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Document 61989TJ0108

    Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 12 juillet 1990.
    Hans Scheuer contre Commission des Communautés européennes.
    Fonctionnaires - Mutation de tous les subordonnés - Rétrogradation - Intérêt du service - Détournement de pouvoir.
    Affaire T-108/89.

    Recueil de jurisprudence 1990 II-00411

    ECLI identifier: ECLI:EU:T:1990:45

    61989A0108

    Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 12 juillet 1990. - Hans Scheuer contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Mutation de tous les subordonnés - Rétrogradation - Intérêt du service - Détournement de pouvoir. - Affaire T-108/89.

    Recueil de jurisprudence 1990 page II-00411


    Sommaire
    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Décisions sur les dépenses
    Dispositif

    Mots clés


    ++++

    1 . Fonctionnaires - Recours - Acte faisant grief - Critères - Retrait à un fonctionnaire d' une partie des services soumis à son autorité - Atteinte aux droits statutaires de l' intéressé

    ( Statut des fonctionnaires, art . 91 )

    2 . Fonctionnaires - Organisation des services - Affectation du personnel - Pouvoir d' appréciation de l' administration - Limites - Intérêt du service - Respect de l' équivalence des emplois

    3 . Fonctionnaires - Organisation des services - Pouvoir d' appréciation de l' administration - Droits statutaires du fonctionnaire - Égalité de traitement - Correspondance entre grade et emploi - Critères - Nombre et qualité des subordonnés du fonctionnaire concerné - Exclusion

    ( Statut des fonctionnaires, art . 5 et 7 )

    4 . Fonctionnaires - Recours - Moyens - Détournement de pouvoir - Notion

    Sommaire


    1 . Si l' autorité hiérarchique est seule responsable de l' organisation des services qu' elle doit pouvoir fixer et modifier en fonction de leurs besoins, le fait de retirer à un fonctionnaire une partie des services précédemment soumis à son autorité est susceptible, dans certaines circonstances, de porter atteinte aux droits qu' il tire du statut et, partant, de constituer un acte de nature à faire grief .

    2 . Les institutions des Communautés disposent d' un large pouvoir d' appréciation dans l' organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont confiées et dans l' affectation en vue de celles-ci du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition, cependant, que cette affectation se fasse dans l' intérêt du service et dans le respect de l' équivalence des emplois . Un tel pouvoir d' appréciation est indispensable en vue d' arriver à une organisation efficace des travaux et pour pouvoir adapter cette organisation à des besoins variables .

    3 . Les conditions de déroulement de la carrière visées par l' article 5 du statut ne sauraient être appréciées en dehors du cadre déterminé par l' organisation des services . Si cette disposition impose à l' administration l' obligation de respecter l' égalité des fonctionnaires, dans les différentes catégories, elle ne limite pas, pour autant, la liberté des institutions de structurer les diverses unités administratives en tenant compte d' un ensemble de facteurs, tels que la nature et l' ampleur des tâches qui leur sont dévolues et les possibilités budgétaires .

    Pour qu' une mesure de réorganisation de service porte atteinte au droit du fonctionnaire, reconnu aux articles 5 et 7 du statut, de se voir attribuer des fonctions conformes, dans leur ensemble, à l' emploi correspondant qu' il détient dans la hiérarchie, il ne suffit pas que ledit acte entraîne un changement et même une diminution quelconque des attributions de l' intéressé, mais il faut que, dans leur ensemble, ses attributions résiduelles restent nettement en deçà de celles correspondant à ses grade et emploi, compte tenu de leur nature, de leur importance et de leur ampleur .

    En particulier, on ne peut trouver dans le statut aucune indication en faveur de la thèse qui ferait dépendre l' attribution d' un grade quelconque à un fonctionnaire du nombre et de la qualité de ses subordonnés .

    4 . La notion de détournement de pouvoir se réfère au fait, pour une autorité administrative, d' avoir usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés .

    Une décision n' est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d' indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées .

