COMMISSION EUROPÉENNE
Strasbourg, le 6.2.2024
COM(2024) 63 final
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS
Garantir notre avenir
Objectif climatique de l’Europe pour 2040 et voie vers la neutralité climatique à l’horizon 2050 pour une société durable, juste et prospère
{SEC(2024) 64 final} - {SWD(2024) 63 final} - {SWD(2024) 64 final}
Table des matières
1
Une vision au-delà de 2030
2
Une action mondiale ambitieuse pour le climat
3
L’objectif pour 2040 et la voie vers la neutralité climatique
3.1
L’objectif
3.2
Coût de l’inaction
4
Réalisation de l’objectif pour 2040
4.1
Mise en œuvre du cadre d’action à l’horizon 2030
4.2
Une économie au service des citoyens
4.3
Le système énergétique de l’UE
4.4
Accord de décarbonation de l’industrie
4.5
Décarboner les transports et améliorer la mobilité
4.6
Terres, alimentation et bioéconomie
4.7
Investir dans notre avenir
5
Conclusion et prochaines étapes
1Une vision au-delà de 2030
Le changement climatique s’intensifie et entraîne des coûts réels de plus en plus élevés. En 2023, en raison d’une accélération sans précédent du dérèglement climatique, le réchauffement de la planète a atteint le niveau inédit de 1,48 °C par rapport aux niveaux préindustriels et s’est accompagné d’une hausse des températures océaniques et d’une fonte des glaces dans l’océan austral qui ont largement battu tous les records. Il est plus évident que jamais que, pour que le climat se stabilise et pour que la planète reste vivable pour les générations actuelles et futures, il faut réduire fortement et rapidement les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) et se préparer aux conséquences futures du changement climatique (). Cette trajectoire peut et doit aller de pair avec la mise en place d’une société prospère et équitable, ainsi que d’une industrie et d’un secteur agricole de l’UE à la fois solides et adaptables dans une économie compétitive à l’échelle mondiale et de plus en plus durable qui profite à tous les citoyens, dans le respect des vingt principes du socle européen des droits sociaux et du plan d’action qui accompagne celui-ci.
Les résultats de la COP 28 de Dubaï et le premier bilan mondial de l’action pour le climat montrent que le reste du monde, lui aussi, progresse rapidement dans cette voie. L’UE, qui a inscrit l’objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050 dans sa législation, a joué un rôle de premier plan dans l’action pour le climat et continuera de le faire.
La vision de l’Europe à la fin de la prochaine décennie est globale: elle devrait rester une destination privilégiée pour des investissements qui créent des emplois de qualité stables et à l’épreuve du temps, dans un écosystème industriel robuste. L’Europe devrait jouer un rôle de chef de file dans le développement des marchés de technologies propres de demain, sur lesquels tous les grands pays et toutes les entreprises d’envergure cherchent à exploiter les débouchés commerciaux. Faire de l’Europe un continent où l’énergie est propre, d’un prix abordable et à faible intensité de carbone, et où les aliments et matériaux consommés sont durables, la rendra mieux à même de faire face aux crises futures, telles que celles qui sont actuellement causées par des ruptures de l’approvisionnement en combustibles fossiles. En conservant sa place de leader mondial et de partenaire de confiance dans l’action pour le climat, non seulement l’Europe renforcera son autonomie stratégique ouverte, mais elle diversifiera ses chaînes de valeur durables à l’échelle mondiale afin de prendre son destin en main dans un monde instable.
Une action bien pensée dans le domaine climatique peut faire de cette vision une réalité pour l’Europe et ses citoyens. Le pacte vert pour l’Europe est la stratégie à long terme de l’UE en faveur de la croissance économique, de l’investissement et de l’innovation. Sa mise en œuvre renforcera notamment l’indépendance énergétique de l’UE à l’égard des combustibles fossiles. En 2022, la valeur des importations de combustibles fossiles a grimpé en flèche, atteignant 640 milliards d’EUR (4,1 % du PIB), en raison de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine. En 2023, lorsque les prix ont fortement baissé, les coûts nets liés aux importations de combustibles fossiles représentaient environ 2,4 % du PIB ().
Il n’est pas tenable de fonder la croissance de l’économie sur les combustibles fossiles et le gaspillage des ressources. L’UE a montré que l’action pour le climat et le maintien de la croissance économique vont de pair lorsque l’on dissocie la croissance des émissions de gaz à effet de serre. Selon des données provisoires, les émissions nettes totales de gaz à effet de serre étaient inférieures de 32,5 % en 2022 à celles observées en 1990 (), tandis que l’économie a connu une croissance de 67 % (). La productivité des matériaux a augmenté de 37,5 % entre 2000 et 2022 (
).
Des technologies liées aux énergies renouvelables et à faibles émissions de carbone sont actuellement déployées à des niveaux inédits. L’UE a mis en place des installations permettant une production sans précédent de 17 GW de nouvelle énergie éolienne et de 56 GW d’énergie solaire (DC) en 2023. En 2022, environ 3 millions de pompes à chaleur ont été vendues.
La loi européenne sur le climat a chargé la Commission de proposer un objectif intermédiaire au plus tard dans les six mois suivant le bilan mondial réalisé dans le cadre de l’accord de Paris. Par conséquent, conformément à l’avis scientifique du conseil scientifique consultatif européen sur le changement climatique et sur la base d’une analyse d’impact détaillée, la présente communication propose un objectif recommandé pour 2040 de 90 % de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 1990 (ci-après l’«objectif pour 2040»). Cet objectif devrait garantir que le budget global correspondant en matière d’émissions de gaz à effet de serre pour l’UE d’ici à 2050 respecte les dispositions de la loi européenne sur le climat et définit une trajectoire crédible vers une société forte et durable en Europe.
La réalisation de cet objectif nécessitera la réunion d’un certain nombre de conditions favorisantes, et notamment la mise en œuvre intégrale du cadre convenu pour 2030, la préservation de la compétitivité de l’industrie européenne, une plus grande attention accordée à une transition juste qui ne laisse personne de côté, la mise en place de conditions de concurrence équitables avec les partenaires internationaux et la conduite d’un dialogue stratégique sur le cadre pour l’après-2030, notamment avec l’industrie et le secteur agricole.
L’objectif de la présente communication est de lancer le débat politique et d’éclairer la préparation du cadre pour l’après-2030. Elle ne propose pas de nouvelles mesures, pas plus qu’elle ne fixe de nouveaux objectifs sectoriels.
Pour autant, la stabilité et la mise en œuvre intégrale du cadre législatif en vigueur visant à atteindre les objectifs en matière de climat et d’énergie d’ici à 2030 sont indispensables pour que l’UE reste sur la voie de la réalisation de l’objectif pour 2040 afin d’atteindre la neutralité climatique en 2050 et tire pleinement parti des possibilités offertes par la transition. En fait, le prolongement des politiques actuelles d’ici à 2040 entraînerait déjà une réduction de 88 % à cette date. Accélérer dès à présent la décarbonation sur la voie de la neutralité climatique à l’horizon 2050 réduira considérablement les importations de combustibles fossiles (de 80 % en 2040) et, partant, offrira une meilleure protection contre les chocs de prix et créera un marché pilote dans le domaine des technologies propres, renforçant ainsi l’autonomie stratégique ouverte et la compétitivité de l’UE. Il convient toutefois de mettre davantage l’accent sur un cadre garantissant que tous les citoyens tirent avantage de la transition climatique, dès aujourd’hui et au cours des prochaines décennies. Par exemple, le pacte vert pour l’Europe doit aussi être un pacte pour la décarbonation industrielle. L’Europe a besoin d’une meilleure intégration de l’emploi et des compétences ainsi que des aspects sociaux et distributifs dans l’action pour le climat, de même que d’un cadre propice à la décarbonation de l’industrie dans le contexte des efforts vers une croissance économique durable, et de conditions de concurrence équitables au niveau mondial pour que les entreprises vertes puissent prospérer. Une planification est également indispensable en Europe en ce qui concerne les infrastructures nécessaires en matière d’énergie et de transport. Ces aspects seront pris en compte dans les prochains réexamens que prévoient déjà des mesures existantes de l’UE afin de garantir la concrétisation effective des objectifs que celle-ci s’est fixés pour 2030.
De plus, l’Europe devra mobiliser la juste combinaison d’investissements du secteur public et du secteur privé afin de rendre son économie à la fois durable et compétitive. Dans ce domaine, une approche européenne en matière de financement sera nécessaire dans les années à venir, en étroite coopération avec les États membres, afin de générer des économies d’échelle et de gamme, tout en limitant la fragmentation des efforts et l’aggravation des déséquilibres régionaux.
De nombreux investissements à effectuer pour atteindre les objectifs en matière de climat et d’énergie d’ici à 2030 ont des répercussions qui se feront sentir sur des décennies. La définition, dès à présent, d’un objectif en matière de climat pour 2040 garantira la prévisibilité des investissements. Elle aidera les décideurs de l’UE, les États membres et les acteurs concernés à prendre les décisions nécessaires au cours de cette décennie critique, de manière que celles-ci soient compatibles avec l’objectif pour 2040 et l’objectif de neutralité climatique, en réduisant autant que possible le risque de s’enferrer dans des trajectoires sous-optimales coûteuses et de créer des actifs échoués.
L’impératif d’une transition juste est au cœur du pacte vert pour l’Europe, compte tenu des préoccupations de certains citoyens et acteurs industriels quant aux risques et aux coûts de la transition climatique et énergétique. L’action pour le climat doit être l’affaire de tous, et une attention particulière doit être accordée au soutien de celles et ceux qui sont confrontés aux plus grands défis. C’est pourquoi la présente communication marque le début d’un dialogue et d’une vaste sensibilisation des citoyens, des entreprises, des partenaires sociaux, des ONG, du monde universitaire et d’autres acteurs concernés sur la bonne voie à suivre d’ici à 2040 pour atteindre la neutralité climatique à l’horizon 2050. Un tel échange avec les milieux industriels a déjà lieu dans le cadre de dialogues sur la transition propre organisés avec les principaux secteurs industriels; il sera poursuivi et étendu, y compris dans une perspective à l’horizon 2040. Le dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture, mené avec les agriculteurs et d’autres acteurs de la chaîne alimentaire, a également été lancé. En outre, un dialogue structuré et systématique avec les partenaires sociaux devrait être renforcé afin de garantir leur contribution, en mettant l’accent sur l’emploi, y compris la disponibilité de postes pour les travailleurs amenés à changer d’emploi, la mobilité, la qualité de l’emploi et les investissements dans la reconversion et le perfectionnement professionnels. La Commission présentera le bilan des dialogues sur la transition propre avant la réunion extraordinaire du Conseil européen d’avril prochain. Ces dialogues et actions de sensibilisation permettront à la prochaine Commission de présenter des propositions législatives concernant le cadre d’action pour l’après-2030, qui seront nécessaires pour que l’UE puisse atteindre l’objectif fixé pour 2040 de manière rentable et équitable.
1Une action mondiale ambitieuse pour le climat
Le premier bilan mondial effectué dans le cadre de l’accord de Paris a permis de constater que les parties mettent en place des politiques climatiques de plus en plus efficaces, mais qu’il est urgent de prendre des mesures supplémentaires pour que le monde entier s’engage tout à fait sur la voie de la réalisation des objectifs de cet accord.
Lors de la COP 28, les parties sont convenues que la limitation du réchauffement de la planète à 1,5 °C nécessite des réductions profondes, rapides et durables des émissions mondiales de gaz à effet de serre, de l’ordre de 43 % d’ici à 2030 et de 60 % d’ici à 2035 par rapport aux niveaux de 2019, de même que la concrétisation de l’objectif de zéro émission nette de CO2 à l’échelle mondiale à l’horizon 2050. Le bilan mondial a souligné que l’ère des combustibles fossiles devait prendre fin, reconnaissant la nécessité pour tous d’abandonner ces combustibles. L’accord invite également les parties à tripler la capacité mondiale de production d’énergie à partir de sources renouvelables et à doubler le taux d’amélioration de l’efficacité énergétique d’ici à 2030, ainsi qu’à accélérer les efforts déployés à l’échelle mondiale en faveur de systèmes énergétiques à zéro émission nette, par l’utilisation de carburants à émissions de carbone faibles ou nulles bien avant ou vers le milieu du siècle. Tout en insistant sur l’importance d’une transition juste, il appelle aussi à accélérer les efforts visant à réduire petit à petit l’utilisation de charbon sans dispositif d’atténuation et les émissions provenant du transport routier, à lutter contre les émissions de méthane et de gaz autres le CO2 durant la décennie actuelle et à supprimer progressivement, dès que possible, les éventuelles subventions inefficaces en faveur des combustibles fossiles qui ne remédient pas à la précarité énergétique ou à la situation des groupes vulnérables. Cela nécessitera un changement des schémas d’investissement dans le monde entier pour faire en sorte que les flux financiers soient compatibles avec des trajectoires de développement à faibles émissions et résilientes face au changement climatique.
