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Document 62007CJ0198

    Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 22 décembre 2008.
    Donal Gordon contre Commission des Communautés européennes.
    Pourvoi - Rapport d'évolution de carrière - Recours en annulation - Intérêt à agir - Fonctionnaire atteint d'une invalidité totale permanente.
    Affaire C-198/07 P.

    Recueil de jurisprudence - Fonction publique 2008 II-B-2-00193
    Recueil de jurisprudence 2008 I-10701;FP-I-B-2-00025

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2008:761

    ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

    22 décembre 2008 ( *1 )

    «Pourvoi — Rapport d'évolution de carrière — Recours en annulation — Intérêt à agir — Fonctionnaire atteint d'une invalidité totale permanente»

    Dans l’affaire C-198/07 P,

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 6 avril 2007,

    Donal Gordon, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes J. Sambon, P.-P. Van Gehuchten et P. Reyniers, avocats,

    partie requérante,

    l’autre partie à la procédure étant:

    Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et H. Krämer, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie défenderesse en première instance,

    LA COUR (quatrième chambre),

    composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász (rapporteur), G. Arestis et J. Malenovský, juges,

    avocat général: M. Y. Bot,

    greffier: M. R. Grass,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 octobre 2008,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    Par son pourvoi, M. Gordon demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 7 février 2007, Gordon/Commission (T-175/04, non encore publié au RecFP, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel ce dernier a, d’une part, décidé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours en annulation introduit par le requérant contre la décision de la Commission des Communautés européennes du 11 décembre 2003 (ci-après la «décision litigieuse») rejetant sa réclamation contre la décision du 28 avril 2003 confirmant le rapport d’évolution de carrière (ci-après le «REC») dont il avait fait l’objet pour la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002, en raison du défaut d’intérêt à agir, et, d’autre part, rejeté comme irrecevable sa demande tendant à obtenir réparation du préjudice qu’il aurait subi.

    Le cadre juridique

    Les dispositions relatives à l’évaluation des fonctionnaires

    2

    En vertu de l’article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à l’époque des faits litigieux (ci-après le «statut»), la compétence, le rendement et la conduite dans le service des fonctionnaires à l’exception de ceux des grades A 1 et A 2 font l’objet d’un rapport périodique établi à tout le moins tous les deux ans dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l’article 110 du statut.

    3

    Le 26 avril 2002, la Commission a adopté une décision relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut (ci-après les «dispositions générales d’exécution»), et une décision relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut. Un nouveau système de notation a ainsi été introduit. Il résulte de la règle de transition inscrite à l’article 4, paragraphe l, de ces dispositions que le premier exercice de notation effectué selon ce nouveau système couvre la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002.

    4

    En vertu de l’article 5, paragraphe 3, des dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut, le fonctionnaire est, en principe, promu lorsque la somme, d’une part, des points de mérite, correspondant à la notation résultant du REC, et, d’autre part, des points de priorité, attribués conformément aux articles 6, 7 et 9 desdites dispositions, accumulés au cours d’un ou de plusieurs exercices dépasse le «seuil de promotion».

    5

    La procédure d’évaluation des fonctionnaires, l’établissement du REC ainsi que sa contestation sont principalement régis par les articles 7 et 8 des dispositions générales d’exécution.

    6

    L’article 7, paragraphe 2, de ces dispositions énonce que, «[à] l’occasion d’une rencontre formelle avec le titulaire du poste à la fin de la période d’évaluation, l’évaluateur examine le rendement, les compétences qu’il a démontrées et sa conduite dans le service; il discute avec lui de ses besoins en matière de formation et de l’évolution ultérieure de sa carrière […]. Cet exercice formel de dialogue annuel constitue une tâche d’encadrement fondamentale de l’évaluateur».

    7

    Aux termes de l’article 7, paragraphe 5, desdites dispositions, «[…] lorsque le titulaire du poste n’est pas satisfait de la teneur du rapport, il en informe immédiatement l’évaluateur et fait état, dans la section consacrée aux ‘commentaires’, de son souhait de s’entretenir avec le validateur, en exposant les motifs de sa demande. Dans un délai de cinq jours ouvrables, le validateur organise un dialogue avec l’intéressé afin de parvenir à un accord, dialogue au terme duquel soit il modifie le rapport, soit il le confirme, puis le transmet une nouvelle fois à l’intéressé. Dans un délai de cinq jours ouvrables, ce dernier signe/paraphe le rapport pour acceptation et fait suivre à l’évaluateur, qui le signe/paraphe sans délai […]».

    8

    Le paragraphe 6 de ce même article 7 précise que, «[s]i le titulaire du poste n’est pas satisfait de la décision du validateur, il peut lui demander, dans les cinq jours ouvrables, de saisir le comité paritaire d’évaluation prévu à l’article 8».

    9

    L’article 8, paragraphe 5, des dispositions générales d’exécution énonce que, «[b]ien que le comité ne puisse se substituer aux évaluateurs relativement à l’appréciation du travail de l’intéressé, il s’assure que le rapport a été établi équitablement, objectivement et conformément aux normes d’évaluation habituelles. Il vérifie également que les procédures ont été correctement suivies [en matière de dialogue(s), de délais, etc.]. À cet effet il procède aux consultations qu’il juge utiles».

    10

    L’article 8, paragraphe 7, de ces dispositions prévoit que «[l]’avis du comité d’évaluation, notifié au titulaire du poste ainsi qu’à l’évaluateur et au validateur, est transmis à l’évaluateur d’appel. Dans un délai de trois jours ouvrables, soit ce dernier confirme le rapport, soit il le modifie, avant de le transmettre à l’intéressé. Lorsque l’évaluateur d’appel s’écarte des recommandations figurant dans l’avis du comité paritaire d’évaluation, il justifie les motifs de sa décision. Une copie du rapport est transmise au comité paritaire d’évaluation. Le rapport est alors considéré comme définitif».

    Les dispositions relatives aux fonctionnaires reconnus en état d’invalidité

    11

    L’article 53 du statut est libellé comme suit:

    «Le fonctionnaire reconnu par la commission d’invalidité comme remplissant les conditions prévues à l’article 78 est mis d’office à la retraite le dernier jour du mois au cours duquel est prise la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination [(ci-après l’‘AIPN’)] constatant l’incapacité définitive pour le fonctionnaire d’exercer ses fonctions.»

    12

    L’article 78 du statut dispose:

    «Dans les conditions prévues aux articles 13 à 16 de l’annexe VIII, le fonctionnaire a droit à une pension d’invalidité lorsqu’il est atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale et le mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de sa carrière.

