COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 28.10.2020
COM(2020) 682 final
2020/0310(COD)
Proposition de
DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL
relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union européenne
{SEC(2020) 362 final} - {SWD(2020) 245 final} - {SWD(2020) 246 final}
EXPOSÉ DES MOTIFS
1.CONTEXTE DE LA PROPOSITION
•Justification et objectifs de la proposition
Pour garantir des conditions de travail et de vie adéquates ainsi que pour bâtir des économies et des sociétés équitables et résilientes, conformément au programme de développement durable à l’horizon 2030 de l’Organisation des Nations unies et à ses objectifs de développement durable, il est essentiel de faire en sorte que les travailleurs de l’Union perçoivent des salaires adéquats. Les salaires adéquats constituent une composante fondamentale du modèle européen d’économie sociale de marché. La convergence entre les États membres dans ce domaine contribue à la réalisation de la promesse d’une prospérité partagée dans l’Union.
En novembre 2017, le Parlement européen, le Conseil et la Commission ont proclamé le socle européen des droits sociaux (ci-après le «socle») pour concrétiser la promesse de prospérité, de progrès et de convergence incarnée par l’Europe et faire de l’Europe sociale une réalité pour tous. Le principe nº 6 du socle, qui concerne les salaires, préconise la mise en place de salaires minimaux adéquats ainsi que d’une fixation transparente et prévisible des salaires, conformément aux pratiques nationales et dans le respect de l’autonomie des partenaires sociaux. Le
programme stratégique 2019-2024
, approuvé lors du Conseil européen de juin 2019, appelait à la mise en œuvre du socle au niveau de l’Union et au niveau national.
Les orientations politiques pour la Commission 2019-2024 annonçaient un plan d’action visant à mettre pleinement en œuvre le socle, y compris une initiative relative à des salaires minimaux équitables. La communication du 14 janvier 2020 intitulée «Construire une Europe sociale forte pour des transitions justes» a établi une feuille de route pour l’élaboration du plan d’action et a réaffirmé la volonté d’élaborer une initiative concernant les salaires minimaux, qui figure parmi les actions clés à mener au niveau de l’UE dans ce contexte. Une première phase de consultation des partenaires sociaux sur la manière de garantir des salaires minimaux adéquats aux travailleurs de l’Union a été lancée le même jour.
Dans son discours sur l’état de l’Union de septembre 2020, la présidente von der Leyen a déclaré ce qui suit: «[...] la vérité est que, pour trop de personnes, le travail ne paie plus. Le dumping salarial détruit la dignité du travail, pénalise l’entrepreneur qui paie des salaires décents et fausse la concurrence loyale sur le marché unique. La Commission présentera donc une proposition législative en vue d’aider les États membres à mettre en place un cadre pour les salaires minimum. Chacun doit avoir accès à un salaire minimum, que ce soit au titre d’une convention collective ou d’un salaire minimum légal.»
De meilleures conditions de travail et de vie, notamment grâce à des salaires minimaux adéquats, sont bénéfiques pour les travailleurs comme pour les entreprises de l’Union. Remédier aux écarts importants observés en ce qui concerne la couverture et le caractère adéquat des salaires minimaux contribue à renforcer l’équité du marché du travail de l’UE, à stimuler les améliorations de la productivité et à promouvoir le progrès économique et social. La concurrence dans le marché unique devrait reposer sur l’innovation et les améliorations de la productivité, ainsi que sur des normes sociales élevées.
Dans de nombreux États membres, au cours des dernières décennies, les bas salaires n’ont pas progressé au même rythme que les autres salaires. Les tendances structurelles qui sont en train de modifier en profondeur les marchés du travail, telles que la mondialisation, la numérisation et l’essor de formes de travail atypiques, en particulier dans le secteur des services, ont entraîné une polarisation accrue des emplois qui s’est traduite par une part croissante d’emplois faiblement rémunérés et peu qualifiés, et ont contribué à l’érosion des structures traditionnelles de négociations collectives. Cela a entraîné une augmentation de la pauvreté au travail et des inégalités salariales.
Le rôle des salaires minimaux devient plus important encore dans les périodes de récession économique. La crise de la COVID-19 a particulièrement touché les secteurs ayant une forte proportion de travailleurs à bas salaires, comme le commerce de détail et le tourisme, et a eu une incidence plus importante sur les catégories sociales défavorisées. Pour soutenir une reprise économique durable et inclusive, il faut faire en sorte que les travailleurs de l’Union aient accès à des possibilités d’emploi et puissent prétendre à des salaires minimaux adéquats.
La protection offerte par des salaires minimaux peut être prévue par des conventions collectives (comme c’est le cas dans 6 États membres) ou résulter de salaires minimaux fixés par la loi (comme c’est le cas dans 21 États membres).
Lorsqu’elle est fixée à des niveaux adéquats, la protection offerte par des salaires minimaux garantit une vie décente aux travailleurs, contribue à soutenir la demande intérieure, renforce les incitations au travail et réduit la pauvreté au travail et les inégalités au bas de l’échelle des salaires. La protection offerte par des salaires minimaux favorise également l’égalité entre les femmes et les hommes, puisque davantage de femmes que d’hommes perçoivent le salaire minimal ou une rémunération qui correspond à peu près à celui-ci.
Toutefois, à l’heure actuelle, de nombreux travailleurs de l’UE ne sont pas protégés par des salaires minimaux adéquats.
Dans la majorité des États membres disposant de salaires minimaux légaux nationaux, ceux-ci sont trop bas par rapport aux autres salaires ou ne suffisent pas à assurer une vie décente, même s’ils ont augmenté ces dernières années. Dans presque tous les États membres, les salaires minimaux légaux nationaux sont inférieurs à 60 % du salaire médian brut et/ou à 50 % du salaire moyen brut. En 2018, dans neuf États membres, le salaire minimal légal prévu pour un célibataire était inférieur au seuil de risque de pauvreté. En outre, certaines catégories spécifiques de travailleurs sont exclues de la protection offerte par des salaires minimaux légaux nationaux. Les États membres où la couverture des négociations collectives est importante présentent généralement une faible proportion de travailleurs à bas salaires et des salaires minimaux élevés. Toutefois, même dans les États membres qui s’appuient exclusivement sur les négociations collectives, certains travailleurs n’ont pas accès à la protection offerte par des salaires minimaux. La part des travailleurs exclus est comprise entre 10 % et 20 % dans quatre pays et atteint 55 % dans un autre.
Dans ce contexte, la directive proposée vise à faire en sorte que les travailleurs de l’Union soient protégés par des salaires minimaux adéquats leur permettant de vivre dignement quel que soit l’endroit où ils travaillent. Pour parvenir à ce résultat général, la proposition établit un cadre visant à rendre les salaires minimaux plus adéquats et à améliorer l’accès des travailleurs à la protection offerte par des salaires minimaux. Ces objectifs sont pertinents tant pour les systèmes de salaire minimal légal que pour les systèmes qui font appel aux négociations collectives. La directive proposée est conçue de manière à atteindre ces objectifs tout en prenant en considération et en respectant pleinement les spécificités des systèmes nationaux, les compétences nationales, l’autonomie des partenaires sociaux et la liberté contractuelle. Elle cherche également à garantir l’accès à l’emploi et à tenir compte des effets sur la création d’emplois et la compétitivité, y compris pour les PME. Elle offre une flexibilité suffisante pour prendre en considération les évolutions sociales et économiques, dont les tendances en matière de productivité et d’emploi.
Pour atteindre ces objectifs, la directive proposée vise à promouvoir les négociations collectives en matière de salaires dans tous les États membres. Les négociations collectives jouent un rôle déterminant dans la protection offerte par des salaires minimaux adéquats. Les pays où la couverture des négociations collectives est importante affichent généralement une proportion plus faible de travailleurs à bas salaires, des salaires minimaux plus élevés par rapport au salaire médian, des inégalités salariales moindres et des salaires plus élevés que les autres pays. Dans les États membres où la protection offerte par des salaires minimaux est assurée exclusivement au moyen de conventions collectives, le caractère adéquat de cette protection et la proportion de travailleurs protégés sont directement fonction des caractéristiques et du fonctionnement du système de négociations collectives. Dans les États membres qui se sont dotés de salaires minimaux légaux, les négociations collectives ont également un effet important sur le caractère adéquat du salaire minimal. En influant sur l’évolution générale des salaires, les négociations collectives permettent d’aboutir à des salaires supérieurs au niveau minimal fixé par la loi et elles induisent une amélioration de celui-ci. Elles stimulent également l’augmentation de la productivité.
Dans le cas des pays où il existe un salaire minimal légal, la directive proposée vise à faire en sorte que les États membres mettent en place les conditions permettant la fixation des salaires minimaux légaux à des niveaux adéquats, tout en tenant compte des conditions socio‑économiques ainsi que des différences régionales et sectorielles. Des critères définis de manière claire et stable et visant à promouvoir le caractère adéquat, ainsi qu’un cadre de gouvernance prévoyant des actualisations régulières et en temps utile et une participation effective des partenaires sociaux, contribuent à garantir le caractère adéquat des salaires minimaux légaux. La directive proposée vise également d’autres améliorations du caractère adéquat en limitant autant que possible l’application de variations des taux légaux du salaire minimal à certaines catégories spécifiques de travailleurs ou de retenues sur la rémunération.
Enfin, certains travailleurs pourraient ne pas être suffisamment protégés par les salaires minimaux en raison du non-respect des conventions collectives ou des dispositions légales nationales en vigueur. Il est essentiel de veiller au respect et à l’application effective des règles pour que les travailleurs puissent bénéficier d’un accès effectif à la protection offerte par des salaires minimaux et que les entreprises soient protégées contre la concurrence déloyale. Par conséquent, la directive proposée vise à promouvoir le respect des règles ainsi qu’à renforcer leur application et leur suivi dans tous les États membres de manière proportionnée, afin de ne pas créer de charge administrative excessive et disproportionnée pour les entreprises de l’Union, y compris les petites et moyennes entreprises et les microentreprises.
