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Document 61993CC0346

    Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 31 janvier 1995.
    Kleinwort Benson Ltd contre City of Glasgow District Council.
    Demande de décision préjudicielle: Court of Appeal (England) - Royaume-Uni.
    Convention de Bruxelles - Droit national la prenant pour modèle - Interprétation - Question préjudicielle - Incompétence de la Cour.
    Affaire C-346/93.

    Recueil de jurisprudence 1995 I-00615

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1995:17

    61993C0346

    Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 31 janvier 1995. - Kleinwort Benson Ltd contre City of Glasgow District Council. - Demande de décision préjudicielle: Court of Appeal (England) - Royaume-Uni. - Convention de Bruxelles - Droit national la prenant pour modèle - Interprétation - Question préjudicielle - Incompétence de la Cour. - Affaire C-346/93.

    Recueil de jurisprudence 1995 page I-00615


    Conclusions de l'avocat général


    ++++

    1. Les questions adressées à la Cour par la Court of Appeal portent sur l' interprétation de l' article 5, points 1 et 3, de la convention de Bruxelles, du 27 septembre 1968, concernant la compétence judiciaire et l' exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après la "convention") telle que modifiée par la convention de 1978 relative à l' adhésion du royaume de Danemark, de l' Irlande et du Royaume-Uni.

    Plus précisément, la juridiction nationale cherche à établir si, dans le cas d' une action intentée pour obtenir le remboursement de sommes versées par le demandeur au défendeur en vertu d' un contrat dont la nullité a par la suite été constatée pour incapacité de l' une des parties à le conclure, le défendeur doit être attrait devant le tribunal du lieu où l' obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée, dans la mesure où il s' agit d' une question en matière contractuelle au sens de l' article 5, point 1, de la convention, ou devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s' est produit, dans la mesure où il s' agit d' une question en matière délictuelle ou quasi délictuelle au sens de l' article 5, point 3, de ladite convention.

    2. Précisons d' emblée que, bien que la juridiction de renvoi demande à la Cour de se prononcer sur l' interprétation des dispositions susmentionnées de la convention, dans le cas d' espèce qui est à l' origine de la demande préjudicielle il s' agit d' établir si la compétence appartient à un tribunal de Londres ou à un tribunal de Glasgow, donc dans le cadre d' un conflit de compétence territoriale entre tribunaux d' un même État contractant, à savoir le Royaume-Uni.

    Afin d' apprécier les raisons qui ont conduit la juridiction nationale à effectuer le renvoi en question, il convient de rappeler brièvement la réglementation nationale pertinente en la matière, ainsi que les faits du litige principal.

    La réglementation nationale

    3. La section 2 du Civil Jurisdiction and Judgments Act 1982 (loi de 1982 sur la compétence et les décisions en matière civile) prévoit que la convention, qui figure en annexe 1 à ladite loi, a force de loi au Royaume-Uni (article 2, paragraphe 1) et que toute question sur la signification ou l' effet d' une disposition de la convention qui n' est pas renvoyée à la Cour de justice est réglée conformément aux principes établis et à toute décision prise par ladite Cour (article 3, paragraphe 1), ainsi qu' à la lumière des rapports Jenard et Schlosser (article 3, paragraphe 3).

    La convention s' applique évidemment aux seuls États membres. Pour résoudre les problèmes découlant du fait que le Royaume-Uni comporte en matière civile des juridictions distinctes (Angleterre et pays de Galles, Écosse et Irlande du Nord), ladite loi de 1982 prévoit un régime concernant les éventuels conflits de compétence entre les différentes parties du territoire du Royaume-Uni.

    4. Ce régime est contenu dans la section 16 de la loi en question. Pour ce qui nous intéresse, cette disposition prévoit que:

    "1) les dispositions énoncées à l' annexe 4 (qui contient une version modifiée du titre II de la convention de 1968) s' appliqueront lorsqu' il s' agira de déterminer, pour chaque partie du Royaume-Uni, si les juridictions de cette partie ou telle juridiction particulière de cette partie sont ou est compétente(s) dans des procédures dans lesquelles:

    a) l' objet de la procédure relève du champ d' application de la convention de 1968, tel que déterminé par l' article 1er (que la convention s' applique ou non à cette procédure); et

    b) le défendeur est domicilié au Royaume-Uni ou les procédures sont de la nature indiquée à l' article 16 (compétence exclusive indépendamment du domicile).

    2) ...

    3) Pour toute question relative à la signification ou à l' effet de toute disposition visée à l' annexe 4:

    a) il convient de se référer à tout principe pertinent posé par la Cour de justice des Communautés européennes concernant le titre II de la convention de 1968 et à toute décision pertinente de celle-ci concernant la signification ou l' effet de toute disposition de ce titre; et

    b) sans préjudice du caractère général du point a), les rapports mentionnés à l' article 3, paragraphe 3, peuvent être pris en considération et il leur sera accordé, dans la mesure où ils seront pertinents, l' importance qui sera appropriée selon les circonstances".

    Quant à l' annexe 4, précitée, il convient en premier lieu de mentionner l' article 2, en vertu duquel:

    "Sous réserve des dispositions du présent titre, les personnes domiciliées dans une partie du territoire du Royaume-Uni sont attraites devant les juridictions de celle-ci."

    L' article 5 de la même annexe 4 dispose en outre que:

    "Le défendeur domicilié dans une partie du territoire du Royaume-Uni peut être attrait dans une autre partie:

    1) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l' obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée;

    2) ...

    3) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s' est produit ou, dans le cas d' un dommage potentiel, du lieu où le fait dommageable est susceptible de se produire."

