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Document 62010CJ0249
Judgment of the Court (Third Chamber), 2 February 2012.#Brosmann Footwear (HK) Ltd and Others v Council of the European Union.#Appeal — Dumping — Regulation (EC) No 1472/2006 — Imports of certain footwear with uppers of leather originating in China and Vietnam — Regulation (EC) No 384/96 — Articles 2(7), 9(5) and 17(3) — Market economy treatment — Individual treatment — Sampling.#Case C‑249/10 P.
Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 2 février 2012.
Brosmann Footwear (HK) Ltd e.a. contre Conseil de l'Union européenne.
Pourvoi — Dumping — Règlement (CE) nº 1472/2006 — Importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de Chine et du Viêt Nam — Règlement (CE) nº 384/96 — Articles 2, paragraphe 7, 9, paragraphe 5, et 17, paragraphe 3 — Statut d’entreprise évoluant en économie de marché — Traitement individuel — Échantillonnage.
Affaire C-249/10 P.
Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 2 février 2012.
Brosmann Footwear (HK) Ltd e.a. contre Conseil de l'Union européenne.
Pourvoi — Dumping — Règlement (CE) nº 1472/2006 — Importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de Chine et du Viêt Nam — Règlement (CE) nº 384/96 — Articles 2, paragraphe 7, 9, paragraphe 5, et 17, paragraphe 3 — Statut d’entreprise évoluant en économie de marché — Traitement individuel — Échantillonnage.
Affaire C-249/10 P.
Court reports – general
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2012:53
ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
2 février2012 ( *1 )
«Pourvoi — Dumping — Règlement (CE) no 1472/2006 — Importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de Chine et du Viêt Nam — Règlement (CE) no 384/96 — Articles 2, paragraphe 7, 9, paragraphe 5, et 17, paragraphe 3 — Statut d’entreprise évoluant en économie de marché — Traitement individuel — Échantillonnage»
Dans l’affaire C-249/10 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 18 mai 2010,
Brosmann Footwear (HK) Ltd, établie à Kowloon (Chine),
Seasonable Footwear (Zhongshan) Ltd, établie à Zhongshan (Chine),
Lung Pao Footwear (Guangzhou) Ltd, établie à Guangzhou (Chine),
Risen Footwear (HK) Co. Ltd, établie à Kowloon,
représentées par Mes L. Ruessmann, A. Willems, S. De Knop et C. Dackö, avocats,
parties requérantes,
les autres parties à la procédure étant:
Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. J.-P. Hix et R. Szostak, en qualité d’agents, assistés de Me G. Berrisch, Rechtsanwalt, et de Mme N. Chesaites, barrister,
partie défenderesse en première instance,
Commission européenne, représentée par MM. T. Scharf et H. van Vliet, en qualité d’agents,
Confédération européenne de l’industrie de la chaussure (CEC),
parties intervenantes en première instance,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. J. Malenovský, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. G. Arestis (rapporteur) et D. Šváby, juges,
avocat général: M. P. Mengozzi,
greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 mai 2011,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 septembre 2011,
rend le présent
Arrêt
1 |
Par leur pourvoi, Brosmann Footwear (HK) Ltd (ci-après «Brosmann»), Seasonable Footwear (Zhongshan) Ltd, Lung Pao Footwear (Guangzhou) Ltd (ci-après «Lung Pao») et Risen Footwear (HK) Co. Ltd demandent à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 4 mars 2010, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (T-401/06, Rec. p. II-671, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation partielle du règlement (CE) no 1472/2006 du Conseil, du 5 octobre 2006, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam (JO L 275, p. 1, ci-après le «règlement litigieux»). |
Le cadre juridique
2 |
Les dispositions régissant l’application de mesures antidumping par l’Union européenne figurent dans le règlement (CE) no 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 461/2004 du Conseil, du 8 mars 2004 (JO L 77, p. 12, ci-après le «règlement de base»). |
3 |
S’agissant des conditions d’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché (ci-après le «SEM»), l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base prévoit:
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4 |
