandation du Conseil sur l’égalité, l’inclusion et la participation des Roms [COM(2020) 621 final], étant donné que ces initiatives aborderaient essentiellement le domaine de l’éducation dans le contexte de la lutte contre l’exclusion sociale, et ce d’une seule minorité particulière. Toutefois, ainsi que le Tribunal l’a relevé aux points 83 et 84 de l’arrêt attaqué, le cadre stratégique de l’Union pour les Roms n’est pas dénué de pertinence au regard des objectifs poursuivis par la première proposition, puisque ce cadre stratégique incluait un volet visant à promouvoir la sensibilisation à la langue romani.

106    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le cinquième moyen de pourvoi doit être écarté.

 Sur le sixième moyen

 Argumentation des parties

107    Par le sixième moyen de pourvoi, le CC reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit, au point 97 de l’arrêt attaqué, en ayant méconnu le fait que le CELV et le centre de la diversité linguistique proposé dans l’initiative Minority SafePack avaient des fonctions totalement différentes. D’après ses statuts, le CELV serait par essence un établissement d’enseignement axé sur l’apprentissage et l’enseignement des langues et traitant de questions pédagogiques. Il ne serait pas susceptible de couvrir les objectifs poursuivis par le centre de la diversité linguistique proposé dans l’initiative Minority SafePack. De plus, il ne serait pas prévu dans les statuts du CELV que ce dernier doit promouvoir les langues régionales et minoritaires et aucun engagement explicite n’attesterait qu’il peut contribuer à la promotion de ces langues. Enfin, l’Union n’étant pas membre du Conseil de l’Europe, aucune voie de recours ne pourrait non plus garantir l’accomplissement de cette mission.

108    Selon le gouvernement hongrois, il ressort des informations supplémentaires présentées dans l’initiative Minority SafePack que, contrairement à l’approche privilégiée par la Commission et le Tribunal, le centre de la diversité linguistique proposé dans cette initiative disposerait d’attributions diverses et variées qui ne sauraient être limitées à la promotion de l’enseignement et de l’apprentissage des langues. Ce centre exercerait des activités de recherche et d’analyse telles que, par exemple, la collecte de données objectives pour aider les décideurs à exercer leurs activités et à rendre accessibles les informations et les compétences dont ils disposent. Ces activités couvriraient non seulement l’éducation, mais aussi, plus largement, les domaines les plus vastes relatifs à l’utilisation des langues tels que, par exemple, la vie publique, les médias, la culture, l’administration publique et les services publics.

109    Selon le gouvernement hongrois, le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 101 de l’arrêt attaqué, que le CC, soutenu par la Hongrie, n’avaient soulevé aucun élément concret remettant en cause l’existence des liens étroits entre le Conseil de l’Europe et le CELV.

110    Ces liens ne seraient pas pertinents. En effet, le gouvernement hongrois soutient que la charte du Conseil de l’Europe fait l’objet d’un suivi par le comité d’experts de cette charte qui établit un rapport de suivi à l’attention du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Or, ce rapport de suivi mentionnerait les sources utilisées et les partenaires fournissant les données, parmi lesquels le CELV ne figurerait pas.

111    Concernant les éléments de preuve dont le Tribunal a estimé qu’ils faisaient défaut, ce gouvernement relève que l’analyse conjointe de l’ensemble des documents sur lesquels s’appuient le CC et le gouvernement hongrois démontreraient clairement que de tels liens n’existent pas. De plus, la Commission indiquerait, au point 149 du mémoire en défense, que le CELV a publié sur son site Internet le rapport de suivi sur l’application de la charte du Conseil de l’Europe, en fournissant un lien vers celui-ci. Cependant, ce rapport de suivi, qui énumère expressément les organes et institutions avec lesquels le Conseil de l’Europe coopère, ne mentionnerait pas le CELV.

112    Selon la Province autonome de Bolzano – Tyrol du Sud/Haut-Adige, aucun instrument ou programme visant spécifiquement et concrètement la protection des minorités linguistiques concernées n’aurait été adopté à ce jour.

113    La Communauté germanophone de Belgique soutient que le Tribunal a omis de relever que, dans la communication litigieuse, la Commission n’avait pas pris en compte les objectifs et les missions du centre de la diversité linguistique visé dans la troisième proposition. Pour justifier sa décision de rejeter cette proposition, la Commission se serait en effet appuyée uniquement sur l’existence du CELV qui ne serait pas spécifiquement dédié aux besoins et aux intérêts des langues régionales et minoritaires. Cela mettrait en exergue l’erreur de la Commission, puisque la « diversité linguistique » et l’« apprentissage des langues » ne viseraient pas, en tant que tels, à protéger et à promouvoir les langues régionales et minoritaires. Envisagées de manière aussi théorique, ces mesures seraient inefficaces pour atteindre les objectifs du centre de la diversité linguistique faisant l’objet de ladite proposition.