    […]»

    13

    L’annexe VIII du statut établit les modalités du régime de pensions. Les articles 13 à 16 de son chapitre 3, intitulé «Pension d’invalidité», sont libellés comme suit:

    «Article 13

    Sous réserve des dispositions de l’article 1er, paragraphe 1, le fonctionnaire âgé de moins de 65 ans qui, au cours de la période durant laquelle il acquérait des droits à pension, est reconnu par la commission d’invalidité comme atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale et le mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de sa carrière et qui, pour ce motif, est tenu de suspendre son service aux Communautés a droit, tant que dure cette incapacité, à la pension d’invalidité visée à l’article 78 du statut. Le bénéfice d’une pension d’invalidité ne peut se cumuler avec celui d’une pension d’ancienneté.

    Article 14

    Le droit à la pension d’invalidité naît à compter du premier jour du mois civil suivant la mise à la retraite en application de l’article 53 du statut.

    Lorsque l’ancien fonctionnaire cesse de remplir les conditions requises pour bénéficier de cette pension, il est obligatoirement réintégré, à la première vacance, dans un emploi de sa catégorie ou de son cadre correspondant à sa carrière, à condition qu’il possède les aptitudes requises pour cet emploi. S’il refuse l’emploi qui lui est offert, il conserve ses droits à réintégration, à la même condition, lors de la deuxième vacance dans un emploi de sa catégorie ou de son cadre correspondant à sa carrière; en cas de second refus, il peut être démis d’office; dans ce cas, les dispositions prévues à l’article 16 s’appliquent.

    En cas de décès de l’ancien fonctionnaire bénéficiaire de la pension d’invalidité, le droit à cette pension s’éteint à la fin du mois civil au cours duquel l’ancien fonctionnaire est décédé.

    Article 15

    Tant que l’ancien fonctionnaire bénéficiant d’une pension d’invalidité n’a pas atteint l’âge de 60 ans, l’institution peut le faire examiner périodiquement en vue de s’assurer qu’il réunit toujours les conditions requises pour bénéficier de cette pension.

    Article 16

    Lorsque l’ancien fonctionnaire bénéficiaire d’une pension d’invalidité est réintégré dans son institution ou dans une autre institution des Communautés, le temps pendant lequel il a perçu la pension d’invalidité est pris en compte, sans rappel de cotisation, pour le calcul de sa pension d’ancienneté.»

    Les antécédents du litige

    14

    Les faits pertinents sont décrits de la manière suivante aux points 7 à 12 de l’arrêt attaqué:

    «7

    Le requérant était, au moment de l’introduction du recours, fonctionnaire de grade LA 5 affecté à la direction générale (DG) ‘Traduction’ de la Commission.

    8

    Le 11 mars 2003, au soir, le requérant a reçu le REC dont il a fait l’objet pour la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002. Le 12 mars 2003 au matin, il a fait part au validateur de son souhait de s’entretenir avec lui conformément à l’article 7, paragraphe 5, des [dispositions générales d’exécution]. Il a ensuite pris congé dès l’après-midi pour deux jours et demi. Ce même jour, le validateur a confirmé ledit REC après y avoir noté qu’‘il n’[avait] pas été possible d’organiser [l’entrevue demandée par le requérant] étant donné que l’intéressé [était] parti en congé à partir du 12 [mars] 2003 l’après-midi’.

    9

    Le 25 mars 2003, le requérant s’est entretenu avec le validateur. Ce même jour et à la demande du requérant, le comité paritaire d’évaluation […] a été saisi. Le 11 avril 2003, le [comité paritaire d’évaluation] a rendu son avis. Cet avis indique que ‘[le comité paritaire d’évaluation] constate que le dialogue formel n’a pas eu lieu [et,] [e]n conséquence, […] recommande à l’évaluateur d’appel de demander au validateur de tenir ledit dialogue formel’. Le requérant s’est encore entretenu avec le validateur le 14 avril 2003.

    10

    Le 25 avril 2003, un entretien a eu lieu entre le requérant et l’évaluateur d’appel. Le 28 avril 2003, l’évaluateur d’appel a rendu sa décision. Il a confirmé le REC en cause en indiquant, d’une part, qu’‘[i]l a[vait] été précisé que [le requérant] avait sollicité la tenue d’un dialogue formel le 12 mars [2003] mais [que] ce dialogue n’avait pas eu lieu en raison des congés déposés par l’intéressé […] et compte tenu de la date butoir initiale de finalisation de l’exercice (15 mars 2003)’ et, d’autre part, que ‘[d]eux entrevues [avaient] eu lieu par la suite avec le validateur le 25 mars 2003 et le 14 avril 2003’. Dans une note du même jour, l’évaluateur d’appel a communiqué sa décision au président du [comité paritaire d’évaluation]. Dans cette note, il a indiqué les raisons pour lesquelles le dialogue formel sollicité par le requérant n’avait pas pu être organisé et a ajouté que ‘les commentaires du validateur [avaient] été formulés […] en tenant compte de ces éléments, des raisons indiquées par l’intéressé et après avoir entendu le supérieur hiérarchique direct’. Il a mentionné, en outre, que ‘[d]eux entrevues formelles avec le validateur [avaient] été organisées le 25 mars 2003 […] et le 14 avril 2003’.

    11

    Le 25 juillet 2003, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90 du statut contre la décision du 28 avril 2003 confirmant le REC dont il a fait l’objet. Cette réclamation a été rejetée par l’[AIPN] par [la décision litigieuse], notifiée au requérant le 2 février 2004 […]

    12

    À la suite des conclusions de la commission d’invalidité, en date du 1er février 2005, constatant que le requérant ‘est atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale et le mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de son grade’, l’AIPN a, par décision du 15 février 2005, décidé que le requérant était ‘mis à la retraite et admis au bénéfice d’une allocation d’invalidité fixée conformément aux dispositions de l’article 78, [troisième] alinéa […], du [s]tatut’. Cette décision a pris effet le 28 février 2005.»

    La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

    15

    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 mai 2004, le requérant a introduit un recours en annulation contre la décision litigieuse et une demande en indemnité.

    16

    Le 1er mars 2005, la Commission a introduit une demande de non-lieu à statuer concernant le recours en annulation du requérant par suite de la mise à la retraite de celui-ci, soutenant qu’un fonctionnaire qui a été mis à la retraite en raison d’un état d’invalidité permanente considérée comme totale n’a plus d’intérêt à agir contre un REC le concernant dès lors que la seule raison d’être de celui-ci est, d’après la jurisprudence, de servir de base à des décisions futures relatives à sa carrière. Elle a également contesté la recevabilité de la demande en indemnité. Par ordonnance du Tribunal du 10 juin 2005, la demande de non-lieu à statuer a été jointe au fond et les dépens ont été réservés.