Les résultats de la COP 28 établissent le niveau minimal d’action escompté pour l’ensemble de la communauté mondiale et engagent d’autres parties sur la voie que l’UE est déjà en train de suivre. L’UE continuera à contribuer à la mise à disposition des moyens requis et à la création de la dynamique nécessaire à une action mondiale renforcée, ainsi qu’à persuader et à aider d’autres pays à lui emboîter le pas.
En s’appuyant sur le succès de la stratégie «Global Gateway» et les perspectives ouvertes par celle-ci, la coopération internationale s’étendra à de nouveaux domaines dans la droite ligne des engagements collectifs du bilan mondial et des nouvelles possibilités technologiques. Le financement de la lutte contre le changement climatique restera un aspect primordial de la contribution de l’UE à l’action mondiale pour le climat. L’UE, avec ses États membres et la Banque européenne d’investissement (BEI), est le principal bailleur de fonds publics destinés à lutter contre le changement climatique dans les économies en développement, avec un montant total de 28,5 milliards d’EUR alloué en 2022 et la mobilisation de 11,9 milliards d’EUR supplémentaires de fonds privés.
L’UE et ses États membres renforceront encore la diplomatie climatique dans les enceintes bilatérales, plurilatérales (G7, G20, OCDE et Club climat, entre autres) et multilatérales.
La Commission constituera une task-force spécifique afin de partager son savoir-faire et de déployer du personnel en vue de la création de marchés du carbone, de l’élaboration d’une approche mondiale en matière de tarification du carbone (), de l’intensification de sa diplomatie liée au marché du carbone dans le monde entier ainsi que de ses efforts pour reproduire le succès du système d’échange de quotas d’émission de l’UE (ci-après le «SEQE») en encourageant et en aidant d’autres pays et territoires à mettre en place ou à améliorer leur propre mécanisme de tarification du carbone.
La mise en œuvre progressive du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), qui est entré en vigueur, au titre d’une période transitoire, le 1er octobre 2023, incite également les gouvernements à recourir à des mesures de tarification pour réduire les émissions, et les industries à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, sur la base d’une méthode susceptible d’être appliquée à l’échelle internationale.
Compte tenu de l’instabilité de l’environnement géopolitique, l’UE continuera à nouer des partenariats stables avec des pays partageant la même optique. Les alliances et partenariats verts conclus avec des partenaires depuis 2021 aideront l’UE et les partenaires à garder le cap vers la neutralité climatique. Ces initiatives élargiront et approfondiront les partenariats avec des fournisseurs internationaux fiables, y compris des pays voisins, afin de garantir la sécurité énergétique à long terme de l’UE et la prévisibilité de l’approvisionnement tout au long de la transition énergétique. Cela contribuera à réduire les dépendances vis-à-vis de l’extérieur ainsi que les coûts, tout en atténuant les risques liés aux chaînes d’approvisionnement. Partant, les entreprises et la société européennes seront à même de tirer parti de la transition mondiale et de la demande croissante de technologies propres, parallèlement à des instruments d’action visant à garantir la résilience de l’approvisionnement de l’UE en technologies «zéro net».
Les accords commerciaux peuvent contribuer à la promotion de l’action pour le climat et à la réalisation de nos objectifs, tout en garantissant que le système commercial international reste équitable et non discriminatoire. La politique commerciale peut stimuler l’innovation, par la promotion des chaînes de valeur durables et la mise en place d’un accès au marché pour les technologies et produits propres.
Compte tenu de la dynamique importante en matière d’élargissement de l’UE, la Commission aidera les pays candidats et les pays candidats potentiels à s’aligner sur l’acquis de l’UE en matière de climat et d’énergie et à l’adopter, y compris la loi européenne sur le climat. Il s’agit notamment de mettre en œuvre les engagements pris dans le contexte de la Communauté de l’énergie pour atteindre les objectifs en matière de climat et d’énergie d’ici à 2030 et de parvenir à la neutralité climatique à l’horizon 2050, dans un cadre fondé sur le règlement sur la gouvernance de l’union de l’énergie. L’engagement en faveur de l’objectif pour 2040 et la transition en vue de sa concrétisation joueront également un rôle important dans le processus d’adhésion des futurs États membres de l’UE.
L’objectif pour 2040, une fois adopté, constituera la base de la nouvelle contribution déterminée au niveau national (ci-après la «CDN») de l’UE au titre de l’accord de Paris, qui sera transmise au secrétariat de la CCNUCC en 2025, dans la perspective de la COP 30. Dès que l’objectif pour 2040 aura été convenu, un chiffre concernant les émissions nettes de gaz à effet de serre pour l’UE en 2035 sera calculé et sera communiqué dans la nouvelle CDN.
2L’objectif pour 2040 et la voie vers la neutralité climatique
L’objectif
Afin de mettre l’UE résolument sur la voie de la neutralité climatique, la présente communication propose un objectif recommandé pour 2040 de 90 % de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 1990 (ci-après l’«objectif pour 2040»). Il ressort de l’analyse d’impact que, pour parvenir à réduire de 90 % les émissions nettes de gaz à effet de serre, le niveau des émissions restantes de ces gaz en 2040 pour l’UE devrait être inférieur à 850 Mt éq. CO2 () et les absorptions de carbone (de l’atmosphère par des absorptions industrielles et par les sols) devraient atteindre jusqu’à 400 Mt CO2.
L’objectif proposé repose sur une analyse d’impact approfondie (), qui a examiné en détail les conséquences de trois objectifs envisageables pour 2040:
·option 1: réduction allant jusqu’à 80 % par rapport à 1990, compatible avec une trajectoire linéaire entre 2030 et 2050 ();
·option 2: une réduction de 85 à 90 %, compatible avec le niveau de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre qui serait atteint si le cadre d’action actuel était prolongé jusqu’en 2040; et
·option 3: une réduction de 90 à 95 %.
Les objectifs envisagés se distinguent nettement les uns des autres pour ce qui est du rôle des nouvelles technologies. Par rapport à l’option 2, l’option 3 suppose des investissements plus rapides, entre 2031 et 2040, en faveur du déploiement de nouvelles technologies bas carbone, telles que la production d’hydrogène par électrolyse, le captage et l’utilisation du carbone ou les absorptions industrielles de carbone. Avec l’option 1, le déploiement des nouvelles technologies est reporté à la période 2041-2050, de sorte que la neutralité climatique à l’horizon 2050 pourrait ne pas être atteinte. L’option 3 anticipe la multitude d’absorptions de carbone qui seront nécessaires pour atteindre la neutralité climatique à l’horizon 2050 et parvenir à des émissions nettes négatives par la suite.
L’option 3 donne lieu au plus faible budget de l’UE en matière de gaz à effet de serre, avec des émissions cumulées nettes (le budget indicatif en matière de gaz à effet de serre) de 16 Gt éq. CO2 pour la période 2030-2050. C’est la seule option qui correspond à l’avis de l’ESABCC (
), qui réduit au maximum les émissions totales de gaz à effet de serre rejetées dans l’atmosphère et qui est conforme aux dispositions de la loi européenne sur le climat concernant la présentation d’un budget en matière de gaz à effet de serre qui ne compromet pas la concrétisation des engagements pris par l’UE au titre de l’accord de Paris. Étant donné que le budget carbone mondial restant () s’amenuise rapidement, il est essentiel que toutes les parties réduisent autant que possible leurs émissions cumulées. Si l’UE s’engage sur cette voie le plus tôt possible, la transition sera moins coûteuse et plus prévisible. Plus l’action pour le climat est retardée, plus les coûts humains et économiques seront élevés, et plus il sera nécessaire de financer la restauration et l’adaptation, en mobilisant des ressources de l’économie de l’UE.
Toutes les options prévoient un glissement des coûts totaux, depuis les coûts opérationnels (liés aux achats de combustibles fossiles) vers les coûts d’investissement. Les besoins d’investissement pour la période 2031-2050 sont du même ordre quelle que soit l’option envisagée, la troisième comportant des besoins d’investissement annuels plus élevés en 2031-2040, mais plus faibles en 2041-2050, que la première et la deuxième. Toutefois, à l’exception des industries à forte intensité énergétique, les différences entre les options 2 et 3 en ce qui concerne le coût total du système énergétique, le PIB et la compétitivité en matière d’exportations mondiales en résultant restent limitées. L’option 3 prévoit une trajectoire de transition claire d’abandon des combustibles fossiles, dans le sens des préconisations de la COP 28; c’est celle qui présente les avantages les plus importants sur les plans de l’indépendance énergétique et d’une protection renforcée contre les chocs de prix de ces combustibles. Elle renforce l’autonomie stratégique ouverte de l’UE dans un contexte international extrêmement instable, où la dépendance à l’égard des importations de combustibles fossiles constitue un risque pour la sécurité de l’UE et sa stabilité économique.
L’objectif recommandé suppose un déploiement rapide de technologies à émissions de carbone faibles ou nulles d’ici à 2040, par la création d’un vaste marché interne pour les fabricants de technologies propres, l’encouragement de la recherche et de l’innovation et la création d’une base industrielle européenne solide, ce qui placera l’UE à la pointe de la course mondiale aux technologies propres, au lieu d’attendre la décennie précédant 2050 pour passer à l’action. Toutefois, puisque davantage d’initiatives devront être réalisées au cours des années 2031-2040, l’option 3 entraîne également des besoins légèrement plus importants en matières premières (mais moindres durant la décennie suivante) et, si les nouvelles technologies ne sont pas déployées suffisamment rapidement, un risque plus élevé d’éventuels arbitrages environnementaux, notamment en ce qui concerne l’utilisation des terres et le rôle de la biomasse dans le système énergétique.
Un objectif de 90 % nécessitera davantage d’attention et d’efforts pour assurer une transition juste que les objectifs moins ambitieux, la transition étant quelque peu accélérée. Alors que la différence entre les options en matière de coûts pour les ménages est limitée (notamment grâce à l’amélioration de l’efficacité énergétique dans le cas de l’option 3, qui réduit les achats d’énergie), le cadre d’action pour l’après-2030 devrait inclure des mesures adéquates pour garantir des prix de l’énergie abordables et l’accès à des solutions décarbonées. Des mesures redistributives seront essentielles pour faire face aux conséquences sociales, de sorte que personne ne soit laissé pour compte.
Comparaison des objectifs envisagés
Investissements et coûts
Toutes les options supposent un niveau d’investissement similaire sur la période 2031-2050, ainsi que la réorientation de ressources qui, si aucune mesure n’était prise, devraient aussi être investies dans des technologies à plus forte intensité de carbone afin de répondre aux besoins énergétiques de l’économie. Les besoins d’investissement dans le système énergétique représentent en moyenne près de 660 milliards d’EUR (soit 3,2 % du PIB) par an sur l’ensemble de la période (contre 250 milliards d’EUR, soit 1,7 % du PIB, pour les années 2011-2020, une décennie durant laquelle les investissements dans le système énergétique ont été relativement faibles), avec des dépenses annuelles dans les transports () d’environ 870 milliards d’EUR (soit 4,2 % du PIB, une proportion similaire à celle observée pour les années 2011-2020). Avec l’option 3, la réalisation de certains investissements dans le système énergétique sera avancée aux années 2030, l’investissement annuel moyen étant estimé à 710 milliards d’EUR sur la période 2031-2040.
Les coûts du système énergétique () sont également similaires quelle que soit l’option retenue, soit 12,4 % (option 1), 12,7 % (option 2) et 12,9 % (option 3) du PIB entre 2031 et 2040, soit une augmentation modérée par rapport aux 11,9 % du PIB dépensés sur la période 2011-2020; ils retomberont ensuite à environ 11,3 % durant la période 2041-2050. Le coût des importations de combustibles fossiles diminuera considérablement avec l’option 3, pour atteindre moins de 1,4 % du PIB d’ici à 2040 et moins de 0,6 % au cours de la dernière décennie (contre 2,3 % pour les années 2010-2021 et 4,1 % en 2022 pendant la récente crise énergétique), ce qui permet une économie d’environ 2 800 milliards d’EUR sur la période 2031-2050.