L’article 3 du règlement de base, intitulé «Détermination de l’existence d’un préjudice», dispose à ses paragraphes 1, 2 et 7: «1. Pour les besoins du présent règlement, le terme ‘préjudice’ s’entend, sauf indication contraire, d’un préjudice important causé à une industrie communautaire, d’une menace de préjudice important pour une industrie communautaire ou d’un retard sensible dans la création d’une industrie communautaire et est interprété conformément aux dispositions du présent article. 2. La détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif: a) du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de la Communauté; et b) de l’incidence de ces importations sur l’industrie communautaire. […] 7. Les facteurs connus, autres que les importations faisant l’objet d’un dumping, qui, au même moment, causent un préjudice à l’industrie communautaire sont aussi examinés de manière à ce que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué aux importations faisant l’objet d’un dumping au sens du paragraphe 6. Les facteurs qui peuvent être considérés comme pertinents à cet égard comprennent, entre autres, le volume et les prix des importations non vendues à des prix de dumping, la contraction de la demande ou les modifications de la configuration de la consommation, les pratiques commerciales restrictives des producteurs de pays tiers et communautaires et la concurrence entre ces mêmes producteurs, l’évolution des techniques, ainsi que les résultats à l’exportation et la productivité de l’industrie communautaire.» |
5 |
S’agissant des conditions d’ouverture d’une procédure d’enquête antidumping, l’article 5, paragraphes 2 à 4, du règlement de base énonce: «2. Une plainte au sens du paragraphe 1 doit contenir des éléments de preuve quant à l’existence d’un dumping, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les importations dont il est allégué qu’elles font l’objet d’un dumping et le préjudice allégué. […] [...] 3. La Commission examine, dans la mesure du possible, l’exactitude et l’adéquation des éléments de preuve fournis dans la plainte afin de déterminer s’il y a des éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête. 4. Une enquête n’est ouverte conformément au paragraphe 1 que s’il a été déterminé, en se fondant sur un examen du degré de soutien ou d’opposition à la plainte exprimé par les producteurs communautaires du produit similaire, que la plainte a été présentée par l’industrie communautaire ou en son nom. La plainte est réputée avoir été déposée par l’industrie communautaire ou en son nom si elle est soutenue par des producteurs communautaires dont les productions additionnées constituent plus de 50 % de la production totale du produit similaire par la partie de l’industrie communautaire exprimant son soutien ou son opposition à la plainte. Toutefois, il ne sera pas ouvert d’enquête lorsque les producteurs communautaires soutenant expressément la plainte représentent moins de 25 % de la production totale du produit similaire produit par l’industrie communautaire.» |
6 |
Aux termes de l’article 9, paragraphes 5 et 6, du règlement de base: «5. Un droit antidumping dont le montant est approprié à chaque cas est imposé d’une manière non discriminatoire sur les importations d’un produit, de quelque source qu’elles proviennent, dont il a été constaté qu’elles font l’objet d’un dumping et causent un préjudice, à l’exception des importations en provenance des sources dont un engagement pris au titre du présent règlement a été accepté. Le règlement imposant le droit précise le montant du droit imposé à chaque fournisseur ou, si cela est irréalisable et, en règle générale, dans les cas visés à l’article 2, paragraphe 7, point a), le nom du pays fournisseur concerné. En cas d’application de l’article 2, paragraphe 7, point a), un droit individuel peut toutefois être déterminé pour les exportateurs dont il peut être démontré, sur la base de requêtes dûment documentées, que:
6. Lorsque la Commission a limité son examen conformément à l’article 17, le droit antidumping appliqué à des importations en provenance d’exportateurs ou de producteurs qui se sont fait connaître conformément à l’article 17 mais n’ont pas été inclus dans l’enquête ne doit pas excéder la marge moyenne pondérée de dumping établie pour les parties constituant l’échantillon […] Des droits individuels doivent être appliqués aux importations en provenance des exportateurs ou des producteurs bénéficiant d’un traitement individuel conformément à l’article 17.» |
7 |
S’agissant de la technique consistant à recourir à l’échantillonnage, l’article 17, paragraphes 1 et 3, du règlement de base dispose: «1. Dans les cas où le nombre de plaignants, d’exportateurs ou d’importateurs, de types de produits ou de transactions est important, l’enquête peut se limiter à un nombre raisonnable de parties, de produits ou de transactions en utilisant des échantillons statistiquement représentatifs d’après les renseignements disponibles au moment du choix ou au plus grand volume [représentatif] de production, de ventes ou d’exportations sur lequel l’enquête peut raisonnablement porter compte tenu du temps disponible. […] 3. Lorsque l’examen est limité conformément au présent article, une marge de dumping individuelle est néanmoins calculée pour chaque exportateur ou producteur n’ayant pas été choisi initialement qui présente les renseignements nécessaires dans les délais prévus par le présent règlement, sauf dans les cas où le nombre d’exportateurs ou de producteurs est si important que des examens individuels compliqueraient indûment la tâche et empêcheraient d’achever l’enquête en temps utile.» |