    Parties


    Dans l' affaire T-108/89,

    Hans Scheuer, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Tervuren ( Belgique ), représenté par Me Edmond Lebrun, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Louis Schiltz, 83, boulevard Grande-Duchesse Charlotte,

    partie requérante,

    contre

    Commission des Communautés européennes, représentée par M . Sean Van Raepenbusch, membre du service juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Georgios Kremlis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

    partie défenderesse,

    ayant pour objet l' annulation de la décision de la Commission du 28 juin 1988 d' affecter M . García Burgués à un autre service de la direction générale ( DG ) XI et, à titre subsidiaire, de l' abstention de pourvoir à son remplacement; de l' abstention de pourvoir au remplacement de Mme Bastrup-Birk, mutée, avec effet au 1er octobre 1987, à un autre service de la DG XI; de l' abstention de procurer au requérant des conditions de travail correctes; de la décision de rejet de la réclamation qu' il a introduite à ce propos,

    LE TRIBUNAL ( quatrième chambre ),

    composé de MM . D . A . O . Edward, président de chambre, R . Schintgen et R . Garcia-Valdecasas, juges,

    greffier : M . H . Jung

    vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 3 mai 1990,

    rend le présent

    Arrêt

    Motifs de l'arrêt


    Les faits à l' origine du recours

    1 Le requérant, M . Scheuer, de nationalité allemande, est, depuis 1960, fonctionnaire de grade A 4 à la Commission des Communautés européennes, après avoir été fonctionnaire supérieur dans l' administration allemande . Depuis 1977, il est affecté à la DG XI - direction générale Environnement, protection des consommateurs et sécurité nucléaire -, où il a été nommé, en 1985, chef du service spécialisé "liaison avec les autres politiques et information ".

    2 Par décision de l' autorité investie du pouvoir de nommination ( ci-après "AIPN ") en date du 16 juin 1987, le requérant a été affecté à la division XI 03, en qualité de chef du secteur "éducation dans le domaine de l' environnement et relations avec le Comité économique et social ". En outre, il a été chargé du dossier "accès du public à l' information en matière d' environnement ". Par note du 17 juillet 1987, M . Brinkhorst, directeur général de la DG XI, lui a indiqué que sa nomination n' impliquait pas la fonction de chef de division adjoint .

    3 Il a été assisté, dans un premier temps, de deux fonctionnaires de catégorie A, Mme Bastrup-Birk et M . García Burgués, et d' une secrétaire .

    4 Dans le cadre d' une réorganisation interne de la DG XI, Mme Bastrup-Birk a été affectée, avec effet au 1er octobre 1987, à la division XI B 3 "agriculture, conservation de la nature, relations avec les autres politiques ".

    5 A la suite de cette mesure, M . Scheuer a adressé, le 24 septembre 1987, une note à M . Brinkhorst, dans laquelle il lui demandait de reporter la date de départ de Mme Bastrup-Birk jusqu' à son remplacement effectif . Cette note est restée sans réponse et la mesure d' affectation a pris effet sans que l' intéressée ait été remplacée .

    6 Par décision de l' AIPN en date du 28 juin 1988, M . García Burgués a été affecté, avec effet au 1er août 1988, au service spécialisé des affaires internationales au sein de la DG XI . A la suite de cette deuxième mesure, seule une secrétaire restait au service du requérant .

    7 Le 4 octobre 1988, le requérant a introduit une réclamation au titre de l' article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ( ci-après "statut "). Cette réclamation, qui est restée sans réponse, avait pour objet l' annulation :

    a ) de la décision de mutation de M . García Burgués prise le 28 juin 1988 et, à titre subsidiaire, de l' abstention de pourvoir à son remplacement par un fonctionnaire qualifié de même grade;

    b ) de l' abstention de pourvoir au remplacement de Mme Bastrup-Birk, mutée, avec effet au 1er octobre 1987, à la division XI B 3, par un fonctionnaire qualifié de même grade .

