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Document 62005CJ0222

    Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 7 juin 2007.
    J. van der Weerd et autres (C-222/05), H. de Rooy sr. et H. de Rooy jr. (C-223/05), Maatschap H. en J. van ’t Oever et autres (C-224/05) et B. J. van Middendorp (C-225/05) contre Minister van Landbouw, Natuur en Voedselkwaliteit.
    Demande de décision préjudicielle: College van Beroep voor het bedrijfsleven - Pays-Bas.
    Agriculture - Lutte contre la fièvre aphteuse - Directive 85/511/CEE - Relevé d’office par le juge national du droit communautaire - Autonomie procédurale - Principes d’équivalence et d’effectivité.
    Affaires jointes C-222/05 à C-225/05.

    Recueil de jurisprudence 2007 I-04233

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2007:318

    Affaires jointes C-222/05 à C-225/05

    J. van der Weerd e.a.

    contre

    Minister van Landbouw, Natuur en Voedselkwaliteit

    (demande de décision préjudicielle, introduite par

    le College van Beroep voor het bedrijfsleven)

    «Agriculture — Lutte contre la fièvre aphteuse — Directive 85/511/CEE — Relevé d’office par le juge national du droit communautaire — Autonomie procédurale — Principes d’équivalence et d’effectivité»

    Sommaire de l'arrêt

    1.        Questions préjudicielles — Recevabilité — Limites

    (Art. 234 CE)

    2.        Droit communautaire — Recours en justice — Modalités procédurales nationales

    (Directive du Conseil 85/511, telle que modifiée par la directive 90/423, art. 11 et 13)

    1.        Les questions relatives à l'interprétation du droit communautaire posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu'il définit sous sa responsabilité, et dont il n'appartient pas à la Cour de vérifier l'exactitude, bénéficient d'une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d'une demande formée par une juridiction nationale n'est possible que s'il apparaît de manière manifeste que l'interprétation sollicitée du droit communautaire n'a aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées. Ladite présomption de pertinence ne saurait être renversée par la simple circonstance que l'une des parties au principal conteste certains faits dont il n'appartient pas à la Cour de vérifier l'exactitude et dont dépend la définition de l'objet dudit litige.

    (cf. points 22-23)

    2.        Le droit communautaire n'impose pas au juge national, dans une procédure juridictionnelle concernant la légalité d'un acte administratif au regard des moyens tirés de la violation des articles 11 et 13 de la directive 85/511, établissant des mesures communautaires de lutte contre la fièvre aphteuse, telle que modifiée par la directive 90/423, de soulever d'office un moyen tiré de la violation de dispositions de la réglementation communautaire, étant donné que ni le principe d'équivalence ni le principe d'effectivité ne l'exigent.

    D'une part, en effet, s'agissant du principe d'équivalence, lesdites dispositions de la directive ne déterminent ni les conditions dans lesquelles peuvent être engagées les procédures en matière de lutte contre la fiève aphteuse, ni les autorités qui sont compétentes, dans leur cadre, pour fixer l'étendue des droits et des obligations des justiciables, de sorte qu'elles ne sauraient être considérées comme équivalentes aux règles nationales d'ordre public, qui sont à la base même des procédures nationales étant donné qu'elles définissent les conditions dans lesquelles peuvent être engagées ces dernières et les autorités qui sont compétentes, dans leur cadre, pour déterminer l'étendue des droits et des obligations des justiciables. D'autre part, le principe d'effectivité ne s'oppose pas à une disposition nationale empêchant les juridictions nationales de relever d'office un moyen tiré de la violation de dispositions communautaires, lorsque l'examen de ce moyen les obligerait à renoncer à la passivité qui leur incombe, en sortant des limites du litige tel qu'il a été circonscrit par les parties et en se fondant sur d'autres faits et circonstances que ceux sur lesquels la partie qui a intérêt à l'application desdites dispositions a fondé sa demande. Dans une telle procédure, le principe d'effectivité n'impose pas l'obligation aux juridictions nationales de soulever d'office un moyen tiré d'une disposition communautaire, indépendamment de l'importance de celle-ci pour l'ordre juridique communautaire, dès lors que les parties ont une véritable possibilité de soulever un moyen fondé sur le droit communautaire devant une juridiction nationale.

    (cf. points 29-31, 36, 41-42 et disp.)






    ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

    7 juin 2007 (*)

    «Agriculture – Lutte contre la fièvre aphteuse – Directive 85/511/CEE – Relevé d’office par le juge national du droit communautaire – Autonomie procédurale – Principes d’équivalence et d’effectivité»

    Dans les affaires jointes C‑222/05 à C‑225/05,

    ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduites par le College van Beroep voor het bedrijfsleven (Pays-Bas), par décisions du 17 mai 2005, parvenues à la Cour le 20 mai 2005, dans les procédures

    J. van der Weerd,

    Maatschap Van der Bijl,

    J. W. Schoonhoven (C-222/05),

    H. de Rooy sr.,

    H. de Rooy jr. (C-223/05),

    Maatschap H. en J. van ’t Oever,

    Maatschap F. van ’t Oever en W. Fien,

    B. van ’t Oever,

    Maatschap A. en J. Fien,

    Maatschap K. Koers en J. Stellingwerf,

    H. Koers,

    Maatschap K. en G. Polinder,

    G. van Wijhe (C-224/05),

    B. J. van Middendorp (C-225/05)

    contre

    Minister van Landbouw, Natuur en Voedselkwaliteit,

    LA COUR (quatrième chambre),

    composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. E. Juhász, Mme  R. Silva de Lapuerta, MM. J. Malenovský (rapporteur) et T. von Danwitz, juges,

    avocat général: M. M. Poiares Maduro,

    greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 décembre 2006,

    considérant les observations présentées:

    –        pour M. van der Weerd, Maatschap Van der Bijl et M. Schoonhoven, Maatschap H. en J. van ’t Oever, Maatschap F. van t Oever en W. Fien, M. van t Oever, Maatschap A. en J. Fien, Maatschap K. Koers en J. Stellingwerf, Mme Koers, Maatschap K. en G. Polinder et M. van Wijhe, par Mes A. van Beek et G. de Jager, advocaten,

    –        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes H. G. Sevenster et C. ten Dam, en qualité d’agents,

    –        pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et Mme  R. Loosli‑Surrans, en qualité d’agents,

    –        pour la Commission des Communautés européennes, par M. F. Erlbacher, Mme M. van Heezik et M. T. van Rijn, en qualité d’agents,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 1er mars 2007,

    rend le présent

    Arrêt

    1        Les demandes de décision préjudicielle portent, d’une part, sur l’interprétation du droit communautaire quant au pouvoir du juge national d’apprécier d’office la compatibilité d’un acte administratif avec la directive 85/511/CEE du Conseil, du 18 novembre 1985, établissant des mesures communautaires de lutte contre la fièvre aphteuse (JO L 315, p. 11), telle que modifiée par la directive 90/423/CEE du Conseil, du 26 juin 1990 (JO L 224, p. 13, ci‑après la «directive 85/511»), et, d’autre part, sur l’interprétation de cette directive.

    2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant M. van der Weerd, Maatschap Van der Bijl, MM. Schoonhoven, de Rooy sr. et de Rooy jr., Maatschap H. en J. van t Oever, Maatschap F. van t Oever en W. Fien, M. van t Oever, Maatschap A. en J. Fien, Maatschap K. Koers en J. Stellingwerf, Mme  Koers, Maatschap K. en G. Polinder, MM. van Wijhe et van Middendorp au Minister van Landbouw, Natuur en Voedselkwaliteit, au sujet de l’abattage d’animaux leur appartenant.

     Le cadre juridique

     La réglementation communautaire

    3        La directive 85/511 prévoit des mesures communautaires de lutte contre la fièvre aphteuse. En vertu de son article 4, elle impose aux États membres de veiller notamment à ce que, lorsque dans une exploitation se trouvent un ou plusieurs animaux suspects d’être infectés ou contaminés, les moyens d’investigation officiels visant à confirmer ou à infirmer la présence de ladite maladie soient mis en œuvre immédiatement et, en particulier, à ce que le vétérinaire officiel effectue ou fasse effectuer les prélèvements adéquats en vue des examens de laboratoire.

    4        En outre, selon l’article 5 de cette directive, les États membres veillent à ce que, dès qu’il est confirmé qu’un ou plusieurs des animaux infectés se trouvent dans une exploitation, l’autorité compétente prenne sans délai les mesures prévues à cet article, notamment, celle imposant que tous les animaux des espèces sensibles de l’exploitation soient mis à mort sur place sous contrôle officiel, d’une manière permettant d’éviter tout risque de dispersion du virus aphteux.