8 |
L’article 18, paragraphes 3 et 4, du règlement de base est libellé comme suit: «3. Lorsque les informations présentées par une partie concernée ne sont pas les meilleures à tous égards, elles ne doivent pas pour autant être ignorées, à condition que les insuffisances éventuelles ne rendent pas excessivement difficile l’établissement de conclusions raisonnablement correctes, que les informations soient fournies en temps utile, qu’elles soient contrôlables et que la partie ait agi au mieux de ses possibilités. 4. Si des éléments de preuve ou des renseignements ne sont pas acceptés, la partie qui les a communiqués doit être informée immédiatement des raisons de leur rejet et doit avoir la possibilité de fournir des explications complémentaires dans le délai fixé. Si ces explications ne sont pas jugées satisfaisantes, les raisons du rejet des éléments de preuve ou des renseignements en question doivent être communiquées et indiquées dans les conclusions rendues publiques.» |
Les antécédents du litige
9 |
Les antécédents du litige sont exposés par le Tribunal, aux points 10 à 42 de l’arrêt attaqué, dans les termes suivants:
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La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
10 |
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 décembre 2006, les requérantes ont introduit devant celui-ci un recours tendant à l’annulation du règlement litigieux. Par acte déposé audit greffe le 26 mars 2007, la Commission a demandé à intervenir dans l’affaire au soutien des conclusions du Conseil. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 avril 2007, la CEC a également demandé à intervenir dans l’affaire au soutien des conclusions du Conseil. Par ordonnance du 2 août 2007, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis les demandes en intervention formulées par la Commission et la CEC. |
11 |
À l’appui de leur recours, les requérantes ont soulevé huit moyens tirés respectivement:
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12 |
Pour rejeter les deux premiers moyens du recours, le Tribunal a jugé, aux points 77 et 78 de l’arrêt attaqué, que, en cas de recours à la technique d’échantillonnage, le règlement de base n’octroie pas aux opérateurs ne faisant pas partie de l’échantillon retenu un droit inconditionnel à bénéficier du calcul d’une marge de dumping individuelle. Selon lui, l’acceptation d’une telle demande dépend en effet de la décision de la Commission relative à l’application de l’article 17, paragraphe 3, du règlement de base. Le Tribunal a considéré que l’octroi du SEM ou d’un TI ne servant, conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, qu’à déterminer la méthode de calcul de la valeur normale en vue d’un calcul des marges de dumping individuelles, la Commission n’était pas tenue d’examiner les demandes de SEM/TI provenant des opérateurs ne faisant pas partie de l’échantillon, lorsqu’elle a conclu, dans le cadre de l’application de cet article 17, paragraphe 3, que le calcul de telles marges compliquerait indûment sa tâche et l’empêcherait d’achever l’enquête en temps utile. Le Tribunal en a inféré, au point 92 dudit arrêt, que la Commission n’ayant pas commis d’erreur en s’abstenant d’examiner les demandes de SEM/TI des requérantes, ces dernières n’étaient pas fondées à invoquer le dépassement du délai de trois mois prévu à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base dès lors que ce délai concernait les cas dans lesquels la Commission était tenue d’examiner lesdites demandes. |
13 |
S’agissant du troisième moyen du recours, le Tribunal l’a rejeté en jugeant, au point 112 de l’arrêt attaqué, que la déclaration des producteurs communautaires, selon laquelle ils soutenaient la plainte, suffisait à établir l’existence d’un soutien de la plainte au sens de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base. En outre, le Tribunal a considéré, aux points 114 et 118 du même arrêt, que rien n’empêche la Commission de tenir compte, dans le cadre de l’enquête, d’éléments qui sont par nature récoltés avant l’ouverture de celle-ci et que, en l’espèce, le règlement litigieux a été adopté dans le délai de quinze mois prévu par le règlement de base. |
14 |
Quant au quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation des articles 1er, paragraphe 4, ainsi que 2 et 3 du règlement de base, le Tribunal l’a rejeté au motif que les institutions avaient correctement défini le produit concerné dans le règlement provisoire et dans le règlement litigieux. Le Tribunal a également rejeté, au point 156 de l’arrêt attaqué, le cinquième moyen invoqué par les requérantes au soutien de leur recours, par lequel ces dernières contestaient, en substance, la représentativité de l’échantillon des producteurs-exportateurs, retenu en application de l’article 17 du règlement de base, ainsi que la motivation du règlement litigieux à cet égard. |