    8 En réponse à la demande de renseignements adressée par la direction générale du personnel à la suite de la réclamation formée par M . Scheuer, M . Jankowsky, assistant du directeur général de la DG XI, a indiqué, dans une note du 21 décembre 1988, rédigée à l' attention de M . Pincherle, chef de la division "statut", que le requérant était chargé de la gestion de deux dossiers . Eu égard au dossier "relations avec le Comité économique et social", il précisait que M . Scheuer remplissait sa tâche à la pleine satisfaction de la DG XI . Il ajoutait que l' autre dossier géré par M . Scheuer, relatif à l' éducation dans le domaine de l' environnement, avait été transmis à la DG V . Dans la même note, il faisait valoir que :

    "La mutation interne de M . García Burgués était nécessaire, compte tenu de l' importance croissante du domaine 'affaires internationales' de la DG XI . Des dossiers comme les conventions internationales ont pris une ampleur énorme qui ne pouvaient plus être gérés avec un effectif de deux A et un expert national ... Il a donc fallu renforcer l' unité par un fonctionnaire 'A' , de préférence ibérique .

    La mutation interne de Mme Bastrup-Birk a été indispensable afin de pouvoir remplir la promesse politique de créer un instrument juridique visant la protection générale des biotopes . Mme Bastrup-Birk devait développer un projet de directive à cette fin, tâche accomplie par l' adoption de la proposition de la Commission . La suite du dossier et le volet général 'zone de protection' continuera à être géré par Mme Bastrup-Birk ."

    9 Outre les attributions mentionnées dans la note précitée, le requérant, qui avait conservé une partie du dossier "éducation dans le domaine de l' environnement", assurait à cette date et a continué d' assurer la coordination des travaux de la DG XI et de la DG V sur ce thème . De même, un autre dossier, ayant trait à l' accès du public à l' information en matière d' environnement, qui, initialement, devait être transféré à l' unité "aspects juridiques" de la DG XI, est demeuré finalement, à la suite d' une décision en ce sens du directeur général, sous la responsabilité du requérant, qui avait vivement protesté contre ce transfert .

    10 En diverses occasions, le directeur général de la DG XI, devant le mécontentement persistant du requérant, a encouragé celui-ci, compte tenu de son âge, à prendre sa retraite et lui a offert son aide pour trouver une charge universitaire .

    La procédure

    11 C' est dans ces conditions que, par requête déposée au greffe de la Cour le 3 mai 1989, M . Scheuer a introduit, en vertu de l' article 91 du statut, le présent recours contre la Commission .

    12 La procédure écrite s' est entièrement déroulée devant la Cour . Elle a suivi un cours régulier .

    13 En application de l' article 14 de la décision du Conseil du 24 octobre 1988 instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes, la Cour ( troisième chambre ) a, par ordonnance du 15 novembre 1989, renvoyé l' affaire devant le Tribunal .

    14 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal ( quatrième chambre ) a décidé d' ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d' instruction .

    15 La procédure orale s' est déroulée le 3 mai 1990 . Les représentants des parties ont été entendus en leur plaidoirie et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal .

    16 La partie requérante conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

    - annuler :

    a ) la décision de mutation au service XI/2 de M . García Burgués, prise le 28 juin 1988, par le directeur général du personnel et de l' administration, avec effet au 1er août 1988, et, à titre subsidiaire, l' abstention de pourvoir à son remplacement par un fonctionnaire de même grade;

    b ) l' abstention de pourvoir au remplacement de Mme Bastrup-Birk, mutée, avec effet au 1er octobre 1987, à la division XI B 3 par un fonctionnaire de même grade;

    c ) l' abstention de procurer au requérant des conditions de travail correctes et conformes à la politique du personnel de la défenderesse;

    d ) la décision du rejet de la réclamation du requérant introduite le 4 octobre 1988;

    - condamner la défenderesse aux dépens .

    La défenderesse conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

    - rejeter le recours comme irrecevable, à tout le moins, non fondé;

    - statuer sur les dépens comme de droit .