    5        Il ressort des articles 11, paragraphe 1, et 13, paragraphe 1, de ladite directive que les États membres doivent veiller à ce que les examens de laboratoire effectués en vue de déceler la présence de fièvre aphteuse et la manipulation des virus aphteux aux fins de recherche, de diagnostic et/ou de fabrication de vaccins s’effectuent dans des établissements et laboratoires agréés énumérés sur les listes figurant aux annexes de cette même directive.

    6        À l’annexe B de la directive 85/511, intitulée «Laboratoires nationaux autorisés à manipuler le virus vivant de la fièvre aphteuse», figurait à la date des faits au principal, sous la rubrique «Pays‑Bas», le «Centraal Diergeneeskundig Instituut, Lelystad».

     La réglementation nationale

    7        L’article 8:69 de la loi générale sur les procédures juridictionnelles administratives (Algemene Wet Bestuursrecht) prévoit:

    «1.      La juridiction saisie statue en se fondant sur le recours, les pièces produites, l’instruction préalable et l’examen de l’affaire à l’audience.

    2.      La juridiction complète d’office les moyens de droit.

    3.      La juridiction peut compléter les faits d’office.»

    8        Cette disposition est applicable aux procédures suivies devant le College van Beroep voor het bedrijfsleven en vertu de l’article 19, paragraphe 1, de la loi sur le recours administratif en matière économique (Wet bestuursrechtspraak bedrijfsorganisatie).

     Le litige au principal et les questions préjudicielles

    9        En février 2001, une épidémie de fièvre aphteuse s’est déclarée aux Pays-Bas. À cette époque, les requérants au principal exploitaient des élevages de bétail où se trouvaient des animaux biongulés. Leurs exploitations étaient situées à moins de 2 km des exploitations qui ont été déclarées infectées de la fièvre aphteuse par le directeur du Rijksdienst voor de keuring van Vee en Vlees (service national d’inspection du bétail et de la viande, ci-après le «RVV»). Ce dernier s’était fondé à cet égard sur le résultat des examens effectués par le laboratoire ID-Lelystad BV (ci-après «ID-Lelystad»), communiqué par télécopie et selon lequel les échantillons prélevés dans les exploitations infectées avaient été reconnus positifs.

    10      À la suite de cette constatation de la présence de la fièvre aphteuse, le directeur du RVV a pris à l’encontre des requérants au principal des décisions aux termes desquelles tous les animaux biongulés se trouvant dans leurs exploitations devaient être considérés comme suspects d’être contaminés par la fièvre aphteuse, au motif que, un cas de fièvre aphteuse ayant été constaté à proximité de celles-ci, il ne pouvait être exclu que les animaux présents dans lesdites exploitations avaient pu être contaminés par cette maladie.

    11      Par ces mêmes décisions, le directeur du RVV a notifié aux requérants au principal un certain nombre de mesures destinées à lutter contre le virus de la fièvre aphteuse et à empêcher sa diffusion, parmi lesquelles la vaccination puis l’abattage de tous les animaux biongulés se trouvant dans leurs exploitations. En conséquence, ces animaux ont été vaccinés puis abattus.

    12      Après avoir introduit des réclamations contre lesdites décisions auprès du directeur du RVV qui les a rejetées comme non fondées, les requérants au principal ont saisi la juridiction de renvoi d’un recours contre les décisions défavorables ainsi prises par ledit directeur.

    13      Afin de contester la légalité de la déclaration de suspicion de la présence de la fièvre aphteuse et, partant, des décisions du directeur du RVV, les requérants au principal ont formulé des moyens tirés notamment de ce que l’administration aurait méconnu la définition de l’animal suspect d’être infecté, les signes cliniques de la présence de la fièvre aphteuse et les procédures applicables lors du prélèvement des échantillons sanguins.

    14      La juridiction de renvoi a rejeté tous ces moyens. Cependant, elle a relevé que, dans des affaires voisines pendantes devant elle, qui ont donné lieu à l’arrêt de la Cour du 15 juin 2006, Dokter e.a. (C‑28/05, Rec. p. I‑5431), la légalité de décisions comparables avait été contestée par d’autres moyens qui n’ont pas été soulevés par les requérants au principal.