    17

    Par l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est prononcé sur le recours en annulation de la décision litigieuse ainsi que sur la demande en indemnité du requérant et, enfin, sur les mesures d’organisation de la procédure sollicitées par celui-ci.

    La décision du Tribunal sur le recours en annulation

    18

    Le Tribunal a jugé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours en annulation de la décision litigieuse pour les motifs suivants, exposés aux points 27 à 39 de l’arrêt attaqué:

    «27

    Il y a lieu de rappeler, d’une part, que, bien que l’intérêt à agir, auquel est subordonnée la recevabilité d’un recours, s’apprécie au moment de l’introduction de celui-ci (arrêt de la Cour du 16 décembre 1963, Forges de Clabecq/Haute Autorité, 14/63, Rec. p. 719, 748, et ordonnance [du Tribunal du30 novembre 1998,] N/Commission, [T-97/94, RecFP p. I-A-621 et II-1879,] point 23), cela ne saurait empêcher le Tribunal de constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours dans l’hypothèse où le requérant qui avait initialement intérêt à agir a perdu tout intérêt personnel à l’annulation de la décision [attaquée] en raison d’un événement intervenu postérieurement à l’introduction dudit recours. En effet, pour qu’un requérant puisse poursuivre un recours tendant à l’annulation d’une décision, il faut qu’il conserve un intérêt personnel à l’annulation de la décision attaquée (arrêts du Tribunal du 24 avril 2001, Torre e.a./Commission, T-159/98, RecFP p. I-A-83 et II-395, point 30; du 31 mai 2005, Dionyssopoulou/Conseil, T-105/03, [RecFP p. I-A-137 et II-621,] point 18, et du 8 décembre 2005, Rounis/Commission, T-274/04, [RecFP p. I-A-407 et II-1849,] points 21 et 22). En outre, selon une jurisprudence constante, un requérant doit justifier d’un intérêt né et actuel à l’annulation de l’acte attaqué de sorte que, si l’intérêt dont il se prévaut concerne une situation juridique future, il doit établir que l’atteinte à cette situation se révèle, d’ores et déjà, certaine (arrêts du Tribunal du 17 septembre 1992, NBV et NVB/Commission, T-138/89, Rec. p. II-2181, point 33; du 14 avril 2005, Sniace/Commission, T-141/03, Rec. p. II-1197, point 26, et ordonnance du Tribunal du 17 octobre 2005, First Data e.a./Commission, T-28/02, [Rec. p. II-4119,] points 42 et 43).

    28

    D’autre part, s’agissant des recours visant l’annulation d’un REC, il convient de rappeler que le REC est un document interne, qui a pour fonction première d’assurer à l’administration une information périodique sur l’accomplissement de leur service par ses fonctionnaires (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 3 juillet 1980, Grassi/Conseil, 6/79 et 97/79, Rec. p. 2141, point 20, et du Tribunal du 28 mai 1997, Burban/Parlement, T-59/96, RecFP p. I-A-109 et II-331, point 73) et qui joue dès lors, à l’égard du fonctionnaire, un rôle important dans le déroulement de sa carrière, essentiellement en matière de mutation et de promotion. Il en résulte que le REC n’affecte en principe l’intérêt de la personne notée que pour autant qu’elle ait encore une carrière devant elle, c’est-à-dire jusqu’à la cessation définitive de ses fonctions. Par conséquent, postérieurement à cette cessation, le fonctionnaire n’a pas d’intérêt à introduire ou à poursuivre un recours contre un REC dont il a fait l’objet, sauf à établir l’existence d’une circonstance particulière justifiant d’un intérêt personnel et actuel à en obtenir l’annulation (voir, en ce sens, ordonnance N/Commission, précitée, point 26, et arrêt Dionyssopoulou/Conseil, précité, point 20).

    29

    En l’espèce, la Commission soutient que le requérant, ayant été mis à la retraite, en vertu de l’article 78 du statut, pour cause d’invalidité permanente considérée comme totale, a cessé définitivement ses fonctions et a, conformément à la jurisprudence susvisée, perdu son intérêt à la poursuite de son recours. Le requérant considère, cependant, que ladite jurisprudence n’est pas applicable en l’espèce pour deux raisons. Premièrement, il ne s’agirait pas en l’occurrence d’une cessation définitive de fonctions dès lors que, conformément à l’article 14 de l’annexe VIII du statut, il pourrait être réintégré dans le service dès que son état de santé le permettrait. Deuxièmement, sa mise à la retraite a été obligatoire et a eu lieu postérieurement à l’introduction du présent recours. Il estime que, dans ces circonstances, son droit à une protection juridictionnelle devrait primer sur d’autres considérations et lui permettre d’obtenir un jugement sur la légalité du REC contesté. Il considère, par conséquent, qu’il a encore un intérêt personnel et actuel à l’annulation dudit REC.

    30

    S’agissant, premièrement, de la question du caractère définitif de la cessation de fonctions en cas de mise à la retraite pour cause d’invalidité permanente considérée comme totale, il convient de relever que, même si l’article 14 de l’annexe VIII du statut prévoit la possibilité d’une réintégration du fonctionnaire admis au bénéfice d’une pension d’invalidité, l’invalidité permanente considérée comme totale a été conçue par le législateur comme ayant vocation à mettre fin à la carrière du fonctionnaire concerné. Ainsi, l’article 53 du statut prévoit que ‘[l]e fonctionnaire reconnu par la commission d’invalidité comme remplissant les conditions prévues à l’article 78 est mis d’office à la retraite le dernier jour du mois au cours duquel est prise la décision de l’[AIPN] constatant l’incapacité définitive pour le fonctionnaire d’exercer ses fonctions’. Pour sa part, l’article 47 du statut classe toute mise à la retraite, y compris celle qui découle d’une invalidité permanente considérée comme totale, parmi les causes de cessation définitive des fonctions. Ladite invalidité est ainsi considérée par le législateur, pour ce qui est du caractère définitif ou non de la cessation de fonctions qu’elle comporte, de la même manière que d’autres causes de cessation de fonctions dont le caractère définitif ne fait pas de doute, telles que la démission, le licenciement pour insuffisance professionnelle ou la révocation.

