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Document 62019CJ0374

Arrêt de la Cour (huitième chambre) du 9 juillet 2020.
HF contre Finanzamt Bad Neuenahr-Ahrweiler.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesfinanzhof.
Renvoi préjudiciel – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Régularisation des déductions – Modification du droit à déduction – Bien d’investissement utilisé à la fois pour des opérations taxées et des opérations exonérées – Cessation de l’activité ouvrant le droit à la déduction – Utilisation résiduelle et exclusive pour des opérations exonérées.
Affaire C-374/19.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2020:546

 ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

9 juillet 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Régularisation des déductions – Modification du droit à déduction – Bien d’investissement utilisé à la fois pour des opérations taxées et des opérations exonérées – Cessation de l’activité ouvrant le droit à la déduction – Utilisation résiduelle et exclusive pour des opérations exonérées »

Dans l’affaire C‑374/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne), par décision du 27 mars 2019, parvenue à la Cour le 13 mai 2019, dans la procédure

HF

contre

Finanzamt Bad Neuenahr-Ahrweiler,

LA COUR (huitième chambre),

composée de Mme L. S. Rossi, présidente de chambre, Mme A. Prechal (rapporteure), présidente de la troisième chambre, et M. N. Wahl, juge,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour HF, par M. M. S. Thum, Steuerberater,

pour le gouvernement allemand, par M. J. Möller et Mme S. Eisenberg, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes L. Lozano Palacios et J. Jokubauskaitė ainsi que par M. R. Pethke, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 185 et 187 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant HF au Finanzamt Bad Neuenahr-Ahrweiler (bureau des impôts de Bad Neuenahr-Ahrweiler, Allemagne) (ci-après le « bureau des impôts ») au sujet de la régularisation des déductions de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qu’elle a acquittée sur la construction d’une cafétéria annexée à la maison de repos qu’elle exploite en vue d’opérations exonérées de la TVA.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 167 de la directive TVA dispose que le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.

4

L’article 168 de cette directive énonce :

« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :

a)

la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ;

[...] »

5

L’article 184 de ladite directive est libellé comme suit :

« La déduction initialement opérée est régularisée lorsqu’elle est supérieure ou inférieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer. »

6

Aux termes de l’article 185 de la même directive :

« 1.   La régularisation a lieu notamment lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration de TVA, entre autres en cas d’achats annulés ou en cas de rabais obtenus.

2.   Par dérogation au paragraphe 1, il n’y a pas lieu à régularisation en cas d’opérations totalement ou partiellement impayées, en cas de destruction, de perte ou de vol dûment prouvés ou justifiés et en cas de prélèvements effectués pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons visés à l’article 16.

En cas d’opérations totalement ou partiellement impayées et en cas de vol, les États membres peuvent toutefois exiger la régularisation. »

7

L’article 187 de la directive TVA prévoit :

« 1.   En ce qui concerne les biens d’investissement, la régularisation est opérée pendant une période de cinq années, dont celle au cours de laquelle le bien a été acquis ou fabriqué.

Toutefois, les États membres peuvent, lors de la régularisation, se baser sur une période de cinq années entières à compter du début de l’utilisation du bien.

En ce qui concerne les biens d’investissement immobiliers, la durée de la période servant de base au calcul des régularisations peut être prolongée jusqu’à vingt ans.

2.   Chaque année, la régularisation ne porte que sur le cinquième ou, dans le cas où la période de régularisation a été prolongée, sur la fraction correspondante de la TVA dont les biens d’investissement ont été grevés.

La régularisation visée au premier alinéa est effectuée en fonction des modifications du droit à déduction intervenues au cours des années suivantes, par rapport à celui de l’année au cours de laquelle le bien a été acquis, fabriqué ou, le cas échéant, utilisé pour la première fois. »

Le droit allemand

8

L’article 15a, paragraphe 1, de l’Umsatzsteuergesetz (loi sur la taxe sur le chiffre d’affaires), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« UStG »), dispose :

« Lorsque des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions initiales se modifient dans les cinq ans de la première utilisation d’un bien d’investissement qui n’est pas utilisé qu’une seule fois pour réaliser des opérations, une compensation doit être opérée, au titre de chaque année civile correspondant à ces modifications, par la voie d’une régularisation de la déduction des taxes qui ont grevé les coûts d’acquisition et de production. S’agissant des biens immeubles, y compris leurs composantes essentielles, des régularisations auxquelles les dispositions du droit civil relatives aux immeubles sont applicables, et des constructions sur sol d’autrui, un délai de dix ans se substitue au délai de cinq ans. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

9

La requérante au principal est l’organe faîtier d’une société à responsabilité limitée qui exploite une maison de repos en vue d’opérations exonérées de la TVA. Au cours de l’année 2003, cette société a construit une cafétéria annexée à cette maison de repos, accessible par une entrée extérieure pour les visiteurs et à travers le réfectoire de ladite maison de repos pour les résidents de celle-ci.