    15      Par ces moyens, il avait été soutenu que le directeur du RVV ne pouvait prendre les mesures de lutte contre la fièvre aphteuse sur la base du résultat des examens réalisés par ID-Lelystad car ce dernier n’avait pas été habilité par la directive 85/511 à les effectuer. En outre, ce directeur n’aurait pas pu fonder les mesures de lutte contre la fièvre aphteuse exclusivement sur le contenu de la télécopie envoyée par ID-Lelystad, qui annonçait les résultats des examens de laboratoire. Il aurait dû réclamer le dossier établi par ce laboratoire, l’étudier et vérifier si ces examens avaient été correctement effectués.

    16      Le College van Beroep voor het bedrijfsleven constate que de tels moyens pourraient également avoir une influence sur la solution des présents litiges au principal. Toutefois, dès lors que ces moyens n’ont pas été soulevés devant lui, les règles de procédure nationales feraient obstacle à leur prise en compte. Il ressortirait de l’article 8:69 de la loi générale sur les procédures juridictionnelles administratives que le juge ne statue que sur les points du litige qui lui sont soumis. S’il est vrai que le paragraphe 2 de cet article énonce que la juridiction complète d’office les moyens de droit, il conviendrait cependant de déduire de cette disposition que le juge procède à la mise en forme juridique des griefs que le requérant a formés à l’encontre de l’acte administratif contesté. Il y aurait lieu d’opérer une distinction entre cette obligation de compléter d’office lesdits moyens et l’appréciation à laquelle le juge est tenu de procéder de sa propre initiative. Cette dernière ne s’imposerait qu’en cas d’application des règles d’ordre public, à savoir celles relatives aux pouvoirs des organes administratifs et à ceux du juge lui-même ainsi que les dispositions en matière de recevabilité.

    17      La juridiction de renvoi se demande cependant si elle est, au regard du droit communautaire, tenue de prendre en considération des arguments tirés de ce droit qui n’ont pas été invoqués par les requérants au principal. Se poserait en effet la question de savoir si une disposition procédurale nationale, qui implique que le juge ne peut apprécier des moyens qui se situent en dehors des limites du litige, ne rend pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire.

    18      Dans ces conditions, le College van Beroep voor het bedrijfsleven a décidé, dans les quatre affaires au principal, de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1)      Le droit communautaire exige-t-il de procéder à un contrôle d’office – c’est-à-dire un contrôle exercé en fonction de critères non inclus dans le cadre d’origine du litige – en fonction de critères tirés de la directive 85/511[...]?

    2)      En cas de réponse affirmative à la première question:

             L’obligation qui incombe aux États membres, en application des dispositions combinées des articles 11, paragraphe 1, premier tiret, et 13, paragraphe 1, deuxième tiret, de la directive 85/511[...], de veiller à ce que les examens de laboratoire visant à déceler la présence de la fièvre aphteuse soient exécutés par un laboratoire mentionné à l’annexe B de cette directive exerce-t-elle un effet direct?

    3)      a)     Y a-t-il lieu d’interpréter l’article 11, paragraphe 1, de la directive 85/511[…] en ce sens qu’il faut attacher des conséquences juridiques au fait que la présence de la fièvre aphteuse est constatée par un laboratoire non mentionné à l’annexe B de cette directive?

             b)     Si la réponse à la troisième question, sous a), est affirmative:

                      L’article 11, paragraphe 1, de la directive 85/511[…] a-t-il pour objet de sauvegarder les intérêts de justiciables tels que [les requérants au principal]? Si tel n’est pas le cas, de tels justiciables peuvent-ils se prévaloir de l’éventuelle violation par les autorités des États membres des obligations qui résultent pour elles de cette disposition?

             c)     S’il résulte de la réponse à la troisième question, sous b), que les justiciables peuvent se prévaloir de l’article 11, paragraphe l, de la directive 85/511[…]:

                      Quelles conséquences juridiques y a-t-il lieu d’attacher au constat de la présence de la fièvre aphteuse opéré par un laboratoire non mentionné à l’annexe B de cette directive?