    31

    Il en résulte que, dans le système du statut, la mise à la retraite pour cause d’invalidité permanente considérée comme totale au sens des articles 53 et 78 est considérée comme mettant fin, en principe, à la carrière du fonctionnaire. Elle se distingue ainsi du congé maladie, prévu à l’article 59 du statut, qui lui n’affecte pas la continuité de la carrière du fonctionnaire se trouvant dans l’impossibilité, temporaire, d’exercer ses fonctions.

    32

    Le Tribunal estime, dès lors, que, conformément à la jurisprudence susmentionnée, la mise à la retraite du requérant en vertu de l’article 78 du statut affecte son intérêt à obtenir l’annulation du REC contesté dès lors que sa carrière au sein de son institution a été interrompue, en principe, de manière définitive.

    33

    Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument du requérant tiré d’une éventuelle réintégration dans le service en vertu de l’article 14 de l’annexe VIII du statut. En effet, il convient de rappeler qu’un requérant doit justifier d’un intérêt né et actuel à l’annulation de l’acte attaqué et que, si l’intérêt dont il se prévaut concerne une situation juridique future, il doit établir que l’atteinte à cette situation se révèle, d’ores et déjà, certaine. Or, force est de constater que la réintégration du requérant dans le service de la Commission n’est qu’un évènement éventuel dont la réalisation n’est, à l’heure actuelle, qu’incertaine. Ainsi, il s’agit d’un intérêt simplement hypothétique et donc insuffisant pour constater que la situation juridique du requérant se trouverait affectée par l’absence d’annulation du REC contesté (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 janvier 1987, Stroghili/Cour des comptes, 204/85, Rec. p. 389, point 11).

    34

    S’agissant, deuxièmement, du fait que la mise à la retraite du requérant a été obligatoire et a eu lieu postérieurement à l’introduction du présent recours, il convient de relever, en premier lieu, que le Tribunal a déjà eu l’occasion de juger qu’un fonctionnaire qui a cessé ses fonctions en raison d’un licenciement pour insuffisance professionnelle ou d’une révocation devenue définitive à la suite d’un recours en justice n’a pas intérêt à l’annulation de son rapport de notation (ordonnance N/Commission, précitée, point 27, et arrêt du Tribunal du 21 février 2006, V/Commission, T-200/03 et T-313/03, [RecFP p. I-A-2-15 et II-A-2-57,] point 184). Il ressort ainsi de la jurisprudence que le caractère volontaire ou non de la cessation des fonctions est sans pertinence pour l’appréciation de l’existence de l’intérêt à agir. En second lieu, concernant le moment de la mise à la retraite par rapport à la date d’introduction du recours, il y a lieu de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence mentionnée au point 27 ci-dessus que le fait que la disparition de l’intérêt à agir soit intervenu après l’introduction du recours ne saurait empêcher le Tribunal de constater qu’il n’y a plus lieu à statuer sur le recours (arrêts du [Tribunal du 13 décembre 1990,] Moritz/Commission, [T-20/89, Rec. p. II-769,] point 16; Dionyssopoulou/Conseil, précité, point 18, et Rounis/Commission, précité, point 21).

    35

    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la modification du REC contesté recherchée par le requérant n’emporterait, en principe, aucune conséquence pour la carrière de celui-ci, laquelle, à compter du 28 février 2005, a pris fin. Il incombe donc au requérant d’établir l’existence d’une circonstance particulière justifiant le maintien d’un intérêt personnel et actuel à agir en annulation (ordonnance N/Commission, précitée, points 26 et 27).

    36

    Il convient de relever que le requérant, dès lors qu’il conteste le caractère définitif de la cessation de fonctions, n’invoque aucune circonstance particulière au sens de l’ordonnance N/Commission, précitée. Il fait valoir, en revanche, que son intérêt à demander l’annulation du REC contesté devrait être reconnu afin de garantir le respect de son droit à une protection juridictionnelle effective.

    37

    À cet égard, il suffit de relever que le droit à une protection juridictionnelle effective ne comporte le droit de déférer au juge que les actes des institutions communautaires qui, en ce qu’ils affectent les intérêts du requérant, lui font grief (voir, en ce sens, ordonnances de la Cour du 1er octobre 2004, Pérez Escolar/Commission, C-379/03 P, […], points 41 et 42, et du Tribunal du 2 juin 2003, Forum 187/Commission, T-276/02, Rec. p. II-2075, point 50). Or, en l’espèce, force est de constater que, en raison de sa mise à la retraite, ni la décision [litigieuse] ni le REC contesté ne font à l’heure actuelle, et tant qu’il n’est pas réintégré dans le service, grief au requérant. Il s’ensuit que, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer à ce stade sur la pertinence de l’argument du requérant s’il était soulevé à l’appui d’un éventuel recours, dans l’hypothèse où le requérant serait réintégré dans le service, il convient de considérer que le droit à une protection juridictionnelle effective ne saurait lui conférer un droit à voir le Tribunal statuer sur la présente demande d’annulation.

    38

    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le requérant n’a pas apporté la preuve d’un intérêt né et actuel à agir. Il n’y a donc plus lieu de statuer sur les conclusions en annulation du REC en cause.

    39

    S’agissant des conclusions visant à ce que le Tribunal déclare illégales les dispositions générales d’exécution et le guide de transition, ou les dispositions actuellement en vigueur, il convient d’observer que, comme le requérant l’indique lui-même, elles constituent des exceptions d’illégalité soulevées dans le cadre de la demande d’annulation. Dès lors, il n’y a pas lieu de se prononcer à cet égard.»

    La décision du Tribunal sur la demande en indemnité

    19

    Le Tribunal a rejeté la demande en indemnité comme irrecevable pour les motifs suivants, exposés aux points 42 à 45 de l’arrêt attaqué:

    «42

    Il convient de rappeler que, selon l’article 21 du statut de la Cour [de justice], applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Pour satisfaire à ces exigences, une requête visant à la réparation des dommages prétendument causés par une institution communautaire doit contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que le requérant reproche à l’institution, les raisons pour lesquelles le requérant estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’il prétend avoir subi, ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice. En revanche, une demande tendant à obtenir une indemnité quelconque manque de la précision nécessaire et doit, par conséquent, être considérée comme irrecevable (arrêt de la Cour du 2 décembre 1971, Zuckerfabrik Schöppenstedt/Conseil, 5/71, Rec. p. 975, point 9; ordonnances du Tribunal du 1er juillet 1994, Osório/Commission, T-505/93, RecFP p. I-A-179 et II-581, point 33, et [du 15 février 1995,] Moat/Commission, [T-112/94, RecFP p. I-A-37 et II-135,] point 32).