15 |
Concernant le sixième moyen, le Tribunal a jugé, notamment au point 164 de l’arrêt attaqué, que la Commission était en possession des renseignements nécessaires afin de procéder à la constitution de l’échantillon des producteurs communautaires sur la base des critères qui, selon elle, étaient les plus pertinents. Les requérantes n’ayant pas contesté la pertinence de ces critères, il a considéré que leur argumentation quant à la constitution de l’échantillon devait être rejetée. Il a également jugé, au point 173 de l’arrêt attaqué, que les allégations des requérantes concernant les données faussées prétendument fournies par deux sociétés italiennes ne pouvaient être considérées comme pertinentes que si lesdites données étaient susceptibles de remettre en cause les facteurs pris en compte par le Conseil afin d’établir l’existence d’un préjudice. |
16 |
S’agissant du septième moyen du recours, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation commise en ce qui concerne les mauvais résultats à l’exportation de l’industrie communautaire, le Tribunal a jugé, au point 192 de l’arrêt attaqué, que c’est à juste titre que le Conseil avait constaté, au deux cent vingt-quatrième considérant du règlement litigieux, que l’essentiel de la production communautaire était destiné au marché communautaire et que, dès lors, les résultats à l’exportation n’étaient pas susceptibles d’avoir causé un préjudice important à l’industrie communautaire. Le Tribunal a aussi constaté, au point 196 de l’arrêt attaqué, que les effets résultant des importations en provenance d’autres États tiers n’étaient pas de nature à remettre en cause le lien de causalité existant entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice subi par l’industrie communautaire. En outre, ainsi que l’a jugé le Tribunal au point 199 dudit arrêt, lorsque les institutions constatent que les importations d’un produit assujetti jusqu’alors à des restrictions quantitatives augmentent après l’expiration de ces restrictions, elles peuvent tenir compte de cet accroissement aux fins de leur appréciation du préjudice subi par l’industrie communautaire. Il en a conclu, au point 200 du même arrêt, que les institutions avaient pris en compte plusieurs facteurs, concernant le préjudice et le lien de causalité, relatifs non seulement au dernier trimestre de la période d’enquête, mais aussi à la période considérée. |
17 |
Enfin, le Tribunal a également rejeté le huitième moyen invoqué par les requérantes au soutien de leur recours, selon lequel l’appréciation du Conseil, dans le règlement litigieux, concernant le niveau que devaient atteindre les mesures antidumping définitives afin d’éliminer le préjudice, était manifestement erronée, en jugeant, au point 208 de l’arrêt attaqué, que le Conseil n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en se fondant sur la marge bénéficiaire que l’industrie communautaire avait réalisée pour d’autres chaussures que celles visées par l’enquête, dès lors que ces autres chaussures sont suffisamment proches du produit concerné. |
Les conclusions des parties
18 |
Par leur pourvoi, les requérantes demandent à la Cour:
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19 |
Le Conseil demande à la Cour:
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20 |
La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation des requérantes aux dépens qu’elle a exposés. |
Sur le pourvoi
21 |
À l’appui de leur pourvoi, les requérantes invoquent neuf moyens tirés, premièrement, d’une erreur de droit concernant l’application des articles 2, paragraphe 7, et 9, paragraphe 5, du règlement de base, deuxièmement, d’une erreur de droit relative à l’application de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base et d’un défaut de motivation quant au délai de trois mois tel qu’il a été appliqué aux demandes de SEM/TI des producteurs chinois faisant partie de l’échantillon, troisièmement, d’une erreur de droit concernant l’application de cet article 2, paragraphe 7, sous c), quant à ce même délai tel qu’il a été appliqué aux demandes de SEM/TI des requérantes, quatrièmement, d’une dénaturation des éléments de preuve, d’un défaut de motivation et d’une erreur de droit en ce qui concerne l’application des articles 3, paragraphes 2, 5 et 6, 4, paragraphe 1, ainsi que 5, paragraphe 4, du même règlement et, cinquièmement, d’une erreur de droit en ce qui concerne l’application de l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement. Les quatre autres moyens invoqués au soutien du pourvoi concernent les constatations du Tribunal relatives au préjudice des producteurs communautaires et sont tirés, en premier lieu, d’une erreur de droit quant à l’application de l’article 3 du règlement de base et d’une dénaturation des éléments de preuve, en deuxième lieu, d’une erreur de droit commise en ce qui concerne l’obligation de l’autorité investigatrice d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents, en troisième lieu, d’une violation de l’article 253 CE et, en quatrième lieu, d’une erreur de droit commise en ce qui concerne l’application de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base. |