    Sur la recevabilité

    17 La défenderesse excipe de l' irrecevabilité du recours en se fondant sur deux moyens .

    Sur le premier moyen tiré de l' absence d' intérêt juridiquement protégé

    18 La défenderesse fait valoir que, selon une jurisprudence établie de la Cour, "les recours organisés par les articles 90 et 91 du statut ont pour objet d' assurer le contrôle, par la Cour, des actes et omissions de l' 'autorité investie du pouvoir de nomination' susceptibles d' affecter la position statutaire des fonctionnaires et agents de la Communauté" ( arrêt du 14 juillet 1976, Hirschberg/Commission, point 17, 129/75, Rec . p . 1259 ). Or, les griefs formulés dans la réclamation et dans le présent recours concerneraient non pas la position statutaire du requérant, "mais exclusivement les rapports internes du service et, plus particulièrement, des questions touchant à l' organisation administrative" ( arrêt précité, point 18 ).

    19 La défenderesse en déduit que les actes qui font l' objet du présent recours n' ont pas le caractère d' actes faisant grief, annulables au sens de l' article 91 du statut, car ils ne sont pas susceptibles d' affecter les droits que le requérant tient, en particulier, des articles 5 et 7 du statut, puisqu' ils ne l' obligent pas à exercer des fonctions qui ne correspondent pas à son emploi et à son grade . La défenderesse estime que les actes litigieux relèvent de l' organisation de ses services, pour laquelle elle dispose d' un large pouvoir d' appréciation .

    20 Le requérant rétorque que l' absence de tout personnel pour un chef de secteur constitue, par définition, une atteinte à son emploi, compte tenu du fait qu' une atteinte aux moyens d' accomplir les tâches qui lui ont été attribuées constitue, en même temps, une atteinte à ces tâches . Un emploi ne se caractérise pas seulement par des attributions, mais également par les moyens, entre autres par le personnel, permettant de les accomplir .

    21 Il souligne que le second moyen du recours est pris du détournement de pouvoir . On ne saurait, selon lui, déduire l' irrecevabilité du recours du seul fait que les actes incriminés relèveraient d' un pouvoir très largement discrétionnaire de l' administration d' organiser ses services, un tel pouvoir étant toujours soumis à un contrôle de légalité .

    22 En conclusion, le requérant soutient que le premier moyen invoqué par la Commission à l' appui de son exception d' irrecevabilité n' est pas fondé ou, subsidiairement, que son examen est indissociable du fond de l' affaire .

    23 Il convient de rappeler qu' aux termes de l' article 90, paragraphe 2, du statut "toute personne visée au présent statut peut saisir l' autorité investie du pouvoir de nomination d' une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief, soit que ladite autorité ait pris une décision, soit qu' elle se soit abstenue de prendre une mesure imposée par le statut ". Pour répondre à la question de savoir si les actes objet du recours font grief ou non au requérant, il est nécessaire d' examiner, comme le soutient le requérant, si l' abstention de la Commission de pourvoir au remplacement des fonctionnaires réaffectés porte en l' espèce atteinte au devoir qui incombe à l' institution de procurer au requérant les conditions de travail adéquates pour la réalisation des tâches qui lui ont été confiées, obligation imposée par le statut et les principes qui inspirent celui-ci .

    24 Or, la Cour a jugé que, si l' autorité hiérarchique est seule responsable de l' organisation des services qu' elle doit pouvoir fixer et modifier en fonction des besoins du service, le fait de retirer à un fonctionnaire une partie des services précédemment soumis à son autorité est susceptible, dans certaines circonstances, de porter atteinte aux droits qu' il tire du statut et, partant, de constituer un acte de nature à faire grief ( voir les arrêts du 11 juillet 1968, Labeyrie/Commission, 16/67, Rec . p . 432, notamment p . 445, et du 6 mai 1969, Reinarz/Commission, 17/68, Rec . p . 61, notamment p . 69 ), ce qui pourrait entraîner, en l' espèce, dans le chef du requérant, l' existence d' un intérêt juridiquement protégé .