    5. L' article 2 et l' article 5, points 1 et 3, de l' annexe 4 reproduisent donc presque mot à mot les articles correspondants de la convention, dans la version résultant de la convention d' adhésion de 1978 (1). Bien que cela ne ressorte pas du dossier, il convient de préciser que, alors que les modifications de l' article 5, point 1 (2), qui ont été apportées par la convention d' adhésion de 1989, sont entrées en vigueur au Royaume-Uni le 1er décembre 1991, l' annexe 4 a été modifiée en conséquence avec effet au 1er avril 1993. Cette circonstance mérite d' être soulignée, puisqu' elle met en évidence que les dispositions prévues à l' annexe 4 reproduisent certes le texte des dispositions correspondantes de la convention, mais de manière rigide et non évolutive, en ce sens que le texte de l' annexe 4, dans la version en vigueur à un moment donné, peut très bien ne pas correspondre au texte de la convention.

    A cet égard, il convient d' ailleurs de rappeler que ladite loi de 1982 prévoit la possibilité d' apporter des modifications à l' annexe 4, "compte tenu des principes énoncés par la Cour de justice des Communautés européennes à propos du titre II de la convention de 1968 ou de toute décision de la Cour sur la signification ou l' effet de toute disposition de ce titre" [article 47, paragraphe 1, sous b)]. Il a en outre été précisé que des "modifications destinées à produire des divergences entre les dispositions de l' annexe 4 ... et les dispositions correspondantes du titre II de la convention de 1968", telles qu' interprétées par la jurisprudence de la Cour de justice, peuvent être également adoptées de cette manière (article 47, paragraphe 3).

    Les faits

    6. Venons-en aux faits qui sont à l' origine de la présente procédure. Kleinwort Benson Ltd (ci-après "Kleinwort"), un établissement bancaire ayant son siège en Angleterre, et le City of Glasgow District Council (ci-après le "District Council"), administration locale du district de la ville de Glasgow, ont conclu en septembre 1982 sept contrats d' échange de taux d' intérêts (3). En exécution de ces contrats, Kleinwort a versé au cours de la période comprise entre le 9 mars 1983 et le 10 septembre 1987 807 230,31 UKL au profit du District Council.

    A la suite d' un arrêt rendu le 24 janvier 1991 par la House of Lords (4), dans lequel celle-ci a déclaré illégaux les contrats d' échange de taux d' intérêts, lorsqu' ils sont passés par des autorités locales telles que le District Council, au motif que ces autorités n' ont aucune compétence pour conclure des contrats de ce type, un contentieux important a opposé les autorités locales en question et les banques, qui s' efforçaient de garder les sommes non encore versées ou, en tout cas, de récupérer les versements effectués en exécution de l' ensemble des contrats qui avaient été conclus ultra vires. Ce contentieux a aussi impliqué le District Council.

    7. A l' encontre de ce dernier, Kleinwort a en effet introduit, le 6 septembre 1991, devant la High Court of Justice, Queen' s Bench Division, Commercial Court, une action en restitution fondée sur le principe de l' enrichissement sans cause. Le District Council a toutefois excipé de l' incompétence du tribunal londonien, en faisant valoir que le tribunal compétent pour connaître du litige en question serait au contraire, conformément à l' article 2 de l' annexe 4, celui du domicile du défendeur, donc le tribunal de Glasgow. Cette position a été accueillie en première instance, mais Kleinwort a fait appel de cette décision devant la Court of Appeal.

    C' est précisément afin d' établir quelle est, à l' intérieur du Royaume-Uni, la juridiction compétente pour connaître du litige en question, que la Court of Appeal vous a saisis d' une demande préjudicielle. Elle demande si l' action en restitution, compte tenu de ce qu' elle concerne des contrats nuls ab initio, doit être considérée comme une action en matière contractuelle au sens de l' article 5, point 1, de la convention, ou si elle peut se rapporter au point 3 du même article 5, qui régit les délits extracontractuels.

    8. Étant donné qu' il est incontesté entre les parties que les contrats en question, qui ont été conclus à Londres, sont régis par le droit anglais et que l' Angleterre est aussi bien le "lieu où l' obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée" (article 5, point 1, de l' annexe 4) que le "lieu où le fait dommageable s' est produit ou, dans le cas d' un dommage potentiel, (le) lieu où le fait dommageable est susceptible de se produire" (article 5, point 3, de l' annexe 4), il est tout à fait évident que dans les deux cas, c' est-à-dire qu' il s' agisse de matière contractuelle ou bien de matière délictuelle ou quasi délictuelle, le tribunal compétent pour connaître du litige est en tout état de cause le tribunal anglais. Il s' ensuit que la demande du District Council tendant à être attrait devant le for général du défendeur, c' est-à-dire devant le tribunal écossais, ne sera accueillie que dans la mesure où la conclusion s' impose qu' une action en restitution fondée sur le principe de l' enrichissement sans cause, telle que celle faisant l' objet du litige principal, ne relève ni de l' article 5, point 1, ni du point 3 de ce même article.

    Sur la compétence de la Cour

    9. A titre liminaire, relevons que la convention ne s' applique pas au conflit de compétence faisant l' objet du litige principal, ainsi que les parties et le juge a quo l' ont du reste clairement admis. D' autre part, ladite convention affirme dans son préambule qu' elle a trait à la compétence internationale des tribunaux des États contractants ("déterminer la compétence de leurs juridictions dans l' ordre international") et non aux conflits internes de compétence territoriale.

    En conséquence, tout en considérant à leur juste valeur les spécificités du système procédural britannique (en particulier la subdivision en trois systèmes judiciaires, à l' exception de la compétence de la House of Lords en matière civile), on ne saurait raisonnablement envisager une autre conclusion quant à l' applicabilité de la convention en tant que telle au cas faisant l' objet du litige pendant devant le juge a quo (5). En effet, il est en tout état de cause exclu que le Royaume-Uni, fût-ce aux seules fins de la convention, puisse ne pas être considéré comme un seul et unique État contractant, et que les conflits internes de compétence territoriale relèvent du champ d' application de la convention.