    4)      Eu égard aux dispositions des articles 11 et 13 de la directive 85/511, y a-t-il lieu d’interpréter son annexe B en ce sens que la mention ‘Centraal Diergeneeskundig Instituut, Lelystad’ peut ou doit aussi inclure [ID‑Lelystad]?

    5)      S’il résulte des réponses aux questions précédentes que la présence de la fièvre aphteuse peut être constatée par un laboratoire non mentionné à l’annexe B de la directive 85/511 ou qu’il y a lieu d’interpréter cette annexe en ce sens que la mention ‘Centraal Diergeneeskundig Instituut, Lelystad’ peut ou doit aussi inclure [ID Lelystad]:

             Y a-t-il lieu d’interpréter la directive 85/511[…] en ce sens qu’elle dispose que l’organe administratif national ayant compétence de décision est lié par les résultats des examens exécutés par un laboratoire inscrit dans l’annexe B de cette directive ou, s’il résulte de la réponse à la troisième question, sous a), que cet organe administratif peut également fonder ses mesures d’éradication de la fièvre aphteuse sur les résultats obtenus par un laboratoire qui n’est pas inscrit dans l’annexe B de la directive, par les résultats de ce dernier laboratoire, ou la détermination de l’autorité relève‑t‑elle de l’autonomie procédurale de l’État membre de sorte que le juge saisi de la procédure au principal doit examiner si les règles en la matière s’appliquent indépendamment du fait que les examens de laboratoire se déroulent sur la base d’une obligation de droit communautaire ou national, et si l’application du cadre judiciaire national ne rend pas l’application des règles communautaires excessivement difficile ou en pratique impossible?

    6)      S’il résulte de la réponse à la cinquième question que la directive 85/511[…] régit la mesure dans laquelle les autorités nationales sont liées par les résultats de laboratoire:

             Les autorités nationales sont-elles inconditionnellement liées par les résultats provenant d’un examen de laboratoire visant à déceler la présence de la fièvre aphteuse? Si tel n’est pas le cas, quelle marge d’appréciation la directive 85/511 leur laisse-t-elle?»

    19      Par ordonnance du président de la Cour du 7 juillet 2005, les affaires C‑222/05 à C-225/05 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

     Sur les questions préjudicielles

     Sur la première question

    20      Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit communautaire impose au juge national, dans une procédure telle que celle au principal, de procéder à un contrôle d’office de la légalité d’un acte administratif au regard des moyens tirés de la violation des articles 11 et 13 de la directive 85/511.

     Sur la recevabilité

    21      M. van der Weerd, Maatschap Van der Bijl, M. Schoonhoven, Maatschap H. en J. van t Oever, Maatschap F. van t Oever en W. Fien, M. van t Oever, Maatschap A. en J. Fien, Maatschap K. Koers en J. Stellingwerf, Mme Koers, Maatschap K. en G. Polinder et M. van Wijhe (ci-après «M. van der Weerd e.a.») contestent la présentation faite du déroulement de la procédure suivie devant la juridiction de renvoi. Ils soutiennent qu’ils ont invoqué la directive 85/511 devant celle-ci et que la Cour ne saurait donc examiner la première question.

    22      Selon une jurisprudence constante, les questions relatives à l’interprétation du droit communautaire posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence (voir arrêt du 15 mai 2003, Salzmann, C-300/01, Rec. p. I-4899, points 29 et 31). Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit communautaire n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêts du 13 mars 2001, PreussenElektra, C‑379/98, Rec. p. I-2099, point 39, et du 5 décembre 2006, Cipolla e.a., C‑94/04 et C-202/04, non encore publié au Recueil, point 25).

    23      Ladite présomption de pertinence ne saurait être renversée par la simple circonstance que l’une des parties au principal conteste certains faits dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude et dont dépend la définition de l’objet dudit litige (arrêt Cipolla e.a., précité, point 26).

    24      En l’espèce, M. van der Weerd e.a. soutiennent que la juridiction de renvoi a, à tort, estimé que les moyens tirés de la violation des dispositions pertinentes de la directive 85/511 n’avaient pas été soulevés devant elle. Or, il s’agit précisément d’un fait dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude.