    43

    En l’espèce, le requérant s’est borné à réclamer des dommages et intérêts en réparation du préjudice porté à sa carrière, à sa santé et à son bien-être, sans en chiffrer le montant et sans indiquer, avec suffisamment de précision, les éléments permettant de déterminer son étendue. Sa requête ne contient, en effet, d’autres précisions à cet égard que le fait que ‘[l]’erreur manifeste d’appréciation et le détournement de pouvoir commis par le validateur [auraient] gravement porté préjudice aux perspectives de carrière du requérant’ et que ‘[c]ette situation [aurait] nui à son moral et à sa santé, préjudice qui vien[drait] s’ajouter à celui porté à ses perspectives de carrière’.

    44

    Si le Tribunal a déjà reconnu que, dans des circonstances particulières, il n’est pas indispensable de préciser dans la requête l’étendue exacte du préjudice et de chiffrer le montant de la réparation demandée (arrêts du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T-64/89, Rec. p. II-367, points 75 à 77, et du 20 septembre 1990, Hanning/Parlement, T-37/89, Rec. p. II-463, point 82), il convient de relever, en l’espèce, que le requérant n’a ni établi ni même invoqué l’existence de telles circonstances (voir, en ce sens, ordonnances Osório/Commission, précitée, point 35, et Moat/Commission, précitée, point 37).

    45

    En outre, en ce qui concerne le préjudice moral, il convient de souligner que, outre l’absence totale d’évaluation de ce préjudice, le requérant n’a pas mis le Tribunal en mesure d’en apprécier l’étendue et le caractère. Or, que la réparation du préjudice moral soit demandée à titre symbolique ou aux fins d’obtention d’une véritable indemnité, il appartient au requérant de préciser la nature du préjudice moral allégué, au regard du comportement reproché à la Commission, puis de préciser, même de façon approximative, l’évaluation de l’ensemble de ce préjudice (ordonnance Moat/Commission, précitée, point 38, et arrêt du Tribunal du 29 janvier 1998, Affatato/Commission, T-157/96, RecFP p. I-A-41 et II-97, point 38).»

    La décision du Tribunal en ce qui concerne la demande de mesures d’organisation de la procédure introduite par le requérant

    20

    Le Tribunal a estimé que la demande du requérant visant à obtenir la production, par la Commission, de diverses pièces, à savoir le compte rendu des réunions du comité paritaire d’évaluation, les deux REC les plus favorables et les deux REC les plus défavorables concernant les fonctionnaires de son unité pour la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002 ainsi que le document contenant les normes quantitatives officielles des unités de traduction pour ladite période, ne présentait aucun intérêt pour la solution du litige et devait ainsi être rejetée.

    Les conclusions des parties devant la Cour

    21

    Le requérant demande à la Cour:

    d’annuler l’arrêt attaqué et de statuer sur le recours qu’il a introduit;

    de constater l’existence d’un intérêt propre dans son chef quant au REC le concernant, indépendant de l’intérêt de l’administration à cet égard;

    de constater que l’invalidité est un état par définition réversible, considérée et traitée comme tel par le service médical de la Commission;

    de lui accorder le droit à une protection juridictionnelle quant au REC le concernant;

    d’accueillir, à titre accessoire, sa demande en indemnité et de lui allouer à ce titre 1,5 million d’euros, et

    de condamner la Commission aux dépens.

    22

    La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation du requérant à l’ensemble des dépens.

    Sur le pourvoi

    23

    À l’appui de son pourvoi, le requérant invoque quatre moyens. Les trois premiers soutiennent ce pourvoi en tant qu’il est dirigé contre la décision du Tribunal relative au recours en annulation, le quatrième en tant qu’il est dirigé contre la décision du Tribunal relative à la demande en indemnité.

    Sur les moyens relatifs à la décision du Tribunal concernant le recours en annulation contre la décision litigieuse

    Argumentation des parties

    24

    Le requérant soutient que l’arrêt attaqué est entaché d’erreurs de droit en ce que le Tribunal a estimé, premièrement, que le REC ne présente un intérêt pour le fonctionnaire évalué que si ce dernier a encore une carrière à accomplir, deuxièmement, que la mise à la retraite pour cause d’invalidité permanente équivaut à une cessation définitive de fonctions et, troisièmement, que le droit à une protection juridictionnelle effective en cas de maladie professionnelle ne confère pas un droit de recours contre la décision litigieuse.

    25

    En premier lieu, il fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la fonction exacte du REC.

    26

    Le requérant expose que la jurisprudence sur laquelle le Tribunal s’est fondé au point 28 de l’arrêt attaqué n’est plus pertinente, dans la mesure où elle se rapporte à l’ancien système d’évaluation, en vigueur avant l’année 2003, en vertu duquel le rapport de notation ne jouait qu’un rôle accessoire pour la promotion. Or, le système actuel de notation comporterait un lien arithmétique avec la promotion ou le licenciement et une marge de manœuvre beaucoup plus importante pour ce qui est de l’accélération ou du ralentissement de la progression de la carrière. Selon le requérant, dans le cadre de ce nouveau système, il n’est pas approprié de qualifier d’«interne» un document qui a des implications objectives significatives. En outre, le rôle du fonctionnaire dans le processus d’évaluation ne saurait être relégué à un niveau secondaire par rapport à celui de l’administration.

    27

    En deuxième lieu, le requérant fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en se méprenant sur les conséquences de l’invalidité. En effet, le Tribunal aurait interprété l’invalidité comme un état définitif. Or, il ressortirait clairement des termes de l’article 14 de l’annexe VIII du statut que l’invalidité est un état réversible, ce que refléterait d’ailleurs la pratique selon laquelle les cas d’invalidité sont normalement réexaminés par le service médical de la Commission tous les deux ans.

    28

    Le requérant souligne en outre que, alors que la décision de mise à la retraite pour cause d’invalidité prise à son égard le 15 février 2005 a été arrêtée pour deux ans, le renouvellement effectué au cours de l’année 2007 par le service médical de la Commission a été limité à un an, ce qui démontrerait que sa réintégration dans le service n’est pas simplement hypothétique, de sorte que son intérêt quant à l’annulation de la décision litigieuse serait né et actuel.

    29

    En troisième lieu, le requérant soutient que le Tribunal n’a pas pris en compte les conséquences du principe général de protection juridictionnelle effective.