    10. En l' espèce, le litige est par conséquent régi par une disposition nationale et non pas par une disposition de la convention. Il s' ensuit que, à titre liminaire, il convient d' établir si la Cour a compétence pour fournir l' interprétation d' une disposition de la convention lorsque la disposition nationale, qui est seule applicable, reproduit presque littéralement la teneur des dispositions correspondantes de la convention, et qu' en vertu de ladite loi la juridiction nationale est obligée de tenir compte de la jurisprudence de la Cour en la matière [article 16, paragraphe 3, sous b)] sans être toutefois tenue de l' appliquer.

    Ce problème n' est inédit que pour ce qui concerne l' interprétation de la convention; par contre, dans le passé, vous avez été à plusieurs reprises appelés, par demande préjudicielle en application de l' article 177 du traité, à interpréter le droit communautaire par rapport à des cas régis non pas par ce droit, mais par le droit national, lorsque ce dernier opère un renvoi à des dispositions de droit communautaire pour déterminer les dispositions applicables à une situation purement interne. A ces occasions, la Cour s' est déclarée compétente pour statuer sur les demandes préjudicielles (6).

    11. Les parties au principal, ainsi que les gouvernements allemand et espagnol, afin d' affirmer la compétence de la Cour, ont fait référence précisément aux arrêts de la Cour dans lesquels celle-ci, bien qu' il fût manifeste qu' il s' agissait de situations purement internes, régies non pas par le droit communautaire mais par le droit national, s' est déclarée compétente pour interpréter le droit communautaire. Les gouvernements français et du Royaume-Uni, ainsi que la Commission, ont au contraire conclu à l' incompétence de la Cour, en soulignant la différence du cas qui nous occupe par rapport à ceux qui ont été tranchés dans les affaires précédentes.

    Il nous paraît donc utile d' examiner brièvement cette jurisprudence.

    12. Il s' agit d' une voie sur laquelle la Cour s' est engagée par l' arrêt Thomasduenger du 26 septembre 1985 (7). La Cour a réaffirmé en premier lieu le principe selon lequel il appartient à la juridiction nationale d' "apprécier au regard des faits de chaque affaire la nécessité, pour décider du litige dont elle est saisie, de voir trancher la question préjudicielle posée". Elle a donc donné à la juridiction nationale l' interprétation de plusieurs positions du tarif douanier commun, bien qu' il fût manifeste que l' on se trouvait en dehors du champ d' application du droit communautaire et que les positions tarifaires dont l' interprétation était demandée avaient été prises comme point de référence par l' autorité nationale compétente pour régler des situations différentes, c' est-à-dire l' importation de marchandises en provenance non pas de pays tiers mais d' un autre État membre.

    La Cour a suivi un raisonnement plus complexe et articulé dans les arrêts ultérieurs Dzodzi (8) et Gmurzynska-Bscher (9), où elle s' est déclarée compétente pour statuer sur l' interprétation de dispositions communautaires au contenu desquelles le droit national d' un État membre faisait référence pour déterminer les règles à appliquer à des situations purement internes à cet État. Plus précisément, dans l' arrêt Dzodzi, la Cour a fourni à la juridiction nationale l' interprétation de certaines dispositions de la directive 64/221/CEE (10), nonobstant l' article 2 de ladite directive qui exclut expressément de son champ d' application une situation telle que celle de la demanderesse au principal. Dans l' arrêt Gmurzynska-Bscher, elle s' est ensuite prononcée sur l' interprétation de plusieurs positions du tarif douanier commun dans le cadre d' un litige qui ne concernait pas directement ce tarif, mais portait sur une disposition du droit national d' un État membre qui renvoyait expressément à la nomenclature tarifaire communautaire afin de déterminer le taux de la taxe sur le chiffre d' affaires à l' importation (11).

    13. Dans les deux affaires, la Cour, après avoir rappelé que l' article 177 est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales et qu' il appartient en tout cas aux seules juridictions nationales d' apprécier tant la nécessité que la pertinence des questions qu' elles posent à la Cour, a justifié sa compétence en se fondant essentiellement sur deux arguments. D' une part, elle a en effet mis l' accent sur la circonstance qu' "il existe ..., pour l' ordre juridique communautaire, un intérêt manifeste à ce que, pour éviter des divergences d' interprétation futures, toute disposition de droit communautaire reçoive une interprétation uniforme, quelles que soient les conditions dans lesquelles elle est appelée à s' appliquer" (12). D' autre part, elle a fait observer que l' article 177 du traité n' exclut pas de son champ d' application des hypothèses telles que celles en cause, et que, plus précisément, "il ne ressort ni des termes de l' article 177 ni de l' objet de la procédure instituée par cet article que les auteurs du traité aient entendu exclure de la compétence de la Cour les renvois préjudiciels portant sur une disposition communautaire dans le cas particulier où le droit national d' un État membre renvoie au contenu de cette disposition pour déterminer les règles applicables à une situation purement interne à cet État" (13).

    Les mêmes motifs ont d' ailleurs conduit la Cour à se déclarer compétente pour statuer à titre préjudiciel sur une disposition de droit communautaire à laquelle renvoyait non pas une disposition nationale, mais une disposition contractuelle, et ce afin de déterminer la limite dans laquelle la responsabilité financière de l' une des parties au contrat pouvait être engagée (14).

    14. Il convient de ménager une place à part à l' arrêt Fournier (15), dans lequel la Cour s' est prononcée sur l' interprétation de la notion de "stationnement habituel" contenue dans une directive communautaire (16), alors qu' il était manifeste qu' en l' espèce c' était non pas la directive qui était applicable, mais un accord conclu entre bureaux centraux d' assurances, accord qui reproduit textuellement plusieurs dispositions de la directive et notamment celle concernant la notion en question (17). La juridiction de renvoi demandait, du reste, à la Cour l' interprétation de cette notion afin de déterminer lequel des bureaux d' assurances concernés devait supporter le dédommagement des victimes, question tout à fait étrangère au champ d' application de la directive.