Sur les moyens tirés d’erreurs de droit relatives à l’application des articles 2, paragraphe 7, et 9, paragraphe 5, du règlement de base
22 |
Il y a lieu d’examiner conjointement les trois premiers moyens du pourvoi dans la mesure où ils concernent les erreurs prétendument commises dans le règlement litigieux à propos des demandes de SEM/TI des requérantes. |
Argumentation des parties
23 |
Par leur premier moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qui concerne l’application des articles 2, paragraphe 7, sous c), et 9, paragraphe 5, du règlement de base, en jugeant que les institutions n’étaient pas tenues d’examiner les demandes de SEM/TI des requérantes ni d’en tenir compte d’une manière ou d’une autre. Selon ces dernières, si les producteurs-exportateurs chinois pouvaient démontrer qu’ils satisfont aux conditions prévues par ces dispositions, ils devaient être traités comme s’ils étaient établis dans un autre État que celui des producteurs qui ne satisfont pas à ces conditions, à savoir un État dans lequel n’existe pas une économie de marché. Par définition, lesdites dispositions ne pourraient être appliquées que de manière individuelle, car elles impliqueraient qu’il soit procédé à une caractérisation des conditions économiques dans lesquelles opère chaque société prise individuellement. Les requérantes constatent que le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a réduit leur demande de SEM/TI à une demande visant à obtenir une marge de dumping individuelle au sens de l’article 17 du règlement de base. En tout état de cause, elles auraient demandé la reconnaissance du fait qu’elles opèrent dans une «Chine connaissant une économie de marché» et, dès lors, que le taux du droit moyen pondéré applicable aux producteurs opérant dans de telles conditions leur soit accordé. En outre, selon les requérantes, le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant que les institutions pouvaient valablement faire valoir le fait que le nombre de demandes de SEM/TI était si important que leur examen les aurait empêchées d’achever l’enquête en temps utile. |
24 |
En ce qui concerne le deuxième moyen, les requérantes affirment que le Tribunal a commis une erreur de droit en n’examinant pas leur allégation selon laquelle les institutions ont violé l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base en ne se prononçant pas sur la demande de SEM/TI des producteurs chinois faisant partie de l’échantillon dans le délai de trois mois à compter de l’ouverture de l’enquête. En ne fournissant aucune motivation à cet égard, le Tribunal aurait violé son obligation de motivation. |
25 |
Par leur troisième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant que les requérantes ne pouvaient pas invoquer l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base pour ce qui concerne leurs propres demandes de SEM, au motif que la période de trois mois «concerne les cas dans lesquels la Commission est tenue d’examiner» les demandes de SEM/TI. |
26 |
Selon le Conseil, le premier moyen consiste en une répétition du moyen tel qu’invoqué en première instance et qui a été rejeté par le Tribunal. Le Conseil soutient qu’il est constant que les exportateurs ne faisant pas partie de l’échantillon et dont la demande de SEM n’a pas été accueillie, conformément à l’article 17, paragraphe 3, du règlement de base, ne peuvent pas obtenir une marge de dumping individuelle, qu’ils soient ou non établis dans un État à économie de marché. En conséquence, dans le cas d’États n’ayant pas une économie de marché, le SEM/TI a pour objet de permettre aux entreprises faisant partie de l’échantillon, ou à celles dont la demande a été accueillie conformément à cet article 17, paragraphe 3, d’obtenir une marge de dumping individuelle. En tout état de cause, les requérantes n’ont pas revendiqué le droit de bénéficier d’une marge de dumping individuelle ou d’un taux individuel de droit en première instance et, par conséquent, leur argumentation est dépourvue de pertinence. |
27 |
La Commission rappelle que l’argument essentiel des requérantes consiste à soutenir que l’examen des demandes de SEM/TI des opérateurs qui ne font pas partie de l’échantillon peut être utile même lorsqu’une marge de dumping individuelle n’est pas attribuée à ces opérateurs. Elles affirmeraient que cet examen pourrait être utile si, en conséquence, les opérateurs concernés pouvaient obtenir le droit (moyen pondéré) des opérateurs faisant partie de l’échantillon bénéficiant du SEM ou d’un TI. Toutefois, le Tribunal a estimé, ce qui n’est pas contesté par les requérantes, que ce n’était pas possible en l’espèce. Selon la Commission, ces dernières ne présentent aucun raisonnement susceptible de justifier une obligation, pour les institutions, d’évaluer chaque demande de SEM/TI, même lorsque celles-ci décident d’avoir recours à la méthode de l’échantillonnage, obligation que le Tribunal aurait mal appliquée. |