•Cohérence avec les dispositions existantes dans le domaine d’action
L’orientation nº 5 de la décision (UE) 2020/1512 du Conseil appelle les États membres, y compris ceux qui disposent de salaires minimaux légaux nationaux, à veiller à associer réellement les partenaires sociaux à la fixation des salaires, à garantir des salaires équitables qui permettent d’avoir un niveau de vie décent et à permettre un ajustement adéquat des salaires à l’évolution de la productivité, en vue d’une convergence vers le haut. Cette ligne directrice invite également les États membres à promouvoir le dialogue social et les négociations collectives en vue de la fixation des salaires. Elle demande en outre aux États membres et aux partenaires sociaux de veiller à ce que tous les travailleurs aient un salaire adéquat et équitable en leur permettant de bénéficier de l’existence de conventions collectives ou de salaires minimaux légaux appropriés, compte tenu de leur incidence sur la compétitivité, la création d’emplois et la pauvreté au travail. L’objectif général de la proposition est de faire en sorte que les travailleurs de l’Union soient protégés par des salaires minimaux adéquats. Elle vise notamment à favoriser les négociations collectives, à soutenir la participation des partenaires sociaux et à mettre en place des critères clairs et stables, qui favorisent le caractère adéquat du salaire minimal légal.
La directive (UE) 2019/1152 prévoit que les travailleurs doivent être informés sur les aspects essentiels de leur emploi, y compris la rémunération. La directive proposée dispose que les États membres doivent définir des critères clairs et stables, assurer des actualisations régulières et en temps utile des salaires minimaux légaux, et garantir une participation effective des partenaires sociaux, rendant ainsi plus transparente l’évolution du salaire minimal légal.
La directive 2014/67/UE prévoit une amélioration de l’accès des travailleurs détachés à l’information, notamment grâce à la mise en place de sites internet nationaux officiels uniques sur le détachement. Elle dispose également que les informations pertinentes doivent inclure les différents taux de salaire minimal et leurs éléments constitutifs lorsque les conditions de travail et d’emploi sont fixées dans des conventions collectives conformément à la directive 96/71/CE. La directive 2014/67/UE prévoit également la mise en place d’un mécanisme de responsabilité du sous-traitant couvrant au moins le secteur de la construction et les taux de salaire minimal. Un accès aisé aux informations sur les taux de salaire minimal légaux, comme le prévoit la directive 2014/67/UE, concourt à la réalisation des objectifs de la présente proposition, à savoir assurer la protection offerte par des salaires minimaux adéquats dans l’UE. En renforçant la mise en œuvre des cadres relatifs aux salaires minimaux légaux, en soutenant la mise en place de systèmes fiables de suivi et de collecte de données et en permettant aux travailleurs d’avoir accès à des mécanismes efficaces de règlement des litiges et à un droit à réparation, la directive proposée contribue également à la réalisation des objectifs de la directive 2014/67/UE.
La directive 2006/54/CE vise la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail. Étant donné que la majorité des personnes touchant un salaire minimal sont des femmes, la présente proposition favorise l’égalité entre les hommes et les femmes et la réduction de l’écart de rémunération existant entre eux en établissant un cadre pour des salaires minimaux adéquats dans l’UE. Par conséquent, la directive proposée contribue indirectement à la réalisation effective des objectifs de la directive 2006/54/CE.
La directive 2000/78/CE interdit toute discrimination directe ou indirecte en matière d’emploi, notamment fondée sur l’âge, en ce qui concerne les conditions de travail, y compris la rémunération [article 3, point c)]. Elle permet des différences de traitement qui sont objectivement et raisonnablement justifiées par un objectif légitime tel que la politique de l’emploi ou des objectifs de formation professionnelle. La directive proposée est conforme à cette approche, car elle dispose que les variations des taux de salaire minimal légal doivent être aussi limitées que possible et que, s’il y a lieu de prévoir de telles variations, justifiées objectivement et raisonnablement par un objectif légitime, elles doivent être non discriminatoires, proportionnées et limitées dans le temps.
La recommandation de la Commission du 3 octobre 2008 relative à l’inclusion active des personnes exclues du marché du travail place la promotion d’emplois de qualité au moyen d’un complément de ressources adéquat et de politiques du marché du travail favorisant l’insertion — y compris en matière de rémunération et de conditions de travail — au cœur de l’action de l’Union et des États membres, afin de prévenir la pauvreté au travail. La directive proposée vise à améliorer les conditions de travail et à réduire la pauvreté au travail en établissant un cadre pour des niveaux de salaire minimaux adéquats et pour l’accès à la protection offerte par des salaires minimaux telle que prévue par des conventions collectives ou des dispositions légales.
La directive proposée fait directement référence à la «clause sociale» prévue par la directive 2014/24/UE concernant la passation des marchés publics, clause qui figure également dans les actes connexes que sont la directive 2014/23/UE et la directive 2014/25/UE. Cette «clause sociale» impose aux États membres de prendre des mesures pour veiller à ce que les opérateurs économiques se conforment aux obligations applicables dans le domaine du droit du travail lors de l’exécution des marchés publics et des contrats de concession. À cette fin, la directive proposée prévoit que les États membres doivent prendre les mesures appropriées pour faire en sorte que, dans l’exécution de marchés publics ou de contrats de concession, les opérateurs économiques respectent les salaires fixés dans les conventions collectives applicables ou les salaires minimaux légaux lorsqu’ils existent. Cette obligation peut contribuer à renforcer le respect des exigences énoncées dans la «clause sociale» des directives précitées.
Le contenu des actes susmentionnés a été dûment analysé et pris en considération au cours du processus d’élaboration de la proposition de directive. Cette dernière est donc conforme aux dispositions en vigueur tout en introduisant des évolutions législatives nécessaires pour atteindre les objectifs de l’Union.
•Cohérence avec les autres politiques de l’Union
La directive proposée contribuera à la réalisation des objectifs de l’Union consistant à promouvoir le bien-être de ses peuples, à développer une économie sociale de marché hautement compétitive (article 3 du TFUE) et à promouvoir l’amélioration des conditions de vie et de travail (article 151 du TFUE). Elle porte également sur les droits énoncés dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en ce qui concerne le droit des travailleurs à des conditions de travail justes et équitables (article 31). La directive proposée contribue en outre à la mise en œuvre des principes suivants du socle européen des droits sociaux:
·principe nº 6 (salaires): conformément à ce principe, la proposition vise à garantir des salaires minimaux adéquats, pour que les travailleurs de l’Union aient droit à des salaires équitables leur assurant un niveau de vie décent, tout en respectant pleinement les traditions nationales et l’autonomie des partenaires sociaux. Elle prévoit également que les salaires minimaux légaux doivent être fixés de manière transparente et prévisible;
·principe nº 8 (dialogue social et participation des travailleurs): la proposition vise à promouvoir les négociations collectives en matière de fixation des salaires afin de favoriser la protection offerte par des salaires minimaux telle que prévue par des conventions collectives et de promouvoir la participation des partenaires sociaux à la fixation, à l’actualisation et à la mise en œuvre des salaires minimaux légaux;
·principe nº 2 (égalité entre les femmes et les hommes): étant donné que la majorité des personnes touchant un salaire minimal sont des femmes, en favorisant des salaires minimaux adéquats, la proposition soutiendra l’égalité entre les femmes et les hommes et contribuera à la réduction de l’écart de rémunération existant entre eux;
·principe nº 3 (égalité des chances): l’égalité de traitement et l’égalité des chances en matière d’emploi sont applicables à toute personne, sans distinction fondée sur le sexe, l’âge, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap ou l’orientation sexuelle. En visant à garantir l’accès des travailleurs de l’Union à la protection offerte par des salaires minimaux adéquats, la proposition contribuera à assurer l’égalité de traitement et à favoriser l’égalité des chances en matière d’emploi.
La directive proposée est également conforme aux priorités du Semestre européen. Dans l’esprit de la ligne directrice pour l’emploi nº 5, l’initiative va dans le sens de l’invitation adressée aux États membres dans la stratégie annuelle 2021 pour une croissance durable afin qu’ils adoptent des mesures visant à garantir des conditions de travail équitables. En outre, elle appuie les objectifs énoncés dans la stratégie annuelle 2020 pour une croissance durable, qui précise que, dans un contexte de fracture sociale croissante, veiller à ce que chaque travailleur de l’Union perçoive un salaire équitable constitue un objectif important. Elle est également conforme aux recommandations par pays adressées à certains États membres depuis 2011.
2.BASE JURIDIQUE, SUBSIDIARITÉ ET PROPORTIONNALITÉ
•Base juridique
La proposition de directive est fondée sur l’article 153, paragraphe 1, point b), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui dispose que l’Union soutient et complète l’action des États membres dans le domaine des conditions de travail, dans les limites des principes de subsidiarité et de proportionnalité (article 5, paragraphes 3 et 4, du traité sur l’Union européenne). Étant donné qu’elle ne contient pas de mesures ayant un effet direct sur le niveau des rémunérations, elle respecte pleinement les limites imposées à l’action de l’Union par l’article 153, paragraphe 5, du TFUE.
L’article 153, paragraphe 2, permet l’adoption de prescriptions minimales par voie de directives, celles-ci devant toutefois éviter d’imposer des contraintes administratives, financières et juridiques telles qu’elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises.
•Subsidiarité (en cas de compétence non exclusive)
L’accès à un salaire minimal garantissant un niveau de vie décent est une composante essentielle des conditions de travail adéquates. Si la rémunération au niveau national relève clairement de la compétence des États membres, les différences considérables que l’on constate pour ce qui est des normes d’accès à un salaire minimal adéquat font partie des conditions de travail et créent au sein du marché unique d’importantes disparités qui peuvent être mieux traitées à l’échelle de l’Union.
Dans la majorité des États membres, les travailleurs sont confrontés au caractère insuffisamment adéquat de la protection offerte par des salaires minimaux et/ou à des lacunes dans sa couverture. Ces problèmes touchent aussi bien les travailleurs des pays où il existe des salaires minimaux légaux que ceux des pays privilégiant les négociations collectives. En outre, il est probable que davantage de travailleurs seront concernés à l’avenir en raison du déclin des négociations collectives observé ces dernières décennies et de la polarisation croissante des marchés du travail. À cause de cette évolution, il sera difficile de créer des conditions de concurrence équitables dans le marché unique et de faire en sorte que la concurrence repose sur des normes sociales élevées, sur l’innovation et sur l’amélioration de la productivité.