    La Cour, sans même vérifier si elle avait compétence pour se prononcer dans un cas de ce genre (18) et tout en relevant que "les termes utilisés par l' accord ne doivent ... pas avoir nécessairement la même signification que ceux employés par la directive", a néanmoins fourni à la juridiction nationale l' interprétation demandée. Compte tenu de ce que le but de la directive et celui de l' accord ne coïncident pas, elle a cependant pris soin de préciser que, en définitive, "il appartient ... à la juridiction de renvoi, seule compétente pour interpréter l' accord entre bureaux nationaux, de donner aux termes employés par celui-ci le sens qu' elle estime adéquat, sans qu' elle soit liée à cet égard par la signification qui doit être reconnue à l' expression identique figurant dans la directive" (point 23).

    15. En résumé, dans les cas que nous venons d' évoquer, il a suffi que les questions soulevées par la juridiction nationale portent d' une façon ou d' une autre sur l' interprétation du droit communautaire pour que la Cour se déclare compétente pour statuer. Et la Cour a exercé cette compétence en ayant pleinement conscience tant de l' utilité simplement éventuelle et future, pour l' ordre juridique communautaire, de son interprétation (19) que de l' éventuelle absence d' utilité pour le juge a quo lui-même (20).

    16. Le présent cas d' espèce n' est pas précisément prévu par la jurisprudence que nous venons de rappeler. En premier lieu, il s' agit d' une demande adressée à la Cour non pas en application de l' article 177 du traité CE, mais en vertu du protocole de 1971 relatif à l' interprétation de la convention. En second lieu, dans la plupart des cas que nous venons de rappeler, il s' agissait d' un simple renvoi au droit communautaire opéré par le droit national, alors qu' en l' espèce nous sommes en présence d' une reproduction quasi littérale des dispositions de la convention.

    Il convient donc de se demander si ces deux éléments sont de nature à modifier les termes du problème et peuvent conduire, de ce fait, à une solution différente, comme l' ont soutenu les gouvernements français et du Royaume-Uni ainsi que la Commission elle-même.

    17. Compte tenu des critères et des motifs qui sont à la base de la jurisprudence précitée, nous estimons qu' une réponse négative s' impose. Tout d' abord, la différence entre les deux hypothèses de renvoi préjudiciel, à savoir celle fondée sur le protocole de 1971 et celle fondée sur l' article 177, semble plutôt formelle que substantielle, au point de s' apparenter à un prétexte. A vrai dire, il est difficile de comprendre la raison d' une solution différente selon que l' on se trouve hors du domaine d' application de la convention, comme dans le cas d' espèce, ou hors du champ d' application du droit communautaire, comme dans l' affaire Dzodzi. En effet, dans un cas comme dans l' autre, les prémisses logiques et le fondement juridique du renvoi préjudiciel sont les mêmes, à savoir fournir à la juridiction nationale l' interprétation qu' elle demande, afin d' assurer l' uniformité de l' interprétation et de l' application du droit communautaire ainsi que de la convention, lorsque la décision préjudicielle est nécessaire pour rendre un jugement qui applique la disposition (de droit communautaire au sens strict ou de la convention) en question.

    Aux fins de notre analyse, il ne nous semble pas qu' il faille accorder une importance particulière à la circonstance que, dans le cas d' espèce, il s' agit non pas d' un simple renvoi au droit communautaire, mais de la reproduction de plusieurs dispositions de la convention. En effet, ce n' est pas le contenu de la disposition ou sa teneur littérale qui importe, mais le caractère communautaire ou non communautaire (qu' il s' agisse d' une norme interne, contractuelle ou conventionnelle) de cette disposition. Au demeurant, la Cour elle-même, comme nous l' avons vu à propos de l' arrêt Fournier, précité, n' a fait aucune distinction entre l' hypothèse du renvoi au contenu d' une disposition communautaire et celle de la reproduction littérale d' une disposition communautaire.

    18. Cela étant dit, loin de vouloir proposer à la Cour d' étendre la solution Dzodzi au cas d' espèce, nous entendons lui suggérer une solution diamétralement opposée. L' argumentation qui suit, quoique focalisée sur le cas d' espèce, couvre en substance, comme nous le verrons, également l' hypothèse du renvoi préjudiciel en application de l' article 177.

    Nous en venons ainsi aux raisons, toutes décisives, qui nous incitent à croire que la Cour ne devrait pas répondre à la question posée par le juge a quo.

    19. En premier lieu, la convention n' est pas destinée à être appliquée aux conflits de compétence territoriale entre tribunaux d' un même État contractant; elle n' a pas été conclue à cet effet. La convention, ainsi qu' il a été exposé, n' est applicable qu' aux conflits de compétence internationale, expression qui, comme on le sait, est couramment utilisée dans la littérature spécialisée pour désigner les conflits de compétence entre tribunaux de pays différents.

    En l' espèce, la disposition en question de la convention ne s' applique pas en tant que telle, mais a servi de modèle à la disposition nationale qui est applicable. Il s' agit de toute manière de deux dispositions ° la disposition nationale et son modèle tiré de la convention ° tout à fait différentes. Non seulement leur origine et le contexte dans lequel elles opèrent sont différents, mais même les situations qu' elles régissent diffèrent. Or, la compétence de la Cour pour se prononcer à titre préjudiciel sur l' interprétation de la convention, en vertu du protocole de 1971, ne peut qu' être appréciée à l' aune du champ d' application de la convention. Il devrait être clair pour tous que lorsque la convention ne s' applique pas, la compétence de la Cour pour son interprétation n' existe pas non plus (21).

    20. A cet égard, la compétence de la Cour non seulement fait défaut, mais elle n' aurait aucun sens. En effet, le mécanisme de l' interprétation "centralisée" confiée au juge communautaire répond, comme on sait, à l' exigence d' une application des règles de conflit et de reconnaissance des jugements qui soit uniforme dans tous les pays signataires de la convention et membres de la Communauté. L' uniformité, quant à elle, répond à l' exigence de complémentarité de la circulation des jugements à l' intérieur du marché commun par rapport aux libertés fondamentales qui le caractérisent, l' une et les autres en fonction du seul but d' intégration.