Il ressort également de l’évaluation que les progrès, par exemple en ce qui concerne l’économie circulaire, peuvent entraîner une diminution des besoins d’investissement dans le système énergétique d’environ 7 % sur la période 2031-2050 (ce qui représente des économies annuelles de 45 milliards d’EUR) et une baisse des dépenses dans les transports d’environ 9 % (127 milliards d’EUR). Les coûts du système énergétique diminueront pour s’établir à 12,6 % du PIB en 2031-2040 et à 10,8 % en 2041-2050, ce qui est nettement inférieur aux valeurs observées pour les années 2011-2020.
Environnement
Les trois objectifs envisagés présentent des avantages connexes significatifs, notamment l’amélioration de la qualité de l’air, des écosystèmes et de la santé ainsi qu’une baisse des coûts des soins de santé.
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Coût de l’inaction
Les coûts et les incidences humaines du changement climatique sont considérables et vont croissant. Les phénomènes climatiques extrêmes se sont multipliés entre 1980 et 2022, causant 220 000 décès et 650 milliards d’EUR de pertes économiques sur cette période dans l’UE, dont environ 170 milliards d’EUR au cours des cinq dernières années seulement (). Ainsi, en février 2024, il a été décidé d’augmenter de 1,5 milliard d’EUR la réserve de solidarité et d’aide d’urgence de l’UE pour la période 2024-2027 (montant qui s’ajoute au 1,2 milliard d’EUR par an alloué au titre du CFP initial). On estime en outre que 61 000 personnes ont perdu la vie à cause de canicules en 2022, un tribut qui n’a été dépassé qu’en 2003, année où les vagues de chaleur ont entraîné la mort de 70 000 personnes (
). Ces chiffres pourraient augmenter rapidement, étant donné que les effets combinés du changement climatique, de l’utilisation des sols et de la dégradation de l’environnement peuvent aussi avoir une incidence négative sur la santé de multiples manières, en créant de nouveaux risques de transmission d’infections virales parmi des espèces sauvages autrefois isolées géographiquement ainsi que de transmission de maladies des animaux sauvages à l’homme. En outre, le changement climatique, associé à la perte de biodiversité, est un facteur important d’insécurité alimentaire. Nous sommes désormais confrontés à des risques croissants d’atteindre des points de bascule climatiques irréversibles, aux conséquences inconnues mais potentiellement catastrophiques pour les sociétés, les écosystèmes et les économies.
L’inaction entraînerait des coûts nettement plus élevés, qui ne feraient que s’accroître au cours des décennies à venir. Bien que les estimations des coûts liés aux phénomènes météorologiques extrêmes soient hypothétiques, l’analyse d’impact considère de manière prudente, sans tenir compte d’éventuels points de bascule, que ces coûts pourraient faire baisser le PIB d’environ 7 % d’ici à la fin du siècle. Au cours de la période 2031-2050, le coût supplémentaire cumulé pour le PIB d’une trajectoire conduisant à une aggravation du réchauffement climatique pourrait s’élever à 2 400 milliards d’EUR dans l’UE, par rapport au coût d’une trajectoire compatible avec l’objectif de 1,5 °C de l’accord de Paris ().
Bien qu’il ne faille pas sous-estimer les défis liés à la transition vers la neutralité climatique, le processus lui-même sera créateur de nouvelles possibilités importantes tout en garantissant un avenir durable pour tous. Selon les estimations de l’analyse d’impact, la réalisation de l’objectif de 90 % pourrait entraîner une réduction du nombre de décès prématurés dus à la pollution atmosphérique de 466 000 par an en 2015 à 196 000 par an en 2040, parallèlement à une baisse connexe des coûts d’environ 1 700 milliards d’EUR en 2015 à 670 milliards d’EUR en 2040 ().
Les importations nettes de combustibles fossiles seraient réduites, tandis que l’économie va s’accroître. Selon les estimations de l’analyse d’impact, le coût des chocs de prix stylisés des combustibles fossiles en termes de perte de production et d’emploi serait réduit de moitié si de tels chocs se produisaient dans une économie fortement décarbonée (ce qui sera le cas si l’objectif climatique pour 2040 est atteint).
3Réalisation de l’objectif pour 2040
La réalisation de l’objectif pour 2040 dépendra de la mise en œuvre intégrale du cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030, ainsi que de l’élaboration d’un cadre d’action pour l’après-2030. À ces efforts doit s’ajouter un vaste cadre propice à la concrétisation des deux objectifs tout aussi importants du pacte vert pour l’Europe, à savoir la transition juste et la durabilité compétitive. Ce double prisme permettra de prendre les décisions d’investissement nécessaires et de mobiliser des financements, de déployer des technologies innovantes et de faire en sorte que tous les citoyens et tous les secteurs économiques de l’UE puissent tirer parti de la transition et accéder à des solutions abordables.
Mise en œuvre du cadre d’action à l’horizon 2030
Tous les efforts doivent être déployés en vue de la mise en œuvre du cadre d’action en matière d’énergie et de climat à l’horizon 2030, en préalable à la réalisation de l’objectif pour 2040 et de la neutralité climatique à l’horizon 2050, conformément à la loi européenne sur le climat. La mise à jour en cours des plans nationaux en matière d’énergie et de climat (PNEC) est un élément majeur du suivi des progrès accomplis dans la réalisation des objectifs en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030. L’évaluation initiale des projets de PNEC () souligne la nécessité de relever le niveau d’ambition et d’apporter des améliorations aux plans définitifs que les États membres doivent communiquer d’ici à juin 2024. La Commission invite les États membres à prendre des mesures déterminantes pour mettre concrètement en application la législation et les politiques convenues d’un commun accord; elle est disposée à collaborer avec les États membres, les secteurs et les partenaires sociaux pour faciliter la prise des mesures nécessaires. L’instrument d’appui technique de la Commission peut, grâce au savoir-faire sur mesure qu’il peut apporter, aider les États membres à entreprendre des réformes à l’appui de la mise en œuvre du cadre d’action à l’horizon 2030.
Une économie au service des citoyens
Les citoyens de l’UE sont au cœur du pacte vert. Les personnes les plus vulnérables, telles que les personnes à faibles revenus, les personnes handicapées, les membres de communautés marginalisées et les personnes âgées, sont nettement plus exposées aux aléas climatiques, car elles n’ont pas les moyens de se protéger contre les risques que ceux-ci présentent. Cela rend l’action de l’UE pour le climat encore plus importante, parallèlement aux investissements et aux politiques de soutien qui génèrent des avantages sociaux et économiques, lesquels font reculer la pauvreté et les inégalités. Il s’agit notamment d’investir dans l’humain par la reconversion et le perfectionnement professionnels de la main-d’œuvre, par un soutien aux transitions sur le marché du travail et par des mesures ciblées d’aide au revenu. Un dialogue social efficace ainsi qu’une forte participation des acteurs concernés et des citoyens sont essentiels pour anticiper et gérer le changement, parallèlement à des mesures visant à aider l’ensemble de la population à participer activement à la transition écologique grâce à des solutions accessibles, abordables et respectueuses de l’environnement.
Une transition juste et équitable pour les personnes
La transition vers la neutralité climatique s’inscrit dans un contexte marqué, entre autres, par le développement de l’intelligence artificielle, la numérisation, le vieillissement et l’insécurité géopolitique. Tous ces phénomènes vont modifier la manière dont nous produisons et consommons les biens et les services, ce qui ne sera pas sans conséquences sur les ménages et les travailleurs.
En matière d’emploi, les effets de la transition varieront selon les secteurs et les régions, en fonction de leur dépendance à l’égard d’activités spécifiques. Les secteurs tributaires des combustibles fossiles, tels que les transports et les industries à forte intensité énergétique, connaîtront une mutation en profondeur. Il est également essentiel de veiller à ce que les solutions de mobilité restent accessibles et d’un prix abordable pour tous, tant pour les citoyens que pour les opérateurs économiques, et de faire en sorte que les régions rurales et reculées de l’UE soient mieux connectées afin de favoriser davantage leur développement. Les travailleurs, les communautés et les régions qui dépendent d’activités à forte intensité de carbone seront les plus touchés, de sorte que le maintien du soutien pour une transition juste sera indispensable à mesure que la transition prendra forme, parallèlement aux actions et aux mesures étroitement coordonnées et globales des États membres (). La transition ouvrira de nouvelles perspectives pour les entreprises et la création d’emplois, ainsi que pour les travailleurs tous niveaux de compétence confondus, mais certaines régions en tireront plus avantage que d’autres. La politique de cohésion de l’UE, par ses investissements et, en particulier, par l’intermédiaire du Fonds pour une transition juste — un instrument destiné à soutenir la diversification économique et la reconversion des communautés et territoires touchés —, ainsi que les mesures nationales continueront de jouer un rôle fondamental dans l’appui aux régions les plus affectées par la transition.
La tarification du carbone, comme dans le cadre du SEQE de l’UE, permet la réduction des émissions tout en générant d’importantes recettes à utiliser par les États membres pour lutter contre le changement climatique et soutenir de plus en plus l’innovation industrielle et les ménages en vue d’une transition équitable. Le Fonds social pour le climat, qui est financé par le SEQE et auquel doivent également contribuer les États membres, mobilisera 87 milliards d’EUR pour aider les ménages vulnérables, les usagers des transports et les microentreprises. En outre, les États membres sont tenus de dépenser leurs recettes nationales globales provenant du SEQE à des fins liées au climat et à l’énergie, et notamment à la prise en compte des incidences sociales de la transition. Utilisés à bon escient, ces fonds peuvent soutenir les personnes tout au long de la transition et avoir des effets durables sur leur qualité de vie. Le soutien restera nécessaire après 2030, notamment au moyen de mesures prises par les États membres et d’un cadre d’action renforcé pour une transition juste.
Le système énergétique de l’UE
Solutions énergétiques à partir de sources renouvelables, à émissions de carbone faibles ou nulles
Toutes les solutions énergétiques à émissions de carbone faibles ou nulles (y compris les énergies renouvelables, le nucléaire, l’efficacité énergétique, le stockage, le CSC, le CUC, les absorptions de carbone, la géothermie et l’hydroénergie, ainsi que toutes les autres technologies énergétiques «zéro net» actuelles et futures) sont nécessaires pour décarboner le système énergétique d’ici à 2040. Les énergies solaire et éolienne constitueront la grande majorité des solutions fondées sur les énergies renouvelables. La Commission poursuivra ses politiques visant à assurer un déploiement rapide de toutes les énergies renouvelables et des solutions à émissions de carbone faibles ou nulles, ainsi qu’à renforcer l’efficacité énergétique. Elle a mis en place un certain nombre d’initiatives visant à accélérer le déploiement des énergies renouvelables, à créer des conditions favorables aux entreprises européennes des énergies renouvelables et à doper leur compétitivité, notamment l’alliance européenne pour l’industrie solaire photovoltaïque et la charte européenne de l’éolien. Une électrification ambitieuse est essentielle, et la Commission continuera à collaborer avec les États membres pour poursuivre le développement de réseaux plus intelligents et promouvoir l’intégration des systèmes, la flexibilité de la demande et les solutions de stockage. L’accélération de l’octroi de permis et le partage transfrontière des coûts accéléreront le développement de projets éoliens en mer, conformément aux récents plans d’action sur l’éolien et les réseaux.
La communication sur la gestion industrielle du carbone établit une feuille de route pour le déploiement des technologies CSC et CUC nécessaires pour les secteurs dans lesquels les émissions sont difficiles à réduire, et souligne le besoin d’un cadre réglementaire dans des domaines tels que l’injection et le transport de CO2, en préalable à la création d’un marché unique du CO2. La Commission lance également une alliance industrielle visant à favoriser la coopération des acteurs concernés au niveau de l’UE ainsi qu’à accélérer le déploiement des petits réacteurs modulaires et garantir une chaîne d’approvisionnement européenne robuste, notamment grâce à une main-d’œuvre qualifiée. Cela permettra de tirer parti des capacités européennes de fabrication et d’innovation pour accélérer le déploiement des premiers projets de petits réacteurs modulaires dans l’UE d’ici au début de 2030, dans le respect des normes les plus rigoureuses en matière de sûreté nucléaire, de durabilité environnementale et de compétitivité industrielle.