    25 Il s' ensuit que l' appréciation du bien-fondé du premier moyen invoqué par la Commission à l' appui de son exception d' irrecevabilité dépend de celle qui doit être portée sur les griefs invoqués par le requérant et que la réponse à y donner doit être examinée plus loin avec les questions de fond posées par le litige .

    Sur le second moyen tiré de l' absence d' une demande au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut

    26 La défenderesse soutient que le recours est irrecevable pour autant qu' il vise à l' annulation de l' abstention de pourvoir au remplacement des fonctionnaires en question, pour ne pas avoir été précédé d' une demande formée conformément à l' article 90, paragraphe 1, du statut, à la suite du rejet implicite ou explicite de laquelle il aurait dû, dans un délai de trois mois, introduire une réclamation administrative .

    27 Elle expose qu' un recours visant à l' "annulation d' une abstention" d' agir, d' une carence, s' analyse, dans le contentieux de la fonction publique, en une action visant à l' annulation du rejet implicite ou explicite d' une demande, en l' occurrence celle d' obtenir le remplacement des deux fonctionnaires réaffectés .

    28 Ainsi, selon la défenderesse, "s' agissant de l' abstention de pourvoir au remplacement de Mme Bastrup-Birk, la seule demande en ce sens réside dans une note du 24 septembre 1987 du requérant adressée à M . Brinkhorst, directeur général de la DG XI . A supposer que l' on puisse la considérer comme une demande au sens de l' article 90, paragraphe 1, le recours, en ce chef, est irrecevable à défaut d' avoir été précédé d' une réclamation introduite dans les trois mois du rejet implicite de la demande, censé être intervenu le 24 janvier 1988, soit avant le 24 avril 1988, conformément à l' article 91, paragraphe 2, du statut ".

    29 Quant au défaut de pourvoir au remplacement de M . García Burgués, la défenderesse soutient "qu' il y a lieu de constater que l' AIPN n' a jamais été saisie d' une demande en ce sens, au titre de l' article 90, paragraphe 1, à moins de considérer la réclamation du 4 octobre 1988, sur ce point, comme une demande, auquel cas le recours doit également être déclaré irrecevable, en ce chef, à défaut d' avoir été précédé d' une réclamation, au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut, contre le rejet implicite de ladite demande ".

    30 Le requérant fait valoir que le remplacement des deux fonctionnaires était imposé par les articles 5 et 7 du statut ainsi que par les principes et devoirs dont il fait état dans son premier moyen à l' appui de ses conclusions sur le fond . Dans une telle hypothèse, l' article 90, paragraphe 2, du statut trouverait à s' appliquer . Il affirme que l' introduction d' une réclamation contre ces abstentions de remplacement était recevable sans qu' il ait été nécessaire, au préalable, d' introduire à cet effet une demande au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut . Il estime que le second moyen invoqué par la Commission à l' appui de son exception d' irrecevabilité n' est pas fondé ou, subsidiairement, que son examen devrait être joint au fond .

    31 A cet égard, il y a lieu de constater que, tout comme l' appréciation à porter sur le moyen antérieur, la réponse à apporter en l' espèce à la question de la nécessité d' introduire au préalable une demande au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut dépend du point de savoir si le requérant était en présence d' un acte lui faisant grief, résultant de l' abstention de l' administration de prendre une mesure imposée par le statut . A cet effet, il est nécessaire d' examiner si le fait pour la Commission de ne pas avoir pourvu au remplacement des fonctionnaires réaffectés a porté atteinte au devoir qui lui incombait de procurer au requérant les conditions de travail adéquates pour la réalisation des tâches qu' elle lui avait confiées, obligation qui lui est imposée, ainsi qu' il a déjà été précisé, par le statut et par les principes qui inspirent celui-ci . Ainsi que la partie défenderesse l' a reconnu au cours de l' audience, l' examen de cette question est indissociable de celui des questions de fond posées par le présent litige .