Les politiques en matière de salaire minimal ont fait l’objet d’une surveillance multilatérale dans le cadre du Semestre européen et l’UE a publié des orientations à l’intention de certains États membres. Néanmoins, même si, ces dernières années, plusieurs États membres ont pris des mesures pour améliorer leurs systèmes de salaire minimal, l’action à l’échelle nationale n’a pas suffi à remédier au problème posé par le fait que la protection offerte par des salaires minimaux n’était pas suffisamment adéquate et/ou que sa couverture était insuffisante. En l’absence d’action à l’échelle de l’UE, certains pays peuvent être peu enclins à améliorer la fixation de leurs salaires minimaux, car ils ont l’impression que cela pourrait avoir une incidence négative sur leur compétitivité-coûts externe.
Une action au niveau de l’UE sera plus efficace pour renforcer les systèmes de fixation des salaires minimaux qu’une action au niveau national. Cette façon de procéder permettra de définir des attentes plus claires, de veiller à ce que les progrès ne soient pas partiels ou inégaux et de renforcer la confiance entre les États membres et les partenaires sociaux. Cela contribuera à donner l’élan nécessaire à la réforme des mécanismes de fixation du salaire minimal au niveau national. Une action au niveau de l’UE contribuera donc à garantir des conditions de concurrence équitables dans le marché unique en permettant de remédier aux différences importantes en matière de couverture et de caractère adéquat des salaires minimaux qui ne sont pas justifiées par les conditions économiques sous-jacentes. Cet objectif ne peut pas être atteint de manière suffisante par une action non coordonnée des États membres.
La directive proposée établit un cadre concernant des normes minimales et respecte le droit des États membres d’établir des normes plus élevées, sans préjudice du rôle que ceux-ci peuvent confier aux partenaires sociaux, conformément aux traditions nationales et en respectant pleinement la liberté contractuelle des partenaires sociaux. Conformément à l’article 153, paragraphe 2, point b), du TFUE, la directive proposée soutiendra et complétera l’action des États membres en prévoyant des prescriptions minimales applicables progressivement.
•Proportionnalité
La directive proposée prévoit des normes minimales, ce qui garantit que le degré d’intervention sera maintenu au niveau strictement nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis. Les États membres qui ont déjà adopté des dispositions plus favorables que celles qui figurent dans la directive proposée ne devront pas modifier leurs systèmes de fixation du salaire minimal. Les États membres peuvent également décider d’aller au-delà des normes minimales énoncées dans la directive proposée.
La proposition respecte les traditions nationales bien établies en matière de fixation du salaire minimal. En particulier, elle respecte pleinement les compétences des États membres et des partenaires sociaux en ce qui concerne la détermination du niveau de leur salaire minimal conformément à l’article 153, paragraphe 5, du TFUE. La protection offerte par des salaires minimaux continuera d’être assurée par des conventions collectives ou par des dispositions légales, dans le respect plein et entier des compétences nationales et de la liberté contractuelle des partenaires sociaux.
En outre, la directive proposée permet aux États membres de mettre en œuvre ses dispositions, notamment celles relatives aux négociations collectives et aux salaires minimaux légaux, en tenant compte de leur situation économique nationale et des spécificités de leurs systèmes de fixation du salaire minimal.
Par conséquent, la proposition laisse aux États membres la marge de décision la plus large possible, tout en atteignant les objectifs d’amélioration des conditions de travail par la mise en place d’un cadre permettant aux travailleurs de l’Union d’avoir accès à la protection offerte par des salaires minimaux. Le principe de proportionnalité est respecté compte tenu de l’ampleur et de la nature des problèmes observés.
•Choix de l’instrument
L’article 153, paragraphe 2, point b), du TFUE, lu en liaison avec l’article 153, paragraphe 1, point b), du TFUE, prévoit explicitement que des directives peuvent être utilisées pour établir des prescriptions minimales relatives aux conditions de travail à appliquer progressivement par les États membres.
3.RÉSULTATS DES ÉVALUATIONS EX POST, DES CONSULTATIONS DES PARTIES INTÉRESSÉES ET DES ANALYSES D’IMPACT
•Consultation des parties intéressées
Conformément à l’article 154 du TFUE, la Commission a procédé à une consultation en deux étapes des partenaires sociaux sur une éventuelle action de l’UE dans le domaine des salaires minimaux:
·lors de la première étape, du 14 janvier au 25 février 2020, la Commission a consulté les partenaires sociaux sur la nécessité d’une initiative relative aux salaires minimaux et sur son orientation possible;
·lors de la seconde étape, du 3 juin au 4 septembre 2020, la Commission a consulté les partenaires sociaux sur le contenu de la proposition envisagée et sur l’instrument juridique à employer.
D’une manière générale, les organisations de travailleurs étaient favorables aux objectifs et au contenu possible de l’initiative, tels que décrits dans le document relatif à la deuxième phase de consultation. Elles ont souligné que les traditions nationales et l’autonomie des partenaires sociaux devaient être respectées. Les organisations d’employeurs se sont quant à elles généralement déclarées en faveur de la plupart des objectifs et de l’orientation possible d’une initiative de l’UE qui étaient exposés dans le document de consultation. Toutefois, certaines d’entre elles ont mis en doute la valeur ajoutée de l’action réglementaire de l’UE en ce qui concerne la fixation du salaire minimal, compte tenu de la diversité des cadres nationaux, et ont souligné que les compétences des États membres et/ou des partenaires sociaux devaient être pleinement respectées.
Alors que les syndicats ont demandé à la Commission de proposer une directive prévoyant des exigences minimales contraignantes, aucune organisation d’employeurs n’était favorable à une directive contraignante dans le domaine des salaires minimaux.
Il n’y a pas eu d’accord entre les partenaires sociaux pour engager des négociations en vue de conclure un accord au niveau de l’Union, comme le prévoit l’article 155 du TFUE.
Les avis du public ont également été recueillis grâce aux réponses à l’Eurobaromètre standard 92 (automne 2019), qui comportait des questions sur les priorités de l’Union européenne (y compris le salaire minimal).
Des échanges de vues ciblés avec les États membres ont été menés par l’intermédiaire des comités du Conseil suivants: le comité de l’emploi, le comité de la protection sociale et le comité de politique économique. Le Parlement européen et le Comité économique et social européen ont également adopté des avis pertinents pour une initiative de l’UE relative à des salaires minimaux adéquats.
•Obtention et utilisation d’expertise
La Commission a commandé des études à des experts externes afin de recueillir des éléments qui ont servi à étayer l’analyse d’impact, à savoir notamment:
·une étude intitulée «Indexation of statutory minimum wage» (indexation du salaire minimal légal), réalisée par Diane Delaurens et Etienne Wasmer;
·une étude intitulée «Effects of statutory minimum wages on small and medium-sized enterprises» (effets des salaires minimaux légaux sur les petites et moyennes entreprises), réalisée par Attila Lindner, du University College, Londres;
·une étude intitulée «Effects of collectively agreed minimum wages in the Nordic countries» (effets des salaires minimaux fixés par des conventions collectives dans les pays nordiques), réalisée par Per Skedinger, du Research Institute of Industrial Economics (IFN).
La Commission a en outre eu recours aux contrats qu’elle avait déjà conclus afin de rassembler des éléments à l’appui de l’analyse d’impact, à savoir notamment:
·un ensemble de rapports d’experts sur les systèmes de fixation du salaire minimal dans les États membres de l’UE (un rapport d’expert par État membre) fourni par le European Centre of Expertise (ECE);
·des simulations, dans le cadre d’un contrat existant, utilisant le modèle impôts/prestations de l’OCDE, concernant les indicateurs du caractère adéquat et les effets incitatifs des salaires minimaux.
Dans le cadre de la coopération existante avec Eurofound, la Commission a demandé et obtenu:
·trois rapports par pays sur la fixation et le caractère adéquat des salaires minimaux ainsi que les débats d’orientation connexes, concernant respectivement l’Autriche, l’Italie et Chypre.
L’évaluation de la Commission s’est également fondée sur sa cartographie des politiques dans les États membres, ainsi que sur l’examen de la littérature et des débats d’orientation connexes dans ce domaine. En outre, des données analytiques ont été fournies par différentes directions générales de la Commission européenne. En particulier, une analyse par microsimulation des incidences économiques, sociales et budgétaires des salaires minimaux a été réalisée à l’aide du modèle Euromod. En outre, des simulations fondées sur des modèles pour évaluer les effets macroéconomiques des salaires minimaux ont été réalisées à l’aide du modèle QUEST. Enfin, une analyse des caractéristiques des personnes touchant le salaire minimal ou un bas salaire a été réalisée sur la base de données individuelles anonymisées tirées de l’enquête EU-SILC et de l’enquête européenne sur la structure des salaires.
•Analyse d’impact
Conformément à la politique d’amélioration de la réglementation, la Commission a réalisé une analyse d’impact portant sur plusieurs options. Ces travaux ont été étayés par les résultats d’une consultation structurée au sein de la Commission menée par un groupe de pilotage interservices.
L’analyse d’impact a été présentée au comité d’examen de la réglementation (ci-après le «CER») qui l’a examinée. Les recommandations formulées par le CER dans son premier avis (défavorable) du 2 octobre 2020 ont notamment été prises en considération comme suit: i) en distinguant mieux dans quelle mesure les problèmes, les objectifs spécifiques, les solutions proposées et leurs incidences s’appliquent aux différents types de systèmes de fixation des salaires minimaux; ii) en clarifiant davantage la manière dont l’analyse des problèmes permet d’évaluer l’absence de caractère adéquat des salaires minimaux dans les États membres; iii) en expliquant plus en détail en quoi l’initiative législative est conforme à la base juridique choisie et aux principes de subsidiarité et de proportionnalité; et iv) en explicitant la logique sous-tendant la composition des ensembles de mesures analysés. Pour répondre aux réserves formulées par le comité dans son second avis (avis favorable assorti de réserves) du 14 octobre 2020, le rapport d’analyse d’impact a encore précisé un certain nombre d’éléments: la logique sous-tendant la composition des ensembles d’options, les mesures les plus pertinentes pour la concrétisation de chaque ensemble d’options, les incidences sur les PME, le choix de l’ensemble de mesures privilégié et ses conséquences pour les pays tributaires des négociations collectives.