10

La requérante au principal a initialement déclaré qu’elle utiliserait la cafétéria en question exclusivement pour des opérations imposables en ce que cette cafétéria était conçue pour les visiteurs venant de l’extérieur et non pas pour les résidents de la maison de repos, ces derniers étant censés rester dans le réfectoire. À la suite d’un premier contrôle réalisé au cours de l’année 2006, le bureau des impôts, étant en substance d’accord avec cette déclaration, a toutefois estimé improbable qu’absolument aucun résident de la maison de repos ne fréquenterait et n’utiliserait ladite cafétéria avec les personnes venues lui rendre visite. Les parties au principal se sont donc entendues pour admettre une utilisation de la cafétéria en question en vue d’opérations exonérées de la TVA à hauteur de 10 %. Cela a conduit à une régularisation au titre de l’article 15a de l’UStG pour les années à compter de l’année 2003.

11

Après un second contrôle, le bureau des impôts a constaté que la société à responsabilité limitée en cause au principal n’avait plus réalisé d’opérations de vente dans la cafétéria en question durant les années 2009 à 2012, l’exploitation ayant d’ailleurs été radiée du registre du commerce au mois de février 2013. Ce constat a conduit le bureau des impôts à procéder à une nouvelle régularisation au titre de l’article 15a de l’UStG pour ces années, dans la mesure où il n’y avait plus eu la moindre utilisation de cette cafétéria en vue d’opérations ouvrant droit à la déduction de la TVA payée en amont.

12

Après avoir formé une réclamation infructueuse contre la décision du bureau des impôts de lui imposer une seconde régularisation, la requérante au principal a saisi le Finanzgericht (tribunal des finances, Allemagne) compétent d’un recours, que ce dernier a rejeté. Dans son jugement, ce tribunal a relevé que l’utilisation envisagée de la cafétéria en question pour des opérations de restauration imposables avait disparu. À défaut d’une fréquentation des locaux par des visiteurs extérieurs, les rapports d’utilisation auraient automatiquement évolué en ce sens que cette cafétéria est désormais utilisée exclusivement par les résidents de la maison de repos, de sorte qu’il n’y a plus qu’une utilisation à 100 % de ladite cafétéria en vue d’opérations exonérées de la TVA.

13

La requérante au principal a introduit un recours en Revision contre ce jugement auprès de la juridiction de renvoi, en faisant valoir que, si la cafétéria en question, qui fait partie du patrimoine de l’entreprise sans possibilité d’utilisation privée, n’est plus utilisée à des fins imposables, cela ne constitue pas une modification de l’utilisation de cette cafétéria susceptible de conduire à une régularisation au titre de l’article 15a de l’UStG. Cette absence d’utilisation devrait être comprise comme étant le résultat d’une erreur d’investissement. Le fait que le bureau des impôts a refusé un amortissement partiel de ladite cafétéria démontrerait qu’il existait encore une intention d’utiliser celle-ci pendant les années 2009 à 2012. L’accès à la cafétéria en question aurait été bloqué pour la seule raison de la sécurité. L’utilisation de celle-ci par les résidents de la maison de repos n’aurait pas augmenté.

14

La juridiction de renvoi précise, en se référant notamment à l’arrêt du 28 février 2018, Imofloresmira – Investimentos Imobiliários (C‑672/16, EU:C:2018:134), que le droit à la déduction de la taxe payée en amont est maintenu même lorsque l’assujetti, en raison de circonstances indépendantes de sa volonté, n’a pas pu utiliser dans le cadre d’opérations imposables les biens ou les services qui avaient conduit à la déduction. À cette situation d’une absence d’utilisation des biens ou des services en dépit d’une intention de les utiliser à des fins imposables pourrait être assimilée une situation d’absence d’utilisation de ceux-ci indépendante de la volonté de l’entrepreneur.