    30

    Le requérant expose que, en l’espèce, les médecins n’ont pas exclu l’hypothèse selon laquelle l’invalidité dont il souffre serait d’origine professionnelle. Toutefois, la commission d’invalidité aurait préféré attendre l’avis des instances compétentes, soit, selon lui, l’avis du Tribunal, avant de se prononcer sur ce point. Le fait que le Tribunal n’a pas statué sur le fond de l’affaire signifierait que la situation est bloquée tant du point de vue du requérant que de celui du service médical de la Commission ainsi que de celui de la commission d’invalidité.

    31

    Or, la décision sur le point de savoir si l’invalidité est d’origine professionnelle déterminerait les modalités selon lesquelles le requérant pourrait réintégrer son poste de travail ou, dans le cas contraire, le niveau de sa pension d’invalidité. Dans ces conditions, le requérant fait valoir qu’il ne saurait être soutenu que son intérêt à agir est simplement hypothétique et qu’il y aurait lieu de statuer sur cette question uniquement en cas de réintégration.

    32

    Le requérant fait valoir que, dès lors que le droit à une protection juridictionnelle effective constitue un droit fondamental, les dispositions légales et les éléments juridiques en cause ne sauraient être interprétés et appliqués restrictivement.

    33

    S’agissant du premier moyen, la Commission conteste l’argument du requérant selon lequel le raisonnement du Tribunal au point 28 de l’arrêt attaqué serait dénué de pertinence, car il se réfère au système de notation qui s’appliquait avant l’année 2003 plutôt qu’au système actuellement en vigueur.

    34

    La Commission relève, à titre liminaire, que le REC en cause concerne une période antérieure à l’année 2003, à savoir la période située entre le 1er juillet 2001 et le 31 décembre 2002. Dès lors, elle présume que le requérant vise plutôt le système de notation introduit à partir du mois de juillet 2001.

    35

    La Commission fait valoir qu’il a toujours existé une connexité entre l’évaluation des fonctionnaires et leur promotion. Tel serait encore actuellement le cas, puisque les dispositions pertinentes du nouveau statut adopté au cours de l’année 2004 continuent à figurer dans un chapitre intitulé «Notation, avancement d’échelon et promotion». Selon la Commission, le rapport de notation serait dépourvu d’utilité en l’absence d’un lien entre l’évaluation et la promotion des fonctionnaires. Elle considère que le requérant n’a avancé aucun argument sérieux, ni invoqué un quelconque changement prétendument important dans les règles, ni cité aucun nouveau développement dans la jurisprudence pour soutenir sa position.

    36

    S’agissant du deuxième moyen, relatif aux conséquences de la décision de mise à la retraire pour cause d’invalidité, la Commission relève que le requérant se borne à invoquer l’article 14 de l’annexe VIII du statut, sans faire aucune mention des articles 53 et 78 du celui-ci. Or, ainsi qu’il ressortirait de l’arrêt attaqué, ledit article 14 ne saurait être lu isolément. En effet, le statut opérerait une nette distinction entre, d’une part, l’invalidité temporaire (article 59) et, d’autre part, l’invalidité permanente (article 53). Alors que l’invalidité temporaire ouvre le droit à un congé de maladie, l’invalidité permanente débouche sur la mise à la retraite du fonctionnaire concerné.

    37

    La Commission estime que le fait que le service médical a renouvelé sa décision en ce qui concerne l’invalidité du requérant pour une période d’une année, plutôt que de deux années, est sans pertinence aux fins d’apprécier l’importance de l’invalidité. L’intervalle entre les examens médicaux ne saurait en effet être retenu comme un critère pour déterminer si l’invalidité d’un fonctionnaire est temporaire ou permanente. Dès lors qu’un cas d’invalidité relève de l’article 78 du statut, cette dernière devrait être considérée comme permanente. Par ailleurs, nonobstant l’article 14 de l’annexe VIII du statut, l’invalidité devrait être considérée comme permanente tant qu’elle dure.

    38

    En ce qui concerne le troisième moyen, relatif à la méconnaissance du droit à une protection juridictionnelle effective, la Commission fait valoir que celui-ci est fondé sur une prémisse erronée. En effet, contrairement à ce que prétend le requérant, il ne reviendrait pas au Tribunal de se prononcer sur l’origine de l’invalidité qui a été constatée dans son chef. La Commission soutient qu’il s’agit d’une question médicale qui relève de la compétence d’une instance médicale, à savoir le médecin de l’AIPN ou la commission médicale, conformément aux articles 19 et suivants des modalités d’application de l’article 73 du statut. Il en résulterait que, lorsque la commission d’invalidité a suspendu sa décision sur l’origine de cette invalidité dans l’attente de l’avis des «instances compétentes», cette commission se référait à l’avis des instances médicales, et non à l’arrêt attaqué.

    39

    La Commission ajoute que le requérant a toujours eu la possibilité d’entamer une procédure sur la base de l’article 73 du statut aux fins de faire déterminer si ladite invalidité est d’origine professionnelle. Dès lors, il n’aurait été privé d’aucune protection juridictionnelle à cet égard.

    40

    En outre, la Commission soutient que le Tribunal n’a pas non plus privé le requérant d’une protection juridictionnelle en ce qui concerne le REC en cause, dans la mesure où il n’exclut pas complètement la possibilité que le requérant puisse avoir intérêt à le contester ultérieurement, au cas où il serait réintégré dans le service.

    Appréciation de la Cour

    41

    À titre liminaire, il convient de souligner que la Commission, comme toutes les institutions communautaires, a une obligation particulière de transparence quant à la notation, à l’avancement et à la promotion de ses agents, dont le respect est assuré par la procédure formelle établie aux articles 43 et 46 du statut.

    42

    À ce titre, le REC est un document essentiel dans l’évaluation des personnels employés par les institutions, puisqu’il permet d’établir une évaluation de la compétence, du rendement et de la conduite d’un fonctionnaire, comme le mentionne l’article 43 du statut. L’établissement de ce rapport a lieu à tout le moins tous les deux ans dans les conditions fixées par chaque institution, conformément à l’article 110 du statut.

    43

    En outre, ainsi que l’a souligné M. l’avocat général au point 49 de ses conclusions, le REC constitue un jugement de valeur porté par ses supérieurs hiérarchiques sur la manière dont le fonctionnaire évalué s’est acquitté des tâches qui lui ont été confiées et sur son comportement dans le service durant la période concernée.

    44

    En effet, il convient de relever, en premier lieu, que le REC, indépendamment de son utilité future, constitue une preuve écrite et formelle quant à la qualité du travail accompli par le fonctionnaire. Une telle évaluation n’est pas purement descriptive des tâches effectuées pendant la période concernée, mais comporte aussi une appréciation des qualités humaines que la personne notée a montrées dans l’exercice de son activité professionnelle.