Tout au long des travaux d’analyse d’impact, une série de mesures ont été envisagées dans tous les domaines importants pour remédier au caractère insuffisamment adéquat des salaires minimaux et aux lacunes dans leur couverture. Dans le cadre de l’analyse d’impact, il a été procédé à l’examen de trois ensembles de mesures, chacun étant composé d’une combinaison de mesures différentes. À la suite d’une évaluation de leur efficacité, de leur efficience et de leur cohérence, un ensemble de mesures privilégié a été retenu.
Cet ensemble de mesures privilégié requiert de tous les États membres qu’ils soutiennent les négociations collectives en vue de la fixation des salaires, en particulier lorsque la couverture des négociations collectives est faible, et qu’ils renforcent l’application des salaires minimaux ainsi que le suivi de leur caractère adéquat et de leur couverture. De plus, en ce qui concerne les États membres où existent des salaires minimaux légaux, l’utilisation de critères clairs et stables pour orienter la fixation et l’actualisation des salaires minimaux et garantir un rôle accru des partenaires sociaux est exigée. En outre, le recours aux retenues et aux variations en ce qui concerne les salaires minimaux légaux est limité au strict nécessaire.
Cet ensemble de mesures a été évalué dans l’analyse d’impact comme étant le plus efficace, le plus efficient et le plus cohérent. L’analyse quantitative réalisée sur la base d’un scénario fondé sur une augmentation hypothétique des salaires minimaux à 60 % du salaire médian brut montre que le caractère adéquat des salaires minimaux en serait amélioré dans environ la moitié des États membres. Entre 10 et 20 millions de travailleurs bénéficieraient de ces améliorations. Dans plusieurs pays, l’amélioration de la protection offerte par des salaires minimaux entraînerait une diminution de la pauvreté au travail et des inégalités salariales de plus de 10 % ainsi qu’une réduction de l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes d’environ 5 % ou plus. Ces mesures devraient également renforcer les incitations au travail, soutenir l’égalité entre les hommes et les femmes et contribuer à réduire l’écart de rémunération existant entre eux, étant donné que la majorité des personnes percevant un salaire minimal (environ 60 % dans l’UE) sont des femmes.
Parmi les incidences économiques attendues figurent l’augmentation des coûts de main-d’œuvre pour les entreprises, une hausse des prix et, dans une moindre mesure, un recul des bénéfices. L’incidence sur les entreprises serait atténuée par une progression de la consommation des bas salaires, qui soutiendrait la demande intérieure. Les entreprises, en particulier les PME, tireraient également parti des hausses plus progressives et plus prévisibles des salaires minimaux, ce qui améliorerait l’environnement économique.
L’effet négatif éventuel sur l’emploi devrait être limité. Il resterait inférieur à 0,5 % de l’emploi total dans la plupart des cas, mais atteindrait 1 % dans trois États membres. Pour les travailleurs concernés, les avantages d’une protection accrue offerte par des salaires minimaux l’emporteraient largement sur les éventuelles conséquences négatives pour leur emploi.
En outre, les incidences sur la compétitivité globale devraient être faibles. L’ensemble de mesures privilégié prévoit une flexibilité suffisante pour permettre aux États membres de déterminer le rythme d’amélioration du caractère adéquat des salaires minimaux en fonction des conditions et des risques économiques, y compris pour des secteurs, régions et PME spécifiques.
•Droits fondamentaux
Les objectifs de la directive proposée sont conformes à la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et notamment à son article 31, paragraphe 1, relatif à des conditions de travail justes et équitables, qui dispose que «[t]out travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité». La proposition facilite également l’exercice des droits reconnus à l’article 23 de la charte des droits fondamentaux, qui fait spécifiquement référence à l’égalité entre les hommes et les femmes, puisqu’elle facilite la réduction de l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes.
4.INCIDENCE BUDGÉTAIRE
La proposition ne requiert pas de ressources supplémentaires du budget de l’Union européenne.
5.AUTRES ÉLÉMENTS
•Plans de mise en œuvre et modalités de suivi, d’évaluation et d’information
Les États membres doivent transposer la directive dans un délai de deux ans à compter de son adoption et communiquer à la Commission les mesures nationales d’exécution au moyen de la base de données MNE. Conformément à l’article 153, paragraphe 3, du TFUE, ils peuvent confier aux partenaires sociaux la mise en œuvre de la directive.
Afin de déterminer l’efficacité de l’initiative, la Commission présentera chaque année au Parlement européen et au Conseil une analyse des avancées réalisées en ce qui concerne le caractère adéquat et la couverture de la protection offerte par des salaires minimaux, sur la base de données et d’informations annuelles qui devront être fournies par les États membres. En outre, les progrès effectués devraient faire l’objet d’un suivi dans le cadre du processus de coordination des politiques économiques et de l’emploi à l’échelle de l’UE (Semestre européen). Dans ce contexte, le comité de l’emploi examinera chaque année la situation en ce qui concerne les négociations collectives en vue de la fixation des salaires et le caractère adéquat de la protection offerte par des salaires minimaux dans les États membres, sur la base des rapports élaborés par la Commission.
La Commission est disposée à fournir un soutien technique aux États membres, notamment par l’intermédiaire de l’instrument de soutien technique et du Fonds social européen plus, pour qu’ils puissent mettre en œuvre la directive.
La Commission procédera également à une évaluation de la directive cinq ans après sa transposition. En outre, la Commission présentera ensuite un rapport examinant la mise en œuvre de la présente directive au Parlement européen et au Conseil.
•Explication détaillée des différentes dispositions de la proposition
Chapitre I – Dispositions générales
Article premier – Objet
Cette disposition définit l’objet de la directive, à savoir établir un cadre à l’échelle de l’Union pour garantir à la fois que les salaires minimaux sont fixés à un niveau adéquat et que les travailleurs ont accès à la protection offerte par des salaires minimaux, sous la forme d’un salaire minimal légal ou de salaires fixés par des conventions collectives.
Cet article précise également que la directive n’interfère pas avec la liberté des États membres de fixer des salaires minimaux légaux ou de promouvoir l’accès à la protection offerte par des salaires minimaux telle que prévue par des conventions collectives, conformément aux traditions nationales et dans le respect plein et entier de la liberté contractuelle des partenaires sociaux. Il précise en outre que la directive n’impose aucune obligation d’introduire un salaire minimal légal dans les États membres où il n’existe pas ou de rendre les conventions collectives d’application générale.
Article 2 – Champ d’application
Cet article clarifie le champ d’application de la directive, qui inclut les travailleurs ayant un contrat de travail ou une relation de travail au sens de la législation, des conventions collectives ou de la pratique dans chaque État membre, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.
Cette approche vis-à-vis du champ d’application personnel de la directive proposée a également été suivie aux fins des directives 2019/1152 et 2019/1158. Elle permet de remédier au risque d’exclure du champ d’application de la directive proposée un nombre croissant de travailleurs occupant des formes d’emploi atypiques, tels que les travailleurs domestiques, les travailleurs à la demande, les travailleurs intermittents, les travailleurs relevant d’un régime basé sur des chèques, les faux indépendants, les travailleurs des plateformes, les stagiaires et les apprentis. La directive proposée s’appliquerait à ces travailleurs, pour autant qu’ils remplissent les critères établis par la Cour de justice en ce qui concerne la définition d’un «travailleur».
Article 3 – Définitions
Cette disposition définit un certain nombre de termes et de notions nécessaires à l’interprétation des dispositions de la directive.
Article 4 – Promotion des négociations collectives en vue de la fixation des salaires
Cette disposition vise à accroître la couverture des négociations collectives. À cette fin, les États membres sont tenus de prendre des mesures pour promouvoir la capacité des partenaires sociaux à s’engager dans des négociations collectives en vue de la fixation des salaires et pour encourager des négociations constructives, utiles et éclairées sur les salaires.
En outre, elle exige que les États membres dans lesquels la couverture des négociations collectives (telle que définie à l’article 3) n’atteint pas au moins 70 % des travailleurs prévoient un cadre pour les négociations collectives et établissent un plan d’action pour promouvoir les négociations collectives.
Chapitre II – Salaires minimaux légaux
Les dispositions de ce chapitre ne s’appliquent qu’aux États membres ayant mis en place des salaires minimaux légaux.
Article 5 – Caractère adéquat
Afin de garantir le caractère adéquat des salaires minimaux légaux, cette disposition impose aux États membres qui en disposent de prévoir les éléments suivants: des critères nationaux de fixation et d’actualisation des salaires minimaux légaux définis de manière stable et claire, des actualisations régulières et en temps utile et la création d’organes consultatifs.
Les critères nationaux devraient inclure au moins le pouvoir d’achat des salaires minimaux, le niveau général des salaires bruts et leur répartition, le taux de croissance des salaires bruts et l’évolution de la productivité du travail. Ils devraient être définis conformément aux pratiques nationales, que ce soit dans la législation nationale pertinente, dans les décisions des organes compétents ou dans des accords tripartites. Les États membres sont également invités à utiliser des valeurs de référence indicatives pour guider l’évaluation du caractère adéquat des salaires minimaux légaux, telles que celles couramment utilisées au niveau international.
Article 6 – Variations et retenues
Afin de promouvoir le caractère adéquat des salaires minimaux pour toutes les catégories de travailleurs, cette disposition invite les États membres, en concertation avec les partenaires sociaux, à limiter le recours aux variations des salaires minimaux ainsi que leur application dans le temps et leur ampleur.
Cet article prévoit également la protection des salaires minimaux légaux contre les retenues injustifiées ou disproportionnées. Certaines retenues opérées sur les salaires minimaux légaux peuvent en effet être justifiées par un objectif légitime, par exemple lorsqu’elles sont ordonnées par une autorité judiciaire. D’autres, comme les retenues liées à l’équipement nécessaire à l’exécution d’un travail ou les retenues résultant de prestations en nature, telles que le logement, peuvent être injustifiées ou disproportionnées.