Il est essentiel que l’énergie soit d’un prix abordable pour faire en sorte que l’ensemble de l’économie bénéficie des avantages de la décarbonation. Les prix des combustibles fossiles, volatils, sont fixés par les marchés mondiaux. Depuis plus de dix ans, les coûts de production d’électricité à partir de sources renouvelables sont systématiquement inférieurs à ceux relevés concernant les combustibles fossiles. Le remplacement progressif de la production de combustibles fossiles par des énergies renouvelables, complété par le recours efficace aux sources de flexibilité propres telles que le nucléaire et soutenu par la mise en œuvre intégrale d’une organisation actualisée du marché de l’électricité, la poursuite de l’intégration des systèmes électriques transfrontières dans l’UE (et en dehors de l’UE) et le recours efficace aux sources de flexibilité propres, peuvent contribuer à faire baisser les prix de gros de l’électricité. Une fois que les combustibles fossiles auront été définitivement supplantés dans le bouquet énergétique au cours des vingt prochaines années et que les investissements nécessaires auront été consentis dans les réseaux, les installations de stockage et les batteries, les prix de l’électricité pourraient commencer à diminuer de manière significative dans l’UE. Des investissements sont nécessaires afin d’éviter les goulets d’étranglement dans l’électrification de l’économie. Il est vital de faire en sorte que des outils de financement adéquats existent pour éviter que les investissements nécessaires ne fassent grimper les prix finals pour les consommateurs et l’industrie. Dans l’intervalle, la promotion et l’utilisation accrue des accords d’achat d’électricité contribueront à stabiliser les prix et à protéger les entreprises contre le niveau élevé et la volatilité des prix dus aux combustibles fossiles.
Des politiques sociales et industrielles complémentaires seront nécessaires pour assurer un passage sans heurts des niveaux actuels des prix de l’énergie vers une énergie propre à un prix abordable. L’UE et les États membres peuvent protéger les ménages à revenus faibles ou intermédiaires contre des hausses importantes des prix de l’énergie. Un soutien sur mesure sera nécessaire pour permettre aux industries à forte intensité énergétique de passer la période charnière durant laquelle elles devront à la fois investir dans des méthodes de production propres, lorsque celles-ci seront disponibles, et faire face aux prix élevés de l’énergie. Dans un premier temps, le Fonds pour l’innovation met en adéquation le soutien à l’innovation avec de telles solutions sous la forme de contrats d’écart compensatoire appliqués au carbone. La transition fera naître de nouveaux défis, notamment en ce qui concerne l’utilisation des sols et de l’eau. Il convient de donner la priorité aux solutions «gagnant-gagnant» (toits solaires, agrivoltaïsme, biogaz et biométhane provenant de déchets et résidus organiques), en associant les citoyens aux décisions.
Efficacité énergétique et bâtiments
Le «principe de primauté de l’efficacité énergétique» demeure un principe stratégique fondamental, et l’incidence de l’objectif d’efficacité énergétique à l’horizon 2030 s’étend jusqu’en 2040. Cela permettra de mobiliser des financements privés tous secteurs confondus et de mettre en place un marché européen pour les investissements dans l’efficacité énergétique. Les modèles économiques circulaires réduisent la consommation d’énergie et de ressources. Le secteur public, à tous les niveaux, devrait montrer l’exemple, y compris par la passation de marchés publics écologiques qui tiennent compte des critères de durabilité, et devrait proposer un schéma directeur pour favoriser la transition.
Le parc immobilier de l’UE représente 42 % de la consommation finale d’énergie, soit plus de la moitié de la consommation intérieure brute de gaz naturel et environ 35 % des émissions de gaz à effet de serre liées à l’énergie. Environ 80 % de la consommation d’énergie des bâtiments provient des besoins en chauffage et en refroidissement. La tarification du carbone pour tous les combustibles, prévue à partir de 2027, créera des conditions de concurrence équitables pour l’électricité et générera des recettes, y compris pour le Fonds social pour le climat, qui pourraient être mises à profit pour des investissements et le financement de réformes structurelles. Une taxation de l’énergie repensée peut encore accélérer l’électrification écologique du parc immobilier et du système énergétique.
Électrification, réseaux et infrastructures, intégration des systèmes, stockage, numérisation et flexibilité
L’électrification, avec un système électrique entièrement décarboné d’ici à 2040, est le principal moteur de la transition énergétique. La part de l’électricité dans la consommation finale d’énergie doublera, passant de 25 % aujourd’hui à environ 50 % en 2040. Il ressort de l’analyse d’impact que la majorité des énergies renouvelables (), complétées par l’énergie nucléaire (), généreront plus de 90 % de l’électricité qui sera consommée dans l’UE en 2040 ().
Aujourd’hui, le marché intégré de l’électricité représente un gain d’environ 34 milliards d’EUR par an pour les consommateurs européens (). L’augmentation de la part des énergies renouvelables et de l’électrification nécessitera des investissements considérables dans l’expansion des réseaux électriques de l’UE pour ce qui est de la distribution et du transport, ainsi que dans la mise en œuvre de réseaux plus intelligents et plus flexibles. De nouvelles interconnexions, des réseaux de distribution élargis, des installations de stockage d’énergie, un approvisionnement en énergie pilotable, des solutions liées au marché de la flexibilité et le couplage sectoriel seront nécessaires pour garantir la flexibilité et la sécurité de l’approvisionnement. Le récent plan d’action de l’UE pour les réseaux est une première étape dans ce sens, et sa mise en œuvre rapide devrait rester une priorité pour la Commission, les États membres et l’industrie en vue d’atteindre les objectifs pour 2030 et 2040. Cette expérience pourrait déboucher sur un plan directeur global permettant l’accélération du développement d’une infrastructure énergétique européenne intégrée. La sécurité et la résilience des infrastructures énergétiques critiques constituent une priorité essentielle pour garantir la sécurité et la stabilité de l’approvisionnement énergétique.
Les consommateurs devraient être mis en mesure d’adapter leur consommation aux conditions du marché. La numérisation du système énergétique, notamment le recours à l’intelligence artificielle, est indispensable pour des sources d’énergie plus flexibles ().
Compte tenu de tous ces axes de travail, l’un des objectifs réglementaires primordiaux, tant au niveau de l’UE qu’au niveau national, sera d’éviter des tarifs de réseau trop élevés pour les utilisateurs finals en raison de l’amortissement des investissements initiaux dans le réseau et de l’électrification.
Combustibles fossiles
En 2040, la consommation de combustibles fossiles pour la production d’énergie devrait diminuer d’environ 80 % par rapport à ce qu’elle était en 2021. Le charbon disparaîtra progressivement, tandis que le pétrole dans les transports (routier, maritime et aérien) devrait représenter environ 60 % des utilisations énergétiques restantes de combustibles fossiles. L’utilisation résiduelle de gaz naturel serait répartie entre l’industrie, les bâtiments et le système électrique. Conformément à l’engagement international d’abandon progressif des combustibles fossiles, les politiques devraient garantir que toute combustion restante de combustibles fossiles sera associée dès que possible au captage (utilisation) et au stockage du carbone. La structure du marché du gaz évoluera considérablement, les gaz et combustibles liquides bas carbone et d’origine renouvelable occupant une place de plus en plus importante. Les infrastructures gazières devront s’adapter à la production décentralisée, et une part importante du réseau pétrolier et gazier pourrait être progressivement réaffectée aux carburants de synthèse, aux biocarburants avancés et à l’hydrogène bas carbone et d’origine renouvelable. Les utilisations non énergétiques, notamment en tant que matières premières pour la fabrication de biens, représenteraient un tiers environ de la consommation restante de combustibles fossiles. Les subventions inefficaces en faveur des combustibles fossiles qui ne remédient pas à la précarité énergétique ou ne contribuent pas à la transition juste devraient avoir été progressivement supprimées d’ici là.
Accord de décarbonation de l’industrie
Pour que le pacte vert pour l’Europe soit mis en œuvre avec succès au cours de la prochaine décennie, il doit être complété, dès aujourd’hui et dans les années à venir, par un programme européen renouvelé et plus ferme en faveur d’une industrie et d’une compétitivité durables. Un tel cadre propice à la décarbonation de l’industrie s’appuiera sur le plan industriel du pacte vert (). La mise en place de conditions-cadres favorables pour tous les secteurs de l’économie (y compris l’accès au financement, les compétences et l’énergie à un prix abordable) est un préalable à la réussite de la transition. Dans le même temps, certains secteurs économiques, compte tenu des investissements initiaux à consentir pour les technologies propres et d’un environnement de marché difficile, méritent une attention particulière concernant l’adaptation de leurs procédés de production pour assurer la mise en application du cadre lié au pacte vert. Il en va de même des PME, qui auront besoin d’un soutien spécifique en matière d’accès au financement pour des investissements durables ainsi que pour mieux s’orienter s’y retrouver entre les différentes réglementations pertinentes de l’UE.
Le succès de la transformation permettra à l’UE de maintenir sa puissance industrielle dans des secteurs tels que l’énergie éolienne, l’hydroélectricité et les électrolyseurs, dans lesquels elle enregistre déjà un excédent commercial, et de continuer à augmenter la capacité de production des entreprises de l’Union dans des secteurs en croissance tels que les batteries, les véhicules électriques, les pompes à chaleur, le solaire photovoltaïque, le CUC/CSC, la technologie de production de biogaz et de biométhane durables et l’économie circulaire. Le développement d’industries vertes et circulaires robustes, tant dans l’UE que chez des partenaires partageant la même optique, renforcera la durabilité compétitive de l’UE, multipliera les débouchés commerciaux pour les entreprises, générera des économies d’échelle et, de manière plus générale, sera bénéfique pour l’économie européenne, par la création d’emplois hautement qualifiés afin de soutenir la transition climatique et de veiller à ce que celle-ci soit inclusive et juste au plan social.
La concurrence mondiale sera intense sur les technologies à émissions faibles ou nulles. Le recours massif, par nos principaux concurrents, aux subventions publiques et aux initiatives stratégiques perturbe le commerce libre et équitable. Les technologies «zéro net» sont au cœur d’intérêts géostratégiques considérables et d’une course technologique à l’échelle mondiale. En Chine, la planification à long terme, l’intégration verticale de secteurs entiers et les subventions publiques ont poussé les coûts à la baisse, permettant à ce pays d’asseoir sa domination dans de nombreuses chaînes d’approvisionnement de technologies propres, des matières premières aux produits finals, en passant par les composants. Aux États-Unis, la loi américaine sur la réduction de l’inflation («Inflation Reduction Act») prévoit des incitations fiscales pour l’investissement et la production dans les technologies propres. L’Europe prend des mesures pour préserver son propre rôle de leader dans cette course, en s’appuyant sur ses principaux atouts et en nouant des partenariats gagnant-gagnant avec des partenaires partageant la même optique. Elle continuera d’appliquer ses instruments de défense commerciale afin de protéger l’industrie contre les importations déloyales et, partant, de garantir la résilience des chaînes d’approvisionnement. La force de l’Europe réside notamment dans sa stabilité, ses politiques prévisibles et son expérience, acquise de longue date, dans la mise sur le marché de solutions industrielles innovantes et de haute qualité.
Un cadre propice à l’investissement et à la compétitivité en Europe...
L’établissement d’un environnement réglementaire et financier favorable attirera les investissements et la production en Europe. Le règlement sur les matières premières critiques, le règlement sur l’écoconception pour des produits durables et le règlement pour une industrie «zéro net» sont des instruments de premier plan pour garantir une autonomie stratégique ouverte, notamment par l’intensification de la production dans l’UE, l’établissement de partenariats clés avec des partenaires partageant la même optique, l’application des principes de l’économie circulaire tout au long de la chaîne de valeur, la diversification, la réalisation de projets stratégiques et la facilitation de l’octroi de permis toutes technologies et infrastructures confondues. Le règlement pour une industrie «zéro net» est une étape concrète dans l’élaboration d’un argumentaire économique pour l’industrie en faveur de la transition européenne vers la neutralité carbone. Il traite des bons sujets en ce qu’il accélère considérablement les procédures d’octroi de permis, l’accent étant mis sur les investissements dans la R&D, ainsi que l’accès aux régimes de financement existants de l’UE.