    25      Dès lors, l’argumentation de M. van der Weerd e.a. ne saurait être retenue.

    26      Il en va de même des arguments soulevés à l’audience par la Commission qui a mis en doute la nécessité, pour la juridiction de renvoi, de poser la première question compte tenu des conclusions auxquelles la Cour est parvenue dans l’arrêt Dokter e.a., précité. En effet, cet arrêt ne rend pas, de manière manifeste, la réponse de la Cour dans les présentes affaires dépourvue de pertinence au regard de la décision que la juridiction de renvoi est appelée à prendre.

    27      Dès lors, il y a lieu, pour la Cour, de répondre à la première question.

     Sur le fond

    28      Il ressort de la jurisprudence que, en l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinées à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire, pour autant, d’une part, que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe d’équivalence) et, d’autre part, qu’elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité) (arrêts du 14 décembre 1995, Van Schijndel et van Veen, C‑430/93 et C‑431/93, Rec. p. I‑4705, point 17, et du 9 décembre 2003, Commission/Italie, C-129/00, Rec. p. I-14637, point 25).

    29      S’agissant du principe d’équivalence, il découle de la décision de renvoi que le College van Beroep voor het bedrijfsleven est compétent pour soulever d’office les moyens tirés de la violation des règles d’ordre public, entendues en droit néerlandais comme étant celles relatives aux pouvoirs des organes administratifs et à ceux du juge lui-même ainsi que les dispositions en matière de recevabilité. Lesdites règles sont à la base même des procédures nationales étant donné qu’elles définissent les conditions dans lesquelles peuvent être engagées ces dernières et les autorités qui sont compétentes, dans leur cadre, pour déterminer l’étendue des droits et des obligations des justiciables.

    30      Or, les dispositions concernées de la directive 85/511 n’occupent pas, au sein de l’ordre juridique communautaire, une place comparable. Elles ne déterminent ni les conditions dans lesquelles peuvent être engagées les procédures en matière de lutte contre la fièvre aphteuse, ni les autorités qui sont compétentes, dans leur cadre, pour fixer l’étendue des droits et des obligations des justiciables.

    31      Ces dispositions ne sauraient ainsi être considérées comme équivalentes aux règles nationales d’ordre public susmentionnées. En conséquence, l’application du principe d’équivalence n’implique pas, dans les présentes affaires, que la juridiction de renvoi soit obligée de procéder d’office à un contrôle de la légalité des actes administratifs concernés en fonction de critères tirés de la directive 85/511.

    32      Par ailleurs, si ces dispositions relèvent de la politique de la santé publique, elles auraient été invoquées, dans les procédures au principal, essentiellement pour tenir compte des intérêts privés des justiciables qui avaient fait l’objet de mesures de lutte contre la fièvre aphteuse.

    33      Pour ce qui concerne le principe d’effectivité, il ressort de la jurisprudence de la Cour que chaque cas, où se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés aux particuliers par l’ordre juridique communautaire, doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il y a lieu de prendre en considération, s’il échet, les principes qui sont à la base du système juridictionnel national, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 1995, Peterbroeck, C-312/93, Rec. p. I-4599, point 14, ainsi que Van Schijndel et van Veen, précité, point 19).

    34      Dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt Van Schijndel et van Veen, précité, la Cour a examiné la compatibilité avec le principe d’effectivité d’un principe de droit national selon lequel le pouvoir du juge de soulever d’office des moyens, dans une procédure nationale, est limité par l’obligation, pour celui-ci, de s’en tenir à l’objet du litige et de fonder sa décision sur les faits qui ont été présentés devant lui.

    35      La Cour a relevé que cette limitation du pouvoir du juge national se justifie par le principe selon lequel l’initiative d’un procès appartient aux parties et que, en conséquence, le juge ne saurait agir d’office que dans des cas exceptionnels, dans l’intérêt public. Ce principe protège les droits de la défense et assure le bon déroulement de la procédure, notamment, en la préservant des retards inhérents à l’appréciation des moyens nouveaux (voir, en ce sens, arrêt Van Schijndel et van Veen, précité, point 21).

    36      En se fondant sur ce qui précède, la Cour a conclu que le principe d’effectivité ne s’oppose pas à une disposition nationale empêchant les juridictions nationales de relever d’office un moyen tiré de la violation de dispositions communautaires, lorsque l’examen de ce moyen les obligerait à renoncer à la passivité qui leur incombe, en sortant des limites du litige tel qu’il a été circonscrit par les parties et en se fondant sur d’autres faits et circonstances que ceux sur lesquels la partie qui a intérêt à l’application desdites dispositions a fondé sa demande (voir arrêt Van Schijndel et van Veen, précité, point 22).