Article 7 – Participation des partenaires sociaux à la fixation et à l’actualisation des salaires minimaux légaux
Cette disposition exige une participation effective et en temps utile des partenaires sociaux à la fixation et à l’actualisation des salaires minimaux légaux, y compris par la participation aux organes consultatifs mentionnés à l’article 5. Elle impose aux États membres d’associer les partenaires sociaux à la définition des critères visés à l’article 5, aux actualisations des salaires minimaux, à l’établissement des variations et des retenues mentionnées à l’article 6, ainsi qu’à la collecte de données et à la réalisation d’études dans ce domaine.
Outre le fait qu’elle contribue à garantir et à préserver le caractère adéquat des salaires minimaux, une participation effective et en temps utile des partenaires sociaux est également un élément de bonne gouvernance qui permet un processus décisionnel éclairé et inclusif.
Article 8 – Accès effectif des travailleurs aux salaires minimaux légaux
Cette disposition impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires, en coopération avec les partenaires sociaux, pour garantir aux travailleurs un accès effectif à la protection offerte par des salaires minimaux légaux. L’action requise consisterait notamment à renforcer le système de contrôles et d’inspections sur le terrain, à fournir des orientations aux autorités chargées de l’application de la législation et à communiquer aux travailleurs des informations adéquates sur les salaires minimaux légaux applicables.
Chapitre III – Dispositions horizontales
Article 9 – Marchés publics
Cette disposition exige que, lors de l’exécution des marchés publics et des contrats de concession, les opérateurs économiques (y compris la chaîne de sous-traitance par la suite) respectent les salaires fixés collectivement et les salaires minimaux légaux applicables lorsqu’ils existent. Il se peut effectivement que les dispositions légales en matière de salaires minimaux ou les salaires fixés dans des conventions collectives ne soient pas respectés lors de l’exécution de ces contrats, ce qui se traduit pour les travailleurs par des salaires inférieurs à la protection offerte par les salaires minimaux applicables.
L’obligation énoncée dans cette disposition relève des obligations applicables dans le domaine du droit du travail énoncées à l’article 18, paragraphe 2, et à l’article 71, paragraphe 1, de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics, à l’article 36, paragraphe 2, et à l’article 88, paragraphe 1, de la directive 2014/25/UE relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux, ainsi qu’à l’article 30, paragraphe 3, et à l’article 42, paragraphe 1, de la directive 2014/23/UE sur l’attribution de contrats de concession. La clarification et la référence explicite aux dispositions susmentionnées visent à soutenir et à renforcer leur mise en œuvre dans le domaine des salaires minimaux.
Article 10 – Suivi et collecte des données
Cette disposition fait référence à la mise en place d’un système efficace de suivi et de collecte de données. Les États membres sont tenus de charger leurs autorités compétentes de mettre au point des outils de collecte de données efficaces et fiables, qui devraient permettre aux États membres de communiquer chaque année à la Commission les données pertinentes concernant la couverture et le caractère adéquat des salaires minimaux.
Conformément à cette disposition, les États membres doivent veiller à ce que les informations relatives aux conventions collectives et à leurs dispositions en matière de salaires soient transparentes et accessibles au public.
En vue de suivre la mise en œuvre de cette directive, cette disposition prévoit également que la Commission présente au Parlement européen et au Conseil une analyse des avancées réalisées en ce qui concerne le caractère adéquat et la couverture des salaires minimaux sur la base des informations fournies par les États membres. En outre, sur la base du rapport de la Commission, le comité de l’emploi serait chargé d’examiner la promotion des négociations collectives en vue de la fixation des salaires et le caractère adéquat des salaires minimaux dans les États membres, dans le cadre du processus de coordination des politiques économiques et de l’emploi à l’échelle de l’UE.
Article 11 – Droit à réparation et protection contre un traitement défavorable ou des conséquences défavorables
Cette disposition impose aux États membres de garantir que, sans préjudice des formes spécifiques de réparation et de règlement des litiges prévues, le cas échéant, par des conventions collectives, les travailleurs et leurs représentants ont accès à un règlement des litiges effectif et impartial et à un droit à réparation, y compris à une indemnisation adéquate, ainsi qu’à une protection effective contre toute forme de préjudice lorsqu’ils décident d’exercer le droit de défense de leurs droits en ce qui concerne la protection offerte par des salaires minimaux telle qu’elle a été établie. Les États membres doivent veiller à ce que les travailleurs et leurs représentants bénéficient d’une protection contre un traitement défavorable ou des conséquences défavorables de la part de l’employeur, qui pourraient dissuader les travailleurs d’introduire une plainte en cas de violation de leurs droits.
Article 12 – Sanctions
Cette disposition impose aux États membres de prévoir des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives en cas de non-respect des dispositions nationales établissant une protection offerte par des salaires minimaux.
Chapitre IV – Dispositions finales
Article 13 – Mise en œuvre
Cette disposition souligne que, conformément à l’article 153, paragraphe 3, du TFUE, les États membres peuvent confier aux partenaires sociaux la mise en œuvre de la directive, lorsque les partenaires sociaux le demandent et dès lors que les États membres prennent toutes les dispositions nécessaires leur permettant d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats recherchés par ladite directive.
Article 14 – Diffusion des informations
Cette disposition vise à mieux faire connaître dans les États membres les droits conférés par la présente directive, ainsi que d’autres dispositions existant dans le même domaine.
Article 15 – Évaluation et examen
Cette disposition prévoit que la Commission procédera à une évaluation de la directive cinq ans après sa transposition. La Commission présentera ensuite aux colégislateurs un rapport examinant la mise en œuvre de la directive et, si elle le juge nécessaire, fera des propositions de révision et de mise à jour de ladite directive.
Article 16 – Non-régression et dispositions plus favorables
Il s’agit d’une disposition type qui permet aux États membres d’octroyer un niveau de protection plus élevé que celui garanti par la directive proposée et qui empêche que celle-ci ne soit utilisée pour revoir à la baisse les normes existantes dans les mêmes domaines.
Article 17 – Transposition
Il s’agit de dispositions types établissant le délai maximal dont disposent les États membres pour transposer la directive en droit national et communiquer les textes pertinents à la Commission (deux ans), ainsi que l’obligation pour les États membres de communiquer à la Commission les informations relatives à l’application de la présente directive.
Article 18 – Entrée en vigueur
Il s’agit d’une disposition type précisant que la directive entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel.
Article 19 – Destinataires
Il s’agit d’une disposition type sur les destinataires, qui indique clairement que les États membres sont destinataires de la directive.
2020/0310 (COD)
Proposition de
DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL
relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union européenne
LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE,
vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 153, paragraphe 2, en liaison avec l’article 153, paragraphe 1, point b),
vu la proposition de la Commission européenne,
après transmission du projet d’acte législatif aux parlements nationaux,
vu l’avis du Comité économique et social européen,
vu l’avis du Comité des régions,
statuant conformément à la procédure législative ordinaire,
considérant ce qui suit:
(1)Conformément à l’article 3 du traité sur l’Union européenne, l’Union a notamment pour objectifs de promouvoir le bien-être de ses peuples et d’œuvrer pour le développement durable de l’Europe fondé sur une économie sociale de marché hautement compétitive.
(2)L’article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose que tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité.
(3)La charte sociale européenne établit que tous les travailleurs ont droit à des conditions de travail équitables. Elle reconnaît le droit de tous les travailleurs à une rémunération équitable leur assurant, ainsi qu’à leurs familles, un niveau de vie satisfaisant. L’article 4 de la charte reconnaît le rôle des conventions collectives librement conclues ainsi que des mécanismes légaux de fixation des salaires minimaux pour assurer l’exercice effectif de ce droit.
(4)Le chapitre II du socle européen des droits sociaux, proclamé à Göteborg le 17 novembre 2017, établit un ensemble de principes qui doivent servir d’orientations pour garantir des conditions de travail équitables. Le principe nº 6 du socle européen des droits sociaux réaffirme que les travailleurs ont droit à un salaire équitable leur assurant un niveau de vie décent. Il prévoit également qu’un salaire minimal adéquat doit être garanti, de manière à permettre de satisfaire les besoins des travailleurs et de leur famille en fonction des conditions économiques et sociales nationales, tout en préservant l’accès à l’emploi et la motivation à chercher un emploi. En outre, il rappelle qu’il convient d’éviter la pauvreté au travail et que tous les salaires doivent être fixés d’une manière transparente et prévisible, dans le respect de l’autonomie des partenaires sociaux.
(5)La ligne directrice nº 5 de la décision (UE) 2020/1512 du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres appelle les États membres à veiller à associer réellement les partenaires sociaux à la fixation des salaires pour garantir des salaires équitables qui permettent d’avoir un niveau de vie décent et permettre un ajustement adéquat des salaires à l’évolution de la productivité, en vue d’une convergence vers le haut. La ligne directrice invite également les États membres à promouvoir le dialogue social et les négociations collectives en vue de la fixation des salaires. Elle appelle en outre les États membres et les partenaires sociaux à veiller à ce que tous les travailleurs aient un salaire adéquat et équitable en bénéficiant de l’existence de conventions collectives ou de salaires minimaux légaux appropriés, compte tenu de leur incidence sur la compétitivité, la création d’emplois et la pauvreté des travailleurs. La stratégie annuelle 2021 pour une croissance durable prévoit que les États membres devraient adopter des mesures pour garantir des conditions de travail équitables. En outre, la stratégie annuelle 2020 pour une croissance durable a rappelé que, dans un contexte de fracture sociale croissante, il importe de veiller à ce que chaque travailleur perçoive un salaire adéquat. Plusieurs recommandations par pays ont également été adressées à certains États membres dans le domaine des salaires minimaux. Cependant, certains pays peuvent être peu enclins à améliorer la fixation de leurs salaires minimaux car ils ont l’impression que cela pourrait avoir une incidence négative sur leur compétitivité-coûts externe.