114    Selon la Commission, le sixième moyen de pourvoi doit être écarté comme étant irrecevable, car le CC ne fait que répéter certains arguments invoqués et examinés devant le Tribunal, notamment aux points 96 à 107 de l’arrêt attaqué, et ce sans expliquer en quoi le Tribunal aurait commis une erreur de droit dans cet arrêt à cet égard.

115    En tout état de cause, le sixième moyen de pourvoi serait non fondé.

 Appréciation de la Cour

116    Par le sixième moyen de pourvoi, le CC fait valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit, au point 97 de l’arrêt attaqué, en ayant méconnu le fait que le CELV et le centre de la diversité linguistique proposé dans l’initiative Minority SafePack avaient des fonctions totalement différentes.

117    Par ce moyen, le CC ne fait que répéter des arguments déjà invoqués et examinés devant le Tribunal, notamment aux points 96 à 107 de l’arrêt attaqué, et ce sans démontrer en quoi le Tribunal aurait commis une dénaturation des faits ou une erreur de droit à cet égard. Ledit moyen doit donc être écarté comme étant irrecevable, conformément à la jurisprudence citée au point 100 du présent arrêt.

 Sur le septième moyen

 Argumentation des parties

118    Selon le CC, le Tribunal a violé les règles applicables en matière de charge de la preuve concernant les obligations imposées aux fournisseurs de services de médias audiovisuels à la demande (ci-après « services de VOD ») visées dans la communication litigieuse. Il fait valoir qu’il est pratiquement impossible, pour un groupe de citoyens, d’obtenir des statistiques complètes et d’autres informations pertinentes pour l’ensemble de l’Union, concernant le respect du quota de 30 % prévu à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2010/13 ou encore la part des œuvres offertes dans les langues régionales et minoritaires. De telles informations ne seraient disponibles que pour les fournisseurs de services de VOD. De plus, conformément à l’article 13, paragraphe 4, de cette directive, les informations relatives à la mise en œuvre de cette obligation ne seraient communiquées qu’à la Commission. Il aurait donc été plus approprié de faire peser la charge de la preuve sur la Commission, puisque cela aurait facilité le contrôle juridictionnel de la mesure proposée et contribué à la réalisation des objectifs de l’initiative Minority SafePack.

119    Le gouvernement hongrois estime que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, aux points 143 à 145 de l’arrêt attaqué, que les restrictions territoriales relatives à des événements d’importance majeure pour la société ne relevaient pas de la huitième proposition et que, partant, aucune erreur manifeste d’appréciation de la Commission ne pouvait être établie.

120    Or, les organisateurs de l’initiative Minority SafePack auraient indiqué qu’il était nécessaire de modifier la législation existante pour assurer la libre réception et lever l’interdiction de la retransmission des contenus multimédia audiovisuels.

121    Ainsi, selon le gouvernement hongrois, la question des événements d’importance majeure pour la société faisait déjà partie intégrante de l’initiative Minority SafePack, l’objectif de la proposition de modification de la directive 2010/13 étant de garantir la libre prestation de services audiovisuels et la libre réception des contenus diffusés dans les zones habitées par des minorités nationales.

122    Or, la Commission n’aurait pas indiqué, dans la décision 2017/652, qu’elle entendait s’écarter de l’interprétation figurant dans l’initiative Minority SafePack, alors que le libellé de la proposition enregistrée ne pourrait pas être dissocié ni considéré indépendamment des informations figurant dans l’annexe de l’initiative Minority SafePack, mais devrait être interprété en combinaison avec celles-ci.

123    La Province autonome de Bolzano – Tyrol du Sud/Haut-Adige soutient que tant que les restrictions empêchant les minorités d’avoir accès à des contenus audiovisuels produits dans d’autres États membres ne seront pas levées, les citoyens de l’Union concernés appartenant à des minorités linguistiques ne seront pas traités de la même manière que les autres citoyens et ne pourront pas exercer leurs droits fondamentaux garantis par les traités. Or, la compétence de l’Union pour intervenir afin d’éliminer les obstacles à la libre prestation de services de médias audiovisuels ne ferait aucun doute, en raison de l’existence même de la directive 2010/13, et la mesure concernée ne nécessiterait qu’une simple mise en œuvre de la législation existante.