La politique industrielle devrait renforcer les secteurs qui sont nécessaires à la transition écologique, mais qui peuvent être mis en difficulté par celle-ci parce que leur décarbonation est plus problématique, de sorte que, sans une attention et un soutien ciblés et soumis à conditions, ils pourraient ne pas passer le cap de la transition. Il pourrait s’agir, par exemple, d’alliances industrielles et de pôles industriels symbiotiques, tels que les vallées de l’hydrogène (), dans l’UE et les pays voisins. De tels pôles aident les fournisseurs de technologies propres à développer leurs activités et à améliorer leur viabilité commerciale en leur permettant d’approvisionner plusieurs acheteurs industriels au sein d’un même pôle, tandis que l’industrie manufacturière pourrait décarboner ses activités de manière plus efficace et à moindres frais grâce à un accès garanti à des technologies propres et à la mutualisation des coûts. Il convient d’accorder une attention particulière à la création de marchés pilotes pour les technologies et les produits propres en Europe, fondés notamment sur le principe de circularité et les bioproduits issus de sources durables.
En outre, des instruments-relais sont nécessaires pour soutenir les industries avant qu’elles ne deviennent commercialement viables. Cela nécessite une réflexion globale sur tous les aspects qui influent sur l’investissement privé: de la fiscalité à l’accès au financement, en passant par les compétences, les charges réglementaires et les coûts de l’énergie pour les activités commerciales courantes. Dans ce contexte, il convient d’accorder une attention nettement accrue et constante à la simplification de l’environnement réglementaire applicable aux entreprises, ainsi que d’imprimer un nouvel élan en faveur d’un marché unique robuste qui élimine les obstacles réglementaires nationaux inutiles, en particulier en ce qui concerne les technologies clés. Les entreprises seront ainsi à même de développer davantage de solutions fonctionnant dans toute l’Europe, renforçant ainsi leur attractivité économique pour les investisseurs; il s’agit là d’un aspect essentiel pour le succès futur de la mise en œuvre des objectifs de l’UE.
Il convient également d’accorder une attention particulière au rôle des PME. Elles sont des moteurs de la transition et occupent une place fondamentale dans un certain nombre de chaînes d’approvisionnement, mais elles subissent très souvent les effets des modifications du cadre d’action et de la réglementation. Compte tenu de leur petite taille et, partant, de leurs ressources limitées, elles pourraient avoir besoin d’un soutien supplémentaire pour adapter leurs procédés de production, par exemple, afin de mettre en œuvre le cadre du pacte vert.
Les investissements publics doivent être bien ciblés, et conçus en associant et en mutualisant de manière optimale subventions, prêts, fonds propres, garanties, conseils et autres formes d’aide publique, en les rendant accessibles de la manière la plus rapide et la plus simple possible. La facilité pour la reprise et la résilience (FRR), pierre angulaire de NextGenerationEU, continuera de contribuer à la transition écologique. Le Fonds pour l’innovation, dont l’enveloppe est estimée à 40 milliards d’EUR d’ici à 2030, peut jouer un rôle important, notamment grâce à des instruments de mise en concurrence par enchères à l’échelle de l’UE et à des «enchères en tant que service» conjointement avec les États membres. La garantie budgétaire InvestEU devrait mobiliser plus de 110 milliards d’investissements verts s’appuyant sur le budget de l’Union, parallèlement aux ressources du groupe BEI et d’autres partenaires chargés de la mise en œuvre.
En accordant toute l’attention nécessaire à une industrie manufacturière décarbonée et compétitive
L’électrification, des procédés de production adaptés, des carburants bas carbone et un déploiement complet du captage des émissions de procédé permettront à l’industrie manufacturière de réduire considérablement ses émissions de CO2 d’ici à 2040. Le SEQE de l’UE, avec sa tarification commune du carbone, fournit un outil fondé sur le marché pour l’innovation et offre une prévisibilité à long terme pour les principaux émetteurs européens. Pour certaines industries, cela implique d’investir dans une transformation en profondeur de procédés de production (). Le captage, l’utilisation et le stockage du carbone sont une solution pour les secteurs dans lesquels les émissions sont difficiles à réduire, faute d’autres possibilités.
Les coûts de l’énergie sont essentiels à la compétitivité de l’industrie et, en particulier, des industries européennes à forte intensité énergétique (), et méritent qu’on leur accorde une attention particulière au moyen de politiques spécifiques visant à permettre aux pionniers de l’énergie propre de bénéficier d’une transition en douceur en ce qui concerne les prix de l’énergie. Tout d’abord, la réforme adoptée de l’organisation du marché de l’électricité rend les factures énergétiques des entreprises moins tributaires du prix à court terme de l’électricité sur le marché. Il sera essentiel, pour créer une base manufacturière intérieure prospère et atteindre les ambitions en matière de climat, de continuer à étendre l’application du principe de durabilité compétitive en récompensant les entreprises européennes qui investissent dans les technologies à faible intensité de carbone, y compris au moyen de procédures de marchés publics ou de réformes ciblées des réglementations relatives à l’accès au réseau électrique.
... reposant sur une économie plus circulaire et une bioéconomie durable
Il ressort de l’analyse d’impact que, jusqu’en 2040, l’économie circulaire jouera un rôle de plus en plus important à la fois pour la réalisation de l’ambition climatique et pour la mise en place d’un nouveau modèle de prospérité pour l’Europe. Il est essentiel de lutter contre le changement climatique et l’utilisation excessive des ressources, pour de nouvelles perspectives économiques et une plus grande autonomie de l’UE. Cela fait de la mise en œuvre du plan d’action pour une économie circulaire une nécessité et appelle un partenariat renouvelé avec l’industrie dans l’optique d’un futur programme en matière d’économie circulaire.
Un programme actualisé en faveur de l’économie circulaire présente des avantages évidents. Grâce à la réparation, à la rénovation, à la réutilisation et au recyclage de produits existants et, partant, à l’allongement de leur durée de vie fonctionnelle, les ressources sont utilisées plus efficacement dans la production. Les matières premières primaires peuvent être remplacées par des matières premières secondaires à moindre intensité de carbone. Les matériaux d’origine fossile peuvent également être remplacés par des matériaux biosourcés renouvelables issus de sources durables, ou par d’autres matériaux innovants respectueux de l’environnement. C’est notamment le cas dans des secteurs tels que la construction, les produits chimiques ou le textile. Les investissements dans l’innovation relative aux matériaux doivent être accrus, y compris concernant le renforcement des compétences dans le secteur bioéconomique.
Une économie circulaire plus robuste rend possible des modèles commerciaux innovants qui répondent à l’évolution des préférences des consommateurs et tirent parti des solutions numériques. Par exemple, les modèles économiques circulaires tels que le produit en tant que service, la conception circulaire des produits garantissant une plus longue durée de vie, la réutilisation et la réparation, l’économie partagée ou la production à la demande peuvent induire une baisse du coût économique de l’utilisation d’énergie et de matériaux et faire des déchets, en les réinjectant dans l’économie, une ressource ayant une valeur économique. Les entreprises circulaires peuvent faire considérablement baisser les émissions de gaz à effet de serre dans les secteurs où ces émissions sont difficiles à réduire. On peut citer, par exemple, l’environnement bâti grâce à une meilleure gestion des déchets de construction et de démolition, l’industrie lourde grâce à des solutions de gestion des matériaux, le regroupement d’activités industrielles complémentaires très gourmandes en ressources, le transport grâce à la mobilité partagée et la logistique inverse, ainsi que le secteur alimentaire. En 2021, on dénombrait 4,3 millions d’emplois dans les secteurs économiques directement liés à l’économie circulaire, ce qui constitue une augmentation de 11 % par rapport à 2015 (
). La réduction des intrants de matériaux grâce à la réutilisation et au recyclage est susceptible de stimuler la croissance et de créer un nombre important d’emplois dans l’UE, avec, en parallèle, une amélioration des connaissances et des compétences.
En réduisant la dépendance à l’égard des importations de matières premières critiques ainsi que la pression sur l’environnement et les risques associés à l’extraction et à la consommation des ressources naturelles, la circularité peut renforcer la sécurité et l’autonomie stratégique ouverte de l’UE.
Besoin croissant de gestion du carbone et d’absorptions de carbone dans l’industrie
Les efforts de décarbonation industrielle devront également porter sur les «émissions de procédé» qui ne sont pas liées à la combustion de combustibles. Le captage du carbone peut être une solution à cet égard.
L’objectif pour 2040 suppose un déploiement précoce du captage du carbone (). Il s’agit en partie de permettre la réalisation d’absorptions industrielles de carbone qui viendraient s’ajouter aux absorptions terrestres, consistant en la séquestration dans la biomasse et les sols, afin de contribuer à la réduction de 90 % des émissions nettes de gaz à effet de serre.
Un large éventail de solutions sera nécessaire à cet effet, telles que le BioCSC (bioénergie avec captage et stockage du carbone), le DACCS (captage direct dans l’air avec stockage du carbone) et éventuellement d’autres approches nouvelles. Les technologies de captage, d’utilisation et de stockage du carbone (CUSC) permettent la décarbonation de secteurs industriels qui ne disposent pas d’autres solutions de décarbonation, par le stockage permanent du carbone sous terre ou dans des produits et par le remplacement du carbone fossile utilisé actuellement comme matière première dans diverses industries par du carbone non fossile. De même, le développement de chaînes de valeur du CO2 grâce au captage et à l’utilisation du carbone (CUC), les matériaux biosourcés respectueux de la nature, ainsi que le recyclage mécanique et chimique peuvent stimuler le développement de matières premières non fossiles vouées à remplacer les combustibles fossiles dans les produits à base de carbone. Le captage du carbone continuera aussi à occuper une place importante dans les efforts visant à parvenir au «zéro net» à l’horizon 2050 et à des émissions nettes négatives par la suite. Cela nécessite, entre autres, une réflexion continue sur la meilleure manière d’encourager les absorptions industrielles de carbone dans la législation existante de l’Union ou au moyen de nouveaux instruments, qu’il s’agisse de la directive SEQE, qui sera réexaminée en 2026, ou d’instruments spécifiques. Pour tirer parti des possibilités économiques offertes par ces technologies, il demeure essentiel de développer des chaînes de valeur économiques complètes pour celles-ci. C’est la raison pour laquelle la Commission présente, parallèlement à la présente communication, une communication spécifique sur la gestion industrielle du carbone, assortie d’une stratégie pour le cadre d’action, l’accroissement de l’innovation et l’augmentation des investissements afin d’exploiter ce potentiel. De nouveaux investissements publics seront nécessaires pour renforcer la recherche et l’innovation en faveur de cette industrie naissante. Les absorptions industrielles de carbone ne remplacent pas les absorptions de carbone naturelles, qui restent essentielles pour atteindre l’objectif climatique, mais les complètent.
Dans des conditions équitables à l’échelle mondiale
La transition ne sera couronnée de succès que si l’Europe demeure une économie souveraine et résiliente qui diversifie ses sources d’approvisionnement et qui résiste aux perturbations de l’approvisionnement, à la volatilité des prix et à d’autres chocs. Étant donné que l’UE réduit sa dépendance à l’égard des combustibles fossiles importés, des décisions stratégiques doivent être prises pour que de nouvelles vulnérabilités ne fassent pas leur apparition du fait des importations de technologies «zéro net» ou de produits énergétiques à faibles émissions.
Parallèlement aux efforts visant à créer des chaînes de valeur pour les technologies clés sur le continent européen, l’UE doit adopter une approche stratégique des marchés mondiaux afin de garantir l’accès aux matières premières stratégiques, notamment critiques, à des prix abordables. L’UE devrait également tirer parti de sa plus grande force, le marché unique, en recourant aux instruments d’achat conjoint et en permettant aux acteurs industriels d’opter pour différents modèles de coopération afin de négocier conjointement de meilleures conditions, y compris pour ce qui est des prix pratiqués par les producteurs mondiaux, assorties d’importantes garanties pour encourager la répercussion des avantages sur l’utilisateur final et la participation des petites entreprises. En parallèle, l’UE devrait faire en sorte que la coopération et le commerce à l’échelle mondiale soient au service de la durabilité. L’UE devrait encourager l’élaboration de normes internationales sur la scène mondiale, en s’appuyant sur les normes européennes en tant que sources de bonnes pratiques.
Étant donné que l’UE est aux avant-postes pour ce qui est de la décarbonation de son industrie, des mesures supplémentaires sont nécessaires afin de garantir la compétitivité des exportations européennes sur les marchés mondiaux. Des conditions de concurrence véritablement équitables pour les entreprises en Europe et dans le monde entier sont mises en place lorsque d’autres pays adoptent leur propre tarification du carbone, ce qui contribuerait également à relever le niveau mondial d’ambition en matière d’action pour le climat.