    Ce qui importe c' est que le conflit entre le tribunal de Heidelberg et le tribunal de Naples soit réglé de la même manière que le conflit entre le tribunal de Trèves et le tribunal de Venise, parce qu' à l' intérieur de l' espace communautaire il est utile et nécessaire que des conflits analogues soient résolus de la même manière. Or, si l' exigence que nous venons d' évoquer fait défaut, l' interprétation uniforme et centralisée n' est pas non plus nécessaire ni même utile. Lorsqu' il s' agit de résoudre un conflit de compétence territoriale entre le tribunal de Heidelberg et celui de Trèves, il n' est nullement indispensable de trouver une solution identique à celle qui règle le conflit entre le tribunal de Naples et celui de Venise. Il s' ensuit que dans ce cas, puisque la convention ne s' applique pas, il n' y a pas non plus de place pour la compétence d' interprétation du juge communautaire. Cela vaut également lorsque la règle de conflit allemande ou italienne est formulée dans les mêmes termes que la disposition correspondante de la convention, puisqu' il n' apparaît pas indispensable non plus qu' un même modèle de disposition soit nécessairement interprété de façon identique. En d' autres termes, le "système" de la convention pris dans son ensemble n' a cure des situations purement internes telles qu' un conflit de compétence territoriale entre tribunaux d' un même pays.

    21. En disant cela, nous n' entendons certes pas nier que même à l' intérieur d' un État, pour régler le cas des conflits de compétence territoriale, la meilleure solution puisse s' inspirer de celle retenue au niveau international ou communautaire pour les conflits de compétence internationale. D' ailleurs, il est tout à fait possible que cela puisse être plus souvent le cas dans des États dont le système judiciaire est organisé d' une manière différente dans les différentes régions géographiques ou circonscriptions administratives. Mais cela n' implique pas pour autant que la réglementation prise comme modèle reçoive la même interprétation que dans le cadre du système dans lequel elle s' inscrit. Au contraire, lorsqu' un législateur prend comme modèle une disposition qui existe déjà dans un autre ordre juridique, il peut assurément rejeter l' idée que "sa" disposition reçoive à tout prix dans "son" pays la même interprétation que celle donnée dans l' État d' origine de la disposition modèle (par exemple le Code Napoléon), au point d' exiger carrément l' interprétation de ladite disposition par les tribunaux de cet État.

    En définitive, il nous semble tout à fait normal que, dans le cadre de systèmes juridiques de pays différents, il existe des règles différentes pour trancher les conflits de compétence territoriale. Il nous paraît tout aussi normal que, alors même que des pays différents ont adopté une même solution normative en la matière, par l' intermédiare d' une disposition de teneur identique, on puisse parvenir dans chacun de ces pays à une ou plusieurs interprétations de cette même disposition.

    22. La jurisprudence même de la Cour confirme le bien-fondé des observations qui précèdent. L' exigence et en tout cas la possibilité d' une interprétation différente des dispositions du traité CE par rapport à des dispositions d' accords conclus avec des pays tiers et qui ont, même littéralement, un contenu analogue, ont été à plusieurs reprises affirmées par la Cour (22).

    Il est significatif que cette approche ait été confirmée précisément par rapport à un cas d' espèce analogue à celui dont nous traitons aujourd' hui. Dans l' arrêt Fournier (23), comme nous l' avons évoqué, la Cour, appelée à interpréter une disposition d' une directive reproduite dans une convention de droit privé conclue entre les bureaux d' assurances centraux des États membres, a en effet pris soin de préciser que "les termes utilisés par l' accord ne doivent ... pas avoir nécessairement la même signification que ceux employés par la directive".

    23. La seconde raison qui nous porte à croire que la Cour est incompétente en l' espèce tient au fait que non seulement la demande d' interprétation de l' article 5 de la convention ne remplit pas la condition prévue à l' article 3 du protocole de 1971, en tant qu' elle n' est pas nécessaire pour rendre le jugement dans le litige principal, mais que l' interprétation ne serait pas non plus contraignante.

    Cela ressort déjà clairement à la lecture de la réglementation nationale en question qui, ainsi qu' il a été exposé, d' une part, prévoit expressément la possibilité d' adopter des modifications destinées à produire des divergences entre les dispositions de l' annexe 4 et les dispositions correspondantes de la convention, telles qu' elles résultent de l' interprétation qui en est donnée par la Cour de justice, d' autre part, n' impose pas au tribunal national l' obligation de résoudre le litige à la lumière de l' interprétation que le juge communautaire lui fournit. D' ailleurs, quand bien même une disposition nationale établirait un tel lien, ce serait tamquam non esset, puisqu' il s' agit d' une prescription que le législateur national ne peut pas établir ou qu' il ne lui appartient pas d' établir. Le lien, en définitive, ne peut que découler d' une disposition du protocole ou de la convention, qui en l' espèce, n' existe pas.

    24. Il est, en outre, singulier qu' à une occasion la Cour ait affirmé le caractère non contraignant de son interprétation lorsque la disposition qui en fait l' objet n' est pas en tant que telle applicable au litige pendant devant le juge a quo. Dans l' arrêt Fournier, précité, la Cour a en effet fourni à la juridiction nationale l' interprétation que celle-ci lui avait demandée et que les parties avaient confiée, par voie de convention, à un collège arbitral; en même temps, la Cour a admis que cette interprétation pouvait ne pas être contraignante pour ladite juridiction, étant donné que l' identité des termes utilisés dans la directive et dans l' accord peut ne pas avoir la même signification et que, en définitive, "il appartient ... à la juridiction de renvoi, seule compétente pour interpréter l' accord entre bureaux nationaux, de donner aux termes employés dans celui-ci le sens qu' elle estime adéquat, sans qu' elle soit liée à cet égard par la signification qui doit être reconnue à l' expression identique figurant dans la directive" (24). De cette manière, la Cour a donc reconnu le caractère non contraignant de son arrêt en application de l' article 177.