124    La Commission conteste cette argumentation.

 Appréciation de la Cour

125    Par le septième moyen de pourvoi, le CC fait valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en méconnaissant les règles applicables à la charge de la preuve lorsqu’il a examiné si la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne l’appréciation de la huitième proposition. En particulier, le CC conteste l’affirmation, figurant au point 138 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le CC n’avait invoqué aucun élément concret remettant en cause l’appréciation de la Commission selon laquelle l’obligation imposée aux fournisseurs de services de VOD de proposer une part d’au moins 30% d’œuvres européennes dans leurs catalogues et de mettre ces œuvres en valeur, prévue à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2010/13 et mentionnée dans la communication litigieuse, était susceptible de contribuer à améliorer la diversité culturelle et à donner accès à un plus large éventail transfrontière de contenus audiovisuels, même en l’absence d’exigence plus spécifique quant à l’origine ou à la langue des œuvres européennes en question.

126    Toutefois, ce point 138 fait partie de l’appréciation plus générale, effectuée aux points 127 à 144 de l’arrêt attaqué, de la quatrième branche du deuxième moyen de première instance, tirée de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission en ce qui concerne la huitième proposition. Prises isolément, les considérations exposées au point 138 de cet arrêt sont sans influence sur le dispositif dudit arrêt.

127    Or, aux points 132 à 137 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la Commission n’avait pas commis d’erreur d’appréciation à cet égard.

128    Le Tribunal a en effet considéré que la Commission avait indiqué les données sur la base desquelles le quota de 30 % prévu à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2010/13 pouvait contribuer à promouvoir la proportion de langues régionales et minoritaires et contribuer ainsi à améliorer la diversité culturelle, la réception de contenus audiovisuels étant déjà atteinte dans toute l’Union, et donc également dans des régions où vivent des minorités nationales.

129    Au demeurant, par son argumentation, le CC, sous couvert d’invoquer une erreur de droit relative à la charge de la preuve, vise en réalité à obtenir une nouvelle appréciation de cette preuve, ce qui ne relève pas de la compétence de la Cour dans le cadre de la procédure de pourvoi.

130    Il convient par conséquent d’écarter le septième moyen de pourvoi.

 Sur le huitième moyen

 Argumentation des parties

131    Le CC, soutenu, en substance, par le gouvernement hongrois, fait valoir que, en jugeant, aux points 15 à 29 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’a pas enfreint l’obligation de motivation qui lui incombe au titre de l’article 15, paragraphe 2, du règlement 2019/788, le Tribunal a commis une erreur de droit. La Commission aurait dû procéder à un examen complet des documents fournis, c’est-à-dire non seulement des propositions de l’initiative Minority SafePack, mais également de l’ensemble des explications ainsi que des éclaircissements écrits et oraux fournis par le CC, lors de la réunion du 5 février 2020 et de l’audition publique mentionnées, respectivement, au point 23 du présent arrêt et au point 24 de celui-ci. Le CC soutient, en outre, que le Tribunal, en écartant l’argumentation de première instance relative au défaut de motivation de la communication litigieuse concernant les premières, deuxième, quatrième et sixième propositions, s’est fondée sur une interprétation erronée de l’obligation de motivation qui incombe à la Commission.

132    Selon la Commission, le huitième moyen de pourvoi est pour partie irrecevable et pour partie non fondé.

 Appréciation de la Cour

133    Force est de constater que, sous couvert d’invoquer une erreur de droit commise par le Tribunal dans l’interprétation de l’étendue de l’obligation de motivation qui pèse sur la Commission au titre de l’article 15, paragraphe 2, du règlement 2019/788, le CC demande en réalité à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation des griefs de première instance dirigés contre la motivation de la décision litigieuse, ce qui ne relève pas de la compétence de la Cour dans le cadre de la procédure de pourvoi, conformément à la jurisprudence rappelée au point 62 du présent arrêt. Le huitième moyen de pourvoi doit donc être écarté comme étant irrecevable.

 Sur le neuvième moyen

 Sur la contradiction de motifs dans l’arrêt attaqué en ce qui concerne la première proposition

–       Argumentation des parties

134    Par la première branche du neuvième moyen de pourvoi, le CC soutient que le Tribunal s’est appuyé sur des motifs contradictoires dans l’arrêt attaqué et a ainsi commis une erreur de droit. En effet, d’une part le Tribunal aurait jugé, aux points 42 à 45 de cet arrêt, que c’était au regard de l’objectif poursuivi par la première proposition et des bases juridiques visées par le CC en ce qui concerne cette proposition qu’il convenait d’apprécier si la communication litigieuse était entachée d’erreurs. D’autre part, le Tribunal aurait déclaré que cet objectif pouvait être atteint par l’intermédiaire d’autres instruments existants et initiatives en cours, lesquels reposeraient sur d’autres bases juridiques que celles visées par le CC.