    37      En l’espèce, le College van Beroep voor het bedrijfsleven indique que la procédure suivie devant lui ne diffère pas, sur ce point, de celle en cause dans l’arrêt Van Schijndel et van Veen, précité. Notamment, l’examen d’office de moyens non invoqués par les requérants au principal dépasserait les limites du litige tel qu’il a été porté devant lui. Ces deux procédures ne différeraient qu’en ce que, en l’espèce, le College van Beroep voor het bedrijfsleven statue non pas seulement en dernier ressort, comme dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, mais en premier et dernier ressort.

    38      Or, cette seule circonstance ne place pas les parties au principal dans une situation particulière de nature à remettre en cause les principes susmentionnés. Elle ne saurait donc conduire à une conclusion différente de celle à laquelle la Cour est parvenue dans l’arrêt Van Schijndel et van Veen, précité. En effet, ladite circonstance est sans incidence sur le fait que, dans le contexte évoqué au point précédent, la prise en compte d’office, par la juridiction de renvoi, de moyens non invoqués par les parties au principal est, comme dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, susceptible de porter atteinte aux droits de la défense ou au bon déroulement de la procédure et, en particulier, d’aboutir aux retards inhérents à l’appréciation de moyens nouveaux.

    39      Ce résultat ne saurait être remis en question par la jurisprudence ressortant des arrêts Peterbroeck, précité; du 1er juin 1999, Eco Swiss (C-126/97, Rec. p. I‑3055); du 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (C-240/98 à C-244/98, Rec. p. I-4941); du 21 novembre 2002, Cofidis (C-473/00, Rec. p. I‑10875), et du 26 octobre 2006, Mostaza Claro (C-168/05, Rec. p. I-10421).

    40      La jurisprudence précitée n’est pas pertinente en l’espèce. En effet, d’une part, elle se caractérise par les circonstances propres à l’affaire aboutissant à priver le requérant au principal de la possibilité de faire valoir utilement l’incompatibilité d’une disposition nationale avec le droit communautaire (voir arrêt Peterbroeck, précité, points 16 et suivants). D’autre part, elle se justifie par la nécessité d’assurer au consommateur la protection effective visée par la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29) (voir arrêts précités Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, point 26; Cofidis, point 33, ainsi que Mostaza Claro, point 29). Au surplus, elle ne saurait être utilement invoquée dans le cadre de l’examen d’une violation du principe d’effectivité étant donné qu’elle procède à une appréciation de l’équivalence de traitement des moyens tirés du droit national et de ceux tirés du droit communautaire (voir, arrêt Eco Swiss, précité, point 37).

    41      Il résulte de ce qui précède que le principe d’effectivité n’impose pas, dans les affaires telles que celles au principal, l’obligation aux juridictions nationales de soulever d’office un moyen tiré d’une disposition communautaire, indépendamment de l’importance de celle-ci pour l’ordre juridique communautaire, dès lors que les parties ont une véritable possibilité de soulever un moyen fondé sur le droit communautaire devant une juridiction nationale. Comme les requérants au principal ont eu une véritable possibilité de soulever des moyens tirés de la directive 85/511, le principe d’effectivité n’impose pas à la juridiction de renvoi d’examiner d’office le moyen fondé sur les articles 11 et 13 de cette directive.

    42      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première question que le droit communautaire n’impose pas au juge national, dans une procédure telle que celle au principal, de soulever d’office un moyen tiré de la violation de dispositions de la réglementation communautaire, étant donné que ni le principe d’équivalence ni le principe d’effectivité ne l’exigent.

     Sur les autres questions

    43      Compte tenu de la réponse à la première question, il n’y a pas lieu de répondre aux autres questions qui n’ont été posées que dans le cas où la juridiction de renvoi serait tenue de prendre en compte d’office les moyens non invoqués par les requérants au principal.

     Sur les dépens

    44      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

    Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

    Le droit communautaire n’impose pas au juge national, dans une procédure telle que celle au principal, de soulever d’office un moyen tiré de la violation de dispositions de la réglementation communautaire, étant donné que ni le principe d’équivalence ni le principe d’effectivité ne l’exigent.

    Signatures


    * Langue de procédure: le néerlandais.

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