(6)De meilleures conditions de travail et de vie, notamment grâce à des salaires minimaux adéquats, sont bénéfiques pour les travailleurs comme pour les entreprises de l’Union et constituent une condition préalable pour parvenir à une croissance inclusive et durable. Remédier aux différences importantes observées en ce qui concerne la couverture et le caractère adéquat de la protection offerte par des salaires minimaux contribue à renforcer l’équité du marché du travail de l’UE ainsi qu’à promouvoir le progrès économique et social et la convergence vers le haut. La concurrence dans le marché unique devrait reposer sur des normes sociales élevées, l’innovation et l’amélioration de la productivité, afin de garantir des conditions de concurrence équitables.
(7)Lorsqu’ils sont fixés à des niveaux adéquats, les salaires minimaux protègent les revenus des travailleurs défavorisés, contribuent à garantir un niveau de vie décent et limitent la baisse des revenus en période de conjoncture défavorable, comme le reconnaît la convention nº 131 de l’Organisation internationale du travail sur la fixation des salaires minima. Les salaires minimaux contribuent à soutenir la demande intérieure, à renforcer les incitations au travail ainsi qu’à réduire les inégalités salariales et la pauvreté au travail.
(8)Les femmes, les travailleurs jeunes et peu qualifiés ainsi que les personnes handicapées sont plus susceptibles de faire partie des personnes touchant un salaire minimal ou un bas salaire que les autres catégories. En période de récession économique, telle que la crise de la COVID-19, le rôle des salaires minimaux dans la protection des travailleurs à bas salaires devient de plus en plus important et est essentiel pour soutenir une reprise économique durable et inclusive. Prendre en considération la question des salaires minimaux contribue à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la réduction de l’écart de rémunération et de pension entre les hommes et les femmes, ainsi qu’à la sortie des femmes de la pauvreté.
(9)La pandémie de COVID-19 a une incidence significative sur le secteur des services et sur les petites entreprises; dans les deux cas, on observe une part importante de travailleurs percevant des salaires minimaux. En outre, les salaires minimaux sont également importants compte tenu des tendances structurelles qui modifient en profondeur les marchés du travail et qui se caractérisent de plus en plus par une proportion élevée de travail atypique et précaire. Ces tendances se sont traduites par une polarisation accrue de l’emploi, entraînant une augmentation de la part des emplois faiblement rémunérés et peu qualifiés dans la plupart des États membres, ainsi que par un creusement des inégalités salariales dans certains d’entre eux.
(10)Si la protection offerte par des salaires minimaux existe dans tous les États membres, dans certains, elle résulte de dispositions législatives («salaires minimaux légaux») et de conventions collectives, tandis que dans d’autres, elle est prévue exclusivement par des conventions collectives.
(11)La protection offerte par des salaires minimaux telle que prévue par des conventions collectives dans les emplois faiblement rémunérés est, dans la plupart des cas, adéquate; les salaires minimaux légaux sont faibles par rapport aux autres salaires de l’économie dans plusieurs États membres. En 2018, dans neuf États membres, le salaire minimal légal prévu pour un salarié célibataire était inférieur au seuil de risque de pauvreté. En outre, le recours à des taux réduits de salaire minimal (variations) et à des retenues opérées sur les salaires minimaux légaux a une incidence négative sur leur caractère adéquat.
(12)Tous les travailleurs de l’Union ne sont pas protégés par des salaires minimaux. Dans certains États membres, certains travailleurs, même s’ils sont couverts, perçoivent en pratique une rémunération inférieure au salaire minimal légal en raison du non-respect des règles en vigueur. En particulier, il a été constaté que ce non-respect affectait notamment les femmes, les jeunes travailleurs, les personnes handicapées et les travailleurs agricoles. Dans les États membres où la protection offerte par des salaires minimaux n’est assurée que par des conventions collectives, la part des travailleurs non couverts représente, d’après les estimations, de 2 % à 55 % de l’ensemble des travailleurs.
(13)Alors que des négociations collectives solidement ancrées au niveau sectoriel ou interprofessionnel contribuent à garantir la protection offerte par des salaires minimaux adéquats, les structures traditionnelles de négociation collective se sont érodées au cours des dernières décennies, en partie en raison d’un glissement structurel de l’économie vers des secteurs moins syndicalisés et du déclin de l’affiliation syndicale lié à l’augmentation des formes de travail atypiques et nouvelles.
(14)La Commission a consulté les partenaires sociaux dans le cadre d’un processus en deux étapes en ce qui concerne les mesures envisageables pour relever les défis liés à un niveau adéquat de protection offerte par des salaires minimaux dans l’Union, conformément à l’article 154 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Il n’y a pas eu d’accord entre les partenaires sociaux pour entamer des négociations sur ces questions. Il importe toutefois de prendre des mesures à l’échelle de l’Union pour faire en sorte que les travailleurs de l’Union soient protégés par des salaires minimaux adéquats, compte tenu des résultats de la consultation des partenaires sociaux.
(15)La présente directive établit des exigences minimales à l’échelle de l’Union pour garantir à la fois que les salaires minimaux sont fixés à un niveau adéquat et que les travailleurs peuvent avoir accès à la protection offerte par des salaires minimaux, sous la forme d’un salaire minimal légal ou sous la forme de salaires fixés par des conventions collectives telles que définies aux fins de la présente directive.
(16)Dans le respect plein et entier de l’article 153, paragraphe 5, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la présente directive ne vise ni à harmoniser le niveau des salaires minimaux dans l’ensemble de l’Union, ni à établir un mécanisme uniforme de fixation des salaires minimaux. Elle n’interfère pas avec la liberté des États membres de fixer des salaires minimaux légaux ou de promouvoir l’accès à la protection offerte par des salaires minimaux telle que prévue par des conventions collectives, conformément aux traditions et aux spécificités de chaque pays et dans le respect plein et entier de la liberté contractuelle des partenaires sociaux. La présente directive n’impose pas aux États membres dans lesquels la protection offerte par des salaires minimaux est assurée exclusivement par voie de conventions collectives de mettre en place un salaire minimal légal ou de rendre les conventions collectives d’application générale. En outre, la présente directive n’établit pas le niveau de rémunération, qui relève de la liberté contractuelle des partenaires sociaux à l’échelon national et de la compétence des États membres en la matière.
(17)La présente directive devrait s’appliquer aux travailleurs qui ont un contrat de travail ou une relation de travail au sens de la législation, des conventions collectives ou de la pratique en vigueur dans chaque État membre, compte tenu des critères établis par la Cour de justice de l’Union européenne pour la détermination du statut de travailleur. Pour autant qu’ils remplissent ces critères, les travailleurs domestiques, les travailleurs à la demande, les travailleurs intermittents, les travailleurs relevant d’un régime basé sur des chèques, les faux indépendants, les travailleurs des plateformes, les stagiaires et les apprentis pourraient entrer dans le champ d’application de la présente directive. Les travailleurs réellement indépendants ne relèvent pas du champ d’application de la présente directive car ils ne remplissent pas ces critères. L’abus du statut de travailleur indépendant, au sens du droit national, à l’échelon national ou dans des situations transfrontières, est une forme de travail faussement déclaré qui est fréquemment associée au travail non déclaré. Il y a faux travail indépendant lorsqu’une personne, bien que remplissant les conditions caractéristiques d’une relation de travail, est déclarée en tant que travailleur indépendant en vue d’éviter certaines obligations juridiques ou fiscales. Ces personnes devraient relever du champ d’application de la présente directive. La détermination de l’existence d’une relation de travail devrait être guidée par les faits relatifs à l’exécution effective du travail et non par la manière dont les parties décrivent la relation.
(18)Le bon fonctionnement des négociations collectives en vue de la fixation des salaires est un moyen important de garantir que les travailleurs sont protégés grâce à des salaires minimaux adéquats. Dans les États membres où des salaires minimaux légaux sont en place, les négociations collectives soutiennent l’évolution générale des salaires et contribuent donc à améliorer le caractère adéquat des salaires minimaux. Dans les États membres où la protection offerte par des salaires minimaux est assurée exclusivement par les négociations collectives, leur niveau ainsi que la part des travailleurs protégés sont directement déterminés par le fonctionnement du système de négociation collective et la couverture des négociations collectives. Des négociations collectives solides et efficaces ainsi qu’une couverture élevée des conventions collectives sectorielles ou interprofessionnelles renforcent le caractère adéquat et la couverture des salaires minimaux.
(19)Dans un contexte de baisse de la couverture des négociations collectives, il est essentiel que les États membres promeuvent les négociations collectives afin d’améliorer l’accès des travailleurs à la protection offerte par des salaires minimaux telle que prévue par des conventions collectives. Les États membres où la couverture des négociations collectives est importante se distinguent généralement par une faible proportion de travailleurs à bas salaires et par des salaires minimaux élevés. Dans les États membres où la part des bas salaires est faible, le taux de couverture des négociations collectives est supérieur à 70 %. De même, dans la majorité des États membres affichant des niveaux élevés de salaires minimaux par rapport au salaire médian, la couverture des négociations collectives dépasse 70 %. Si tous les États membres devraient être encouragés à promouvoir les négociations collectives, ceux qui n’atteignent pas ce niveau de couverture devraient, en consultation et/ou en accord avec les partenaires sociaux, prévoir un cadre de procédures de facilitation et de dispositifs institutionnels propice aux conditions de la négociation collective ou, lorsqu’un tel cadre existe, le renforcer. Ce cadre devrait être établi par la loi ou par un accord tripartite.
(20)Il est nécessaire que des règles, des procédures et des pratiques solides soient en place pour la fixation et l’actualisation des salaires minimaux légaux afin d’en garantir le caractère adéquat, tout en préservant l’emploi et la compétitivité des entreprises, y compris des petites et moyennes entreprises. Il faut notamment prévoir un certain nombre d’éléments visant à préserver le caractère adéquat des salaires minimaux légaux, notamment des critères et des indicateurs permettant d’évaluer ce caractère adéquat, des actualisations régulières et en temps utile, l’existence d’organes consultatifs et la participation des partenaires sociaux. Une participation effective et en temps utile des partenaires sociaux constitue un autre élément de bonne gouvernance qui permet un processus décisionnel éclairé et inclusif.