    Le fait que la Cour a fourni dans le cas d' espèce l' interprétation demandée, tout en reconnaissant que celle-ci ne liait pas la juridiction nationale, ne peut que susciter de sérieuses interrogations. En effet, il est contraire à la logique même du mécanisme préjudiciel d' admettre que l' interprétation sollicitée et fournie de la convention ou du droit communautaire n' est pas contraignante pour la juridiction de renvoi. D' autant plus que moins d' un an auparavant, dans le cadre d' une réflexion portant sur des questions de principe, la Cour avait justement fait observer à cet égard qu' "il est impossible d' admettre que les réponses que la Cour de justice donne aux juridictions des États [membres de l' Association européenne de libre-échange (AELE)] aient un effet purement consultatif et soient dépourvues d' effet obligatoire. Une telle situation dénaturerait la fonction de la Cour de justice, telle qu' elle est conçue par le traité CEE, à savoir celle d' une juridiction dont les arrêts sont contraignants" (25).

    25. D' autre part, le fait d' admettre que la Cour puisse fournir par avance, à toutes fins utiles, une interprétation ("pour éviter des divergences d' interprétation futures" (26)) d' une disposition, non nécessaire à la solution du litige au principal et non contraignante pour la juridiction de renvoi, me semble en contradiction manifeste avec la jurisprudence constante de la Cour sur les questions de nature hypothétique aut similia (27). La coopération entre juge national et juge communautaire et le mécanisme du renvoi préjudiciel ne sauraient être utilisés à des fins autres que celles consistant à rendre le jugement dans un cas concret. L' assistance technique, voire la consultation juridique, sont à l' évidence étrangères au système retenu par le protocole de 1971 ainsi que par l' article 177 du traité.

    Sur ce dernier point, nous considérons comme non fondée l' affirmation de la Cour selon laquelle il ne ressortirait pas des termes de l' article 177, même lu à la lumière de ses finalités, que les auteurs du traité aient entendu soustraire à la compétence de la Cour l' interprétation d' une disposition communautaire dans le cas où celle-ci n' est pas en tant que telle applicable au cas d' espèce (28), c' est-à-dire alors que l' on se trouve, en définitive, en dehors du champ d' application du droit communautaire. Les hypothèses non expressément exclues sont effectivement nombreuses, mais ce n' est pas pour autant qu' il y a lieu de les considérer comme incluses; et cela vaut a fortiori dans le système communautaire qui, faut-il le rappeler, s' inspire du principe des compétences d' attribution.

    26. Enfin, alors que les différentes réglementations qui s' inspirent du droit communautaire ou encore de la convention elle-même ne sont désormais plus exceptionnelles, on ne saurait passer sous silence les risques que comporterait une jurisprudence qui parviendrait à une autre conclusion que celle que nous venons d' exposer. Précisément, dans le domaine visé en l' espèce, il suffit de penser à la convention de Lugano (29), conclue entre les États membres de l' AELE et les États membres de la Communauté: la majeure partie des articles de cette convention a été en fait reprise littéralement de ceux de la convention de Bruxelles. Il n' y a pas lieu pour autant de considérer que le juge communautaire est devenu automatiquement compétent pour interpréter les dispositions de la convention lorsqu' un tribunal d' un État membre soulève des questions en la matière, alors que le conflit de juridiction concerne un tribunal communautaire et un tribunal d' un pays membre de l' AELE (30). On citera également, pour prendre un cas concernant le droit communautaire stricto sensu, l' article 85 du traité, qui a servi de modèle, par exemple, à la loi italienne sur la concurrence, laquelle reproduit (en son article 2) mutatis mutandis le modèle et contient même un renvoi explicite aux principes de la jurisprudence communautaire (31): nous ne croyons pas que le juge italien puisse demander au juge communautaire l' interprétation de l' article 85 du traité pour appliquer la disposition nationale correspondante; nous sommes encore plus fermement convaincus que, de toute façon, il n' obtiendrait pas la réponse de la Cour.

    27. Les considérations qui précèdent nous portent donc à vous suggérer de ne pas fournir au juge a quo les réponses demandées. Puisque la convention n' est pas applicable, le protocole n' est pas applicable non plus, de sorte qu' en l' espèce il y a absence de base juridique pour la compétence de la Cour.

    Il est tout à fait clair, par ailleurs, que la perspective dans laquelle s' inscrit notre analyse couvre non seulement l' hypothèse du renvoi en vertu du protocole de 1971, mais également celle du renvoi préjudiciel en application de l' article 177 du traité. En termes encore plus explicites, nous suggérons à la Cour de revoir ° dans la substance et quelle que soit l' ampleur de la réponse ° la jurisprudence Dzodzi dans son ensemble, jurisprudence à laquelle nous ne parvenons pas à souscrire, principalement parce que, sur le plan de la théorie juridique générale, elle trahit la logique qui est à la base du mécanisme du renvoi préjudiciel (32), en aboutissant

    ° pourquoi se le dissimuler ° à un véritable détournement de procédure (33), mais également parce que, plus modestement mais de manière tout aussi manifeste, elle se trouve en contradiction avec la jurisprudence plus récente de la Cour en matière de renvoi préjudiciel (34).

    28. En conclusion, pour les raisons exposées ci-dessus, nous estimons que la Cour doit se déclarer incompétente pour statuer sur les questions préjudicielles qui lui ont été déférées par la Court of Appeal. Nous estimons en outre que, dans ces conditions, il serait superflu d' aborder ces questions au fond.

    29. A la lumière des considérations qui précèdent, nous vous proposons donc de répondre comme suit à la juridiction de renvoi:

    "Les dispositions de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l' exécution des décisions en matière civile et commerciale ne sont pas applicables aux fins de la solution des conflits de compétence territoriale entre juridictions appartenant à un même État contractant; en conséquence, le protocole du 3 juin 1971 relatif à l' interprétation de ladite convention n' est pas applicable et les questions posées en application de l' article 3 dudit protocole échappent à la compétence de la Cour".