15

Ladite juridiction relève que la cessation de l’exploitation de la cafétéria en question résulte d’une absence de rentabilité économique et, ainsi, d’un échec de la requérante au principal, ce qui ne constitue en soi aucune modification des circonstances ayant ouvert le droit à déduction au sens de l’article 185, paragraphe 1, de la directive TVA, l’utilisation de cette cafétéria par les résidents de la maison de repos en vue d’opérations exonérées de la TVA étant demeurée inchangée. Ainsi, l’utilisation de ladite cafétéria en vue d’opérations soumises à la TVA aurait totalement cessé sans qu’une utilisation accrue de celle-ci par les résidents de la maison de repos soit venue remplacer l’ancienne utilisation. Interpréter l’absence d’utilisation de la cafétéria en question en ce sens qu’il n’y a désormais plus qu’une utilisation exclusive de celle-ci en vue d’opérations exonérées de la TVA pourrait constituer une erreur de droit.

16

Dans ces circonstances, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Un assujetti qui produit un bien d’investissement en vue d’une utilisation imposable ouvrant droit à la déduction de la taxe payée en amont (en l’espèce la construction d’un bâtiment en vue de l’exploitation d’une cafétéria) doit-il procéder à la régularisation de la déduction au titre de l’article 185, paragraphe 1 et de l’article 187 de la directive [TVA] lorsqu’il cesse l’activité ouvrant droit à la déduction de la taxe payée en amont (en l’espèce l’exploitation de la cafétéria) et que le bien d’investissement demeure désormais inutilisé dans la mesure de l’utilisation auparavant imposable ? »

Sur la question préjudicielle

17

Par sa question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si les articles 184, 185 et 187 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale selon laquelle un assujetti, qui a acquis le droit de déduire, au prorata, la TVA afférente à la construction d’une cafétéria annexée à la maison de repos qu’il exploite en vue d’opérations exonérées de la TVA et destinée à être utilisée tant pour des opérations taxées que pour des opérations exonérées, est obligé de régulariser la déduction initiale de la TVA lorsque cet assujetti a cessé, dans les locaux de cette cafétéria, toute opération taxée.

18

À cet égard, il convient de rappeler que le régime des déductions vise à soulager entièrement l’assujetti du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de la TVA garantit, par conséquent, la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (arrêt du 25 juillet 2018, Gmina Ryjewo, C‑140/17, EU:C:2018:595, point 29).

19

Afin qu’un intéressé puisse accéder au droit à la déduction, il faut, d’une part, qu’il soit un « assujetti » au sens de la directive TVA et, d’autre part, que les biens et les services en question soient utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, étant entendu que l’utilisation qui est faite des biens ou des services, ou qui est envisagée pour ceux-ci, ne détermine que l’étendue de la déduction initiale à laquelle l’assujetti a droit et l’étendue des éventuelles régularisations au cours des périodes suivantes, mais n’affecte pas la naissance du droit à déduction (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2018, Imofloresmira – Investimentos Imobiliários, C‑672/16, EU:C:2018:134, points 33 et 39).

20

Le mécanisme de régularisation prévu aux articles 184 à 187 de la directive TVA fait partie intégrante du régime de déduction de la TVA établi par cette directive. Il vise à accroître la précision des déductions de manière à assurer la neutralité de la TVA, de telle sorte que les opérations effectuées au stade antérieur continuent à donner lieu au droit à déduction dans la seule mesure où elles servent à fournir des prestations soumises à une telle taxe. Ce mécanisme a ainsi pour objectif d’établir une relation étroite et directe entre le droit à déduction de la TVA payée en amont et l’utilisation des biens ou des services concernés pour des opérations taxées en aval (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2019, Mydibel, C‑201/18, EU:C:2019:254, point 27 et jurisprudence citée).

21

En effet, dans le système commun de TVA, seules les taxes ayant grevé en amont les biens ou les services utilisés par les assujettis aux fins de leurs opérations taxées peuvent être déduites. La déduction des taxes en amont est liée à la perception des taxes en aval. Lorsque des biens ou des services acquis par un assujetti sont utilisés pour les besoins d’opérations exonérées ou ne relevant pas du champ d’application de la TVA, il ne saurait y avoir ni perception de la taxe en aval ni déduction de la taxe en amont (voir, en ce sens, arrêt du 11 avril 2018, SEB bankas, C‑532/16, EU:C:2018:228, point 38).

