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Document 61986CC0254

    Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 2 juillet 1987.
    Damianos Soph. Symeonidis Anonimos Emboriki Eteria Sigaretton kai Ikodomikon Epichirisseon AE contre Ministre du Commerce.
    Demande de décision préjudicielle: Symvoulio Epikrateias - Grèce.
    Préjudicielle - Mesures de sauvegarde prises en application de l'article 130 de l'acte d'adhésion de la République hellénique: effets directs.
    Affaire 254/86.

    Recueil de jurisprudence 1987 -04355

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1987:329

    CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

    M. MARCO DARMON

    présentées le 2 juillet 1987

    Monsieur le Président,

    Messieurs les Juges,

    1. 

    L'article 130 de l'acte d'adhésion de la République hellénique ouvrait au gouvernement grec la possibilité de demander, jusqu'au 31 décembre 1985, à être autorisé d'adopter des mesures de sauvegarde permettant de déroger aux règles du traité. C'est par application de cette disposition que les autorités grecques, après avoir sollicité et obtenu l'autorisation de certaines restrictions à l'importation pour l'année 1983, ont formulé une nouvelle demande, le 31 décembre 1983. La Commission, par la décision 84/38 ( 1 ), leur a permis de mettre en œuvre des limitations à l'importation de certains produits, et notamment de cigarettes. La décision 84/64 ( 2 ) prévoit le régime applicable à ces dernières marchandises en fixant notamment à 1100 tonnes le volume global du quota à répartir avant le 31 mars 1984. Son article 7 dispose, par ailleurs, que les quotes-parts à réserver aux nouveaux opérateurs ne peuvent excéder 10 % des limitations totales.

    2. 

    Le gouvernement grec a adopté deux arrêtés relatifs aux modalités d'octroi des titres d'importation de cigarettes en leur rendant notamment applicable la règle selon laquelle un importateur nouveau ne pouvait bénéficier d'une quote-part supérieure à la plus petite attribuée à un ancien importateur. Le comité d'octroi des titres d'importation a ensuite établi le tableau de répartition des cigarettes sur lequel la société Symeonidis apparaît comme seul importateur nouveau auquel est attribué un quota de 34 tonnes.

    3. 

    Cette entreprise demande au Conseil d'État hellénique l'annulation de cet acte au motif que le titre qui lui a été attribué ne couvre pas l'intégralité du contingent de 10 %, selon elle exclusivement réservé aux nouveaux importateurs. La Haute juridiction hellénique, après avoir analysé lesdites dispositions comme constituant une limite maximale, considère néanmoins que subsistent des doutes sérieux sur le point de savoir si tel est bien le cas ou si les nouveaux importateurs doivent se voir attribuer l'intégralité du contingent précité. C'est en substance la première question soumise à votre Cour.

    4. 

    Observons, tout d'abord, que l'article 7 de la décision du 27 janvier 1984 prévoit que:

    « Les quotes-parts à réserver aux nouveaux importateurs ne peuvent pas excéder 10 % des limitations totales. »

    Ce texte conduit à penser qu'il s'agit bien d'une limite maximale. Nul doute, en effet, que la règle selon laquelle un taux ne peut être excédé ne saurait être interprétée comme signifiant que ledit taux doive être intégralement attribué.

    5. 

    L'interprétation littérale se trouve confortée par les régies générales contenues dans les articles 6 des deux décisions 84/38 et 84/64:

    « Aux fins de la gestion des quantités limitées d'importation prévues à la présente décision, les autorités grecques respectent les courants commerciaux existants aussi bien quant au pays d'origine et de provenance des produits concernés que quant aux opérateurs concernés. »

    Les considérants des décisions précisent d'ailleurs que ce respect est destiné à assurer une répartition équitable des quantités autorisées.

    6. 

    La « ratio legis » apparaît être la suivante: le régime des quotas risque de perturber les courants commerciaux existants. Or, ce danger est aggravé par l'intervention de nouveaux opérateurs dont l'activité est susceptible d'affecter de manière significative les structures et les échanges préexistant aux mesures de sauvegarde. Dès lors, la limitation de leurs quotes-parts à 10 % du volume global est précisément destinée à éviter toute modification trop sensible à cet égard. Serait contraire à cet objectif la solution aboutissant à attribuer automatiquement aux nouveaux importateurs une quantité de 10 %. En effet, les anciens opérateurs, dont les droits se trouvent réduits proportionnellement compte tenu de l'existence même des mesures de sauvegarde, ne seraient pas assurés de bénéficier d'une quote-part équivalente. Cette situation inéquitable serait contraire aux finalités explicites de l'article 6 de la décision.

    7. 

    La « ratio legis » conforte donc l'interprétation littérale. Aussi, et sous réserve d'attribuer intégralement les 1100 tonnes du quota global, la limitation de 10 % doit être interprétée comme la quantité maximale de titres à délivrer aux nouveaux importateurs, sans que ceux-ci ne trouvent dans cette disposition le droit d'obtenir la totalité de ce pourcentage.

    8. 

    Le Conseil d'État grec vous soumet ensuite, en fonction de la réponse apportée à la première question et compte tenu de l'appréciation de la nature des mesures de sauvegarde, la question de savoir si un importateur privé peut se prévaloir directement des dispositions en cause devant la juridiction nationale pour demander l'annulation d'un acte administratif individuel. Compte tenu de l'interprétation qui nous paraît à l'évidence devoir être donnée à la disposition en cause, nous considérons que cette seconde question devient sans objet.

    9. 

    Nous proposons donc à votre Cour de dire pour droit que:

    « Sous réserve de l'attribution intégrale du quota de 1100 tonnes, le chiffre de 10 % que la décision 84/64 fixe comme seuil à la quote-part réservée aux nouveaux importateurs constitue un maximum, imposé par le respect des courants commerciaux existants, qui permet aux autorités destinataires de procéder à une répartition effective inférieure à ce taux. »


    ( 1 ) JO L 23 du 28.1.1984, p. 37.

    ( 2 ) JO L 36 du 8.2.1984, p. 29.

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