Décarboner les transports et améliorer la mobilité
Dans le secteur des transports, la mise en œuvre des mesures du paquet «Ajustement à l’objectif 55», qui combinent des solutions technologiques et une tarification du carbone, ainsi qu’un système de transport multimodal efficace et interconnecté, tant pour les passagers que pour le fret, permettront de réduire les émissions de près de 80 % en 2040 par rapport à 2015.
Décarboner les transports d’une manière qui permette de garantir leur caractère abordable et leur accessibilité nécessitera des investissements importants aussi bien dans de nouveaux actifs (véhicules, aéronefs, équipements ferroviaires et navires à émissions faibles ou nulles) que dans les infrastructures de ravitaillement et de recharge. Dans le même temps, les coûts des carburants renouvelables et bas carbone ne devraient pas être sous-estimés et restent un facteur clé de la compétitivité des opérateurs de transport, en particulier dans les secteurs maritime et aérien. Il est essentiel de veiller à ce qu’une quantité suffisante de matières premières destinées à la production de carburants alternatifs durables soit mise à disposition au moyen de mesures spécifiques, y compris réglementaires si nécessaire, pour atteindre de manière rentable l’ambition fixée. En ce qui concerne les autres secteurs, les besoins d’investissement associés dans les transports méritent une discussion avec les États membres, la Banque européenne d’investissement et les institutions financières sur la manière dont les outils financiers innovants de l’UE peuvent réduire les risques liés aux investissements stratégiques décisifs d’une manière neutre sur le plan technologique pour l’économie européenne.
Les projections relatives aux émissions varient considérablement d’un mode de transport à l’autre. Les réductions d’émissions de CO2 du transport par route accéléreront au fil du temps et s’accompagneront d’une meilleure qualité de l’air dans les villes grâce au déploiement de véhicules à émissions nulles favorisé par les critères relatifs aux émissions de CO2, qui entraînera un quadruplement de l’électrification du secteur entre 2031 et 2040. La part des véhicules électriques à batterie et d’autres véhicules à zéro émission devrait augmenter pour atteindre plus de 60 % pour les voitures, plus de 40 % pour les camionnettes et près de 40 % pour les véhicules utilitaires lourds () d’ici à 2040. Cette transformation représente une véritable occasion en termes de politique industrielle pour un secteur vital de l’économie de l’UE, grâce à des investissements dans les infrastructures et la pleine intégration du secteur dans le réseau électrique, au développement de chaînes d’approvisionnement en matières premières critiques et au développement d’une main-d’œuvre qualifiée. Au-delà des normes en matière de CO2, la tarification du carbone et la mise à jour des politiques en matière de carburants permettront la décarbonation du parc automobile déjà en circulation (parc historique).
Les émissions du transport maritime et aérien seront réduites grâce aux efforts combinés des mesures du paquet «Ajustement à l’objectif 55». Cela inclut la réalisation des objectifs fixés dans les initiatives FuelEU Maritime () et RefuelEU Aviation (), qui stimulent le déploiement de carburants renouvelables et bas carbone et de navires et aéronefs à émissions nulles. Grâce au SEQE, l’UE est la première instance à imposer un prix explicite du carbone sur les émissions de ces secteurs. Cela permettra d’accélérer la généralisation des technologies à émissions nulles, des carburants renouvelables et bas carbone et des solutions en matière d’efficacité énergétique dans l’aviation et le transport maritime, et générera des recettes pour ce faire. À titre d’exemple, la Commission organisera des appels à propositions sur des thèmes spécifiques du secteur maritime dans le cadre du Fonds pour l’innovation, comme cela a déjà été annoncé.
Comme convenu en 2023, la Commission évaluera en 2026 une extension de la tarification du carbone pour les secteurs de l’aviation et du transport maritime (). S’attaquer aux obstacles qui s’opposent au déploiement des carburants de substitution à émissions faibles ou nulles (y compris les carburants de synthèse et les biocarburants avancés) dans les secteurs de l’aviation et du transport maritime et donner à ces secteurs un accès prioritaire à ces carburants par rapport à des secteurs qui disposent d’autres solutions de décarbonation, telles que l’électrification directe, leur permettra de contribuer aux objectifs climatiques de l’UE et au programme mondial en matière de climat (). Ainsi, l’ensemble des effets de l’aviation sur le climat devraient être dûment pris en compte, conformément aux dernières conclusions scientifiques, et un système permettant aux compagnies aériennes de surveiller, vérifier et faire état des émissions autres que de CO2 et des incidences de l’aviation sur le climat devrait être mis en place.
Des investissements considérables dans le système énergétique seront nécessaires pour remplacer les combustibles fossiles par des carburants renouvelables et bas carbone dans l’alimentation du secteur des transports. Il est essentiel de veiller à ce qu’une quantité suffisante de matières premières pour la production de carburants de substitution durables soit mise à disposition grâce à des mesures spécifiques afin d’atteindre l’ambition fixée.
Une utilisation accrue du rail, grâce à une meilleure exploitation des capacités de l’infrastructure ferroviaire, et un système de transport multimodal efficace et interconnecté, tant pour les voyageurs que pour le fret, soutenu par le réseau transeuropéen de transport multimodal, peuvent donc contribuer de manière significative à la réduction des émissions dans leur ensemble. Le déploiement de différents modèles fondés sur la mobilité en tant que service, la multimodalité, des solutions numériques et une logistique verte optimisée (par exemple, pour le fret) permettra de moderniser et de décarboner le secteur des transports. La promotion d’une mobilité urbaine durable et abordable, y compris au moyen d’une planification urbaine adéquate, sera importante pour disposer de davantage de transports publics et permettre une mobilité active (à pied et à vélo) pour les trajets de courte distance, ce qui présente des avantages à la fois pour le climat et pour la santé des Européens.
Terres, alimentation et bioéconomie
Garantir une production alimentaire neutre pour le climat et renforcer les secteurs de la bioéconomie
Garantir une production alimentaire suffisante, abordable et de qualité en Europe revêt une importance stratégique. Dans le même temps, les agriculteurs et sylviculteurs européens offrent de multiples services vitaux pour la société, l’environnement et l’économie de l’UE. Ils assurent la production de matériaux biosourcés et de denrées alimentaires primaires, sont au cœur de la bioéconomie et des chaînes de valeur du système alimentaire et jouent un rôle essentiel pour garantir la sécurité alimentaire. En tant que gestionnaires des terres, ils sont également essentiels pour garantir des services écosystémiques tels que la protection et la restauration de la biodiversité, les absorptions de carbone ou l’adaptation au changement climatique.
Comme tous les autres secteurs, les activités agricoles jouent un rôle important dans la réalisation de l’ambition climatique de l’UE à l’horizon 2040, tout en contribuant à la souveraineté alimentaire de l’UE. Des stratégies appropriées, telles que le renforcement de la disponibilité de solutions de substitution à faible intensité de carbone () et d’applications circulaires, telles que RENURE (), avec un soutien adéquat pour assurer la cohérence et réduire les coûts, peuvent contribuer à trouver des solutions. C’est pourquoi la Commission a choisi de mettre en place un dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture de l’UE afin, notamment, d’organiser collectivement la transition de manière conjointe, et s’est engagée à intensifier également le dialogue avec les propriétaires forestiers et d’autres parties prenantes du secteur. Ce dialogue portera sur des questions telles que la viabilité des moyens de subsistance, la réduction des charges et la garantie d’une production alimentaire compétitive et durable à l’avenir. Étant donné qu’elle compte parmi les producteurs mondiaux de denrées alimentaires les plus efficaces en termes d’émissions de gaz à effet de serre, l’UE devrait également s’employer à prévenir la concurrence déloyale et à garantir des conditions de concurrence équitables avec les producteurs de pays tiers, notamment au moyen d’accords commerciaux.
Les matériaux biosourcés qui sont issus de sources durables peuvent non seulement stocker du carbone sur de longues périodes (par exemple, si le bois est utilisé comme matériau de construction), mais aussi remplacer les matériaux d’origine fossile. Les secteurs de l’utilisation des terres contribuent ainsi à la décarbonation d’autres secteurs. Une gestion des ressources plus efficace et plus respectueuse de la biodiversité dans le secteur de l’utilisation des terres permettra également de renforcer sa résilience face aux effets du changement climatique, d’améliorer la fertilité des sols et de protéger et restaurer la nature, ce qui apportera des solutions avantageuses à la fois pour la sécurité alimentaire et pour la productivité des terres. En ce qui concerne le secteur de la pêche et de l’aquaculture, la Commission a proposé en février 2023 des mesures visant à parvenir à la neutralité climatique à l’horizon 2050, en améliorant l’efficacité énergétique et en passant à des sources d’énergie renouvelables à faibles émissions de carbone ().
Cela étant dit, les politiques qui s’intéressent au secteur alimentaire dans sa globalité sont plus efficaces que celles couvrant les secteurs de l’agriculture et de la pêche isolément, car de nombreuses décisions présentant un grand potentiel d’atténuation touchent à des questions extérieures à l’exploitation: la composition chimique des engrais, l’utilisation circulaire des déchets alimentaires (résidus de cultures, fumier, sous-produits de la pêche), la réduction du gaspillage alimentaire aux stades de la production et de la vente au détail, le choix des ingrédients des produits alimentaires manufacturés et les choix alimentaires des consommateurs. Une approche globale du secteur alimentaire est également le meilleur moyen d’assurer aux agriculteurs des revenus stables et équitables pour leurs produits.
L’industrie alimentaire a une grande influence sur les décisions des producteurs et des consommateurs. Elle devrait bénéficier des incitations appropriées pour se fournir en ingrédients plus durables et pour contribuer à rendre une alimentation plus saine accessible et abordable pour les consommateurs (). La politique agricole commune fournit des outils essentiels pour soutenir la transition du secteur agricole vers de nouvelles pratiques et de nouveaux modèles d’entreprise durables. En particulier, les exploitations agricoles familiales et celles qui pratiquent à la fois la culture et l’élevage constituent l’épine dorsale de l’agriculture de l’Union et devraient être accompagnées dans la transition vers un secteur de l’utilisation des terres neutre pour le climat, en tenant compte des dimensions sociale, environnementale et économique.
En outre, il est essentiel de créer de nouvelles possibilités commerciales pour une chaîne de valeur agroalimentaire durable et de mobiliser des fonds privés en synergie avec des financements publics. Cela pourrait se faire au moyen de nouveaux mécanismes fondés sur le marché pour stimuler l’alimentation durable, ce qui permettrait d’obtenir à la fois un meilleur prix des denrées alimentaires reflétant leur durabilité, une rémunération équitable pour les agriculteurs et une nouvelle source de financement pour les investissements. Seuls une coordination résolue avec tous les acteurs industriels de l’ensemble de la chaîne de valeur alimentaire et l’accent mis sur des pratiques commerciales équitables tout au long de cette chaîne permettront de mettre en place des incitations appropriées en faveur de pratiques agricoles durables, de garantir un revenu décent et pérenne aux agriculteurs et de générer des revenus pour soutenir la transition.
Grâce aux progrès réalisés dans le domaine des technologies numériques de surveillance et des services de conseil, les agriculteurs et sylviculteurs seront en mesure de quantifier leur bilan en termes d’émission de gaz à effet de serre à l’aide de méthodes de certification fiables et harmonisées (). Des approches telles que la gestion agricole du carbone permettent de récompenser de manière appropriée l’action climatique certifiée au moyen de contrats fondés sur les résultats conclus avec d’autres acteurs de la chaîne de valeur ou grâce à un soutien public. L’agriculture de précision est un outil important pour soutenir ces réalisations, permettant aux agriculteurs de mieux utiliser leurs sols et d’autres atouts naturels au bénéfice du climat et de l’environnement.
Enfin, étant donné que la suppression progressive de l’économie de l’UE du carbone d’origine fossile ouvrira de nouvelles possibilités commerciales pour les agriculteurs, les sylviculteurs et les pêcheurs de fournir de manière durable de la biomasse et des matériaux biosourcés destinés à différentes utilisations dans la bioéconomie, y compris dans l’industrie, la construction, les produits chimiques, l’énergie ou la mobilité. L’utilisation accrue des résidus et des déchets de biomasse, des biocarburants avancés, des technologies BECCS et des produits biosourcés devrait s’accompagner de règles claires qui favorisent la durabilité et tiennent compte des incidences sur la taille du puits de carbone naturel dans le secteur UTCATF.
Écosystèmes sains, utilisation durable des sols, nature et biodiversité
Un objectif pour 2040 et une feuille de route claire pour la période comprise entre 2030 et 2050 devraient exploiter et encourager les synergies entre la neutralité climatique, la biodiversité et les autres objectifs environnementaux.
La réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’augmentation des absorptions de carbone peuvent améliorer la résilience et la biodiversité, tandis que la santé de la nature et de la biodiversité est essentielle à l’atténuation du changement climatique et à la résilience. Le changement climatique devrait entraîner une extension des zones à risque d’incendie dans toute l’Europe — une menace pour les puits de carbone et la biodiversité. Les écosystèmes aquatiques sont également très vulnérables au changement climatique. Les niveaux élevés d’ozone et la pollution atmosphérique endommagent les forêts, les écosystèmes et les cultures, réduisant ainsi leur potentiel d’absorption du carbone et d’adaptation.
Compte tenu de l’intensification de la concurrence pour les terres et l’eau, des politiques devraient être conçues de manière à garantir une production et une consommation de denrées alimentaires, de matériaux et de bioénergie qui soient durables et économes en eau. La bioénergie devrait être destinée en priorité aux secteurs dans lesquels le potentiel d’électrification est limité, tels que le transport aérien ou maritime.
Investir dans notre avenir
Un programme d’investissement global
Dans un contexte de concurrence mondiale très intense pour attirer les investissements, l’UE a besoin d’une importante initiative stratégique et financière afin d’attirer et de mobiliser les investissements privés à l’intérieur de ses frontières, ainsi que d’un environnement propice aux investissements du secteur privé en dehors des frontières de l’UE.
L’UE dispose d’une base solide sur laquelle s’appuyer. Le cadre de l’UE en matière de finance durable a déjà contribué à renforcer la transparence des décisions commerciales des entreprises et à accroître la contribution du secteur financier à la transition. Ce cadre continuera d’être affiné et développé pour répondre aux besoins d’un plus grand nombre d’acteurs, y compris ceux qui se trouvent aux premiers stades de la transition, afin d’en maximiser l’impact. Toutefois, la prévisibilité et la réglementation ne suffiront pas pour réaliser la transition. L’Europe doit devenir plus attrayante pour les investissements privés. D’une part, l’union des marchés des capitaux de l’UE doit être approfondie pour libérer le potentiel de 470 milliards d’EUR de financement privé annuel destiné aux entreprises à tous les stades de leur développement, y compris le capital-risque visant à atteindre les objectifs de durabilité de l’UE et les investissements durables à long terme en faveur de la transition climatique ().
Une capacité stratégique renforcée permettant de recenser et de faciliter les nouvelles possibilités d’investissement ainsi que les nouveaux projets dans les secteurs ayant le plus d’incidences serait de nature à en augmenter les effets. La Commission, les États membres et l’industrie doivent élaborer conjointement un argumentaire commercial pour les nouveaux modèles économiques dans les secteurs clés de l’économie nécessaires à la transition, en particulier dans le domaine des technologies propres, des industries à forte intensité énergétique décarbonées et de l’agriculture. À cet égard, les efforts visant à simplifier l’environnement réglementaire et à créer un véritable marché unique pour les entreprises sont utiles à cet égard.
Le soutien au secteur public et les investissements directs devraient être déployés de manière stratégique, notamment en concentrant en début de période et en maximisant les ressources existantes avec une mise en commun à grande échelle des financements, en les rendant accessibles de la manière la plus rapide et la plus simple possible et en facilitant les synergies entre les différents instruments. La coordination entre les actions menées au niveau de l’UE et des États membres est essentielle pour maximiser l’impact des initiatives de financement, les actions au niveau de l’UE fournissant un cadre permettant d’optimiser les politiques et de mobiliser des ressources financières, tandis que les États membres adaptent les initiatives aux besoins régionaux et nationaux spécifiques, dans le respect du cadre des aides d’État. La plateforme «Technologies stratégiques pour l’Europe» (STEP) proposée vise, par exemple, à améliorer la coordination des financements afin de mobiliser davantage les investissements stratégiques dans les technologies propres et les biotechnologies.
Du point de vue du secteur public, il est essentiel de diversifier le paysage financier au moyen d’instruments financiers innovants et de subventions ciblées afin d’attirer des capitaux privés et d’atteindre les objectifs d’investissement. Il est clairement nécessaire, d’une part, d’utiliser, les fonds publics de manière plus efficace et mieux adaptée aux circonstances et, d’autre part, de faire usage des produits financiers et de combiner les sources de financement afin de catalyser les investissements privés et de réduire les risques qui y sont associés.
L’aide financière ne devrait être utilisée que de manière stratégique pour soutenir des projets à faible intensité de carbone en phase de démarrage dans le secteur industriel (par exemple dans les énergies renouvelables) et d’autres projets qui manquent de viabilité commerciale et pour lesquels les investissements privés sont encore au stade initial et difficiles à mobiliser. Pour les projets arrivés à maturité et qui génèrent des revenus, des instruments financiers axés sur le marché tels que le financement par emprunt ou par fonds propres peuvent jouer un rôle central. Ces instruments peuvent également être utilisés pour des projets inédits ou révolutionnaires à haut risque, sous la forme de financements à impact ou de capital-risque. Le rôle du Groupe BEI et d’autres institutions financières internationales et publiques est essentiel dans la mobilisation des investissements privés, notamment pour réduire les risques liés aux projets, par exemple dans le domaine des matières premières critiques, et pour promouvoir l’investissement dans les infrastructures, accorder des échéances plus longues et des montants plus importants, et donner un signal pour d’autres participations du marché.
Dans l’ensemble, il sera nécessaire d’adopter une approche européenne en matière de financement dans les années à venir, en étroite coordination avec les États membres, la Banque européenne d’investissement et les institutions financières, afin de garantir des conditions de concurrence équitables dans l’ensemble du marché unique. Compte tenu des défis à relever pour accélérer le déploiement des technologies «zéro net», une intervention au niveau de l’Union contribue à coordonner les réponses apportées par les États membres.
La récente contre-garantie de la Banque européenne d’investissement (5 milliards d’EUR) en faveur de projets éoliens, par exemple, devrait générer 80 milliards d’EUR d’investissements. Cela montre l’intérêt de mener une discussion avec les États membres sur la manière dont ces outils financiers innovants de l’UE peuvent réduire les risques liés aux investissements stratégiques décisifs d’une manière technologiquement neutre dans notre économie.
Sur la base de l’expérience acquise par la Commission dans le cadre d’InvestEU, il convient de simplifier encore l’utilisation des instruments financiers afin de les rendre plus attrayants pour les investisseurs et les promoteurs de projets, notamment en adaptant les instruments à des types d’investissement spécifiques, en fournissant des conditions d’utilisation claires, en rationalisant les procédures de demande et en mettant au point des plateformes conviviales, en publiant des orientations et en réduisant les charges administratives. Une simplification accrue de l’ensemble des programmes et du règlement financier de l’UE est également nécessaire afin d’offrir de véritables guichets uniques pour le financement et les possibilités de financement, ce qui permettra de mettre les ressources en commun et de garantir un accès accéléré et simple au financement, éventuellement combiné à des subventions, en limitant les formalités de demande d’aide. Ces mesures sont nécessaires pour garantir des conditions de concurrence équitables d’accès au financement, ce qui est particulièrement pertinent pour les intermédiaires financiers et les petites entreprises dont les capacités organisationnelles sont limitées.
Il importe de préserver une marge de manœuvre budgétaire suffisante dans les États membres pour l’investissement, dans le cadre de la soutenabilité de la dette à moyen et à long terme. Le Fonds pour l’innovation ainsi que les recettes nationales dans le cadre du SEQE de l’UE fournissent aux États membres une quantité importante de fonds qui peuvent être utilisés pour des investissements à l’épreuve du temps. Ces mesures devraient être complétées par des réformes structurelles visant à accélérer la transition vers la neutralité climatique. De même, le budget de l’UE devrait viser à promouvoir, faciliter et encourager les investissements entraînant une baisse du niveau d’émissions, tout en continuant à mettre en œuvre, le cas échéant, le principe consistant à «ne pas causer de préjudice important», comme convenu par les colégislateurs pour le prochain CFP. Le budget devrait être augmenté afin de permettre des investissements de meilleure qualité. Dans ce contexte, la Commission demande que des progrès rapides soient réalisés en ce qui concerne la proposition de ressources propres du SEQE.
L’objectif pour 2040 devrait également guider le secteur financier et les autorités de surveillance lorsqu’elles évaluent les risques que présentent les investissements en lien avec la transition climatique, ce qui permettra d’obtenir des conditions favorables en cas de minimisation des risques et de prendre des mesures d’atténuation appropriées dans le cas contraire.
Recherche, innovation et numérisation
Parmi les technologies à déployer pour atteindre l’objectif de l’UE pour 2040, certaines, comme l’énergie solaire, sont déjà prêtes à être commercialisées, tandis que d’autres doivent encore être améliorées et développées.
Il est donc primordial de continuer à investir dans la recherche et la démonstration de technologies «zéro net» innovantes, de coordonner les efforts de l’UE et des États membres en matière de R&I et de redoubler d’efforts pour mettre des innovations sur le marché et les mettre en œuvre à plus grande échelle. Des recherches de premier plan à l’échelle mondiale sur les technologies industrielles à émissions de carbone faibles ou nulles sont menées aux niveaux européen, national et régional dans l’ensemble de l’UE, les programmes Horizon 2020 et Horizon Europe finançant la R&I de pointe, y compris au moyen de partenariats avec l’industrie et les États membres, afin de contribuer à faire passer les technologies bas carbone destinées aux industries à forte intensité énergétique du stade de la recherche fondamentale à celui du déploiement (). Horizon Europe allouera à lui seul plus de 30 milliards d’EUR (au moins 35 % de son budget) à l’action pour le climat.
Les recettes tirées de la tarification du carbone constituent une source claire de financement pour le déploiement de technologies et de solutions innovantes à faible intensité de carbone. Depuis sa création en 2005, le SEQE a généré plus de 180 milliards d’EUR, dont la majeure partie est destinée aux États membres. Les États membres devraient être encouragés à investir ces recettes dans des réformes structurelles tournées vers l’avenir qui accélèrent considérablement la fabrication d’équipements technologiques propres innovants et démontrent et soutiennent le déploiement précoce de solutions industrielles à émission quasi nulles.
Au niveau de l’UE, le Fonds pour l’innovation du SEQE de l’UE est un outil stratégique qui permet de soutenir et d’intensifier l’innovation dans le domaine des technologies «zéro net» vers une maturité technologique et commerciale totale. Il devient un instrument essentiel pour la mise en œuvre de la stratégie industrielle du pacte vert pour l’Europe. Lors de ses trois premiers cycles, le Fonds pour l’innovation a alloué 6,5 milliards d’EUR à environ 100 projets pilotes et installations de démonstration pour des technologies innovantes à faible intensité de carbone. Le montant et la répartition sectorielle des demandes au Fonds pour l’innovation témoignent de l’enthousiasme des acteurs industriels pour cette transformation et d’une réserve de projets prometteuse et abondante. La forte participation à tous les appels à propositions pour des projets à grande échelle traduit la nécessité d’augmenter les fonds disponibles. Par exemple, lors des deux premiers cycles, les fonds demandés s’élevaient à 33,8 milliards d’EUR, pour un budget total de 1,1 milliard d’EUR. L’industrie européenne dispose certainement du savoir-faire nécessaire, mais elle est confrontée au défi d’investir dans la nouvelle révolution industrielle, pour laquelle le Fonds pour l’innovation peut être un moteur d’investissement rentable basé sur l’UE et adapté au marché unique. La Commission s’efforcera donc de maximiser le budget au titre du Fonds pour l’innovation jusqu’en 2028 en anticipant l’engagement des fonds disponibles. La Commission renforcera également les synergies avec d’autres instruments et développera le Fonds pour l’innovation en tant que plateforme pour aider les États membres, par le biais d’enchères, à sélectionner les projets les plus prometteurs et à les soutenir de manière rentable avec des fonds nationaux. Les approches innovantes, telles que les «enchères en tant que service», constituent un moyen prometteur de sélectionner les projets les plus compétitifs et les plus efficaces sur le plan environnemental dans l’ensemble du marché unique, sans distorsions de concurrence et dans le respect des règles en matière d’aides d’État.