    45

    Dès lors, chaque fonctionnaire dispose d’un droit à ce que son travail soit sanctionné par une évaluation établie de manière juste et équitable. Par conséquent, conformément au droit à une protection juridictionnelle effective, un fonctionnaire doit se voir reconnaître en tout état de cause le droit de contester un REC le concernant en raison de son contenu ou parce qu’il n’a pas été établi selon les règles prescrites par le statut.

    46

    En deuxième lieu, s’il est vrai qu’un fonctionnaire qui est reconnu par la commission d’invalidité comme se trouvant en incapacité permanente totale est mis d’office à la retraite en vertu des articles 53 et 78 du statut, la situation d’un tel fonctionnaire se distingue de celle d’un fonctionnaire qui a atteint l’âge de la retraite, qui a démissionné ou qui a été licencié, car il s’agit d’une situation réversible.

    47

    En effet, le fonctionnaire atteint d’une telle invalidité est susceptible de reprendre un jour ses fonctions au sein d’une institution communautaire, eu égard aux termes de l’article 16 de l’annexe VIII du statut. À cet égard, la disposition générale de l’article 53 du statut doit être lue en combinaison avec les dispositions spécifiques des articles 13 à 15 de l’annexe VIII du statut. L’activité du fonctionnaire déclaré en état d’invalidité n’est que suspendue, l’évolution de sa situation au sein des institutions étant subordonnée à la persistance des conditions ayant justifié cette invalidité, qui peut être contrôlée à échéances régulières.

    48

    En l’espèce, la réunion, dans le chef du requérant, de l’ensemble des conditions requises pour justifier sa mise à la retraite d’office pour cause d’invalidité permanente totale, conformément à l’article 13 de l’annexe VIII du statut, n’a pas été considérée comme définitivement acquise. Ceci est corroboré par le fait que le service médical de la Commission en charge de l’examen de la situation d’invalidité du requérant n’a renouvelé la déclaration d’invalidité le concernant, le 31 janvier 2007, que pour une année supplémentaire, et non pour deux années, comme cela avait été le cas de la décision initiale de la commission d’invalidité du 1er février 2005. Cela démontre que la possibilité de réintégration du requérant n’est pas simplement hypothétique, mais bien réelle.

    49

    Or, un fonctionnaire reconnu comme atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale, dès lors qu’il est susceptible de réintégrer les institutions, dispose d’un droit équivalent à celui d’un fonctionnaire actif de voir son REC établi équitablement, objectivement et conformément aux normes d’une évaluation régulière.

    50

    Dans l’hypothèse d’une réintégration, le REC aurait une utilité pour l’évolution du fonctionnaire au sein de son service ou des institutions communautaires. Il constituerait une preuve concrète et formelle de sa compétence et de son expérience au sein de l’institution, dont il pourrait se prévaloir. Il permettrait également au pouvoir hiérarchique de comparer les mérites des candidats à une éventuelle promotion ou mutation.

    51

    Il convient, en conséquence, de considérer qu’un fonctionnaire en état d’invalidité permanente totale en application des articles 53 et 78 du statut conserve un intérêt à contester un REC.

    52

    Dès lors qu’il ne saurait être déduit de la déclaration d’invalidité permanente totale de M. Gordon que celui-ci ne puisse un jour être réintégré au sein des institutions communautaires, il ne saurait être exclu qu’il puisse se prévaloir du REC en cause après une éventuelle réintégration au sein de celles-ci.

    53

    Au vu de l’ensemble de ces considérations, il convient de considérer les deux premiers moyens comme fondés. Par conséquent, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué en tant qu’il décide qu’il n’y a plus lieu à statuer sur la demande d’annulation de la décision litigieuse, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le troisième moyen, non susceptible d’entraîner une annulation plus large.

    Sur le moyen relatif à la décision du Tribunal concernant la demande en indemnité

    Argumentation des parties

    54

    Le requérant soutient que c’est à tort que le Tribunal a jugé irrecevable sa demande en indemnité au motif que la nature et l’étendue du préjudice n’avaient pas été précisées. Il relève en effet que, conformément à la jurisprudence du Tribunal citée dans l’arrêt attaqué lui-même, dans des circonstances particulières, il n’est pas indispensable de préciser dans la requête l’étendue exacte du préjudice et de chiffrer le montant de la réparation demandée.

    55

    Le requérant fait également valoir qu’il n’a jamais attendu ni demandé une décision sur le préjudice en l’absence d’une décision sur le recours en annulation. Il précise que, dans son mémoire en réplique devant le Tribunal, il s’est expressément réservé le droit d’engager toute procédure en vue d’obtenir réparation du préjudice subi au vu de l’arrêt qui était attendu du Tribunal.

    56

    Le requérant considère que, en raison de circonstances particulières et de la complexité de sa situation, une décision sur le préjudice devrait uniquement intervenir après que la Cour aura statué sur le recours en annulation.

    57

    Toutefois, il fait déjà valoir que, si la Cour constate qu’il a effectivement été victime d’une évaluation inéquitable ainsi que d’une injustice grave et que, de ce fait, sa carrière a réellement subi un préjudice irréparable, une indemnité de l’ordre de 1,5 million d’euros ne serait pas exorbitante.

    58

    La Commission soutient pour sa part que la possibilité d’être dispensé de l’obligation de préciser dans la requête l’étendue exacte du préjudice subi constitue une exception. Il résulterait du point 44 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré que le cas du requérant ne relève pas de cette exception. Selon la Commission, le requérant n’a pas fait valoir devant le Tribunal que son cas présentait le moindre élément lui permettant d’échapper à la règle générale. En outre, dans son pourvoi, le requérant n’aurait pas indiqué en quoi le Tribunal se serait trompé en appliquant cette règle générale. La Commission en conclut que, par conséquent, son argument s’expose à une nouvelle exception d’irrecevabilité en raison de l’absence d’argumentation étayant la position du requérant.

    59

    La Commission conteste, en outre, l’argument de celui-ci selon lequel le Tribunal n’aurait pas dû statuer sur la question du préjudice au motif que le requérant aurait signalé son intention d’entamer ultérieurement une procédure séparée en vue d’obtenir l’indemnisation du préjudice prétendument subi. En effet, cette prétention ne serait pas étayée par le dossier de la procédure en première instance.