    Sur le fond

    32 A l' appui de son recours, le requérant fait valoir deux moyens, à savoir, en premier lieu, la "violation du statut, notamment de ses articles 5 et 7, ( la ) méconnaissance des devoirs d' assistance et de sollicitude, des principes de droit tels que ceux d' égalité, de bonne administration et de justice administrative ainsi que ( l' )excès de pouvoir" et, en second lieu, la "méconnaissance du principe que le pouvoir ne peut être exercé que dans l' intérêt du service ainsi que ( le ) détournement de pouvoir ".

    Sur le premier moyen

    33 Quant au premier moyen, le requérant soutient que le fait de se trouver sans collaborateur, à l' exception d' une secrétaire, n' est pas compatible avec les dispositions légales et les principes de droit susvisés . Il serait bien chargé de tâches correspondant à son grade et à son poste de chef de secteur, mais il ne disposerait pas du personnel indispensable pour les exécuter . Il considère que la règle légale de la correspondance entre l' emploi et le grade implique que les attributions confiées à un fonctionnaire soient, dans leur ensemble, conformes à l' emploi correspondant au grade qu' il détient dans la hiérarchie et que cette règle implique également que soient mis à la disposition du fonctionnaire les moyens matériels et le personnel normalement requis par les attributions de l' emploi correspondant à son grade .

    34 La défenderesse, pour sa part, précise que les transferts avec leur emploi des fonctionnaires concernés, à l' intérieur de la DG XI, sans qu' il y ait eu ouverture de vacance, doivent être considérés comme des mesures de réaffectation, et non pas comme des mesures de mutation au sens propre du terme . Elle souligne que lesdites mesures ont été prises dans le cadre d' une réorganisation de ses services, aux fins de laquelle elle dispose d' un large pouvoir d' appréciation .

    35 Le requérant affirme que les actes incriminés - dont il ne conteste pas la qualification - ne s' inscrivent pas dans le cadre d' une réorganisation générale de la DG XI . Il maintient que les arguments avancés par la Commission ne sauraient justifier une atteinte aux principes dont il a fait état .

    36 En présence de cette contestation, il convient, en premier lieu, d' examiner les conditions dans lesquelles est intervenue la décision de réaffectation de M . García Burgués au sein de la DG XI .

    37 A cet égard, il y a lieu de rappeler, comme l' a fait à juste titre la Commission, qu' il est de jurisprudence constante que les institutions des Communautés disposent d' un large pouvoir d' appréciation dans l' organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont confiées et dans l' affectation en vue de celles-ci du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition, cependant, que cette affectation se fasse dans l' intérêt du service et dans le respect de l' équivalence des emplois ( voir les arrêts de la Cour du 23 mars 1988, Hecq/Commission, 19/87, Rec . p . 1697, du 21 juin 1984, Lux/Cour des comptes, 69/83, Rec . p . 2447, du 14 juillet 1983, Nebe/Commission, 176/82, Rec . p . 2471, du 21 mai 1981, Kindermann/Commission, 60/80, Rec . p . 1329, et du 16 juin 1971, Vistosi/Commission, 61/70, Rec . p . 535 ). Un tel pouvoir d' appréciation est indispensable en vue d' arriver à une organisation efficace des travaux et pour pouvoir adapter cette organisation à des besoins variables ( voir l' arrêt de la Cour du 12 juillet 1979, List/Commission, 124/78, Rec . p . 2510 ).

    38 Il ressort clairement de l' examen des pièces du dossier qu' en l' espèce la décision relative à la réaffectation de M . García Burgués a été prise dans le cadre des compétences dévolues à l' institution et dans le cadre d' une réorganisation des services de la DG XI, qui avait pour but de faciliter le développement des tâches qui lui sont attribuées . L' affirmation contraire du requérant, dénuée de toute argumentation spécifique, ne saurait être de nature à modifier cette appréciation .