(21)Les salaires minimaux sont considérés comme adéquats s’ils sont équitables par rapport à la répartition des salaires dans le pays et s’ils offrent un niveau de vie décent. La détermination du caractère adéquat des salaires minimaux légaux se fait sur la base des conditions socio-économiques nationales, y compris la croissance de l’emploi, la compétitivité et les évolutions régionales et sectorielles. Le caractère adéquat de ces salaires devrait être évalué au moins en fonction de leur pouvoir d’achat, de l’évolution de la productivité et de leur relation avec les niveaux, la répartition et la croissance des salaires bruts. L’utilisation d’indicateurs communément utilisés au niveau international, tels que 60 % du salaire médian brut et 50 % du salaire moyen brut, peut aider à guider l’évaluation du caractère adéquat des salaires minimaux par rapport au niveau brut des salaires.
(22)Afin de promouvoir le caractère adéquat des salaires minimaux pour toutes les catégories de travailleurs, il conviendrait de limiter autant que possible les variations des salaires minimaux légaux et les retenues opérées sur ces salaires, tout en garantissant que les partenaires sociaux sont dûment consultés dans leur définition. Certaines retenues opérées sur les salaires minimaux légaux peuvent en effet être justifiées par un objectif légitime, par exemple lorsque les montants versés ont été surestimés ou que les retenues sont ordonnées par une autorité judiciaire. D’autres, comme les retenues liées à l’équipement nécessaire à l’exécution d’un travail ou les retenues résultant de prestations en nature, telles que le logement, peuvent être injustifiées ou disproportionnées.
(23)Un système efficace permettant de faire appliquer la législation, fondé notamment sur des contrôles et des inspections sur le terrain, est nécessaire pour assurer le fonctionnement des cadres réglementaires nationaux en matière de salaires minimaux. Pour renforcer l’efficacité des autorités chargées de faire appliquer la législation, une coopération étroite avec les partenaires sociaux est également nécessaire, notamment pour relever les défis critiques tels que ceux liés à la sous-traitance, au faux travail indépendant ou aux heures supplémentaires non déclarées. En outre, les travailleurs devraient avoir facilement accès à des informations appropriées sur les salaires minimaux légaux applicables afin que soit garanti un degré adéquat de transparence et de prévisibilité en ce qui concerne leurs conditions de travail.
(24)La mise en œuvre effective de la protection offerte par des salaires minimaux, telle que fixée par des dispositions juridiques ou prévue par des conventions collectives, est essentielle à l’exécution des marchés publics et des contrats de concession. Il se peut effectivement que les conventions collectives prévoyant une protection grâce à des salaires minimaux dans un secteur donné ne soient pas respectées lors de l’exécution de tels contrats ou dans la chaîne de sous-traitance par la suite, ce qui se traduit par une rémunération des travailleurs inférieure au niveau de salaire convenu dans les conventions collectives sectorielles. Pour prévenir de telles situations, les opérateurs économiques doivent appliquer à leurs travailleurs les salaires fixés par les conventions collectives dans le secteur et la zone géographique concernés afin de se conformer aux obligations applicables dans le domaine du droit du travail, telles qu’elles sont énoncées à l’article 18, paragraphe 2, et à l’article 71, paragraphe 1, de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil sur la passation des marchés publics, à l’article 36, paragraphe 2, et à l’article 88, paragraphe 1, de la directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil relative à la passation de marchés de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux ainsi qu’à l’article 30, paragraphe 3, et à l’article 42, paragraphe 1, de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil sur l’attribution de contrats de concession.
(25)Un suivi et une collecte de données fiables sont essentiels pour garantir le caractère effectif de la protection offerte par des salaires minimaux. La Commission devrait rendre compte chaque année au Parlement européen et au Conseil de son analyse des avancées réalisées en ce qui concerne le caractère adéquat et la couverture des salaires minimaux, sur la base de données et d’informations annuelles devant être fournies par les États membres. En outre, les progrès effectués devraient faire l’objet d’un suivi dans le cadre du processus de coordination des politiques économiques et de l’emploi à l’échelle de l’Union. Dans ce contexte, le comité de l’emploi devrait examiner chaque année la situation dans les États membres sur la base des rapports établis par la Commission et d’autres outils de surveillance multilatérale tels que l’évaluation comparative.
(26)Les travailleurs devraient être en mesure d’exercer leurs droits de la défense en cas de violation de leurs droits relatifs à la protection offerte par des salaires minimaux telle qu’elle a été établie. Afin d’éviter que les travailleurs ne soient privés de leurs droits, et sans préjudice des formes spécifiques de réparation et de règlement des litiges prévues par des conventions collectives, y compris les systèmes de règlement collectif des litiges, les États membres devraient prendre les mesures nécessaires pour garantir qu’ils ont accès à un règlement des litiges effectif et impartial et à un droit à réparation, y compris à une indemnisation adéquate, et qu’ils bénéficient d’une protection effective contre toute forme de préjudice s’ils décident d’exercer leurs droits de la défense.
(27)La Commission devrait procéder à une évaluation qui servira de base à un examen de la mise en œuvre effective de la présente directive. Le Conseil et le Parlement européen devraient être informés des résultats de cet examen.
(28)Les réformes et les mesures adoptées par les États membres pour promouvoir la protection des travailleurs par des salaires minimaux adéquats, tout en allant dans la bonne direction, n’ont pas été globales et systématiques. En outre, certains pays peuvent être peu enclins à améliorer le caractère adéquat et la couverture des salaires minimaux car ils ont l’impression que cela pourrait avoir une incidence négative sur leur compétitivité-coûts externe. Étant donné que les objectifs de la présente directive ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres mais peuvent, en raison de leurs dimensions et de leurs effets, l’être mieux au niveau de l’Union, celle-ci peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l’article 5 du traité sur l’Union européenne. Conformément au principe de proportionnalité tel qu’énoncé audit article, la présente directive n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs.
(29)La présente directive fixe des exigences minimales, laissant ainsi intacte la prérogative des États membres d’introduire ou de maintenir des dispositions plus favorables. Les droits acquis au titre du cadre juridique national existant devraient continuer de s’appliquer, sauf si des dispositions plus favorables sont introduites par la présente directive. La mise en œuvre de la présente directive ne peut ni servir à réduire les droits existants des travailleurs, ni constituer une justification valable pour diminuer le niveau général de protection offert aux travailleurs dans le domaine relevant de la présente directive.
(30)Lors de la mise en œuvre de la présente directive, les États membres devraient éviter d’imposer des contraintes administratives, financières et juridiques telles qu’elles contrarieraient la création et le développement des microentreprises et des petites et moyennes entreprises. Les États membres sont donc invités à évaluer les incidences de leur acte de transposition sur les petites et moyennes entreprises afin de veiller à ce qu’elles ne subissent pas de conséquences disproportionnées, en portant une attention particulière aux microentreprises et à la charge administrative, et à publier les résultats de ces évaluations, S’il est constaté que les microentreprises ainsi que les petites et moyennes entreprises sont affectées de manière disproportionnée, les États membres devraient envisager d’introduire des mesures visant à aider ces entreprises à adapter leurs structures de rémunération aux nouvelles exigences.
(31)Les États membres ont à leur disposition l’instrument de soutien technique et le Fonds social européen plus pour développer ou améliorer les aspects techniques des cadres des salaires minimaux, notamment en ce qui concerne l’évaluation de leur caractère adéquat, le suivi et la collecte de données, l’élargissement de l’accès, l’application et le renforcement général des capacités liées à la mise en œuvre desdits cadres,
ONT ADOPTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE:
CHAPITRE I
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article premier
Objet
1.Afin d’améliorer les conditions de travail et de vie dans l’Union, la présente directive établit un cadre aux fins suivantes:
a)la détermination du niveau adéquat des salaires minimaux;
b)l’accès des travailleurs à la protection offerte par des salaires minimaux, sous la forme de salaires fixés par des conventions collectives ou sous la forme d’un salaire minimal légal, lorsqu’il existe.
La présente directive ne porte pas atteinte au respect plein et entier de l’autonomie des partenaires sociaux, ainsi que de leur droit de négocier et de conclure des conventions collectives.
2.La présente directive est sans préjudice du choix des États membres de fixer des salaires minimaux légaux ou de promouvoir l’accès à une protection offerte par des salaires minimaux telle que prévue par des conventions collectives.
3.Aucune disposition de la présente directive ne peut être interprétée comme imposant aux États membres dans lesquels la fixation des salaires est assurée exclusivement par voie de conventions collectives l’obligation de mettre en place un salaire minimal légal ou de rendre les conventions collectives d’application générale.
Article 2
Champ d’application
La présente directive s’applique aux travailleurs de l’Union qui ont un contrat de travail ou une relation de travail au sens de la législation, des conventions collectives ou de la pratique en vigueur dans chaque État membre, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.
Article 3
Définitions
Aux fins de la présente directive, on entend par:
1)«salaire minimal»: la rémunération minimale qu’un employeur est tenu de verser aux travailleurs pour le travail accompli au cours d’une période donnée, calculé sur la base du temps ou de la production;
2)«salaire minimal légal»: un salaire minimal fixé par la loi ou par d’autres dispositions juridiques contraignantes;
3)«négociations collectives»: toutes les négociations qui ont lieu entre un employeur, un groupe d’employeurs ou une ou plusieurs organisations d’employeurs, d’une part, et une ou plusieurs organisations de travailleurs, d’autre part, en vue de déterminer les conditions de travail et d’emploi, et/ou de réglementer les relations entre les employeurs et les travailleurs, et/ou de réglementer les relations entre des employeurs ou leurs organisations et une organisation de travailleurs ou des organisations de travailleurs;
4)«convention collective»: toutes les conventions écrites régissant les conditions de travail et d’emploi conclues par les partenaires sociaux à la suite de négociations collectives;
5)«couverture des négociations collectives»: la part des travailleurs au niveau national à l’égard desquels une convention collective s’applique.
Article 4
Promotion des négociations collectives en vue de la fixation des salaires
1.Afin d’accroître la couverture des négociations collectives, les États membres prennent, en concertation avec les partenaires sociaux, au moins des mesures aux fins suivantes:
a)promouvoir la constitution et le renforcement des capacités des partenaires sociaux à s’engager dans des négociations collectives en vue de la fixation des salaires au niveau sectoriel ou interprofessionnel;
b)encourager des négociations constructives, utiles et éclairées sur les salaires entre les partenaires sociaux.