28 |
Concernant le deuxième moyen du pourvoi, le Conseil et la Commission soutiennent principalement que celui-ci est irrecevable en raison du fait qu’il constitue un moyen nouveau invoqué pour la première fois au stade du pourvoi. |
29 |
Quant au troisième moyen, le Conseil considère que le délai de trois mois en cause s’applique expressément à «la question de savoir si le producteur remplit les critères du SEM». Lorsque cette question n’est pas examinée, ce délai de trois mois ne s’appliquerait pas. Selon la Commission, les institutions n’étaient pas obligées d’examiner les demandes de SEM/TI des requérantes, pour les mêmes raisons que celles évoquées en réponse au premier moyen de pourvoi. Ce moyen serait donc dépourvu de fondement. |
Appréciation de la Cour
30 |
Il convient de relever, à titre liminaire, que selon l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché, par dérogation aux règles établies aux paragraphes 1 à 6 du même article, la valeur normale est, en principe, déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite dans un pays tiers à économie de marché. |
31 |
Toutefois, en vertu du paragraphe 7, sous b), dudit article, dans le cas d’enquêtes antidumping concernant les importations en provenance notamment de Chine, la valeur normale est déterminée conformément à l’article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base, s’il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête et conformément aux critères et aux procédures énoncés au même paragraphe 7, sous c), que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné. |
32 |
Il importe de souligner que la charge de la preuve incombe au producteur qui souhaite bénéficier du SEM en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base. À cet effet, ce même paragraphe 7, sous c), premier alinéa, prévoit que la requête présentée par un tel producteur doit contenir les preuves suffisantes, telles que spécifiées à cette dernière disposition, de ce qu’il opère dans les conditions d’une économie de marché. Partant, il n’incombe pas aux institutions de l’Union de prouver que le producteur ne satisfait pas aux conditions prévues pour bénéficier dudit statut. Il appartient, en revanche, à ces institutions d’apprécier si les éléments fournis par le producteur concerné sont suffisants pour démontrer que les critères énoncés audit article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, sont satisfaits pour lui reconnaître le SEM et au juge de l’Union de vérifier si cette appréciation n’est pas entachée d’une erreur manifeste. |
33 |
Ainsi qu’il ressort du point 14 de l’arrêt attaqué, les requérantes ont communiqué à la Commission les informations requises par le point 5.1, sous a), i), et sous e), de l’avis d’ouverture afin de se voir octroyer le SEM ou, à défaut, de bénéficier d’un TI. Les institutions de l’Union n’ont pas procédé à un examen individuel desdites demandes. |
34 |
Il ressort en effet du soixante et unième considérant du règlement litigieux que les institutions concernées ont considéré, en se référant à l’article 17 du règlement de base, que, en raison de la nature de la technique d’échantillonnage, les exportateurs ne peuvent bénéficier d’une évaluation individuelle. Il a encore été précisé, audit considérant, que le nombre de demandes visant à obtenir le SEM et le TI était si important que, du point de vue administratif, un examen individuel des demandes, qui est effectué dans certains autres cas, était impossible. Les institutions de l’Union ont jugé raisonnable, dans ces circonstances, d’appliquer de la même manière à toutes les sociétés non retenues dans l’échantillon la marge moyenne pondérée qui a été calculée pour l’ensemble des sociétés de l’échantillon. |
35 |
Aux points 72 à 80 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’argumentation des requérantes selon laquelle le règlement de base obligeait la Commission à examiner toute demande individuelle de SEM et de TI provenant d’un opérateur établi dans un pays n’ayant pas une économie de marché. Il a ainsi jugé, au point 78, que la Commission n’était pas tenue d’examiner les demandes de SEM/TI provenant des opérateurs ne faisant pas partie de l’échantillon, lorsqu’elle a conclu, dans le cadre de l’application de l’article 17, paragraphe 3, dudit règlement, que le calcul de marges de dumping individuelles compliquerait indûment sa tâche et l’empêcherait d’achever l’enquête en temps utile. |
36 |