    39 Il convient, en second lieu, de rechercher si l' abstention de la Commission de pourvoir au remplacement de Mme Bastrup-Birk et de M . García Burgués - soit, en pratique, le fait de priver le requérant de collaborateurs, à l' exception d' une secrétaire - constitue une violation des règles et principes juridiques invoqués par le requérant .

    40 A cet égard, il y a lieu tout d' abord d' observer que l' on ne peut trouver dans le statut aucune indication en faveur de la thèse qui ferait dépendre l' attribution d' un grade quelconque du nombre et de la qualité des subordonnés ( voir l' arrêt de la Cour du 13 décembre 1979, Loebisch/Conseil, point 7, 14/79, Rec . p . 3679 ).

    41 Il convient ensuite de rappeler que les conditions de déroulement de la carrière visées par l' article 5 du statut ne sauraient être appréciées en dehors du cadre déterminé par l' organisation des services . Si cette disposition impose à l' administration l' obligation de respecter l' égalité des fonctionnaires, dans les différentes catégories, elle ne limite pas, pour autant, la liberté des institutions de structurer les diverses unités administratives en tenant compte d' un ensemble de facteurs, tels que la nature et l' ampleur des tâches qui leur sont dévolues et les possibilités budgétaires ( voir l' arrêt de la Cour du 17 décembre 1981, Bellardi-Ricci/Commission, point 19, 178/80, Rec . p . 3187 ).

    42 Il convient enfin de souligner que, pour qu' une mesure de réorganisation de service porte atteinte au droit du fonctionnaire, reconnu aux articles 5 et 7 du statut, de se voir attribuer des fonctions conformes, dans leur ensemble, à l' emploi correspondant qu' il détient dans la hiérarchie, il ne suffit pas que ledit acte entraîne un changement et même une diminution quelconque des attributions de l' intéressé, mais il faut que, dans leur ensemble, ses attributions résiduelles restent nettement en deçà de celles correspondant à ses grade et emploi, compte tenu de leur nature, de leur importance et de leur ampleur ( voir l' arrêt de la Cour du 20 mai 1976, Macevicius/Parlement, point 16, 66/75, Rec . p . 593 ).

    43 En l' espèce, il est constant entre les parties qu' après la réaffectation de ses collaborateurs le requérant a continué à assumer des fonctions correspondant à son grade et à son emploi . Le fait que l' absence de collaborateurs ne permet pas au requérant "de prendre des nouvelles initiatives" ou "de prendre un certain recul vis-à-vis du quotidien", comme il l' affirme, ne saurait être considéré comme une circonstance susceptible de modifier la nature et la catégorie des fonctions qui lui sont attribuées et qu' il exerce, au demeurant, ainsi que les deux parties s' accordent à le reconnaître, de manière pleinement satisfaisante . Le requérant fait valoir que ses fonctions de chef de secteur incluent la coordination des travaux qui relèvent d' un secteur d' activité et que cette tâche implique en soi la présence de collaborateurs . Cet argument du requérant n' est pas fondé . En effet, la coordination de travaux n' exige pas nécessairement la présence de collaborateurs personnels . De fait, en l' espèce, ainsi que les parties l' ont reconnu au cours de l' instance, le requérant assure seul la coordination des travaux entrepris par la DG V et la DG XI dans le domaine de l' éducation et de l' environnement, ainsi que la liaison avec le Comité économique et social .

    44 Il résulte de ce qui précéde que le premier moyen ne saurait être accueilli .

    Sur le second moyen

    45 Le second moyen est tiré de la méconnaissance du principe selon lequel le pouvoir d' appréciation de l' administration ne peut être exercé que dans l' intérêt du service et du détournement de pouvoir . Le requérant considère qu' en l' espèce la défenderesse a mis en oeuvre son pouvoir d' organisation des services non pas dans l' intérêt du service, mais dans le but d' amener le requérant à cesser ses fonctions auprès d' elle .