    (*) Langue originale: l' italien.

    (1) ° Outre les adaptations qui s' imposent, la réglementation nationale visée en l' espèce ne s' écarte en effet de la convention, telle que modifiée en 1978, que sur des points marginaux. Pour ce qui nous concerne, on observera, par exemple, que l' article 5, point 3, de la convention se réfère uniquement au lieu où le fait dommageable s' est produit et non pas également, comme le fait au contraire la disposition correspondante de l' annexe 4, au lieu où ce fait dommageable est susceptible de se produire.

    (2) ° Cette disposition, dans la version actuellement en vigueur, dispose en effet: en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l' obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée; en matière de contrat individuel de travail, ce lieu est celui où le travailleur accomplit habituellement son travail; lorsque le travailleur n' accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, l' employeur peut être également attrait devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l' établissement qui a embauché le travailleur .

    (3) ° Ce type de contrat consiste en un accord passé entre deux parties aux termes duquel l' une paie à l' autre, à l' expiration d' un certain délai et à intervalles réguliers, des sommes calculées sur la base de la différence entre un taux d' intérêt fixe et le taux d' intérêt courant du marché. Le contrat ne comporte aucun emprunt, étant donné que le principal est purement théorique, en ce sens qu' il n' existe que pour les besoins du calcul de l' obligation des parties au paiement des différences. La caractéristique essentielle de ce type de contrat réside donc dans le fait qu' il s' agit d' un contrat aléatoire, puisque son résultat financier dépend de l' évolution future des taux d' intérêt.

    (4) ° Voir l' arrêt Hazell/Hammersmith and Fulham London Borough Council (1992, 2 AC1).

    (5) ° Voir, à cet égard, Cheshire and North' s: Private International Law, p. 335; Anton et Beaumont: Civil Jurisdiction in Scotland: Supplement, 1987, spécialement p. 7, ainsi que O' Malley et Layton: European Civil Practice, 1989, paragraphes 41.9 et 36.04. Voir, en outre, à propos de l' incompétence de la Cour en ce qui concerne l' interprétation de la loi britannique qui a rendu applicables aux conflits internes au Royaume-Uni les dispositions de la convention de Rome sur les obligations contractuelles, Jayme et Kohler: Das internationale Privat- und Verfahrensrecht der EG auf dem Wege zum Binnenmarkt in Praxis des Internationalen Privat-und Verfahrensrecht, 1990, p. 358.

    (6) ° Voir l' arrêt du 18 octobre 1990, Dzodzi (C-297/88 et C-197/89, Rec. p. I-3763); l' arrêt du 8 novembre 1990, Gmurzynska-Bscher (C-231/89, Rec. p. I-4003), ainsi que l' arrêt du 24 janvier 1991, Tomatis et Fulchiron (C-384/89, Rec. p. I-127, publication sommaire). Voir, en outre, l' arrêt du 25 juin 1992, Federconsorzi (C-88/91, Rec. p. I-4035).

    (7) ° 166/84, Rec. p. 3001, point 11.

    (8) ° Arrêt précité, points 26 à 43.

    (9) ° Arrêt précité, points 15 à 25.

    (10) ° Directive du Conseil du 25 février 1964 pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d' ordre public, de sécurité publique et de santé publique (JO 56, p. 850).

    (11) ° Les faits à l' origine de l' arrêt Tomatis et Fulchiron, précité, sont plus ou moins analogues.

    (12) ° Arrêt Dzodzi, précité, point 37; arrêt Gmurzynska-Bscher, précité, point 24.

    (13) ° Arrêt Dzodzi, précité, point 36; arrêt Gmurzynska-Bscher, précité, point 25.

    (14) ° Arrêt Federconsorzi, précité, points 7 à 10.

    (15) ° Arrêt du 12 novembre 1992 (C-73/89, Rec. p. I-5621).

    (16) ° Plus précisément, à l' article 1er, paragraphe 4, de la directive 72/166/CEE du Conseil, du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l' assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et au contrôle de l' obligation d' assurer cette responsabilité (JO L 103, p. 1), telle que modifiée par la directive 84/5/CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, (JO 1984, L 8, p. 17).

    (17) ° Il convient d' observer en particulier que, en vertu de l' article 2, sous d), d' une convention complémentaire à l' accord en question, tout différend sur l' interprétation de la notion de stationnement habituel sera soumis à un collège de trois arbitres .

    (18) ° Nous tenons à préciser que, dans une précédente affaire, la Cour, appelée à se prononcer directement sur une disposition de l' accord en question, avait décliné sa compétence au motif que cette convention ne saurait être considérée comme un acte pris par une institution communautaire, aucune institution ou organe communautaire n' ayant participé à la conclusion de cet acte (arrêt du 6 octobre 1987, Demouche e.a., 152/83, Rec. p. 3833, point 19).

    (19) ° Arrêt Dzodzi, précité, point 37. D' ailleurs, dans ce même arrêt, elle n' a pas manqué de préciser que la prise en considération des limites que le législateur national a pu apporter à l' application du droit communautaire à des situations purement internes, auxquelles il n' est applicable que par l' intermédiaire de la loi nationale, relève du droit interne et, par conséquent, de la compétence exclusive des juridictions de l' État membre (point 42). Voir, en outre, dans le même sens, l' arrêt Federconsorzi, précité, point 10.

    (20) ° Arrêt Fournier, précité, point 23.