22

En l’occurrence, il est constant que la requérante au principal a acquis le droit à déduction de la TVA qu’elle avait acquittée sur la construction de la cafétéria en cause au principal. Ce droit a fait l’objet d’une première régularisation au cours de l’année 2006, par laquelle le bureau des impôts a fixé l’étendue du droit à déduction à 90 % de la TVA afférente à la construction de cette cafétéria sur la base de son estimation, non contestée par la requérante au principal, selon laquelle ladite cafétéria serait affectée pour 10 % à des opérations exonérées.

23

S’agissant de la régularisation relative aux années 2009 à 2012, qui fait l’objet du litige au principal, il ressort du dossier dont la Cour dispose que le bureau des impôts a procédé à celle-ci sur la base de la constatation que, pendant cette période, plus aucune opération taxée n’avait été effectuée dans la cafétéria en cause au principal, de sorte que celle-ci était désormais uniquement utilisée pour des opérations exonérées. Cette circonstance constitue, selon ledit bureau, une modification au sens de l’article 185 de la directive TVA nécessitant une régularisation de la déduction pour ces années.

24

La juridiction de renvoi doute toutefois de l’existence d’une telle modification dans le cas d’espèce, dans la mesure où elle considère que la simple cessation de l’activité taxée est due à la circonstance que l’exploitation imposable de ladite cafétéria s’est avérée économiquement non rentable et n’a, en l’occurrence, entraîné aucun changement ni aucune augmentation de l’activité exonérée.

25

À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 20 du présent arrêt que le droit à déduction ne peut, en principe, être exercé que pour autant qu’il existe une relation étroite et directe entre le droit à déduction de la TVA payée en amont et l’utilisation des biens ou des services concernés pour des opérations taxées en aval. Dès lors, et s’agissant de biens d’investissement tels que la cafétéria en cause au principal, s’il est établi, pendant la période de régularisation fixée en vertu de l’article 187, paragraphe 1, de la directive TVA, que cette relation, bien qu’elle ait été réelle à un stade antérieur, a désormais disparu, il y a, en principe, une modification au sens de l’article 185 de cette directive rendant obligatoire une régularisation de la déduction.

26

D’autre part, selon une jurisprudence constante de la Cour, le droit à déduction reste, en principe, acquis, notamment, même si, ultérieurement, en raison de circonstances étrangères à sa volonté, l’assujetti ne fait pas usage desdits biens et services ayant donné lieu à déduction dans le cadre d’opérations taxées (arrêt du 28 février 2018, Imofloresmira – Investimentos Imobiliários, C‑672/16, EU:C:2018:134, point 40 et jurisprudence citée). À cet égard, la Cour a précisé que, dans de telles conditions, considérer qu’il suffit, pour établir l’existence de modifications au sens de l’article 185 de ladite directive, qu’un immeuble soit resté vide, après la résiliation d’un contrat de bail dont il était l’objet, pour des circonstances indépendantes de la volonté de son propriétaire, alors même qu’il est prouvé que ce dernier a toujours l’intention de l’exploiter aux fins d’une activité taxée et entreprend les démarches nécessaires à cet effet, reviendrait à restreindre le droit à déduction par le biais des dispositions applicables en matière de régularisations (arrêt du 28 février 2018, Imofloresmira – Investimentos Imobiliários, C-672/16, EU:C:2018:134, point 47).

27

Or, en l’occurrence, il apparaît que la situation en cause au principal, telle qu’exposée par la juridiction de renvoi, se distingue sensiblement de celles ayant donné lieu à cette jurisprudence.

28

À cet égard, il convient de relever que ladite jurisprudence a trait à des situations dans lesquelles, si les dépenses concernées avaient été effectuées en vue de réaliser des opérations taxées, ces dernières ne se sont pas, concrètement, matérialisées, de sorte qu’aucune opération n’a été effectuée. Dans ce cas, le droit à déduction de la TVA payée sur ces dépenses est censé entretenir une relation étroite et directe avec la réalisation d’opérations taxées envisagées, conformément à la jurisprudence rappelée au point 20 du présent arrêt.

29

En revanche, dans la situation en cause au principal, il ressort des informations fournies par la juridiction de renvoi que, au cours d’une première période, comprise entre les années 2003 et 2008, la cafétéria en cause au principal a effectivement été mise en service pour réaliser à la fois des opérations taxées et des opérations exonérées, si bien qu’il existait, du moins pendant ces années et dans la mesure du prorata de 90 % fixé par le bureau des impôts, une relation étroite et directe entre le droit à déduction de la TVA payée sur les dépenses encourues pour la construction de cette cafétéria et des opérations taxées effectives auxquelles celle-ci était affectée.