    46 Le requérant attire l' attention sur le contexte dans lequel ces faits sont intervenus en soulignant qu' il est passé d' une situation de chef de service spécialisé à celle d' un chef de secteur entouré de deux collaborateurs d' abord, d' un seul collaborateur ensuite, pour aboutir à une situation dans laquelle il se trouve privé de tout collaborateur . Le requérant allègue qu' il a souffert des références repétées à son âge et des propositions qui lui ont été faites de l' aider à trouver une charge universitaire s' il partait . Pour le requérant, tous ces éléments concordent pour établir l' existence d' une pression destinée à l' amener à quitter le service de la défenderesse, ce qui permet, selon lui, d' affirmer que tous les actes incriminés sont entachés d' un détournement de pouvoir .

    47 La défenderesse répète que la réorganisation interne de la DG XI se justifiait par l' intérêt du service . La circonstance qu' à la suite de ces mesures le requérant a continué à exercer des fonctions correspondant à ses grade et emploi devrait suffire pour rejeter l' allégation selon laquelle lesdites mesures doivent s' analyser en une rétrogradation déguisée .

    48 En ce qui concerne tout d' abord la référence à l' intérêt du service, il convient de rappeler que c' est au fonctionnaire qu' il incombe de rapporter la preuve que la décision prise à son égard est contraire à l' intérêt du service ( voir l' arrêt de la Cour du 21 mai 1981, Kindermann/Commission, point 17, 60/80, Rec . p . 1329 ).

    49 Quant au grief du détournement de pouvoir, il y a lieu de rappeler également que cette notion a une portée bien précise et qu' elle se réfère au fait, pour une autorité administrative, d' avoir usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés ( voir l' arrêt de la Cour du 4 février 1982, Buyl/Commission, point 28, 817/79, Rec . p . 245 ).

    50 Au surplus, il est de jurisprudence constante qu' une décision n' est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d' indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées ( voir, par exemple, l' arrêt de la Cour du 21 juin 1984, Lux, 69/83, précité ).

    51 A cet égard, il suffit de constater que le requérant n' a fourni aucun élément de preuve permettant de conclure que la mesure de réaffectation concernant M . García Burgués était contraire à l' intérêt du service ou qu' elle était constitutive d' un exercice abusif du large pouvoir d' appréciation dont disposent les institutions des Communautés pour organiser leurs services .

    52 S' agissant du refus de pourvoir au remplacement des fonctionnaires réaffectés, l' examen des pièces du dossier ne permet pas non plus de considérer qu' il est contraire à l' intérêt du service, les justifications fournies par le requérant n' étant pas de nature à prouver le bien-fondé de son affirmation . En outre, la répartition du personnel à l' intérieur d' une direction générale, surtout dans les cas où les effectifs disponibles ne suffisent pas à couvrir ses besoins, doit être de la compétence exclusive du supérieur hiérarchique, qui peut tenir compte des diverses priorités, sans qu' un fonctionnaire, si élevé que soit son grade, soit en mesure de contester l' opportunité de ses décisions .

    53 Les indices dont fait état le requérant pour étayer son allégation relative à l' existence d' un détournement de pouvoir - référence à son âge, à la possibilité de lui trouver une charge universitaire - ne permettent pas d' établir à suffisance de droit l' existence d' un tel détournement .

    54 Il s' ensuit que le second moyen doit être écarté .

    55 Dans ces conditions, le requérant, qui n' est pas fondé à soutenir que ses fonctions ou son grade impliquent nécessairement la présence de collaborateurs ni que les mesures de réaffectation concernant ses anciens collaborateurs ont été entachées d' irrégularité, n' est pas non plus fondé à soutenir que les actes incriminés ont, à son égard, le caractère d' actes faisant grief .

    56 Dès lors, le recours doit être rejeté comme irrecevable .

    Décisions sur les dépenses


    Sur les dépens

    57 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable mutatis mutandis au Tribunal en vertu de l' article 11, troisième alinéa, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988, précitée, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens . Toutefois, selon l' article 70 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci .

    Dispositif


    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL ( quatrième chambre )

    déclare et arrête :

    1 ) Le recours est rejeté .

    2 ) Chacune des parties supportera ses propres dépens .

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