135    La Commission conteste cette argumentation.

–       Appréciation de la Cour

136    Le Tribunal a jugé que la portée de la première proposition, telle qu’elle a été présentée par les organisateurs de l’initiative Minority SafePack et déterminée dans la décision 2017/652, concernait une proposition de recommandation du Conseil relative à la protection et à la promotion de la diversité culturelle et linguistique au sein de l’Union, fondée sur l’article 165, paragraphe 4, et l’article 167, paragraphe 5, TFUE.

137    Il ressortait de toutes les informations fournies par le CC aux différentes étapes de la procédure de l’initiative Minority SafePack que cette proposition portait principalement sur les domaines de l’éducation et de la culture. C’est également dans ce contexte que la communication litigieuse présentait un ensemble substantiel de mesures que la Commission jugeait pertinentes pour atteindre ces objectifs.

138    Le fait que ces mesures consistaient, notamment, en différents instruments du droit international ou en des instruments fondés sur d’autres bases juridiques que celles visées dans ladite proposition ne saurait en aucun cas avoir une incidence sur l’appréciation effectuée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, qui portait sur les actions spécifiques dans le cadre de ces instruments qui concernent la protection ainsi que la promotion de la diversité culturelle et linguistique dans le domaine de l’éducation et de la culture.

139    La première branche du neuvième moyen de pourvoi doit donc être écartée.

 Sur l’erreur de droit en ce qui concerne la sixième proposition

–       Argumentation des parties

140    Selon le CC, le Tribunal n’a pas tenu compte de son argument selon lequel le plan d’action en faveur de l’intégration et de l’inclusion pour la période 2021-2027 n’était pas destiné à répondre aux objectifs de la sixième proposition, car ce plan d’action ne viserait pas la situation des minorités apatrides. De même, le document étayant cet argument n’aurait pas été pris en compte par le Tribunal, lequel aurait, par conséquent, commis une erreur de droit dans l’arrêt attaqué.

141    Selon la Commission, la seconde branche du neuvième moyen de pourvoi doit être déclarée irrecevable au motif que le CC ne fait que répéter un argument invoqué et examiné devant le Tribunal sans contester l’arrêt attaqué en ce qui concerne ledit plan d’action. En tout état de cause, cette seconde branche devrait être écartée comme étant non fondée.

–       Appréciation de la Cour

142    Par la seconde branche du neuvième moyen de son pourvoi, le CC ne fait que réitérer l’argumentation invoquée en première instance, sans expliquer en quoi le Tribunal aurait commis une dénaturation des faits ou une erreur de droit à cet égard. Par conséquent, cette seconde branche doit être écartée comme étant irrecevable, conformément à la jurisprudence citée au point 100 du présent arrêt.

143    Aucun des moyens soulevés par le CC n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son intégralité.

 Sur les dépens

144    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

145    Le CC ayant succombé et la Commission ayant conclu à la condamnation de celui-ci aux dépens, il y a lieu de condamner le CC à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.

146    En vertu de l’article 184, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’elle n’a pas, elle-même, formé le pourvoi, une partie intervenante en première instance ne peut être condamnée aux dépens dans la procédure de pourvoi que si elle a participé à la phase écrite ou orale de la procédure devant la Cour. Lorsqu’une telle partie participe à la procédure, la Cour peut décider qu’elle supportera ses propres dépens.

147    La Hongrie ayant participé à la procédure devant la Cour, il y a lieu de décider que, dans les circonstances de l’espèce, elle supportera ses propres dépens.

148    En vertu de l’article 140, paragraphe 3, de son règlement de procédure, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, la Cour peut décider qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées aux paragraphes précédents de cet article 140 supportera ses propres dépens.

149    La Communauté germanophone de Belgique et la Province autonome de Bolzano – Tyrol du Sud/Haut-Adige ayant participé à la procédure devant la Cour, il y a lieu de décider que, dans les circonstances de l’espèce, elles supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Le Citizens’ Committee of the European Citizens’ Initiative « Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe » est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

3)      La Hongrie supporte ses propres dépens.

4)      La Deutschsprachige Gemeinschaft Belgiens (Communauté germanophone de Belgique) et l’Autonome Provinz Bozen Südtirol – Provincia Autonoma di Bolzano Alto Adige (Province autonome de Bolzano – Tyrol du Sud/Haut-Adige, Italie) supportent leurs propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.

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