2.Les États membres dans lesquels la couverture des négociations collectives est inférieure à 70 % des travailleurs visés à l’article 2 prévoient en outre un cadre offrant des conditions propices à la tenue de négociations collectives, soit sous la forme d’une loi après consultation des partenaires sociaux, soit sous la forme d’un accord avec lesdits partenaires sociaux, et établissent un plan d’action pour promouvoir les négociations collectives. Le plan d’action est rendu public et notifié à la Commission européenne.
CHAPITRE II
SALAIRES MINIMAUX LÉGAUX
Article 5
Caractère adéquat
1.Les États membres dans lesquels il existe des salaires minimaux légaux prennent les mesures nécessaires pour que la fixation et l’actualisation de ces salaires reposent sur des critères conçus pour en promouvoir le caractère adéquat dans le but de garantir des conditions de travail et de vie décentes, la cohésion sociale et la convergence vers le haut. Les États membres définissent ces critères conformément à leurs pratiques nationales, que ce soit dans la législation nationale pertinente, dans les décisions des organes compétents ou dans des accords tripartites. Les critères sont définis de manière stable et claire.
2.Les critères nationaux visés au paragraphe 1 comprennent au moins les éléments suivants:
a)le pouvoir d’achat des salaires minimaux légaux, compte tenu du coût de la vie et de la contribution des impôts et des prestations sociales;
b)le niveau général et la répartition des salaires bruts;
c)le taux de croissance des salaires bruts;
d)l’évolution de la productivité de la main-d’œuvre.
3.Pour guider leur évaluation du caractère adéquat des salaires minimaux légaux, les États membres ont recours à des valeurs de référence indicatives, telles que celles couramment utilisées au niveau international.
4.Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer l’actualisation régulière et en temps utile des salaires minimaux légaux afin de préserver leur caractère adéquat.
5.Les États membres mettent en place des organes consultatifs chargés de conseiller les autorités compétentes sur les questions liées aux salaires minimaux légaux.
Article 6
Variations et retenues
1.Les États membres peuvent autoriser des taux de salaires minimaux légaux différents pour des catégories spécifiques de travailleurs. Les États membres limitent le plus possible ces variations et veillent à ce que toute variation soit non discriminatoire, proportionnée, limitée dans le temps s’il y a lieu, et justifiée objectivement et raisonnablement par un objectif légitime.
2.Les États membres peuvent autoriser des retenues prévues par la loi qui réduisent la rémunération versée aux travailleurs à un niveau inférieur à celui du salaire minimal légal. Les États membres veillent à ce que ces retenues sur les salaires minimaux légaux soient nécessaires, objectivement justifiées et proportionnées.
Article 7
Participation des partenaires sociaux à la fixation et à l’actualisation des salaires minimaux légaux
Les États membres prennent les mesures nécessaires pour garantir que les partenaires sociaux sont associés de manière effective et en temps utile à la fixation et à l’actualisation des salaires minimaux légaux, y compris par leur participation aux organes consultatifs visés à l’article 5, paragraphe 5, et notamment en ce qui concerne:
a)le choix et l’application des critères et des valeurs de référence indicatives visés à l’article 5, paragraphes 1, 2 et 3, pour la détermination des niveaux de salaires minimaux légaux;
b)les actualisations des niveaux de salaires minimaux légaux visées à l’article 5, paragraphe 4;
c)l’établissement des variations et retenues touchant les salaires minimaux légaux qui sont visées à l’article 6;
d)la collecte de données et la réalisation d’études pour l’information des autorités chargées de la fixation des salaires minimaux légaux.
Article 8
Accès effectif des travailleurs aux salaires minimaux légaux
Pour améliorer l’accès des travailleurs à la protection offerte par des salaires minimaux légaux, le cas échéant, les États membres prennent, en coopération avec les partenaires sociaux, les mesures suivantes:
1)ils renforcent les contrôles et inspections sur le terrain effectués par les inspections du travail ou par les organes chargés de l’application des salaires minimaux légaux. Les contrôles et inspections sont proportionnés et non discriminatoires;
2)ils élaborent des orientations à l’intention des autorités chargées de l’application de la législation afin de cibler et de poursuivre de manière proactive les entreprises qui ne respectent pas les règles;
3)ils veillent à ce que les informations sur les salaires minimaux légaux soient mises à la disposition du public sous une forme claire, complète et aisément accessible.
CHAPITRE III
DISPOSITIONS HORIZONTALES
Article 9
Marchés publics
Conformément à la directive 2014/24/UE, à la directive 2014/25/UE et à la directive 2014/23/UE, les États membres prennent les mesures appropriées pour garantir que, dans l’exécution des marchés publics ou des contrats de concession, les opérateurs économiques respectent les salaires fixés par les conventions collectives pour le secteur et la zone géographique concernés ainsi que les salaires minimaux légaux, lorsqu’ils existent.
Article 10
Suivi et collecte de données
1.Les États membres chargent leurs autorités compétentes de mettre au point des outils efficaces de collecte de données pour surveiller la couverture et le caractère adéquat des salaires minimaux.
2.Les États membres communiquent à la Commission, avant le 1er octobre de chaque année, les données suivantes:
a)pour les salaires minimaux légaux:
i)le niveau du salaire minimal légal et la part des travailleurs couverts par ce salaire;
ii)les variations existantes et la part des travailleurs qu’elles couvrent;
iii)les retenues existantes;
iv)le taux de couverture des négociations collectives;
b)pour la protection offerte par des salaires minimaux telle que prévue uniquement par des conventions collectives:
i)la répartition en déciles de ces salaires, pondérée par la part des travailleurs couverts;
ii)le taux de couverture des négociations collectives;
iii)le niveau des salaires pour les travailleurs ne bénéficiant pas de la protection offerte par des salaires minimaux telle que prévue par des conventions collectives, ainsi que le rapport entre ce niveau et celui des salaires des travailleurs bénéficiant d’une telle protection minimale.
Les États membres ventilent les statistiques et informations visées dans le présent paragraphe par sexe, tranche d’âge, handicap, taille de l’entreprise et secteur.
Le premier rapport couvre les années [X, Y, Z: les trois années précédant l’année de transposition] et est présenté au plus tard le [1er octobre YY: l’année suivant la transposition]. Les États membres peuvent omettre les statistiques et informations qui ne sont pas disponibles avant le [date de transposition].
La Commission peut demander aux États membres de fournir des informations complémentaires au cas par cas lorsqu’elle estime avoir besoin de ces informations pour surveiller la mise en œuvre effective de la présente directive.
3.Les États membres veillent à ce que les informations relatives à la protection offerte par des salaires minimaux, y compris les conventions collectives et les dispositions salariales que celles-ci contiennent, soient transparentes et accessibles au public.
4.La Commission évalue les données transmises par les États membres dans les rapports visés au paragraphe 2 et fait rapport chaque année au Parlement européen et au Conseil.
5.Sur la base du rapport de la Commission, le comité de l’emploi institué conformément à l’article 150 du TFUE effectue chaque année un examen portant sur les actions menées pour promouvoir les négociations collectives en vue de la fixation des salaires et sur le caractère adéquat des salaires minimaux dans les États membres.
Article 11
Droit à réparation et protection contre un traitement défavorable ou des conséquences défavorables
1.Les États membres veillent à ce que, sans préjudice des formes spécifiques de réparation et de règlement des litiges prévues, le cas échéant, dans des conventions collectives, les travailleurs — y compris ceux dont la relation de travail a pris fin — aient accès à un règlement des litiges effectif et impartial et bénéficient d’un droit à réparation, y compris une indemnisation adéquate, en cas de violation de leurs droits en ce qui concerne les salaires minimaux légaux ou la protection offerte par des salaires minimaux telle que prévue par des conventions collectives.
2.Les États membres prennent les mesures nécessaires pour protéger les travailleurs, y compris ceux qui sont des représentants des travailleurs, contre tout traitement défavorable de la part de l’employeur et contre toute conséquence défavorable résultant d’une réclamation déposée auprès de l’employeur ou découlant de toute procédure engagée dans le but de faire respecter leurs droits en ce qui concerne les salaires minimaux légaux ou la protection offerte par des salaires minimaux telle que prévue par des conventions collectives.
Article 12
Sanctions
Les États membres fixent le régime des sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales. Les sanctions ainsi prévues sont effectives, proportionnées et dissuasives.
CHAPITRE IV
DISPOSITIONS FINALES
Article 13
Exécution
Les États membres peuvent confier aux partenaires sociaux la mise en œuvre de la présente directive, lorsque les partenaires sociaux le demandent. Ce faisant, les États membres prennent toutes les dispositions nécessaires pour que les résultats recherchés par la présente directive soient garantis à tout moment.
Article 14
Diffusion des informations
Les États membres veillent à ce que les mesures nationales transposant la présente directive, ainsi que les dispositions pertinentes déjà en vigueur portant sur l’objet visé à l’article 1er, soient portées à la connaissance des travailleurs et des employeurs, y compris les PME.
Article 15
Évaluation et examen
La Commission procède à une évaluation de la directive au plus tard le [cinq ans après la date de transposition]. La Commission présente ensuite au Parlement européen et au Conseil un rapport examinant la mise en œuvre de la directive et propose, le cas échéant, des modifications législatives.
Article 16
Non-régression et dispositions plus favorables
1.La présente directive ne constitue pas une justification valable à la régression du niveau général de protection déjà accordé aux travailleurs dans les États membres.
2.La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d’appliquer ou d’introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables aux travailleurs, ou de favoriser ou de permettre l’application de conventions collectives qui sont plus favorables aux travailleurs.
3.La présente directive s’applique sans préjudice de tous les autres droits accordés aux travailleurs par d’autres actes juridiques de l’Union.
Article 17
Transposition
1.Les États membres adoptent les dispositions nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le [deux ans à compter de la date d’entrée en vigueur]. Ils en informent immédiatement la Commission.
Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.
2.Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit interne qu’ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive.
Article 18
Entrée en vigueur
La présente directive entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.
Article 19
Destinataires
Les États membres sont destinataires de la présente directive.
Fait à Bruxelles, le
Par le Parlement européen
Par le Conseil
Le président
Le président