Toutefois, le Tribunal a commis une erreur de droit dans la mesure où il a considéré que la Commission n’était pas tenue d’examiner les demandes de SEM fondées sur l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base, provenant des opérateurs ne faisant pas partie de l’échantillon. |
37 |
À cet effet, il doit être relevé, premièrement, que l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base fait partie des dispositions de ce règlement consacrées à la seule détermination de la valeur normale, tandis que l’article 17 du même règlement, relatif à l’échantillonnage, fait partie des dispositions portant notamment sur les méthodes disponibles pour la détermination de la marge de dumping. Partant, il s’agit de dispositions avec un contenu et une finalité différents. |
38 |
Deuxièmement, l’obligation, dans le chef de la Commission, de se prononcer sur une demande d’un opérateur qui souhaite bénéficier du SEM ressort expressément de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base. En effet, cette disposition établit l’obligation de déterminer la valeur normale, conformément aux paragraphes 1 à 6 du même article, s’il est avéré, sur la base des requêtes dûment documentées et présentées par un ou plusieurs producteurs, que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ces producteurs. Une telle obligation relative à la reconnaissance des conditions économiques dans lesquelles opère chaque producteur, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné, n’est pas conditionnée par la manière dont la marge de dumping sera calculée. |
39 |
Troisièmement, selon l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base, la question de savoir si le producteur remplit les critères mentionnés au premier alinéa du même paragraphe 7, sous c), pour bénéficier du SEM doit être tranchée dans les trois mois de l’ouverture de l’enquête. |
40 |
Par conséquent, les trois premiers moyens invoqués par les requérantes au soutien de leur pourvoi, en ce qu’ils sont fondés sur une violation de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, doivent être accueillis. Partant, il convient d’annuler l’arrêt attaqué sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi. |
Sur le recours de première instance
41 |
Conformément à l’article 61 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors statuer elle-même définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d’être jugé. Tel est le cas en l’espèce. |
42 |
Il résulte tout d’abord des points 36 à 40 du présent arrêt que la Commission aurait dû examiner les requêtes documentées que les requérantes lui avaient soumises sur le fondement de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base en vue de bénéficier du SEM dans le cadre de la procédure antidumping visée par le règlement litigieux. Il doit être constaté, ensuite, qu’il n’est pas exclu qu’un tel examen aurait conduit à l’imposition, à leur égard, d’un droit antidumping définitif différent du droit de 16,5 % qui leur est applicable en vertu de l’article 1er, paragraphe 3, du règlement litigieux. En effet, il ressort de cette même disposition qu’un droit antidumping définitif de 9,7 % a été imposé à l’égard du seul opérateur chinois figurant dans l’échantillon qui a obtenu le SEM. Or, ainsi qu’il ressort du point 38 du présent arrêt, si la Commission avait constaté que les conditions d’une économie de marché prévalaient également pour les requérantes, ces dernières, lorsque le calcul d’une marge de dumping individuelle n’était pas possible, auraient dû également bénéficier de ce dernier taux. |
43 |
Dans ces conditions, il y a lieu d’annuler le règlement litigieux en tant qu’il concerne les requérantes. |
Sur les dépens
44 |
En vertu de l’article 122, premier alinéa, de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. L’article 69 du même règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de celui-ci, dispose, à son paragraphe 2, que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Quant au paragraphe 4 du même article 69, il prévoit, à son premier alinéa, que les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens et, à son troisième alinéa, que la Cour peut décider qu’une partie intervenante, autre que celles expressément mentionnées aux alinéas précédents, supportera ses propres dépens. |
45 |
Le pourvoi des requérantes étant accueilli et le règlement litigieux étant annulé en tant qu’il les concerne, il y a lieu de condamner le Conseil à supporter les dépens exposés par les requérantes, tant en première instance que dans le cadre de la présente procédure, conformément aux conclusions en ce sens de ces dernières. Par ailleurs, la Commission et la CEC supportent leurs propres dépens exposés tant en première instance que dans le cadre de la présente procédure. |
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête: |
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Signatures |
( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.