30

Cependant, il ressort également de ces informations que, durant une seconde période comprenant les années 2009 à 2012, qui seule fait l’objet du litige au principal, les opérations taxées ont cessé, pour quelque raison que ce soit, alors que les opérations exonérées ont continué à être réalisées. Cela a nécessairement pour conséquence que, contrairement aux circonstances de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 février 2018, Imofloresmira – Investimentos Imobiliários (C‑672/16, EU:C:2018:134), les locaux de ladite cafétéria, qui font d’ailleurs partie intégrante d’une maison de repos exploitée en vue d’opérations exonérées de la TVA, ne sont pas restés vides, mais sont désormais uniquement affectés à des opérations exonérées.

31

Il n’en irait autrement que si, ainsi que le font valoir à juste titre le gouvernement allemand et la Commission européenne, la requérante au principal avait trouvé pour lesdits locaux, durant cette période, d’autres utilisations en vue d’opérations ouvrant droit à la déduction de la TVA. S’il ne semble pas, au vu du dossier dont dispose la Cour, que tel soit le cas, il convient, le cas échéant, à la juridiction de renvoi de procéder aux vérifications nécessaires à cet égard.

32

Dès lors, conformément à la jurisprudence mentionnée aux points 20 et 21 du présent arrêt, dans la mesure où les biens ou les services acquis par la requérante au principal aux fins de la construction de la cafétéria en cause au principal ont été utilisés, pendant les années 2009 à 2012, uniquement pour les besoins de ses opérations exonérées, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier, les opérations effectuées au stade antérieur ne servent plus à fournir des prestations taxées et sont, partant, soumises au mécanisme de régularisation des déductions. En effet, dans de telles circonstances, la relation étroite et directe entre le droit à déduction de la TVA payée sur les dépenses encourues en amont et des activités taxées réalisées par la suite par l’assujetti, bien qu’elle ait existé à un stade antérieur, serait désormais rompue.

33

Il s’ensuit, ainsi qu’il a été relevé au point 25 du présent arrêt, que, dans ces circonstances, il y aurait, en principe, une modification au sens de l’article 185 de la directive TVA, rendant nécessaire de procéder à une régularisation de la déduction. Le fait que cela résulte de circonstances indépendantes de la volonté des assujettis ne remet pas, en soi, en cause cette nécessité (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Gemeente Leusden et Holin Groep, C‑487/01 et C‑7/02, EU:C:2004:263, point 55).

34

Enfin, il convient de relever que le principe de neutralité fiscale ne s’oppose pas à une telle conclusion. En effet, la situation d’une entreprise qui effectue des investissements en vue d’une activité économique donnant lieu à la fois à des opérations taxées et à des opérations exonérées, et qui réalise toujours des opérations exonérées, se distingue de celle d’une entreprise qui fait des investissements en vue d’une activité économique donnant lieu seulement à des opérations taxées, sans que cette activité aboutisse, finalement, à de telles opérations.

35

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question posée que les articles 184, 185 et 187 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale selon laquelle un assujetti, qui a acquis le droit de déduire, au prorata, la TVA afférente à la construction d’une cafétéria annexée à la maison de repos qu’il exploite en vue d’opérations exonérées de la TVA et destinée à être utilisée tant pour des opérations taxées que pour des opérations exonérées, est obligé de régulariser la déduction initiale de la TVA, lorsque cet assujetti a cessé, dans les locaux de cette cafétéria, toute opération taxée, s’il a continué à réaliser des opérations exonérées dans ces locaux, les réaffectant ainsi à ces seules opérations.

Sur les dépens

36

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

 

Les articles 184, 185 et 187 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale selon laquelle un assujetti, qui a acquis le droit de déduire, au prorata, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) afférente à la construction d’une cafétéria annexée à la maison de repos qu’il exploite en vue d’opérations exonérées de la TVA et destinée à être utilisée tant pour des opérations taxées que pour des opérations exonérées, est obligé de régulariser la déduction initiale de la TVA, lorsque cet assujetti a cessé, dans les locaux de cette cafétéria, toute opération taxée, s’il a continué à réaliser des opérations exonérées dans ces locaux, les réaffectant ainsi à ces seules opérations.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

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