    (21) ° Dans le même sens, mais par rapport à une demande d' interprétation de dispositions communautaires au contenu desquelles le droit national renvoie pour régler une situation purement interne, les conclusions de l' avocat général M. Darmon présentées sous l' arrêt Dzodzi, précité, sont du plus haut intérêt. En particulier, il convient de souligner la considération aussi bien évidente et incontestable sur le plan des éléments fondamentaux de la théorie juridique générale qu' éclairante et incisive, selon laquelle il n' est pas de droit communautaire hors de son champ d' application: ce qui importe donc à sa correcte application, c' est son unité dans le cadre personnel et matériel par lui défini. Que les notions qu' il retient dans ce cadre puissent être utilisées unilatéralement pour régir tel ou tel aspect d' une réglementation nationale n' est pas de nature à étendre le champ d' application du droit communautaire et, en conséquence, la compétence de votre Cour (p. 3778, point 11).

    (22) ° Voir arrêt du 9 février 1982, Polydor et RSO Records (270/80, Rec. p. 329), ainsi que l' arrêt du 26 octobre 1982, Kupferberg (104/81, Rec. p. 3641, point 30). Voir, en outre, l' avis 1/91 du 14 décembre 1991 (Rec. p. I-6079), dans lequel la Cour a répété que l' identité des termes des dispositions de l' accord et des dispositions communautaires correspondantes ne signifie pas qu' elles doivent nécessairement être interprétées de façon identique. En effet, un traité international doit être interprété non pas uniquement en fonction des termes dans lesquels il est rédigé, mais également à la lumière de ses objectifs (point 14).

    (23) ° Arrêt précité, point 22.

    (24) ° Arrêt Fournier, précité, point 23; souligné par nous.

    (25) ° Avis 1/91, précité, point 61.

    (26) ° Arrêt Dzodzi, précité, point 37.

    (27) ° Nous nous référons, en particulier, aux arrêts du 16 juillet 1992, Lourenço Dias (C-343/90, Rec. p. I-4673), et Meilicke (C-83/91, Rec. p. I-4871, points 31 à 33), ainsi qu' à l' ordonnance du 16 mai 1994, Monin Automobiles II (C-428/93, Rec. p. I-1707, points 13 à 16). D' ailleurs, certains commentateurs n' ont pas manqué de souligner que, dans la perspective indiquée par la Cour (à savoir éviter des divergences d' interprétation futures), il aurait été sans doute plus utile de fournir au juge national l' interprétation demandée dans des cas du type Foglia/Novello (arrêt du 11 mars 1980, 104/79, Rec. p. 745) plutôt que dans des cas tel que celui dont il s' agit ici. Et ce essentiellement parce que dans la première hypothèse il s' agit de cas qui sont assurément régis par le droit communautaire et qui, du fait qu' ils ont été construits et peut-être précisément parce qu' ils ont été construits, sont susceptibles de se produire dans le futur, alors que dans la seconde hypothèse il s' agit de situations purement internes qui ne présentent, par conséquent, aucun lien réel avec le droit communautaire. Voir Rodière: Sur les effets directifs du droit (social) communautaire , in RTDE, 1991, p. 565, spécialement p. 569 et suiv.

    (28) ° Arrêt Dzodzi, précité, point 36; arrêt Gmurzynska-Bscher, précité, point 25.

    (29) ° JO L 319 du 25 novembre 1988, p. 9.

    (30) ° A ce sujet voir Kohler: Ein internationales Zivilverfahrensrecht fuer Gesamteuropa in Jayme (éd.), Heidelberg, 1992, p. 24 et suiv.

    (31) ° Loi nº 287 du 10 octobre 1990, relative aux règles de protection de la concurrence et du marché (GURI nº 240 du 13 octobre 1990). La loi en question prévoit en effet, en son article 1er, paragraphe 4, que l' interprétation des dispositions du présent titre est effectuée sur la base des principes de l' ordre juridique des Communautés européennes en matière de réglementation de la concurrence .

    (32) ° Voir, en ce sens, les conclusions de l' avocat général M. Mancini présentées sous l' arrêt Thomasduenger précité (p. 3302).

    (33) ° A cet égard, il a d' ailleurs été soutenu que la Cour, en se déclarant compétente dans l' affaire Dzodzi, aurait oublié qu' elle ne dispose que de compétences d' attribution et, de ce fait, elle a excédé sa compétence ou elle a admis qu' une compétence pouvait lui être attribuée par une législation nationale, ce qui dans les deux cas est incorrect (Denis Martin, Du bon usage de l' article 177 , in Revue de jurisprudence de Liège, Mons et Bruxelles, 1991, p. 189 et suiv.).

    (34) ° Nous nous référons aux derniers développements en la matière, notamment aux arrêts dans lesquels la Cour a considéré comme irrecevables les demandes préjudicielles dont elle était saisie, parce que le cadre factuel et réglementaire national n' était pas suffisamment clair et défini: arrêt du 26 janvier 1993, Telemarsicabbruzzo (C-320/90, C-321/90 et C-322/90, Rec. p. I-393, point 6); ordonnance du 19 mars 1993, Banchero (C-157/92, Rec. p. I-1085, point 4); ordonnance du 26 avril 1993, Monin Automobiles I (C-386/92, Rec. p. I-2049, point 6), ainsi que l' ordonnance du 9 août 1994, La Pyramide (C-378/93, Rec. p. I-3999, point 14). Les conditions restrictives qui ont été ainsi posées par la Cour, quant à la recevabilité de renvois préjudiciels dans des cas manifestement régis par le droit communautaire, mettent pleinement en évidence la contradiction qui existe avec la jurisprudence en question. En particulier, on peut raisonnablement se demander comment le refus de fournir au juge national les réponses aux questions posées, en raison de l' absence d' un cadre factuel et réglementaire bien défini qui permette de donner une réponse utile pour le cas concret, est conciliable avec la compétence affirmée en ce qui concerne des demandes d' interprétation ayant trait à des cas non régis par le droit communautaire, alors que, dans cette dernière hypothèse, une connaissance du contexte national est exclue ou en tout cas inutile pour la Cour: son interprétation, par conséquent, ne pourra qu' être ° par définition ° abstraite, c' est-à-dire coupée du cas pratique qui est à l' origine de cette interprétation, précisément parce qu' il s' agit d' une situation purement interne.

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