De nouvelles possibilités commerciales «zéro net» conduisent à la création d’emplois et à la demande de nouvelles compétences. La demande de main-d’œuvre qualifiée supplémentaire s’accompagnera d’investissements réalisés avant 2030 pour atteindre l’objectif pour 2040, dans les technologies «zéro net», la rénovation des bâtiments, les matériaux innovants et la maintenance d’équipements «zéro net». Les compétences des travailleurs participant à des activités en déclin liées aux combustibles fossiles ou à forte intensité d’émissions ne peuvent pas toujours être facilement transférées vers de nouvelles activités. Sur la base de l’agenda des compétences, de l’Année européenne des compétences et des initiatives existantes de l’UE, il convient d’élaborer un programme ambitieux de formation et de reconversion, coordonné au niveau de l’UE et des États membres, afin de répondre à la demande de nouvelles compétences et de nouveaux emplois. Ce programme devrait garantir des possibilités d’emploi nouvelles et améliorées pour les personnes actuellement employées dans des secteurs qui cessent progressivement leurs activités, et veiller à ce que la transition ne soit pas entravée par une inadéquation de compétences et des pénuries de main-d’œuvre qualifiée.
La poursuite de la numérisation de l’économie fournira des outils, par exemple pour gérer l’intégration du système énergétique et contribuer à une gestion durable de nos terres ().
4Conclusion et prochaines étapes
Pour garantir la prospérité et le bien-être des générations actuelles et futures, l’UE doit poursuivre sa transition vers la neutralité climatique et vers une économie durable et compétitive, résiliente face aux risques climatiques et géopolitiques et libérée des dépendances critiques.
Des conclusions et des enseignements importants pour la transition peuvent être tirés de l’analyse de la Commission (annexée à la présente communication) et servir de base à un large débat sur les mesures à prendre au sein de l’UE et en coopération avec nos partenaires dans le monde.
La présente communication pose les jalons d’un débat politique et des choix à opérer par les citoyens et les gouvernements européens concernant la voie à suivre. La prochaine Commission s’en inspirera pour présenter sa proposition législative visant à inclure l’objectif pour 2040 dans la loi européenne sur le climat et à élaborer un cadre d’action approprié pour l’après-2030. Ce qui sera réalisé entre 2024 et 2029 déterminera la voie que l’Europe suivra jusqu’en 2040 et au-delà, jusqu’en 2050. Le cadre d’action devra garantir une contribution équilibrée et rentable de tous les secteurs à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et aux absorptions de carbone.
Dans le même temps, pour réaliser les réductions des émissions de gaz à effet de serre et les absorptions de carbone nécessaires, des conditions propices doivent être réunies. Il s’agit notamment de mettre en œuvre intégralement le cadre pour 2030, de garantir la compétitivité de l’industrie et de l’agriculture européennes, d’adopter des mesures visant à assurer une transition juste, d’opérer dans des conditions équitables à l’échelle mondiale, et de mener un dialogue stratégique avec les parties prenantes sur le cadre pour l’après-2030, notamment pour permettre au secteur agricole de conserver son rôle de garant de la sécurité alimentaire tout en réduisant ses émissions.
En fixant l’objectif pour 2040, l’UE montrera sa détermination à rester à l’avant-garde de la dynamique mondiale qui consiste à développer des technologies de fabrication propres et à exploiter les possibilités de croissance économique et de création d’emplois qui en découlent. Elle enverra un signal clair au reste du monde indiquant que l’Europe reste pleinement engagée en faveur de l’accord de Paris et de l’action multilatérale, montrant ainsi l’exemple et ouvrant la voie à d’autres pour mener leurs propres actions.
ANNEXE
8Éléments permettant d’atteindre l’objectif pour 2040
1.Un système énergétique résilient et décarboné pour nos bâtiments, nos transports et notre industrie
·Toutes les solutions énergétiques à émissions nulles ou faibles seront nécessaires (énergies renouvelables, nucléaire, efficacité énergétique, davantage de bioénergie durable, stockage, CUC, absorptions de carbone ainsi que toutes les autres technologies énergétiques «zéro net» actuelles et futures).
·La transition vers l’abandon des combustibles fossiles renforcera l’indépendance et l’autonomie stratégique ouverte de l’UE et réduira le risque de chocs des prix. Les combustibles fossiles solides devraient être progressivement supprimés. Conformément à REPowerEU, l’utilisation de gaz et de pétrole devrait diminuer au fil du temps de manière à garantir la sécurité d’approvisionnement de l’UE. Une chaîne d’approvisionnement en hydrogène renouvelable et bas carbone devrait contribuer au stockage saisonnier et à la transition dans les secteurs difficiles à décarboner.
·L’électrification sera au cœur de la transition, grâce au déploiement d’infrastructures de recharge et de pompes à chaleur et à l’isolation des bâtiments. Le secteur de l’électricité devrait être presque entièrement décarboné au cours de la seconde moitié des années 2030, et atteindre une plus grande flexibilité grâce aux réseaux intelligents, au stockage de l’énergie, à la participation active de la demande et au stockage d’énergie pilotable à faibles émissions de carbone. Cela nécessitera un important effort de reconversion dans les secteurs de la fabrication et de la maintenance.
·L’objectif climatique pour 2040 requiert une expansion et une modernisation substantielles des réseaux électriques et des installations de stockage de l’UE. L’évolution du bouquet énergétique nécessitera des investissements importants au cours des 10 à 15 prochaines années et dépendra de la capacité d’établir un cadre réglementaire approprié, une planification intégrée des infrastructures, une fabrication compétitive et des incitations en faveur de chaînes d’approvisionnement résilientes.
2.Une révolution industrielle axée sur la compétitivité fondée sur la recherche et l’innovation, la circularité, l’utilisation efficace des ressources, la décarbonation industrielle et la fabrication de technologies propres
·Un programme d’investissement global est nécessaire pour attirer des capitaux privés et faire en sorte que l’UE reste une destination attrayante pour les investissements dans la recherche, l’innovation, le déploiement de nouvelles technologies, les solutions circulaires et les infrastructures. Il est également nécessaire d’utiliser de manière intelligente et anticipée le soutien public à cette transition, ainsi que de réduire les risques liés aux investissements privés à grande échelle.
·Étant donné que le pacte vert doit également être un accord de décarbonation de l’industrie, un cadre propice à l’industrie décarbonée devrait aller de pair avec une politique industrielle renforcée de l’UE grâce à des chaînes de valeur résilientes, notamment pour les matières premières critiques primaires et secondaires, avec une augmentation des capacités de production intérieure dans les secteurs stratégiques, et avec l’intégration complète du principe de durabilité compétitive dans les marchés publics. Cela nécessitera des mécanismes de financement dotés des ressources suffisantes au niveau de l’UE et la création de marchés pilotes, y compris grâce à des règles en matière de marchés publics, des incitations fondées sur le marché, des normes et des labels afin d’orienter la consommation vers des matériaux et des biens durables dont les émissions sont proches de zéro.
·Cela nécessitera également une approche plus stratégique de la sécurisation de l’approvisionnement en produits de base critiques sur le marché mondial au moyen de mécanismes d’achat conjoint, ainsi que des mesures visant à améliorer la compétitivité des exportations européennes sur les marchés mondiaux.
·Parallèlement à un soutien ciblé à l’investissement, la tarification du carbone restera l’un des principaux moteurs du changement. Les systèmes actuels d’échange de quotas d’émission devront être complétés par une utilisation efficace de la taxation de l’énergie et la suppression progressive des subventions aux combustibles fossiles qui ne luttent pas contre la précarité énergétique ou ne favorisent pas une transition juste.
3.Des infrastructures d’approvisionnement, de transport et de stockage de l’hydrogène et du CO2
·Une intervention publique ciblée peut servir de catalyseur pour accélérer les investissements, y compris au niveau européen. Une attention particulière devrait être accordée au développement d’une infrastructure énergétique intégrée intelligente au niveau de la distribution, y compris pour la recharge et le ravitaillement en carburants des véhicules, et pour les pôles industriels, notamment pour la fourniture d’hydrogène et de matières premières à faible intensité de carbone pour remplacer les intrants d’origine fossile.
·La planification urbaine permettra aux citoyens et aux entreprises de décarboner leur environnement, que ce soit au moyen d’infrastructures de recharge ou du chauffage urbain.
4.Réduction accrue des émissions dans l’agriculture
·L’agriculture joue un rôle essentiel pour assurer la sécurité alimentaire. Comme d’autres secteurs, l’agriculture a également un rôle à jouer dans la transition écologique. Grâce à des politiques efficaces récompensant les bonnes pratiques, il est possible de réduire plus rapidement les émissions du secteur tout en renforçant les absorptions de carbone dans le secteur de l’utilisation des terres, dans les sols et les forêts. La chaîne de valeur agroalimentaire devrait être associée afin de créer des synergies et d’exploiter au maximum le potentiel d’atténuation.
·Des politiques et des incitations claires devraient être mises en place pour réaliser le potentiel d’innovation du système alimentaire et de la bioéconomie dans son ensemble, ainsi que pour fournir une alimentation saine et durable aux citoyens de l’Union.
5.La politique climatique en tant que politique d’investissement
·Une part supplémentaire de 1,5 % du PIB par rapport à la décennie 2011-2020 devrait être investie chaque année dans la transition, les ressources ne devant plus être affectées à des utilisations moins durables telles que les subventions aux combustibles fossiles. Cet objectif ne pourra être atteint sans une forte mobilisation du secteur privé. Ce dernier réalisera la plupart de ces investissements si le cadre d’action encourage les investissements à faible intensité de carbone et décourage les investissements à forte intensité de carbone, à condition que ces investissements revêtent un intérêt économique majeur.
·Des politiques spécifiques sont nécessaires pour faire de l’UE une destination privilégiée pour les investissements durables. Cela nécessite une réflexion globale sur tous les aspects de la question: de la fiscalité à l’accès au financement, des compétences aux charges administratives, et de l’approfondissement du marché intérieur aux coûts de l’énergie. Il s’agit d’un élément crucial pour le succès futur du programme de l’UE, qui devrait être coordonné avec les États membres de l’UE.
·La transition nécessite également une utilisation intelligente des aides publiques et des dispositifs financiers pour mobiliser les investissements privés à grande échelle. Un soutien public global destiné aux secteurs confrontés à un risque commercial élevé et aux ménages pour lesquels la disponibilité de capitaux est un problème est essentiel à cet égard. Cela nécessitera un engagement plus actif et moins d’aversion au risque de la part des acteurs financiers institutionnels, et notamment de la BEI. Dans le même temps, une aide publique reste essentielle, et l’utilisation efficace de ressources adéquates, y compris au moyen d’un financement de l’UE, devrait s’inscrire dans le cadre d’une réflexion, afin de rendre commercialement viables les projets industriels à émissions de carbone faibles ou nulles.
6.Équité, solidarité et politiques sociales au cœur de la transition
·Une économie neutre pour le climat, inclusive et résiliente garantira la prospérité et le bien-être à long terme des citoyens de l’UE. Toutefois, les politiques et les fonds publics, de même que le dialogue social, devront s’intéresser aux défis auxquels sont confrontés certains groupes et certaines régions, en soutenant les investissements des ménages en faveur de la décarbonation.
·Pour répondre aux préoccupations sociales, il faudra mettre clairement l’accent sur l’équité, la solidarité et les politiques sociales qui permettent non seulement d’atténuer l’incidence directe de la tarification du carbone, le cas échéant, mais aussi de faire en sorte que les ménages à faibles revenus puissent opérer une transition efficace vers le «zéro émission».
7.Des partenariats et une diplomatie climatique de l’UE pour encourager la décarbonation au niveau mondial
·L’UE devrait continuer à montrer l’exemple, apporter une contribution de grande ampleur à la réalisation des objectifs de l’accord de Paris, et élargir et approfondir ses partenariats internationaux.
·Elle devrait pratiquer une diplomatie mondiale active en matière de tarification du carbone, en synergie avec d’autres instruments de la politique climatique de l’UE tels que le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.
8.Gestion des risques et résilience
·Les ressources naturelles de l’UE sont essentielles pour fournir pleinement leurs services écosystémiques, notamment en ce qui concerne la maîtrise du changement climatique et le renforcement de la séquestration du carbone.
·La mise en œuvre du cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal et de la stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité sera essentielle pour atteindre les objectifs climatiques de l’UE, y compris l’objectif pour 2040.
·Le changement climatique aura néanmoins une incidence sur nos sociétés pour les années à venir. Nous devons donc nous y préparer et nous adapter dans le même temps. Le renforcement des mesures de préparation et de prévention des risques ainsi que la mise en œuvre coordonnée de politiques telles que l’utilisation rationnelle de l’eau ou des solutions fondées sur la nature permettront d’accroître la résilience de l’ensemble de notre économie et réduiront les coûts.
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