    Appréciation de la Cour

    60

    Il convient de constater que le Tribunal a rejeté les conclusions en indemnité comme irrecevables dès lors que, d’une part, le requérant s’est borné à réclamer des dommages et intérêts en réparation du préjudice porté à sa carrière, à sa santé et à son bien-être sans en chiffrer le montant et sans indiquer avec suffisamment de précision les éléments permettant de déterminer l’étendue de ce préjudice et, d’autre part, en ce qui concerne le préjudice moral, outre l’absence totale d’évaluation de ce préjudice, le requérant n’a pas mis le Tribunal en mesure d’en apprécier l’étendue et le caractère.

    61

    À cet égard, il suffit de relever que la question de savoir si le montant de l’indemnité réclamée par le requérant a été suffisamment justifié par ce dernier nécessite une appréciation des faits qui échappe à la compétence de la Cour, laquelle porte seulement sur le contrôle du respect, par l’arrêt attaqué, des règles de droit (voir, en ce sens, arrêt du 15 février 1996, Buralux e.a./Conseil, C-209/94 P, Rec. p. I-615, point 21).

    62

    En outre, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 78 de ses conclusions, la demande d’une somme de 1,5 million d’euros à titre d’indemnité pour le cas où la Cour examinerait le litige au fond constitue une demande nouvelle, au sens de l’article 113 du règlement de procédure de la Cour, qui doit être déclarée irrecevable.

    63

    Par conséquent, il convient de rejeter le pourvoi du requérant comme irrecevable en ce qu’il conteste le rejet, par le Tribunal, de sa demande en indemnité.

    Sur le recours devant le Tribunal

    64

    Conformément à l’article 61, premier alinéa, deuxième phrase, du statut de la Cour de justice, lorsque celle-ci annule la décision du Tribunal, elle peut statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé. Tel est le cas en l’espèce en ce qui concerne le recours en annulation.

    Argumentation des parties

    65

    Le requérant demande en premier lieu l’annulation de la décision litigieuse, qui rejette sa réclamation introduite contre la décision du 28 avril 2003 confirmant le REC dont il a fait l’objet pour la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002.

    66

    Il invoque trois moyens à l’appui de ce recours, dont le premier est tiré de la violation des formes substantielles et des droits de la défense.

    67

    À cet égard, le requérant fait valoir que plusieurs irrégularités ont été commises dans le cadre de la procédure de recours interne contre le REC en cause. Il soutient, notamment, que la deuxième étape de cette procédure, consistant dans un contrôle des conditions formelles et substantielles de ce REC par le comité paritaire d’évaluation, ne s’est pas déroulée régulièrement.

    68

    Ainsi, l’examen opéré par ce comité aurait été limité à l’aspect procédural, sans porter sur le fond. En effet, le dialogue formel avec le validateur du REC n’ayant pas eu lieu, ledit comité aurait recommandé la tenue de ce dialogue. Or, le dossier du requérant n’aurait pas été renvoyé après que ledit dialogue avait eu lieu devant ce même comité afin que celui-ci puisse également se prononcer sur le point de savoir si le REC avait été établi équitablement, objectivement et conformément aux normes d’évaluation habituelles, comme le prescrit l’article 8, paragraphe 5, des dispositions générales d’exécution.

    69

    Selon le requérant, cette lacune constitue une grave irrégularité qui entache la procédure de recours interne. En effet, le comité paritaire d’évaluation, du fait de sa composition, serait le seul organe de recours dans le cadre duquel des membres du personnel exerçant les mêmes fonctions que lui auraient pu examiner sa notation. De plus, l’avis de ce comité aurait une grande valeur, dans la mesure où l’évaluateur d’appel, s’il refuse de suivre cet avis, serait tenu de motiver sa décision.

    70

    La Commission allègue que le requérant ne peut pas tirer argument du fait que le comité paritaire d’évaluation s’est limité à constater que le dialogue formel avec le validateur du REC n’avait pas eu lieu, car il aurait lui-même omis d’informer ce comité que ce dialogue était intervenu le 25 mars 2003.

    Appréciation de la Cour

    71

    Il ressort du dossier que le comité paritaire d’évaluation ne s’est pas prononcé sur le contenu du REC en cause, alors qu’il a l’obligation de le faire lorsque, comme en l’espèce, il a été saisi d’une contestation. En effet, ce comité a uniquement constaté, dans son avis transmis à l’évaluateur d’appel le 11 avril 2003, que le dialogue formel avec le validateur n’avait pas eu lieu, et ce en contradiction avec l’article 7 des dispositions générales d’exécution.

    72

    Dès lors, l’évaluateur d’appel ne pouvait pas se prononcer sur le recours interne du requérant dans sa décision du 28 avril 2003 alors que le comité paritaire d’évaluation n’avait pas lui-même donné son avis sur le contenu du REC en cause, de sorte que celui-ci n’était pas définitif.

    73

    Comme l’a souligné M. l’avocat général au point 96 de ses conclusions, en se prononçant de la sorte dans sa décision du 28 avril 2003, l’évaluateur d’appel a traité le droit de recours du requérant devant le comité paritaire d’évaluation comme une étape purement formelle. Or, lorsque ce comité est saisi d’une contestation, l’examen du contenu du REC concerné constitue une formalité substantielle, car, d’une part, ledit comité est la seule entité intervenant dans la procédure de notation qui comprend des représentants du personnel et, d’autre part, les avis qu’il émet doivent être pris en considération par l’évaluateur d’appel.

    74

    Il apparaît, dès lors, que le fait que le comité paritaire d’évaluation ne se soit pas prononcé sur le contenu du REC en cause conformément à l’article 8 des dispositions générales d’exécution constitue une violation substantielle de la procédure d’élaboration d’un REC qui porte atteinte aux droits du requérant.

    75

    Ainsi, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués à l’appui du recours en annulation, il y a lieu d’annuler la décision litigieuse.

    Sur les dépens

    76

    Aux termes de l’article 122 du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

    77

    Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, de ce même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. M. Gordon ayant conclu à la condamnation de la Commission et celle-ci ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens des deux instances.

     

    Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête:

     

    1)

    L’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 7 février 2007, Gordon/Commission (T-175/04), est annulé en ce que le Tribunal a déclaré n’y avoir pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit par M. Gordon.

     

    2)

    Le pourvoi est rejeté comme irrecevable en ce qu’il conteste le rejet du recours en indemnité dans ledit arrêt du Tribunal.

     

    3)

    La décision de la Commission des Communautés européennes du 11 décembre 2003 rejetant la réclamation de M. Gordon contre la décision du 28 avril 2003 confirmant le rapport d’évolution de carrière dont il a fait l’objet pour la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002 est annulée.

     

    4)

    La Commission des Communautés européennes est condamnée à supporter les dépens exposés par M. Gordon devant la Cour de justice des Communautés européennes et devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.

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